Racisme, fractures sociales et montée générale de la violence :

Les accusateurs de la police se trompent de cible. C’est la justice qu’ils devraient viser

...avec Xavier Raufer et Bertrand Vergely - Le 13/06/2020.

BOUC ÉMISSAIRE

Racisme, fractures sociales et montée générale de la violence : les accusateurs de la police se trompent de cible. C’est la justice qu’ils devraient viser

La politique pénale mise en place depuis des années équivaut à un abandon des victimes, notamment toutes celles qui subissent la violence parce qu’elles vivent dans les quartiers sensibles. Cet abandon, dû à la justice et non à la polie, entraîne de la rancoeur.

 

Atlantico : Le climat de violence actuel est-il symptomatique d'une mauvaise gestion de notre système pénal depuis de nombreuses années ?

 

Xavier Raufer : Depuis la présidence Hollande, l'anarchisme mondain empoisonne le ministère de la Justice ; d'abord, sous sa forme venimeuse (Taubira), puis ahurie-brouillonne (Belloubet) ; oublions par charité les ectoplasme qui sévirent entre ces deux malfaisantes dames. Car si chacun comprend désormais ce que le signataire rabâche dans Atlantico, savoir que M Castaner est d'une sidérale nullité ; Mme Belloubet, elle, sait fort bien ce qu'elle fait à la Chancellerie et où elle va.

 

Résumons sa doctrine : toute sollicitude aux détenus, la machine judiciaire et pénale devant toujours moins condamner, puis détenir ; enfin, remettre en circulation, dans la rue et en position de récidiver, le plus de condamnés possibles.

 

Entrée en vigueur le 1e mars 2020, la loi 2019-2222 du 23/06/19, dite "de programmation et de réforme pour la justice" contient et résume ainsi tout l'anarchisme mondain de MM. Macron, Philippe et leurs auxiliaires zélés (sinon doués) Castaner-Belloubet. Allons vite : les articles 132-19 et 132-25 de cette loi soumettent toute peine ferme à tant d'exigences et complications que la peur de la prison - cruciale pour prévenir le crime - ne sera bientôt plus qu'un lointain souvenir :

 

- Le juge maintenant astreint à d'infinies enquêtes... rapports... paperasses, s'il veut condamner ferme ;

 

- Le bandit, désormais à peu près libre d'agir à sa guise, entre le platonique "bracelet électronique" et - tromperie odieuse pour l'opinion - la "peine de prison ferme" MAIS "sans mandat de dépôt", où le condamné rentre chez lui, mains dans les poches, après une théorique sentence, destinée à la galerie.

 

- Enfin, les fort minimes taux d'élucidation de la plupart des infractions de voie publique, type cambriolages (souvent, moins de 10%) garantissent l'impunité du malfaiteur neuf fois sur dix : on risque plus en traversant la rue...

 

Pire encore : sous prétexte de confinement, alors que les cas réels de COVID-19 en prison étaient infimes (±100 cas avérés pour les ± 72 400 détenus réels le 1e mars 2020) Mme Belloubet a assouvi son fantasme idéologique majeur : vider les prisons, qui, du 1e mars au 15 mai, ont perdu à peu près 13 500 détenus.

 

À 50%, cela tient à la quasi-inactivité des juridictions, d'où, tarissement des entrées ; pour moitié, à l'élargissement massif de détenus donnés comme "en fin de peine" et "non dangereux". Ce qui, dans certains cas, est un pur mensonge. De plus, tout magistrat débutant aurait pu dire à Mme Belloubet qu'on n'arrête pas toujours un malfaiteur pour le crime le plus grave qu'il a commis ; et qu'en l'incarcérant, on le rend ainsi, pour un temps, incapable de sévir plus encore.

 

"Grand succès" comptable pour l'anarchisme mondain : pour la première fois depuis belle lurette, on compte fin mai environ 59 000 détenus pour ± 61 200 places de prison effectives ; mais qui revient en fait à soumettre la population, notamment celle des quartiers populaires, à une pression criminelle plus lourde.

 

Telle est la constante de la justice selon Hollande-Macron : pitié pour les malfaiteurs, dédain pour leurs nombreuses et pitoyables victimes.

 

Victimes risquant désormais, en prime, le retour sur "leurs" terrains de chasse de prédateurs et criminels désormais systématiquement élargis.

 

A propos du climat de violence qui règne actuellement, on incrimine la police. La justice et l’éducation n’ont elles pas une part de responsabilité ?

Bertrand Vergely : Quand on procède à des mises en accusation, il importe d’être prudent. A propos de l’analyse de la violence actuelle et de ses causes, gardons nous de faire des amalgames.

 

On entend dire que la police française est raciste. Il y a en France 148 400 fonctionnaires de police. Il n’y a pas 148 400 fonctionnaires de police racistes. Arrêtons de dire n’importe quoi.

 

Parmi les fonctionnaires de police, un certain nombre d’entre eux sont noirs ou de couleur. On les voit mal être racistes. Dernièrement, une manifestante a traité un policier noir de vendu. Elle fait l’objet actuellement d’une poursuite judiciaire. Faut-il être aveuglé par la haine de la police pour traiter un policier noir de vendu !

 

On parle sans de cesse de racisme. On en parle tellement et à propos de tout que l’on ne sait plus ce que c’est. Le racisme, primitivement, est un racisme idéologique reposant sur une théorie de l’inégalité des races. Quand il est question de racisme, il va de soi que ce n’est pas ce racisme là dont il est question.

 

Le racisme tel que nous l’entendons renvoie à des injures, des humiliations et des préjugés mettant en cause l’origine ethnique, culturelle ou nationale que subissent un certain nombre d’hommes et de femmes. Ces attitudes sont tristes, misérables, bêtes à pleurer, inadmissibles, scandaleuses. Bouleversés, meurtris par ces attitudes inadmissibles, un certain nombre d’hommes et de femmes animés par un souci de justice, d’humanité et de générosité se sont regroupés en associations afin de faire la chasse à de tels comportements. Il s’en est suivi et il s’en suit un climat de terreur.

 

Les injures et les humiliations inadmissibles n’ont pas cessé. En revanche, le monde s’est divisé en deux entre les antiracistes et les autres. Dans ce contexte catastrophique, on voit actuellement surgir un antiracisme revendiquant la haine des racistes comme un droit légitime au nom de la justice. On voulait éradiquer la haine. On l’entretient et on l’augmente en créant un climat de guerre civile.

 

La police est-elle responsable du climat de violence qui règne ? Ce n’est pas la police qui est responsable du climat actuel de violence, mais la façon de penser la violence ainsi qui l’est.

 

Quand on dit que la police est responsable du climat actuel de violence, on fait de tout policier un violent qui commet des bavures. Faisant de tout policer un violent, on l’injurie, on l’humilie, on l’enferme dans un préjugé au nom de son appartenance à la police. De fait, on bascule dans un racisme anti-flic.

 

On veut que le racisme cesse ? Fort bien. Donnons l’exemple. Arrêtons de dire que la police est raciste et violente. Reconnaissons que l’écrasante majorité des policiers fait honnêtement et courageusement son travail. Et souvenons nous que l’existence d’une police de la police montre que la police est bien décidée à surveiller la police elle-même afin que celle-ci ne dérape pas.

 

On se demande si l’éducation et la justice n’ont pas une part de responsabilité dans le climat actuel de violence. Là encore, on est victime de généralisations hâtives.

 

L’éducation fait mal son travail. Celle-ci devrait éduquer les jeunes. Or, les jeunes ne sont pas éduqués, dit-on. Il faut savoir ce que l’on veut. Quand l’éducation est stricte, elle est accusée d’être élitiste. Quand elle ne l’est pas, elle est accusée d’être laxiste. Cela vaut pour la justice. Quand elle est neutre, on lui reproche de ne pas être politique. Quand elle est politique, on lui reproche de ne pas être neutre.

 

On croit que la question de la violence est une affaire de police, d’éducation et de justice. Ses racines sont ailleurs. Nous sommes manipulés par les mots, les images, et les manipulations. C’est là l’origine de la violence.

 

Prenons ce qui est en train de se passer. Aux Etats-Unis, un noir nommé George Floyd se fait tuer par un policier blanc Le fait est scandaleux, inadmissible, terrible. Il y a de l’émotion, des réactions. Cela se comprend. Mais il y a aussi autre chose.

 

En France, les associations qui luttent contre le racisme décident de se saisir de l’affaire en expliquant que ce qui s’est passé aux États-Unis se passe aussi en France. Pour cela, elles font remonter les arrestations où il y a eu des injures et des coups. Elles font également remonter les violences policières lors des manifestations des Gilets Jaunes. Enfin, elles font remonter des anciennes affaires comme l’affaire Traoré en cours d’instruction. Dans la confusion, l’affaire Floyd est remplacée par l’affaire Traoré qui devient un symbole.

 

À cette occasion, pensant qu’il faut que les politiques montrent qu’ils ont compris l’émotion populaire, le ministre de l’Intérieur promet une grande campagne de nettoyage de la police française afin que les violences et les bavures ne se reproduisent pas. Aux États-Unis Floyd a été tué par une prise d’étranglement ? Décision du ministre de l’Intérieur : cette pris est désormais interdite en France et tout policier qui l’utilisera sera poursuivi et condamné. Résultat : les policiers ayant le sentiment que leur ministre est contre eux, ceux-ci sont indignés et en colère contre leur ministre.

 

On cherche la cause de la violence qui règne. On a la réponse. Celle-ci réside dans une petite phrase qui dicte ce que l’on doit dire et faire : « Et moi je fais quoi ? »

 

Quand la France apprend que l’infortuné George Floyd a été assassiné aux Etats-Unis, qu’est-ce qui déclenche la tempête des réseaux sociaux français ? Cette petite phrase : « Et nous qu’est-ce que l’on fait ? On ne va tout de même pas laisser passer cet événement sans rien faire ». Donc, pour ne pas donner l’impression que l’on ne fait rien, on fait. En l’occurrence, on organise un transfert mimétique entre les Etats-Unis et la France en expliquant que la police américaine et la police française sont les mêmes.

 

Paul Ricoeur a écrit que le mal est ce que personne ne commence mais que tout le monde continue. Personne n’est à l’origine de la petite phrase : « Et nous, on fait quoi ? On ne va tout de même pas laisser passer ça ! » . Mais, tout le monde obéissant à cette phrase, c’est elle qui transforme l’affaire Floyd en affaire française et l’affaire française en une affaire politique. Il était question au départ de la mort d’un homme aux Etats-Unis. À l’arrivée, on a affaire à une crise entre le ministre de l’Intérieur et sa police.

 

Dans cette affaire tout le monde manipule et tout le monde est manipulé. Les associations antiracistes sont manipulées et manipulent. Le ministre de l’intérieur est manipulé et manipule lui aussi.

 

Nous vivons dans une société du spectacle qui se met en scène pour tout. Au niveau politique, cette mise en scène se traduit par le fait que l’on n’agit pas. On montre que l’on agit. On ne parle pas. On montre que l’on parle. Ce spectacle qui s’appelle la communication rend fou. Passant par la manipulation des images et des mots, il surexcite les esprits à commencer par les medias qui ne parlent que de cela.

 

La sagesse orientale explique que le mental mène le monde. En Occident, Platon appelle le mental l’opinion et Pascal l’imagination. Le mental, l’opinion, l’imagination. C’est cela qui nous gouverne et qui est à l’origine de tous les phénomènes de violence.

 

Il y a un moyen de lutter contre cela. Il n’y en a qu’un seul : faire de la philosophie afin de devenir sage. Être sage passe par deux exercices. Le premier consiste à se taire et à apprendre à se centrer sur la présence que l’on est. Le second consiste, quand on parle, à faire attention à ce que l’on dit. Faisons des écoles de sagesse, de présence et d’attention. On se débarrassera de la violence. Le fera-t-on ? On le fait déjà. Partout en France, des groupes s’exercent à la sagesse. Un jour, à force de sagesse, la France connaîtra une réconciliation entre la police et la population.

 

Les Français sont-ils culturellement devenus hostiles à tout principe d'autorité ?

Bertrand Vergely : Les Français ignorent ce qu’est l’autorité comme ils ignorent ce qu’est l’obéissance. En ce sens, ils ne sont pas contre l’autorité. Ils ignorent ce qu’elle est.

 

L’autorité vient du terme auteur et consiste à être auteur. Quand on est auteur, on sait de quoi on parle. Quand on sait de quoi on parle, on a une autorité. On est ferme. On ne vacille pas. Quand quelqu’un a ce type d’autorité, il est une voix. Quand il est une telle voix, il élève. Quand il élève il se fait obéir. On écoute cette voix qui élève.

 

La véritable autorité est sans violence et la véritable obéissance est sans soumission. Tous les jours, heureusement, on trouve autour de nous des hommes et des femmes qui parlent de ce qu’ils savent. Tous les jours, nous les écoutons parce qu’ils nous élèvent.

 

Les Français sont-ils hostiles à l’autorité ? Secrètement, ils en rêvent. Quand ils la rencontrent, ils l’adorent. Ils aiment les professeurs qui les passionnent. Ils se reconnaissent dans les entraîneurs qui savent emmener une équipe à la victoire.

 

L’autorité telle que nous la connaissons n’est pas aussi enthousiasmante. Plongeant ses racines dans la violence elle consiste à être autoritaire en ayant une légitimité à pouvoir l’être en vertu d’un mandat faisant d’elle la représentante légale de l’autoritarisme. Paul Ricoeur a dit de l’État qu’il est le garant de la violence légitime. On peut dire cela de ce que nous appelons l’autorité. Celle-ci est à nos yeux le garant de la violence légitime.

 

Les Français sont-ils hostiles à cette autorité ? Les Français sont comme tout le monde. Quand la violence légitime est la leur ou celle qui sert leurs intérêts, ils l’aiment. Quand cette violence est celle d’un autre qui va contre leurs intérêts, ils la détestent.

 

Depuis Mai 68, la France connaît une crise de l’autorité. Il y a chez les Français une peur de se faire avoir. Cette peur les conduit à penser que la relation humaine, sociale et politique étant violente par nature, on ne survit à cette violence qu’en étant violent.

 

Les Français croient qu’il est intelligent de penser ainsi et naïf de penser autrement. D’où le climat de tension qui règne dans le pays. Il faut se battre pour tout. Et, pour tout, la relation est au bord de l’affrontement.

 

On dit des Français que ce sont des Italiens de mauvaise humeur. Les Français sont de mauvaise humeur parce qu’ils ont peur. Ils baignent dans une culture de la méfiance. Cette peur vient d’un déficit de culture réelle, c’est-à-dire de culture morale et spirituelle. Comme ils ne nourrissent pas leur être profond, c’est leur être primaire qui est aux commandes et cet être est toujours apeuré et méfiant.

 

Le jour où les Français retrouveront leur culture profonde, ils redeviendront le peuple extraordinaire qu’ils sont.

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