Bruxelles prolongera-t-il la stratégie nucléaire du Pentagone ?

...par Manlio Dinucci - le 14/03/2017.

 

Géographe et géopolitologue.

 

Derniers ouvrages publiés : Laboratorio di geografia, Zanichelli 2014 ; Diario di viaggio (en trois tomes), Zanichelli 2017 ; L’arte della guerra / Annali della strategia Usa/Nato 1990-2016, Zambon 2016.

Dans le cas où l’administration Trump respecterait le Traité de non-prolifération, elle retirerait ses missiles nucléaires illégalement stationnés en Europe et mettrait fin à l’affrontement avec la Russie. Or, les membres de l’Union européenne préférant poursuivre la politique antérieure, qu’ils connaissent déjà, se sont ralliés au « gouvernement de continuité » US lors de la conférence sur la sécurité de Munich. Ils envisagent donc sérieusement, pour « se protéger », de subventionner la bombe atomique française.

 

Source : http://www.voltairenet.org/article195611.html


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La torpille lancée à travers le New York Times [1] —l’accusation contre Moscou de violer le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI)— a touché son objectif : celui de rendre encore plus tendus les rapports entre les États-Unis et la Russie, en ralentissant ou empêchant l’ouverture de cette négociation annoncée par Trump dès sa campagne électorale.

 

La torpille porte la signature d’Obama, qui en juillet 2014 (immédiatement après le putsch de Place Maïdan et la crise consécutive avec la Russie) accusait Poutine d’avoir testé un missile nucléaire de croisière, dénommé SSC-X-8, violant le Traité FNI de 1987 qui interdit le déploiement de missiles avec base à terre et portée comprise entre 500 et 5 500 km.

D’après ce que déclarent des fonctionnaires anonymes du renseignement états-unien, deux bataillons russes en sont déjà armés, chacun doté de 4 lanceurs mobiles et de 24 missiles à tête nucléaire.

 

Avant de quitter l’an dernier sa charge de Commandant suprême allié en Europe, le général Philip Breedlove prévenait que le déploiement de ce nouveau missile russe « ne peut rester sans réponse ». Il taisait par contre le fait que l’Otan garde déployées en Europe contre la Russie environ 700 têtes nucléaires états-uniennes, françaises et britanniques, presque toutes prêtes au lancement vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et au fur et à mesure qu’elle s’est étendue à l’Est jusqu’à l’intérieur de l’ex URSS, l’Otan a de plus en plus rapproché ses forces nucléaires de la Russie.

 

C’est dans la cadre de cette stratégie que s’insère la décision, prise par l’administration Obama, de remplacer les 180 bombes nucléaires B-61 —installées en Italie (50 à Aviano et 20 à Ghedi Torre), Allemagne, Belgique, Hollande et Turquie— par les B61-12 : nouvelles armes nucléaires, chacune à quatre options de puissance sélectionnables selon l’objectif à frapper, capables de pénétrer dans le terrain pour détruire les bunkers des centres de commandement. Un programme de 10 milliards de dollars, par lequel chaque B61-12 coûtera plus que son poids en or.

 

En même temps les USA ont réalisé en Roumanie la première batterie de missiles terrestre de la « défense anti-missile », qui sera suivie d’une autre en Pologne, composée de missiles Aegis, déjà installés à bord de 4 navires de guerre états-uniens déployés en Méditerranée et en mer Noire. C’est le soi-disant « bouclier » dont la fonction est en réalité offensive : s’ils arrivaient à le réaliser, les USA et l’Otan tiendraient la Russie sous la menace d’une première frappe nucléaire, en se fiant à la capacité du « bouclier » de neutraliser les représailles.

De plus, le système de lancement vertical Mk 41 de Lockheed Martin, installé sur les navires et dans la base en Roumanie, est en mesure de lancer, selon les techniques spécifiques fournies par le même constructeur, « des missiles pour toutes les missions », y compris celles d’ « attaque contre des objectifs terrestres avec missiles de croisière Tomahawk », armables aussi de têtes nucléaires.

 

Moscou a averti que ces batteries, étant en mesure de lancer aussi des missiles nucléaires, constituent une violation du Traité FNI.

 

Que fait l’Union européenne dans cette situation ? Alors qu’elle déclame son engagement pour le désarmement nucléaire, elle est en train de concevoir dans ses cercles politiques ce que le New York Times définit comme « une idée auparavant impensable : un programme d’armements nucléaires UE ». Selon ce plan, l’arsenal nucléaire français serait « reprogrammé pour protéger le reste de l’Europe et placé sous un commun commandement européen », qui le financerait par un fonds commun. Cela adviendrait « si l’Europe ne pouvait plus compter sur la protection américaine ».

En d’autres termes : dans le cas où Trump, se mettant d’accord avec Poutine, ne déploierait plus les B61-12 en Europe, c’est l’UE qui penserait à poursuivre la confrontation nucléaire avec la Russie.

 

Manlio Dinucci

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