Le Pen et Macron, des programmes au son de la canonnière.
Les programmes de Marine Le Pen et Emmanuel Macron en
matière de défense n'évoquent plus comme en 2012 les économies que devrait faire l'armée. Au vue de la menace terroriste et de l'instabilité géopolitique chronique, les deux candidats ont une
rhétorique plus guerrière.
Les deux candidats qualifiés pour le second tour - Marine Le Pen, Emmanuel Macron - ont présenté des programmes ambitieux en matière de défense. Il faut dire que la
menace terroriste, notamment djihadiste, qui est à un très haut niveau, et l'instabilité géopolitique chronique d'un nouveau monde (Russie, Corée du Nord, Iran, Irak, Afghanistan, Syrie, Libye,
Sahel...) n'incitent plus les candidats à baisser la garde en matière de défense. Le temps est donc révolu où les pacifistes et certains pays voulaient engranger les dividendes de la paix.
Dans ce nouveau contexte, Marine Le Pen et Emmanuel Macron n'évoquent plus, comme les candidats à la présidentielle de 2012, les économies que devrait faire
l'armée. Non, les deux candidats convoquent désormais dans leur programme et discours la grandeur de la France, Richelieu et le général de Gaulle pour une rhétorique beaucoup plus guerrière. Cela
se traduit dans les programmes de Marine Le Pen et d'Emmanuel Macron par une hausse plus ou moins crédible du budget de la défense. En revanche, les deux candidats proposent une mesure gadget
(service militaire réduit) beaucoup trop onéreuse dans un contexte de contrainte budgétaire. Une mesure d'un autre temps qui coûte de deux à trois milliards d'euros. Il y a mieux à
faire....
1/ Effort budgétaire
Marine Le Pen : Trop vite, trop haut. Le projet de la candidate du
Front National promet la lune aux militaires en matière d'efforts budgétaires, de l'avis même des premiers concernés. La présidente du FN vise un budget en légère croissance en 2017, à hauteur de
45 milliards d'euros alors que le budget voté par le Parlement s'élève actuellement à 40,8 milliards d'euros (pensions et opérations extérieures comprises). Puis, contrairement aux autres
candidats qui repoussent la fameuse barre d'un effort de défense à 2% à 2025, elle souhaite quant à elle l'atteindre dès 2018 (avec pensions). Enfin, par paliers, ce budget sera augmenté pour
atteindre les 3% du PIB à l'horizon 2022, "soit un budget de Défense dépassant les 60 milliards d'euros en 2022", précise le FN.
Pour préserver le budget de la défense lors de son exécution, Marine Le Pen entend "sanctuariser les dépenses militaires en
inscrivant le seuil minimum de 2 % du PIB consacrés à la défense nationale dans la Constitution", avait-elle expliqué dans une interview accordée à la lettre AeroDefenseNews. Selon la
présidente du FN, "il n'y a que de cette manière que les armées cesseront d'être la variable d'ajustement budgétaire des gouvernements
successifs".
Emmanuel Macron : Le patron d'En Marche semble plus réaliste sur le
plan budgétaire. Réaliste certes, mais ambitieux. Il propose donc de porter les ressources de la défense à 2% de la richesse nationale (PIB) en 2025. "Si
on tient compte des hypothèses actuelles de croissance du PIB dans les prochaines années, ce budget atteindra, hors pensions et hors surcoûts OPEX, plus de 50 milliard d'euros en 2025,
contre 32 milliards en 2017 (hors pensions, ndlr)", avait-il expliqué mi-mars lors de son discours dédié à la défense.
Certains ont pu être déçus par cet horizon de 2025. Mais il y a une nuance de taille par rapport à l'ensemble des candidats, dont Marine Le Pen. Emmanuel Macron
vise un effort budgétaire en sortant les pensions de cet objectif (8,15 milliards d'euros) et les surcoûts des opérations extérieures (OPEX), qui ont été budgétés à 450 millions d'euros en 2017.
Le solde a été financé par des budgets interministériels. Ce qui voudrait dire que le budget de la défense pourrait atteindre un effort de défense avec pensions à 2% du PIB à l'horizon de 2022.
En tout cas, il juge que "cet effort est indispensable, mieux, il est urgent".
2/ Politique industrielle
Marine Le Pen : Elle regrette que "l'industrie française, autrefois nationale, a été abandonnée aux mirages européens ou étrangers". Elle cite "Airbus où le recul
de l'État et de la partie française a affaibli la gouvernance de cette entreprise stratégique, notamment pour l'espace et le nucléaire". C'est également vrai, selon elle, chez "RTD dont l'actionnaire suédois, Volvo, souhaite sa mise en vente sans que des solutions nationales - autour de Thales ou de Nexter, par exemple- soient imaginées".
Enfin, elle estime que "Thales est confronté à des choix multidomestiques qui ne sont pas toujours ceux de la France, notamment dans le naval".
Enfin, Marine Le Pen déplore que STX ait été "abandonné aux Norvégiens, puis aux Sud-Coréens et demain peut-être aux Italiens". Tout comme
avec "la fusion projetée de Nexter avec Krauss-Maffei Wegmann, fusion qui risque de reproduire les mêmes erreurs que celles constatées avec
EADS/Airbus".
"Ces exemples montrent clairement que l'État ne joue plus son rôle de stratège pour éviter que toutes ces entreprises ne partent à l'étranger malgré des milliards
dépensés par l'État dans la R&D ou les commandes nationales", explique-t-elle.
Selon elle, "la première urgence est donc, à l'instar des Britanniques, Italiens, Suédois ou des Allemands, de recréer des
champions nationaux autour des maîtres d'œuvres nationaux comme Dassault Aviation, DCNS, Nexter pour recréer un tissu cohérent, avec un actionnariat national public et privé pérenne". Marine
Le Pen envisage également des rectifications de frontières dans l'industrie de l'armement française pour "remettre de la cohérence là où elle a
disparu". Notamment entre Thales et le missilier MBDA, pour que "cessent les rivalités nuisibles aux programmes nationaux ou aux campagnes
export". Elle souhaite également une recomposition de l'actionnariat de DCNS pour "mettre fin à la situation actuelle où Thales est à la fois
actionnaire, équipementier et concurrent du chantier... "
Emmanuel Macron : Il recommande "une politique de réindustrialisation de défense et de mieux sécuriser nos approvisionnements, pour garantir l'autonomie stratégique de la France". Il précise que
les choix d'investissements futurs seront guidés par le souci de préserver la souveraineté de la France. Cette réindustrialisation doit également permettre de limiter les dépendances de la France
envers des pays tiers notamment ceux qui, comme les États-Unis, n'hésitent pas à faire de leurs équipements un moyen de pression, a expliqué Emmanuel Macron. Les entreprises de défense devront,
avec l'appui de l'État, construire un avenir sans contrainte qui existe sur certains composants. Des propositions qui pourraient être reprises par le FN.
Pour autant, Il est beaucoup frileux que Marine Le Pen sur les consolidations du secteur. Il a évoqué avec gourmandise - peut-être son passé de banquier d'affaires
- "la période récente riche en consolidations industrielles avec des mouvements tels que nous n'en avions pas connus depuis le début des années
2000 : KNDS (Krauss-Maffei Nexter Defense Systems, Ndlr) dans le domaine de l'armement terrestre, ASL (Airbus Safran Launchers,
Ndlr) dans le domaine des lanceurs spatiaux et des missiles océaniques, OneMBDA pour les missiles ou le rapprochement Safran-Zodiac dans le domaine de la
sécurité". Emmanuel Macron est d'ailleurs prêt à aller plus loin.
En revanche, il avait rappelé aux grands groupes tricolores qu'il veillerait "à ce que le poids de la France dans leur
management soit cohérent avec les emplois présents sur notre territoire". Il avait également estimé que "la défense a suffisamment porté l'innovation
et la croissance de ces entreprises par le passé pour que le domaine militaire ne soit pas sacrifié au profit d'un domaine civil parfois plus rentable à court terme". Une allusion à peine
voilée adressée au PDG d'Airbus, Tom Enders.
3/ Innovation, politique de Recherche & Technologie
Marine Le Pen : Le programme de Marine Le Pen prévoit un doublement
de l'effort de R&T. Soit 1,5 milliard d'euros (actuellement 730 millions d'euros). Selon son conseiller défense, il faut créer des ruptures technologiques. Ce qui veut dire investir
massivement dans l'avenir dès 2017. Le FN souhaite lancer des études dès cet été sur les deux futurs porte-avions à propulsion nucléaire, dont un baptisé Richelieu, qui remplacera le Charles de
Gaulle vers 2035/40. Marine Le Pen préconise des études sur le renouvellement de l'ensemble des composantes de la dissuasion (plateformes, armes, infrastructures, communications, guerre des
mines, patrouille maritime, etc, sur un futur programme hélicoptère interarmées léger et un programme d'hélicoptère lourd, sur de nouvelle gamme de radars (alerte avancée, veille), sur le futur
standard du Rafale (F4), sur un futur drone de combat (UCAV) national.
Par ailleurs, Marine Le Pen prévoit de maintenir le dispositif du Crédit Impôt Recherche qui existe actuellement, à la différence près qu'il sera plutôt orienté
vers les TPE-PME. Elle souhaite aussi diriger une part de l'assurance-vie (environ 2%) vers le capital-risque et les startups, et inciter les grands groupes, y compris ceux de l'industrie de
défense, à créer leur propre fonds dans les entreprises innovantes.
Emmanuel Macron : Le leader d'En Marche portera un effort
important sur la recherche amont, qui est la base de la souveraineté de l'industrie de défense, de l'excellence des équipements militaires français, et, par conséquent, de la supériorité
opérationnelle des armées tricolores sur les théâtres d'opération. Emmanuel Macron va augmenter les financements qui lui sont consacrés pour atteindre progressivement 1 milliard d'euros
annuels. Soit plus de 30 % de croissance par rapport à aujourd'hui.
Pour Emmanuel Macron, l'État devra accompagner l'innovation, au travers notamment d'un fonds d'investissement - une idée de Jean-Yves Le Drian - qui permettra au
ministère de la Défense de prendre des participations directes au capital de certaines PME stratégiques. Car, selon lui, les PME sont souvent "un terroir
fécond d'innovations, qu'il nous appartient là-aussi de protéger, et de développer". Les dispositions du pacte défense PME lancé en 2012 seront poursuivies.
4/ OTAN
Marine Le Pen : C'est clair et net. La présidente du FN veut faire
sortir la France du commandement militaire intégré de l'OTAN. Pourquoi ? Elle rappelle que la France n'a pas rejoint le Comité des Plans Nucléaires de l'organisation atlantiste. Et donc elle
estime qu'il existe un découplage qui s'est "progressivement opéré entre d'une part une diplomatie soumise aux impératifs américains (Afghanistan, achats
américains de matériels, alignement sur la politique étrangère) et de l'autre une dissuasion maintenue sur son axe de l'indépendance diplomatique, technologique et opérationnelle, sans pour
autant contribuer au renforcement de la politique de défense européenne comme cela avait été annoncé à l'époque". Par ailleurs, "l'obsession
anti-russe de l'OTAN ne sert pas les intérêts d'une France souveraine", assure Marine Le Pen, qui n'évoque absolument pas une vision européenne en matière de défense.
Emmanuel Macron : C'est l'une des grandes différences entre les deux
candidats. Le patron d'En Marche souhaite "une France fidèle à ses alliances, une France sur laquelle nos alliés puissent compter comme nous savons
pouvoir compter sur eux". Donc pas question de sortir de l'OTAN. Il souhaite même élargir son rôle face aux menaces terroristes "sur son flanc Sud,
ainsi que vis-à-vis de la menace cyber".
"Nous sommes, depuis presque dix ans maintenant, un allié à part entière, occupant pleinement sa place dans la structure
militaire. Cela doit nous inciter à faire preuve de davantage de liberté de parole pour dire que oui, l'OTAN est utile à la sécurité de l'Europe, notamment à l'Est, mais qu'elle doit aussi
apprendre à se réformer pour devenir une organisation plus économe, moins bureaucratique. Je le dirai clairement dès le sommet prévu au mois de mai prochain : l'OTAN est une alliance défensive ;
son rôle doit donc être de nous défendre, jamais de provoquer ceux qui n'attendent que des prétextes pour se montrer plus agressifs qu'ils ne le sont déjà".
Évidemment Emmanuel Macron prêche pour une Europe de la défense en vue d'acquérir une autonomie stratégique. "Notre
sécurité ne saurait reposer sur la seule organisation qu'est l'OTAN", a-t-il estimé. D'autant que, a-t-il rappelé, "Washington, à terme, souhaitera
moins se préoccuper de la sécurité de notre continent". Quelles pistes pour favoriser une Europe de la Défense ? Selon lui, cela passe par la mise en place d'un quartier général
européen "pour agir ensemble militairement lorsque cela est nécessaire". Il recommande de lancer des programmes européens de recherche et
technologie, "notamment s'ils permettent de réduire notre dépendance aux approvisionnements militaires en dehors de l'Union". Enfin, un fonds
d'investissement européen de défense, permettant des dotations en prêts bonifiés pour les investissements de défense des États nécessaires à la sécurité collective, devra être institué.
5/ Dissuasion nucléaire
Marine Le Pen : Les
deux candidats ont des vues convergentes sur ce dossier. Pour Marine Le Pen, l'apparition d'une nouvelle menace du terrorisme islamiste ne doit pas faire oublier les autres : l'armement
nucléaire des grandes puissances ainsi que l'émergence de nouvelles puissances nucléaires. "C'est pour se prémunir clairement contre tout État-nation
agressant notre pays que la France doit plus que jamais affirmer le caractère tout azimut de sa dissuasion nucléaire", explique le FN. Aussi, l'existence de deux forces nucléaires
permanentes - les Forces aériennes stratégiques (FAS) et la Force océanique stratégique (FOS) et une capacité intermittente la FANu (Force aéronavale nucléaire) - est "la concrétisation de notre indépendance", assure le FN.
Dans ce contexte, Marine Le Pen garantira le renouvellement de l'ensemble des composantes actuelles de la dissuasion et relancera le programme Système Préparatoire
Infra-Rouge pour l'ALErte, démonstrateur d'alerte avancée par satellite afin de maîtriser la menace balistique pouvant peser, un jour, sur notre pays. Si elle est élue présidente, elle
sanctuarisera tous les crédits de la dissuasion dans la future LPM 2018-2022.
Emmanuel Macron : Pour
le patron d'En Marche, les forces armées doivent être capables de "défendre l'existence même de la Nation". C'est "la raison d'être de notre armement nucléaire" qui a pour objectif de dissuader tout adversaire qui chercherait à s'en prendre aux intérêts vitaux de la
France. Emmanuel Macron a rappelé que plusieurs puissances développent leurs forces nucléaires, "que certaines d'entre elles n'hésitent pas à les manier à
des fins de démonstration et d'intimidation".
Aussi, il entend maintenir les capacités de dissuasion sur le long terme. Au cours de son mandat, il prendrait les décisions nécessaires au renouvellement des deux
composantes, océanique et aéroportée, qui sont complémentaires. "Il y a beaucoup à faire, a-t-il estimé. Notre force de dissuasion est un élément clé de notre indépendance et de notre autonomie stratégique de décision et d'action : il ne peut être question, en la matière,
de l'affaiblir".
6/ Opérations extérieures
Marine Le Pen : Plus question pour la présidente du FN de
lancer "des politiques interventionnistes sans but". "Ces dernières années ont été marquées par une absence
totale de vision stratégique et d'objectifs finaux recherchés; sans stratégie de sortie ni cohérence globale entre diplomatie et intervention", estime-t-elle. Elles ont également "contribué
indirectement à une déstabilisation accélérée du monde (Irak pour les US, Afghanistan, Libye, Syrie, pour ce qui concernent nos engagements militaires)", affirme-t-elle.
Marine Le Pen propose de définir "strictement les critères d'engagement de l'armée française", selon quatre critères : intérêt national, cohérence globale de
la diplomatie et des interventions, volume et durée d'engagement, stratégie politique et militaire de sortie. Enfin elle rappelle qu'il est "vain
d'espérer que les pays européens relaient l'effort national en cas d'intervention extérieure légitime car les diplomaties ne s'accordent pas toujours sur un intérêt européen commun. Leur aide a
d'ailleurs toujours été marginale".
Emmanuel Macron : Contrairement à Marine Le Pen, l'ancien ministre de l'Économie ne remet pas en cause les interventions extérieures lancées au cours de ce quinquennat
par François Hollande. "Le succès de nos opérations au Sahel ou en République centrafricaine a été fondé sur des actions militaires remarquables,
a-t-il expliqué. Ces interventions étaient indispensables. Nul n'ose imaginer les conséquences d'une absence d'intervention ou d'un retard".
Dans ce cadre, Emmanuel Macron se dit prêt à réexaminer au vu de l'intensité de l'engagement des militaires français dans les OPEX et sur le territoire national, la
définition des contrats opérationnels qui leur sont assignés. Il estime qu'il faut les adapter aux évolutions stratégiques. Car les contrats opérationnels, définis dans le Livre blanc sur la
défense et la sécurité nationale de 2013, sont "aujourd'hui trop étroits par rapport à la réalité de nos engagements actuels et prévisibles".
D'autant qu'Emmanuel Macron souhaite dès le mois de mai s'il est élu président, examiner, en lien avec nos partenaires européens et les pays voisins de la Libye, "les modalités du renforcement de notre action politique et de sécurité en vue du redressement des institutions libyennes et notamment d'une armée capable de défaire les
terroristes".
"La Libye, si besoin était, montre que lorsque nous avons un État failli le terrorisme prospère et la menace enfle", a-t-il rappelé.
7/ Service militaire
Marine Le Pen : Afin d'offrir aux Français la possibilité d'être
utiles à leur pays, le Front National propose un service à la Nation obligatoire, d'une durée de 3 mois dont les objectifs seraient notamment "de développer le patriotisme au sein de la jeunesse
et de contribuer à la cohésion nationale et sociale. Selon le FN, le budget annuel de cette mesure "peut être estimé à plus de 3 milliards d'euros en
régime de croisière", dont le financement ne sera pas pris sur le budget des armées. Ce dispositif sera intégré à la Garde Nationale. Le FN vise un service national obligatoire pleinement
opérationnel en fin de mandature, en 2022.
Emmanuel Macron : Il souhaite lui aussi que chaque jeune Français ait
l'occasion "d'une expérience, même brève, de la vie militaire". Il a décrété qu'un service national d'un mois, obligatoire et universel, sera
instauré. "C'est là un projet de société majeur, un véritable projet républicain, qui doit permettre à notre démocratie d'être plus unie et d'accroître la
résilience de notre société", a-t-il expliqué. Ce temps de service militaire universel devra intervenir dans les 3 ans suivant le dix-huitième anniversaire de chacun.
Tout comme celui de Marine Le Pen, ce projet a bien sûr un coût significatif. Avec des coûts d'infrastructure estimés entre 15 et 20 milliards d'euros, il est
estimé à un ordre de grandeur de 2 à 3 milliards d'euros par an en régime de croisière. Son financement comme les effectifs d'encadrement nécessaires s'inscriront "au-delà de l'enveloppe de 2% du PIB de la programmation militaire", a-t-il assuré.
DÉFENSE : Les candidats répondent aux questions de l’ASAF (Extraits).
le 15/04/2017.
L’ASAF a adressé à tous les candidats à l’élection présidentielle, une lettre dans laquelle figuraient 8 questions relatives à la Défense. Elle exprime ici ses
remerciements aux cinq candidats qui ont bien voulu lui répondre :
Nicolas DUPONT-AIGNAN (NDA)
François FILLON (FF)
Benoît HAMON (BH)
Marine LE PEN (MLP)
Jean-Luc MELENCHON (JLM)
Les autres candidats, dontEmmauel MACRON, n’ont à ce jour pas fait parvenir de réponse
Elle s’était engagée à faire connaître le texte
adressé par chaque candidat sur son site www.asafrance.fr pour le 15 avril.
Vous trouverez donc ci-dessous :
un tableau très synthétique reprenant les positions de chacun jugées essentielles et spécifiques par le président de l’ASAF ;
la lettre de l’ASAF avec les 8 questions (rappel) ;
les PDF (ou le Jpeg) des lettres reçues pour permettre aux lecteurs de juger de la façon la plus juste, la vision qu’a chaque candidat de la
Défense.
1- Quelle réflexion avez-vous développée sur la responsabilité de
chef des Armées ?
NDA : Le chef des Armées est responsable de la pérennité de l’Etat, de son intégrité et de sa
sûreté ; responsable des ordres qu’il donne aux soldats.
FF : Le président de la Républiquea une fonction opérationnelle extrêmement lourde ; La Défense est une condition de la pérennité de la nation et de la crédibilité de sa diplomatie. BH : Mon approche est dans la tradition d’indépendance nationale et d’autonomie stratégique ; je
rajoute de respect pour les conditions de vie de nos militaires. MLP : La fonction présidentielle est indissociable de la Défense nationale. Préparer les armées aux
différentes menaces majeures et incarner la crédibilité de la dissuasion. JLM : Ce sera au processus constituant de déterminer le rôle du futur chef des armées ; notre projet
rompt avec l’autoritarisme présidentiel.
2- Comment la Défense s’inscrirait-elle dans votre politique
globale ?
NDA : Eviter le décrochage opérationnel et technologique de nos armées. Préserver notre indépendance
nationale, affirmer notre rang de grande puissance. FF : Je veux que la France soit la première puissance européenne avec une ambition stratégique,
financière et humaine car la Défense est au cœur de notre société.
BH : Le sentiment de vulnérabilité s’est amplifié et nourrit les populismes. Je veux poursuivre la remontée en puissance de nos armées engagée pendant ce
quinquennat.
MLP : Pas de politique digne de ce nom, sans une défense bien conçue, cohérente et puissante. Les armées sont l’expression de la souveraineté nationale. JLM : Nous voulons une défense qui instaure l’indépendance de la France. Cette armée nouvelle s’inscrira
dans le processus d’implication politique citoyenne permanente.
3- Quelle part du PIB (hors pensions) envisagez-vous de lui consacrer ; à quelle échéance ? (Rappel ASAF,
chiffres arrondis : PIB 2016 = 2 100 Mds € - 1,5 % du PIB = 32 Mds € - 2% PIB = 42 Mds € - 3% du PIB = 63 Mds € - Pensions = 0,3% soit près de 7 milliards
€)
NDA : 2% (sans préciser l’échéance).
FF : 2% en 2023 (selon une loi de programmation 2018-2023). BH : 2% en 2022.
MLP : 2% (pensions comprises) en 2018 et 3% (pensions comprises) en 2022. JLM : Refuse le critère « américano-otanien » de 2%.
4-
Votre position sur la dissuasion nucléaire
NDA : Maintien des 2 composantes et modernisation.
FF : Maintien des 2 composantes et modernisation.
BH : Maintien des 2 composantes et modernisation engagée sur le désarmement nucléaire. MLP : Maintien des 2 composantes et modernisation.
JLM : volonté de s’engager dans une voie de dénucléarisation dans un cadre international.
5- La
France, l’OTAN et l’Union Européenne
NDA : Quitter le commandement intégré de l’OTAN. Maintien dans l’Alliance atlantique. Coopérations avec les partenaires
européens. FF : Construction d’une alliance européenne de défense dont le moteur serait la France et l’Allemagne.
Maintien des liens OTAN. Renforcer la solidarité européenne. BH : Maintien dans le commandement intégré de l’OTAN. Le cadre politique commun en matière de Défense
sera désormais conduit par l’Union Européenne. MLP : La France quittera l’OTAN. Mettre en place un nouveau système de sécurité en Europe. Système de nos
alliances revu. JLM : La France sortira de l’OTAN. Refus de toute alliance militaire permanente, y compris européenne.
Toute intervention doit se faire dans le cadre des Nations Unies.
6- But
politique et engagement militaire
NDA : Les Opex doivent partout être associées à une stratégie politique de long terme. L’intérêt national
doit primer. FF : Les priorités : lutter contre le totalitarisme islamique et assumer nos responsabilités en
Afrique. Critères : augmenter notre niveau de sécurité et la défense rigoureuse de nos intérêts.
BH : Continuer à bâtir sur les acquis (du quinquennat sortant), les conditions pour une sécurité durable, le développement et la paix MLP : Les opex doivent s’inscrire dans le cadre d’une vision ambitieuse et cohérente en matière de
politique étrangère. L’Afrique tient une place privilégiée de par sa proximité.
JLM : Reconnaissance de l’Etat de Palestine ; garantie de l’intégrité territoriale de la Syrie. Révision des alliances scélérates avec les pétromonarchies et le régime
turc actuel.
7-
Garde nationale et Réserve
NDA : Garde nationale de 100 000 réservistes militaires pour relayer les forces de
l’ordre.
FF : Clarifier les rôles respectifs de l’armée, de la gendarmerie et de la police. Améliorer leur coordination. BH : Création d’un nouveau statut de réservistes et réflexion sur un dispositif
« Guépard » de réserve. MLP : Commençons par donner un cadre d’action et les moyens qu’elles méritent à nos armées. Pas d’urgence
pour une garde nationale.
JLM : Nous proposons l’instauration d’un service national obligatoire, socle d’une garde nationale citoyenne.
8-
Lien armée Nation - service national
NDA : Service national civique et militaire obligatoire de 3 mois avec possibilité, pour ceux qui le
souhaitent, de le transformer en service militaire d’un an.
FF : L’éducation des citoyens doit se faire à l’école. L’armée ne peut encadrer des centaines de milliers de jeunes chaque année. Développer les systèmes existants :
cadets de la Défense, SMV, SMA et réserves. BH : L’idée d’une restauration d’un service national de courte durée est illusoire (aucune efficacité en
terme de formation). Elle serait onéreuse. La priorité des dépenses doit viser à consolider notre modèle de Défense. MLP : La suspension du service national a été une lourde erreur. Pour redonner la fierté aux Français
différentes formules sont possibles. JLM : Le service national citoyen obligatoire que nous proposons aura une durée de 9 mois pourra contenir
une composante militaire. Pas d’envoi de conscrits en opérations extérieures.
(B2) C’est la dernière antienne à la mode. Il faut que les dépenses de défense (publiques) soient à la hauteur de 2% du produit
intérieur brut.
Cet objectif a été fixé au niveau de l’Alliance atlantique, rappelé régulièrement à tous les sommets (Pays de Galles septembre 2014, Varsovie juillet 2016). James Mattis, le nouveau
secrétaire d’État à la Défense, l’a encore rappelé lors de sa venue à l’OTAN : le
contribuable américain ne doit pas payer pour le contribuable européen… Chaque pays doit faire des progrès « immédiats et réguliers » vers cet objectif.
Une réalité ou une illusion
2% c’est un chiffre mythique… Il est un peu à la défense ce qu’est le « 3% de déficit » du pacte de stabilité à l’économie : une ligne de crête mais aussi une certaine illusion.
C’est le gage, selon ses promoteurs, d’une défense efficace. On peut en douter. L’augmentation des dépenses de défense n’est un gage ni de qualité ni d’efficacité ni de disponibilité ni de
volonté d’engagement. Les années précédentes de l’histoire européenne l’ont prouvé. Et on peut le constater encore aujourd’hui en se livrant à quelques essais comparatifs.
Efficace à 1% et inefficace à 2% ?
Le taux de dépenses ne signifie pas l’efficience militaire. La Grèce dépense 2,38% de son budget à la défense tandis qu’à l’autre bout de l’échelle, le Luxembourg dépense 0,44% de son PIB
pour la défense. On ne peut pas dire que la première soit vraiment engagée sur le plan extérieur… Autre exemple : la Pologne consacre 2% de son budget à la défense tandis que la France
engage 1,78% (1). A l’aune de la sécurité européenne, et des menaces internationales, la défense polonaise n’a pas encore vraiment démontré un engagement dynamique à l’inverse de l’armée
française. On peut regarder aussi la Bulgarie ou le Portugal — qui consacrent 1,35% de leur PIB à la défense — alors que le Danemark qui y consacre 1,17%. Là encore, l’efficacité militaire
est sans doute inversée (chiffres OTAN, prévisions pour 2016).
Un chiffre très partiel
Ce chiffre de 2% est donc loin d’être la panacée. Car il n’est qu’un pourcentage et n’a qu’une valeur très limitée. Il faudrait aussi examiner le ratio investissement/équipements sur le ratio
personnel, le ration de dépenses de recherche, l’engagement en opération extérieure ou au niveau solidaire… et la réalité sur le terrain comme la volonté politique. Ce qui est autrement plus
difficile à quantifier et oblige à dire certaines vérités. Ce chiffre dépend aussi du volume et de la croissance économique. Ainsi le passage à 2% du PIB de l’Allemagne par exemple
signifierait un engagement autrement conséquent et donnerait à Berlin un poids dominant dans l’engagement militaire européen dans l’Alliance, en valeur absolue (lire : Consacrer 2% du Pib à la défense ? Combien va coûter
ce nouveau Graal ?).
Les Européens en recherche d’efficacité
Pour être plus efficaces, les États européens ont surtout besoin de mieux se coordonner dans le cadre de leurs investissements de défense. Certaines lacunes persistantes (hélicoptères,
renseignements, technique géospatiale) ne sont toujours pas vraiment comblées. Chacun songe déjà à racheter des équipements — somme toute semblables (chars, véhicules blindés, avions de
chasse) — qui ont leur utilité sans doute mais qui n’ont plus le monopole de l’action sur le terrain — les robots et drones faisant leur apparition —. Les duplications sont de règle.
Peu d’ambitions sur le futur
Les budgets européens de défense sont toujours frappés par une (très) petite part consacrée à la recherche & développement / technologie (R&D, R&T). Ce qui empêche toute
projection vers le futur. En sachant qu’un équipement acheté aujourd’hui est valable pour au minimum 20 ans (voire 30, 40 ou 50 ans), on a ainsi la valeur des échecs possibles. Tandis que
l’absence de coordination entre les différents pays, la dispersion des armées, la fragmentation de l’industrie européenne et l’absence de volonté et d’incitants pour la développer
(2), demeurent des principes inscrits dans le marbre, donnant
ainsi une double faiblesse aux budgets européens : peu importants en volume et peu coordonnés.
Le panier percé des 2%…
Sans résoudre ces points, le respect des 2% apparaît comme remplir un panier percé… ou est juste bon pour permettre aux industriels américains d’écouler leurs surplus sur le Vieux continent
et d’amortir ainsi leurs frais.
… au profit de qui ?
L’antienne, répétée à longueur de mois, par les responsables divers de l’Alliance et américains, est, certes, louable — obliger à un effort, nécessaire, supplémentaire pour la défense — mais
il recèle aussi un objectif sous-jacent. Dépenser davantage et très vite = acheter ce qui est disponible sur le marché, avec un bon rapport qualité/prix, testé sur le terrain, garanti et…
compatible avec les autres = acheter américain. CQFD. America first… Ou comme l’explique l’eurodéputé Arnaud Danjean (3) : « Si ce qu’on nous demande, c’est de signer plus de contrats avec l’industrie américaine, qu’on nous le dise… ».
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Le pourcentage calculé à l’OTAN inclut normalement les pensions (retraites), sauf dans certaines pays, Bulgarie par exemple. Il peut donc différer de celui mentionné ailleurs. Le
poids de ces retraites n’est pas négligeable : en France, il représentait en 2016 (avec les sommes versées aux anciens combattants), environ un quart du budget : 10,33 milliards € sur un
budget total du ministère de 42,63 milliards €.
(2) La plupart des États européens n’ont pas instauré une
préférence européenne qui reste taboue. A défaut d’une préférence nationale — toujours recherchée dans l’attribution des marchés —, ils préfèrent passer directement à la préférence
américaine. La décision française d’achat des Famas est, en soi, un contre-exemple à cette tendance.
(3) dans un entretien à B2 à paraitre prochainement
François Fillon a présenté lundi 13 mars son projet pour la France.
Ce projet est le fruit d’un important travail, engagé il y a plus de trois ans avec les Français, la société civile
ainsi que des centaines d’experts et d’élus. Ce projet est celui du redressement national. Il ne cède ni à la démagogie ni aux illusions et son objectif est clair : permettre
à la France de renouer avec le plein emploi et constituer dans 10 ans la première puissance européenne.
Le prochain Président de la République devra être efficace. Partout où il a été en responsabilité, François Fillon
a démontré sa capacité à réformer. Ces dernières semaines, son courage et sa détermination sans faille ont été unanimement reconnus. Déterminé à agir, il a voulu appuyer son
projet sur une méthode de gouvernement, en annonçant dès à présent le calendrier de ses réformes, notamment celles qui seront engagées dans les premières semaines du quinquennat,
et le mode de composition de son gouvernement.
Après cinq années d’un gouvernement socialiste en échec total sur l’emploi, avec 6 millions de chômeurs et 9
millions de pauvres, il y a urgence à agir. Avec le projet de François Fillon, j’ai la certitude que nous pouvons débloquer la société française et renouer rapidement avec la
croissance et l’emploi.
Je vous invite à être plus que jamais les relais du projet de François Fillon sur le terrain.
Les Français ont été trop longtemps privés d’un débat de fond pourtant absolument nécessaire à la vie démocratique.
A nous de défendre les propositions de notre candidat et de convaincre les Français de lui faire confiance les 23 avril et 7 mai prochains.
...à la Konrad Adenauer Stiftung (EXTRAIT relatif à la DÉFENSE).
Discours de François FILLON
à la Konrad Adenauer Stiftung
22 Janvier 2017
(EXTRAIT relatif à la DEFENSE)
(…)
Pendant des décennies, nous avons vécu dans une illusion : celle de la paix perpétuelle. La réalité est plus cruelle : la violence est de retour, elle tue sur nos
territoires, à Berlin, à Paris, à Nice et ailleurs. Elle prend des formes nouvelles et insidieuses avec la cybercriminalité. Elle déstabilise des régions entières à quelques centaines de
kilomètres des côtes européennes.
Face à cette menace, nous avons longtemps compté sur la solidarité de notre allié américain. Des choix militaires de Barack OBAMA aux dernières déclarations de
Donald TRUMP, nous devrions pourtant comprendre que le mouvement de fond est au retrait de la puissance militaire américaine, qui estime avoir beaucoup fait par le passé et considère que les
Européens doivent désormais assumer une part plus importante de leur sécurité. Alors quoi ? Voulons-nous que l’avenir du monde ne se joue qu’entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie ?
Voulons-nous continuer à payer sans ne rien décider, comme cela risque d’être le cas en Syrie ? Voulons-nous continuer à être les invités perpétuels des conférences des donateurs, tout en étant
exclus des enceintes où se prennent les vraies décisions ? La France, puissance nucléaire militaire, membre permanent du Conseil de Sécurité, ne peut plus accepter une Europe couchée. Les Etats
européens ne peuvent plus rester spectateurs de crises qui se jouent à leurs portes.
Il est temps que le continent européen se dote de la force militaire et des capacités stratégiques qui lui font défaut
depuis les origines.
Comment ? En premier lieu, en augmentant les budgets de la Défense.
C’est mon objectif pour le budget des armées françaises et c’est aussi celui d’Angela MERKEL et sa ministre de la Défense Ursula VON DER LEYEN. Ces moyens supplémentaires doivent nous permettre
de constituer une vraie force européenne autonome. Il ne s’agit pas d’agir contre l’Alliance atlantique et l’OTAN, il s’agit de progresser vraiment dans la construction de la Défense
européenne. Cette Défense devrait impliquer des choix communs pour notre industrie de défense, qui ne sera solide que si tous
jouent le jeu et respectent les règles de la solidarité européenne, en matière de développement des programmes militaires mais aussi d’achats d’équipement. Nous en sommes très loin et certains
pays acquièrent des matériels américains, alors même que des équipements similaires produits sur le continent européen sont disponibles. Incompréhensible pour nos citoyens ! En matière de
sécurité, la préférence européenne n’est pas un gros mot.
Mais cette Défense européenne ne se construira pas seulement par les états-majors et les équipements. Elle suppose que chaque nation européenne accepte enfin de déployer ses soldats pour la défense de nos intérêts de sécurité
les plus vitaux. Je me suis rendu en décembre au Mali et au Niger. Je suis fier de ce que nos armées font là-bas. A travers l’opération Barkhane, la France assume la sécurisation du
Sahel, essentielle pour réduire le risque terroriste. Nous le faisons au bénéfice de tous les Européens. Nous ne pouvons pas le faire seuls dans la durée.
Notre politique de défense européenne doit tenir compte de toutes menaces. Elle ne doit pas négliger la
déstabilisation que représente la cybercriminalité. Dans ce domaine, nous devons mieux nous protéger. Une coopération accrue est nécessaire. Mais allons plus loin et dotons-nous des moyens de
riposter lorsque cela est nécessaire.
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