AU SUJET, NOTAMMENT, DE L'AFFAIRE SKRIPAL ET
DES EXPULSIONS DE DIPLOMATES RUSSES. UN MODÈLE DE PROPAGANDE ATLANTISTE QUI VAUT LE DÉTOUR.
Par Ph. Huysmans - Le 28/03/ 2018
Soir Première (27.03.18) - CQFD (Ce qui fait débat)
Arnaud Ruyssen reçoit l'ambassadeur de Russie Alexander Tokovinin.
Transcription : lvpc
Et ce qui fait débat, ce soir, c'est cette question : où s'arrêtera l'escalade dans la guerre froide entre la Russie et les occidentaux. Plus d'une centaine de diplomates russes, déjà
expulsés d'Europe et des États-Unis. Cet après-midi, c'est l'OTAN qui annoncé qu'elle retirait ou refusait l'accréditation à une dizaine de diplomates. La Belgique examine, elle aussi, en ce
moment même de possibles sanctions ou expulsions. Et ce soir on va faire réagir la voix du Kremlin, ici à Bruxelles. Notre invité est l'ambassadeur de Russie à Bruxelles, Alexandre Tokovinin.
Ce qui suit est la transcription intégrale de l'émission, aussi fidèle que possible. J'y adjoins mes propres commentaires, dans des encarts rouges, tel celui-ci.
Bonsoir Alexandre Tokovinin.
Bonsoir.
Alors est-ce que vous utilisez ces mots-là, vous aussi, ces mots de guerre
froide, vu ce qui se passe, ces derniers jours, ces dernières semaines, entre l'Europe et la Russie, en particulier depuis cette affaire Sergeï Skripal, du nom de cet espion/agent double,
qui a été empoisonné en Grande-Bretagne.
Bon, je n'aime pas ces mots, la guerre
froide, parce que la guerre froide, c'était une autre période de l'histoire, et je voudrais dire que la Russie a fait beaucoup plus que n'importe quel autre pays pour surmonter cette
période, pour apporter un climat de coopération en Europe. Et donc, c'est très triste que maintenant, on se voit encore une fois dans une période de confrontation.
Mais alors cette confrontation, elle s'explique, quand même, par une série de dossiers extrêmement tendus, entre la Russie et l'Europe, ces derniers mois, et en particulier sur cette affaire
Sergeï Skripal. On rappelle ce qui s'est passé : le 4 mars, cet agent double et sa fille sont empoisonnés par un agent neurotoxique de type novichok 3, pour être tout à fait précis, et,
le pouvoir britannique juge que c'est un poison qui a été administré par la Russie, et donc, pointe une série de sanctions que l'on a vécue ces derniers jours, vis-à-vis de votre pays. Est-ce que
vous contestez cette thèse britannique par rapport à l'empoisonnement de Sergeï Skripal ?
De type novichok 3 pour être whaat ? Personne n'a même été en mesure de prouver qu'un tel agent (novichok) ait jamais été synthétisé, et à ma connaissance, le Royaume-Uni n'a fourni
aucun échantillon ni à l'OIAC, ni à la Russie à ce jour.
Mais bien sûr, tout simplement, la Russie n'a rien à faire avec cette affaire Skripal. Donc, on a pas fourni aucune preuve de l'implication russe dans ce crime, et on n'a pas fourni de matériel,
des échantillons de cet agent chimique, et à vrai dire, il n'existe pas de cette nomination, novichok, pour n'importe quel agent chimique en Russie. Donc c'est une affaire très très bizarre, et
je dois dire que... On me dit que c'est hautement probable que c'est la Russie, mais où est la présomption d'innocence ? Où sont les usages diplomatiques ? On ne comprend pas.
Ceci dit, il y a quand même eu, au départ de cette affaire, quand Theresa May, la première fois, (Theresa May la chef du gouvernement britannique) a pointé la Russie, a dit qu'elle avait de
fortes présomptions pour le fait que ce soit la Russie qui soit impliquée; elle a demandé à la Russie de réagir, elle a donné 24 heures en disant « Prouvez-nous que ce n'est pas vous,
expliquez-nous, et donnez-nous les preuves que ce n'est pas vous qui êtes derrière cela », et il n'y a pas eu de réaction du côté du Kremlin, c'est la raison pour laquelle les sanctions ont
été activées ensuite. Pourquoi ne pas avoir réagi alors, si vous êtes certain, côté russe, que ce n'est pas la Russie qui se trouve derrière cet empoisonnement ?
Donc en gros, on accuse, on pose un ultimatum, et si le Kremlin ne répond pas, on active les sanctions... puisque les Russes sont coupables.
Mais on ne parle jamais à un pays souverain le langage d'ultimatum ! Et donc, il y a une procédure très concrète prescrite par la convention sur l'interdiction des armes chimiques, suivant
laquelle la Grande-Bretagne devait demander des consultations avec la Russie, et donc la Russie était toute prête de le faire.
Mais pourquoi pas avoir réagi à ce moment-là ? Au moins de demander, alors, de pouvoir mener une enquête commune, ou que sais-je. Là on a l'impression que ça a été le silence, et porte de
bois du côté du Kremlin, raison pour laquelle on est parti dans cette spirale, et dans cette escalade de tension.
C'est étrange, il me semble que l'Ambassadeur venait de dire que la Russie était toute prête à collaborer à l'enquête via l'OIAC
Pas du tout ! Il n'y avait pas de silence. La Russie a dit tout de suite qu'elle est prête à participer à l'enquête, à examiner des échantillons, de cet agent que les Britanniques disent a
été utilisé contre les Skripal. Mais on n'a pas fourni aucun matériau (échantillon, ndlr) chez nous... pour nous. Et donc, on a dit seulement que « bon, nous croyons que c'est vous, et c'est
vous qui devez fournir les preuves, donc, de votre innocence ! »
La Russie ne voulait pas rentrer dans ce jeu-là ?
Non, non, bien sûr que non ! On ne parle pas ce langage avec un pays souverain. C'est impossible, c'est inacceptable.
Mais si ce n'est pas la Russie, alors Alexandre Tokovinin, quand on sait que ce n'est pas le premier cas, il y a d'autres ressortissants russes, ex-espions, ou hommes d'affaires qui sont morts
dans des conditions extrêmement suspectes ces dernières années sur le territoire britannique, si ce n'est pas la Russie, et le pouvoir russe qui est derrière cela, alors c'est qui ?
Mais bien sûr, si ce n'est pas la Russie, enfin, le pouvoir russe,
en tout cas, doit bien savoir qui c'est !
Donc il y a bien sûr d'autres traîtres, il y a d'autres espions doubles, mais ce qui est bizarre, qu'ils ne meurent pas. Que sur le sol britannique... Parce qu'il y a beaucoup d'autres qui vivent
paisiblement aux États-Unis et dans d'autres pays, mais par magique, donc, quelque chose arrive avec eux... seulement en Grande-Bretagne.
Ça veut dire quoi, vous voulez dire quoi, quand vous dites ça ?
L'expression « ça veut dire quoi... » est ici à comprendre comme « Je n'ai pas du tout apprécié votre réponse, vous êtes (instamment) prié d'en fournir une qui me
satisfasse ! ». Ceci est une technique récurrente tout au long de l'interview.
Je ne sais pas... (interrompu par l'interviewer, ndlr)
Qu'il y a un complot ? Qu'il y a un coup monté ?
Mais, je ne sais pas... (interrompu, à nouveau, ndlr)
Vous pointez la Grande-Bretagne ?
Interrompre brutalement son interlocuteur, si possible en rafale, afin de le déstabiliser. Procédé des plus grossiers que le journaliste utilisera à plusieurs reprises.
Je ne sais pas, mais la Russie ne s'engage pas dans des crimes pareils, c'est clair, complètement.
Donc pour vous, il est clair que la Russie n'a rien à voir avec ce qui s'est passé autour des Skripal...
tout à fait.
... Ni avec d'autres cas précédents, Litvinenko, notamment.
Absolument, tout à fait.
Alors, on sait que, en ce moment, le gouvernement belge est réuni en comité ministériel restreint, pour évaluer de possibles sanctions, à l'égard de la Russie et peut-être des expulsions de
diplomates, écoutez, peut-être, ce que disait Didier Reynders, juste à l'entrée de ce comité ministériel restreint, il y a quelques instants.
Didier Reynders (Ministre des Affaires Étrangères, ndlr) : En accord avec tous les partenaires au sein de l'OTAN, d'expulser 7 diplomates russes auprès de l'OTAN, de
refuser l'accréditation de 3 autres, et de limiter la représentation russe à l'OTAN à 20 diplomates maximum, au lieu de 30 précédemment. C'est la Belgique, comme pays hôte, qui va devoir
mettre en oeuvre ces différentes décisions, donc c'est une première étape. À côté de cela, nous allons voir s'il y a des mesures bilatérales à prendre, il y a toute une série de possibilités
que je vais présenter à mes collègues du Kern (noyau = comité restreint, ndlr).
Voilà ça c'était tout à l'heure, en entrée du conseil ministériel restreint, et l'information me parvient à l'instant, pendant qu'on était en train d'entendre Didier Reynders, la Belgique décide
l'expulsion d'un diplomate russe en plus des 7 diplomates de l'OTAN qui sont aussi présents sur le territoire belge. Votre réaction, alors à cela, Alexander Tokovinin, à cette décision, donc, du
gouvernement belge puisque je rappelle que vous êtes l'ambassadeur de la Russie à Bruxelles, donc auprès de la Belgique.
Si c'est la décision du gouvernement belge, nous ne pouvons que regretter cette décision, et bien sûr que la Russie va réagir à cette démarche.
Ça veut dire quoi « réagir à cette démarche » ? Quelle pourrait être la réaction de Moscou après ces différentes expulsions, plus de 120, maintenant, si on les additionne, dont une
décidée ce soir par la Belgique ?
Le retour du « ça veut dire quoi » (et il est pas content). Le journaliste exprime donc... sa réprobation. Comme si le Kremlin allait lui demander son avis, aussi ?
Mais c'est clair que nous serons guidés par le principe de réciprocité.
Donc ce sera aussi des expulsions, de diplomates ?
Probablement, oui.
Est-ce que ça veut dire qu'on pourrait aller vers une rupture des relations diplomatiques entre la Russie et l'Europe, entre la Russie et une série de pays européens, la Russie et les
États-Unis ? On pourrait aller jusque-là ? Ici, on ne parle pas de rupture, vraiment, encore, de relations diplomatiques ?
Autre ficelle : présenter la Russie comme imprévisible et belliqueuse... et donc évidemment capable d'aller jusqu'à rompre les relations diplomatiques, même si personne n'a jamais
évoqué la question, et qu'au contraire, les Russes ont toujours appliqué strictement le principe de réciprocité.
Mais écoutez, cette escalade, cette confrontation, ce n'est pas notre choix, ce n'était pas la Russie qui a commencé tout ça, et c'est vraiment triste, parce que, entretemps, nous perdons les
possibilités, des chances sont gâchées, de coopération, de développement commun, parce que ni la Russie ni l'Union Européenne ne partiront pas vers la lune, demain, et donc, nous sommes
contraints de vivre ensemble sur le continent européen, et de bâtir des relations. Et donc ce que nous faisons maintenant, nous perdons du temps.
Nous perdons du temps dans les relations de voisinage, c'est un mot qu'on a entendu, dans la bouche de responsables belges, de dire que la Russie est notre voisin, et qu'il faut donc quand même
garder un canal de dialogue, c'est ce qu'avait dit d'ailleurs le premier ministre belge, Charles Michel, quand il est allé à Moscou. Ce canal de dialogue, il n'est plus possible, ce soir, après
que la Belgique ait décidé une expulsion de diplomate, après que la Belgique rentre dans ce mouvement de sanctions, auprès de ses alliés ?
Donc, la Belgique sanctionne la
Russie sans autre justification que celle qui consiste à moutonner auprès des alliés, puis demande ingénument à son ambassadeur si ce canal de dialogue (privilégié) reste ouvert. Superbe
inversion de rôle qui place la Belgique en posture victimaire.
Je crois que le dialogue est toujours possible, encore une fois, la Russie va réagir à cette démarche, mais je crois que garder le dialogue, c'est toujours plus sage que continuer dans la voie de
confrontation.
Donc la Russie va réagir de manière réciproque, c'est ce que vous nous avez dit, mais ne va pas partir un cran plus haut, c'est ça que vous voulez dire ? Vous voulez quand même maintenir le
dialogue, il y a pas l'idée que la Russie aille plus loin que ce qu'a fait l'Europe et la Grande-Bretagne ces dernières heures ?
Un cran plus haut ? Et pourquoi pas une guerre thermonucléaire, tant qu'on y est ? Ou comment présenter une (prévisible) réaction symétrique russe comme une escalade là
où les expulsions de diplomates par les occidentaux seraient une juste
sanction.
Mais clairement, je ne sais pas à ce moment quelle sera la décision du gouvernement russe, mais ce que je dis, c'est que la Russie n'a pas commencé tout ça, et que la Russie reste toujours
ouverte, reste toujours prête à recommencer le dialogue et la coopération.
Alors, vous dites « La Russie n'a pas commencé tout cela » . En même temps, on a suivi, Alexandre Tokovinin, cette affaire Skripal, mais qui vient s'inscrire dans un contexte de
tensions quand même plutôt vives, entre l'Europe et la Russie ces dernières années. Il y a eu le cas de l'Ukraine, avec l'annexion de la Crimée, il y a ce qui se passe en Syrie, on va y revenir
dans quelques instants, et puis il y a aussi, ces soupçons d'interventions russes dans les scrutins européens, et américains, on parle de l'élection présidentielle américaine, on parle aussi du
Brexit. Est-ce que vous comprenez que pour les Européens, savoir que sont venues de Russie toute une série de messages qui avaient pour but d'influencer des campagnes électorales menées en
Europe, et donc, de perturber le déroulement de ces élections démocratiques en Europe, ça pose un gros problème, et que ça ait contribué aux tensions qu'on connaît aujourd'hui.
Ah, on y vient : le contentieux, l'hénaurme contentieux des vilains Russkofs qui ont « annexé » la Crimée, et tout cassés les plans merveilleux de
« démocratisation » de la Syrie. Sans oublier une petite couche d'ingérence dans les élections démocratiques, pour faire bonne mesure.
Je suis heureux que vous n'ayez pas mentionné des problèmes du climat, ou des problèmes des récifs de corail dans des mers chaudes, parce que maintenant, il y a une tendance, vraiment, d'accuser
la Russie d'être derrière tout ce qui est mauvais dans le monde.
Oui là vous ironisez sur ma question, Alexandre Tokovinin, mais, sur le fond ? On sait que sont venues de Russie — et là, ce sont des spécialistes du fonctionnement de
l'internet — qui disent que, il y a eu des mécanismes de troll, qu'il y a eu des messages qui ont été envoyés, des encarts qui ont été achetés sur Facebook, depuis le territoire russe
et qui sont venus s'immiscer dans les processus électoraux, en Europe, et aux États-Unis. Vous le contestez, ça ?
Ouch, l'éditocrate de service n'apprécie pas trop l'humour, on dirait. Pourtant la meilleure réponse à une question loufoque.
Bon, encore une fois, ce n'était pas la Russie, toujours, qui a commencé les problèmes que vous avez mentionnés. Ce n'était pas la Russie qui a bombardé la Serbie en 1999. Ce n'était pas la
Russie qui a organisé le coup d'État en Ukraine, en février 2014, le coup d'État qui a donné aux forces, au partis nationalistes et xénophobe en Ukraine, de saisir le pouvoir. Ce n'était pas la
Syrie qui a agressé l'Irak et puis la Libye et qui a commencé, donc ces événements qui ont mené à la dégradation de la situation générale au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Ça veut dire quoi, ça ? Ça veut dire que cette lecture que vous venez de nous faire, ici, d'une série de dossiers, notamment l'Ukraine, c'est la raison pour laquelle, en Russie, on a décidé
de s'immiscer dans les processus électoraux, en Europe ?
Oups, troisième volet du saveudirkoissa, et comment que cet Ostroghoth du Caucase profond vient nous casser les bonbons avec des dossiers qu'on préférerait oublier ? Et c'est Kiki pose
les questions, ici ? Non mais !
Mais c'est ridicule de parler d'intervention russe dans les scrutins européens ou américains, parce que nous, nous ne faisons pas ça.
Et le fait que ça vienne de Russie, ça s'explique comment, alors ?
Non, non : mais par contre, donc, le gouvernement américain des États-Unis, interviennent régulièrement dans des affaires internes d'autres pays, et dans les élections aussi. Partout, y
compris la Russie. Et donc, nous ne le faisons pas, et donc c'est tout à fait injuste, incorrect de le dire.
Alors, j'aurais eu envie de vous faire entendre ce qu'avait dit un député belge, il s'appelle Georges Dallemagne, député CDH, sur notre antenne, ici dans CQFD, il y a peu de temps, à propos de la
Syrie, et de la situation en Syrie, et du rôle joué par la Russie que l'on sait être un soutien du régime en place à Damas, de Bachar al-Assad. Il estimait que l'attitude des dirigeants russes
était réellement dangereuse, voilà ce qu'il expliquait :
Georges Dallemagne (Député CDH) : Ce sont aujourd'hui des gens qui sont dangereux, la Russie est probablement... et Poutine est probablement... je veux dire Poutine, en
tout cas, est probablement l'homme le plus dangereux de la planète aujourd'hui. Il s'est opposé à dix résolutions du Conseil de Sécurité, sur la Syrie. Il a déstabilisé l'Europe. Et on peut
se demander, effectivement, si ça ne fait pas le jeu de Poutine, effectivement, que l'Europe soit déstabilisée à ses Marches par ce conflit sanglant, par ce conflit durable, et s'il
n'entretient pas, effectivement, ce foyer de tension parce que cela nuit aussi au projet européen, aux intérêts et à la sécurité européennes, puisque nous avons aussi vu se développer le
terrorisme en Europe. Mais au-delà des conséquences pour l'Europe, c'est surtout évidemment la tragédie pour ce peuple-là qui a été complètement abandonné, qui a été écrasé, et un pays qui
est aujourd'hui effacé de la surface du globe.
Voilà, des accusations dures, de la part de Georges Dallemagne, Vladimir poutine serait l'homme, selon lui, le plus dangereux de la planète aujourd'hui, et il l'accuse, on l'entend, d'avoir
maintenu ce foyer de déstabilisation en Syrie, avec l'idée, peut-être derrière cela, d'affaiblir l'Europe en maintenant ces tensions à ses frontières, et avec, aussi, ce qui en a découlé en
matière de terrorisme. Vous lui répondez quoi, Alexandre Tokovinin ?
Dures accusations ? Moi je dirais qu'il a lourdement abusé de l'herbe-qui-fait-rire. La Russie qui voudrait déstabiliser l'Europe ? Mais ouiiii, pourquoi pas. La Syrie aux
frontières de l'Europe ? Ah bon, et pourquoi pas la Corée du Nord, aussi ? Un peu léger pour justifier une intervention, je pense. Quant au pays « aujourd'hui effacé de la
surface du globe », j'ai l'impression que l'intéressé confond légèrement les voeux pieux du Pentagone avec la réalité sur le terrain.
C'est une position très bizarre, à mon avis, parce que : est-ce que vous voulez dire que c'était la Russie qui a déstabilisé la situation en Syrie ? C'est ridicule ! Parce que
c'étaient des groupes extrémistes soutenus par beaucoup de nos partenaires occidentaux qui ont déstabilisé la situation et au moment où la Russie est intervenue militairement en Syrie, il y avait
une vraie menace que Daesh puisse venir à la capitale, à Damas. Et donc si ce n'était pas pour le rôle russe, Damas pourrait bien être contrôlée aujourd'hui par Daesh.
Elle pourrait être aussi...contrôlée... par une oppo...sition, syrienne, qui a été, aussi, euh, détruite par le régime en bonne partie, par des bombardements qui ont aussi visé des civils. Est-ce
que d'un point de vue russe, et ce sera ma dernière question, vous estimez que Bachar al-Assad est la meilleure solution aujourd'hui, pour la situation en Syrie ? Maintenir Bachar al-Assad
au pouvoir ?
C'est volontairement que j'ai laissé les hésitations et le « heu », parce que pour le coup, c'était l'éditocrate de service qui donnait l'impression d'être sérieusement déstabilisé.
Encore une fois : au moment où la Russie est intervenue en Syrie, il n'y avait pas des vraies forces de l'opposition modérée, mais il y avait deux forces majeures, c'est le régime, et
Daesh. Et c'est tout. Les autres n'étaient pas... (interruption par l'interviewer, ndlr)
Tous les analystes de la situation ne disent pas la même chose que vous, sur ce point.
Oui, et donc, les Syriens doivent décider eux-mêmes, bon, comment leur pays doit être dirigé, et bien sûr qu'il faut continuer le processus politique, pour arriver à un accord entre des forces
syriens, pour organiser l'avenir de ce pays.
Mais pour vous, cette évolution-là, elle doit se faire en invitant Bachar al-Assad à la table ?
Bien sûr ! Bien sûr parce qu'il dirige le régime qui est soutenu par beaucoup de Syriens, je connais moi... (interruption par l'interviewer, ndlr)
Malgré l'utilisation d'armes chimiques contre sa population, malgré les bombardements qui visent les civils ? Ça reste un interlocuteur ?
Ah, c'est vrai, on avait failli oublier les armes chimiques™ du tyran sanguinaire qui massacre son peuple.
Il n'y a pas de preuves, toujours, que le régime syrien ait utilisé des armes chimiques, mais encore une fois, je peux vous dire que moi, j'ai été en poste à Damas, j'ai beaucoup d'amis syriens,
et je sais que la majorité des chrétiens syriens pensent que c'est seulement le régime, le président Assad, qui les protège. Il n'y a pas d'autre force dans le monde qui puisse les
protéger.
Eh bien, Alexandre Tokovinin, merci d'être venu, ce soir, dans notre studio. On aura compris qu'entre la lecture russe des événements, et d'une série d'événements géopolitiques, et la lecture
européenne et occidentale, il y a de vraies différences très importantes, et c'était intéressant, sans doute, de les entendre ici, ce soir. Merci d'être passé par notre studio. Dans un petit
instant, ce sera notre page « grand angle » ...
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