Poutine sur la crise en Ukraine :

Face à l’OTAN, la Russie ne peut plus reculer

...le Cri des peuples - Le 27/12/2021.

Réunion élargie du Conseil du ministère de la Défense, le 21 décembre 2021.

Source : en.kremlin.ru

Traduction : lecridespeuples.fr

Transcription :

 

[…] Camarades officiers,

 

En nous appuyant sur nos bases solides et sur les puissantes réalisations en matière de recherche et de technologie de ces dernières années, nous devons absolument continuer à améliorer et à renforcer nos forces armées, et c’est exactement ce que nous ferons.

 

La situation militaro-politique dans le monde reste compliquée, avec un potentiel de conflit accru et de nouveaux foyers de tension dans plusieurs régions. En particulier, la croissance des forces militaires des États-Unis et de l’OTAN à proximité directe de la frontière russe et leurs exercices militaires majeurs, y compris imprévus, sont une source de préoccupation.

 

Il est extrêmement alarmant que des éléments du système de défense mondial américain soient déployés près de la Russie. Les lanceurs MK 41, qui sont situés en Roumanie et doivent être déployés en Pologne, sont adaptés pour le lancement des missiles de frappe Tomahawk. Si cette infrastructure continue d’avancer, et si des systèmes de missiles américains et de l’OTAN sont déployés en Ukraine, leur temps de vol vers Moscou ne sera que de 7 à 10 minutes, voire de 5 minutes pour les systèmes hypersoniques. C’est un énorme défi pour nous, pour notre sécurité.

 

Dans ce contexte, comme vous le savez, j’ai invité le président américain à entamer des discussions sur la préparation d’accords concrets. Incidemment, au cours de notre conversation, il a en fait proposé de nommer des hauts fonctionnaires pour superviser ce domaine. C’est en réponse à sa proposition que nous avons rédigé nos propositions visant à empêcher la poursuite de l’expansion vers l’Est de l’OTAN et le déploiement de systèmes de frappe offensive dans les pays voisins de la Russie. Comme vous le savez, nous avons envoyé les projets d’accords pertinents à nos collègues américains et à la direction de l’OTAN.

 

Nous avons besoin de garanties juridiquement contraignantes à long terme. En fait, nous savons très bien que même les garanties juridiques ne peuvent pas être totalement infaillibles, car les États-Unis se retirent facilement de tout traité international qui a cessé de les intéresser pour une raison quelconque, offrant parfois des explications et parfois non, comme l’était le cas avec le Traité ABM et le Traité Ciel Ouvert – rien du tout.

Cependant, nous avons besoin d’au moins quelque chose, au moins un accord juridiquement contraignant plutôt que de simples assurances verbales. Nous connaissons la valeur de telles assurances verbales, de ces belles paroles et promesses. Prenez le passé récent, à la fin des années 80 et au début des années 90, quand on nous a dit que nos inquiétudes concernant l’expansion potentielle de l’OTAN vers l’Est étaient absolument sans fondement. Et puis nous avons vu cinq vagues d’expansion du bloc vers l’Est. Vous vous souvenez comment c’est arrivé ? Vous êtes tous des adultes. Cela s’est produit à une époque où les relations de la Russie avec les États-Unis et les principaux États membres de l’OTAN étaient sans nuage, nous étions pour ainsi dire complètement alliés.

 

Je l’ai déjà dit en public et je vous le rappelle encore : des spécialistes américains étaient présents en permanence dans les installations d’armement nucléaire de la Fédération de Russie. Ils allaient à leur bureau là-bas tous les jours, avaient des bureaux et un drapeau américain. N’était-ce pas suffisant ? Quoi d’autre est requis ? Des conseillers américains travaillaient au sein du gouvernement russe, des officiers de carrière de la CIA donnaient leurs conseils. Que voulaient-ils d’autre ? Quel était l’intérêt de soutenir le séparatisme dans le Caucase du Nord, et même de soutenir Daech – enfin, pas Daech, mais il y avait d’autres groupes terroristes. Ils ont manifestement soutenu les terroristes. Pourquoi ? Quel était l’intérêt d’élargir l’OTAN et de se retirer du Traité ABM ?

 

Ils sont à blâmer pour ce qui se passe actuellement en Europe, pour l’escalade des tensions là-bas. La Russie devait réagir à chaque pas et la situation allait de mal en pis. Elle se détériorait tout le temps. Et nous voici aujourd’hui, dans une situation où nous sommes obligés de la résoudre : après tout, nous ne pouvons pas permettre le scénario que j’ai évoqué. Est-ce que quelqu’un est incapable de comprendre cela ? Cela devrait être clair.

 

Parfois je me demande : pourquoi ont-ils fait tout cela dans les conditions d’alors ? Ce n’est pas clair. Je pense que la raison réside dans l’euphorie suscitée par la victoire dans la soi-disant guerre froide ou la soi-disant victoire dans la guerre froide. Cela était dû à leur mauvaise évaluation de la situation à ce moment-là, en raison de leur analyse non professionnelle et erronée des scénarios probables. Il n’y a tout simplement pas d’autres raisons.

 

Je tiens à souligner à nouveau : nous n’exigeons pas de conditions exclusives particulières pour nous-mêmes. La Russie défend une sécurité égale et indivisible dans toute l’Eurasie.

Naturellement, comme je l’ai déjà noté, si nos collègues occidentaux poursuivent leur ligne manifestement agressive, nous prendrons les mesures réciproques militaro-techniques appropriées et nous répondrons avec fermeté à leurs démarches hostiles. Et je voudrais souligner que nous avons pleinement droit à ces actions qui visent à assurer la sécurité et l’indépendance de la Russie.

 

Comme nous le savons bien, ils opèrent à des milliers de kilomètres de leur territoire national sous différents prétextes, dont la nécessité d’assurer leur propre sécurité. Lorsque le droit international et la Charte des Nations Unies se mettent en travers de leur chemin, ils les déclarent obsolètes et inutiles. Cependant, lorsque quelque chose répond à leurs intérêts, ils se réfèrent immédiatement aux normes du droit international, à la Charte des Nations Unies, au droit international humanitaire, etc. J’en ai assez de leurs manipulations.

 

À cet égard, comme je l’ai déjà dit, il est important de poursuivre le développement systématique, planifié et régulier des forces armées, y compris conformément à leurs priorités, énoncées dans la dernière version de la Stratégie de Sécurité Nationale et du Concept visant à la construction et au développement des forces armées jusqu’en 2030.

 

L’année prochaine, nous devrons nous concentrer sur les tâches principales suivantes.

 

Premièrement, il est nécessaire de poursuivre l’achat planifié et équilibré d’armes et d’équipements modernes pour les unités militaires et de consacrer une attention particulière aux livraisons de systèmes de haute précision, de systèmes de reconnaissance, de navigation, de communication et de contrôle de pointe.

 

Deuxièmement, les programmes d’entraînement au combat et tactique devraient donner la priorité aux efforts visant à maîtriser les armes modernes, ainsi que les nouvelles formes et méthodes d’opérations de combat. Dans ce cadre, les programmes d’entraînement au combat devraient être modifiés, afin qu’ils puissent être pris en compte lors des exercices de l’année prochaine, dont l’exercice de poste de commandement stratégique Vostok 2022.

 

Troisièmement, le succès total dans de nombreux domaines dépend désormais directement d’une prise de décision réfléchie et rapide. Dans le domaine militaire, lors des opérations de combat, les décisions se prennent en quelques minutes voire quelques secondes. Il est donc nécessaire de développer des systèmes d’aide à la prise de décision des commandants à tous les niveaux, notamment au niveau tactique, et d’introduire des éléments d’intelligence artificielle dans ces systèmes.

 

Quatrièmement, il va sans dire que des algorithmes opérationnels efficaces devraient être établis à tous les niveaux, et des systèmes automatiques avancés devraient également être introduits. En même temps, nous pouvons voir que les conflits militaires modernes ne se déroulent pas selon des schémas préétablis. Comme auparavant, les commandants jouent un rôle clé dans ces conflits. Beaucoup dépend de leurs connaissances, de leur expérience, de leurs qualités personnelles, et ceux qui prennent des décisions vraiment non conventionnelles gagnent des batailles. Par conséquent, lors de l’entraînement opérationnel et au combat, il est nécessaire de former des commandants polyvalents qui possèdent des connaissances dans tous les domaines. Ils devraient être répertoriés dans la réserve de personnel des principaux commandants militaires, et il est nécessaire de les surveiller dès maintenant, de les guider et de leur offrir des opportunités de promotion ultérieure.

 

Et, enfin, voici le cinquième aspect. Compte tenu de la complexité de la situation internationale, il est nécessaire de développer la coopération militaire et militaro-technique avec les États membres de l’Organisation de coopération de Shanghai et de l’Organisation du traité de sécurité collective et d’accorder une attention particulière au renforcement des capacités de défense de l’État de l’Union russo-biélorusse. […]

 

De manière informelle, j’aimerais ajouter quelques mots à ce que le ministre de la défense a dit et à mes propres remarques liminaires. Tout le monde en parle et, bien sûr, principalement les Forces armées. Je fais référence à nos documents, nos projets de traités et d’accords pour assurer la stabilité stratégique que nous avons envoyés aux dirigeants des États-Unis et de l’OTAN.

Nous voyons déjà que certains de nos détracteurs les interprètent comme l’ultimatum de la Russie. Est-ce un ultimatum ou pas ? Bien sûr que non.

 

Voir : Que pourrait-il se passer si les États-Unis rejettent l’ultimatum russe ?

 

Pour rappel : tout ce que nos partenaires – appelons-les ainsi – les États-Unis ont fait au cours des années précédentes, soi-disant assurant leurs intérêts et leur sécurité à des milliers de kilomètres de leur territoire national – ils ont fait ces choses dures, les choses les plus audacieuses, sans l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU.

Quel était le prétexte pour bombarder la Yougoslavie ? Est-ce que c’était autorisé par le Conseil de sécurité, ou quoi ? Où sont la Yougoslavie et où sont les États-Unis ? Ils ont détruit le pays. En effet, il y avait un conflit interne, ils avaient leurs propres problèmes, mais qui leur a donné le droit de mener des frappes aériennes contre une capitale européenne ? Personne. Ils ont juste choisi de le faire, et leurs Etats-satellites couraient derrière eux en jappant. Voilà pour le droit international.

Sous quel prétexte sont-ils allés en Irak ? C’était que l’Irak développait des armes de destruction massive. Ils sont entrés, ont détruit le pays, créé un foyer de terrorisme international, puis il s’est avéré qu’ils avaient fait une erreur : « Les renseignements nous ont fait défaut. » Wow ! Ils ont détruit un pays. Nos services d’intelligence ont échoué – c’est tout ce qu’ils avaient à dire pour justifier leurs actions. Il s’est avéré qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive là-bas. Au contraire, tout avait été détruit comme convenu.

 

 

 Comment sont-ils allés en Syrie ? Avec l’autorisation du Conseil de sécurité ? Non. Ils font tout bonnement tout ce qu’ils veulent. Cependant, ce qu’ils font, essaient ou prévoient de faire en Ukraine ne se passe pas à des milliers de kilomètres de notre frontière nationale. C’est à la porte de notre maison. Ils doivent comprendre que nous n’avons tout simplement nulle part où nous retirer.

 

Il y a des experts ici, assis avec nous, je reste en contact permanent avec eux. Les États-Unis ne possèdent pas encore d’armes hypersoniques, mais nous savons quand ils en auront. Cela ne peut pas être caché. Tout est enregistré, les tests réussis comme les testes infructueux. Nous avons une idée assez claire du moment où cela pourrait arriver. Ils installeront des armes hypersoniques en Ukraine et les utiliseront ensuite comme couverture – cela ne veut pas dire qu’ils commenceront à les utiliser demain, car nous avons déjà Tsircon et eux pas – pour armer les extrémistes d’un État voisin et les inciter contre certaines régions de la Fédération de Russie, comme la Crimée, lorsqu’ils penseront que les circonstances leur sont favorables.

 

Pensent-ils vraiment que nous ne voyons pas ces menaces ? Ou pensent-ils que nous resterons les bras croisés à regarder émerger des menaces contre la Russie ? C’est le problème : nous n’avons tout simplement pas de place pour battre en retraite. Telle est la situation.

 

Voir Poutine : quand le combat est inévitable, il faut frapper le premier

Les conflits armés et les effusions de sang ne sont absolument pas notre choix. Nous ne voulons pas que les événements se déroulent ainsi. Nous voulons utiliser des moyens politiques et diplomatiques pour résoudre les problèmes, mais nous voulons au moins disposer de garanties juridiques clairement formulées. C’est l’objet de nos propositions. Nous les avons consignées sur papier et envoyées à Bruxelles et à Washington, et nous espérons recevoir une réponse claire et complète à ces propositions.

 

Il y a certains signaux que nos partenaires semblent prêts à travailler là-dessus. Mais il y a aussi le danger qu’ils tentent de noyer nos propositions dans les vaines discussions, ou dans un marécage, pour profiter de cette pause et faire ce qu’ils veulent.

 

Que ce soit clair pour tout le monde : nous en sommes conscients, et cette tournure des événements, ces évolutions, ne fonctionneront pas pour nous. Nous attendons avec impatience des pourparlers constructifs et significatifs, avec un résultat visible – et dans un délai précis – qui garantirait une sécurité égale pour tous.

 

C’est ce que nous nous efforcerons d’atteindre, mais nous ne pourrons le faire que si les Forces armées se développent correctement. Au cours des dernières années, nous avons réussi à gérer cela et nous avons atteint un bon niveau de préparation au combat. J’en ai parlé et le ministre vient d’en faire rapport. Nous avançons à un rythme décent – le genre de rythme dont nous avons besoin.

Il y a des questions qui nécessitent plus d’attention, comme la production, que nous traitons de façon continue. Comme vous le savez peut-être, nous nous réunissons à Sochi deux fois par an. Pourquoi Sochi ? Ce n’est pas à cause du beau temps, mais parce que tout le monde s’y rend et que nous y éliminons les distractions telles que les affaires de routine pour nous concentrer sur l’industrie de la défense et le développement des forces armées. Ces réunions sont très significatives et efficaces.

 

Je le répète, il y a beaucoup de questions, mais nous sommes pleinement dessus. J’espère vivement que nous continuerons à maintenir ce rythme alors que nous progressons dans nos efforts pour assurer la sécurité de la Russie et de ses citoyens.

 

Merci beaucoup. Bonne année !

 

Voir la suite de la conférence de presse : "La Russie ne peut plus reculer..."

Commentaires: 0