Quel projet pour Israël en Argentine ?

...par Thierry Meyssan - le 12/12/2017.

 

Consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaire. Dernier ouvrage en français : Sous nos yeux - Du 11-Septembre à Donald Trump.


Les autorités argentines s’interrogent sur l’achat massif de terres par un milliardaire britannique en Patagonie et les « vacances » que des dizaines de milliers de soldats israéliens passent dans ses propriétés.

 

Source : http://www.voltairenet.org/article198963.html


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Propriétaire de 175 sociétés, dont des chaînes de restaurant et le club de football de Tottenham —auto-proclamé « Armée des Yid »—, le très discret milliardaire Joe Lewis spécule sur le marché des changes en partenariat avec son ami George Soros.

Au XIXème siècle, le gouvernement britannique avait hésité à installer Israël dans l’Ouganda actuel, en Argentine ou en Palestine. En effet, l’Argentine était alors contrôlée par le Royaume-Uni et, à l’initiative du baron français Maurice de Hirsch, était devenue une terre d’accueil pour les juifs fuyant les pogroms d’Europe centrale.

Au XXème siècle, après le coup d’État militaire contre le général Juan Domingo Perón, président démocratiquement élu du pays, un courant antisémite se développa au sein des armées. Il diffusa une brochure accusant le nouvel État d’Israël de préparer une invasion de la Patagonie, le « Plan Andinia ».

Il apparaît aujourd’hui que si l’extrême-droite argentine avait exagéré les faits dans les années 70, il existait bien alors un projet d’implantation (et non pas d’invasion) de la Patagonie.

Tout a changé avec la guerre des Malouines, en 1982. À l’époque la junte militaire argentine tente de récupérer les îles Malouines, Géorgie du Sud et Sandwich du Sud, occupées de son point de vue depuis un siècle et demi par les Britanniques. L’Onu reconnaît la légitimité de la revendication argentine, mais le Conseil de sécurité condamne le recours à la force pour recouvrer ces territoires. L’enjeu est considérable car les eaux territoriales de ces archipels donnent accès à toutes les richesses du continent antarctique.

À l’issue de cette guerre, qui fit plus d’un millier de morts (les chiffres officiels britanniques sont largement minorés), Londres impose un Traité de paix particulièrement dur à Buenos Aires. Ses Forces armées sont limitées à leur plus simple expression. Surtout, le contrôle de l’espace aérien du Sud de leur territoire et de l’Antarctique leur est retiré au profit de la Royal Air Force et elles doivent informer le Royaume-Uni de toutes leurs opérations.

En 1992 et 1994 deux mystérieux attentats, particulièrement meurtriers et dévastateurs, détruisent successivement l’ambassade d’Israël et le siège de l’association israélite AMIA. Le premier survient alors que les chefs de poste du Renseignement israélien en Amérique latine viennent de quitter le bâtiment. Le second se déroule dans le contexte des recherches conjointes égypto-argentines pour les missiles balistiques Condor. Dans la même période, l’usine principale des Condors explose, tandis que les fils des présidents Carlos Menem et Hafez el-Assad décèdent accidentellement. Les diverses enquêtes donneront lieu à une succession de manipulations.

Après avoir désigné la Syrie, le procureur Alberto Nisman se tourne contre l’Iran qu’il accuse d’avoir commandité les deux attentats et contre le Hezbollah qui les aurait exécutés. L’ancienne présidente péroniste Cristina Kirchner est accusée d’avoir négocié la fin des poursuites contre l’Iran en échange de prix avantageux du pétrole. Le procureur Nisman est trouvé mort à son domicile et la présidente Kirchner est inculpée pour haute trahison. Cependant, la semaine dernière un coup de théâtre détruit tout ce que l’on croyait savoir : le FBI états-unien rend des analyses ADN qui attestent de l’absence parmi les victimes du terroriste présumé et de la présence d’un corps jamais identifié. 25 ans plus tard, on ne sait plus rien sur ces attentats.

Au XXIème siècle, profitant des avantages que leur confère le Traité de la guerre des Malouines, le Royaume-Uni et Israël mènent un nouveau projet en Patagonie.

Le milliardaire britannique Joe Lewis acquiert d’immenses territoires dans le Sud argentin et même au Chili voisin. Ses propriétés couvrent plusieurs fois la taille de l’État d’Israël. Elles sont situées en Terre de feu, à l’extrême Sud du continent. Elles entourent notamment le Lago Escondido empêchant désormais son accès, malgré une décision de justice.

Un aéroport privé, ayant une piste d’atterrissage de 2 kilomètres, est aménagé par le milliardaire pour recevoir des avions de transport civils et militaire.

Depuis la guerre des Malouines, l’armée israélienne organise des « camps de vacances » (sic) pour ses soldats en Patagonie. Chaque année, ce sont désormais 8 à 10 000 d’entre eux qui viennent passer deux semaines sur les terres de Joe Lewis.

Si dans les années 70, l’armée argentine avait fait observer la construction de 25 000 logements vides donnant naissance au mythe du plan Andinia, des centaines de milliers auraient été construits aujourd’hui.

Il est impossible de vérifier l’état des travaux, ces terres étant privées et Google Earth neutralisant les photographies satellitaires de la zone, comme il le fait avec les installations militaires de l’Alliance atlantique.

Le Chili voisin a cédé une base sous-marine à Israël. Des tunnels y ont été creusés pour survivre à l’hiver polaire.

Les Indiens Mapuche qui peuplent la Patagonie tant argentine que chilienne ont eu la surprise d’apprendre la réactivation à Londres de la Resistencia Ancestral Mapuche(Résistance ancestrale mapuche - RAM), une mystérieuse organisation revendiquant l’indépendance. D’abord accusée d’être une ancienne association récupérée par les services secrets argentins, la RAM est aujourd’hui considérée par la gauche comme un légitime mouvement sécessionniste, mais par les leaders Mapuche comme une initiative financée par George Soros.

Le 15 novembre 2017, la Marine a perdu tout contact avec le sous-marin ARA San Juan, qui a finalement été déclaré abîmé en mer. C’est un des deux sous-marins diésel-électriques TR 1700 qui constituaient le fleuron de la petite armée argentine. La Commission préparatoire de l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBTO) a annoncé avoir enregistré un phénomène acoustique inhabituel dans l’Atlantique, à proximité de la zone où le San Juan avait envoyé son dernier signal. Le gouvernement a finalement admis que le sous-marin effectuait une « mission secrète » non précisée, dont Londres avait été informé. Alors que l’armée US avait lancé des recherches, la Marine russe a dépêché un drone capable d’explorer les fonds marins à 6 000 mètres de profondeur qui n’a rien trouvé. Le San Juan a probablement explosé. La presse argentine est convaincue qu’il a soit heurté une mine, soit a été détruit par une torpille ennemie.

Il est à ce jour impossible de déterminer si Israël s’est engagé dans un programme d’exploitation de l’Antarctique ou s’il construit une base de repli en cas de défaite en Palestine.

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