Que peut-on faire avec 12000 armes de guerre ?

...par Stratediplo - le 16/01/2017.

 

  De formation militaire, financière et diplomatique, s'appuie sur une trentaine d'années d'investigations en sciences sociales et relations internationales.



Avec 10000 fusils d'assaut on peut équiper intégralement la moitié de l'infanterie française actuelle, ou la moitié de l'infanterie espagnole qui, en comptant les Canaries, Ceuta, Melilla, les Baléares et les forces spéciales aligne 33 bataillons soit moins de 20000 fantassins sur les 50000 soldats (encadrement non inclus) de l'armée espagnole. Car les pilotes de chars, d'hélicoptères et d'engins polyvalents du génie, de même que les servants de canons d'artillerie, les opérateurs de transmissions et les chauffeurs de camions portent plutôt un pistolet d'auto-défense qu'un fusil d'assaut, comme les officiers et la plupart des sous-officiers.

 

Ce petit aperçu devrait donner une certaine importance à la saisie par la police espagnole, le 12 janvier, d'un nombre estimé initialement à 8000 puis révisé aujourd'hui à 12000 armes de guerre, sur quatre sites à Olot, Liendo, Galdácano et Guecho. Il s'agissait essentiellement d'armes achetées à des armées régulières (pas uniquement espagnole) après neutralisation officielle, puis remises en état de fonctionnement, comme les armes qui ont servi à l'attaque contre Charlie Hebdo. S'agissant de milliers d'armes on ne peut pas parler d'ateliers clandestins artisanaux mais de petites usines d'armement. Les stocks saisis ayant été estimés, hors armes antiaériennes, à plus de seize millions d'euros, il ne s'agit évidemment pas de pistolets, et les armées européennes ayant cessé de déclasser des fusils semi-automatiques depuis plusieurs décennies il s'agit certainement de fusils d'assaut, dont les marques citées ne concernent pas seulement l'Espagne.

 

Les premiers commentaires des autorités ayant supervisé la saisie, émanant donc de professionnels du maintien de l'ordre, relèvent du registre anti-terroriste. Sous cet angle de vue on pourrait effectivement conclure que si une dizaine d'armes de guerre suffisent à immobiliser plusieurs centaines de personnes dans une salle comme le Bataclan afin d'y passer trois cents personnes au canif à égorger, l'arsenal saisi aurait pu contribuer au sacrifice rituel d'un tiers de million de personnes, en Espagne ou ailleurs. Traitée comme une affaire de droit commun, cette saisie a été l'occasion de la plus sévère admonestation judiciaire envers deux des personnes arrêtées, qui ont reçu l'interdiction formelle de quitter le territoire espagnol, et auxquelles on a même confisqué le passeport au cas où elles tenteraient de le faire autrement que par les frontières française ou portugaise ou les côtes marocaines ; faute sans doute d'un domicile déclaré où leur adresser une future convocation, trois autres personnes ont été provisoirement placées en hébergement carcéral dit préventif.

 

Mais d'un point de vue militaire il faut considérer que 10000 fusils d'assaut, si c'est de ça qu'il s'agit, étaient destinés à 10000 combattants de base (hors encadrement). La guérilla en cours de montée en puissance en Europe n'a que faire de bataillons de génie, d'escadrons de chars lourds et de convois d'approvisionnement en carburant et vivres. Quand bien même ses parrains étrangers lui proposeraient le même équipement en blindés légers de fabrication étatsunienne qu'ils ont fourni à l'Etat Islamique, la nébuleuse directrice actuelle de la guérilla ne saurait qu'en faire à ce stade, ni aux premières heures de son déploiement dans de grandes agglomérations. Quant aux armes antiaériennes, dont la presse espagnole n'a pas précisé s'il s'agissait de mitrailleuses de 12,7 ou de canons de 30 mm, elles ne peuvent pas abattre un avion de ligne (n'en déplaise aux tenants de la finalité terroriste) mais elles pourraient permettre à un mouvement ne disposant ni d'armes modernes ni d'aéronefs de se protéger face à un assaut héliporté.

 

Pour mémoire, 200 fusils d'assaut suffisent aux quatre premières compagnies levées par la minorité adepte d'une idéologie distincte, qui fait sécession dans le Septième Scénario (www.lulu.com/fr/shop/stratediplo/le-septième-scénario/paperback/product-22330739.html) et dont cette étude d'état-major expose les possibilités au niveau d'une ville d'un million d'habitants puis au niveau d'un pays.

Déployé et employé de manière décentralisée en zone urbaine sur un pays comme l'Espagne ou la France, l'équivalent (en volume) de 100 compagnies, ou de 200 compagnies incomplètement armées, peut fixer et incapaciter l'armée régulière immédiatement.

 

La police espagnole n'a pas diffusé d'estimation de la cadence des usines de remilitarisation, ni de l'ancienneté de leur activité. Il est donc difficile de savoir ce que le stock saisi représentait par rapport à la production annuelle, et il n'est pas certain que les responsables laissés en liberté fourniront une comptabilité très précise des éventuelles commandes antérieures déjà livrées, ni un fichier de clientèle avec adresses à jour, ni une étude sectorielle détaillant la capacité de production des usines de la concurrence encore debout.

 

D'une manière générale, les implications de cette saisie seront peu commentées dans la presse même espagnole.

 


Espagne. 20 000 uniformes militaires destinés à l'EI saisis

http://www.ouest-france.fr/europe/espagne/espagne-20-000-uniformes-militaires-destines-aux-djihadistes-saisis-4071213

...sous couvert d'ONG, destination : l'EI.. ! Est-ce bien sur ?

Je pencherais plutôt pour l'équipement des "brigades vertes" chargées de défendre les zones de non-droit européennes...et françaises contre une éventuelle reprise de contrôle en vue de faire appliquer les lois républicaines.

JMR

 


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