De retour du Kazakhstan, le président souligne le besoin crucial de reconstruction et de stabilité de la Syrie.
Le président de la République de Türkiye, Recep Tayyip Erdogan, a fait part vendredi d’une nouvelle initiative diplomatique de paix avec Damas,
suggérant une invitation potentielle au président syrien Bachar al-Assad.
«Avec le président
russe Vladimir Poutine, nous pourrions inviter Bachar al-Assad», a déclaré Erdogan aux journalistes sur son vol de retour d’Astana, la capitale du Kazakhstan, où il a participé à
un sommet de deux jours de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).
«Si M. Poutine
peut se rendre en Türkiye, cela pourrait être le début d’un nouveau processus».
«Les années qui
viennent de s’écouler en Syrie ont clairement montré à tous la nécessité d’établir une solution permanente», a déclaré le dirigeant turc, faisant référence à la violence et au
chaos qui règnent dans ce pays voisin depuis la guerre civile de 2011.
Il a insisté sur le besoin critique de reconstruction et de stabilité de la Syrie, soulignant l’impact des dommages généralisés causés aux
infrastructures et des bouleversements sociétaux.
Erdogan a déclaré que la récente tranquillité régionale sur la question pourrait ouvrir la porte à la paix avec des politiques et des approches exemptes
de préjugés. «Le problème est
que l’instabilité dans la région offre un espace aux organisations terroristes, en particulier au PKK/PYD/YPG».
L’éradication de ces organisations terroristes est vitale pour l’avenir de la Syrie, a déclaré Erdogan, qui a plaidé en faveur de l’établissement de
fondements démocratiques et d’initiatives de paix inclusives fondées sur le respect de l’intégrité territoriale du pays.
«Nous avons
toujours tendu et continuerons à tendre la main de l’amitié à notre voisin, la Syrie. Nous sommes prêts à soutenir une Syrie prospère et unifiée, sur la base d’un nouveau contrat
social équitable, honorable et inclusif. Tout ce que nous demandons, c’est que la Syrie entame cette grande étreinte et se rétablisse dans tous les domaines», a déclaré le
président turc.
Il a ajouté que ce ne sont pas les pays, mais les groupes terroristes tels que le PKK et ses ramifications qui s’inquiètent des liens renouvelés entre
Ankara et Damas.
Le «désir de paix» de
Poutine
Le président turc a également commenté le conflit ukrainien qui dure depuis plus de deux ans, s’inquiétant du fait que certains pays et entités
occidentaux aggravent le risque de troisième guerre mondiale au profit des marchands d’armes.
Il a déclaré que Vladimir Poutine avait récemment manifesté un désir de paix, faisant référence aux remarques du dirigeant russe selon lesquelles les
accords d’Istanbul de 2022 restaient «sur la
table» et pouvaient servir de base à des négociations de paix avec l’Ukraine.
Erdogan a déclaré que l’instauration de la paix nécessitait d’importants efforts de médiation, que la Türkiye s’est engagée à déployer. «Nous avons
demandé : «Quand parviendrons-nous à la paix ?». La réponse a été qu’il n’y a pas de calendrier précis, et que la clé réside dans les médiateurs comme nous, qui ont un impact
significatif».
Il espère une résolution rapide du conflit et indique que le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, et le ministre de la Défense, Yasar
Guler, surveillent activement la situation.
«Cette guerre ne
profite ni à la Russie ni à l’Ukraine. Les seuls gagnants de cette guerre sont les marchands de sang et de mort», a-t-il déclaré.
Erdogan a également réitéré l’engagement de la Türkiye en faveur d’un système mondial plus équitable, plaidant pour l’adhésion au droit international et
pour des efforts globaux de lutte contre le terrorisme.
Les
attentes de la Türkiye à l’égard du nouveau secrétaire général de l’OTAN
Erdogan a également évoqué les attentes du pays vis-à-vis du nouveau secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte. Il a exprimé l’espoir que Rutte
soutiendrait les intérêts de la Türkiye et a mentionné son intention de visiter le pays avant de prendre ses fonctions en octobre.
Il a souligné la lutte permanente de la Türkiye contre le terrorisme et sa déception à l’égard des alliés qui, a-t-il déploré, contrairement à l’unité
de l’OTAN, n’ont pas soutenu la Türkiye de manière adéquate et ont même encouragé les organisations terroristes.
Il
exhorte l’Occident à faire pression sur Israël
Concernant les attaques incessantes d’Israël à Gaza, qui ont tué plus de 38 000 Palestiniens depuis le 7 octobre 2023, Erdogan a souligné la nécessité
d’une pression collective des pays occidentaux sur Tel-Aviv pour parvenir à un cessez-le-feu définitif. Il a exprimé l’espoir que l’intervention du président américain Joe Biden et
les efforts du Qatar conduisent à une trêve durable.
Erdogan a déclaré que le Hamas avait accepté un projet de cessez-le-feu avec des amendements, et que le chef de l’agence d’espionnage israélienne Mossad
se rendait à Doha, tandis que Biden envisageait d’appeler le Premier ministre Benjamin Netanyahou pour aller de l’avant.
Il a ajouté que le renforcement militaire d’Israël dans l’administration chypriote grecque n’avait pas atteint ses objectifs et a souligné l’importance
d’éviter toute action susceptible d’aggraver le conflit.
Controverse sur
le signe du loup gris
Erdogan a également abordé la controverse suscitée par la célébration du footballeur turc Merih Demiral lors du match de l’Euro 2024 contre l’Autriche,
remporté 2-1 par la Türkiye, lorsqu’il a formé avec ses doigts la forme d’une tête de loup, connue sous le nom de «signe du loup gris» dans la culture turque. Il a
déclaré que personne ne critiquait les autres nations pour leurs symboles nationaux tels que l’aigle sur les uniformes allemands ou le coq sur les maillots français.
Erdogan a exprimé l’espoir d’une victoire lors du match de samedi contre les Pays-Bas en quarts de finale pour accéder au tour suivant, et a déclaré
qu’il prévoyait d’assister au match à Berlin.
Le 28 juin dernier, le président turc Erdogan a déclaré : «Il n’y
a aucune raison de ne pas établir des relations entre la Turquie et la Syrie… La Turquie n’a ni l’intention ni l’objectif de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Syrie… Nous
avons eu plusieurs
rencontres avec Bachar al-Assad par le passé et même des réunions de famille… Il est impossible de dire que cela n’arrivera plus…».
Quand on sait quelles souffrances cet homme, surnommé «le pilleur d’Alep», a volontairement infligé à la Syrie et aux Syriens en ouvrant la frontière
turco-syrienne à tous les terroristes armés de la planète et à tous les prétendus révolutionnaires, on rit pour ne pas pleurer tout en se demandant comment se fait-il qu’il n’a pas
prévu ce qui allait suivre.
En effet, suite à cette déclaration, la situation a explosé dans le nord de la Syrie et le sud de la Turquie, entre l’armée turque et les milices
syriennes parrainées, armées et soutenues jusqu’ici par la Turquie, dont certaines ont servi de chaire à canon dans les guerres d’Erdogan en Libye et dans le Haut-Karabakh. Des
milices nourries pendant treize longues années par la haine et les mensonges, mécontentes de l’éventuel retrait de l’occupant turc exigé par le président syrien avant toute
normalisation de ses relations avec la Turquie. Erdogan a pu ainsi constater les conséquences des mines à retardement prêtes à exploser qu’il a lui-même posées.
Par ailleurs, le racisme turc a également explosé contre les réfugiés ayant fui la guerre en Syrie vers le sud de la Turquie : maisons incendiées,
déplacements forcés de l’autre côté de la frontière, exécutions sommaires, etc. Et là aussi, Erdogan a pu constater les conséquences désastreuses d’une immigration de masse qu’il a
lui-même organisée avant même que la guerre n’éclate en Syrie, en dépit des avantages politiques et financiers qu’il a pu en tirer. Et face aux incendies et aux émeutes dans le nord
de la Syrie, il n’a pu que menacer de «couper la main» de ceux qui s’en sont pris au drapeau de la Turquie et fermer les points de passage frontaliers entre les deux pays.
Et ce 3 juillet on apprend qu’Erdogan a rencontré le président russe Vladimir Poutine en marge du sommet d’Astana des dirigeants du Groupe de Shanghai.
Il lui aurait confirmé qu’il était prêt à suivre les conseils russes de coopération mutuelle avec Damas. De sources turques, il serait prêt à une coopération mutuelle en matière de
sécurité, afin d’affaiblir les groupes terroristes dans la région d’Idleb et les groupes séparatistes kurdes dans l’est de la Syrie.
L’écrivain et chercheur Mikhael Awad répond à la question de savoir ce que cache ce revirement d’Erdogan et quels en sont les objectifs.
Mouna
Alno-Nakhal
*
par Mikhael
Awad
Le président Erdogan est reconnu pour son intelligence politique, sa capacité à danser sur plusieurs cordes à la fois, et ses tentatives de plier les
circonstances au profit de son propre projet. Lequel projet repose sur deux objectifs : gérer personnellement la Turquie en exploitant son importance géostratégique et, selon ses
propres termes, travailler à restaurer le défunt Empire ottoman : «Nous devons
arriver là où nos ancêtres sont arrivés sur le dos de leurs chevaux».
Il a déclaré très tôt s’être porté volontaire pour le rôle d’agent des États-Unis d’Amérique en ce qui concerne leur projet d’un «nouveau
Moyen-Orient».
Il ne se soucie ni ne prête l’oreille aux critiques ou accusations, car ses fins justifient ses moyens.
Il combat en usant de son armée et d’éléments instrumentalisés parmi les Frères musulmans et les adeptes de l’islam erdoganien.
Il promet et signe avec Poutine et les Iraniens, mais élude et tergiverse pour mettre à exécution ce qu’il a promis et signé, sans tenir compte de sa
parole ou de sa réputation.
Il soutient l’Ukraine et rejette l’annexion de la Crimée par la Russie, mais supplie Poutine de résoudre sa crise économique afin de s’assurer un
nouveau mandat présidentiel.
Il insulte les chiites ainsi que les alaouites et accuse l’Iran, mais ouvre ses marchés, ses banques et ses ports au commerce iranien pour le protéger
du siège qu’il subit.
Il tend la main à l’Arabie saoudite, à l’Égypte et aux Émirats arabes unis, mais continue à entretenir des relations chaleureuses avec les Frères
musulmans et les factions terroristes.
Par conséquent, il est logique de se poser des questions devant son revirement à 180 degrés lorsqu’il se déclare pressé de rencontrer le président
Bachar al-Assad en sollicitant une médiation russo-iranienne, sans exclure la Chine et ceux qui la soutiennent.
Qu’est-ce qui se cache derrière ce revirement et quels en sont les objectifs ? Tiendra-t-il ses promesses contrairement à son habitude ? Peut
être. Nul ne peut donner une réponse définitive et en assumer la responsabilité, car l’homme en question est un manipulateur de premier ordre et cherche de toutes ses forces à
atteindre ses objectifs.
Ceci étant dit, il est indubitable que la Turquie traverse une crise économique, sociale, politique et qu’aucune des promesses électorales d’Erdogan n’a
été mise en œuvre et ne le sera. Sa défaite aux élections municipales a été une gifle d’autant plus retentissante qu’il s’est compromis avec Israël et les États-Unis dans leur guerre
contre les Palestiniens de Gaza ; ce qui a aggravé ses relations tendues avec son peuple, avec la base de son Parti, et avec l’islam qu’il a tenté de réduire à sa personne et de
se présenter comme son calife.
Il n’empêche que le plus remarquable est que ce virage vers la Syrie s’accompagne d’un important rassemblement militaire dans le nord de l’Irak, un
signe avant-coureur de la possibilité d’opérations militaires à grande échelle contre le PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan) à un moment où, à l’est de l’Euphrate, les forces
kurdes séparatistes des FDS qui bénéficient de la protection des États-Unis s’apprêtent à organiser des élections municipales afin de renforcer leur projet de sécession d’avec la
Syrie.
De ce fait, le problème le plus grave, qui justifie probablement cette quête de réconciliation avec le président syrien, est que les États-Unis
n’accélèrent sérieusement la mise en œuvre de leur ancien/nouveau «projet de
création du Grand Kurdistan». Un projet devenu un besoin urgent pour les États-Unis et leurs lobbys mondialistes, maintenant qu’Israël est devenu un lourd fardeau et que ses
capacités de protéger leurs intérêts sont désormais inexistantes.
Les États-Unis ne quitteront pas la région et n’accepteront pas d’en sortir vaincus. Leur retrait signifierait nécessairement leur déclin au niveau
mondial, comme ce fut le cas des empires qui les ont précédés et ont été vaincus faute de projets alternatifs.
Le Grand Kurdistan est justement le projet alternatif des États-Unis et des mondialistes. Une alternative à Israël qui a failli et a rendu leur
déploiement militaire naval coûteux et inefficace, comme c’est le cas de leur guerre contre les Houthis yéménites.
En effet, la géographie du projet du Grand Kurdistan s’étend sur plus de quatre cent mille kilomètres carrés et compte plus de quarante millions
d’habitants. Situé au carrefour de la Turquie, de l’Irak, de l’Iran et de la Syrie, il coupe les chemins du projet stratégique chinois des nouvelles routes de la soie (Belt and Road
Initiative- BRI) ; assiège la Russie en Syrie et en Méditerranée ; constitue une base stable et solide entre l’Asie et l’Europe située à proximité de l’Iran et des pays
arabes du Golfe ; assure la présence pérenne des États-Unis dans la région ainsi que leurs communications avec leurs bases en Afrique, en Jordanie, dans le Golfe, en Europe et en
Asie de l’Est ; contrôle l’Irak ; épuise l’Iran et la Syrie ; et le plus dangereux pour Erdogan : divise la Turquie en trois pays destinés à s’affronter.
C’est probablement la raison secrète du revirement d’Erdogan, lequel aurait acquis la certitude que tous les services rendus aux États-Unis, à leurs
guerres et à leurs lobbys n’auront plaidé ni pour lui ni pour la Turquie. Autrement dit, il aurait compris que la Turquie, issue du Traité de Lausanne de 1922, risque elle-même de
tomber sous le couteau du chaos, de la division et de la guerre, tandis que tous ses efforts et toutes ses illusions portant sur la restauration de la gloire de ses ancêtres ont
échoué.
La Syrie lui fera-t-elle confiance encore une fois ?
L’Iran a-t-il vu en lui un partenaire pouvant empêcher son épuisement du côté kurde et, par conséquent, aurait poussé le Premier ministre irakien à
servir de médiateur entre lui et le président Al-Assad ?
Qu’en est-il de la Chine et de la Russie, de leur capacité à protéger la Turquie d’Erdogan et à contrecarrer le projet américain d’un Grand Kurdistan
qui les vise tout autant que les pays voisins ?
Certes, les États-Unis d’Amérique ont vieilli, ils perdent des guerres et se retournent contre leurs alliés, mais ils ne perdront pas les moyens et les
théâtres qui leur permettent d’assurer leur hégémonie sur le monde et de lutter pour empêcher leur déclin et leur extinction. Seules les prochaines élections présidentielles
pourraient en décider autrement. Sauveront-elles la Turquie et la région des massacres, des rivières de sang et de nouveaux théâtres de guerre ?
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas faire confiance à Erdogan le manipulateur opportuniste qui danse sur toutes les cordes à fois, car «le croyant ne se
laisse pas piquer deux fois à partir d’un même terrier».
source : Al-Idaate كردستان
الكبرى وخطر تفكيك تركيا؟ دوافع الانفتاح التركي المستجد على سورية.
Là où la terre et la mer se rencontrent, il y a place pour des tensions géopolitiques, en particulier lorsqu’il s’agit d’États concurrents bordant des
mers ou des lacs intérieurs. Cette tension est évidente pour tous autour du canal de Suez, dans l’océan Indien, dans la mer de Chine méridionale, avec les nombreux différends entre la
superpuissance chinoise et des États comme le Japon, Taïwan, les Philippines et d’autres.
Le Bosphore, sur la mer Noire, est moins connu, alors que l’invasion de l’Ukraine par la Russie met de plus en plus en évidence l’importance
géopolitique de ce détroit turc. Sur la base de la convention de Montreux de 1936, la Turquie a joué à plusieurs reprises ses atouts stratégiques. En raison de la mondialisation du
commerce et donc de l’augmentation considérable du transport maritime, la Turquie a récemment développé le projet du «canal d’Istanbul» – pour soulager partiellement le Bosphore, mais
sans bénéficier moins de l’augmentation du transport maritime.
Ana Pouvreau, docteur en études slaves à l’université Paris-IV Sorbonne, diplômée en relations internationales et études stratégiques à l’université de
Boston, consacre un long article dans la revue française Conflits (revue
de géopolitique), n°48 (novembre-décembre 2023) à ce bras de mer aux dimensions limitées, qui a joué et continuera à jouer un rôle politico-économique très important. Il s’agit d’un
détroit d’une trentaine de kilomètres reliant les continents européen et asiatique.
Les Ottomans ont compris depuis longtemps l’importance géopolitique de cette portion de mer : en 1393 et 1451, ils ont construit des fortifications sur
le Bosphore, ce qui leur a permis de prendre Constantinople en 1453. Surtout, ils ont compris qu’en agissant ainsi, ils contrôlaient l’accès des navires à la mer Noire, et donc
l’ensemble de la mer Noire et de ses États. La mer Noire devint ainsi un lac turc, au détriment de la Russie. Pendant des siècles, les Russes ont été contraints de toujours demander
l’autorisation au sultan pour naviguer à travers le Bosphore. L’équilibre a basculé au XVIIIe siècle, lorsque les Russes ont pu conquérir la côte nord de la mer Noire, obtenant ainsi
le droit de naviguer en mer et de traverser le détroit. Cependant, le Bosphore a continué à provoquer des tensions géopolitiques.
Importance de la Convention de Montreux (20 juillet 1936)
L’auteur Ana Pouvreau souligne à juste titre dans Conflits l’importance
de la convention de Montreux, toujours en vigueur. Cet accord international garantit le libre passage des navires commerciaux. Le passage des navires de guerre est soumis à des
restrictions particulières. En particulier, les États de la mer Noire qui ne sont pas riverains doivent limiter le nombre de navires de guerre et leur tonnage. La Turquie a le pouvoir
de refuser l’accès au Bosphore à tout navire et de le faire à sa discrétion – en temps de guerre, la Turquie s’est appuyée sur cette disposition. Le 27 février 2022, la guerre en
Ukraine a été déclarée menaçante, ce qui a permis à la Turquie de prendre des mesures restrictives sur la base de cette convention.
Si le Bosphore est l’une des portes d’accès à la Russie pour l’Europe occidentale, les détroits sont le seul accès maritime possible à la Méditerranée
pour la Russie et donc un point géopolitique névralgique pour la flotte russe en mer Noire. Grâce à l’adhésion de la Turquie à l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord a
contrôlé l’accès à la mer Noire pendant des décennies, ce qui n’est pas négligeable.
Avec l’éclatement de l’Union soviétique, explique Ana Pouvreau, l’espace pontique est devenu encore plus ouvert à l’Alliance atlantique. La tension
s’est toutefois accrue avec la sécession de la Transnistrie, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, qui ont rejoint la Russie. Pour Igor Delanoë, expert de la Russie, cette région
reste «une plaque
tournante militaire pontique-caucasienne», que la Russie considère comme une opportunité de répondre aux politiques d’endiguement des États-Unis, augmentant ainsi l’influence
russe dans la région. Ana Pouvreau, par exemple, fait référence au déclenchement de la guerre en Syrie en 2011. La Russie a alors immédiatement mis en place une base de soutien
maritime – également connue sous le nom de Syria
Express – afin d’apporter une aide militaire (via le Bosphore) au régime d’Assad sur le terrain. Les navires russes sont passés en masse par les détroits turcs.
La mer Noire et la mer d’Azov sont de véritables plaques tournantes des échanges commerciaux entre la Russie et le reste du monde, notamment par
l’intermédiaire du port de Novorossiysk, qui est discrètement devenu le port le plus important de Russie – d’où l’importance, là encore, du Bosphore. Environ 40% de la production
brute de pétrole de la Russie passe par le Bosphore. La Russie fournit à la Turquie suffisamment de carburant – la Turquie était et est toujours opposée aux sanctions économiques
contre la Russie. La Russie est en outre le premier exportateur de céréales et de farine et, grâce au Bosphore, un acteur mondial de la sécurité alimentaire.
La mondialisation de l’économie a considérablement accru les échanges commerciaux dans et autour du Bosphore. Pour les États riverains que sont la
Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, l’Ukraine, la Russie et la Géorgie, ce détroit est d’une importance capitale. En 2019, selon l’auteur de Conflits, 40
000 navires ont transité par le Bosphore. Depuis plusieurs années, le trafic est même saturé, obligeant les navires à de longues attentes. Istanbul a grandi avec le commerce mondial
et est aujourd’hui l’une des plus grandes métropoles du monde, avec 15,84 millions d’habitants.
De plus, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Turquie est devenue une plaque tournante de l’énergie et un port de transit pour le pétrole et
le gaz de l’Asie vers l’Europe encore plus important qu’il ne l’était déjà. La Turquie, quant à elle, met en œuvre depuis 2021 son projet de canal d’Istanbul, qu’elle espère achever
d’ici 2027. Selon le gouvernement turc, ce canal devrait réduire la pression sur le Bosphore. Le canal aura une longueur de 45 km et une largeur de 275 mètres. Le passage sera payant,
ce qui pourrait toutefois avoir des conséquences juridiques car cela compromettrait la liberté de navigation. La Russie se méfie de ce projet, car ce nouveau canal permettrait à
l’OTAN d’acheminer plus rapidement ses troupes vers la mer Noire.
Le Bosphore est peut-être moins connu du grand public, mais sa place n’est pas négligeable dans les tensions géopolitiques croissantes.
Synthèse géopolitique : La révolte turque contre la menace occidentale d’une révolution de couleur
Source : Le Courrier des Stratèges - Par Edouard Husson - Le 26/05/2023.
Nous saurons dimanche soir si Erdogan est réélu président de la Turquie pour un dernier mandat. Reconnaissons, du point de vue occidental, que la surprise l’emporte : non seulement Erdogan
est arrivé à quelques encablures d’une élection dès le premier tour ; mais son parti a gagné la majorité absolue aux élections législatives ; et le troisième homme, doté de 5%, appelle
à voter pour lui. Tout semble attester que la population turque n’a pas aimé qu’on lui intime, depuis l’Occident, de voter contre Erdogan.
Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle en Turquie, le 14 mai dernier, M.K.
Bhadrakumar écrivait :
« Il
n’est pas surprenant que les États-Unis et l’Union européenne n’aient pas eu le courage de saluer la performance de Recep Erdogan et de son parti lors des élections présidentielles et
législatives qui se sont déroulées dimanche en Turquie. Les résultats des élections ne servent pas les intérêts géopolitiques des États-Unis et de leurs alliés européens. (…)
Les puissances occidentales espéraient un gouvernement faible et instable et s’inquiètent au contraire de voir un Erdogan survolté, disposant d’une majorité écrasante au parlement, présider un
gouvernement fort et ne pas se laisser marcher sur les pieds. (…)
La légitimité de la victoire d’Erdogan sur son rival de l’opposition, Kemal Kilicdaroglu, soutenu par l’Occident, est remise en question. Un rapport en temps réel des conclusions préliminaires de
la mission d’observation électorale de l’OSCE est venu à point nommé, alléguant des tentatives de remaniement des résultats de l’élection. Le rapport accuse Erdogan de bénéficier d’un
“avantage injustifié” et de recourir à une “utilisation abusive des ressources administratives”, et la commission électorale d’un “manque de transparence, de communication” et d’indépendance.
(…)
Le département d’État américain a rapidement exhorté les autorités turques à mener “la prochaine phase de l’élection présidentielle conformément aux lois du pays et d’une manière qui soit
compatible avec ses engagements envers l’OSCE ainsi qu’en tant qu’allié de l’OTAN”.
Le principal porte-parole adjoint du département d’État, Vedant Patel, a déclaré lundi que l’administration Biden “continuait à suivre de près le processus électoral en cours dans le pays”. Il a
ajouté que “nous félicitons le peuple turc pour avoir exprimé pacifiquement sa volonté dans les urnes, et nous félicitons également le parlement nouvellement élu”.
M. Patel a réitéré la position américaine selon laquelle “nous continuerons à travailler avec le gouvernement choisi par le peuple turc, quel qu’il soit, afin d’approfondir notre coopération et
nos priorités communes”. (…) (Il est intéressant de noter que le ministère turc des affaires étrangères a souligné qu’un total de 489 observateurs internationaux ont suivi les
élections du 14 mai en Turquie et qu’il est également “reflété dans les rapports de ces délégations que les élections se sont déroulées conformément aux normes d’élections démocratiques libres et
avec une participation exemplaire dans la géographie de l’OSCE et du Conseil de l’Europe”).
Erdogan n’est pas certain de remporter le second tour. La grande question concerne le troisième candidat, Sinan Ogan, qui a obtenu 5,2 % des voix lors du premier tour de dimanche et qui se retire
maintenant de la course. Où iront ses partisans au second tour ? Il ne fait aucun doute que cela affectera le “rapport de force” au second tour et fera pencher la balance de manière
décisive. (…)
Il est clair que si Erdogan parvient à conserver sa base électorale, qui dépasse les 49,5 %, et à obtenir ne serait-ce qu’un quart des voix obtenues par Ogan, il sortira vainqueur du second tour.
Il est fort probable qu’Erdogan l’emporte.
Le fait que l’AKP ait obtenu une majorité confortable aux élections législatives – contre toute attente – crée également une nouvelle dynamique. Le succès de l’AKP montre que les électeurs turcs
recherchent un gouvernement stable à Ankara alors que l’environnement extérieur devient extrêmement dangereux pour le pays et que la crise économique exige une attention particulière. Or, le type
de coalition arc-en-ciel que Kilicdaroglu dirige a été le fléau de la politique turque pendant plusieurs décennies, avant l’ère Erdogan, et une recette pour l’instabilité. De même, il faut tenir
compte du fait que la vague de fond de l’opinion publique turque reste farouchement anti-occidentale ».
Le troisième homme s’est rallié au président sortant
Depuis que Bhadrakumar a écrit cette évaluation des résultats du premier tour, le troisième homme est sorti
de l’ambiguïté en surprenant tout le monde : il a annoncé qu’il apportait son soutien à Erdogan. L’élection semble donc jouée :
« Sinan
Ogan, qui est arrivé en troisième position lors de l’élection présidentielle de la semaine dernière en Turquie, a apporté son soutien le président Recep Tayyip Erdogan lors du second tour de
scrutin prévu dimanche prochain, 28 mai.
S’adressant aux journalistes lundi [22 mai] à Ankara, M. Ogan a déclaré : “….nous soutiendrons le président Recep Tayyip Erdogan lors du second tour (…) Nous avons mené toutes sortes de
consultations avant de prendre cette dernière décision. Nous avons pris cette décision parce que nous pensons que notre décision est la bonne pour notre nation et notre peuple“.
« L’Alliance
du peuple, la coalition menée par Recep Tayyip Erdogan, remporte 321 sièges sur 600. Soit 23 députés de moins que lors des élections générales de 2018. Malgré ce léger recul, la majorité du
président Erdogan reste solide. Son principal allié, le Parti d’action nationaliste (MHP, extrême droite), conserve une cinquantaine de sièges. »
L’Occident progressiste obtient désormais le contraire de ce qu’il recherche
La question se pose de savoir dans quelle mesure les pressions des médias occidentaux....;
Le président Erdogan est peut-être en
train d’instrumentaliser ce qui se passe après les tremblements de terre pour élaborer sa campagne de relations publiques en vue des prochaines élections.
Le décor : un confortable restaurant ossète tenu par deux femmes ossètes près de la rue Istiklal, un quartier central très fréquenté d’Istanbul.
Les acteurs : un échantillon de l’intelligentsia d’Istanbul – universitaires, médias, professionnels libéraux, avocats, très instruits, laïques, très
critiques à l’égard du parti au pouvoir, l’AKP.
Les questions : pendant le dîner, j’ai demandé aux participants leur analyse de la réponse de l’État aux tremblements de terre meurtriers en Turquie, et
comment le président Erdogan pourrait instrumentaliser ce qui se passe à la suite de ces événements pour élaborer sa campagne de relations publiques en vue des prochaines
élections.
Après notre conversation, il n’a toujours pas été officiellement confirmé si les prochaines élections présidentielles auront lieu en mai ou en juin
2023.
Le décor est donc planté pour un exercice inédit de démocratie directe, avec des réponses étonnantes, et bien plus éclairantes que ce que les médias et les
groupes de réflexion turcs peuvent raconter. L’un des participants a inventé le néologisme définitif pour désigner ce à quoi Erdogan va s’atteler au cours des semaines et des mois à venir
: La diplomatie sismique.
« Selon des universitaires et des géologues, le nombre de morts pourrait atteindre 150 000. Il n’y a pas de fiabilité. Aucun professionnalisme. Aucune
organisation. Aucune coordination. Lors du tremblement de terre de 1999, en trois ou quatre heures, les militaires turcs étaient sur place. Cette fois-ci, malheureusement, il leur a fallu
près de deux jours. Le président Erdogan a essayé de faire une sorte de campagne électorale. Cela marchera-t-il avant les élections ? Cette fois, il n’a pas eu cette chance ».
« Les gens voulaient de l’aide, et il n’y a pas eu d’aide. Après 48 heures, il n’y avait que 300 à 400 soldats sur place, rien d’autre. Parce
qu’Erdogan avait tellement peur de les appeler, contrairement à 1999. Pour les Turcs, leur perception, l’État est très important. Ils ne pensent pas au gouvernement. Ils ne voient pas la
présence de l’État. La Turquie est devenue comme une petite Amérique. C’est toujours un truc de relations publiques. L’AKP le sait mieux que tout autre parti politique. Ils sont comme
l’establishment politique américain. S’ils ont suffisamment de relations publiques et mentionnent le nom du président dans chacun de leurs communiqués de presse, ils pensent que cela
apaisera les gens. Il ne sera pas facile pour le gouvernement d’apaiser le sentiment prédominant. Ils essaieront de reporter les élections ou, deuxième scénario, dès que possible, ils
essaieront d’organiser une élection avec l’aide de cette campagne de relations publiques ».
« Permettez-moi d’exprimer une légère dissidence. En termes de réponse aux catastrophes naturelles dans ce pays, au départ, ce que vous avez, c’est des
gens qui crient à ce sujet, qui expriment leurs griefs contre le gouvernement ou l’État. En gros, contre l’absence de réponse du gouvernement. C’est une cacophonie. Le gouvernement dit :
« nous avons répondu au bon moment, mais à cause de ceci et de cela, l’opposition s’est plainte sans connaître tous les faits ». Le deuxième point est que le gouvernement a
maintenant le contrôle de la situation. Et il a fait tant de promesses : construire des maisons, mettre de l’argent dans les poches des gens. Les gens admirent donc désormais le
gouvernement. Les gens pensent qu’Erdogan peut aller demander aux riches Arabes de mettre de l’argent dans ce désastre. Certains de mes anciens étudiants ont travaillé avec des ONG
spécialisées dans les catastrophes et des institutions gouvernementales ; voici ce qu’ils me disent. Ils disent que le gouvernement a regagné le terrain perdu. Comme il y a tellement de
promesses qui circulent, les gens attendent d’Erdogan qu’il les tienne. Il pourrait donc faire basculer le psychisme des gens en sa faveur. Selon mes informations, si les élections ont
lieu comme prévu, en mai ou en juin, Erdogan a plus de chances de l’emporter. Dans chacune de ces catastrophes, trois mois après qu’elles se soient produites, les gens sont logés, bien
nourris, et quatre mois plus tard, leur état d’esprit change : ils formulent des doléances du type « quand notre maison sera-t-elle prête ? » ou « pourquoi ne nous ont-ils
pas construit des maisons de fortune ? » Ainsi, dans quatre mois, les gens seront probablement beaucoup plus critiques à l’égard du gouvernement. Ce sur quoi nous devrions nous
concentrer, c’est sur qui va perdre les élections. Et le problème est que nous n’avons pas de véritable opposition. Le principal parti d’opposition est un désastre. Si Erdogan gagne à
nouveau, ce ne sera pas qu’il a gagné, mais que l’opposition a perdu une fois de plus ».
« Nous penchons vers le désastre. Nous vivons une situation exactement similaire à « La banalité du mal » de Hanna Arendt. Une énorme
catastrophe est expliquée par les médias de masse comme étant une chose banale, ordinaire. En tant que société, nous ne nous en remettrons pas avant de nombreuses années ; blessures
physiques, blessures psychologiques, blessures morales, cette catastrophe constituera une grande partie de notre mémoire sociale. La mémoire sociale est importante – car elle accumule
notre colère. C’est vraiment un régime autoritaire – nous ne savons pas comment contrôler ou comment orienter notre colère. Nous sommes donc coincés. Je m’intéresse à l’aspect humain. Ce
tremblement de terre sera une grande occasion pour ce gouvernement d’un point de vue politico-économique. Le gouvernement se bat contre une énorme crise économique. Ils ont besoin de
zones pour l’accumulation de capital. C’est une grande opportunité pour l’accumulation de capital. Pour le secteur de la construction, la promotion des grandes entreprises. Mais en termes
de questions morales, nous nous sommes perdus ».
« Les catastrophes naturelles sont cruciales en géopolitique. Elles affectent les relations géopolitiques. Il s’agissait d’une catastrophe
extraordinaire. Il y a des critiques réelles et importantes envers le gouvernement. Ils auraient dû réagir plus rapidement, mais ils n’ont pas pu. Plus important encore : pendant
plusieurs années, de nombreux experts ont averti le pays et le gouvernement de ce qui pouvait arriver. Maintenant, le gouvernement est dans une situation difficile. Il va essayer de
reporter les élections, car sa situation est pire qu’avant le tremblement de terre. Ils ne peuvent en aucun cas utiliser cette situation pour une campagne de relations
publiques ».
« La réponse du gouvernement a été très, très tardive. J’ai étudié à Chypre et la plupart de mes amis sont de la région de Hatay. Après les
tremblements de terre, j’ai appelé beaucoup d’entre eux et ils m’ont dit qu’ils se sentaient très seuls, « le gouvernement nous a abandonnés à notre sort », et tous ont subi des
pertes dans leurs familles. Il pourrait y avoir jusqu’à 15 millions de victimes des tremblements de terre, et la plupart d’entre elles sont des électeurs de l’AKP. Si l’AKP reporte les
élections, il devra modifier la constitution. Dans les semaines à venir, ils essaieront de trouver des arrangements sur la constitution. De toute façon, le gouvernement d’Erdogan est
politiquement mort ».
« C’est le point de vue des derniers millénaires. Ce n’était pas seulement une catastrophe qui a causé la mort de toutes sortes de personnes, mais la
confiance des gens dans le gouvernement a aussi diminué à un point inimaginable. Au cours de ces 20 dernières années, les gens ont vu tellement de corruption. En ce qui concerne les dons,
les gens voulaient faire des dons mais ils ne savaient pas où, et ils pensaient que ce qu’ils donneraient finiraient dans les poches de quelqu’un d’autre. C’est un tel sentiment de
désespoir. Allons-nous faire confiance aux organisations gouvernementales, aux organisations à but non lucratif – elles recevaient bien plus de dons que le gouvernement lui-même. Le
gouvernement a essayé de discréditer les organisations à but non lucratif. Peut-être qu’ils ont raison. Cela prouve seulement que la population n’a pas confiance dans la destination de
l’argent. Les tremblements de terre laissent un héritage en Turquie. Pas seulement un tremblement de terre – ce qui compte, c’est la façon dont les gouvernements échouent dans leur
réponse à la situation. Erdogan est un homme d’affaires, il obtient toujours ce qu’il veut. Mais l’héritage de ce tremblement de terre pourrait changer cela ».
« Lors du tremblement de terre de 1999, j’ai passé trois mois dans la région. En comparant les deux, je peux dire qu’en 1999, la réponse de l’État a
été plus rapide. Cette fois, les gens étaient en avance sur l’État. Lorsque l’AKP est arrivé au pouvoir, ils se plaignaient toujours de l’ingérence de l’armée dans la politique. Vingt ans
plus tard, nous avons vu que c’est une mafia de la construction, un lobby de la construction, des entrepreneurs, qui dirige en fait ce pays. Les lois sur la construction peuvent être
modifiées en un jour au profit de ces entrepreneurs. Leurs intérêts prévalent. Ils ne se soucient pas de construire sur des lignes de faille ; toutes les décisions sont soumises aux
intérêts de ces entrepreneurs. Les gens sont donc très en colère. Les chances d’Erdogan aux prochaines élections sont très minces. Il ne devrait pas être réélu ».
Par David Narmania/RIA Novosti – Le 1 décembre 2022 – Source RT
En début de semaine, Reuters citait des hauts fonctionnaires d’Ankara affirmant
que l’armée turque avait terminé ses préparatifs pour une incursion terrestre en Syrie.
« Il ne faudra pas longtemps avant que l’opération
commence« , aurait déclaré l’une des sources de l’agence dans l’article. « Cela ne dépend plus que du mot d’ordre du
président« .
À proprement parler, l’offensive potentielle de la Turquie a un peu de retard. Le président Recep Tayyip Erdogan en a annoncé les plans en mai dernier, alors
qu’elle était censée commencer d’un jour à l’autre, mais cela n’est toujours pas le cas. Le principal objectif déclaré par Ankara est de lutter contre les unités d’autodéfense kurdes, qui, selon
la partie turque, constituent une menace très sérieuse pour sa sécurité.
Pendant ces six mois d’attente, la Turquie a réussi à mener une opération terrestre contre les Kurdes irakiens et a même failli déclencher une guerre contre la
Grèce et Chypre (la probabilité en est certes faible, mais en 2022, de tels scénarios ne sont pas impossibles).
Les Turcs ont même mené une opération aérienne contre les Kurdes en Syrie ; la raison en était une attaque terroriste à Istanbul, que la Turquie a imputée au Parti
des travailleurs du Kurdistan (KWP). Après la tragédie, les autorités turques ressemblaient un peu à une épave dans la tempête : elles n’ont pas seulement accusé indirectement le KWP de ce qui
s’était passé. Damas et, remarquablement, Washington ont également été accusées.
L’allégation était que le cerveau de l’attaque, la citoyenne syrienne Ahlam al-Bashir, a été, selon les forces de sécurité turques, entraînée par des instructeurs
américains sur le territoire contrôlé par les soi-disant Forces démocratiques syriennes (FDS).
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une base commune de la coalition occidentale et des FDS, où se trouvaient également des militaires américains, figurait parmi
les 89 cibles des frappes. Il est intéressant de noter que la Maison Blanche n’a pas été particulièrement indignée.
La prochaine « opération terrestre » dans le nord de la Syrie ne sera pas
une nouveauté pour les troupes turques, Ankara en mène régulièrement, déclarant à chaque fois avoir atteint ses objectifs, mais pour une raison quelconque, elle n’a pas réussi à éliminer
complètement la « menace kurde. »
Néanmoins, il existe de nombreuses raisons de reporter un tel événement.
Avant tout, Erdogan veut éviter de se heurter aux intérêts russes : Moscou est un partenaire fiable du président Bachar el Assad, et son soutien a été le facteur
clé qui a permis au dirigeant syrien de rester au pouvoir.
Les déclarations du président turc à cet égard sont très révélatrices : dimanche dernier, il a déclaré qu’il n’excluait pas le rétablissement et la normalisation
des relations avec Damas à l’avenir. « Il n’y a pas de
place pour la rancune en politique », a expliqué Erdogan.
Formellement, bien sûr, toute opération serait une violation de la souveraineté syrienne, mais les forces d’Assad ont peu de contrôle sur les territoires en
question. Dans le même temps, toutefois, les responsables russes ont également averti leurs homologues turcs qu’une telle opération ne contribuerait guère à la stabilité de la région.
Ces arguments ne sont pas de nature à calmer les ardeurs du sultan, le fait est que la campagne militaire est un prologue à sa campagne de réélection. L’année
prochaine, la Turquie choisira son prochain président, et il n’y a pas de succès à vanter sur la scène intérieure, où une crise économique prolongée accompagnée d’une inflation record crée un
terrain fertile pour l’opposition. Erdogan est donc obligé de compenser ce manque de résultats en cherchant à capitaliser sur la fierté de son pays.
Mais même ici, il essaie d’être prudent, ne tirant que doucement sur la barbe de l’Amérique. Prenons, par exemple, l’épopée de la candidature de la Suède et de la
Finlande à l’OTAN.
Il est important de noter le contexte : Stockholm s’est récemment doté d’un nouveau gouvernement, et le Premier ministre Ulf Kristersson, commentant au parlement le
bombardement des formations kurdes en Syrie, a déclaré que « la Turquie a le droit à l’autodéfense. » Il a également
abordé une autre question importante, qu’Ankara considère comme cruciale pour l’acceptation de nouveaux membres dans le bloc militaire dirigé par les États-Unis : Kristersson a souligné que la
Suède ne devait pas être un refuge pour les organisations terroristes. Apparemment, il faisait référence aux partisans du KWP, dont Ankara réclame l’extradition. Sa prédécesseur, Magdalena
Andersson, s’était montrée beaucoup moins conciliante sur cette question.
Bien sûr, le temps joue en faveur d’Erdogan, ce qui explique le message adressé aux politiciens scandinaves par son ministre des affaires étrangères, Mevlut
Cavusoglu, qui a déclaré que la Suède et la Finlande avaient encore des obstacles à franchir avant de rejoindre l’OTAN.
Le président turc est très doué pour le marchandage, et même lorsqu’il mène des actions qui vont à l’encontre des intérêts de ses partenaires – tant les États-Unis
que la Russie – il utilise habilement des concessions attrayantes pour arrondir les angles.
L’essentiel dans cette situation est de comprendre que Moscou et Ankara ne sont pas des alliés, mais des partenaires et des voisins dont les intérêts se chevauchent
et doivent être pris en compte. Une politique digne du monde multipolaire que les deux pays espèrent contribuer à construire.
Et bien sûr, une Turquie indépendante et au moins relativement stable, est une bien meilleure option pour la Russie qu’une Turquie obéissant à Washington.
David
Narmania
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
Ukraine vs Turquie : Les Américains jouent contre les pays de la Mer Noire
La Turquie et l’Ukraine étaient passionnément amies jusqu’à l’été 2022. L’Ukraine avait gracieusement accordé à la Turquie une liberté d’action presque absolue sur la péninsule de Crimée, et les
Turcs chérissaient les Tatars de Crimée mieux que leurs sujets turcs natifs. Ukrainiens et Turcs formaient une alliance joyeuse contre les Russes. Mais ensuite, les choses ont changé…
Cet article initialement publié sur Politika.ru n’engage
pas la ligne éditoriale du Courrier
Il est difficile de dire comment Nezalezhnaya (autre nom de l’Ukraine) prévoyait alors de partager la Crimée avec Erdogan. Mais l’Ukraine n’avait pas interféré avec
le travail de l’Assemblée des Tatars de Crimée (Mejlis) et du leader du « Mouvement national des Tatars de Crimée » en Ukraine, Refat Chubarov. Elle a même accueilli leurs activités de
toutes les manières possibles, jusqu’à la création de « bataillons spéciaux de Crimée Tatars ». Et c’est la Turquie qui a formé et équipé ces guerriers.
« Frères pour toujours » …
Puis, après février 2022, avec une certaine audace, la Turquie a commencé à fournir à l’Ukraine ses drones « Bayraktar », qui ont fait sensation partout.
Et c’est ainsi que les Turcs et les Ukrainiens sont devenus amis : frères pour toujours ! L’amitié de l’Ukraine avec une puissance importante de la mer Noire était plus que justifiée : il n’y a
plus de partenaire, sur la côte de cette mer, comme contrepoids à la Russie. Surtout après une tentative désespérée (jusqu’en 2014) d’isoler la Crimée de la Russie, même au prix de sa
« turquification ». Et l’OTAN, avec les Anglo-Saxons, a pleinement fait confiance à la capacité du « partenaire d’Erdogan » à rétablir l’ordre nécessaire dans la région de la
mer Noire.
Cependant, les tensions américaines avec la Russie ont balayé toutes les cartes : pour les Européens, pour les Ukrainiens et pour les Anglo-Saxons eux-mêmes. Les
Russes ont procédé avec pugnacité à l’achèvement de la construction de Nord Stream 2 et ont ouvertement déclaré que l’Ukraine était un partenaire de transit peu fiable pour le pétrole et le gaz.
Non seulement, il mettait en péril ses besoins énergétiques, mais aussi l’engagement de la Russie envers l’Union européenne. Verser ainsi des milliards de dollars pour le transit
d’hydrocarbures à une Ukraine « fraternelle » mais « russophobe » ressemblait déjà à une forme de masochisme. Le président Vladimir Poutine avait, à juste, titre souligné
que non seulement les Américains développent un projet « anti-Russie » en Ukraine, mais en outre, ils essaient aussi de le faire financer par la Russie.…
… jusqu’au projet de Hub gazier Turc
La politique de sanctions impulsées par les Américains a conduit l’Europe à subir des prix de l’énergie sept à huit fois plus élevés que d’habitude, et, de facto, à
plonger inévitablement son économie dans la récession. C’était prévisible pour tout le monde, y compris par Erdogan. Et quand Vladimir Poutine a proposé de créer un hub gazier pour
l’Europe, non pas en Allemagne, mais en Turquie, les Turcs n’ont pas hésité longtemps : ils ont accepté cette proposition et se précipitent maintenant avec la Russie pour réaliser le projet
de nouveaux gazoducs au fond de la mer Noire.
Oui, les objectifs de la Russie sont évidents : il s’agit de préserver une bonne partie du marché européen des hydrocarbures et de minimiser les risques lors
du transport d’hydrocarbures à travers l’Ukraine, laquelle a totalement basculé dans l’hystérie de Bandera… Cependant, la Russie n’abonne toujours pas le système de transport de gaz de
l’Ukraine.
Les avantages pour la Turquie sont plus qu’évidents : les Européens ont maintenu les Turcs sur le tapis aux portes de l’UE pendant un temps long, et de façon
arrogante, ce qui finalement est impardonnable. Leurs intérêts n’ont pas du tout été pris en compte. La voix de la Turquie ne résonne pas en Europe. Erdogan, en revanche, voit parfaitement
le rôle des vecteurs énergétiques dans le monde moderne : l’énergie conduit à tout. Par conséquent, le président Turc a fait un doigt d’honneur, à la fois à l’Ukraine
« indépendante » et à l’Europe « unie » : il a accepté la proposition du président russe d’établir un hub gazier.
Ayant les forces navales les plus puissantes de la mer Noire, contrôlant l’entrée même de la mer Noire, la Turquie et la Russie sont en mesure de garantir la
sécurité des oléoducs et gazoducs posés. La Russie n’a pas réussi à le faire dans la mer Baltique, et il n’y a pas plus de « Nord Stream ». L’Allemagne ne voulait pas ou ne pouvait pas
devenir un hub. Maintenant, elle va vivre une histoire complètement différente.
Colère ukrainienne ou américaine ?
Du coup, les « féroces Ukrainiens ont bien sûr été très en colère contre le « frère » turc, ledit « frère » sélectionnant avec diligence le transit
du gaz russe vers l’Europe et ne fournissant plus «Bayraktary». Erdogan a placé les intérêts de son pays au-dessus des bandes dessinées de Zelensky, ou de celui qui en est responsable
maintenant …
Et dimanche dernier, le 13 novembre, à 16h20, la plus grande attaque terroriste de ces derniers temps a eu lieu dans la rue bondée d’Istiklal à Istanbul : déjà 8
morts et plus de 80 blessés. Les forces de l’ordre turques ont désigné les « détachements d’autodéfense du peuple kurde » comme les auteurs de l’attaque. Le principal auteur de
l’attentat ainsi que plus d’une douzaine de ses complices capturés vivants, témoignent déjà avec force et force en ce sens.
Mais voici ce qui est intéressant : les Turcs n’ont infligé aucune « frappe de représailles » aux formations kurdes en Syrie (d’où les terroristes sont
arrivés par la Grèce (!)) et, ils ne sont pas revenus sur le sujet des rebelles kurdes … A contrario, le chef du ministère turc de l’Intérieur a commenté en ces termes la réaction américaine à
l’attaque terroriste d’Istanbul : « Nous n’acceptons pas et rejetons les condoléances de l’ambassade des États-Unis concernant l’attentat terroriste
d’Istanbul » ! Et de poursuivre : « Nous savons où l’attaque a été coordonnée. Nous avons reçu le message qui nous a été donné, et nous savons quel est
ce message. Nous ne trahissons personne, mais nous n’avons plus aucune tolérance pour ces actes de trahison ».
Entre-temps, le ministère turc de l’Intérieur a indiqué que des tests en laboratoire ont révélé les détails suivants : l’explosif utilisé dans l’attentat terroriste
d’Istanbul est du trinitrotoluène (TNT). Certaines sources indiquent très clairement que les explosifs ont été livrés d’Odessa, et les services spéciaux américains ont été mouillés jusqu’au
cou dans l’organisation de l’attaque terroriste. C’est pourquoi le ministre turc a eu une réaction d’une sévérité sans précédent en réponse aux condoléances officielles des
États-Unis. Traduit dans la langue d’une personne ordinaire, le message du ministre ressemble à peu près à ceci : « D’accord, les Américains – il n’y a nulle part où vous
« tamponner » … Mais vous, les Ukrainiens, vous avez tiré en premier. Nous n’oublierons pas et nous ne pardonnerons pas. Attendez de voir ». C’est ainsi que
l’on peut traduire les déclarations du ministre turc de l’Intérieur, Suleiman Soylu.
Depuis des siècles, les Américains installent le conflit entre l’Ukraine et la Turquie. Ils entendent représenter un contrepoids à la Turquie sur la mer Noire. Et
ils croient que l’Ukraine (lorsqu’elle vaincra la Russie dans la guerre…) se débrouillera complètement pour contenir la Turquie sur la mer Noire. Ils vont d’ailleurs construire une flotte dans ce
but. C’est pourquoi les Américains n’ont pas trop masqué leur « message ». C’est pourquoi les Ukrainiens avec leurs explosifs, eux, ont été démasqués…
Tout ceci nous ramène à la règle séculaire préférée des Anglo-Saxons dans les colonies « Diviser
pour régner ! ».
Le gaz naturel, la vraie cause de l'agressivité diplomatique et militaire de la Turquie en Méditerranée ?
...par le Gal. François Chauvancy - Le 14/08/2020.
Avec la nécessité de trouver une source d’énergie plus propre que le pétrole ou le charbon, le gaz naturel a pris de plus en plus d’importance.
Il est en effet considéré comme l’un des combustibles fossiles les plus propres parce qu’il émet moins de carbone, soit environ 50% de moins que le charbon. La consommation mondiale de gaz
continue donc d’augmenter de manière significative, soit de 4,6 % en 2018. L’organisation maritime internationale s’est donnée par exemple pour objectif de réduire ces émissions de
CO2 de 50 % en 2050 par rapport à 2008 et les marines du monde
entier se transforment pour abandonner le fuel très polluant au profit du gaz[1].
Quatre-vingts billions de M3 des réserves mondiales déclarées et estimées à environ 200 billions de mètres cubes
sont localisés dans la région du Moyen-Orient.
Les réserves de gaz à l’Est de la Méditerranée dans les ZEE d’Égypte, de Palestine (Gaza), d’Israël, du Liban[2], de Syrie et de
Chypre, sont évaluées à environ 50 billions de mètres cubes, l’équivalent des réserves du Qatar, premier exportateur en gaz naturel liquéfié (GNL) et 3ème réserve du monde. Depuis 2010, les découvertes de gaz en Méditerranée se sont
multipliées au large d’Israël, du Liban, de Chypre et de l’Égypte[3]. Fin 2019, Israël a commencé à extraire du gaz du gisement Leviathan, soit neuf
ans après sa découverte. Chypre a autorisé la construction d’une infrastructure de GNL indispensable à la commercialisation du GNL.
En outre, en 2017, les États-Unis ont ravi à la Russie[4] le titre de plus grand producteur mondial de gaz qu’il soit liquéfié ou sous
forme gazeuse. Cette exploitation du gaz de schiste a fait chuter drastiquement les prix et a généralisé l’usage du gaz dans l’industrie. En 2017, les exportations de gaz des États-Unis ont
surpassé les importations pour la première fois depuis 1957. Les États-Unis devraient devenir le 3ème exportateur de GNL dès 2021, après le Qatar et l’Australie, bien que les
conséquences de la pandémie COVID-19 pourraient remettre en question ce positionnement. L’Agence internationale de l’énergie prévoit pour l’instant que ces États approvisionneront près des deux
tiers du marché mondial du GNL d’ici 2023.
La croissance du marché mondial du gaz est stimulée en partie par la demande de la Chine. Première importatrice mondiale de gaz naturel dont la
moitié est constituée de GNL, elle devrait en 2024 consommer 40% de la demande mondiale[5]. D’ici 2050, sa consommation devrait augmenter de 150 %, notamment pour remplacer
le charbon trop polluant. Constatons surtout que la moitié de ces États producteurs sont concernés plus ou moins directement par les conflits au Moyen-Orient et en Méditerranée
orientale.
Les dix principaux producteurs de gaz naturel en 2017
LA MAINMISE SUR LES RÉSERVES DE GAZ EN MÉDITERRANÉE
Le contrôle de l’exploitation et la vente du gaz naturel donnent une explication des tensions actuelles. Ils expliquent en partie la création
de l’axe Turquie-Qatar qui s’appuie sur plusieurs facteurs. La Turquie a apporté sa protection au Qatar contre ses voisins saoudien et émiratis depuis juin 2017. Le Qatar était impliqué
militairement dans la chute de Kadhafi de 2011 à 2014. Cette alliance permet aujourd’hui un retour de la Turquie en Afrique du Nord, mais aussi en Méditerranée dans cette revendication turque sur
les ressources en gaz. Ce positionnement est à la fois géopolitique et économique, avec ce besoin d’accéder à des sources d’énergie la rendant moins dépendante d’Etats gaziers
exportateurs.
Aujourd’hui, la Turquie est en effet dépendante des gaz russe et iranien. Dans le passé, elle avait tenté de construire avec Israël un gazoduc
entre Tel-Aviv et Ankara. Des accords régionaux avaient été signés en 2011 pour construire des gazoducs, l’un reliant le Qatar à la Turquie en passant par l’Arabie saoudite et la Syrie, l’autre,
reliant l’Iran à la Turquie via l’Irak et la Syrie, restés sans suite en raison des crises du Moyen-Orient.
De fait, le soutien politique officiel de la Turquie au gouvernement libyen de Faïez Sarraj, chef du gouvernement d’union nationale se comprend
mieux. Reconnu par les Nations unies mais ne contrôlant qu’une partie du territoire libyen, il est soutenu par Ankara et Doha. Or, son opposant, le gouvernement de Tobrouk du maréchal Khalifa
Haftar, est soutenu par le Caire, Riyad et Abou Dhabi et contrôle l’ensemble des champs pétroliers et gaziers en Cyrénaïque.
C’est pourquoi la Turquie a signé le 27 novembre 2019 un accord maritime avec Tripoli. Selon cet accord, les nouvelles limites du plateau
continental turc apparaissent considérablement élargies en Méditerranée, aux dépens de Chypre mais aussi de la Grèce et de ses îles (Crète et Rhodes). Il légitime la recherche des gisements de
gaz par la Turquie en s’appuyant sur le rejet du droit international.
Cette situation n’est cependant pas nouvelle mais jusqu’à présent Ankara maintenait un profil relativement modéré. La Turquie a certes déclaré
à maintes reprises ne pas reconnaître les accords concernant la délimitation des frontières maritimes et des zones économiques exclusives signés entre l’Égypte, Israël et le Liban. Elle a menacé
les entreprises ayant signé des accords avec ces pays en vue de l’exploration, de l’extraction et de la commercialisation de leur gaz.
En février 2018, la marine turque a bloqué l’accès d’un navire d’exploration de la firme italienne ENI à des gisements offshore. En novembre 2019, des navires de guerre turcs ont ordonné à un navire de recherche israélien de quitter les eaux contestées. Ainsi, le 11 décembre 2019, le
ministre des affaires étrangères turc déclarait que son pays pourrait utiliser la force militaire pour s’opposer aux forages au large de Chypre dont elle conteste 44 % de la zone économique
exclusive (ZEE). Le 22 juillet 2020, la Turquie déploie dans les eaux grecques 18 navires de guerre protégeant un navire d’exploration d’hydrocarbures. Le 10 août 2020, elle récidive avec cinq
navires de guerre dans une autre partie de la ZEE grecque.
UNE CRISE GÉOPOLITIQUE QUI S’ÉTEND AU-DELÀ DE LA MÉDITERRANÉE ORIENTALE
En guise de réaction, le Congrès américain a levé l’embargo le 17 décembre 2019 sur la vente d’armes à Nicosie à travers deux projets de loi en
soutien à la République de Chypre dans ses différends territoriaux et énergétiques avec la Turquie. Il renforce l’aide à la sécurité pour Chypre tout en condamnant la Turquie pour ses activités
de forage au large de l’île.
Pour sa part, l’Union européenne a décidé d’imposer à la Turquie un certain nombre de sanctions économiques, financières et politiques, compte tenu que la partie de
Chypre[6] représentée par les
Chypriotes grecs est membre de l’Union européenne. Surtout, la sécurité énergétique de l’Union européenne est menacée par cette agressivité turque qui menace désormais le lancement du projet de
gazoduc Eastmed de 2 000 kilomètres. Projet initié en 2010, il vise à transporter entre 9 milliards et 11 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an depuis les réserves offshore au large de
Chypre et d’Israël vers la Grèce, puis vers le reste de l’Union européenne. Il répond à l’objectif européen de diversifier les sources d’approvisionnement en gaz et d’indépendance face aux
fournisseurs russes.
.
Le Point du 16 juillet 2020. La complexité géopolitique de la Méditerranée orientale
(carte remarquable !)
En effet, le rôle de la Russie, grand producteur de gaz, ne peut être ignoré. En Libye, elle est présente avec les « mercenaires » du
groupe Wagner et des forces aériennes « confiées » au maréchal Haftar (Cf. Ouest-France du 20 mai
2020). Elle est surtout un acteur majeur dans le conflit économique concernant le gazoduc Nordstream2 qu’elle construit avec l’Allemagne et fait l’objet de sanctions
américaines pour empêcher sa réalisation (Cf. Le Figaro du 19 décembre
2019 et du 10 août 2020).
Ce « conflit géoéconomique » étend la crise en Méditerranée orientale et la complexifie. Il rend encore plus difficile la médiation
potentielle de l’Allemagne au nom de l’Union européenne avec la Turquie. Zone de rivalité entre la Russie et les Etats-Unis, la crise ukrainienne s’intègre à ce conflit en Méditerranée orientale
par le gaz naturel puisque Nordstream 2 vise à diminuer les taxes de transit dues à l‘Ukraine, soit trois milliards de dollars par an.
POUR CONCLURE
Sans qu’il ne soit la principale cause des tensions en Méditerranée orientale, le gaz est un facteur qui ne peut être écarté. Il reste
cependant au moins le prétexte, sinon la raison profonde de l’agressivité diplomatique et militaire de la Turquie.
Le gaz vaut-il une guerre en Méditerranée ? L’avenir le dira mais l’inquiétude exprimé par les Etats-Unis sur la tension franco-turque
d’une part, sur les relations particulières américano-turques interpellent. Les Etats-Unis ne soutiennent pas vraiment la France d’autant que d’importantes manœuvres navales ont rassemblé fin
juillet les marines américaines et turques, symbole bien gênant de la solidarité transatlantique.
Quant à la France, le président Macron a décidé de renforcer les moyens militaires navals et aériens en Méditerranée. Cette décision répond à
plusieurs objectifs :
D’abord, mettre en application le partenariat stratégique que la France et la Grèce ont signé en 2020. Les souverainetés grecque sinon
chypriote doivent être garanties ;
Ensuite, donner un coup de semonce à la politique agressive sinon militariste de la Turquie en Méditerranée orientale ;
Enfin, montrer l’inquiétude de la France devant une situation internationale qui se dégrade en Méditerranée.
Dans ce contexte tendu, l’OTAN a montré sa grande réserve à s’impliquer mais la France agit. Elle attend sans aucun doute un réel soutien de
l’Union européenne qui paraît bien timide dans la protection de ses Etats-membres que sont la Grèce et Chypre. Pourtant l’article 42 du traité de Lisbonne impose un devoir d’assistance mutuelle
si l’un des membres de l’Union européenne est agressé sur son territoire et ne faut-il pas s’y préparer ?
Ne pas réagir avec fermeté maintenant pourrait mettre l’Union européenne demain dans une situation diplomatique sinon militaire
difficile
[2] Les études ont estimé la part du Liban en gaz naturel offshore à environ 11
billions de mètres cubes.
[3]Ces gisements géants baptisés « Tamar » et « Léviathan » ont
été découverts dans les eaux israéliennes en 2009 et 2010, « Aphrodite » au large de Chypre en 2011, « Zohr » en 2015 au large de l’Égypte.
[4]Plus de 94 % de la production de gaz naturel en Russie est contrôlée par
Gazprom, une société appartenant au gouvernement russe, qui fournit 40 % du gaz de l’Union européenne.
[6]En juin 1974, la Turquie est intervenue à Chypre sous prétexte que le coup d’état
contre le président Makarios menaçait les Chypriotes turcs de l’île, dont elle a fini par occuper le tiers du territoire.
Le projet d’Ankara : La destruction totale de la Libye
Les tensions causées par le
conflit libyen ne se sont pas seulement amplifiées entre deux partis du pays – le Gouvernement Fayez el-Sarraj (حكومة الوفاق الوطني GNA) et l’Armée de libération nationale libyenne (جيش التحرير
الوطني الليبي LNA) – mais également entre les pouvoirs étrangers.
L’Égypte en
particulier a été inclue au conflit. La semaine dernière, le Caire a défini la « ligne
rouge », dont le franchissement pourrait amener la plus grande armée des républiques arabes à envahir la Libye.
Le GNA, dirigé par Faiz Saraj, devrait « se souvenir de sa place », a
dit une source officielle au Ministère Égyptien des Affaires Étrangères en commentant des propos sévères envers Abdel Fattah al-Sisi, le président de la République Arabe d’Égypte.
« Ils doivent connaître leur place, ils
doivent comprendre la réalité de leur taille en Libye et à qui ils sont en train de parler. L’Égypte a fait preuve d’une grande patience, mais sera extrêmement ferme envers toute violation ou
tentative de mise en péril de ses intérêts nationaux et de sa sécurité », a déclaré le ministre égyptien des affaires étrangères.
En réponse à cette déclaration, le ministre de la défense du GNA libyen a déclaré que le GNA continuerait de prendre des mesures pour « libérer » la cité
portuaire de Syrte de la LNA et de son commandant en chef le Marshal Khalifa Haftar, en dépit des mises en garde égyptiennes.
« Aucune ‘ligne rouge’ ne peut interférer
avec l’avancée de nos forces vers Syrte », a déclaré Salah ad-Din al-Namrush le ministre adjoint de la Défense du GNA dans une interview publiée le 25 Juin par l’agence de presse du
gouvernement turque Anadolu.
Il est intéressant de mentionner que le 6 Juin, le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi a dévoilé son plan pour la paix, qui vise l’arrêt des hostilités et le
retour à la table des négociations du dirigeant de la LNA Khalifa Haftar et de son homologue de la GNA Faiz Saraj, après une série de défaites militaires de la LNA près de Tripoli.
D’après le chef d’état égyptien, son plan signifierait le règlement rapide de la crise libyenne et le retour du pays à une vie normale.
« Les propositions d’initiatives envers
toutes les parties du conflit libyen pour établir un cesser-le-feu ont débuté le 8 Juin », a déclaré Abdel Fattah al-Sisi lors d’une conférence de presse commune au Caire avec Khalifa
Haftar, le dirigeant du LNA et Akila Saleh, le porte-parole de la chambre des représentants (ou conseil des députés, parlement élu de manière permanente et basé à Tobrouk [depuis relocalisée à Benghazi, NdT]). Abdel Fattah al-Sisi a expliqué que cette initiative, appelée « Déclaration du Caire », est
exclusivement inter-libyenne.
En parallèle, Khaled al-Meshri, à la tête de l’assemblée législative agissant conjointement avec le dirigeant du GNA Faiz Saraj, a déclaré que les libyens n’avaient
aucun besoin de nouvelles initiatives et a empêché la tentative d’Haftar de revenir aux négociations après les défaites militaires proches de Tripoli.
Il est de plus important de rappeler que le 4 Juin, à la veille de l’annonce de l’initiative du Caire par les autorités égyptiennes, Faiz Saraj était arrivé à
Ankara pour une « visite de
travail ». Il y avait rencontré le président turc Recep Tayyip Erdogan et, d’après les résultats de la réunion, il fut décidé que Khalifa Haftar « n’a aucun droit d’être représentant à la
table des négociations inter-libyennes ».
De ce fait, le plan pour la paix du président égyptien a été soutenu par quelques pays, mais certainement pas par la Turquie. En réalité, les autorités turques
n’ont jamais cessé d’interférer dans le conflit libyen, et de montrer leur soutien pour le GNA. De plus, la Turquie a déclaré que son intervention dans le conflit militaire en Libye est légale et
qu’elle n’enfreint aucune loi internationale.
Le 26 Juin, le ministre turc de la défense Hulusi Akar a déclaré à l’agence de presse İhlas Haber Ajansı que la présence turque en Libye débuta en 2010. Akar a
souligné que cette présence s’est déroulée et se déroule encore à travers des accords déjà en place, et que le chef du GNA Faiz Saraj « s’est personnellement adressé au
président turc et lui a demandé d’envoyer l’armée, l’interférence dans le conflit est donc justifiée. »
La Turquie utilise ainsi cet argument pour créer une intervention de grande envergure en Libye. Le 14 Juin, le journal libyen The Libyan Observer a indiqué que la
Turquie avait pour intention d’ouvrir deux bases militaires en Libye.
Selon les sources de cette agence de presse, dans le cadre de la coopération militaire et technique, Ankara va déployer des systèmes de défense aérienne ainsi que
des drones sur la base de Al-Vatiyya, dans l’ouest du pays. Les forces militaires turques seront également localisées dans une base près de la ville de Misrata. De surcroît, la Turquie envisage
d’organiser des missions navales pour « prévenir des menaces provenant de la mer
envers le pays ». En lien avec la coopération entre Ankara et Tripoli, la Turquie projette également de débuter l’exploration et les forages pétroliers.
De telles ambitions montrées par le gouvernement turc ne sont pas bien accueillies du tout par ses partenaires de l’OTAN. La France en particulier a montré son
irritation grandissante du fait des incidents en Mer Méditerranée.
Le 10 Juin, sept bateaux turcs ont tenté de livrer du matériel militaire sur la côte libyenne en violation de l’embargo sur les armes établi par le Conseil de
Sécurité de l’ONU contre la Libye. La frégate française Courbet, qui faisait à ce moment office dans la mission « Sea Guard » de l’OTAN, est
intervenue dans cette opération malfaisante et, en réponse, les navires turcs ont audacieusement pointé leurs systèmes d’attaque vers le bâtiment français.
Le président français Emmanuel Macron a commenté l’incident, déclarant que « la Turquie joue un jeu dangereux en
Libye » et que la France « ne tolérera pas ce
jeu ».
La Grèce exprime également ouvertement son mécontentement envers la politique extérieure turque. Le ministre des affaires étrangères grec Nikos Dendias a déclaré
que la Turquie « sape la
sécurité et la stabilité dans l’est méditerranéen, viole la souveraineté de la Libye, de la Syrie, de l’Irak et de Chypre ».
Il a fait cette déclaration a la fin de sa visite, conjointement avec Josep Borrell, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de
sécurité, dans la ville de Kastanies dans la région d’Evros, à la frontière avec la Turquie. Dendias a indiqué que la Turquie a activement envoyé des migrants, en les encourageant à franchir la
frontière avec l’Union Européenne, mais que « cette tentative de chantage a
échoué ».
L’opinion que les ambitions de politique étrangère d’Erdogan deviennent trop agressives et dangereuses pour l’Europe est désormais partagée par les politiques
allemands. Stefan Keuter, membre AfD du Bundestag a continuellement exprimé ces inquiétudes envers la politique étrangère turque – il pense que les activités d’Erdogan se sont montrées à
plusieurs reprise un « accélérateur de feu, particulièrement
concernant la migration illégale en Europe ».
C’est avec une grande attention que moi, mais également beaucoup de mes collègues du parlement, regardons les activités Turques, et pas seulement en Libye. Tout
ce que fait Erdogan en termes de politiques étrangère a un impact direct sur l’Europe – et sur l’Allemagne. Malheureusement, surtout un très mauvais impact.
Le complexe militaro-industriel a
toujours été et demeure l’indicateur le plus important de la souveraineté de tout pays. C’est ce que montrent les processus que nous observons au cours des deux dernières décennies en
Eurasie et en Afrique avec la participation de la Turquie et de son industrie de la défense.
Le fait que les Turcs se soient tournés vers leur héritage impérial depuis l’arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan a inévitablement conduit à deux
impératifs. Tout d’abord, Ankara devait établir des contacts avec le monde non occidental de l’Asie et de l’Afrique. En particulier avec cette partie qui faisait autrefois partie de
l’Empire ottoman, comme l’Égypte, la Syrie, la Libye et d’autres. Cela a conduit à une distance ou à une réduction au minimum nécessaire des contacts de la Turquie avec l’Occident. En
conséquence, la Turquie n’a jamais rejoint l’UE, alors les États-Unis estiment possible d’imposer des sanctions contre leur allié de l’OTAN.
L’autre impératif était l’apparition d’un complexe militaro-industriel turc autonome. Sinon, les ambitions impériales sembleraient étranges non
seulement aux yeux de l’Occident, mais aussi dans la perception de leur public cible : les pays asiatiques et africains. Et dans ce sens également la Turquie a relativement
réussi.
Si au début du XXIe siècle, la Turquie dépendait
de l’importation de divers types de produits militaires (jusqu’à 80%), en 2023, cela ne représente plus que 20%. Les livraisons d’armes des États-Unis ont diminué de plus de
80%. Il est également à noter qu’en 2002, l’industrie militaro-industrielle turque n’était représentée que par 56 entreprises, tandis qu’aujourd’hui, il en existe 1500.
Au début du siècle, la Turquie exportait des armements pour une valeur de 248 millions de dollars, aujourd’hui ce chiffre a
dépassé les 4,4 milliards de dollars.
La géographie des livraisons de produits militaires turcs s’est étendue au-delà de l’espace post-ottoman. Il s’agit d’une coopération militaro-technique
avec un acteur militaire aussi puissant que le Pakistan. Ce pays est le seul dans le monde islamique à posséder un arsenal nucléaire. De plus, Islamabad figure constamment dans la
liste des 25 armées les
plus puissantes du monde (25 Most Powerful Militaries in the World), dans les
rapports de Business
Insider.
La coopération étroite de la Turquie avec le Pakistan se concentre avant tout sur la production conjointe de missiles et d’avions de combat. Islamabad a
déjà officiellement rejoint le développement du chasseur de cinquième génération TF-X Kaan de la compagnie turque Tusaş. Fin octobre 2023, le directeur général de Tusaş, Temel Kotil,
a déclaré que le chasseur avait passé des essais statiques et des tests de résistance dans le cadre de la préparation de son premier vol. L’aviation de combat reste pratiquement le
point le plus faible de la défense turque, malgré l’augmentation des capacités de production, l’exportation d’armements et les développements dans le domaine aérospatial.
Il n’est donc pas surprenant que les autorités turques aient annoncé des plans pour acheter 40 chasseurs Eurofighter Typhoon dans le cadre du
renforcement de la puissance de leur force aérienne. Cependant, parmi les trois fabricants du chasseur, qui sont l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Allemagne, cette dernière s’y oppose.
Les contradictions turco-allemandes (et pas seulement dans le domaine militaire) étaient également évidentes lors de la récente visite d’Erdogan à Berlin.
Le talon d’Achille de l’industrie militaro-industrielle turque reste la défense aérienne. Depuis 2007, les entreprises Aselsan et Roketsan développent
et testent des systèmes de missiles de défense aérienne de courte et longue portée Hisar. De plus, en 2023, lors du Salon international de l’industrie de la défense IDEF, les Turcs
ont présenté un nouveau système hybride Gurz et d’autres modèles. Mais il n’est pas encore question de leur production en série. D’où l’intérêt compréhensible de la Turquie pour les
systèmes antiaériens russes S-400. Les Turcs se sont tournés vers l’achat de systèmes de défense aérienne russes après que les États-Unis ont refusé de leur fournir des systèmes
Patriot, entraînant des sanctions américaines contre la Turquie pour cette raison.
La Turquie ne possède pas non plus de forces de missiles stratégiques. En 2022, les Turcs ont procédé à un lancement d’essai du missile balistique
Tayfun. Cependant, il s’agit d’une arme à courte portée, 563 km, alors que le ministère russe de la Défense considère les missiles comme stratégiques seulement s’ils peuvent parcourir
au moins 1000 km.
Les Turcs ont également des ambitions dans le domaine de la construction de chars. Mehmet Karaaslan, directeur général de BMC, a
annoncé que le char Altay entrerait en production en série en 2025. Bien qu’on puisse discuter longuement de ses caractéristiques tactico-techniques, ce char ne peut être
considéré comme entièrement national. Sans les composants coréens de Hyundai, ces chars ne fonctionneraient pas. Sans parler du fait que, selon les évaluations des experts, la
construction de véhicules blindés a également eu recours à des technologies allemandes (Leopard 2).
Néanmoins, les armes turques se répandent à travers le monde. Les armements se sont bien montrés, ayant été éprouvés dans plusieurs conflits en Asie et
en Afrique. La Syrie, la Libye, le Karabakh ne sont que quelques exemples des points chauds où des drones Bayraktar et des systèmes de guerre électronique Aselsan Koral se sont
illustrés.
Il ne fait aucun doute que si les développements actuels de l’industrie militaro-industrielle turque se poursuivent, le pays disposera dans un avenir
prévisible de sa propre aviation de combat, de missiles stratégiques et de chars. D’autant plus que la Turquie a la motivation de développer son secteur de la défense en raison du
refus des États-Unis et de l’Union européenne de coopérer.