Le cri des muets exaspérés.

par Natacha Polony - le 06/05/2016.

 

LA CHRONIQUE DE NATACHA POLONY

 

Les prises de position des militaires révèlent leur indignation de voir piétiné ce pour quoi ils ont choisi de risquer leur vie.

 

 

Étrange société d'indifférence, où plus rien n'a de sens, où même les tremblements de terre passent sans éveiller le moindre sursaut, le plus petit commentaire.

Un général, en une du Monde, signe une tribune d'une violence inimaginable pour un militaire imprégné de l'esprit de retenue propre à sa fonction, et nous faisons semblant de ne pas entendre.

 

Le général Vincent Desportes a éprouvé le besoin de répondre à Alain Juppé et à son «un militaire, comme un ministre, ça ferme sa gueule ou ça s'en va», lancé pour justifier la mise au placard du général Soubelet, coupable, lors d'une audition parlementaire, d'avoir décrit en des termes crus l'état de déliquescence de notre système judiciaire et d'avoir révélé que, dans les Bouches-du-Rhône, le mois précédent, 65 % des cambrioleurs interpellés avaient été relâchés.

Le général Desportes a répondu et il l'a fait en chargeant l'adversaire, sabre au clair :"La première loyauté d'un ministre au service d'une politique fluctuante, souvent politicienne, est envers son président" écrit-il. "La première loyauté d'un militaire au service permanent de la Nation, de ses intérêts et des valeurs, est envers la France"

"Cie, des putschistes !", s'exclameront ceux qui rêvent de voie enfin surgir ce fascisme qui leur permettrait de se croire résistant. Des militaires qui se réclament de la France par opposition à des politiques veules et impuissants !

Après le général Piquemal, arrêté à Calais lors d'une manifestation interdite du mouvement allemand Pediga, les prises de position de militaires exaspérés relèguent l'expression "grande muette" au rang des poncifs journalistiques. Il y a ceux qui verront resurgir l'ombre du général Boulanger, ceux qui comme Alain Juppé, renverront lesdits militaires à leur obligation de réserve pour ne pas répondre à leur interpellation sur les pathétiques renoncements des politiques.

Mais il serait trop facile de voir dans ces prises de position les résurgences des vieux démons, les plaies non refermées de l'OAS et le rêve non totalement éteint d'un régime "fort".

L'exaspération qui monte dans l'armée française - car c'est bien de cela qu'il s'agit - ne se résume pas à l'image qu'en avait donnée un groupuscule maurassien, le Lys noir, appelant au putsch militaire au moment du mariage pour tous, même si les tendances catholiques traditionalistes d'une partie de l'état-major avaient alors inquiété le gouvernement.

Les hommes qui prennent la porale aujourd'hui, ne sont pas de ce bord. Et leur indignation vient de ce qu'il voient piétiné ce pourquoi ils ont choisi de risquer leur vie.

L'auteur de ces lignes garde le souvenir d'un grand-père militaire, gaulliste quand l'être avait un coût, dont la vie résume ce qu'impose de silence le choix de l'honneur et du devoir...Nul ne rompt ce silence sans un enjeu majeur.

On ne parle pas de .......

 

Cet article a été publié dans l'édition du Figaro du  restent à lire.


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