Lettre-réponse du général (2S) FOURNIER, Président de SOLDIS ALGERIE, au journal Le Monde - Le 30/03/2021.

 

Source : ASAF

 

Suite à un article du Monde du 17 mars dernier, le Général (2s) Henry-Jean Fournier évoque la question scandaleusement occultée des disparus lors de la guerre d'Algérie. 

 

 

 

Le général {2S) Henry-Jean FOURNIER
Président de SOLDIS ALGERIE

Le 25 mars 2021

 

à Monsieur Jérôme FENOGLIO
directeur du journal Le Monde
80 Boulevard Auguste Blanqui
75707 - PARIS

 

 

Monsieur le Directeur,

 

Je viens de prendre connaissance de l'articte publié, sous la signature de Mme Ftorence BEAUGE, dans votre édition du Journal LE MONDE du jeudi 18 mars 2021 .

Cette lecture évoque en moi un autre tabou, glissé sous le tapis depuis près de 60 ans et qui ne devrait pas manquer d'éveiller également la compassion de l'auteur et de vos lecteurs : celui des militaires et des civils portés disparus durant la guerre d'Algérie, y compris après le cessez-te-feu ,,, et dont les corps n'ont jamais été rendus à leurs famittes

En tant que président de l'Association pour la mémoire des militaires portés disparus en Algérie (SOLDIS ALGERIE), je souhaite porter à votre connaissance une autre souffrance toujours vivace, mais malheureusement ignorée des médias : celle des familtes et des amis de ces disparus dont on ne sait ce qu'ils sont devenus. Seuls de rares témoignages de quelques-uns, libérés ou évadés durant la guerre, permettent de mesurer le calvaire de ces hommes et femmes après qu'ils ont été capturés ou enlevés. Et l'on imagine aisément leur sort en examinant les photos des quelques corps parfois retrouvés, atrocement mutilés, défigurés, meurtris et abandonnés aux bêtes sauvages.

Dans ce douloureux cortège, je pourrais vous présenter le cas de tel ou tel, promené de douar en douar et livré à la vindicte des foules (elles-mêmes agissant sous la menace) pour être finalement * exécuté " en étant, par exemple, pendu par les pieds à un arbre. Je pourrais aussi évoquer la mémoire de cette épouse de gendarme, enlevée avec ses deux très jeunes enfants alors qu'elle circulait en voiture avec son mari, au lendemain des accords d'Evian, et dont on a retrouvé le corps dépecé, à côté de ses enfants au crâne fracassé.
Je pourrais évoquer le cas de ce sous-officier, à Oran, préparant son déménagement, le 5 juittet 1962, enlevé sous les yeux de sa fille de 15 ans, elle-même poursuivie par une foule en furie et n'échappant que de peu à un sort que l'on devine.

Je pourrais évoquer le cas de cette assistance sociale mititaire, enlevée ators qu'elle se rendait dans un village et que l'on n'a jamais revue...
Je pourrais évoquer le cas de ce jeune médecin militaire, enlevé dans une embuscade ators qu'il revenait, sans escorte, d'un village dans la montagne, où il avait porté assistance à quelques familles.
Je pourrais évoquer aussi le cas de ces nombreux militaires français de souche nord-africaine, servant loyalement la France, parce qu'ils étaient Français et obéissaient aux ordres de leur gouvernement, enlevés pendant leurs permissions dans leurs familles, avant d'être "condamnés" pour trahison et de subir des sévices que la pudeur interdit d'écrire dans un journal tel que le vôtre.

Je pourrais dire tout cela et bien plus encore, puisque que ce sort tragique a concerné, durant cette guerre, un millier de militaires portés disparus et 1700 civils disparus, hommes, femmes et enfants confondus. Leurs parents, souvent morts de chagrin, ne sont plus là pour susciter votre compassion, mais vous pourrez sans peine imaginer la souffrance morale qu'ils ont pu endurer durant toutes ces années. Leurs enfants, pour ceux qui en avaient eu, n'ont reçu aucune aide, ni morale, ni matérielle, ni même psychologique. lls vivent toujours aujourd'hui dans ce silence de l'oubli qui fait de la disparition un drame pire que la mort, car celle-ci est une certitude. lls sont morts une première fois, de façon violente et brutate, après leur disparition ; puis ils sont morts une deuxième fois, de façon lente et inexorable, avec le temps de l'incertitude et de l'espoir toujours déçu ; et par votre écrit, à la fois partiel et partiat, vous les faites mourir une troisième fois, mais cette fois, dans l'oubli !

Quant aux rares rescapés revenus de cet enfer ou le taux de mortalité des prisonniers a été plus élevé que dans les pires camps des autres guerres, ils disparaissent à nouveau aujourd'hui, un à un, sans que personne n'évoque les souffrances morales et physiques endurées et que, régulièrement, aux atentours du 19 mars, certains s'acharnent à réveiller en ajoutant à leur détresse et à un traumatisme vieux de 60 ans, des accusations qu'ils n'ont jamais vu portées à l'encontre de leurs bourreaux.

Mais, si vous le souhaitez, je peux vous fournir les informations nécessaires à la manifestation de cette vérité historique qui comporte de multiples facettes et où tous les torts ne sont pas forcément toujours dans le même camp.

 

Je vous prie de recevoir, Monsieur, l'expression de mes satutations distinguées,

 

Général {2S) Henry-Jean FOURNIER

 

bandeau soldis in algerie

Télécharger l'original :

Télécharger
SOLDIS_-_Réponse_au_Monde_2021_.03.25_1.
Document Adobe Acrobat 1.6 MB
Commentaires: 0