Hier et demain (II)

Le plan de paix chinois force l’Occident à accepter l’inévitable.

Source : Le Courrier des Stratèges - Le 31/05/2023.

Xi accuse Biden et l’Occident d’avoir restreint le développement chinois, par Topwar

Des politologues soulignent les avantages pour la Russie de l’initiative de paix chinoise. Ils relèvent qu’en Occident, des informations témoignent de la volonté de discuter de la possibilité d’attribuer certains anciens territoires de l’Ukraine à la Russie. C’est du moins la conclusion qu’ils tirent de la grande tournée européenne du diplomate chinois Li Hui. Certaines « fuites » tendent à démontrer que la position de la Chine répond aux attentes de la Russie, mais en partie seulement. Pourquoi Moscou soutient-elle, malgré tout, l’initiative chinoise concernant la résolution de la crise ukrainienne ?


Cet article publié par le site vz.ru n’engage pas la ligne éditoriale du Courrier.

Lundi dernier, le ministère chinois des Affaires étrangères a résumé les résultats de la grande tournée européenne effectuée par Li Hui, le représentant spécial de la Chine pour les affaires eurasiennes. Le département diplomatique chinois a indiqué que « la RPC apportera sa propre contribution au règlement politique de la crise ukrainienne ». La semaine dernière, Sergueï Lavrov, avait rencontré Li Hui : selon le ministère russe des Affaires étrangères, il avait « exprimé sa gratitude à la partie chinoise pour une position équilibrée sur la crise ukrainienne, et hautement apprécié la volonté de Pékin de jouer un rôle positif dans son règlement ».

Le refus occidental de geler le conflit

Mais la Russie et les pays occidentaux ne sont pas les seuls à accorder une attention croissante au plan de paix chinois pour l’Ukraine. Ce qui, dans la presse occidentale, était considéré, il y a quelques mois encore, comme un ensemble de souhaits irréalistes de la part des Chinois, commence désormais à être discuté sur le fond. Non seulement sur les points spécifiés dans le plan officiel (respect de la souveraineté, et cessez-le-feu), mais aussi sur les modalités de leur mise en œuvre pratique. Et il s’avère que beaucoup n’aiment pas ces méthodes. 

Ainsi, selon « The Wall Street Journal », Li Hui, à son arrivée en Europe, a suggéré aux dirigeants locaux de soutenir la formule suivante : le conflit est gelé et la Russie conserve les territoires qu’elle contrôle actuellement. L’envoyé chinois a suggéré que l’Europe prenne ses distances avec les instigateurs américains et britanniques. Et, apparemment – l’article n’en parle pas, ce qui est logique – Li Hui s’est appuyé sur le fait que, de tous les sponsors extérieurs du conflit, c’est l’Europe qui supporte les principales pertes. Cependant, les Européens ont rejeté ce plan, exigeant même que Pékin refuse de coopérer avec Moscou. La logique des Européens est compréhensible. Certains d’entre eux ont peur d’être sanctionnés s’ils quittent le bloc occidental, tandis que d’autres croient sincèrement que l’Occident peut encore infliger une défaite stratégique à la Russie. C’est pourquoi, tous sont contre le gel du conflit.

L’ironie est que Moscou est également contre le gel du conflit aux conditions du maintien d’un contrôle de facto sur les territoires désormais libérés et cela, pour diverses raisons :

Premièrement, la Russie n’a pas encore entièrement libéré ses territoires. Un certain nombre de villes russes (Kherson, Zaporozhye, Slaviansk, etc.) sont sous occupation ukrainienne. Elena Suponina – experte du RIAC et politologue internationale – explique que « le gel du conflit en ce moment peut être interprété en Occident comme défavorable à la Russie, puisque Moscou n’a pas encore atteint tous ses objectifs. Par conséquent, tant que Moscou n’atteindra pas ceux-ci, il est prématuré de parler de suspension des hostilités ». Pour l’Occident, c’est une chose d’essayer de reconquérir ces territoires, c’en est une autre d’accepter leur occupation temporaire. Côté Russe, ce scénario du gel peut être interprété comme une violation de la constitution russe et de la faiblesse de la Russie.

Deuxièmement, ce scénario du gel signifie l’émergence d’une menace sérieuse sur les frontières occidentales de la Russie. C’est ce que souligne Dmitry Suslov – directeur adjoint du Centre d’études européennes et internationales approfondies – : « Geler le conflit sur la base de la reconnaissance de la ligne de démarcation actuelle comme une véritable nouvelle frontière entre la Russie et l’Ukraine, est inacceptable pour Moscou. Ce scénario transforme l’Ukraine en une anti-Russie militarisée sous stéroïdes qui constituera une menace constante pour la sécurité de la Russie. La sécurité de ses nouveaux et anciens territoires ». Selon cet expert, en ce qui concerne l’Ukraine, l’Occident mettra en œuvre un plan dénommé par eux comme « modèle israélien » ou « modèle du porc-épic hérissé ». Cela signifie que le conflit est gelé et que l’Occident augmente la fourniture d’armes et d’équipements militaires à l’Ukraine (y compris des avions de chasse et des missiles) afin d’augmenter sa capacité de résistance.

Pour la Russie, accepter ces conditions signifierait qu’elle est convaincue qu’elle ne pourra pas remporter une victoire militaire, et qu’elle sera incapable d’éviter que l’Ukraine devienne un avant-poste occidental, source d’une menace terroriste, qui entraînera de l’instabilité sur d’autres régions de l’espace post-soviétique.  « Pour la Russie, une telle situation sera encore pire que celle qui existait avant le début de l’opération spéciale, ce qui signifie qu’elle est inacceptable », poursuit Dmitri Suslov.

Une pédagogie internationale pour positionner le plan chinois

Alors pourquoi la Russie soutient-elle formellement le plan de paix chinois ? Pourquoi participe-t-elle à des discussions sur ce quelque chose qu’elle ne peut accepter ? Il y a plusieurs raisons à cela.

En premier lieu, tout conflit doit se terminer par un accord de paix. « La plupart des médiateurs comprennent désormais que les conditions ne sont pas réunies pour le gel du conflit ou le succès des négociations. Néanmoins, ils poursuivent leur travail, essayant de créer le terrain pour des négociations à venir d’ici à l’automne ou vers la fin de l’année », commente Elena Suponina. Et il vaut mieux baser cet accord sur un plan écrit par un allié et non par un ennemi. C’est pourquoi la Russie participe actuellement à une campagne mondiale de relations publiques pour positionner le plan chinois (plutôt que français ou turc) comme base des futures négociations de paix.

En second lieu, contrairement aux options européennes annoncées, le plan chinois comporte un point fondamental : le refus de restituer les frontières de l’Ukraine d’avant 2014. « Des informations circulent selon lesquelles, non seulement chez les Chinois mais aussi au sein de divers centres d’analyse en Occident, il existe une volonté de discuter des possibilités de sécuriser certains anciens territoires de l’Ukraine pour la Russie. Dans cette perspective, on parle surtout et fréquemment de la Crimée.  Ces propositions ont commencé à apparaître chez les analystes sérieux depuis l’été 2022, poursuit Elena Suponina qui poursuit : « En fait, par rapport au plan chinois, les pays occidentaux se sont habitués à l’idée que l’Ukraine devra accepter la perte de territoires. Mais il n’est pas fait mention d’une ligne de contrôle réelle, ni même d’un retour à la Russie des territoires désormais occupés par l’Ukraine, ce qui pourrait soi-disant faire cesser les hostilités

« Pour que l’Occident accepte de facto le contrôle russe sur les quatre nouveaux territoires, il faut non seulement que l’Ukraine subisse une sévère défaite militaire, mais aussi que la Russie accepte que le territoire de l’Ukraine, non contrôlé par elle, soit intégré à l’Occident et transformé en « anti-Russie sous stéroïdes », sans aucune démilitarisation, dénazification, restriction de sa coopération militaro-technique avec l’Occident » avertit Dmitri Suslov. Ce qui serait incroyable. Mais s’il n’est pas possible de changer fondamentalement la nature du régime politique actuel en Ukraine, il faut au moins faire en sorte que le territoire de l’Ukraine, non contrôlé par la Russie, devienne un État non viable. C’est-à-dire, qu’il soit coupé de la mer Noire.

Le soutien au plan de paix chinois place la Russie du bon côté du système des relations internationales

Selon Dmitry Suslov, « Moscou se révèle....

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Ukraine : Les prochaines semaines seront décisives pour la paix en Europe et son avenir

ar Jacques Henry - Le 29/05/2023.

L’Union européenne traite les pays du sud avec mépris et ils se vengent …

Lorsque Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne déclara : «l’Europe est le jardin d’Eden et le reste du monde est une jungle» et depuis le 20 octobre 2022, date approximative de cette déclaration, la «jungle» s’est rebiffée et bon nombre de pays se sont rapproché de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), de l’organisation des BRICS et ils ont refusé de sanctionner la Russie. Si Borrell est un diplomate il n’a pas utilisé le language diplomatique pour exprimer son point de vue, de ce fait il a irrémédiablement terni la réputation de l’Europe. D’ailleurs sa formule citait l’Europe comme un «jardin de prospérité» et si c’était encore proche de la réalité en octobre dernier, ce n’est plus le cas aujourd’hui : l’Allemagne, le moteur de la prospérité européenne est en récession et la grande majorité des pays de l’Union suivra. Les analystes nient encore l’évidence en constatant que les indices boursiers sont satisfaisants. Ils oublient que les volumes des échanges sur les places boursières européennes sont lilliputiens, ce qui explique cette embellie artificielle. Le cours de l’or est toujours manipulé par JP Morgan et Madame la Marquise peut se rassurer le feu est circonscrit dans le fond de l’écurie du château (de carte) européen.

Et puisque le cours de l’or a été mentionné, le cours du pétrole est vraisemblablement tout aussi manipulé puisque les dernières décisions de l’OPEP+ d’une restriction quotidienne de 1 million de barils/jour dès le début du mois de mai n’a eu aucun effet sur ce cours alors que ce mois de mai se termine. Tous les pays de l’OPEP soutiennent la Russie dont en particulier l’Arabie saoudite pourtant alliée des États-Unis depuis les accords du Quincy (1945). Les stocks d’or de la Russie, on parle de plus de 15 000 tonnes, et de la Chine, on parle de plus de 20 000 tonnes dépassent à eux deux les réserves de tous les pays occidentaux, USA compris. Il est vrai que ces deux pays sont eux-mêmes les deux premiers producteurs d’or du monde.

Dans le dernier article de Seymour Hersh il apparaît de plus en plus clairement que ses sources proviennent des services de renseignements américains et qu’elles diffèrent de celles des médias de grands chemins occidentaux. Il affirme que les pays voisins de l’Ukraine poussent Zelensky a songer à entamer des discussions de paix. Il ne s’agit pas de livraisons d’armes et d’avions à Kiev mais d’une motivation pour le moins inattendue, l’afflux de plus de dix millions de réfugiés ukrainiens dans ces pays, Hongrie, Slovaquie, Roumanie, Pologne, Lituanie, Estonie et d’autres pays de l’Union européenne qui doivent consentir à un effort financier supplémentaire pour accueillir ces réfugiés alors que la situation économique de l’Europe se dégrade. Pourtant tous ces pays sont des ennemis déclarés du Président Poutine. L’attitude de la Pologne reste ambiguë et ses objectifs cachent quelque chose malgré le fait que les prises de décision de la Pologne doivent être avalisées par Washington. Les ressortissants ukrainiens sont acceptés dans l’Union européenne comme si l’espace Schengen leur était ouvert. Il reste à déterminer, selon Hersh, qui sera choisi à Kiev pour entamer des négociations de paix. Comment les services secrets américains ont-ils accepté de divulguer ces informations à Hersh ? Il s’agit probablement de faire passer un message aux Européens. En effet, selon Hersh, les principaux acteurs d’une initiative de paix sont la Hongrie, la Pologne et l’Allemagne et ils travaillent à faire céder Zelensky : le responsable des services de renseignements américains a même affirmé à Hersh que le dirigeant ukrainien devra se plier aux décisions des USA même s’il doit être payé pour cela ! Enfin selon Hersh la Maison-Blanche n’est même pas informée des dernières tractations des services américains et de leur appui aux pays proches géographiquement de l’Ukraine cités plus haut sur ce post.

Un commentaire de la part de votre serviteur me paraît nécessaire. Alors que le G7 n’a pas abordé la possible offensive de printemps de l’Ukraine tant attendue et que les Américains sont très réticents à assister à des livraisons de F-16, une cible de choix pour la défense anti-aérienne russe considérée comme la meilleure du monde, personne n’a encore vu de chars comme des leopard sur le sol ukrainien. Ce qui semble préoccuper les services américains est plutôt une offensive de grande envergure de la Russie en direction de Kherson et Odessa. La position de Kiev serait alors profondément fragilisée. Le président Poutine l’a rappelé lors de son dernier discours, plus le conflit trainera en longueur plus les négociations seront difficiles avec la Russie. Tout ce que racontent les médias européens doit être reconsidéré après ce dernier article de Seymour Hersh. Ils devront modifier les termes de leur propagande anti-russe dans la mesure où Hersh a comparé la prise d’Artemiosk à la bataille de Verdun en 1917, une boucherie sans but stratégique incontournable pour Kiev, les rumeurs parlent de près de 200 000 morts du côté ukrainien ! En d’autres termes l’armée ukrainienne est maintenant fantomatique, tout simplement et c’est la raison pour laquelle des négations de paix deviennent urgentes. Les prochaines semaines seront donc riches en évènements et l’Europe a d’ors et déjà perdu la partie. Quant aux USA ils peineront à récupérer leurs investissements, ils pourront toujours récupérer les immenses domaines agricoles ukrainiens devenus la propriété d’investisseurs américains, pourquoi pas ?

source : Jacques Henry

Ukraine : Les États-Unis préparent l’Europe à un conflit de longue durée

 

par Robert Bibeau - Le 27/05/2023.

 

L’article qui suit est un ballon-sonde que la revue Politico a pour mission de propager parmi les capitales occidentales afin de vérifier la réaction des vassaux européens engagés, malgré eux, dans le chaos ukrainien. Considérons que la guerre américaine en Ukraine s’inscrit dans l’offensive mondiale de la puissance étatsunienne pour stopper son déclin économique, commerciale, financier, et par conséquent politique, diplomatique, idéologique et militaire. Pourtant, l’hégémon américain a déjà perdu la guerre économique, commerciale et financière qu’il livre au nouvel Empire chinois émergent – son véritable adversaire dans cette galère génocidaire.

La puissance américaine déclinante est déterminée à affronter militairement son adversaire chinois afin de détruire ses capacités de production et ses capacités d’accumulation de capitaux – finalité ultime du système économique capitaliste déclinant. Afin de préparer cet affrontement militaire entre géants nucléaires, le Pentagone s’est résolu à mener une guerre par proxy ukrainien interposé contre le proxy russe représentant de l’Empire chinois émergent.

Cette guerre d’investigation (test et validation d’armes nouvelles et de tactiques innovantes), menée en Europe, vise à prendre la mesure des capacités militaires de l’OTAN et de la Russie, le Chevalier Noir de l’hégémon chinois. Cette guerre régionale d’investigation vise également à séparer drastiquement et définitivement les pays de l’OTAN de leur fournisseur d’énergie. Comme le disait Donald Trump «On ne fait pas la guerre à celui qui nous vend le carburant». Enfin, cette guerre d’investigation vise à renforcer l’unité stratégique et la cohésion tactique des vassaux de l’Alliance Atlantique en prévision de la Grande Guerre atomique…

Ces objectifs étant maintenant atteints, croit le Pentagone, la seconde phase des préparatifs de guerre doivent commencer. Depuis quelques semaines, le gouvernement américain redouble ses attaques contre la Chine et il laisse le soin aux sous fifres – porte-paroles européens

(Allemagne, Pologne, Italie, etc.) et à la Commission européenne de Bruxelles (dont la vindicative commissaire von der Leyen.  L’UE est surinvestie dans le projet de guerre ukrainien) de vilipender la Russie et de cajoler le laquais Zelensky que l’on voudrait convaincre de rester en poste à Kiev pour encore quelque temps, le temps de transférer le fardeau de cette guerre génocidaire sur les épaules des gouvernements européens piégés dans le réduit ukrainien.

L’article de Dave Decamp (ci-dessous) présente les trois hypothèses présomptueuses sur lesquelles s’appui le Pentagone pour proposer un « gel à la coréenne » de l’interminable conflit ukrainien.

Premièrement, le ballon d’essai du Pentagone présuppose que la Russie est empêtrée dans ce conflit et qu’elle cherche une issue à tout prix. Cette hypothèse est fausse. La puissance russe n’a pas croulé sous les sanctions économiques, commerciales et financières qui l’ont forcée à se trouver de nouveaux clients et de nouveaux partenaires et à rompre ses relations commerciales et monétaires (dollars) avec les pays de l’OTAN ses ex-clients, la véritable raison de ces sanctions qui frappent durement les pays européens avides de matières premières et d’énergie.

Cette première hypothèse postule également que la Russie a épuisé tous ses recours militaires et qu’elle a virtuellement perdu la guerre d’Ukraine, ce qui est totalement faux. La bataille de Bakhmout qui s’achève montre à l’évidence que la Russie maîtrise cette guerre d’attrition (destruction systématique de l’armée adverse) que l’Ukraine et l’OTAN sont en train de perdre malgré le recrutement de mercenaires en Orient et en Afrique, et malgré le dumping d’armes désuètes des arsenaux occidentaux. La Russie dispose encore de deux millions de réservistes alors que l’Ukraine est à court de réservistes et que son économie est détruite ce que confirme le politicologue Dmitry Orlov.1

La seconde hypothèse sur laquelle se fonde le Pentagone stipule que les pays européens de l’OTAN sont prêts, consentants et capables d’assumer une guerre prolongée aux portes de l’Europe contre un ennemi déterminé, premier fournisseur mondial de matières premières et d’énergie, disposant de plus de 5000 ogives nucléaires et soutenues par la première puissance industrielle mondiale – la Chine. Cette hypothèse est totalement irréaliste et farfelue. On ne doit pas oublier que la Russie joue son avenir en tant que nation dans cette guerre par procuration alors que l’Europe ne peut espérer davantage que l’enlisement, la faillite et la destruction dans cette aventure au service de l’hégémon Américain déchu.[1]

La troisième hypothèse sur laquelle repose la stratégie d’enlisement du Pentagone implique qu’au cours des années à venir la situation économique et sociale mondiale sera stable et sous contrôle du Grand capital mondialisé et de ses larbins politiciens stipendiés. Rien n’est moins certain en ce monde de crises systémiques catastrophiques. La crise économique mondialisée ne fait que commencer et la réaction des prolétaires s’annonce radicale comme le laisse présager la bataille des retraites en France et les grèves en Grande-Bretagne. Partout, le prolétariat résiste farouchement à la dégradation de ses conditions de vie et de travail, particulièrement en Europe et les masses laborieuses – salariées – ne sont pas du tout disposées à se sacrifier comme chair à canon dans cette guerre par procuration. Déjà en Ukraine et en Russie des milliers de conscrits ont déserté cette guerre génocidaire.

Décidément les stratèges de l’administration Biden devraient renoncer à transformer la guerre génocidaire «en Ukraine en un conflit gelé pendant des années, voire des décennies, à l’instar de la situation dans la péninsule coréenne». Le prolétariat européen n’aura pas la patience du prolétariat coréen.

source : Les 7 du Québec

Wanted : Nouveaux scénaristes pour Zelensky


Par Batiushka − Le 29 mars 2023 − Source Global South - The Saker francophone.

Ukraine to probe alleged 2016 US interference | Inquirer News

Introduction : Après Bakhmut

Certains considèrent que le conflit en Ukraine est maintenant à mi-parcours. En tout cas, nous commençons à avoir une idée beaucoup plus claire de l’issue possible, qui pourrait se situer dans environ un an. Après la chute de Bakhmout, les forces russes avanceront vers le fleuve Dniepr, reprenant la majeure partie de l’est de l’actuelle Ukraine, et peut-être même une plus grande partie au sud. Avec plus d’un demi-million de soldats russes inutilisés aux frontières de l’ancienne Ukraine, la force d’occupation russe en attente est assez importante. À ce stade, les marionnettes installées par les États-Unis à Kiev tomberont comme les gouvernements fantoches de Saigon et de Kaboul avant eux. Des hélicoptères évacueront les agents de la CIA et de l’OTAN qui n’ont pas encore été tués du toit de l’ambassade américaine à Kiev, ainsi que les hauts responsables de la redoutable police secrète, la SBU. Zelensky sera emmené à Miami. Les mercenaires polonais s’enfuiront vers la frontière polonaise.

 

Trois gagnants : Local, continental et mondial

a. L’Ukraine

Après la guerre, il y aura trois gagnants. Le premier sera l’Ukraine nouvellement libérée, qui retrouvera ses frontières naturelles après que la Crimée, l’est et peut-être le sud auront été rendus à la Russie. Une Ukraine libre et indépendante, peut-être dirigée par un président ukrainien comme Oleg Tsaryov, sera établie. L’Ukraine, dont les infrastructures ont été ignorées pendant trente ans, alors que les oligarques-voleurs en voie d’exil expatriaient l’argent ukrainien à Tel-Aviv, Londres et New York, sera rénovée. La prospérité viendra de l’achèvement de la nouvelle route de la soie reliant l’Eurasie. L’Ukraine a un grand avenir en tant que plaque tournante des transports et de l’énergie. Progressivement, au cours des cinq prochaines années, les 3 millions de réfugiés ukrainiens en Russie et certains des 8 millions en Europe occidentale, une fois qu’ils auront été soigneusement contrôlés ou dénazifiés par les services de sécurité russes, pourront rentrer chez eux. Le fait est qu’il y a peu de véritables réfugiés ukrainiens en dehors de la Russie. Ceux qui sont partis en Europe occidentale au cours des treize derniers mois sont simplement ceux qui seraient partis si l’Ukraine avait été autorisée à adhérer à l’UE. Sans l’attrait de l’UE (voir ci-dessous), beaucoup rentreront chez eux en temps voulu.

b. La Fédération de Russie

Le deuxième gagnant sera la Fédération de Russie. Alliée au Belarus et à la nouvelle Ukraine, elle sera de loin la plus importante d’une solide troïka de pays, dont la population combinée avoisinera les 200 millions d’habitants. Le Belarus, aliéné par la tentative américaine de révolution colorée en 2021, est désormais un allié loyal de la Russie et a renoncé à flirter avec l’Occident perfide. Quant à la nouvelle Ukraine, après la trahison occidentale de l’ancienne Ukraine, elle ne se fera certainement plus d’illusions sur les promesses vides et absurdes de l’Occident, avec son OTAN et son UE redondantes, qui n’ont apporté que destruction, appauvrissement et asservissement à toute l’Europe de l’Est. Les trois frères de la Slavonie orientale seront réunis comme jamais auparavant, en raison de l’ingérence des États-Unis qui ont tenté de détruire leur unité après la chute de l’URSS. En outre, le prestige international de la Russie sera grand. Sa position diplomatique dans le Sud, en Afrique, en Amérique latine et en Asie, en particulier en Iran et en Syrie, n’aura jamais été aussi élevée.

c. Le Sud global

Par conséquent, le troisième gagnant sera les BRICS +, dont le moteur économique est la République populaire de Chine et le moteur idéologique la Fédération de Russie. BRICS + signifie non seulement BRICS, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, mais aussi les nouveaux membres que sont la Turquie, l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Égypte, l’Algérie, le Mexique et l’Argentine. Il s’agira d’une organisation des « Douze », avec un équilibre entre six pays d’Eurasie, trois pays d’Afrique et trois pays d’Amérique latine. Elle devrait recevoir un nouveau nom – nous suggérons depuis longtemps quelque chose comme AS, « L’Alliance souveraine ». Ce n’est qu’une idée. Elle regrouperait environ la moitié de la population mondiale et plus de la moitié de sa production. Un géant. Et qui les suivra ? Évidemment, la Biélorussie et l’Ukraine. Puis peut-être le Nigeria, le Venezuela, le Pakistan – la liste pourrait bien commencer à ressembler à la composition de l’ONU, l’Organisation des Nations unies, une marionnette américaine d’après 1945, désespérément démodée et bientôt défunte. Les BRICS + regrouperont pour l’instant tout le monde à l’exception de l’Occident « exceptionnel », c’est-à-dire l’Amérique du Nord (les États-Unis et le Canada), la péninsule d’Europe occidentale (nous entendons par là l’Europe jusqu’à la Biélorussie et l’Ukraine), l’Océanie et pour l’instant (mais plus pour très longtemps) les quelques vassaux offshore ou côtiers des États-Unis en Asie – le Japon, Taïwan, la Corée du Sud et Israël.

L’avenir de l’Europe occidentale

 

a. Une Europe sans OTAN et dénazifiée

Après la libération de l’Ukraine, il est clair que l’Europe occidentale prendra le chemin de la libération de l’occupation américaine post-1945. Il est clair que l’OTAN est finie, puisqu’elle n’a jamais été qu’une organisation contre l’URSS, disparue depuis longtemps, et qu’elle sera encore plus vide de sens après les déroutes américaines à Kaboul et à Kiev. Cette libération de l’OTAN se fera à des rythmes différents, selon le principe « dernier entré, premier sorti ». Par conséquent, l’effondrement commencera en Europe de l’Est, passera par l’Allemagne (après la trahison américaine et le sabotage de Nordstream, l’Allemagne voudra se venger), la France (après l’éjection des marionnettes des banquiers américains comme Macron et le retour du gaullisme) et le processus se terminera au Royaume-Uni, qui est occupé par les forces américaines depuis 1942 à l’invitation du demi-américain Churchill. Les généraux qui demanderont alors : « Mais qu’est-ce qui va remplacer l’OTAN ? seront jetés à bas de leur fauteuil ». La question est aussi absurde et anachronique que « Mais qu’est-ce qui va remplacer le Pacte de Varsovie ? »

b. Une Europe occidentale reconnectée

Cependant, la liberté de l’Europe occidentale ne s’arrête pas avec l’effondrement de l’OTAN basée à Bruxelles. Viendra ensuite l’effondrement de l’UE basée à Bruxelles et orchestrée par les États-Unis, les États-Unis d’Europe, l’USE. Dans cette deuxième phase de libération, il est clair que l’Europe de l’Est devra faire ami-ami avec la troïka Fédération de Russie, Ukraine et Biélorussie. Le nouveau Berlin, reconnecté à l’énergie russe après avoir été coupé par les États-Unis et des traîtres comme Scholz, jouera un rôle très important à cet égard. Enfin, de sa tombe, De Gaulle, déchu par les États-Unis, verra une Confédération européenne, non seulement de Vladivostok à Lisbonne, mais aussi à Londres, euh non, jusqu’à Dublin, et à la réflexion, jusqu’à Reykjavik. L’Eurasie du Nord sera souveraine mais coopérera économiquement, de Vladivostok à Reykjavik, du Pacifique au milieu de l’Atlantique. L’attrait d’un tel mouvement eurasien, mené par l’énergie, la nourriture, la technologie spatiale et les armes russes et les biens de consommation chinois sur la nouvelle route de la soie, sera irrésistible. Pour survivre, le Japon devra finalement rejoindre les BRICS +, tout comme la Corée du Nord et la Corée du Sud réunifiées.

c. Une Europe confédérale

À l’est de la péninsule européenne, la Pologne pourrait s’isoler de la Russie pour devenir (à nouveau) une colonie économique allemande, si elle le souhaitait. Elle pourrait aussi faire la paix avec ses voisins slaves à l’est, comme le souhaitent tant de ses habitants. Quoi qu’il en soit, les États baltes devront faire la paix avec la Russie et leurs minorités russes tant persécutées. Une Moldavie autonome ira à la Roumanie, à condition qu’elle soit pro-russe et que son élite fantoche américaine soit écartée. La Hongrie, avec son corridor terrestre vers la Serbie, est déjà un favori de la Russie. Peut-être que la Hongrie, comme la Roumanie, recevra quelques petites terres de l’ancienne Ukraine, où vivent des minorités hongroises et roumaines. Avec l’expulsion des États-Unis des Balkans, nous pouvons voir l’avènement de la justice pour toute la région de la Serbie, de l’Albanie, de la Macédoine, du Monténégro et de la Bosnie-Herzégovine, qui ont été maltraités. En Europe occidentale, les vieux gouvernements russophobes et discrédités des marionnettes américaines seront renversés par le pouvoir populaire – cela a déjà commencé – en France (américanisée par Sarkozy et Macron), en Allemagne (par Scholz), qui est maintenant confrontée aux plus grandes grèves depuis 1992, et au Royaume-Uni (la trinité impie de Johnson, Truss et Sunak ayant été éliminée). Dans une Europe confédérale, il n’y aura aucune raison pour que la Catalogne n’obtienne pas son indépendance de l’Espagne et il n’y aura plus aucune raison pour que l’Irlande soit désunie ou que l’Angleterre, l’Écosse et le Pays de Galles soient liés dans une union pesante. Le Royaume-Uni sera dissous. La justice dans toute l’Europe sera enfin envisageable.

Conclusion : Après la libération

Dans les milieux occidentaux, certains se plaignent que la Russie est tombée dans les bras de la Chine. Outre le racisme profond de cette affirmation, selon laquelle l’Occident génocidaire de la guerre de l’opium est meilleur que la Chine, elle trahit également la profonde ignorance historique de ceux qui font de telles déclarations. Après tout, l’agression occidentale contre la Russie a signifié pendant des siècles que la Russie s’est tournée vers l’Est. Telle est l’histoire de Saint Alexandre Nevski (1221-1263). Et près de sept siècles plus tard, en 1941, Moscou a été sauvée des nazis occidentaux parce que l’Est a refusé d’envahir la Sibérie et que les troupes russes ont pu être transférées de l’Extrême-Orient à Moscou. Le fait que la Russie et la Chine soient aujourd’hui alliées est entièrement le résultat de l’agression occidentale. Par conséquent, la période des États-Unis avec ses films fantastiques hollywoodiens dans lesquels les États-Unis gagnent toujours est révolue, car la réalité est différente. Le monde virtuel de la Maison Blanche des néocons est terminé. Les États-Unis ont été vaincus et expulsés d’Asie, d’Afrique et d’Europe. Les États-Unis vont devoir se retirer sur leur Grande Île et commencer enfin à résoudre leurs propres problèmes critiques, notamment celui de la dédollarisation de l’économie mondiale. Après Bakhmut, nous procéderons progressivement à un changement de régime aux États-Unis.

Batiushka

Recteur orthodoxe russe d’une très grande paroisse en Europe, il a servi dans de nombreux pays d’Europe occidentale et j’ai vécu en Russie et en Ukraine. Il a également travaillé comme conférencier en histoire et en politique russes et européennes.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

L’Entente est une pilule amère pour l’Occident


L’Occident est coincé entre le sentiment public qu’il a créé et la réalité sur le terrain.


Source : The Saker francophone - Par Alastair Crooke – Le 27 mars 2023 – Source Strategic Culture

crooke alastairChangement stratégique conséquent – À la sortie de sa rencontre avec Vladimir Poutine, Xi Jinping a déclaré à ce dernier : « Nous assistons à un changement qui ne s’est pas produit depuis 100 ans – et nous conduisons ce changement ensemble » .

L’« Entente » a été scellée au cours de plusieurs heures de discussions sur deux jours, et au milieu d’une pléthore de documents signés. Deux États puissants ont formé un duo qui, en mariant une gigantesque base manufacturière au principal fournisseur de matières premières, ainsi qu’à l’armement avancé et au savoir-faire diplomatique de la Russie, laisse les États-Unis dans l’ombre. Un siège dans l’ombre (assumé par l’absence de volonté ou l’incapacité d’envisager une transition aussi radicale) qui reflète le fait que les États-Unis tournent le dos à la participation au monde multipolaire qui se dessine.

Les États-Unis étant sous l’emprise de l’hégémonie, l’émergence d’une trifurcation mondiale est inévitable – avec les trois sphères de la guerre commerciale : Eurasie, dirigée par la Russie et la Chine ; Sud global influencé par l’Inde – et avec les États-Unis dominant l’UE et la sphère anglo-saxonne.

Mais ce n’est pas l’essence même de ce que le président Xi entendait par « changement » ; le commerce, les échanges militaires et le changement de système monétaire étaient déjà intégrés. Ce que Xi et Poutine suggèrent, c’est que nous devons nous débarrasser des vieilles lunettes de l’orientalisme occidental, par lesquelles nous avons été habitués à voir le monde, et le penser différemment et de diverses manières.

La transformation n’est jamais facile. Comment la classe politique américaine réagit-elle ? Elle s’agite dans tous les sens. Elle est profondément effrayée par la réalisation de cette nouvelle entente. Elle a réagi, comme d’habitude, par un déferlement de propagande : Poutine n’a pas obtenu grand-chose de la visite de Xi, si ce n’est de l’apparat ; la visite de Xi était une « visite au chevet » d’un patient malade ; la Russie a été humiliée en devenant une colonie de ressources chinoises – et pour couronner le tout, le sommet n’a pas réussi à trouver une solution pour l’Ukraine.

Toute cette propagande est absurde, bien sûr. Il s’agit de mensonges lancés à tout vent. Washington comprend à quel point le discours chinois est convaincant : la Chine recherche l’harmonie, la paix et un mode de vie satisfaisant pour tous. L’Amérique, en revanche, est synonyme de domination, de division et d’endiguement – et de guerres sanglantes et éternelles de type colonial (d’après le mème chinois).

Le discours de Xi a du succès, non seulement dans le monde qui refuse de s’aligner, mais aussi de manière significative dans « l’autre Amérique » . Il trouve même un certain écho dans une Europe qui, par ailleurs, est totalement hermétique.

Le problème est que ces « deux Amériques » – l’oligarchie en place et « l’autre Amérique » – n’ont tout simplement pas été en mesure de dialoguer entre elles et se sont retirées dans des sphères distinctes. Les plateformes technologiques occidentales (telles que Twitter) ont été sciemment configurées pour ne pas écouter « l’autre Amérique » et pour annuler, ou dé-platformer, les discours contraires. Le schéma anti-russe d’aujourd’hui est encore un autre dérivé de la « psychologie du nudge » , testée à l’origine pendant le confinement : la « science » (telle que déterminée par les gouvernements) offrait alors une « certitude » au public, tout en alimentant la peur que tout manquement aux règles gouvernementales puisse entraîner la mort.

La certitude morale (découlant de l’application de la « science ») justifiait de juger sévèrement, de condamner et de licencier les personnes qui remettaient en cause le confinement. Le stratagème psychologique géopolitique d’aujourd’hui – dérivé du précédent du confinement – consiste à « coller » à la sphère géopolitique la position de tolérance zéro à l’égard de la remise en question de principes supposés « inviolables » (tels que les droits de l’homme). Ainsi, le schéma utilise la « clarté » narrative de l’invasion illégale, non provoquée et criminelle de l’Ukraine par la Russie pour donner au public occidental le sentiment satisfaisant de droiture nécessaire pour juger sévèrement, évincer de son travail et dénigrer publiquement toute personne ayant exprimé son soutien à la Russie.

Cette démarche est considérée comme un succès en matière de renseignement, car elle contribue à l’objectif de maintien du « partage du fardeau » de l’OTAN et garantit l’expression généralisée par l’Occident d’une « indignation morale » à l’égard de tout ce qui est russe.

Le « stratagème de la certitude » de l’Occident a peut-être fonctionné, en ce sens qu’il a, de manière trompeuse, déclenché une fureur morale au sein d’une grande partie de l’opinion publique. Mais il peut aussi s’agir d’un piège : en attisant une propagande aussi chargée émotionnellement, la force de cette dernière limite désormais les options occidentales (à un moment où les circonstances de la guerre en Ukraine ont beaucoup changé par rapport à ce qui était prévu). L’Occident est désormais pris au piège par cette opinion publique qui considère que tout compromis qui n’est pas une capitulation totale de la Russie viole ses « principes inviolables » .

L’idée d’exposer les différentes facettes d’un conflit (ce qui est au cœur de la médiation), de fournir des perspectives différentes, devient intolérable lorsqu’elle est opposée à une justice où tout est ou « noir ou blanc » . Xi et Poutine sont considérés par les médias occidentaux comme si peu moraux que beaucoup craignent d’être méprisés pour avoir été du mauvais côté de la ligne de fracture « morale » sur une question aussi controversée.

Il est à noter que ce stratagème ne fonctionne pas dans le reste du monde, où le wokisme a peu de prise.

Cette technique de dénégation suscite toutefois l’inquiétude d’une partie de la classe dirigeante. Deux vraies questions se posent : premièrement, l’Amérique peut-elle survivre en l’absence d’hégémonie américaine ? Quels liens, quel sens national, quelle vision pourraient se substituer pour maintenir la cohésion d’une nation aussi diverse ? La « modernité en tant que vainqueur de l’histoire » est-elle convaincante dans le contexte de la dégénérescence culturelle contemporaine ? Si la « modernité » décapante d’aujourd’hui ne s’obtient qu’au prix de la solitude personnelle et de la perte d’estime de soi (qui sont les symptômes reconnus de l’aliénation résultant de la rupture avec les racines de la communauté), la « modernité » technologique en vaut-elle alors la peine ? Ou bien un retour aux valeurs antérieures peut-il devenir la condition préalable à un autre mode de modernité ? – un mode qui fonctionne dans le sens de l’enracinement culturel, plutôt qu’à contre-courant de celui-ci.

C’est la question clé posée par les présidents Xi et Poutine (à travers le concept d’État-nation civilisationnel).

Deuxièmement, les États-Unis sont passés du statut d’hégémon militaire à celui d’hégémon financier à la recherche de rentes. Quel est le prix à payer pour la prospérité durable des entreprises américaines si les États-Unis perdent l’hégémonie du dollar ? Le « privilège » du dollar a longtemps soutenu la prospérité des États-Unis. Mais les sanctions américaines, les saisies d’actifs et les nouveaux accords monétaires posent la question : l’ordre mondial a-t-il changé au point que l’hégémonie du dollar, au-delà des États-Unis et de leurs dépendances, n’est plus viable ?

Les classes dirigeantes occidentales sont certaines de la réponse : l’hégémonie politique et l’hégémonie du dollar sont liées. Garder le pouvoir, enrichir le « milliard doré » , c’est maintenir les deux, même si les élites voient bien que le discours américain perd de sa force dans le monde entier et que les États migrent vers de nouveaux blocs commerciaux.

Cette « autre Amérique » n’est pas si sûre de considérer que le carnage associé aux interventions sans fin de l’Amérique en « vaut la chandelle » . Il existe également un courant de pensée sous-jacent selon lequel un système financier dépendant de « corrections » par des stimulants financiers toujours plus nombreux et plus importants est sain (dans la mesure où il crée des inégalités) ou que son effet de levier pyramidal peut être maintenu à long terme.

Il y a quelques années, Nathan Gardels s’est entretenu avec Lee Kuan Yew de Singapour qui a dit : « Pour l’Amérique, il est émotionnellement très difficile d’accepter d’être évincée … par un peuple asiatique longtemps méprisé et rejeté avec mépris comme décadent, faible, corrompu et inepte » . Yew a prédit que « le sentiment de suprématie culturelle des Américains rendra cette adaptation très difficile » .

De même, pour la Chine, dont l’histoire en tant que grande puissance est longue et continue, il est intolérable d’être bloquée par un « peuple venu de nulle part » .

L’Entente est une pilule amère pour l’Occident. Depuis une génération, séparer la Russie de la Chine est un objectif primordial des États-Unis, comme l’avait initialement prescrit Zbig Brzezinski : contenir la Russie et la Chine en exacerbant les différends régionaux (Ukraine, Taïwan) était le jeu à somme nulle, la Russie étant la première cible (pour forcer un retour à l’Ouest par l’implosion économique), pour ensuite contenir la Chine – mais la Chine seule. (Oui, certains Occidentaux pensaient qu’un retour de la Russie vers l’Ouest était tout à fait possible).

Un ancien secrétaire d’État adjoint américain, Wess Mitchell, a écrit dans le magazine National Interest : Pour empêcher la Chine de s’emparer de Taïwan : arrêtez la Russie en Ukraine ! En termes simples, le point de vue de Mitchell était le suivant : « Si les États-Unis infligeaient suffisamment de souffrances à Poutine pour son pari en Ukraine, Xi serait implicitement contenu. « 

Donc, il fallait contenir la Russie en utilisant l’Ukraine : « Si les États-Unis menacent de sanctionner la Russie de manière catastrophique à cause de l’Ukraine, ils ont intérêt à le faire, car la crédibilité du système financier dirigé par les États-Unis pour punir les agressions à grande échelle est en jeu » , a averti Mitchell. « Les États-Unis n’auront qu’une seule occasion de démontrer cette crédibilité, et c’est en Ukraine qu’elle se présentera » .

Mitchell a poursuivi,

La bonne nouvelle dans tout cela, c’est que l’Ukraine a donné aux États-Unis une fenêtre momentanée et périssable pour agir de manière décisive et non seulement gérer la situation en Ukraine, mais aussi dissuader une action contre Taïwan… L’impact de la brutalité de Poutine dans la galvanisation du partage du fardeau européen change la donne pour la stratégie mondiale des États-Unis. Dans les années à venir, l’Allemagne dépensera plus pour sa défense que la Russie (110 milliards de dollars par an contre 62 milliards de dollars), ce qui permettra aux États-Unis de consacrer une plus grande partie de leurs forces conventionnelles disponibles à la dissuasion de la Chine.

Une « fenêtre momentanée » ? Mais c’est là que le décalage est flagrant : les États-Unis misaient sur l’instant « périssable » , alors que la Russie se préparait à une guerre de longue haleine. Les sanctions financières n’ont pas fonctionné, l’isolement de la Russie n’a pas eu lieu et la stratégie d’endiguement a plutôt contribué à déstabiliser le système financier mondial au détriment de l’Occident.

L’administration Biden avait tout misé sur une stratégie d’endiguement destinée à éviter une guerre sur deux fronts – une stratégie qui n’a pas fonctionné, comme prévu. Plus encore, l’abattage du ballon chinois et les cris de guerre anti-chinois qui ont suivi, émanant de toutes parts aux États-Unis, ont convaincu les Chinois que leur précédente tentative de détente avec les États-Unis et l’Europe, en novembre, lors du G20 de Bali, était « tombée à l’eau » .

La Chine s’est recalibrée et s’est préparée à la guerre. (Au minimum, une guerre froide de sanction, mais en fin de compte, une guerre chaude). L’Entente est en marche à toute vapeur. La stratégie de Brzezinski, qui consistait à diviser pour régner, s’est retrouvée sous la ligne de flottaison et a coulé.

L’Occident est désormais acculé : il ne peut pas soutenir une guerre contre la Russie et la Chine, mais sa manipulation exagérée et délibérément trompeuse de l’opinion publique pour créer une « cohésion » occidentale rend la désescalade presque impossible.

L’opinion publique américaine et européenne voit désormais la Russie et la Chine sous les traits les plus sombres du démiurge manichéen. On leur a répété que la Russie est au bord de l’effondrement total et que l’Ukraine « est en train de gagner » . La plupart des Américains et des Européens le croient. Nombreux sont ceux qui en sont venus à vilipender ces nouveaux adversaires.

La classe dirigeante américaine ne peut plus reculer. Mais elle n’a pas les moyens de mener une guerre sur deux fronts. Le piège consiste en une propagande issue du schéma précédent, lors du confinement, conçu pour effrayer et désinformer l’opinion publique. L’un des principaux objectifs était de faire passer le doute ou le scepticisme pour une attitude moralement irresponsable dans le discours public. De même, le nouveau schéma de contrôle public occidental, qui consiste à faire passer les présidents Xi et Poutine pour des personnes si moralement déficientes qu’une grande partie du public craint de critiquer la guerre contre la Russie, a eu un effet boomerang. Cette « certitude » signifie qu’il serait moralement irresponsable de se retirer d’une guerre, même si elle est en train d’être perdue. La guerre doit maintenant se poursuivre jusqu’à la défaite du régime ukrainien, une issue bien plus humiliante que ne l’aurait été une fin négociée. Mais l’opinion publique n’acceptera rien de moins que l’humiliation de Poutine. L’Occident est coincé entre le sentiment public qu’il a créé et la réalité sur le terrain.

C’est ainsi que l’Occident est tombé dans son propre « piège à certitudes » .

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

"ChatGPT" a proposé une solution quasiment parfaite au conflit ukrainien

Source : The Saker francophone.


andrew-korybko

Par Andrew Korybko − Le 12 mars 2023

On peut faire les éloges de ChatGPT pour l’esprit qui sous-tend sa proposition de paix, qui implique non seulement que Kiev est responsable du conflit, mais comprend également des suggestions pragmatiques que le régime fasciste à la tête de l’Ukraine ferait bien d’examiner sérieusement.

 

Le célèbre robot d’IA ChatGPT a proposé une solution quasiment parfaite au conflit ukrainien après que Vikas Swarup, un ancien diplomate indien, lui a posé la question. Il a partagé la réponse obtenue sur Twitter. Nous reproduisons ici l’intégralité de cette réponse.

« Le conflit entre la Russie et l’Ukraine est un sujet complexe et qui a des racines profondes, et trouver une solution qui soit acceptable pour les deux parties est une tâche difficile. Cependant, en tant que modèle d’IA, je peux suggérer une possible solution de médiation :

  1. Des négociations : la première étape pour la résolution du conflit consiste à tenir des négociations entre les dirigeants des deux pays. Les négociations devraient viser à établir un socle commun, et à établir un cadre pour une coopération future.
  2. Un cessez-le-feu : les deux parties doivent consentir à un cessez-le-feu immédiat pour permettre le déroulement des négociations. Ce point est important pour éviter de nouvelles pertes humaines et destructions des biens.
  3. Une décentralisation : l’Ukraine devrait accepter de décentraliser le pouvoir au bénéfice des régions habitées par des populations russophones. Cela accorderait une plus grande autonomie aux régions, et un contrôle propre de leur développement économique, de leur langue et de leurs politiques culturelles.
  4. Supervision internationale : une supervision internationale de la situation devrait être établie pour garantir que les deux parties s’en tiennent aux accords convenus durant les négociations.
  5. Assistance économique : des organisations internationales, comme le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale devraient accorder une assistance à l’Ukraine pour l’aider à stabiliser son économie.
  6. Reconnaissance de la souveraineté de l’Ukraine : la Russie devrait reconnaître la souveraineté de l’Ukraine ainsi que son intégrité territoriale.
  7. Protection culturelle : la Russie devrait œuvrer conjointement avec l’Ukraine pour protéger les droits culturels des populations russophones vivant en Ukraine, comme par exemple permettre l’utilisation de la langue russe dans l’éducation et la vie publique.
  8. Retrait militaire : les deux parties devraient s’accorder pour retirer leurs forces militaires de la zone de conflit et établir une zone démilitarisée aux abords de la frontière.

L’ensemble des points évoqués par l’IA sont sensés, et si on lit sa réponse entre les lignes, on comprend qu’elle estime que Kiev est responsable du conflit ukrainien, en raison de son refus de mettre en oeuvre les droits de l’homme, reconnus par l’ONU, de la population russophone ukrainienne, d’où ses propositions pour une décentralisation et une protection culturelle.

Cela étant dit, la proposition de paix de ChatGPT présente cinq défauts importants. Tout d’abord, elle ignore absolument le fait que l’OTAN a clandestinement violé les lignes rouges de la sécurité nationale russe en Ukraine, et refuse de résoudre le dilemme de sécurité qui en découle au travers de moyens diplomatiques, ce qui a provoqué l’opération spéciale russe. Deuxièmement, elle ne fait pas non plus mention du fait que ses suggestions constituent en grande partie une redite des accords de Minsk, au sujet desquels Angela Merkel, l’ancienne chancelière allemande, a reconnu l’an dernier qu’il n’avait jamais été escompté que Kiev les honorât.

Troisièmement, une proposition de paix n’a absolument aucune chance réaliste de réussir si elle ne traite pas l’expansion continue pratiquée en Ukraine par l’OTAN au cours de l’année passée. Cette expansion a contribué à éroder davantage encore les intérêts de sécurité nationale légitimes de la Russie. Quatrièmement, ce robot semble ignorer absolument les référendums tenus au mois de septembre dernier, qui ont amené quatre anciennes régions d’Ukraine à se réunifier avec leur patrie historique russe. C’est bien le désir exprimé par les populations que de mettre leurs droits de l’homme sous la protection de la Russie, après qu’ils ont été violés par l’Ukraine.

Et cinquièmement, il est extrêmement peu probable que la Russie retire jamais son armée de l’ensemble de la frontière : la présence de l’armée russe sur place assure la sécurité locale. Il peut cependant exister une chance pour que la Russie retire son armée des abords de la centrale nucléaire de Zaporozhye à l’issue des négociations en cours. En résumé, les propositions de paix formulées par ChatGPT sont centrées sur les causes bilatérales directes du conflit, mais ignorent les nouvelles réalités du terrain, ainsi que les causes plus éloignées de ce qui est incontestablement aujourd’hui une guerre par procuration entre la Russie et l’OTAN.

Ces points étant clarifiés, on peut faire les éloges de ce robot d’IA pour l’esprit de ses propositions de paix, qui impliquent non seulement que Kiev est responsable du conflit, mais comprennent également des suggestions pragmatiques que le régime fasciste à la tête de ce pays ferait bien d’examiner soigneusement. Par exemple, Zelensky devrait lever les limitations légales ridicules qu’il a lui-même soutenu relativement à l’impossibilité de pourparlers de paix avec le président Poutine, afin de démarrer des négociations de cessez-le-feu aussitôt que possible.

Ce cessez-le-feu pourrait intégrer une zone démilitarisée autour de la centrale nucléaire de Zaporozhye, ainsi que le déploiement d’une force de maintien de la paix autorisée par le Conseil de Sécurité de l’ONU sur la Ligne de Contrôle (LdC). Ce second point impliquerait que Kiev reconnaisse les nouvelles réalités du terrain relatives à la réunification de ses anciennes régions à la Russie, chose qui serait pragmatique, au vu de l’improbabilité patente de jamais voir l’Ukraine reconquérir l’ensemble ces territoires [L’armée russe et ses supplétifs occupent à ce jour environ 20% du territoire de l’Ukraine d’avant 2014, NdT].

Idéalement, les forces occidentales qui soutiennent le régime fasciste en place en Ukraine devraient ensuite encourager le pays à accorder l’autonomie aux régions russophones restantes dans l’Est et le Sud du pays, si elles veulent véritablement garantir une paix durable. On peut d’évidence douter de leurs intentions au vu de l’historique lourd du « diviser pour mieux régner«  pratiqué par les États-Unis. Néanmoins, même en l’absence d’autonomie pour ces territoires, le Milliard Doré va sans doute déverser des sommes d’argent colossales pour reconstruire toutes les régions de l’ancienne République soviétique.

Même s’il est prédictible qu’il va exploiter au maximum ce pays en effondrement pour en tirer autant de profits que possible, il reste avantageux pour l’Occident d’investir en Ukraine, plutôt que de faire totalement fi du pays, comme tel a été le cas en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie après avoir, depuis le début du XXIème siècle, détruit ces États. En résumé, en dépit des cinq défauts qui caractérisent la proposition de paix formulée par ChatGPT, celle-ci impressionne par son pragmatisme, et on peut espérer qu’elle inspire une discussion plus large autour de son plan en huit points visant à mettre fin à cette guerre par procuration.

Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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