Les gouvernements européens interviennent dans le conflit russo-ukrainien en accordant un soutien militaire et financier considérable à l’Ukraine, au prix d’une
aggravation de leur endettement et au risque d’un affrontement direct avec une puissance nucléaire. Ils ont décidé une série de sanctions qui ont coupé l’accès de l’Europe à l’énergie bon marché
dont dépendait son industrie et son confort. L’annonce, inconcevable il y a peu encore, que l’Allemagne va se réarmer n’a pas suscité la moindre réserve. La Finlande a d’un coup renoncé à une
neutralité qui lui avait apporté trois-quarts de siècle de paix et de prospérité. Même la Suisse a abandonné sa séculaire neutralité. Cette mobilisation a reçu l’appui des opinions publiques.
Elle n’en est pas moins étrange si l’on considère que la Russie n’a attaqué aucun des pays de l’UE ou de l’OTAN et qu’elle n’a pas prononcé la moindre menace ni exprimé aucune revendication
territoriale à leur égard.
Pourquoi l’Europe se met-elle ainsi en danger ? Pourquoi se mêle-t-elle d’une sanglante affaire de famille régionale et d’un conflit géopolitique américano-russe
qui ne la concernent pas ? Pourquoi la France oublie-t-elle qu’elle n’a jamais été menacée par la Russie et que l’alliance russe l’a sauvée deux fois au XXe siècle ? 1
S’agissant des gouvernements, du nôtre en particulier, l’explication et assez simple : ils n’ont ni la force de caractère ni peut-être l’envie de résister à
l’injonction du suzerain américain. La même aboulie les rend incapables de s’opposer à l’enthousiasme guerrier des pays de l’est européen qui, galvanisés par l’engagement américain, renouent avec
leur traditionnelle politique antirusse. Eux ont une vraie querelle historique avec la Russie, qui remonte, au-delà des mauvais souvenirs du « bloc soviétique », aux guerres du XVIIe
siècle qui opposaient la Suède, la Pologne et leurs alliés à la Russie pour la domination des confins de l’Europe orientale, en particulier du territoire actuel de l’Ukraine. Évoquant trois
siècles de domination polonaise sur ce qui est aujourd’hui l’ouest de l’Ukraine et sans doute aussi la sanglante guerre de 1920, un ami polonais me disait un jour : « L’Ukraine c’est
notre Algérie ».
Si, pour l’Europe occidentale, l’Amérique est un surgeon qui a fini par dominer la tige mère, pour l’Europe orientale, c’est la terre promise. C’est le rêve d’une
abondance comparable à celle que l’on envie depuis toujours aux voisins occidentaux ; le rêve d’une garantie de sécurité contre le grand voisin russe ; pour la jeunesse, le rêve
du self
made man dont la réussite le libère des contraintes de la famille traditionnelle. La préférence américaine de « la nouvelle Europe » s’était déjà clairement exprimée au moment
de la guerre d’Irak. Mais le rêve américain de l’Europe orientale, illustré par le film d’Elia Kazan, « America, America ! », remonte plus loin, à la fin du XIXe siècle.
L’adhésion à l’Otan, c’est la transposition à l’échelle d’un pays du rêve d’émigration.
Mais les peuples d’Europe occidentale n’ont pas un rêve américain, ils n’ont jamais eu le souci de rejoindre l’OTAN, ils en sont membres fondateurs. Ils ont
seulement le désir, commun à tous les colonisés, de suivre fidèlement les modes impériales. Ce n’est toutefois pas suffisant pour partir en guerre. Alors, puisqu’ils ne sont pas prêts à mourir
pour Donetsk, comment se fait-il qu’ils se laissent entraîner dans cet engrenage, et même qu’ils l’approuvent ?
Henri Guaino, dans un article retentissant de mai 2022 dénonçant la dérive européenne vers la guerre, a repris le terme utilisé par l’historien Christopher Clark,
les « somnambules », pour qualifier les politiciens qui n’avaient rien vu venir en 1914 et avaient conduit l’Europe à la catastrophe. Mais aujourd’hui ce sont les peuples eux-mêmes qui,
comme hypnotisés, avancent vers la guerre d’un pas de somnambule. Le mimétisme, la tendance naturelle à faire confiance, même en râlant, à ceux qui nous dirigent y sont pour beaucoup, mais il
faut aussi un mantra, une formule magique. Les totalitarismes ont eu les leurs : l’avenir radieux d’une société sans classe ou l’espace vital de la race supérieure. Celui de nos démocraties
s’appelle « nos valeurs ».
On s’est, autrefois, fait la guerre au nom de la religion, en 1793 ce fut pour la République, en 1917-18 pour des principes universels énoncés par W. Wilson, mais
enfin il s’agissait toujours in
fine de défendre un territoire et, éventuellement d’annexer celui du voisin. Cette fois-ci il s’agit, nous dit le Président de la république, de se battre uniquement pour « nos
valeurs » : la démocratie,
la souveraineté
nationale, les droits
de l’homme. Raison pour laquelle, sans consulter le parlement, il nous entraîne à faire la guerre sans la faire vraiment tout en envoyant notre artillerie sur le front. En quoi ces valeurs
sont elles aussi essentielles que la défense du territoire national pour motiver cette forme sournoise d’entrée en guerre ? En quoi la Russie les menace-t-elle ? Et d’abord, de quoi
s’agit-il ?
« Nos valeurs »
Ces notions proviennent du XVIIIe siècle
européen, en particulier français. A partir de la rupture de 1789-1815, elles se sont substituées à la transcendance, aux traditions et aux hiérarchies sur lesquelles reposait l’ancienne
légitimité monarchique pour fonder, dans une nouvelle quasi-transcendance, la légitimité de la démocratie égalitaire.
Ainsi s’est progressivement installée en Europe la notion d’une société existant en-dehors de toute transcendance reconnue, ne portant qu’un intérêt anecdotique à
ses traditions, qui se regarde comme l’écrit Jean-Claude Milner, « non pas comme la société parfaite, mais la société telle qu’il n’en existe pas de meilleure – si mauvaise
soit-elle » 2. Elle ne doit rien au
passé, comme l’a confirmé en 2003 l’opposition victorieuse à l’idée de mentionner les racines chrétiennes de l’Europe dans le projet de Constitution européenne. Le passé peut être conservé sous
la forme aseptisée de la « mémoire » mais il n’a plus rien à dire à la politique. Celle-ci est désormais régie exclusivement par la quasi-transcendance des valeurs.
Cette société est égalitaire et démocratique. Composée d’individus que rien ne définit fondamentalement en-dehors de leur existence physique, elle prétend ne poser
aucune limite de principe à leurs demandes et à leurs droits. Tout ce qui s’oppose à ce principe d’illimitation est anti-démocratique. Ses valeurs étant absolues (les droits de l’homme), elles
ont vocation à se répandre sans limites. La « société » considère les frontières comme des archaïsmes qu’il est bon d’éliminer. Étant tout entière définie par des « valeurs »,
l’Europe, celle de Napoléon ou celle de l’UE, ne peut ni ne veut définir ses limites territoriales.
Cependant, pour que la société démocratique rayonne, il faut d’abord qu’elle fonctionne. Il faut de l’activité, donc de l’initiative, donc du commandement, donc des
hiérarchies dont la permanente réinvention, parce qu’elle contrevient au principe d’égalité, suscite un malaise et des troubles infinis. Il faut aussi des mécanismes institutionnels, lesquels ne
peuvent exister que dans des cadres limités, ceux des États et de leurs frontières. L’Union Européenne est une tentative de résoudre la contradiction entre l’ordre des valeurs et celui des
États
Ce projet n’est cependant possible qu’au prix d’une double occultation : le règne de la société illimitée implique de purger l’Europe de ses nations telles que
les ont façonnées leur histoire et leur culture et, d’autre part, la pacifique société illimitée n’ayant pas d’armée pour la défendre, cette utopie ne peut subsister que sous la protection de
l’armée des États-Unis 3. La conscience diffuse
de la faiblesse stratégique intrinsèque de l’UE n’est d’ailleurs peut-être pas étrangère à la docilité européenne à l’égard de la politique impériale américaine.
La souveraineté nationale
Le principe de réalité commande également de reconnaître qu’en attendant leur fusion dans l’illimité européen, il n’est pas mauvais que nos voisins aient des
frontières et que celles-ci ne puissent être remises en cause à tort et à travers. C’est le principe de l’intangibilité des frontières. Il est cependant irréaliste de le jucher dans l’empyrée de
« nos valeurs » car il repose sur deux conventions qui ne tiennent que par l’accord commun des parties. Une convention d’amnésie ou d’amnistie : on décide d’oublier que les
frontières actuelles sont le produit de guerres, généralement celles qui ont accompagné la constitution et l’effondrement des empires. Cela est particulièrement vrai de l’Ukraine dont les
frontières esquissées dans le maelstrom des années 1917-1920, consolidées par la victoire bolchevique dans cette guerre civile, ont été élargies à l’ouest par le pacte germano-soviétique puis par
la victoire soviétique de 1945. Et une convention d’égalité : on admet que les frontières délimitent des États souverains, entités libres et égales en droit : les 200 États disposant
d’un siège à l’ONU. Mais celle-ci est-elle plus solide que la première ?
Le découpage de la planète en États-nations est une réalité extrêmement récente. Au congrès de Vienne de 1815, seuls une dizaine d’États correspondaient peu ou prou
à cette définition. L’idée nationale n’est apparue en Europe centrale et orientale qu’au XIXe siècle,
au XXe en
Afrique et dans la plus grande partie de l’Asie, et les États correspondant sont nés pour la plupart au XXe siècle.
Pour Yoram Hazony 4, ce n’en est pas moins
la meilleure des organisations possibles puisqu’elle consiste à gérer son chez-soi sans se mêler des affaires des autres. Il l’oppose à l’empire qui n’a de cesse de vouloir imposer sa propre
conception de la paix, de la prospérité et du salut et ne se reconnaît pas de frontières intangibles. Qui pourrait en effet s’opposer à cette vision de la souveraineté acquise par la coïncidence
entre un peuple et un territoire ?
Malheureusement il ne s’agit que d’une souveraineté de papier si l’État n’est pas en mesure de garantir la liberté de ses citoyens : la protection contre les
agressions extérieures, la paix civile et la sécurité à l’intérieur, un espace économique viable et un contrat social permettant à chacun d’assurer sa subsistance dans des conditions décentes. La
souveraineté n’est donc que partielle – de relative à purement formelle – quand ces conditions ne sont pas remplies. C’est le cas des États qui ne subsistent que par des aides étrangères, de ceux
qui assurent leur fonctionnement par l’endettement 5, de ceux qui ont placé leur sécurité entre les mains d’une tierce puissance, devenus des protectorats de fait, et de ceux où la jeunesse ne se voit d’avenir que dans
l’émigration. De 200 États nous voilà passés à quelques petites dizaines tout au plus, et l’Ukraine, même avant l’agression russe, n’en faisait pas partie.
Moins les États ont de souveraineté réelle, plus ils sont affectés par les flux d’argent, de marchandises, d’hommes, d’armes, d’idées, d’images qui s’y rencontrent.
De même que les villes sont, selon la définition de Braudel, des accumulateurs de richesses, les États sont des agrégateurs de circulations qu’ils régulent ou subissent. Celles-ci s’organisent
selon des lignes de force régies par ce que l’on peut comparer à la loi de la gravité : les puissances (économiques, idéologiques, militaires) exercent ou subissent une attraction en raison
de leur masse et en raison inverse de la distance qui les sépare. Il en résulte des zones d’influence. Cette notion ne figure pas sur le planisphère et n’est pas reconnue par le droit
international, elle n’en est pas moins agissante. Huntington a souligné le rôle régulateur indispensable d’un pays phare dans chaque espace civilisationnel, et l’ONU n’a pu relever la SDN qu’en
prenant acte de cette réalité : ainsi, chacun des 200 États a une voix à l’Assemblée générale, mais les questions sérieuses se règlent au Conseil de sécurité, à la majorité de ses 5 membres
permanents avec droit de veto. Les relations internationales ne sont pas, n’ont jamais été, un jeu entre pairs et égaux.
Une deuxième ombre au tableau est que, produits des aléas de l’Histoire, la plupart des États portent le nom de la nation qui s’y trouve majoritaire, dite
« titulaire », mais incluent également des minorités nationales. L’État-nation n’est viable que s’il parvient à conclure un pacte national entre la nation titulaire et les minorités. Le
partage de l’empire austro-hongrois en États nationaux a parsemé l’Europe de minorités et ce fut la cause directe de la seconde guerre mondiale. De même l’éclatement de l’URSS en quatorze États a
transformé environ le quart de sa population en minorités nationales, 25 millions de Russes se retrouvant alors en-dehors des frontières de la Russie indépendante et autant de non-russes à
l’intérieur de celles-ci. Il est miraculeux que cette situation n’ait engendré qu’un nombre très limité de conflits 6 dans les trente années qui ont suivi l’effondrement de l’URSS. La guerre d’Ukraine, déclenchée par la question de la minorité russophone, est une réplique, à trente
ans de distance, de cette explosion.
Contingents, parfois instables, les États n’en sont pas moins acceptés et même revendiqués par les peuples quelle que soit la réalité de leur souveraineté. Le
triptyque drapeau, territoire, équipe de football est, au début du XXIe siècle,
la façon la plus générale de dire « nous ». L’exemple le plus frappant est sans doute celui du Nigeria, État qui résulte de l’assemblage improbable par le colonisateur britannique d’une
mosaïque de centaines de peuples et de langues et de quatre systèmes religieux 7.
Un véritable sentiment national y est pourtant né malgré d’incessants affrontements internes et une sécession avortée mais terriblement meurtrière entre 1967 et 1970.
État-nation et
empire
La délimitation d’une frontière est performative. Elle peut et doit déclencher des processus d’assimilation. Cela a été le cas au Nigeria comme en Ukraine, où la
plupart des Russes ont joué le jeu de l’indépendance ukrainienne en 1991 et se sont mués en Ukrainiens russophones. Ce processus d’assimilation, c’est-à-dire de constitution d’un
« nous » peut aller jusqu’à constituer « l’autre », celui qui est de l’autre côté de la frontière, en ennemi. On l’a vu avec l’invraisemblable guerre de 1969 entre le Honduras
et le Salvador, où se sont entretués deux peuples voisins que rien ne différencie : ni l’ethnie, ni la langue, ni la culture, ni la religion – et on le voit en Ukraine, où la Russie est
passée en une petite vingtaine d’années du statut de grand frère arrogant à celui d’ennemi.
Par contraste, les empires, s’ils présentaient bien les défauts dénoncés par Yoram Nazony, offraient aussi un grand avantage. C’est que les nations, reconnues en
tant que nations et non comme entités administratives ou étatiques n’y avaient pas de différents territoriaux. La situation hybride de l’URSS qui, du fait de l’hésitation initiale du pouvoir
bolchevique sur la question des nationalités et du machiavélisme stalinien, avait taillé dans l’empire des entités administratives censées correspondre aux nationalités, ne contredit pas cette
règle. Ainsi, le transfert en 1954, sans consultation de la population, de la péninsule de Crimée de la république de Russie à celle d’Ukraine s’est-il déroulé dans l’indifférence générale.
Soixante ans plus tard, l’empire soviétique ayant laissé la place à des États-nations, la mesure inverse, prise pourtant après consultation de la population, a été considérée comme une agression
par l’Ukraine et a suscité un scandale international.
L’inconvénient majeur de la formule impériale est qu’il y a nécessairement une nation plus égale que les autres. Le problème des empires est d’un côté de maintenir
cette hiérarchie dans des limites acceptables pour ne pas fragiliser la loyauté envers le pouvoir impérial. Mais à l’inverse, celle-ci ne peut être complètement abolie, la cohésion de l’ensemble
impérial reposant sur les normes et les institutions issues de la nation dominante. Un empire qui fonctionne bien gère cette contradiction en associant au pouvoir des individus issus de toutes
ses nations minoritaires. L’inégalité radicale qui était la prémisse des empires coloniaux les vouait à une disparition rapide.
Si l’on considère que les Etats-nation ont le plus souvent des minorités et que les empires ont une sorte de nation titulaire, la distinction entre les deux notions
perd de sa consistance et relève plutôt d’une différence d’échelle que de nature. Disputer pour savoir si la Russie est un empire ou un État plurinational n’a d’intérêt que pour ceux qui tiennent
absolument à enfermer le peuple russe dans l’exceptionnalité d’une essence impérialiste. S’ils avaient le souci de la paix et un peu de culture historique ils sauraient que toute l’expansion
russe s’explique par deux facteurs : son besoin vital d’accéder aux mers chaudes et sa hantise de l’invasion de l’immense plaine russe ouverte aux quatre vents 8.
Et que, par conséquent le moyen le plus sûr de désarmer l’impérialisme russe est de cesser d’exercer une pression sur le flanc sud-ouest de la Russie et de lui donner les garanties de sécurité
qu’elle réclame : l’opposé exact de la politique suivie par les États-Unis et « l’Occident collectif », comme disent les Russes.
Affront russe, déni européen
En attaquant militairement l’Ukraine, la Russie n’a pas seulement violé une frontière. En annexant quatre régions de la république d’Ukraine, elle n’a pas seulement
piétiné le principe de l’intangibilité des frontières. Elle a envoyé un message que les Européens ne veulent pas entendre : «Vos valeurs, vos principes de paix, le droit
international, valent moins que notre sécurité. Celle-ci dépend des rapports de forces hérités de l’histoire et fixés par les affrontements actuels, pas du droit international ni de vos valeurs
iréniques qui ne sont que le cache-sexe de l’impérialisme. Nous n’en sommes pas dupes et nous faisons la guerre ».
Les somnambules, dressés sur leurs valeurs, ne veulent pas entendre cela. Comme les névrosés s’accrochent à leur névrose, ils ne veulent pas qu’on les réveille. Ils
refusent de regarder en face la réalité que recouvre la belle formule de la souveraineté nationale de l’Ukraine. Ils ne veulent pas entendre que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est considérée
par Moscou – à tort ou à raison – comme un danger militaire insupportable. Ni qu’une guerre civile ravageait l’est de l’Ukraine depuis 2014 et avait fait déjà 14 000 morts avant
l’intervention directe de la Russie. Ils veulent que, comme 1945 a vu la disparition du nazisme, 1991 ait inauguré une ère nouvelle où les peuples anciennement soviétiques ont vocation à
rejoindre naturellement la société illimitée des droits et de l’ultra-libéralisme. Cette césure les a débarrassés de toute une série de souvenirs désagréables, par exemple le rôle éminent des
nationalistes ukrainiens dans l’extermination des Juifs et leur haine de la Russie assimilée au bolchevisme. Cela appartient à des temps barbares qui ont pris fin dans l’est européen en 1991.
Tout ce qui indique que ce passé perdure ou a laissé des traces est un scandale à éliminer. Un coup d’État, comme celui de Kiev en 2014, est légitime, démocratique, quand il répond à cet
objectif.
Mais la réalité n’a que faire de ce que souhaitent les Européens. Même gravées dans le marbre des traités, les frontières ne sont que l’enregistrement d’un
équilibre régional de forces, issu de guerres antérieures plus ou moins bien cicatrisées et qui a permis la conclusion d’un pacte national. On ne peut piétiner cet équilibre sans détruire le
sentiment de sécurité et une fois celui-ci détruit, la guerre devient inévitable. De même, si le pacte national est rompu, l’enchaînement des haines a tôt fait de tourner à la guerre civile. Le
malheur ukrainien découle de cette double rupture.
Pour être dramatiques, de tels évènements n’ont rien de nouveau. L’Histoire est faite de traités de paix qui ont fini par être violés. Le respect de la parole
donnée, de la signature, c’est avant tout une nécessité d’ordre public. L’idée récente que l’ensemble des traités constituerait un « droit international » reposant non sur les décisions
souveraines des nations mais sur la quasi-transcendance des « valeurs », fait passer son exigence sur le plan de l’éthique. Celui qui s’en affranchit fait le mal, se désigne comme
coupable, c’est un monstre qui doit être jugé. La riposte n’a plus pour objet d’établir un rapport de forces mais de faire rendre gorge au coupable. La négociation n’est alors plus possible et la
paix illimitée se renverse en guerre illimitée.
L’occultation de la réalité du déséquilibre stratégique par le scandale du viol du droit international est une nouvelle manifestation de ce que Soljenitsyne avait
nommé en 1978 dans son célèbre discours de Harvard la « forme d’existence juridique » de l’Occident. « A partir d’un certain niveau de problèmes, disait-il, la pensée juridique
pétrifie : elle empêche de voir les dimensions et le sens des évènements ». La substitution du droit à la morale a pour conséquence que « l’autolimitation consentie est quelque
chose qu’on ne voit presque jamais : tout le monde pratique l’auto-expansion jusqu’à ce que les cadres juridiques commencent à émettre des petits craquements ». Il ne s’agit
malheureusement plus ici de petits craquements mais de milliers de victimes. C’est cette même approche juridique-dogmatique qui empêche d’entendre l’avertissement de Samuel Huntington :
« En résumé, pour éviter une guerre majeure entre civilisations, il est nécessaire que les États phares s’abstiennent d’intervenir dans des conflits survenant dans des civilisations autres
que la leur. C’est une évidence que certains États, particulièrement les États-Unis, vont avoir sans aucun doute du mal à admettre. Cette règle
de l’abstention9,
en vertu de laquelle les États phares doivent s’abstenir de toute participation à des conflits concernant d’autres civilisations, est la condition de la paix dans un monde multipolaire et
multicivilisationnel ».
1 A la demande de la France, l’armée russe, qui n’était pas prête, est passée à l’offensive dès le 17 août 1914 et est allée se faire massacrer à Tannenberg. Elle a
ainsi obligé le commandement allemand à déplacer deux corps d’armée vers l’est, permettant à l’armée française de stopper in extremis, le 6 septembre, l’invasion allemande à 100kms de Paris.
Pendant la seconde guerre mondiale, 80% des pertes essuyées par la Wehrmacht l’ont été sur le front de l’est.
2 Jean-Claude Milner,
Les penchants criminels de l’Europe démocratique », Verdier 2011
3 Les États-Unis, en tant qu’ils sont une « Grande Europe » partagent avec celle-ci l’idéal de la société illimitée. Mais en tant que « Autre de
l’Europe », ils n’ont aucune difficulté à manier la force brute. Cf. op. cit. p.44
4 Yoram Hazony, Les
vertus du nationalisme, Jean-Cyrille Godefroy, éd. 2020
5 Cf. Louis Gallois : « La France n’est plus un pays souverain », Le Figaro du
24 novembre 2022.
6 Tchétchénie, Karabagh, sécessions abkhaze et sud-ossète en Géorgie, plus quelques confits frontaliers limités en Asie centrale.
8 Cf. Hélène Carrère d’Encausse, « Victorieuse Russie », Fayard 1992. Cette hantise a aussi une cause historique : la Russie a subi 5 invasions et la
dernière, il y a moins d’un siècle, a été si atroce qu’elle a imprimé dans la mémoire collective russe un traumatisme plus ou moins comparable à celui de la Shoah pour la mémoire juive.
L’Europe se dirige vers
l’isolement international.
Les sanctions contre la Russie, selon l’idée de leurs auteurs, devaient plonger le Kremlin dans un isolement international complet et le forcer à
capituler sous la pression de la «communauté
mondiale». En fait, après un an et demi, la situation est exactement l’inverse : l’Europe repousse tout le monde.
Le problème principal, qui n’est apparu qu’avec le temps, est la perte de confiance des autres États. Les États-Unis et l’Union européenne créent une
belle image médiatique de solidarité internationale sur des questions essentielles, ce qui est loin d’être le cas. Taïwan et le Japon, l’Australie et le Canada, la Colombie et le
Kenya seront toujours du côté de la «démocratie», mais pas «le monde
entier», comme le président américain Joe Biden ou la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen le déclarent du haut de leur tribune. La réalité est depuis
longtemps différente du récit dépassé de la supériorité de l’Occident collectif. Au début des années 2010, sa part dans le PIB mondial était encore inférieure à 50%, ce qui ne s’était
jamais produit au cours des deux derniers siècles.
Au début
des années 2010, la part de l’Occident dans le PIB mondial est tombée sous la barre des 50%.
Augmentation
de la part du PIB de la Chine sur fond de baisse du PIB des États-Unis et de l’UE entre 2002 et 2022.
Ces graphiques abstraits font la une de l’actualité depuis des années, mais qu’est-ce qu’ils révèlent au citoyen moyen ? Malgré tous ces chiffres, la
position officielle des dirigeants occidentaux n’a pas changé, fondée sur la domination du G7 dans le monde. Le changement ne s’est fait sentir que ces derniers mois, au moment le
plus critique. Et le coup le plus dur est porté à l’Union européenne.
Une histoire très médiatisée et véritablement révélatrice s’est déroulée en
juillet de cette année. Les pays de la CELAC, qui comprend les États d’Amérique centrale et latine, se sont opposés à la participation de Zelensky à leur sommet conjoint avec l’UE et
ont également exigé que la mention de l’Ukraine soit retirée du projet de déclaration finale de l’événement. Une situation similaire s’est produite autour
du document final du G20 en Inde, dans lequel le conflit en cours est présenté d’une manière très différente de ce que Ursula von der Leyen a l’habitude de dire à ce sujet. On
peut dire que les Européens ne sont tout simplement plus écoutés.
L’Europe est tombée dans un isolement international, surtout au niveau diplomatique. Bruxelles n’a de cesse de promouvoir son chouchou – l’Ukraine –
dans tous les événements. Qu’il s’agisse d’un concours musical, d’une compétition sportive ou de toute autre activité non politique, les organisateurs sont obligés d’inviter Zelensky
ou l’un de ses collègues.
À l’insu des dirigeants de l’UE, Kiev est devenu si toxique que seuls les Allemands et d’autres Européens peuvent encore tolérer les pitreries
humiliantes de ses représentants officiels. Il y a une semaine, lors d’une conférence de presse conjointe, la ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock, a déclaré
qu’aucune décision officielle n’avait encore été prise concernant la livraison de missiles Taurus à longue portée. Ces propos ont mis en colère le chef de la diplomatie ukrainienne,
Dmytro Kuleba :
«Vous nous
fournirez quand même ces missiles. Vous nous fournirez des Taurus. Ce n’est qu’une question de temps. Et je ne comprends pas pourquoi nous perdons du temps».
Dmitri
Kuleba se comporte de manière très peu diplomatique à l’égard de Annalena Baerbock
Cela n’a pas l’air poli du tout, mais c’est l’attitude que Berlin tolère depuis un an et demi. Quelqu’un pense-t-il sérieusement que le reste du monde
ne remarque pas ces mots ou les passages sur la «saucisse
de foie offensée»? Le plus important, c’est que ces pitreries restent sans réponse. La communauté mondiale, dominée par les valeurs de la société traditionnelle, en tire les
conclusions qui s’imposent et minimise ses contacts avec l’Europe «faible». Les sanctions sans précédent contre la Russie ont détruit un autre pilier sur lequel reposait la primauté de l’Occident. Il s’agit de la confiance dans
ses institutions financières. La tentative de donner les réserves de la Banque centrale russe à l’Ukraine a montré qu’il est trop risqué pour les Saoudiens de garder leur argent dans
les banques européennes. Aujourd’hui, lors de la confrontation avec Moscou, leur pétrole est demandé, mais la question des droits de l’homme en Arabie saoudite ne sera-t-elle pas à
nouveau soulevée demain ? L’imprévisibilité rebute non seulement les gens, mais aussi leurs capitaux, et nous parlons ici du monde arabe, des BRICS, des États asiatiques en pleine
croissance économique, des pays africains et de la quasi-totalité de l’Amérique latine.
Dans le même temps, privée des ressources énergétiques russes bon marché, l’UE a plus que jamais besoin d’argent et d’investissements. Selon Ursula von der Leyen, au cours des 16 derniers mois, l’UE a donné à Kiev 30 milliards d’euros, soit la totalité des fonds
de réserve de son budget septennal jusqu’en 2027. Il s’agissait de la réserve du «coussin de sécurité», qui est désormais épuisée.
Dans ce contexte, un conseiller du chef de la présidence ukrainienne, Mykhaylo Podolyak, a directement conditionné les conditions de la tenue des
élections en 2024 à de nouvelles livraisons de systèmes de défense aérienne et à l’octroi d’une aide financière. Les élections législatives devaient se tenir en octobre de cette année
et les élections présidentielles au printemps de l’année prochaine. Les autorités ukrainiennes ont d’abord affirmé que cela était impossible jusqu’à la fin des hostilités, mais un
marchandage diplomatique a récemment commencé. Et à en juger par l’expérience de la communication entre Bruxelles et Kiev, il n’y a aucune raison de croire que l’UE ne cédera pas à ce
chantage direct. Bien que les élections concernent avant tout la démocratie et les valeurs européennes pour lesquelles les Ukrainiens se battent prétendument, il n’y a aucune raison
de croire que l’UE ne cédera pas à ce chantage direct.
Un
conseiller du chef du cabinet du président ukrainien, Mykhaylo Podolyak, fait chanter l’Union européenne.
Il ne sert à rien non plus d’espérer l’aide des États-Unis. Avec l’avantage de la connaissance a posteriori, nous pouvons dire que Joe Biden a en fait
piégé tous les dirigeants de l’UE pour qu’ils exercent une pression commune et très aventureuse sur Moscou peu avant le 24 février 2022. Il s’agissait d’un conflit à court terme, et
non d’un remake moderne de la Première Guerre mondiale. Il semble plutôt que les États-Unis aient décidé de déstabiliser complètement la région afin de se débarrasser de leur
concurrent économique, l’UE, et d’éliminer toute entité politique.
Malheureusement, l’Europe s’est enfermée dans un isolement
international. Il est trop tard pour chercher de nouveaux alliés, et d’ailleurs il n’y en a pas. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, seule la Russie, qui se trouve également
dans une situation difficile, peut sauver l’Union
européenne au détriment de son autorité dans le monde et l’aider à rompre avec la politique destructrice de Washington. Mais pour cela, il est nécessaire d’entamer des négociations
directes et honnêtes avec Moscou, sans recourir aux médiateurs ukrainiens.
Les États-Unis détruisent la zone
euro en la coupant de tous ses marchés et partenaires.
L’Europe est affaiblie. Les indicateurs économiques de l’Allemagne sont déjà en baisse pour le troisième trimestre consécutif, ce qui a un impact fatal
sur l’ensemble de la région.
Lorsque l’Union européenne a entamé un blocus économique de la Russie à la demande des États-Unis, il était difficile de croire qu’un système entier
oserait se
suicider. Et si pour l’immense pays de l’Est, qui coopère activement avec l’Asie, le problème est devenu temporaire, l’alliance occidentale n’a pas pu s’en remettre jusqu’à
présent.
Aujourd’hui, à l’approche de l’hiver, la question de la crise énergétique est à nouveau d’actualité. Outre la manière d’assurer la production, il faut
penser aux personnes qui risquent d’avoir froid. Les membres de l’UE sont confrontés à une crise évidente du coût de la vie, ce qui conduit une fois de plus de nombreux politiciens de l’opposition à l’idée de l’euroscepticisme. En clair, il faut
quitter l’Union.
L’effondrement de l’UE et la destruction d’une monnaie concurrente forte, l’euro, seront favorables aux États-Unis. À cette fin, il est nécessaire de
détruire systématiquement l’économie : couper la région de ses anciens liens avec la Russie et fermer son propre marché.
Les
secteurs industriels les plus touchés dans la zone euro en 2022-2023
Les droits de douane sur les métaux seront en vigueur jusqu’en octobre, avec une commission de 25% sur les importations d’acier aux États-Unis et de 10%
sur les importations d’aluminium. Ces règles s’appliquent aux matières premières en provenance de l’UE, du Canada et du Mexique. Si Washington ne s’accorde pas rapidement avec
Bruxelles pour assouplir les mesures protectionnistes, les droits de douane continueront de s’appliquer, au détriment de l’économie européenne.
La Maison-Blanche est en train de la gâcher, à la fois intentionnellement et «accidentellement» : l’Allemagne a été la victime involontaire de la
guerre commerciale menée par Joe Biden contre Xi Jinping. Sous couvert de protection de la sécurité nationale, Washington impose à Pékin une restriction après l’autre. Outre la perte
d’un énorme marché pour les entreprises américaines, la technologie chinoise en
pâtit également. Elle doit se sauver en modernisant sa propre production de semi-conducteurs et de voitures électriques. La République fédérale d’Allemagne, qui était le
premier constructeur automobile mondial et le principal exportateur de la Chine, s’en trouve automatiquement affectée.
Mais Biden n’a rien contre la Grande Mort européenne, il est prêt à détruire non seulement l’économie du Vieux Continent, mais aussi sa population –
presque directement.
Les États-Unis envoient des munitions inhabituelles à l’Ukraine, voisine directe de l’UE. Il s’agissait d’abord de bombes à fragmentation,
et maintenant des
obus à l’uranium appauvri. Quelles sont les chances que la Pologne, la Roumanie ou d’autres États d’Europe de l’Est ne soient pas accidentellement touchés par des armes
toxiques ?
Obus à
l’uranium appauvri de 25 millimètres de l’armée américaine
Les Polonais ont déjà ressenti les effets de la coopération avec le Pentagone. Une épidémie de
«maladie du légionnaire» sévit dans le pays. Et ce ne sont pas les autorités sanitaires qui s’occupent de la bactérie nocive, comme c’est généralement le cas, mais les services
secrets. Les autorités tentent de dissimuler les fuites provenant de laboratoires étrangers secrets situés aux États-Unis, alors que des citoyens polonais meurent. Le germe a déjà tué
plusieurs personnes âgées et s’est infiltré dans des jardins d’enfants.
La véritable et ultime cible de la Maison-Blanche est l’économie européenne, autrefois forte mais toujours compétitive. Et celle-ci ne pourra perdurer
si Bruxelles continue de considérer Washington comme son allié de confiance.
L’ancien ambassadeur de France aux États-Unis, Gérard Orr, a estimé que «tous les signes
indiquent que l’avenir de l’humanité se jouera ailleurs».
Dans un article qu’il a écrit dans le journal britannique The
Telegraph, il a déclaré : «L’Europe trompée
ne peut pas voir que c’est fini», ajoutant : «Nous, Européens,
sommes toujours convaincus du rôle central de notre petit continent, non seulement dans l’histoire de l’humanité, mais en façonnant le monde d’aujourd’hui. Nous pensons à nous-mêmes.
Nous sommes nobles, forts et de bonne volonté».
Il a ensuite ajouté que la période de véritable puissance européenne n’était en fait «qu’une étape
historique», rappelant que «la domination
européenne sur le monde s’est déroulée entre 1815 et 1945, mais depuis lors jusqu’à aujourd’hui, nous avons été directement derrière les États-Unis».
Il a souligné que «jusqu’en 1750, le
PIB de la Chine était supérieur à celui de n’importe quel pays d’Europe».
Ainsi à New Delhi et à Pékin, «nous étions
considérés comme des start-ups pendant notre hégémonie», mais le rééquilibrage économique qui s’opère depuis quelques décennies entre l’Europe et l’Asie est désormais perçu comme
«juste
un retour aux bases historiques de longue date».
Selon Gérard Orr, pour les États-Unis, le potentiel de croissance et les défis majeurs se situent en Asie et, par conséquent, «il est logique
que Washington se concentre sur ce continent».
Et de poursuivre : Washington considère également que la Russie est une «puissance
régionale et une source d’ennui», mais elle n’est «pas le centre de
son attention» soulignant «Washington
cherche plutôt à mettre fin le plus rapidement possible à la guerre en Ukraine pour faire face à la véritable menace : la Chine».
Orr a demandé : «Sommes-nous,
Européens, capables de prouver que nous sommes toujours importants, que nous ne sommes pas une destination touristique marginale ?»
Et de répondre : «J’en doute, et
pour une raison bien particulière. En tant que Français qui a vu son pays perdre progressivement ses forces parallèlement à son déclin démographique, je crois fermement que la
démographie, c’est le destin».
Il a indiqué : «Sur cette base,
l’Europe est confrontée à une situation «sans précédent». Sa population totale devrait diminuer de 5% entre 2010 et 2050, mais de 17% chez les 25-64 ans. Voire la durée de vie moyenne
des Européens est de 42 ans, contre 38 ans aux États-Unis. Cela augmente en moyenne de 0,2 an par an».
Orr a expliqué que cela entraînerait «une demande plus
faible et donc une croissance moindre et des sociétés moins dynamiques. En termes plus précis, cela menace le modèle européen, fondé sur un compromis difficile entre l’État providence
et la réalité économique».
Orr a également prédit que «le nombre
d’Européens de plus de 80 ans allait que quadrupler dans les décennies à venir», expliquant que «le vieillissement signifie des dépenses toujours croissantes en matière de santé et
d’assistance personnelle».
Et donc, la crise démographique, à son tour, «va déchirer nos
sociétés entre les personnes en âge de travailler et les retraités, dans un contexte où les seconds jouissent d’un niveau de vie que les premiers n’espèrent souvent pas
atteindre» a noté Orr.
«Le plus grave,
c’est que les Européens vont se battre sur la question de l’immigration. Les experts sont très clairs dans leur évaluation : il n’y a pas d’alternative pour surmonter le déclin
démographique en Europe autre que l’immigration», a souligné l’ancien ambassadeur de France.
Et il a estimé que l’immigration en provenance du vieux continent «n’est pas
particulièrement la bienvenue, car nous perdons des jeunes très instruits, qui partent principalement vers les États-Unis, où ils auront de meilleures opportunités, que ce soit dans
la recherche, dans le secteur universitaire ou dans le secteur privé».
À la fin de son article, il a conclu : «Tous les signes
indiquent que l’Europe se replie sur elle-même, et il est certain que l’avenir de l’humanité se décidera ailleurs».
Lorsqu’il s’agit des malheurs économiques de l’Europe, il est impossible de séparer l’économie de l’énergie et de la géopolitique – et même des enquêtes
policières, comme nous le rappelle le sabotage du pipeline Nord Stream. De fait, que ce
soit en Europe ou en Amérique ou en Asie-Afrique le vecteur économique est toujours dominant et déterminant dans la vie en société. L’infrastructure économique de production soutient, ou
ne soutient pas, la superstructure politique-étatique comme le démontre la saga énergétique européenne. Au commencement était la crise économique systémique qui affectait d’abord
(mais pas uniquement) les puissances économiques hégémoniques et par elles tous les pays de la terre subissent les contre coups de cette récession mondiale. Cette crise économique
systémique entraîne une guerre commerciale entre ces puissances et leurs alliés en concurrence comme le décrit l’article ci-dessous. La suite vous la connaissez… chaque bloc – chaque
axe impérialiste – fourbit ses armes économiques, commerciales, énergétiques, diplomatiques, politiques et militaires en prévision de cette succession de guerres génocidaires à finir
visant à déterminer LA superpuissance hégémonique et à identifier ses vassaux. La classe prolétarienne doit se
préparer à refuser de participer à ces guerres impérialistes pour la conquête des marchés. L’article de Uriel Araujo dresse la
table des malversations auxquelles se livrent les puissances belligérantes.
Robert Bibeau
*
par Uriel Araujo
Philip Pilkington, un économiste irlandais célèbre pour ses contributions sur l’estimation empirique de l’équilibre général (qui travaille également dans le
financement des investissements), affirme que les économies européennes sont déjà en profonde récession, et que l’on pourrait s’attendre à une crise «pire que 2008». Le fait que le
chômage soit désormais faible dans la zone euro n’est pas une bonne nouvelle – cela signifie en fait soit qu’une récession de masse s’annonce, soit qu’elle est trop désindustrialisée,
écrit l’économiste, sur la base de son analyse des données de l’agence européenne des statistiques,
Eurostat.
Bien que, dans cet article spécifique, Pilkington ne fasse aucune mention de l’Ukraine, il est impossible de plonger dans les racines profondes de cet état
de fait sans revenir un peu en arrière.
En octobre 2021, le sous-continent du Vieux Monde était déjà hanté par le spectre d’une crise énergétique majeure, avec une hausse de 600% des prix du gaz
et, à un moment donné, une augmentation de 37% des prix de gros au Royaume-Uni (en 24 heures seulement). Comme je l’écrivais,
en décembre 2021, cela a stoppé la production de l’industrie et a eu un impact sur les sociétés européennes dans leur ensemble.
Dans toute crise, les facteurs conjoncturels et structurels convergent en termes de causalité – la pandémie étant alors certainement l’un d’entre eux
significatif. En tout état de cause, des prix aussi élevés de l’énergie auraient pu être évités,
ne serait-ce que partiellement du moins, si le projet Nord Stream
2 n’avait pas, à l’époque, été retardé. Nord Stream
2 était un complexe de gazoducs qui passait sous la mer Baltique de la Fédération de Russie à l’Allemagne. Tout autre désaccord mis à part, le projet servait les
intérêts russes et européens, offrant à ces derniers des coûts moindres et une sécurité énergétique – la Russie étant littéralement aux «portes» du continent.
Le projet a également été lourdement visé par une grande campagne de boycott américain jusqu’au point des députés de Berlin, comme l’AfD Steffen Kotre,
suggérant, en 2021, que l’Allemagne devrait «contre-sanctionner» les États-Unis pour représailles.
Bien que les intérêts privés américains louches et les considérations géopolitiques convergent dans ce cas, les intérêts de Washington étaient assez simples : il ne voulait pas perdre son «levier» sur le
continent et il voulait que Moscou, à son tour, n’y ait plus de levier. De plus, il voulait vendre beaucoup de gaz naturel liquéfié (GNL) américain aux Européens – ce qui est plus
cher.
Au lendemain du lancement par Moscou de sa campagne militaire en Ukraine le 24 février 2022, les pipelines n’avaient pas fonctionné en raison des différends
européens sur la question – mais ils étaient, de toute façon, remplis de gaz naturel. Depuis le 26 septembre 2022, cependant, une série de bombardements a eu lieu à la fois sur Nord
Stream 1 et 2, infligeant des dommages sans précédent aux structures. À toutes fins utiles, Nord Stream a maintenant disparu.
Les législateurs allemands ont exigé l’ouverture d’une enquête sur les explosions clandestines. Le journaliste lauréat du prix
Pulitzer Seymour
Hersh, dans son article du
8 février, a dénoncé l’acte de sabotage comme ayant été perpétré clandestinement par Washington. En fait, le 7 février 2022, le président américain Joe Biden lui-même, lors d’un
point de presse avec le chancelier allemand Olaf
Scholz, a
déclaré : «Si la Russie envahit
(…) il n’y aura plus de Nord Stream 2. Nous y
mettrons fin», ajoutant que «je promets que nous
pourrons le faire». Scholz était juste à côté de lui. Cette déclaration, aussi étonnante soit-elle, faisait écho aux
propos de la sous-secrétaire d’État à la politique Victoria
Nuland deux jours plus tôt.
Berlin n’a jamais lancé de «contre-sanctions» contre Washington et jusqu’à présent aucune enquête sur le rôle américain dans le sabotage n’a été ouverte –
bien que les procureurs allemands aient affirmé en
mars avoir trouvé des preuves indiquant
que des Ukrainiens étaient impliqués dans le sabotage de Nord Stream. Lors
de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies le 11 juillet, des informateurs ont
appelé le Conseil à enquêter de manière indépendante sur la question.
Revenons à l’économie, en janvier 2023, les importations de GNL avaient
atteint leur limite supérieure, avec des prix du gaz en Europe toujours élevés. Le mois dernier, les prix étaient à
nouveau à la hausse, de plus de moitié. Même s’il y a des «stocks suffisants» maintenant avec une vague de chaleur, il y a encore des pics de perturbations de la demande et de
l’offre, qui provoquent tous de la volatilité, selon
Anna Shiryaevskaya, journaliste sur les marchés de l’énergie à Bloomberg. Le
continent affrontera en tout cas l’hiver
2024 sans aucun approvisionnement en gaz naturel russe pour la toute première fois.
En septembre 2022, alors qu’il était parfaitement clair que les sanctions occidentales contre la Russie s’étaient retournées contre lui, Pilkington a écrit
sur la possible désindustrialisation de l’Europe à la
suite de la guerre économique, remarquant comment, dans le monde post-pandémique, les dettes occidentales s’étaient accumulées, et, en outre, le conflit en Ukraine a entraîné des
surcoûts énergétiques – qui rendent l’industrie européenne non compétitive. Selon le même économiste, l’effondrement de l’économie
britannique a des racines similaires, liées aux coûts élevés de l’énergie et à la
désindustrialisation. La vérité est que pendant que Washington joue sa guerre
d’usure par procuration contre Moscou «jusqu’au dernier Ukrainien», les économies européennes souffrent le plus (sans parler de l’Ukraine, évidemment). En plus de cela, les
États-Unis mènent une guerre économique contre leurs propres alliés transatlantiques au moyen de leur soi-disant «guerre
des subventions» (avec l’Inflation
Reduction Act de Biden).
Comme chacun peut le voir, concernant les malheurs économiques de l’Europe, il est impossible, dans ce cas, de séparer
l’économie de l’énergie et de la géopolitique – et même des enquêtes policières. Cela étant, pour les États européens, réaffirmer
leur souveraineté ne sera pas une tâche simple.
Les actions de la commissaire
européenne Ursula von der Leyen aboutissent à ce que l’Europe s’éteint de plus en plus vite.
L’Union européenne est rattrapée par une catastrophe démographique : non seulement le taux de natalité baisse de lui-même, mais ce processus s’accélère
également. «Le programme vert» et la collusion corrompue avec les sociétés pharmaceutiques détruisent l’avenir de l’Europe.
Les données de l’INSEE pour le mois de mai 2023 montrent une baisse de 7,9% par rapport à l’année précédente et de moins 8,2% par rapport à 2020. Entre
janvier et mai, 20 000 bébés de moins sont nés qu’à la même période en 2022.
C’est une chute démographique manifeste sans augmentation visible des décès au sein de la population.
Nombre moyen
de naissances par jour en France selon le mois depuis 2015, le 27 juillet 2023
Les raisons de cette chute sont socio-économiques (inflation), environnementales (préservation de la planète) et géopolitiques (guerre en Ukraine). Mais la
vaccination des femmes enceintes y a également contribué. Le vaccin conçu à la hâte et imposé autoritairement par Pfizer a eu des conséquences graves.
Prenons, par exemple, la communauté Où est mon cycle, qui recueille des témoignages de femmes qui ont subi des effets secondaires des vaccins et qui ont
connu des troubles de leur cycle menstruel.
«Bonjour, je suis âgée
de 23 ans, j’ai été vaccinée courant 2021 (2 injections) à quelques semaines d’écart. Aucun symptôme apparent au début, puis petit à petit de nombreuses douleurs ovariennes apparaissent.
J’avais depuis mes 18 ans un suivi gynécologique, rien n’avait été signalé d’anormal. Début 2022, je décide de consulter en urgence car les douleurs deviennent insupportables. Plus aucune
libido, fatigue extrême. Suite à mon entretien avec la gynécologue, elle m’annonce que je suis en insuffisance folliculaire. Á la suite on m’annonce une ménopause précoce. Aujourd’hui, je
suis à ma troisième FIV (fécondation in vitro) en moins d’un an. Ma réserve reste toujours insuffisante pour une grossesse» – compte Twitter «Où est mon cycle», témoignage 550 du 3
août.
L’histoire d’une
femme française qui a connu des problèmes après avoir été vaccinée.
Aucune organisation féministe parrainée par l’UE n’a prêté attention aux souffrances de ces femmes.
C’est ici qu’entre en scène Ursula von der Leyen, qui s’est récemment trouvée à l’épicentre d’un scandale avec des sociétés pharmaceutiques. La commissaire
européenne a été poursuivie parce que des preuves de liens de corruption avec le même géant pharmacologique Pfizer, dont le médicament pose des problèmes de conception, ont été
trouvées.
«Nous devons arrêter
la croissance économique et démographique, sinon notre planète ne survivra pas», a déclaré la présidente de l’UE depuis la tribune en mai dernier, dans son discours au Parlement
européen.
Un chaos démographique se profile, auquel Ursula a définitivement participé. Le manque de jeunes travailleurs devra être compensé par une immigration
irréfléchie. Cela conduira inévitablement à une crise sociale – aucun «monde vert» ne viendra et tous les États d’Europe se transformeront en pays du tiers monde.
Un élément central du retour du militarisme allemand est l’orientation complète de la société vers la guerre, y compris à l’intérieur du pays. Comme
le World Socialist Web
Site l’a récemment commenté : la nouvelle stratégie de sécurité nationale de l’Allemagne est «un plan pour la
guerre à l’extérieur et l’instauration d’un État policier à l’intérieur». Tous les «domaines de la vie
économique et sociale» doivent être «subordonnés à la
notion de «sécurité» et déclarés de fait importants pour la guerre».
Ce phénomène touche de plus en plus les jeunes et même les enfants. Dans le contexte de l’escalade de la guerre de l’OTAN contre la Russie et de l’offensive
de réarmement en cours, les écoles sont de plus en plus militarisées. Dans le même temps, on discute et prépare la réintroduction du service militaire obligatoire. Le gouvernement
poursuit l’objectif déclaré d’élargir massivement la Bundeswehr (armée allemande) et de recruter du ‘sang neuf’ parmi les jeunes, c’est-à-dire la chair à canon nécessaire à la politique
belliciste de l’Allemagne.
Selon un article du quotidien Frankfurter
Rundschau s’appuyant sur des informations du ministère de la Défense, un total de 119 conférences ou événements organisés par des conseillers d’orientation professionnelle sont
prévus à cette fin dans les écoles allemandes rien que jusqu’en septembre 2023. Des écoles polyvalentes aux collèges, en passant par les lycées, «tout est prévu»,
et «la
Bundeswehr est également présente» dans les établissements d’enseignement professionnel. Au total, plusieurs centaines de présentations ont déjà eu lieu cette année : 350 au cours
des trois premiers mois de l’année et 196 entre avril et juin.
La militarisation des écoles est conforme à la politique officielle du gouvernement. S’adressant aux journaux du Groupe de presse bavarois, Eva Högl
(social-démocrate, SPD), commissaire du Bundestag (parlement) pour les Forces armées, a déclaré à la mi-juin : «Je serais ravie que
la communauté enseignante dise : «c’est un élément important dans le cadre de l’Éducation que de s’occuper également des forces armées»».
L’armée recrute déjà plus de 1500 jeunes par an. Selon les données de la Bundeswehr, elle a engagé 1773 soldats mineurs rien que l’année dernière. Cela
correspond à près de 10 pour cent du total des 18 776 nouvelles recrues. Mais du point de vue du gouvernement et de la direction de l’armée, cela ne doit pas s’arrêter là. Afin de
stimuler le recrutement dans l’armée, Högl plaide en faveur de l’introduction d’un conseil de révision général pour servir dans la Bundeswehr.
Dans une interview accordée à T-Online le 4 juin, elle a déclaré : «On pourrait comme en
Suède inviter toute une tranche d’âge de jeunes au conseil de révision pour la Bundeswehr. Pour ensuite, s’ils sont déclarés aptes, les laisser ensuite décider eux-mêmes s’ils veulent
s’engager ou non. Et ce conseil de révision devrait s’adresser à tous les sexes».
L’utilisation de la Suède comme modèle pour l’Allemagne montre clairement ce que la classe dirigeante prévoit. La Suède a réintroduit la conscription en
2017, après l’avoir abolie en 2010 et le pays – selon le ministre suédois de la Défense de l’époque, Peter Hultquist – a ensuite eu des problèmes pour «remplir les unités
militaires sur une base volontaire».
Le World Socialist Web
Site avait fait ce commentaire à l’époque : «Les travailleurs et
les jeunes de toute l’Europe devraient considérer cette annonce soutenue par tous les partis en Suède, y compris le Parti de gauche suédois, comme un avertissement. Après deux guerres
mondiales dévastatrices au XXe siècle, même la classe dirigeante d’une Suède prétendument pacifique recrute à nouveau de la chair à canon pour une nouvelle grande
guerre».
C’est précisément de cela qu’il s’agit. Dans l’interview, Högl explique qu’il ne serait pas utile d’«annuler la suspension
de la conscription en Allemagne». La seule raison qu’elle en donne est cependant qu’on n’a pour cela «pas assez de
formateurs et pas assez d’infrastructures». C’est tout à fait clair. Un éventuel rétablissement de la conscription nécessite avant tout une plus grande préparation. Il en résulte que
la Bundeswehr en tous cas, doit dès à présent jouer un rôle plus central dans la vie sociale.
Högl laisse alors libre cours à son rêve d’une société militarisée : «Mais plus de
visibilité auprès de la population signifie aussi plus de rencontres. Cela passe par des cérémonies de prestation de serment dans des lieux publics, des cérémonies de départ ou de retour
d’unités en mission à l’étranger. Un signe de reconnaissance serait également d’inviter la Bundeswehr à l’occasion de célébrations telles que les fêtes sociétés de tir, les foires
régionales et des choses similaires».
Ce genre d’hommage ouvert à l’armée était courant sous l’Empire allemand [1871-1918] et sous le régime nazi. Aujourd’hui, il revient en force. L’appel à la
militarisation de la société et à réintroduire la conscription – que seule l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite, évoque officiellement dans son programme –
traverse tous les partis de l’establishment.
Récemment, lors de la «Journée de la
Bundeswehr» à Bückeburg, en Basse-Saxe, le ministre de la Défense Boris Pistorius (SPD) s’est plaint que le rétablissement du service militaire obligatoire n’aiderait pas à recruter
suffisamment de jeunes assez rapidement. Cela mobiliserait trop «d’énergie, de temps
et d’argent». Au lieu de quoi il a suggéré que «les jeunes hommes et
les jeunes femmes pourraient participer à la vie quotidienne des troupes pendant un certain temps. Ce serait presque comme un stage, et apprendre à connaître les procédures et les
différents domaines». De cette manière, on pourrait «susciter l’intérêt des jeunes à s’engager».
Certaines forces au sein du Parti de gauche appellent ouvertement au rétablissement de la conscription. L’année dernière, le Premier ministre du Land de
Thuringe, Bodo Ramelow, a propagé la «proposition d’une
Bundeswehr en tant qu’armée de défense territoriale, en tant qu’armée parlementaire et intégrée à l’ensemble de la population par le biais de la conscription». Il s’est dit
«profondément
convaincu qu’une année sociale [de service] serait bénéfique pour tous les citoyens de notre pays».
Le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti socialiste pour l’égalité, SGP) et son organisation des jeunes (l’International des jeunes et des étudiants pour
l’égalité – IYSSE) ont déclaré la guerre au retour du militarisme allemand et à tous les partis favorables à la guerre. Nous rejetons la réintroduction de la conscription et la
militarisation des écoles et des universités, ainsi que le réarmement massif, l’offensive guerrière de l’OTAN visant la Russie et les missions de la Bundeswehr à l’étranger.
L’opposition des élèves, des étudiants et des jeunes travailleurs à la guerre et au militarisme est énorme. Si la classe dirigeante pense qu’elle peut à
nouveau, après les crimes commis lors des deux guerres mondiales, utiliser des millions de jeunes comme chair à canon pour les intérêts prédateurs de l’impérialisme allemand, elle se
trompe. Mais la lutte contre la guerre nécessite une perspective claire. Dans son programme pour les élections européennes de 2024, le SGP écrit :
«La seule force
sociale qui peut empêcher une nouvelle guerre mondiale est la classe ouvrière internationale – c’est-à-dire la vaste majorité de la population mondiale, qui est aujourd’hui plus nombreuse
et plus interconnectée que jamais. Avec ses partis frères de la Quatrième Internationale, le SGP construit un mouvement socialiste mondial contre la guerre et sa cause, le
capitalisme.
* Halte à la guerre
de l’OTAN en Ukraine ! Pas de sanctions ni de livraisons d’armes !
* Deux guerres
mondiales, ça suffit ! Stoppez les bellicistes !
* 100 milliards
d’euros pour des crèches, des écoles et des hôpitaux, pas pour le réarmement et pour la guerre !»
Les jeunes travailleurs et les étudiants qui veulent lutter contre la guerre et le militarisme devraient étudier attentivement ce programme et nous
contacter. Inscrivez-vous dès aujourd’hui en tant que membre de l’Internationale des jeunes et des étudiants pour l’égalité sociale – IYSSE.
L’affaire Fiona Scott Morton est emblématique d’une privation de plus en plus évidente de notre souveraineté “européenne” par les Etats-Unis, avec la parfaite complicité d’Ursula von der
Leyen, cheville ouvrière de cette stratégie de soumission. Il faut ici faire attention à la lecture “entre les lignes”, car les Européens ont crié un peu trop à la victoire dans cette
affaire Morton, quand il est évident que ce n’est que partie remise. Depuis plusieurs mois, en effet, et particulièrement depuis le COVID, l’ami américain a décidé de précipiter son Great
Reset qui s’exerce essentiellement au détriment de l’économie européenne. Longtemps, on nous a servi la soupe d’une Europe qui permet la paix sur notre continent. Il apparaît de plus en
plus qu’elle permet aux Etats-Unis de désosser notre industrie et notre indépendance pour faciliter la domination américaine.
En moins d’une semaine, il a été possible de faire reculer la
Commission Européenne; et plus particulièrement la très puissante Direction Générale de la concurrence.
Rappelons de quoi il s’agissait:la Commission voulait nommer une Américaine, Fiona Scott Morton, comme responsable de l’équipe des analystes économiques de
la Direction générale de la concurrence. Dès que la décision a été connue, elle a suscité une forte réprobation. En effet, Madame Scott Morton est connue pour avoir été consultante auprès
d’Apple et Microsoft. Et son recrutement intervenait au moment où la Commission Européenne prétend affirmer son autorité face aux GAFAM. Elle est connue aussi pour avoir travaillé dans
l’administration Obama.
Je n’ai jamais vu la Commission revenir sur des choix qui relèvent de sa compétence exclusive. Parce que vous savez, ici, la Commission européenne,
c’est comme le Vatican, ce sont les gardiens de la foi européenne et jamais la
Commission ne reconnaîtra qu’elle s’est trompée. Donc la seule chance qu’on ait de sortir par le haut de cette affaire, c’est que Fiona Scott Morton, se rendant donc compte
qu’elle va être contestée durant les trois ans de son contrat, se déporte d’elle-même, c’est-à-dire renonce à venir en disant ‘Ecoutez,
il y a trop de problèmes. Je ne m’étais pas rendu compte que j’allais avoir affaire à une telle contestation, donc je me retire’.
France
Info
Visiblement, le journaliste était informé de ce qui se tramait; puisque c’est ainsi que les choses se sont passées, si l’on en croit le tweet du commissaire
à mal concurrence, Madame Vestager.
Les apparences et la réalité
Lundi 17 avril, dans L’Express, Bruno
Alomar se demandait si, à la Commission, on avait perdu la raison. Et il est sûr que beaucoup vont se réjouir d’avoir fait apparemment reculer la Commission.
Lisez bien, pourtant, la lettre de Madame Scott Morton publiée par Madame Vestager ci-dessus. Le professeur américain dit attendre avec impatience d’autres
occasions de travailler ensemble. Cela veut-il dire que la collaboration prévue sera maintenue mais selon d’autres modalités, moins visibles?
Pourquoi les choses ne se sont-elles pas faites finalement? La réponse la plus évidente ne fera pas plaisir à ceux qui pensent avoir gagné un bras de fer !
A Bruxelles, on s’est aperçu que les esprits n’étaient pas encore mûrs pour accepter que soit montré publiquement ce qui est pourtant une évidence: la Commission Européenne sert désormais
avec zèle les intérêts des Etats-Unis.
Pensons à Madame von der Leyen négociant secrètement avec Pfizer les contrats pour les achats de vaccins contre le COVID ; à la même présidente de la
Commission n’attendant même pas le début de la guerre d’Ukraine pour négocier avec les Etats-Unis les contours de sanctions anti-russes ; et constatons que l’UE, par les sanctions
anti-russes et les livraisons d’armes à l’Ukraine, est parfaitement alignée sur Washington. Pensons à la manière dont la Hongrie est mise sous pression par la Commission, du fait de son
refus des “valeurs LGBT” – un travail que l’administration Biden entreprendrait si Bruxelles ne le faisait pas à sa place.
Croit-on vraiment que la pénétration américaine à Bruxelles ait diminué parce que Madame Scott Morton jette l’éponge?
Un Great Reset européen qui arrange l’industrie américaine (et chinoise)
Dans la pratique, tout se passe désormais comme si l’Europe décidait de se faire hara kiri pour faciliter la tâche de l’industrie américaine. Tout le monde
a noté que le fameux Inflation Reduction Act adopté il y a un an aux Etats-Unis prévoyait d’importantes subventions aux industries vertes… installées aux Etats-Unis. Ce protectionnisme
déguisé conduit de nombreux industriels européens à réfléchir sérieusement à la délocalisation de leur activité outre-Atlantique : moins de normes, plus d’aides, telles sont les recettes
appliquées par le gouvernement américain pour affaiblir les concurrents européens au nom de la transition énergétique dont le Great Reset de Klaus Schwab préconisait l’accélération dans
la foulée du COVID.
Si l’Union Européenne a conçu un plan de plusieurs centaines de milliards € pour encourager la transition énergétique, ces sommes colossales ne sont pas
conçues pour cibler les entreprises européennes. Pire, une série de normes industrielles favorables à l’environnement favorisent clairement l’industrie étrangère au détriment de notre
propre industrie. C’est par exemple le cas de l’interdiction des ventes de véhicules neufs thermiques à compter de 2035, qui devrait plomber l’automobile allemande ou française et
favoriser les concurrents, notamment les fabricants chinois de batteries.
Cette stratégie de neutralisation progressive de notre propre industrie devrait s’étendre au secteur agro-alimentaire, avec le règlement Restore
Nature qui prévoit de “naturaliser” 20% des sols d’ici à 2030. Là, l’industrie agro-alimentaire sera bannie et, au mieux, ne subsistera sur ces terres qu’une agriculture “à
l’ancienne” coûteuse et peu productive. Dans le même temps, l’Union Européenne fait la promotion de l’accord commercial avec le Mercosur, et prépare donc le remplacement des produits
agricoles locaux par des produits importés à travers les océans, à grand renfort de pollution.
On voit comment la transition écologique est un prétexte pour éliminer l’Europe en tant que rivale industrielle et pour favoriser à la fois la
mondialisation par le développement du commerce mondial, et les concurrents américains ou chinois.
Comment le G7 permet aux USA de cornaquer l’Europe
On ne reviendra pas ici sur le rôle essentiel de l’OTAN dans la domination américaine sur l’Europe. On ajoutera celui moins connu du G7, dont les réunions
en format “plénier” ou au niveau ministériel, ne cessent d’ajouter de nouvelles normes ou de nouvelles impulsions “coordonnées” aux réglementations occidentales, dans une logique de
soumission aux Etats-Unis de plus en plus évidente et de moins en moins libre.
On retiendra ainsi les conclusions, passées inaperçues, du G7 d’Hiroshima, du 20 mai, où les Etats-Unis ont distribué les rôles dans le domaine de la
transition énergétique, et surtout dans la militarisation de l’information. Ainsi, ce sommet du G7 a
confirmé le rôle central, dans la contre-influence sur Internet, c’est-à-dire dans la censure sur les réseaux sociaux, des Rapid Response Mechanisms, pilotés par le Canada sous la
surveillance des services américains. C’est dans le cadre global de ce dispositif qu’une milice numérique comme Conspiracy Watch a la faculté d’orienter les requêtes Google en favorisant
certains contenus au détriment d’autres.
Plus profondément, le dernier
sommet du G7, qui a suivi le sommet de l’OTAN, a permis de placer sous l’égide du G7 une stratégie de soutien à l’Ukraine que l’OTAN ne voulait pas assumer par peur d’être en conflit
direct avec la Russie. Le G7 donne des impulsions directement sous contrôle américain. L’Europe obéit, au titre de sa logique multilatérale. La mécanique est bien huilée : en apparence,
nous gardons notre souveraineté. Dans la réalité, l’allié américain a resserré le noeud coulant qui nous étrangle.
Pourquoi les pays européens relancent l’idée du service militaire obligatoire ?
La France souhaite à travers un projet
de loi Programmation
militaire pour les années 2024 à 2030 participer «au renforcement du lien entre la Nation et ses armées qui passe par l’adhésion des concitoyens aux objectifs et aux choix
définis démocratiquement».
Il est question, «en cas de menace,
actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, à la protection de la population, à l’intégrité du territoire ou à la permanence des institutions de
la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l’État en matière de défense», de «la réquisition de
toute personne, physique ou morale, et de tous les biens et les services nécessaires». Une grande partie de l’Europe a aboli la conscription universelle ou service militaire
obligatoire et décide de faire machine arrière, pour réinstaurer le service militaire obligatoire.
Quelle est l’attitude vis-à-vis du service obligatoire ?
La conscription générale a été introduite pour la première fois en France – en 1798,
chaque Français devait être «un soldat prêt à
défendre la nation». L’abolition du service militaire en 1997 n’a pas fait l’unanimité en France. Maintenant, on parle de plus en plus de son retour. Le président français,
Emmanuel Macron, a fait le premier pas dans cette direction dès 2019 lors de la mise en place du service national universel (NSU). Initialement, il a parlé de conscription militaire
obligatoire, mais après son arrivée au pouvoir, il a adouci le libellé et le service est civil et volontaire. Pendant deux semaines, les volontaires suivent une formation militaire de
base et effectuent des travaux auxiliaires dans les agences gouvernementales, la police, les pompiers et les institutions sociales. En 2022, environ 32.000 jeunes de 15 à 17
ans ont
participé en 2022 à un séjour de cohésion dans le cadre du Service national universel (SNU).
Désormais, Emmanuel Macron insiste pour que le service devienne obligatoire. Mais, la France n’est pas encore prête à le faire. Tout d’abord, les autorités
craignent qu’une telle démarche ne débouche sur des protestations et ne donne à l’opposition un atout supplémentaire. Et deuxièmement, il faut trouver de l’argent pour l’entretien et la
formation des recrues – selon diverses
estimations, jusqu’à des centaines de milliards d’euros en cumulant les années.
En 2017, La
Tribuneestimait à
30 milliards d’euros le coût du SNU. Le projet de loi Programmation
militaire pour les années 2024 à 2030 en date du 29 juin dernier montre le
retour à l’obligation militaire.
En Italie, le
processus d’abolition de la conscription a été engagé en 1999, et depuis 2005 l’armée est pleinement professionnelle. Le gouvernement de Giorgia Meloni parle maintenant sérieusement de la
nécessité de revenir au projet du service militaire, pour le moment, seulement, sous une forme volontaire. On parle du fait que les jeunes, s’ils le désirent, pourraient effectuer un
service comme le SNU pendant 40 jours. Pendant ce temps, ces recrues pourront suivre une formation militaire de base, et le fait de l’avoir effectué donnera aux recrues certaines
préférences lors de l’entrée à l’université et pour l’obtention d’un emploi.
Rome souligne que la mise en place d’un tel service est nécessaire pour soutenir l’armée qui vieillit rapidement. Mais, de nombreux Italiens ne
comprennent tout simplement pas pourquoi il est nécessaire de parler de service militaire obligatoire alors que personne n’attaque le sol italien et qu’il existe des bases militaires
américaines dans tout le pays.
En Allemagne, la
conscription universelle est suspendue depuis 2011, avec des promesses de ne la reprendre qu’en cas de menace ou d’attaque militaire. Mais maintenant, les politiciens d’outre-Rhin font de
plus en plus savoir que le service militaire sous une forme ou une autre est désormais nécessaire en raison de la pénurie de personnel à la Bundeswehr. Elle a été récemment complétée par
une argumentation sur les tensions sécuritaires générales en Europe.
Cependant les sentiments pacifistes sont forts dans la société allemande. Les jeunes Allemands, pour la plupart, ne veulent pas servir dans l’armée. Pour
cette raison, toutes les campagnes publicitaires du ministère de la Défense pour attirer des recrues ces dernières années n’ont pas donné de résultats tangibles. Les politiciens
allemands envisagent diverses options dont une année de service public pour les hommes et les femmes dans les institutions sociales, les pompiers et, si certains le souhaitent, dans
l’armée. Il existe un
projet Votre année pour
l’Allemagne dans lequel de jeunes Allemands peuvent volontairement suivre une formation militaire, après quoi ils sont enrôlés dans la réserve.
Aux Pays-Bas, le
service militaire a été suspendue en 1997, et il y a aussi des propositions régulières pour le rendre obligatoire en raison d’un manque de personnel. Cependant, les militaires s’y
opposent, soulignant qu’ils ne disposent pas de l’infrastructure, des armes, des instructeurs et d’autres ressources nécessaires pour accepter un grand nombre de conscrits. Cependant, les
Pays-Bas lancent également
leur programme de formation militaire volontaire cette année, mais seulement pour 125 personnes. À l’avenir, le nombre de sièges devrait être porté à 250, puis à 500.
En Pologne, par
contre, bien que le service militaire obligatoire ait été suspendue en 2010, le programme de formation militaire volontaire, introduit par
la loi sur la défense de la patrie, est très populaire. L’année dernière, 16 000 personnes se sont inscrites. Cette année, il est prévu d’en recruter environ 25.000. Parallèlement,
un tiers des personnes formées partent ensuite en service professionnel dans l’armée. Comme l’ont noté les médias polonais, la popularité du programme est notamment due au salaire
attractif pour les jeunes. Là, aussi, l’objectif est de suivre une formation militaire et à l’avenir rejoindre les réserves ou rejoindre l’armée professionnelle.
Qui est soumis au service militaire dans les pays scandinaves et
baltes. Dans les pays scandinaves, le nombre de personnes appelées au service militaire obligatoire ne fait qu’augmenter chaque année. En 2015, la Norvège est
devenue le premier pays européen à l’avoir introduite pour les hommes et les femmes à partir de 18 ans. Mais, tout le monde n’est pas pris. La sélection se déroule en plusieurs
étapes. Évaluer la santé physique et mentale, le casier judiciaire et la motivation. Environ 9000 recrues sont envoyées à l’entraînement militaire de 19 mois chaque année, selon les
autorités norvégiennes.
Un recrutement militaire similaire des garçons et des filles existe en Suède où le service
militaire obligatoire a été rétabli 2017.
En janvier, Bloomberga
rapporté que le royaume avait l’intention de doubler le nombre de conscrits à 10.000 d’ici le début de la prochaine décennie. En Norvège et en Suède, les garçons et les
filles sont tenus de servir.
Le Danemark n’est
pas en retard sur ses voisins – là-bas, les hommes âgés de 18 à 30 ans doivent
suivre une formation obligatoire dans l’armée (4-12 mois). Les femmes servent encore volontairement.
En Lituanie, les
recrues sont
sélectionnées par un générateur de nombres aléatoires. Dans les pays baltes, depuis peu, presque tous les hommes, atteignant l’âge correspondant, reçoivent une convocation.
En Lituanie, depuis 2015, la conscription est devenue permanente. En raison des opportunités financières et infrastructurelles limitées, tout le monde n’est pas sélectionné pour le
service militaire, mais le ministère de la Défense a l’intention d’augmenter le quota annuel de recrues à cinq mille personnes et de réduire la durée du service à six mois. La sélection
pour la formation militaire en Lituanie est littéralement une
loterie. Les listes de recrues sont compilées à l’aide d’un générateur de nombres aléatoires.
Les autorités estoniennes, à leur tour, vont porter le nombre de conscriptions annuelles à quatre mille. Le gouvernement du pays envisage de prolonger la
durée minimale à un an. Maintenant en Estonie, selon le
profil, les recrues servent de
8 à 11 mois.
La
Lettonie entend également suivre l’exemple de ses voisins. Il y a déjà eu des
discussions dans les cercles gouvernementaux sur la relance du service militaire obligatoire pour le faire débuter 1er janvier 2024. Les hommes âgés de 18 à 27 ans recevront un
“ticket” pour la caserne pendant 11 mois. À partir de 2028, la Lettonie prévoit d’appeler 7500 citoyens par an.
Des différends sur la nécessité de retourner au service militaire obligatoire ces dernières années ont été menés en
Roumanie. Des députés de partis nationalistes ont tenté de faire passer cette idée. L’an dernier, l’ancien chef du ministère roumain de la Défense, Vasile
Dincu, avait déclaré que
la mesure était trop coûteuse et déraisonnable pour le pays, préférant une formation militaire volontaire. Néanmoins, en mai, le chef du cabinet roumain, Nicolae-Ionel Ciucă, général à la
retraite, a
soutenu l’initiative. Et l’année dernière, le ministère roumain de la Défense a
lancé un projet de loi selon lequel les Roumains à l’étranger auront 15 jours pour rentrer dans le pays en cas de guerre.
En lisant le texte ci-dessous, j’ai eu honte. Il projette un point de vue anglo-saxon, donc il est biaisé sur certains points ; mais sur d’autres il est
juste, droit, il vise en plein cœur.
Il apparait que les Américains nous piétinent, cela nous le savions, mais qu’en plus ils nous méprisent de nous laisser piétiner.
Un sursaut est nécessaire.
Il ne peut se faire dans la configuration politique actuelle car, la politique étrangère étant confisquée par le président et le président étant le
président des bourgeois compradores, le peuple est par construction baisé, sodomisé.
Seul le peuple est porteur de la dignité, dépositaire de la fierté, les autres ne pensent qu’à une chose faire du Pognon. «Pourvou que ça doure !»
En 1971 les Américains nous ont punis.
Ils ont instauré le seignieuriage monétaire en réponse à notre refus de payer pour notre défense. Nixon a dit sur les conseils de Kissinger et Volcker, «ils
ne veulent pas payer pour leur défense, on va leur faire payer par la monnaie».
Lâches les européens ont baissé la tête et ils se sont consacrés à ne faire que du business, du Pognon. Ils se sont insérés dans le nouveau système
monétaire, ils s’y sont vautrés, et en ont profité pour s’engraisser comme des porcs sur le recyclage des déficits américains.
Ils se sont dollarisés. Leur système bancaire, tout a été vassalisé subrepticement et progressivement.
Puis les Américains ont franchi un nouveau pas, un pas de géant, ils ont imposé leur dictature juridictionnelle, fiscale et sécuritaire à tous les
utilisateurs directs et indirects de dollars, faisant de tout notre système financier, bancaire, de notre banque centrale, de notre monnaie des croupions ou des avatars du dollar sans
autonomie réelle.
En 2008 et 2009, ils ont montré qui étaient les patrons, montré qui détenait la clef de l’ordinateur qui fabrique les dollars digit qui tombent du
ciel.
Ils ont sauvé nos banques.
Les Américains ont eux-mêmes élargi notre UE aux pays de l’Est afin de mieux contrôler nos tentatives de souveraineté. Ils ont tracé l’équivalence UE=OTAN,
comme ils tracent maintenant l’équivalence entre l’économique et le militaire, ils militarisent tout sous leur férule et dans leur seul intérêt.
Ils sont multipliés les guerres toutes plus sanglantes, injustes et cyniques les unes que les autres et nous ont forcé à assurer le service après-vente de
leurs guerres par le biais de l’accueil des migrants et populations déplacées.
Ayant créé eux même délibérément le risque de guerre avec la Russie et la Chine les Américains franchissent encore une étape, ils tirent le tapis
énergétique et technologique sous nous économies !
Ils détruisent nos ultimes atouts de compétitivité et nous mettent en situation de dépendance afin de nous imposer le pillage de l’échange inégal comme ils
le font avec les BRICS.
ET que faisons-nous ?
Nous baissons la tête, les seuls débats étant ceux qui tournent autour de la question de savoir s’il faut rester debout, à genoux ou couchés pour mieux
ramasser leurs miettes.
Les États-Unis et les européens sont revenus à leurs habitudes d’alliance de la guerre froide, mais la situation géopolitique actuelle est très différente
de celle de la guerre froide.
Au grand désavantage de l’Europe.
Lors de la guerre froide l’Europe était le front central, en première ligne dans la lutte contre l’Union soviétique ; la stratégie américaine, reposait donc
sur la reconstruction économique et militaire de l’Europe afin qu’elle puisse faire face au défi de l’Est. Ils voulaient une Europe forte.
À l’époque actuelle ou le défi stratégique a tourné vers la Chine et la compétition entre les deux blocs, les États Unis ont besoin de se renforcer
eux-mêmes, l’Europe ne compte plus. Les États-Unis pour se renforcer eux-mêmes ont besoin de piller l’Europe, de drainer son capital, de la faire disparaitre comme concurrente,
ils ont besoin de la mater.
Ils veulent une Europe sinon faible du moins aux ordres.
Lisez ce texte, il
expose le terrible constat de l’échec européen, sous tous rapports. C’est tellement vrai, c’est évident, mais le voir écrit c’est accablant.
Avez-vous entendu
l’un de ces menteurs au pouvoir hier et aujourd’hui évoquer ces questions ? Bien sûr que non ! Pourtant ils sont responsables, surtout en France ou le président de la République s’arroge
tous les pouvoirs et décide seul et porte seul la responsabilité de la politique étrangère.
Bruno Bertez
***
par Jeremy
Shapiro et Jana Puglierin
La question de l’envoi de chars Leopard 2 en Ukraine a
agité la politique allemande et européenne pendant des mois fin 2022. Les États-Unis et l’Europe s’étaient collectivement engagés à soutenir l’Ukraine dans sa guerre contre la
Russie. L’Ukraine
a déclaré qu’elle avait besoin de chars occidentaux – et les Leopard de fabrication allemande étaient le char qui correspondait le mieux à ses besoins. Mais le gouvernement
de Berlin, inquiet d’une escalade avec la Russie, a d’abord refusé.
Le plus curieux était que personne ne demandait à l’Allemagne d’agir
seule.
En janvier 2023, la Grande-Bretagne avait annoncé qu’elle
enverrait 14 de ses chars de combat principaux Challenger en Ukraine. Les gouvernements polonais et finlandais avaient
publiquement signalé qu’ils seraient prêts à fournir des chars Leopard 2 en collaboration avec d’autres alliés. Le Parlement européen a
voté en faveur d’une initiative de l’Union européenne à cet égard en octobre 2022. Les États-Unis, la France et l’Allemagne elle-même s’étaient déjà
engagées à envoyer des véhicules de combat d’infanterie en Ukraine, un système d’armes qu’un profane ne peut même pas distinguer des chars.
Mais «seul» avait une signification très particulière pour le chancelier allemand Olaf Scholz. Il n’était pas disposé à envoyer des chars Leopard 2 en
Ukraine à moins que les États-Unis n’envoient également leur propre char de combat principal, le M1 Abrams. Il ne suffisait pas que d’autres partenaires envoient des chars ou que les
États-Unis envoient d’autres armes. Comme un enfant effrayé dans une
pièce pleine d’étrangers, l’Allemagne se sentait seule si son Oncle Sam ne lui tenait pas la main.
Pourquoi le dirigeant du pays le plus puissant d’Europe se croit-il seul et sans défense s’il n’agit pas de concert avec les États-Unis ?
Dans l’intérêt de l’unité alliée, l’administration Biden est finalement intervenue et
a accepté de fournir des chars Abrams à l’Ukraine. N’étant plus «seul», le gouvernement allemand a approuvé l’exportation et le transfert de chars Leopard vers l’Ukraine. Une
fois de plus, le leadership américain s’est avéré nécessaire pour résoudre un différend interallié.
L’épisode soulève des questions plus fondamentales sur l’alliance atlantique que la simple question de savoir quel système d’armes envoyer à
l’Ukraine. Pourquoi le dirigeant du pays le plus puissant d’Europe se croit-il seul et sans défense s’il n’agit pas de concert avec les États-Unis.
Pourquoi, alors qu’une guerre se déroule sur le continent européen, le leadership américain reste-t-il nécessaire pour résoudre même les conflits
interalliés mineurs ?
Il y a quelques années à peine, stupéfaits par l’entrée de Donald Trump à la Maison-Blanche, les gouvernements européens semblaient prêts à prendre le
contrôle de leur propre destin face à une Amérique distraite et politiquement peu fiable.
La cause immédiate était, bien sûr, l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Mais, comme nous l’expliquons dans un récent
rapport du Conseil européen des relations étrangères, la réponse profonde réside dans la structure des relations transatlantiques et les divisions internes entre les États
membres de l’UE.
En conséquence, les Européens se sont lancés dans un processus d’auto-vassalisation, dans lequel ils sacrifient une grande partie de leur indépendance en
matière de politique étrangère à Washington en échange d’une protection.
Certains à Washington peuvent applaudir une Union européenne faible et docile, mais une Europe vassalisée et des relations transatlantiques déséquilibrées
ne servent les intérêts d’aucun côté de l’Atlantique.
Les États-Unis auront besoin d’un partenaire européen fort pour les luttes géopolitiques à venir.
L’américanisation de
l’Europe
Dans ce qui semble maintenant être un passé lointain du temps de l’administration Trump, l’avenir de l’alliance était très différent. La politique
étrangère américaine était centrée sur la Chine et Trump flirtait
avec la Russie et menaçait d’abandonner
les alliés européens de l’Amérique. Les décideurs politiques à travers l’Europe ont commencé à parler de «souveraineté» et «d’autonomie» comme mécanismes pour établir leur
indépendance vis-à-vis d’un allié américain de plus en plus capricieux.
«L’époque», a
déclaré la chancelière Angela Merkel lors
d’un rassemblement électoral en 2017, «où nous pouvions
entièrement compter sur les autres est, dans une certaine mesure, révolue». En 2019, la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a formé une
nouvelle «Commission géopolitique» et s’est engagée à faire de l’Union européenne un acteur indépendant dans les affaires mondiales.
L’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine en février 2022 a fait plus que remettre cette idée en question. Il l’a exposé comme presque entièrement
vide. Comme dans tant de crises pendant la guerre froide, les États-Unis ont pris les devants et ont fourni la part du lion des ressources.
À un certain niveau, ce n’est pas surprenant. Les nations européennes ne sont pas actuellement capables de se défendre et elles n’ont donc d’autre
choix que de s’appuyer sur les États-Unis en cas de crise. Mais cette observation ne fait que poser la question. Ce sont des nations riches et avancées avec des problèmes de
sécurité reconnus et une prise de conscience croissante que continuer à dépendre des États-Unis comporte des risques à long terme.
Alors pourquoi restent-ils si incapables de formuler leur propre réponse aux crises dans leur quartier ?
Il y a deux causes fondamentales.
Premièrement, toute
l’attention portée au déclin de l’Amérique par rapport à la Chine et les récents bouleversements de la politique intérieure américaine ont occulté une tendance clé de l’alliance
transatlantique au cours des 15 dernières années.
Depuis la crise financière de 2008, les États-Unis sont devenus de plus en plus puissants par rapport à leurs alliés européens. La relation
transatlantique n’est pas devenue plus équilibrée, mais plus dominée par les États-Unis.
Deuxièmement les
gouvernements européens n’ont pas réussi à parvenir à un consensus sur ce à quoi devrait même ressembler une plus grande souveraineté stratégique, comment s’organiser pour cela, qui
seraient leurs décideurs en cas de crise et comment répartir les coûts.
Plus profondément, les nations européennes ne s’entendent pas sur ce qu’il faut faire et ne se font pas assez confiance pour parvenir à des compromis sur
ces questions. Le leadership américain reste nécessaire en Europe car les Européens restent incapables de se diriger eux-mêmes.
Le déclin relatif de
l’Europe
La domination croissante des États-Unis au sein de l’OTAN est évidente dans pratiquement tous les domaines de force nationale.
Sur la mesure du PIB la plus grossière, les États-Unis ont considérablement
dépassé l’Union européenne et le Royaume-Uni combinés au cours des 15 dernières années.
En 2008, l’économie de l’UE était un peu plus importante que celle des États-Unis : 16 200 milliards de dollars contre
14 700 milliards de dollars. En 2022, l’économie américaine avait atteint 25 000 milliards de dollars, alors que l’Union européenne et le Royaume-Uni réunis
n’avaient atteint que
19 800 milliards de dollars. L’économie américaine est maintenant près d’un tiers plus grande que les deux, et plus de 50% plus grande que l’Union européenne sans le
Royaume-Uni.
L’Union européenne semble un peu mieux en termes de parité d’achat, mais bien sûr, le pouvoir est déterminé par la taille absolue. De plus, l’Europe
est également en retard sur la plupart des autres mesures de puissance.
Cet écart de croissance a coïncidé, là encore, contrairement aux prévisions,
avec une augmentation de
l’utilisation mondiale du dollar par rapport à l’euro.
La domination technologique américaine sur l’Europe s’est également accrue. Les grandes entreprises technologiques américaines – les «cinq grands»
d’Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook) et Microsoft – sont désormais sur le point de dominer le
paysage technologique en Europe comme elles le font aux États-Unis.
De nouveaux développements tels que
l’intelligence artificielle vont renforcer la domination technologique américaine sur l’Europe.
Depuis 2008, les Européens ont également subi une perte relative dramatique de puissance militaire par rapport aux États-Unis. Entre 2008 et 2021, les
dépenses militaires américaines sont passées de 656 milliards de dollars à 801 milliards de dollars. Au cours de la même période, les dépenses militaires de l’UE 27 et du Royaume-Uni
n’ont augmenté que de 303 milliards de dollars à 325 milliards de dollars, selon nos calculs basés sur la base de données des dépenses militaires
du SIPRI.
Les dépenses des États-Unis dans les nouvelles technologies de défense restent plus de sept
fois supérieures à celles de tous les États membres de l’UE réunis.
L’approche divisée de l’Europe face à ces dépenses signifie que même ces chiffres surestiment probablement la puissance européenne.
Les Européens collaborent à peine pour dépenser leur budget relativement modeste – il reste donc inefficace. Les États membres de l’UE n’ont pas
respecté leur engagement
de 2017 de dépenser au moins 35% de leurs budgets d’achat d’équipements en coopération les uns avec les autres. Ce chiffre n’était que de 18%
en 2021.
Plus fondamentalement, l’Union européenne, malgré toutes ses ambitions géopolitiques, reste incapable de formuler une politique étrangère et de sécurité
commune qui puisse faire usage de sa puissance latente.
Au lieu de cela, la crise financière a divisé le nord et le sud, la crise migratoire et la guerre en Ukraine ont divisé l’est et l’ouest, et le Brexit a
divisé le Royaume-Uni et pratiquement tout le monde.
Les conséquences de la
faiblesse
Ainsi, les États-Unis ont dépassé tous
les États membres de l’UE réunis pour fournir une assistance militaire et humanitaire à l’Ukraine et ont également accepté de remplacer bon nombre des systèmes d’armes que ces alliés
ont fournis à
l’Ukraine.
En quelques mois seulement, les déploiements de troupes américaines en Europe sont passés d’un creux historique d’après-guerre d’environ 65 000 à 100 000.
Bien sûr, de nombreux pays européens et institutions de l’UE apportent d’importantes contributions et fournissent une aide essentielle à
l’Ukraine. Mais le leadership américain ne se limite pas aux ressources. Les États-Unis se sont avérés nécessaires pour organiser et unifier la réponse occidentale à l’invasion
russe. Au sein de l’Union européenne, des pays comme la Pologne, la Suède et les États baltes se méfient profondément des membres de l’UE comme la France, l’Allemagne et l’Italie sur
la question de la Russie.
Dans l’ensemble, les orientaux pensent que les dirigeants de ces pays sont soit corrompus par
le gaz russe bon marché et des paiements lucratifs, soit qu’ils sont désespérément
naïfs quant à la nature du régime russe.
«Président
Macron», raillait le
Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki en avril 2022, «combien de fois
avez-vous négocié avec Poutine ? Qu’avez-vous réalisé ? Négocieriez-vous avec Hitler, avec Staline, avec Pol Pot ?»
En ce sens, aucune politique européenne autonome n’était possible car, sans les États-Unis, les Européens ne se seraient probablement mis d’accord sur rien
du tout.
L’Alliance atlantique après la guerre
d’Ukraine
Les décideurs américains ont annoncé
leur intention de revenir à leurs efforts antérieurs pour transférer des ressources vers l’Asie lorsque la guerre en Ukraine se terminera, ou peut-être même avant.
Après tout, le défi de la Chine dans la politique étrangère américaine n’a pas
disparu tandis que l’Occident s’est concentré sur l’Ukraine. En effet, en détournant l’attention et les ressources occidentales de l’Indo-Pacifique et en faisant en sorte
que la Russie devienne considérablement plus dépendante de la Chine, la guerre en Ukraine n’a fait que rendre encore plus difficile la résolution de ce défi stratégique.
Pour certains penseurs influents de la politique étrangère, la gravité du problème chinois signifie que
même «si
nous devons laisser l’Europe exposée, qu’il en soit ainsi… l’Asie est plus importante que l’Europe».
Malgré cette vision claire venant de Washington, la perspective en Europe sur le rôle futur de l’Amérique dans la sécurité européenne semble entièrement
différente.
Comme le note Liana Fix du Conseil des relations étrangères des États-Unis, le leadership américain «a presque trop réussi
pour son propre bien, ne laissant aux Européens aucune incitation à développer leur leadership par eux-mêmes».
Cette dynamique est particulièrement nette dans le cas de l’Allemagne, la nation la plus puissante d’Europe.
Le discours de la chancelière de février 2022 sur la Zeitenwende (tournant)
et les augmentations associées des dépenses de défense allemandes ont fait naître l’espoir en Europe et aux États-Unis que l’Allemagne pourrait émerger en tant que leader de la défense
européenne.
Plus de 16 mois plus tard, Berlin est toujours aux prises avec cette idée sans avancer.
La mise en œuvre des Zeitenwende progresse
extrêmement lentement dans le domaine de la défense, ce qui est particulièrement frappant car l’Allemagne avance à une vitesse fulgurante dans d’autres domaines, comme la construction de
terminaux pour l’importation de gaz naturel liquéfié.
L’Allemagne n’a pas atteint l’objectif de dépenses de l’OTAN de 2% du PIB en 2022 et ne
devrait pas être capable de le faire pour 2023 non plus. Pendant ce temps, le gouvernement dirigé par les sociaux-démocrates (SPD) se sent clairement très à l’aise sous
l’aile de Washington.
L’attachement à l’alliance américaine est encore plus profond dans la plupart des États du nord et de l’est de l’Union européenne. La Pologne, la Suède
et les États baltes estiment que les événements ont montré que leur évaluation du régime russe était correcte et que les États occidentaux de l’UE ne les ont pas écoutés comme ils
auraient dû.
Ces États se sentent validés dans leur opinion que seuls les États-Unis peuvent en définitive garantir leur sécurité. Toujours sceptiques quant à
l’idée d’autonomie stratégique, ils pensent désormais qu’il s’agirait d’un suicide stratégique. En conséquence, ils prennent des mesures pour encourager une plus grande implication
et un leadership américain en Europe, notamment en prônant une
présence plus importante et plus permanente des troupes américaines en Europe de l’Est et en promouvant l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.
Globalement, la nouvelle dynamique politique interne européenne structure déjà la politique européenne de défense pour l’avenir. Même si l’invasion
russe a stimulé une augmentation réelle des dépenses de défense européennes, la structure de ces dépenses signifie qu’elle créera en fait une plus grande dépendance vis-à-vis des
États-Unis.
Les responsables politiques européens considèrent
désormais les programmes de marchés publics européens ou transnationaux comme trop chronophages et complexes. L’accent est mis sur le comblement rapide des lacunes en
matière de capacités. Le gouvernement allemand, par exemple, a décidé d’acheter des équipements du commerce, principalement américains, dont le F-35 et
l’ hélicoptère de transport lourd Chinook.
La Pologne a récemment décidé d’acheter des
chars Abrams aux États-Unis, ainsi que des chars et des obusiers de
la Corée du Sud alors qu’elle constitue rapidement son armée. Cela créera des dépendances qui dureront des décennies.
La vassalisation cette
fois
Les États-Unis et leurs partenaires européens sont peut-être revenus à leurs habitudes d’alliance de la guerre froide, mais bien sûr, la situation
géopolitique actuelle est très différente de celle de la guerre froide. L’Europe était alors le front central dans la lutte contre l’Union soviétique, et la stratégie américaine,
surtout au début, reposait sur la reconstruction de l’Europe occidentale à la fois économiquement et militairement afin qu’elle puisse faire face au défi de l’Est.
La lutte du XXIe siècle avec la Chine est tout à fait différente. L’Europe n’est pas le front central, et sa prospérité et sa force militaire ne sont
pas au cœur de la stratégie américaine. L’administration Biden a consciemment
adopté une politique industrielle stratégique visant la réindustrialisation américaine et la domination technologique sur la Chine.
Cette stratégie fait partie de la politique économique intérieure – «une
politique étrangère pour la classe moyenne» qui répond à la désindustrialisation dans le pays – et fait partie d’une réponse de
politique étrangère au succès de la Chine ces dernières années à conquérir des positions dominantes dans des industries stratégiques telles que l’énergie solaire et la 5G.
Les alliés européens ont un rôle à jouer dans cette lutte géo-économique avec la Chine, mais il ne s’agit pas, comme pendant la guerre froide, de s’enrichir
et de contribuer à la défense militaire du front central.
Au contraire, leur rôle clé du point de vue des États-Unis est de soutenir la politique industrielle stratégique des États-Unis et d’aider à assurer
la domination technologique américaine vis-à-vis de la Chine. Ils peuvent le faire en acceptant la politique industrielle américaine et en circonscrivant leurs relations économiques
avec la Chine selon les concepts américains de technologies stratégiques.
Étant donné que ces politiques ont le potentiel de réduire la croissance économique en Europe, de provoquer une désindustrialisation (supplémentaire) ou
même de priver les Européens de positions dominantes dans les industries clés du futur, on pourrait s’attendre à ce qu’elles suscitent une sérieuse opposition dans toute l’Union
européenne. Et dans une certaine mesure, ils l’ont fait. Un débat fait
rage dans l’Union européenne et au Royaume-Uni sur la question de savoir si les Européens doivent suivre la politique américaine à l’égard de la Chine ou s’ils peuvent s’en
prendre à eux-mêmes.
Cependant, il est loin d’être clair que tout ce débat se traduira par des mesures politiques qui affecteront la politique économique étrangère des
États-Unis. De nombreux responsables de l’administration, dans diverses interviews d’auteurs depuis le début de la guerre en Ukraine, ont exprimé l’avis que les Européens peuvent se
plaindre et se plaindre, mais que leur dépendance sécuritaire croissante vis-à-vis des États-Unis signifie qu’ils accepteront principalement des politiques économiques conçues dans le
cadre de Le rôle de sécurité mondiale de l’Amérique.
Les périls de la
vassalisation
La vassalisation n’est pas une politique intelligente pour l’ère à venir de la concurrence géopolitique – que ce soit pour les États-Unis ou pour
l’Europe.
D’un point de vue européen, alors que l’alliance avec les États-Unis restera cruciale pour la sécurité européenne, s’appuyer entièrement sur une Amérique
distraite et repliée sur elle-même pour l’élément le plus essentiel de la souveraineté condamnera les nations d’Europe à devenir, au mieux, sans pertinence géopolitique et, au pire, un
jouet de superpuissances.
Pour les États-Unis, une Europe vassalisée manquera à jamais de capacité à se défendre et s’appuiera toujours sur la protection et les moyens militaires
américains déjà rares. La plupart des décideurs américains, d’après l’expérience des auteurs, savent qu’ils ont besoin d’un partenaire européen fort pour la compétition géopolitique à
venir. Un tel partenaire serait plus indépendant, mais cette indépendance, bien qu’elle ne soit pas toujours bien accueillie par les États-Unis sur des questions spécifiques, est beaucoup
moins une menace pour un partenariat fonctionnel que des partenaires européens de plus en plus faibles et non pertinents. La politique américaine doit nourrir cette indépendance, pas
l’étrangler dans son berceau.
En fin de compte, l’alliance transatlantique ne perdurera que si les dirigeants des deux côtés de l’Atlantique estiment qu’ils ont quelque chose à gagner de
leurs partenaires. Ce sens exige un partenariat plus équilibré, et non une vassalisation.
Le courant néocon ne représente qu’une
facette des États-Unis qui, néanmoins, s’est emparée et a occupé les sommets de l’élaboration de la politique américaine pendant des décennies.
Parfois, la politique, comme les êtres humains, a un «destin» – en quelque sorte gravé dans sa nature – qui est souvent imprévisible et différent de ce qui
est souhaité ou attendu.
Il semble qu’Evgueni Prigojine ait été ce type de personnage. Il est aujourd’hui décrit comme un «idiot utile» occidental, mais tous ceux qui acceptent de
jouer des destins particulièrement incendiaires ne sont-ils pas des «idiots utiles», sinon d’une puissance étrangère, du moins de leur propre destin ?
S’engager sur une telle voie est extrêmement stressant, et il n’est pas rare que des «doubles» s’égarent (et deviennent inopinément vindicatifs) s’ils ont
le sentiment d’avoir été abandonnés à un moment critique de leur parcours.
De toute évidence, l’histoire de la Prigojine comporte des aspects que les principaux acteurs ne souhaitent pas dévoiler sous les feux de la rampe. Ils
resteront dans l’ombre, car leur révélation empiéterait sur des intérêts et des acteurs moins visibles. Certains aspects bruts de la politique seront protégés.
CNN a cité des sources américaines qui ont informé la plateforme que les agences de renseignement de leur pays avaient une connaissance «extrêmement
détaillée» des plans de Prigojine, «notamment où et
comment Prigojine prévoyait d’avancer». Après le début de la marche, les
États-Unis ont ordonné à leurs alliés de «rester silencieux et
de ne donner aucune ouverture» à Poutine pour les blâmer pour sa rébellion armée. Les sources ont également affirmé à CNN que
«les
Ukrainiens étaient avertis par leurs alliés de ne pas provoquer la situation», parce que «vous ne voulez pas
alimenter le récit selon lequel il s’agit d’une initiative de notre part».
Dans ce genre d’affaires alambiquées, il est préférable de ne pas prendre n’importe quelle déclaration pour argent comptant. Néanmoins, si les services de
renseignement occidentaux étaient plus profondément impliqués – ce que le chef de la Garde nationale russe, le général Viktor Zolotov, s’exprimant après le président Poutine vendredi,
a noté avec
«certitude» – à savoir que la mutinerie de Prigojine «a été inspirée par
les services spéciaux occidentaux – mais qui, ensuite, a été recouverte par les propres ambitions démesurées de Prigojine».
Zolotov a déclaré qu’avant le début de la rébellion, «le camp de
Prigojine» avait délibérément divulgué des informations «ciblées» sur une
possible mutinerie qui aurait lieu entre jeudi et dimanche derniers.
La description de Zolotov soulève la question suivante : à quel moment les «ambitions
démesurées» de Prigojine se sont-elles superposées et confondues avec «l’inspiration»
occidentale ? Est-ce au moment où le ministère russe de la Défense a décidé de lui retirer le groupe Wagner ? Le gouvernement exigeait que toutes les forces Wagner signent des contrats
avec le ministère russe de la Défense avant le 1er juillet 2023.
En d’autres termes, plutôt que de rester une société militaire privée dirigée par Prigojine, Wagner serait incorporée dans la structure de commandement
militaire russe réelle. Il a également été rapporté que le ministère russe de la Défense a annulé des contrats sur les entreprises commerciales de Prigojine qui ont contribué à
l’approvisionnement de l’armée russe – il s’agissait d’accords lucratifs pour lui.
Il est possible que Prigojine n’ait pas pu accepter cette réalité et qu’il ait lancé le plan d’insurrection dans un accès de colère. Nous n’en savons rien.
Zolotov a seulement déclaré que la question de savoir si des agents occidentaux ont pu, ou non, être directement impliqués dans la conduite de l’opération ferait l’objet d’une enquête. Il
ne fait aucun doute que «l’oncle» Loukachenko obtiendra la vérité de Prigojine.
Pourtant, qu’il s’agisse d’une inspiration occidentale ou d’une ambition démesurée, le destin de Prigojine est lancé : À la fois imprévisible et très
certainement différent de celui qu’il a lui-même souhaité ou attendu (comme il se retrouve aujourd’hui, exilé en Biélorussie).
Mais qui est «l’idiot utile» – Prigojine ou les services de renseignement occidentaux, qui ont maintenant une débâcle de premier ordre sur les bras (même
s’ils prétendent le contraire) ? Tout d’abord, leur guerre financière contre la Russie a échoué ; leur tentative d’isolement diplomatique n’a eu aucun succès au-delà du bloc occidental
restreint ; «l’offensive» ukrainienne n’a pratiquement rien donné ; et maintenant, leur «excitation libidinale
à l’égard d’une guerre civile russe qui ne manquerait pas de mettre en scène des «Russes … tuant des Russes»» a été balayée en quelques heures.
La Russie et Poutine en sortent plus forts. Poutine a salué la «retenue, la cohésion
et le patriotisme» dont le peuple russe a fait preuve, sa «solidarité
civique» et sa «haute
consolidation», ainsi que sa «ligne ferme … (en)
adoptant une position explicite de soutien à l’ordre constitutionnel».
Si Poutine a fermement condamné les «comploteurs de la
mutinerie» comme des personnes pleines de malignité et de mauvaises intentions, il n’a pas identifié ces comploteurs avec «la majorité des
soldats et des commandants du Groupe Wagner» qui, a insisté Poutine, «sont également des
patriotes russes, loyaux envers leur peuple et leur État» – et auxquels Poutine a exprimé sa «gratitude» et
qu’il a absous de toute «trahison». (En
tout état de cause, il serait difficile de considérer Wagner comme un groupe de mercenaires hors-la-loi. Il a été fondé et commandé par d’anciens officiers du GRU. Il était financé par
l’État et approvisionné par le ministère de la Défense). Il n’est pas surprenant que Poutine se soit montré généreux envers les patriotes et les légendaires vainqueurs de la «bataille de
Bakhmout».
Cependant, Poutine n’a pas été aussi généreux lorsqu’il a évoqué les «ennemis de la Russie
– les néonazis de Kiev, leurs patrons occidentaux et d’autres traîtres nationaux» qui auraient bénéficié du coup d’État s’il avait réussi : «Ils ont fait un
mauvais calcul» (ce qui implique qu’ils avaient déjà «calculé»).
Que reste-t-il au président Biden ? Continuer à faire la même chose ? Car, comme Prigojine, Biden joue son propre destin incendiaire – «inspiré» par ses
conseillers néocons, et confondu par l’ambition aussi – d’être reconnu comme un «président de guerre» américain réussi. Prigojine et Biden ont peut-être plus en commun qu’ils n’osent
l’imaginer.
Dans la confusion qui a régné le week-end dernier aux États-Unis, Tucker Carlson a osé poser
une question simple : «Pourquoi exactement
sommes-nous en guerre contre la Russie ?»
C’est une question – de plus en plus une question existentielle – qui devrait être posée aux dirigeants de l’UE également – qui, depuis le coup d’État du
Maïdan, ont adopté des politiques qui vont à l’encontre de leurs propres intérêts économiques et sécuritaires.
Depuis le changement de régime du Maïdan, l’UE a évité de construire des relations substantielles avec la Russie. Elle a plutôt choisi de saper Minsk et de
construire et d’équiper activement une grande armée ukrainienne pour réprimer la dissidence à l’ordre du jour des «putschistes» due Maïdan.
«Au lieu de cela,
depuis le début du conflit», écrit Thomas
Fazi, «les
pays européens s’en sont remis sans réserve à la stratégie des États-Unis, en imposant de lourdes sanctions à la Russie ; en rejoignant la guerre par procuration des États-Unis, en
fournissant des niveaux toujours plus élevés d’aide militaire à l’Ukraine et en soutenant le récit d’un conflit qui ne peut être résolu qu’avec la victoire militaire totale de l’Ukraine».
Cette stratégie, contraire à celle des autres grands acteurs impliqués, a mis en péril les intérêts stratégiques de l’Europe, tant du point de vue économique que du point de vue de la
sécurité».
En termes économiques, l’UE a suivi l’exemple des États-Unis en sanctionnant la Russie d’une manière qui, en clair, hypothèque l’avenir économique de
l’Europe pour les années à venir.
L’asservissement total à l’élargissement de l’OTAN a également entraîné (du point de vue des États-Unis) l’exigence que l’Europe soutienne la
politique industrielle stratégique des États-Unis – et contribue à assurer la domination technologique américaine face à la Chine. L’UE ne peut le faire qu’en acquiesçant à la politique
industrielle américaine et en circonscrivant ses relations économiques avec la Chine en fonction des concepts américains de technologies stratégiques. C’est ce que fait l’Europe.
«Sur la mesure la plus
grossière du PIB, les États-Unis ont dépassé de façon spectaculaire l’UE et le Royaume-Uni réunis au cours des 15 dernières années… L’économie des États-Unis est désormais plus importante
de près d’un tiers. Elle dépasse de plus de 50% celle de l’UE sans le Royaume-Uni (…)
La domination
technologique américaine sur l’Europe s’est également accrue. Les Européens tentent d’utiliser la politique de la concurrence pour s’opposer à cette domination… Mais, contrairement aux
Chinois, ils n’ont pas été en mesure de développer des alternatives locales – ces efforts semblent donc voués à l’échec… Depuis 2008, les Européens ont en outre subi une perte dramatique
de leur puissance militaire par rapport aux États-Unis.
Conceptuellement, les
alliés européens ont un rôle à jouer dans la lutte géoéconomique avec la Chine, mais ce n’est pas, comme pendant la guerre froide, de s’enrichir et de contribuer à la défense militaire du
front central. Au contraire, leur rôle clé – du point de vue américain – est que l’UE soutienne la politique industrielle stratégique des États-Unis et contribue à assurer la domination
technologique américaine vis-à-vis de la Chine (…) Ils peuvent le faire en acquiesçant à la politique industrielle américaine et en circonscrivant leurs relations économiques avec la
Chine en fonction des concepts américains de technologies stratégiques».
En bref, l’Europe s’est transformée en vassal – un vassal consentant et soumis. Lorsque l’UE a suivi les États-Unis et adopté les sanctions contre la
Russie, les dirigeants européens ont anticipé l’effondrement financier rapide de la Russie. Ils se sont trompés. Lorsque l’UE a désavoué de manière désintéressée l’achat d’énergie russe,
elle a calculé que la Russie ne pourrait pas s’en sortir économiquement – sans le marché européen – et qu’elle capitulerait rapidement. Ils se sont trompés. Lorsque l’OTAN a mené la
guerre contre la Russie (via l’Ukraine), l’UE s’attendait à une déroute rapide des forces russes et des forces du Donbass. Elle s’est trompée. Lorsque Prigojine a lancé son
«insurrection», les dirigeants de l’UE ont envisagé avec impatience une guerre civile immédiate. Ils se sont à nouveau trompés.
Aujourd’hui, l’UE se retrouve enfermée dans des sanctions perpétuelles contre la Russie (et la Chine suivra), dans une subvention perpétuelle à «Kiev», dans
un cycle perpétuel de militarisme de l’OTAN et dans une économie qui s’enfonce dans la désindustrialisation, dans des coûts énergétiques élevés et dans une diminution
relative. L’UE n’a pas atteint le statut d’«acteur mondial» qu’elle souhaitait depuis longtemps. À tous points de vue, l’Europe a une économie affaiblie et un pouvoir réduit dans le
monde.
Quand les dirigeants européens rendront-ils compte de leurs mauvaises décisions ? Quand répondront-ils à la question de Carlson ? Pourquoi est-il exactement
dans l’intérêt de l’Europe d’être en guerre contre la Russie ?
Pourquoi était-il dans l’intérêt de l’Europe de conditionner toute résolution du conflit avec la Russie à une victoire totale de l’Ukraine ? Cette décision
a-t-elle été mûrement réfléchie ?
Au cours des trente dernières années, les néo-conservateurs ont dominé la politique étrangère des États-Unis : Le
Guardian, par exemple, a noté qu’en tant que filiale d’Axel Springer, qui a des liens de longue date avec la clique néoconservatrice, chaque employé de Politico est
censé être «pro-américain, pro-OTAN, pro-israélien, pro-austérité, pro-capital, anti-Russie, anti-Chine». Springer a déclaré qu’elle ne demanderait pas aux employés de Politico de
signer des documents en faveur d’une alliance transatlantique, bien que cette politique soit appliquée par le journal allemand Bild, une autre
filiale de Springer.
L’Europe n’est pas les États-Unis. Le courant néocon ne représente qu’une facette des États-Unis qui, néanmoins, s’est emparée des sommets de l’élaboration
des politiques américaines et les a occupés pendant des décennies. Il a échoué dans tout ce qu’il a entrepris et s’est de plus en plus détaché (même) des intérêts les plus fondamentaux de
la plupart des Américains. Pourtant, les dirigeants de l’UE ont asservi l’Europe à ce courant particulier, l’adoptant avec enthousiasme, ainsi que l’autoritarisme qui lui est
inhérent.
Ce «destin» uniforme a-t-il profité aux citoyens européens ? Non. Ses résultats ne se sont-ils pas avérés imprévisibles et différents de ce qui était
initialement souhaité ou attendu ? Rappelons-le : «Le destin peut être une garce» !
Plus d’un an après le début de
l’opération spéciale russe, l’excitation initiale des Européens concernant la réaction de l’Occident à l’égard de la Russie s’est dissipée. L’ambiance s’est plutôt transformée en “crainte existentielle, avec le soupçon tenace que la civilisation
[occidentale] pourrait s’autodétruire” , écrit le professeur Helen Thompson.
Pendant un instant, une
euphorie s’était installée autour de la projection putative de l’UE en tant que puissance mondiale et acteur clé, sur le point de rivaliser à l’échelle mondiale. Dans un premier temps, les
événements ont semblé jouer en faveur de la conviction de l’Europe quant à ses pouvoirs commerciaux : l’Europe allait faire tomber une grande puissance – la Russie – par un simple coup d’État
financier. L’UE se sentait grande.
À l’époque, ce fut un moment galvanisant : “La guerre a réactivé un cadre manichéen longtemps dormant de conflit
existentiel entre la Russie et l’Occident, en lui donnant des dimensions ontologiques et apocalyptiques. Dans les feux spirituels de la guerre, le mythe de l’Occident a été
rebaptisé” , suggère Arta Moeini.
Après la déception initiale face à l’absence d’une “mort rapide” , l’espoir a persisté : si l’on donnait plus
de temps aux sanctions et si on les rendait plus globales, la Russie finirait certainement par s’effondrer. Cet espoir a été réduit en poussière. Et la réalité de ce que l’Europe s’est infligée à
elle-même a commencé à apparaître, d’où le terrible avertissement du professeur Thompson :
Ceux qui pensent que le monde politique peut être reconstruit par les efforts de la volonté humaine n’ont jamais eu à parier aussi lourdement sur la technologie
– plutôt que sur l’énergie [fossile] – comme moteur de notre progrès matériel.
Pour les euro-atlantistes cependant, ce que l’Ukraine semblait offrir – en fin de compte – était la validation de leur désir de centraliser le pouvoir dans l’UE,
suffisamment pour mériter une place à la “table
d’honneur” avec les États-Unis, en tant que
partenaires dans le Grand Jeu.
L’Ukraine, pour le meilleur ou pour le pire, a souligné la profonde dépendance militaire de l’Europe à l’égard de Washington et de l’OTAN.
Plus particulièrement, le conflit ukrainien a semblé ouvrir la perspective de consolider l’étrange métamorphose de l’OTAN, qui est passée d’une alliance militaire à
une alliance éclairée, progressiste et pacifique ! Comme Timothy Garton Ash l’a affirmé dans le Guardianen 2002, “l’OTAN est devenue un mouvement européen pour la
paix” où l’on peut voir “John Lennon
rencontrer George Bush” .
La guerre en Ukraine est présentée, dans cette veine, comme la “guerre que même les anciens pacifistes peuvent soutenir. Tout ce que ses
partisans semblent chanter, c’est “Donnons une chance à la guerre”” .
Lily Lynch, une écrivaine basée à Belgrade, affirme que,
…en particulier au cours des 12 derniers mois, des dirigeantes télégéniques telles que le Premier ministre finlandais, Sanna Marin, la ministre allemande des
Affaires étrangères, Annalena Baerbock, et le Premier ministre estonien, Kaja Kallas, ont de plus en plus servi de porte-parole du militarisme éclairé en Europe…
Aucun parti politique en Europe n’illustre mieux que les Verts allemands le passage d’un pacifisme militant à un
atlantisme ardent en faveur de la guerre. La plupart des premiers Verts avaient été des radicaux lors des manifestations étudiantes de 1968… Mais lorsque les membres fondateurs sont entrés
dans l’âge mûr, des fissures qui allaient un jour le déchirer ont commencé à apparaître dans le parti.
Le Kosovo a alors tout changé : les 78 jours de bombardements de l’OTAN sur ce qui restait de la Yougoslavie en
1999, soi-disant pour mettre fin aux crimes de guerre commis par les forces de sécurité serbes au Kosovo, allaient transformer à jamais les Verts allemands. Pour les Verts, l’OTAN est devenue
un pacte militaire actif, soucieux de diffuser et de défendre des valeurs telles que les droits de l’homme, la démocratie, la paix et la liberté, bien au-delà des frontières de ses États
membres.
Quelques années plus tard, en 2002, un fonctionnaire de l’UE (Robert Cooper) pouvait envisager l’Europe comme un nouvel “impérialisme libéral” . La “nouveauté” résidait dans le fait que l’Europe renonçait à
la puissance militaire dure, au profit de la militarisation d’un “récit” contrôlé et d’une participation contrôlée à
son marché. Il a plaidé pour “un nouvel âge de
l’empire” , dans lequel les puissances occidentales ne seraient plus tenues de respecter le droit international dans leurs relations avec les États “à l’ancienne” ; elles pourraient utiliser la force
militaire indépendamment des Nations unies et imposer des protectorats pour remplacer les régimes qui “gouvernent mal” .
La ministre allemande des affaires étrangères des Verts, Annalena Baerbock, a poursuivi cette métamorphose en réprimandant les pays ayant une tradition de
neutralité militaire et en les implorant d’adhérer à l’OTAN. Elle a invoqué la phrase de l’archevêque Desmond Tutu :