Entretien sur la Crise de la Gouvernance mondiale – Mexique

Le 12/10/2020.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Messieurs les Ministres Conseillers, 

Mesdames et Messieurs les membres du personnel diplomatique des ambassades sises à Paris,

Chers Adhérents, 

Chers Lecteurs, 

GEOPRAGMA a le plaisir de vous présenter aujourd’hui les premières réponses apportées au Questionnaire sur la « Crise de la Gouvernance mondiale ». 

Les lignes géopolitiques du monde en effet n’ont jamais bougé aussi vite. Multilatéralisme, bipolarité, cynisme et moralisme s’entremêlent pour contribuer à une confusion dangereuse où chacun interprète et projette sur les autres, consciemment ou non, ses attentes et ses travers. 

Dans ce cadre, GEOPRAGMA a lancé une enquête inédite auprès d’une cinquantaine de pays sur leur perception de la crise de la gouvernance mondiale, sur leur vision et leurs espérances concernant l’avenir des relations internationales, ainsi que sur le rôle que la France pourrait et devrait, selon eux, y jouer, y compris à leurs côtés. 

Notre souhait était d’offrir la possibilité à ces États ou à leurs diplomates de haut niveau de s’exprimer sur le sujet sans filtre ni biais d’interprétation. Par conséquent, tout ce qui est publié l’a été avec l’accord exprès des ambassades. 

Afin que les entretiens soient conduits de manière la plus homogène possible, un questionnaire servant de base a été élaboré. D’autres questions ont cependant été posées, au gré des discussions. 

Questionnaire

  1. Comment analysez-vous l’état actuel des relations internationales à l’échelle mondiale et les modes de coopération ou confrontation entre Etats ou groupes d’Etats ? Comment pensez-vous que cette situation va évoluer à court, moyen et long terme ? 
  2. Comment la politique étrangère de votre nation s’inscrit-elle dans cette réalité ?
    Comment vos relations évolueront-elles dans les prochaines années avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, ou encore l’Union Européenne ? Qu’attendez-vous d’eux ?
  3. Quels sont pour vous les axes d’alliance(s) à venir ? Et quid de vos « adversaires », « concurrents » ou « partenaires » ? 
  4. Quels sont vos principaux enjeux énergétiques, économiques, environnementaux et numériques à court et moyen termes ? 
  5. Peut-on encore parler de « choc des civilisations » ou la mondialisation a-t-elle rendu ce concept obsolète ? 
  6. Quel(s) rôle(s) souhaitez-vous que la France joue au niveau mondial et estimez-vous qu’elle joue ce rôle actuellement ? Sinon à quelles conditions ?
  7. Verriez-vous votre pays s’associer à la France sur une initiative ou un dossier international d’envergure ? Lequel ? Quel rôle jouerait la France aux côtés de votre pays pour régler ce dossier ou mettre en œuvre cette initiative ?
  8. Quel(s) rôle(s) souhaitez-vous que l’Union européenne joue au niveau mondial et estimez-vous qu’elle joue ce rôle actuellement ?
  9. Pensez-vous que la souveraineté soit une notion dépassée ou moderne ? Et celle de peuple ?   Quels sont pour vous les conditions de la cohésion nationale et ses facteurs de dilution ?
  10. Selon vous, quels sont les fondements de l’influence internationale de demain ?
  11. Que pensez-vous de l’invocation de valeurs et de principes moraux en matière internationale ?
  12. Sujet libre 

À ce jour, sept ambassades se sont prêtées à la totalité de l’exercice qui est aujourd’hui publié. 

D’autres entretiens le seront dans les semaines à venir. 

Geopragma adresse ses remerciements les plus vifs à l’ensemble des ambassadeurs et des diplomates qui ont accepté de nous répondre. Leur contribution fut à tous égards passionnante. 

Les perceptions sur la crise de la gouvernance mondiale étant bien évidemment évolutives, l’idée selon laquelle cet exercice devait devenir permanent s’est imposée à nous. 

Certains Etats nous ont indiqué leur souhait d’y participer à terme mais ne pouvaient le faire pour diverses raisons sur cette première publication. Par conséquent, si certaines ambassades souhaitent actualiser leur contribution ou que d’autres souhaitent participer à l’exercice, elles peuvent toujours se rapprocher du secrétariat de Geopragma (desk@geopragma.fr).

En espérant que ce recueil constituera pour chacun d’entre vous une source d’informations intéressantes pour mieux comprendre la richesse des perceptions et des attentes de ces Etats, et que cela permettra à terme, de contribuer à définir des orientations et des propositions concrètes pour une coexistence plus favorable aux intérêts communs des acteurs du monde, nous vous souhaitons à tous une très bonne lecture.

 

Geopragma 

Vous pouvez retrouver l’intégralité des entretiens sur la Crise de la Gouvernance mondiale en cliquant sur ce lien : Panorama de la Gouvernance mondiale

 

Le 1erjuillet 2019

Ambassade des Etats-Unis Mexicains en France

Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Juan Manuel Gómez-Robledo, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire auprès de la République Française

Monsieur Jesús Cisneros, Chargé des affaires politiques et multilatérales


L’ambassade, compte tenu de l’évolution du contexte international depuis l’entretien initial, a souhaité modifier récemment certaines parties de l’entretien et de ses déclarations. 


Geopragma : Comment analysez-vous l’état actuel des relations internationales à l’échelle mondiale et les modes de coopération ou confrontation entre Etats ou groupes d’Etats ? Comment pensez-vous que cette situation va évoluer à court, moyen et long terme ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : Les relations internationales traversent une période difficile, marquée par un nationalisme croissantmû par le rejet des effets de la mondialisation et la croissance des flux migratoires au niveau global. La pandémie du Covid-19 et ses effets dans l’économie, le commerce, la politique et la recherche, dans nos sociétés, ont le potentiel d’accélérer ces attitudes dans certains pays, y compris les plus puissants.

Cela se traduit par une montée duprotectionnisme économique et de l’unilatéralismequi a ses effets sur le discrédit du système international bâti à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. 

En outre, il y a beaucoup de scepticisme de la part de l’opinion publique sur la capacité des instances internationales à répondre efficacement aux défis actuels en matière de santé, de changement climatique, de désarmement nucléaire, de migration, etc. Les blocages vécus systématiquement à l’ONU face aux crises graves comme la pandémie, la guerre en Syrie, le conflit israélo-palestinien, la situation en Libye, le programme nucléaire iranien, etc. ont contribué à alimenter cette perception.   

En dépit des difficultés qu’il rencontre aujourd’hui, le multilatéralisme continue d’apporter des réponses concrètes aux problèmes de gouvernance mondiale. Le dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 (Accélérateur ACT), l’adoption de l’Agenda 2030 de Développement durable, de l’Accord de Paris sur le climat, du Traité sur le Commerce des Armes, du Pacte Mondial pour les Migrations, pour citer quelques exemples récents, confirment que la plupart des Etats continuent à miser sur le système multilatéral pour régler les défis internationaux. 

Le défi consiste dès lors à mettre en œuvre les engagements que nous avons acquis au niveau international, et « atterrir » ces grands projets globaux à travers des politiques publiques concrètes et réalistes.

Ce qui est clair, c’est que nous vivons une recomposition du système international, où il y a des puissances en retraite et des pays émergents qui se positionnent pour combler les lacunes laissées par les premières. 

Le Mexique fait partie de ceux qui sont voués à la défense du multilatéralisme et au renforcement de la coopération internationale pour faire face plus efficacement aux défis, aux injustices et aux divisions qui surgissent à présent. 


Geopragma : Comment la politique étrangère de votre nation s’inscrit-elle dans cette réalité ? Comment vos relations évolueront-elles dans les prochaines années avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, ou encore l’Union européenne ? Qu’attendez-vous d’eux ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : Le Mexique est un pays très actif dans les fora multilatéraux. Le gouvernement mexicain mène une politique étrangère ancrée dans la tradition d’un multilatéralisme fort et dans le respect du droit international. 

Nous croyons que le système issu de l’après-guerre reste le seul capable de répondre à la fois de façon efficace et légitime aux problèmes que nous rencontrons pour maintenir la paix et la sécurité mondiales à l’heure actuelle. C’est pourquoi le Mexique s’est porté candidat et a été élu membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies en 2021-2022, ainsi qu’élu en tant que membre du Conseil économique et social pour le mandat 2021-2023.

Nous sommes convaincus également que ce système peut être l’objet de réformes visant à le rendre mieux adapté aux évolutions de la réalité internationale intervenues depuis 1945, surtout dans le contexte sanitaire actuel. Il faut que les Nations Unies soient plus efficaces, plus transparentes et plus ouvertes. Nous travaillons ardemment à cela.

En outre, depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2018, le nouveau gouvernement mexicain a exprimé sa volonté d’aligner son action internationale sur la lutte contre les inégalités économiques et sociales.C’est pourquoi au niveau multilatéral, notre priorité est la mise en œuvre des 17 objectifs de l’agenda 2030 de développement durable. 

Avec des actions concrètes, notre présence et notre influence dans les enceintes internationales a pour but de contribuer à la stabilité régionale et mondiale.

La diplomatie mexicaine

L’une des priorités du Mexique à l’étranger concerne la protection de ses ressortissants, tout particulièrement ceux qui se trouvent aux Etats-Unis, où habitent environ 12 millions de personnes d’origine mexicaine de première génération, et près de 37 millions au total. Par ailleurs, nous sommes très engagés dans une stratégie de diversification de nos relations internationales, dans laquelle la France et l’Europe ont toute leur place.   

Le Mexique a 80 ambassades, 67 consulats et 7 missions permanentes déployées dans le monde.La plupart des consulats mexicains se situent aux Etats-Unis : ils sont au nombre de 50, ce qui fait d’ailleurs du Mexique le seul pays au monde à avoir autant de consulats dans un autre pays. 

Depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, ce réseau diplomatique a travaillé sans relâche afin d’assurer l’accompagnement et la protection consulaire des ressortissants mexicains bloqués à l’étranger, aux fins de leur rapatriement. 

Union européenne 

L’Union européenneest le troisième partenaire commercial du Mexique (8,7%).Il s’agit, par ailleurs, du deuxième marché d’exportations mexicaines et de la deuxième source d’investissements au Mexique. Nous espérons approfondir davantage les liens commerciaux et d’investissements avec les pays membres de l’UE grâce à la modernisation de l’Accord global Mexique-UE, dont les négociations ont été conclues le 28 avril dernier. 

Nous avons été le premier pays latino-américain à établir un accord avec l’UE et nous sommes le seul partenaire stratégique dans la région qui possède un accord global. 

Mon pays a également la volonté politique de continuer de fortifier ses relations économiques et commerciales avec l’UE.  

S’agissant du Royaume-Uni, le Mexique attendra sa sortie formelle de l’UE pour pouvoir négocier un accord commercial.

Amérique latine

Avec la participation de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes de l’ONU (CEPALC), le Mexique, le Guatemala, le Honduras et le Salvador se sont engagés le 1er décembre 2018 à créer un Plan de développement intégral (PDI). Cet instrument vise à remédier aux causes structurelles qui poussent les habitants de la région à émigrer.  

En mai 2019, le plan a été présenté par la CEPALC. Un mois plus tard, le 20 juin, la mise en œuvre du premier projet a été annoncée au Mexique, en présence du Président Andrés Manuel López Obrador et du Président du Salvador, Nayib Bukele. Il s’agit d’un programme de reforestation qui permettra la création de 20 000 emplois au Salvador. 

Cet instrument s’inscrit dans la continuité des principes énoncés dans le Pacte mondial des migrations et vise à mettre en œuvre des actions spécifiques afin d’engendrer un développement économique accru en Amérique centrale et de répondre efficacement aux causes structurelles de la migration au cours des dix prochaines années en investissant plus de 30 milliards de dollars dans l’infrastructure et l’amélioration des conditions de vie de la population. 

Pour ce faire, ce Plan de développement intégral propose 30 actions se déclinant dans 4 axes principaux présentés par la CEPALC : 1) le développement économique ; 2) le bien-être social ; 3) l’environnement durable et la gestion des risques ; 4) une gestion intégrale du cycle migratoire.

Commerce

Le Mexique, deuxième économie d’Amérique latine, est également un centre logistique de flux commerciaux et un pont naturel entre des régions du monde très dynamiques (Asie-Pacifique, Amérique du Nord, Amérique latine).  

Le Mexique, du fait de son économie ouverte sur les marchés internationaux, a un poids considérable sur l’ensemble des échanges commerciaux de la région Amérique latine et Caraïbes, puisqu’il concentre 40 % (soit 34,615 milliards de dollars en 2017) du commerce de la région. Or, il existe un énorme potentiel commercial dans les échanges entre le Mexique et les autres pays de la région. En 2017, ils ne représentent que 4,2% des échanges commerciaux totaux du Mexique.

Nos principaux partenaires commerciaux en Amérique latine et dans les Caraïbes sont le Brésil (9,121 milliards de dollars), la Colombie (4,838 milliards de dollars) et le Chili (3,341 milliards de dollars).

Créée en 2011 pour rassembler les économies les plus ouvertes de la région, l’Alliance du Pacifique regroupe le Chili, la Colombie, le Pérou et le Mexique. Lors du dernier sommet de l’Alliance du Pacifique, les pays membres ont évoqué un rapprochement avec le Mercosur (Brésil, Uruguay, Argentine et Paraguay).

Venezuela

Le Mexique suit également de près la situation politique au Venezuela et Mexico entretient un dialogue politique avec Caracas. 

A cet égard, le Mexique a manifesté son inquiétude vis-à-vis de la situation au Venezuela, et plus particulièrement au regard de la crise humanitaire qui frappe la population civile, et qui a des répercussions dans les pays voisins, ainsi qu’au Mexique. 

Le gouvernement mexicain a décidé de ne pas contribuer à la radicalisation des positions des différentes parties impliquées dans le conflit. 

Nous entendons garder ainsi une position qui nous permettra éventuellement de jeter des ponts entre le gouvernement vénézuélien et l’opposition. Nous avons proposé ainsi le Mécanisme de Montevideo, qui appelle à un dialogue sans conditions préalables pour faciliter une solution négociée à la crise politique au Venezuela.

Notre principal souci est le sort du peuple vénézuélien, qui fait face à une terrible crise humanitaire. 

Asie

Cinq denos dix principaux partenaires commerciaux se trouvent en Asie-Pacifique. La priorité dans la région est celle de consolider le Mexique en tant qu’acteur important pour intensifier ses flux commerciaux, d’investissements et touristiques. Membre de l’APEC, avec le retrait des Etats-Unis, nous cherchons de nouveaux accords commerciaux bilatéraux avec ses membres.

Geopragma : Quels sont pour vous des axes d’alliance(s) à venir ? Et quid de vos « adversaires », « concurrents » ou « partenaires » ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : Tout au long de son histoire, le Mexique a été un pays neutre face aux conflits, prenant toujours position sur le respect du droit international et des droits de l’Homme.C’est pourquoi le Mexique sera toujours prêt à coopérer avec les pays qui, comme la France, partagent sa vision et ses valeurset s’engagent dans la lutte pour un monde plus juste et plus ouvert pour tous.

Etats-Unis et l’ACEUM

Sans doute, les Etats-Unis resteront notre relation diplomatique la plus importante. Près d’un million de personnes traversent chaque jour la frontière nord du Mexique, ce qui fait de celle-ci la plus traversée au monde. 

Le commerce bilatéral est sept fois plus important qu’avant l’ALENA : 1,7 milliard de dollars de produits sont échangés quotidiennement et les exportations américaines vers le Mexique ont atteint 265 milliards de dollars en 2018. Durant le premier trimestre de 2019, le Mexique fut pour la première fois dans l’Histoire, le premier partenaire commercial des Etats-Unis : 151 milliards de dollars de produits ont été échangés.  

Le Mexique est un partenaire stratégique des Etats-Unis et occupe les premières places en tant que destination des exportations pour 31 Etats de l’Union américaine ; c’est le premier marché d’exportation pour sept Etats, y compris les frontaliers (Californie, Arizona, Nouveau-Mexique et Texas), le deuxième plus grand marché pour 19 Etats et le troisième plus important pour cinq Etats.

L’ALENA a renforcé les chaînes d’approvisionnement en Amérique du Nord : en moyenne, les exportations mexicaines intègrent 40 % de contenu américain. 

Après plusieurs mois de négociations, le 1er juillet 2020, le nouvel Accord Canada – Etats-Unis – Mexique (ACEUM) qui représente la consolidation des efforts déployés par le Mexique pour s’insérer dans les chaînes de production mondiales et se positionner comme un centre d’exportation d’avant-garde, est entré en vigueur.

L’ACEUM garde les éléments clés de la longue relation commerciale entre les trois pays, et incorpore des nouvelles dispositions visant à s’adapter aux défis actuels, il s’agit d’un élément clé de la politique commerciale du Mexique et un instrument qui motive l’approfondissement des relations de notre pays avec les Etats-Unis et le Canada. Il établit un cadre institutionnel qui accorde sécurité juridique aux investisseurs, aux entrepreneurs et aux consommateurs en Amérique du Nord, car il modernise et élargit les règles du commerce des biens et des services dans la région.

L’ACEUM arrive à un moment clé pour relever les enjeux majeurs de la croissance et du développement face aux défis imposés par la pandémie de Covid-19 et ses conséquences. Son entrée en vigueur est une mesure forte en faveur de la reprise économique. Il jette en même temps les bases du renforcement des actions et des politiques du gouvernement actuel visant à promouvoir une société plus inclusive.

Union européenne

Comme évoqué auparavant, le 28 avril dernier, l’Union européenne et le Mexique ont conclu les négociations d’un nouvel accord commercial de libre-échange. Son entrée en vigueur permettra de renforcer notre commerce bilatéral, essentiel à la croissance économique des deux régions. Cet accord :

  • Élimine des droits de douane élevés imposés par le Mexique sur les produits alimentaires   et   les   boissons   provenant   de   l’UE.   En   matière   d’indications géographiques, le Mexique protégera 572 noms européens (232 vins et spiritueux et 340 aliments tels que les fromages et autres boissons) et l’UE reconnaîtra au Mexique 45 noms (20 aliments, 6 spiritueux et 19 produits artisanaux).
  • Permet aux entreprises de l’UE de vendre davantage de services au Mexique avec la réduction des obstacles liés aux formalités administratives ; 
  • Prévoit une clause anticorruption ;
  • Droits de l’Homme : l’UE ou le Mexique peuvent suspendre l’accord en cas de violations graves des droits de l’Homme par l’une des deux parties ;
  • Engage les deux parties à protéger les droits des travailleurs et l’environnement : en référence à l’Accord de Paris sur le climat, l’accord permet à la société civile de demander des comptes aux deux parties.

À l’issue des négociations techniques, l’accord devra être soumis à une vérification juridique avant d’être traduit dans les 23 langues de l’Union européenne. Ensuite, la Commission européenne devra préparer les 3 décisions du Conseil de l’Union européenne pour la signature, l’application provisoire et l’adoption de l’Accord. Le Conseil devra à son tour adopter les décisions concernant la signature et l’application provisoire. Pour permettre l’application provisoire du volet commercial et d’autres domaines dont la compétence relève du niveau européen, l’Accord devra être ratifié au sein du Parlement. Enfin, les parlements nationaux de l’Europe devront ratifier l’Accord.

Geopragma : Quels sont vos principaux enjeux énergétiques, économiques, environnementaux et numériques à court et moyen termes ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : Le Mexique reconnaît l’importance de relever tous les défis actuels en coordination avec des mesures qui protègent l’environnement et luttent contre le réchauffement climatique.

Engagé en faveur des objectifs de l’Agenda 2030 de développement durable, le Mexique dispose d’un grand potentiel énergétique.

En ce qui concerne le climat,l’une des obligations du gouvernement mexicain est celui de s’engager au maximum dans la lutte contre le réchauffement climatique. Nous sommes convaincus de l’importance d’assurer la mise en œuvre des engagements de l’Accord de Paris. 

Or, cet engagement ne date pas d’hier. En 2010 le Mexique a accueilli la COP16. Pour la première fois les pays ont établi des instruments et des outils permettant aux Etats de réduire leurs émissions et de s’adapter aux conséquences du changement climatique. De plus, mon pays n’a pas seulement participé à la COP21 de Paris en 2015, mais il a été le deuxième au monde à avoir ratifié l’Accord de Paris. 

Nous militons aussi pour la défense de la biodiversité. Par exemple, avec la réserve marine du Parc national Revillagigedo, le plus grand d’Amérique du Nord, qui a été créé récemment par un décret, nous cherchons plus d’espaces naturels protégés, qui ont d’ailleurs triplé au cours des dernières années, atteignant ainsi 91 millions d’hectares (70 millions d’hectares maritimes et 21 millions d’hectares terrestres).

Les progrès communs sur ces questions à court et à moyen termes dépendront entièrement de l’engagement des Etats à agir ensemble dans le respect des objectifs fixés par la communauté internationale et par les traités bilatéraux et multilatéraux entre les pays.

Geopragma : Peut-on encore parler de « choc des civilisations » ou la mondialisation a-t-elle rendu ce concept obsolète ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : Les effets de la mondialisation se font sentir aujourd’hui partout, cette affirmation a été renforcée par l’expansion rapide du Covid-19 dans le monde entier, il est impossible de parler d’un endroit complètement déconnecté du reste du monde (même les communautés autochtones isolées, sont protégées par le droit international).

Le défi aujourd’hui n’est pas seulement de parvenir à une entente entre différentes nations, mais aussi de mettre fin à la polarisation des positions à l’intérieur des nations.

La radicalisation interne, qui crée un choc et une déconnexion entre une même population, se traduit par une polarisation globale qui rend de plus en plus difficile la gouvernance locale et mondiale.

Geopragma : Quel(s) rôle(s) souhaitez-vous que la France joue au niveau mondial et estimez-vous qu’elle joue ce rôle actuellement ? Sinon à quelles conditions ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : La France a depuis longtemps été un pays porteur de valeurs universelles, berceau de l’Etat moderne et des droits de l’Homme.

Au niveau mondial, la France joue un rôle incontournable dans la défense de ces valeurs, à travers son leadership dans des domaines tels que la santé, l’environnement, la transition énergétique, la lutte contre le terrorisme, le progrès technologique et la protection des personnes vulnérables dans le monde entier.

En matière de désarmement et de non-prolifération, la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies et Etat doté d’armes nucléaires au sens du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), a des responsabilités particulières pour la préservation et le renforcement de la paix et de la sécurité internationales. À cet égard, elle devra jouer un rôle pour soutenir les organisations internationales chargées de mettre en place des dispositifs internationaux de vérification, et participer aux mesures de confiance et de sécurité destinées à assurer la stabilité et la transparence au sein de la communauté internationale.

De plus, dans le contexte sanitaire actuel, la France continue à jouer un rôle de défenseur du multilatéralisme et de la coopération pour surmonter les obstacles que représente la pandémie.

Geopragma : Verriez-vous votre pays s’associer à la France sur une initiative ou un dossier international d’envergure ? Lequel ? Quel rôle jouerait la France aux côtés de votre pays pour régler ce dossier ou mettre en œuvre cette initiative ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : Le Mexique et la France partagent de nombreuses initiatives internationales, et nous avons formé en 2017 un partenariat stratégique en raison de l’intérêt prioritaire des deux pays à coopérer en matière d’éducation, de santé, d’agriculture, d’industrie aérospatiale, d’environnement, de tourisme et d’économie. Ce partenariat est ensuite devenu une vraie alliance stratégique, grâce à l’étendue de nos intérêts communs.  

Nous accordons beaucoup d’importance à la promotion du droit international et au renforcement des institutions multilatérales.

Ainsi, depuis 2013, la France et le Mexique cherchent des appuis au sein des Nations Unies pour encadrer le recours au veto au Conseil. 

Notre initiative a pour objet que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité s’engagent volontairement à ne pas recourir au veto lorsqu’une situation d’atrocité de masse est constatée. 

Un autre exemple est la profonde volonté des deux nations à lutter contre le changement climatique. Nos deux pays sont en effet profondément engagés dans les enceintes multilatérales à ce sujet comme en témoignent l’organisation de la COP 16 à Cancún en 2010 et la COP 21 à Paris en 2015.

Par ailleurs, le Mexique a exprimé son soutien à l’initiative franco-canadienne pour la création du Partenariat mondial pour l’intelligence artificielle qui contribuera aux efforts multilatéraux pour le développement responsable d’une intelligence artificielle fondée sur les droits de l’Homme, l’inclusion, la diversité, l’innovation et la croissance économique.

Geopragma : Quel(s) rôle(s) souhaitez-vous que l’Union européenne joue au niveau mondial et estimez-vous qu’elle joue ce rôle actuellement ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : L’Union européenne est paralysée dans beaucoup de domaines aujourd’hui à cause des désaccords politiques entre ses Etats membres. Elle doit d’abord trouver un moyen de dépasser ces clivages pour pouvoir peser dans le monde.

Je souhaite que ce processus d’intégration exemplaire puisse se poursuivre. Le monde en a besoin d’abord pour assurer la paix dans le continent européen. L’UE est également l’instrument le plus efficace pour que ses Etats membres puissent avoir une voix sur la scène internationale dans un monde où les équilibres de pouvoir se transforment rapidement.    

Geopragma : Pensez-vous que la souveraineté soit une notion dépassée ou moderne ? Et celle de peuple ? Quels sont pour vous les conditions de la cohésion nationale et ses facteurs de dilution ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : La souveraineté est une notion qui a été mise à jour à la lumière des effets, positifs et négatifs, de la mondialisation et du développement du droit international. D’un côté, elle est toujours valable dans la mesure où elle permet à un peuple de choisir son destin. D’un autre côté, elle ne doit jamais protéger un Etat qui s’attaque à ses citoyens ou qui viole ses engagements internationaux.

Geopragma : Selon vous, quels sont les fondements de l’influence internationale de demain ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : Actuellement, l’opinion publique mondiale joue un rôle essentiel dans les affaires internationales. Un pays est plus influent quand les opinions publiques mondiales lui sont favorables. Ainsi tous les leviers qui permettent à un Etat d’avoir une incidence directe sur l’opinion sont des fondements d’influence, qu’il s’agisse des éléments traditionnels comme la puissance économique ou militaire, ou des outils plus novateurs tels que la diplomatie numérique, la marque pays, la culture, la gastronomie, etc. Tous ont en commun le but de faire d’un territoire un endroit qui attire les talents, les capitaux, les touristes, etc. Dans la conjoncture actuelle du coronavirus Covid-19, l’influence internationale des pays est mesurée en grande partie par sa capacité de gestion de la crise sanitaire au niveau interne. Ceci nous rappelle l’importance du programme des politiques publiques d’un pays, en cohérence avec son agenda international, dans la construction de son influence au sein de la communauté internationale.

Geopragma : Que pensez-vous de l’invocation de valeurs et de principes moraux en matière internationale ?

Ambassade des Etats-Unis Mexicains : Parler de morale dans le domaine public international est délicat, principalement parce que les Etats sont tenus de respecter les règles et les principes du droit international.

Cela ne veut pas dire que ces principes n’ont pas eu de fondement moral à leurs débuts, mais s’enfermer dans une discussion sur les valeurs morales pourrait nous fairetomber dans le piège du relativisme.

La relation entre le droit interne et le droit international peut être complexe, mais le premier ne peut être invoqué pour justifier le non-respect de la responsabilité internationale d’un Etat.

Pour cette raison, je considère que les principes qui régissent le droit international sont ceux définis par les Nations Unies et la jurisprudence internationale (promotion des droits de l’Homme, limitation stricte de l’emploi de la force, etc.).

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