Source : Bd. Voltaire

Ne cherchez pas du côté de Nick Conrad, celui qui appelait à tuer les bébés blancs et à violer la France. Ni du côté de Youssoupha, auteur de l’hymne éphémère de l’équipe de France, « Écris mon nom en bleu », dont il a déjà été question dans les colonnes de Boulevard Voltaire. La composition qui nous intéresse est, certes, venue du hip-hop, mais son auteur, Lebrac, est ce qui se fait de plus français « de souche ». Ou plutôt « francophone », comme il le dit dans sa belle chanson, « Anti-France », trouvable sur sa chaîne YouTube.
« Pends, pends, pends ton patron […] pan, pan, sur la Marion, la Marine et le Jean-Marie », chante-t-il. On appellerait ça de l’incitation au meurtre, dans d’autres pays. Ici, ça passe crème. Le refrain « Anti-France vaincra » couronne le tout, avant un deuxième couplet du même acabit, au milieu duquel on trouve ces vers superbes: « Ravale ta cochonnade/Pour moi le seul sang qui ravigote/Sans rendre la terre malade/C’est celui qui coule des patriotes » (geste d’égorgement à l’appui). Et je vous passe la volonté d’« avorter la fille aînée de l’Église ». On n’en est plus là.
Qu’arrivera-t-il à Lebrac et ses amis ? Rien, très vraisemblablement. Beaucoup moins, en tout cas, qu’à ceux qui ont fait face à SOS Racisme, dimanche dernier. Selon que vous serez antifa ou patriote…

Dans la plus pure tradition skinhead, Lebrac, dont le nom est très probablement emprunté à La Guerre des boutons, affiche un style assez travaillé, à base de blouson Harrington™ et polo Fred Perry™ (aux lauriers rouges, toutefois), presque comme ses ennemis du camp d’en face. On sait que la musique des skinheads, notamment le ska, fut longtemps sans couleur  en Angleterre, et même assez métissée, avant de voir deux camps très polarisés émerger un peu plus tard. Lebrac connaît donc ses classiques, y compris probablement l’épopée française des Redskins des Halles dans les années 80 – et leur lutte contre Serge Ayoub, dit Batskin, figure tutélaire du camp d’en face. Pour les retardataires, cette lutte antédiluvienne est notamment documentée ici.

Autres éléments de son iconographie personnelle : Lebrac et ses amis arborent un bandana mexicain (quoiqu’on devine subrepticement un foulard kurde, à fleurs sur fond noir, clin d’œil au communalisme des opposants à Daech). Pratique, pour préserver son anonymat. On ne leur en voudra pas. Les gens de droite font pareil, mais c’est pour sauver leur vie sociale, parfois même leur vie tout court. Là, c’est plus un postiche de Dalton de pacotille. On ne risque pas sa vie quand on est antifa – bien au contraire -, à la notable exception de Clément Méric, « un anticapitaliste qui meurt dans une vente privée », selon le malicieux Gaspard Proust. Mais n’ergotons pas.

Dans « Anti-France », la forme est intéressante en elle-même. « Instru » minimaliste à base d’orgue, harmonies qui rappellent un reggae du pauvre très années 2000 (Tryo, pour les jeunes vieux parmi nous) ; groupe (ou « collectif », peut-être ?) qui hésite entre cas sociaux accros à la 8.6 et étudiants professionnels ; rappeurs tatoués par un enfant de six ans, gaulés comme des cintres, crânes rasés, regard de vermine. Errances cinématographiques entre les marches d’un lieu public et la table d’un bar ami (que Darmanin, puisqu’ils sont de gauche, n’a pas fait fermer).
Surprenant, en tous les cas, cette survie des codes les plus vieillots de l’antifascisme des eighties. Avec une bonne dose d’agressivité, de militantisme  (drapeau LGBT dans le titre,  dans les sous-titres) et une petite rafale de clin d’œil à l’ et aux cités (dont la mention des « racailles » comme frères de lutte). Les habits neufs du communisme. Vous pouvez toujours écrire pour les signaler, si vous voulez !