Le crépuscule des démagogues

...par Charles Gave - le 10/12/2016.

 

Economiste et financier

Président Fondateur de l'Institut des Libertés (www.institutdeslibertes.org)

Diplômé de l'université de Toulouse (DECSS d'économie)

     et de l’université de Binghamton (MBA),

Président Fondateur de Gavekal research (www.gavekal.com) et de Gavekal securities (Hong Kong)

Membre du conseil d'administration de SCOR

Co-fondateur de Cursitor-Eaton Asset Management (Londres) (1986)

Créateur de l'entreprise Cegogest (recherche économique) (1973) 

Ouvrages

Charles Gave s'est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire :

Des Lions menés par des ânes (Editions Robert Laffont) (2003) où il dénonçait l'Euro et ses fonctionnements monétaires.Ouvrage préfacé par Milton Friedman

Un libéral nommé Jésus, Bourin, 2005 C'est une révolte ? Non, Sire, c'est une révolution. L'intelligence prend le pouvoir, Bourin, 2006

Libéral, mais non coupable, Bourin Éditeur, 2009

'Etat est mort, vive l'état - Editions François Bourin 2009

     Dernier ouvrage qui prévoyait la chute de la Grèce et de l'Espagne. 

 



Qu’est-ce que la démagogie?

Pour parler de ce sujet qui semble être àla mode je vais retenir la définition qu’en donne Wikipedia : "La démagogie (du grec demos "le peuple " et ago : "conduire") est une notion politique désignant  les façons par lesquelles les dirigeants mènent le peuple en le manipulant pour s’attirer ses faveurs, notamment en utilisant un discours flatteur ou appelant aux passions. Le discours du démagogue sort du champ du rationnel pour s’adresser aux pulsions, aux frustrations du peuple, à ses craintes. En outre il recourt à la satisfaction immédiate des attentes ou des souhaits les plus flagrants du public ciblé, sans recherche de l’intérêt général mais dans le but de s’attirer personnellement la sympathie, et de gagner des soutiens. L’argumentation démagogique doit être simple, voire simpliste, afin de pouvoir être comprise et reprise par le public auquel elle est adressée. Elle fait fréquemment appel à la facilité voire à la paresse intellectuelle en proposant des analyses et des solutions qui semblent évidentes, sans une dose (nécessaire, et suffisante) d’imagination."

La notion de démagogie nous vient donc de la Grèce antique où être un démagogue consistait à raconter au peuple que la farine serait chère (pour plaire aux paysans) et le pain bon marché (pour plaire aux autres). En termes simples, le démagogue tient des propos dont il sait qu’ils sont idiots et contradictoires les uns avec les autres en pensant que cela va l’amener à être élu, et donc à vivre aux dépens des autres sans avoir à travailler vraiment.

Pour Aristote, la démagogie, comme l’anarchie, étaient des maladies de la démocratie et comme chacun le sait, la démagogie a tué la démocratie à Athènes. Entre un démagogue et un escroc, la seule différence réside dans la taille de la tentative d’enfumage et certainement pas dans les principes de fonctionnement. Le principe est le même, le démagogue et l’escroc pensent que le peuple ou le gogo sont idiots, et dans le fond cela les amusent de les tromper… 

 

Essayons de résumer l’histoire de la politique en France depuis 1981 à la lumière des lignes précédentes ,en passant en revue les figures marquantes de la scène politique depuis cette date fatidique où la France est passée de l’ombre à la lumière.

 

Commençons par monsieur Mitterrand.

A l’évidence, il fut un dirigeant désastreux (il suffit de regarder là où la France en est aujourd’hui pour s’en convaincre), mais cette incapacité à s’élever que donne une âme basse ne doit pas dissimuler qu’il fût un démagogue prodigieux, sachant jouer comme personne des passions opposées qui déchirent la France depuis très longtemps. Il arriva au pouvoir en proposant un programme extraordinairement irréaliste et simpliste et donc démagogique (le Programme Commun de la Gauche) tout en sachant pertinemment qu’il allait amener à un désastre économique, ce qui ne le gêna nullement. Pour ce genre d’homme, la fin (arriver au pouvoir) justifie les moyens (le mensonge utilisé comme un moyen politique). Mais ce qui était le plus remarquable chez monsieur Mitterrand était qu’il prenait un plaisir intellectuel considérable à rouler tout le monde dans la farine, et en particulier les gens de son parti, étant en cela beaucoup plus escroc que démagogue. Et pour arriver à ses fins, il utilisait à merveille la puissance de la parole, à laquelle les Français, héritiers des Gaulois sont très attachés. J’en veux donc beaucoup à monsieur Mitterrand qui, de façon consciente,a convaincu les Français que mentir, trahir, être malhonnête étaient nécessaires pour être élu et pour gouverner et qui donc a fait de notre pays une nation où l’électorat est devenu cynique et où plus personne ne croit à la notion de la recherche du bien commun. Si les dirigeants recherchent leur intérêt personnel, alors, on ne peut pas demander au peuple de surmonter des passions qui dans le passé nous ont amené souvent à la guerre civile.

 

A ce personnage  qui ne manquait pas d’une certaine grandeur noire succéda un autre démagogue d’envergure, monsieur Chirac, auteur de cette phrase immortelle "Les promesses faites par un candidat n’engagent que ceux qui y ont cru ", qui est la meilleure définition jamais donnée de la démagogie. Apres 14 années de Mitterrandisme, nous en étions arrivés à un point ou le candidat non seulement n’essayait même plus de dissimuler qu’il était un démagogue mais bien mieux s’en vantait. L’escroc prenait comme acquis le fait que le peuple était idiot et ne demandait qu’à être trompé. Et les Français de rire grassement à cette fine affirmation que pour gouverner, il fallait être une crapule. Se reconnaître cyniquement comme démagogue et en même temps affirmer à haute voix que le peuple était facile à berner, c’était de façon implicite condamner la Nation à mort en détruisant la volonté de vivre ensemble. Quel pays mérite t-il de survivre s'il est composé de crapules, de benêts et d’esclaves qui choisiront volontairement de rester en esclavage ? Il est difficile de tomber plus bas moralement, et les résultats de monsieur Chirac furent à la hauteur de la confiance qu’il avait dans la démocratie.

La chute continua malheureusement avec les deux Présidents suivants, d’abord un démagogue mâtiné de populiste, suivi par un autre démagogue inapte quant à lui  à la moindre prise de décision, et la dégringolade morale de notre pays continua donc de façon accélérée. 

 

Pourquoi suis-je en train de revenir sur ces quarante années calamiteuses va me demander le lecteur? 

Pour une raison très simple : la quasi-totalité des commentateurs politiques qui ont le droit à la parole dans notre beau pays c’est-à-dire ceux affiliées aux sectes "hommes de Davos", plutôt de droite, ou "Oints du Seigneurs", plutôt de gauche, s’en vont partout répétant à qui mieux mieux que les raclées électorales que leurs candidats sont en train de subir viennent de ce que le peuple serait en train de tomber sous le charme néfaste de méchants démagogues.

Et voilà qui me semble le degré zéro de l’analyse politique.

Car en France depuis 1981, nous n’avons été gouvernés que par des démagogues, chacun d’entre eux étant pire que le précédent. A mon avis, et depuis la sortie de scène de monsieur Barre en 1981, la démagogie a de fait totalement dominé toute la politique de notre pays. Et donc, dire que la France serait à la veille de tomber entre les mains d’affreux démagogues c’est simplement nier l’évidence que la France n’a été gouvernée que par des démagogues et depuis très longtemps.

C’est prendre les gens une fois encore pour des imbéciles et donc être soi-même dans le camp des démagogues en place. (Ceux qui disent cette contre vérité sont bien entendu payés par les démagogues au pouvoir actuellement et ils sont morts de peur de voir leurs prébendes s’arrêter si leurs maitres venaient à être battus.)

Car ces régimes démagogiques qui nous plombent ont engendré de façon inévitable un système de caste quasiment héréditaire, une sorte d’église, pour laquelle la politique est devenue un métier, une occupation à plein temps. Et le modus operandi de cette caste dont fait partie le système des media officiels consiste à déployer des règles qui visent toutes à empêcher le Peuple de s’exprimer en essayant de lui faire croire qu’il est divisé et que ses différentes parties ont des intérêts radicalement différents.

 

Cela a été la stratégie de madame Clinton pendant toute la campagne électorale aux USA : essayer de faire croire que voter pour monsieur Trump c’était voter pour le racisme, le sexisme, la xénophobie et que sais-je encore. Tout le monde a compris pourquoi il ne fallait pas voter pour monsieur Trump. A ce jour, personne ne m’a expliqué pourquoi il fallait voter pour madame Clinton… Et cette stratégie fut brillamment reprise par monsieur Juppé pour la primaire de la droite, avec les résultats heureux (pour nous, mais pas pour lui) que chacun a pu constater.       

Et donc, le peuple n’est pas en train de se laisser séduire par je ne sais quel démagogue mais est tout simplement soit en train de se rendre compte que la démagogie ne fonctionne pas comme système politique, ce qui serait une bonne, une très bonne nouvelle, soit que les démagogues au pouvoir sont vraiment trop nuls et qu’il faut en essayer d’autres, ce qui serait moins encourageant.  

En fait, ce à quoi nous assistons est dans le fond tellement surprenant que nul ne semble prendre conscience de la réalité du phénomène qui se déroule sous nos yeux : le peuple (et j’ai presque envie de dire les peuples tant ce mouvement est mondial), est en train de se révolter contre les démagogues et les structures de pouvoir qu’ils ont mis en place, ce qui est une chose extraordinairement nouvelle. Hélas, cela ne veut pas dire que le peuple ne va pas voter pour de nouveaux démagogues du style de monsieur Mélenchon par exemple, mais en tout état de cause il semble bien décidé à virer les démagogues au pouvoir depuis des décennies sous leur forme "de gauche" ou sous leur forme "de droite".  

Apres tout, la gauche de pouvoir a trahi le peuple pendant au moins un demi-siècle, alors que la droite pendant la même période a trahi la Nation. 

Donc nos élites vont être virées pour haute trahison tant démagogie et traîtrise vont toujours de pair. Et dans ces procès pour trahison qui s’annoncent, il me semble que l’un des deux pans de la machine mise en place depuis quarante ans pour contrôler les peuples risque de s’effondrer, et je veux bien entendu parler ici des partis de gauche.

Pour la droite retrouver des gens qui vont parler à nouveau aux citoyens "du Pays" n’est pas très difficile comme l’ont montré les exemples de Nigel Farage, de Trump ou d’Orban en Hongrie. Les candidats ne vont pas manquer et je ne doute pas du succès.  Pour la gauche, qui est maintenant représentée par une élite urbaine et administrative de bobos qui détestent le peuple (Voir Cabu et son beauf), la tâche pour trouver de nouveaux représentants du "peuple de gauche" va être beaucoup plus ardue puisque celui-ci est en train de disparaître…                                  

Et cela sera d’autant plus difficile que cette gauche n’a plus aucun corps de doctrine, le socialisme ayant échoué partout tandis que l’internationalisme, doctrine officielle de la nouvelle gauche (un tiers-mondiste, deux tiers mondains) n’est guère attrayant en dehors du corps professoral et du Vème arrondissement à Paris.

Et donc, les partis de gauche s’écroulent partout sous nos yeux et en temps réel : aux USA avec le parti Démocrate, en Grande–Bretagne avec le parti Travailliste, en France avec le parti Socialiste qui risque bien de disparaître ou de se scinder en deux ou trois composantes comme cela s’est déjà passé en Espagne. Et je ne parle pas de la Pologne ou de la Hongrie où ces partis ont déjà quasiment disparu.

Bref, il me semble que les cartes politiques vont être rebattues dans tous les pays démocratiques : d’un côté, nous aurons une droite terrienne, industrielle, protectionniste et fondamentalement conservatrice ; de l’autre, une droite libérale plutôt internationaliste, travaillant dans les services et plutôt fondamentalement libertaire sur le plan des mœurs.

Et entre les deux, pas grand-chose…  C’est ce que va révéler sans doute la prochaine élection présidentielle en France.

Et je n’ai pas la moindre idée du poids respectif de ces deux forces politiques en France à l’heure actuelle.

Et je suis loin d’être le seul…

 


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