De Pontiac à Peltier

Fiction américaine

...par Stratediplo - Le 23/08/2020.

 

 

 De formation militaire, financière et diplomatique, s'appuie sur une trentaine d'années d'investigations en sciences sociales et relations internationales.

 

 


La situation aux Etats-Unis d'Amérique ne s'arrange pas, pour ne pas dire que la conflictualité y progresse aussi vite que le coronavirus de Wuhan et des Contamines. Pourtant le texte ci-après relève, à l'heure où il est écrit, de la pure fiction à vocation ludique, et sera suivi prochainement d'une anticipation plus sérieuse. (voir ci-dessous)

 

Au troisième trimestre l'effondrement de la Consommation Nationale Brute, indice aussi important aux Etats-Unis que le Produit National Brut dans les pays productifs, a montré encore la chute d'un tiers qu'il affichait pour le deuxième trimestre. A la fin de l'été le pays déplorait moitié moins de morts que pendant la deuxième guerre mondiale, mais calculait qu'au moment de l'élection présidentielle il aurait perdu, du fait du Covid-19, autant de vies que pendant la deuxième guerre mondiale du fait de l'ennemi. A la fin de l'été les réserves alimentaires issues des récoltes 2019 sont épuisées et les prix augmentent même pour les produits encore à la vente, en dépit du rationnement introduit en avril pour de nombreux produits et étendu pendant l'été à d'autres. Les quarante millions de cartes alimentaires (bons d'alimentation rationnée sous forme de carte de paiement) délivrées en 2008 ont vu leur nombre doublé. Officiellement la moitié de la population active de février est encore employée en septembre, grâce aux obstacles informatiques à l'inscription télématique ("bugs" et encombrement).

 

Les grands centres-villes sans activité économique et à l'insécurité ravageuse se sont partiellement vidés, au profit en partie des campagnes mais surtout des banlieues résidentielles. De toute façon il est difficile de dire qui vit encore où, compte tenu de l'abandon du paiement d'un tiers des loyers et traites déjà au début de l'été et de la moitié à la fin, en dépit des allocations gouvernementales d'assignation à résidence, supérieures pour la plupart des foyers à leurs revenus d'activité du début de l'année. Tous les économistes s'étant ralliés à la Théorie Monétaire Moderne, le consensus général est qu'il n'est pas nécessaire de remettre la population au travail, hormis dans les "activités essentielles" (indispensables) définies en mars comme dans tous les pays. Il suffit d'imprimer des dollars, sous forme électronique évidemment, permettant d'acheter à l'étranger tout ce dont le pays a besoin même en cas d'inflation des prix dûe à la concurrence d'acheteurs étrangers dans le contexte général de pénurie.

 

L'annonce, le 16 septembre à l'assemblée générale de l'ONU, de la Grande Réinitialisation de toutes les activités humaines terriennes à partir de janvier, n'a pas choqué ou soulevé les peuples, au grand soulagement des dirigeants. Aucune demande d'explication n'est montée de la base, tout au plus la presse conseille-t-elle d'attendre pour voir, les semeurs d'inquiétudes complotistes ayant été réduits au silence communicatique et les brigades anti-Covid19 contrôlant les rues. Certains gouvernements souverains ont émis des réserves sur la nécessité et la légitimité de confier la Grande Réinitialisation de l'économie mondiale, ainsi que la grande rééducation des mœurs qui l'accompagne, aux officines privées de Klaus Schwab et William Gates, ainsi qu'aux organismes internationaux dont ils ont pris le contrôle financier comme l'Organisation Mondiale de la Santé, ou le contrôle idéologique comme l'Union Européenne. Mais une avarie informatique a empêché la retransmission des sessions de l'assemblée générale, et la presse accréditée a soigneusement disqualifié, et interdit de perron et de micro, tout discours dangereusement antiplanétariste. Le monde confiné et le monde libre s'acheminent ensemble et pêle-mêle vers la Grande Réinitialisation, le Pacte Vert, la vaccination exhaustive, la monnaie électronique unique et l'abolition des nationalités.

 

Au niveau du principe tous les politiciens sont d'accord. Aux Etats-Unis en période électorale cependant, les partis se renvoient mesquinement dos à dos. Le parti qui se dit plus démocrate que l'autre axe sa campagne essentiellement sur le caractère imprévisible du caractériel capitaliste Donald Trump, tandis que le parti qui se dit plus républicain que l'autre axe sa campagne essentiellement sur le comportement imprévisible du sénile apparatchik Joe Biden. Puis, à partir du moment où il a nommé un repoussoir politique comme candidat à la vice-présidence, l'un des deux partis donne l'impression de tout faire pour ne pas gagner l'élection, comme quatre ans plus tôt. Cela ne l'empêche pas de continuer sa campagne contre l'autre parti, en accusant notamment le président sortant d'avoir complètement détruit l'économie du pays, mis la moitié de la population au chômage et le quart sous les ponts, tué des centaines de milliers de gens sous "faux drapeau" viral, et invité un gouvernement étranger à venir trafiquer les élections. Les intentions de vote déclarées pour les deux partis s'effondrent.

 

A l'étranger il commence à se dire qu'aucun des deux grands partis ne veut assumer le pouvoir dans la situation catastrophique du pays et la situation cataclysmique qui s'y annonce. Il est vrai qu'après que la moitié des grandes villes aient réduit leur budget de maintien de l'ordre, et surtout que les autorités municipales aient traité leurs policiers de tous les noms avant de leur interdire pratiquement de faire leur travail (confisquant menottes et matraques électriques et interdisant les interpellations), une grande épidémie de démissions collectives a touché les plus grandes villes du pays. D'autres grandes métropoles, à la suite de Seattle au printemps, ont annoncé pendant l'été la dissolution de leur police à une échéance plus ou moins proche et son remplacement par des escouades de citoyens bénévoles sélectionnés sur leurs valeurs idéologiques, voire en certains endroits sur leur "appartenance ethnique". Dans certaines villes ces milices populaires entrent en service dès le début septembre en vue de la rentrée scolaire.

 

Début septembre aussi, apparaît un service internet proposant de satisfaire les demandes de nombreux quartiers suburbains en matière de formation des habitants à l'autodéfense collective vicinale. Au-delà de formateurs, ce site en vient assez vite à mettre en relation d'une part les quartiers à la recherche d'agents de sécurité et d'autre part les nombreux anciens policiers en recherche d'emploi de proximité. Des rues commerçantes lèvent des barricades en interdisant les véhicules et en établissant des postes de contrôle, avec dépôt de permis de conduire le temps de la visite, à l'entrée de la rue. Des quartiers résidentiels installent, de leur côté, des grillages et parfois des murs, avec chicanes et contrôle à l'entrée là aussi. La violence spontanée et isolée en centre ville se fait plus rare puisqu'il ne reste rien à piller et que les communautés "ethniques" se sont homogénéisées et séparées, mais il commence à apparaître une violence collective notamment entre milices de protection de quartiers ethniquement distincts, voire carrément des cas de raids lancés par telle communauté contre l'habitat de telle autre.

 

A l'étranger on dépeint les Etats-Unis comme en proie à une guerre civile, ou un conflit racial. Le Ghana, qui avait proclamé en vain en 2019 une "année du retour" des descendants d'esclaves et invité le 5 juin 2020 les "Africains Américains" opprimés à revenir à leur "patrie", renouvelle son appel début septembre et encourage d'autres pays africains à faire de même. En réponse, à la mi-septembre le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande invitent à leur tour les "Européens Américains" à revenir à leur couronne. L'Italie rappelle que toute personne ayant au moins un aïeul italien peut obtenir de droit la nationalité italienne et donc la citoyenneté "européenne", et assure que si elle était prête à accueillir des centaines de milliers d'Argentins en 1982 et 2002 elle peut accueillir des millions d'Etatsuniens en 2021 pour redresser sa démographie en déclin. La Russie et le Paraguay invitent tous les aspirants à l'émigration, Israël invite tous les Israélites comme il avait reçu près d'un million de Juifs de Russie dans les années 1990 et invité les Juifs d'Ukraine après le coup d'Etat national-socialiste du 22 février 2014.

 

Une partie des nombreux politiciens qui, au printemps, encourageaient les manifestations raciales et justifiaient la violence comme moyen d'expression du sentiment d'injustice, en sont venus en fin d'été à appeler au démantèlement complet des "institutions blanches" et à la dissolution de l'Etat fédéral oppresseur. Après l'effondrement des deux grands partis politiques les partis marginaux recueillent de plus en plus d'intentions de vote, et pas seulement les partis marxistes qui constatent qu'à la lutte des classes a succédé la lutte des races, mais aussi tous les mouvements qui offrent un discours différent axé sur l'Etat-providence, la protection de l'environnement ou de la planète, la fin des inégalités criantes et autres thèmes ayant le vent et la presse en poupe. Certains petits partis se réclament de la Grande Réinitialisation et appellent tous les candidats au scrutin présidentiel à s'engager à, en cas d'élection, commencer par annuler en interne toutes les dettes personnelles et mettre fin au remboursement notamment des prêts étudiants, des prêts immobiliers et des prêts à la consommation. D'autres partis se réclament du Pacte Vert et déclarent que les Etats-Unis ne doivent pas attendre le sommet de Davos pour interdire les voitures individuelles, les avions et la viande.

 

Lors du débat public et télévisé entre les deux principaux candidats à la présidence, le 29 septembre, l'un des candidats se lève soudain et abandonne le débat pour aller saluer son grand-père qu'il assure avoir reconnu au dernier rang du public. L'autre candidat profère alors des exclamations décemment intraduisibles et commence à rédiger sur son téléphone portable des touittements insultants à connotation discriminatoire gérontophobe et trisomicophobe, à l'encontre de son rival. Le lendemain les deux partis principaux retirent leur investiture à leurs anciens candidats respectifs pour la présidence et pour la vice-présidence, et annoncent que ce sont désormais des candidats sans étiquette. A ce stade tardif de l'échéancier électoral aucun des deux partis dominants ne souhaite entamer de longues procédures pour tenter de présenter de nouveaux candidats à l'élection. Certains commentateurs étrangers interprètent encore cela comme un refus d'endosser la banqueroute patente et la guerre civile latente.

 

Le 2 octobre le Parti Libertaire et l'alliance du Parti Vert, du Parti Socialiste et du parti Solidarité déclarent que cette opportunité historique étant trop importante pour diviser l'électorat soudain désorienté, ils se retiraient de la course présidentielle. Dans une conférence de presse commune, Jo Jorgensen et Howie Hawkins appellent les sympathisants de ces quatre mouvements à voter pour la liste déjà présentée en commun par le Parti pour la Paix et la Liberté (PFP) et le Parti pour le Socialisme et la Libération (PSL), et annoncent que les quatre partis sus-cités (Libertaire, Vert, Socialiste et Solidarité) accordent leur nomination à Gloria la Riva et Leonard Peltier, afin de leur donner accès au suffrage dans tous les Etats où le PFP et le PSL ne sont pas représentés. Le lendemain les grands instituts de sondage publient un communiqué commun selon lequel, afin de ne pas être tournés en dérision comme en 2016 par un électorat irresponsablement imprévisible face à un enjeu aussi important pour l'Amérique et le monde (le communiqué omet de mentionner les Etats-Unis), ils s'abstiendraient de sonder les intentions de vote.

 

Finalement le 3 novembre l'élection populaire est remportée par l'alliance des six petits partis. Après vérifications et recomptes, le collège des grands électeurs réuni par télématique décide de ne pas faire durer l'incertitude, et de voter puis proclamer le résultat le 7 novembre au lieu du 14 janvier. Gloria la Riva est déclarée présidente, avec pour vice-président Leonard Peltier, candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2004. Le président sortant Donald Trump accorde la grâce présidentielle au plus ancien prisonnier politique et racial au monde, et le 15 novembre il va en personne, avec la future présidente Gloria la Riva, l'accueillir à la sortie de la prison et lui offrir un calumet lakota, ayant oublié que Leonard Peltier est Ojiboué. Puis ils vont, ensemble, inaugurer une statue du chef outaouais Pontiac, secrètement demandée à Trump par Peltier après l'élection, pour remplacer à Saint Paul la statue de Christophe Colomb abattue le 10 juin par le Mouvement Indien Américain aux cris de "les vies indigènes comptent !" (native lives matter). Alors, devant toute la presse, Gloria la Riva annonce qu'elle renonce à la présidence (il se dit qu'elle avait proposé un buste de Cuauhtémoc coiffé du béret à étoile rouge d'Ernesto Guevara) pour rentrer vivre au pays de ses ancêtres ibériques, afin que Peltier soit automatiquement et constitutionnellement investi président.

 

Le monde entier célèbre l'avènement du premier président indigène des Etats-Unis d'Amérique. Le président sortant Trump invite le prix Nobel de la paix et ancien président Frederik de Klerk à animer un Conseil de Transition, pour faciliter l'alternance. L'ancien président Evo Morales accepte également de participer à ce conseil consultatif à vocation historique, mais l'ancien président Mickaïl Gorbatchev décline l'invitation car son état de santé ne lui permet pas d'affronter les rigueurs du système médical étatsunien. De Klerk suggère à Trump et Peltier de commencer par démanteler l'armement nucléaire, comme l'avait fait l'Afrique du Sud avant l'alternance raciale, ou du moins dans un premier temps "d'enterrer la clef", électronique cela s'entend. L'ex-nucléaire ex-Ukraine, en remerciement de l'aide étatsunienne au démantèlement de ses armes chimiques et de sa constitution de 1996, propose alors son aide pour le démantèlement de l'armement nucléaire étatsunien.

 

Le futur président Peltier lance un chantier constitutionnel en vue de la transformation de la fédération des Etats-Unis d'Amérique, divisée en colonies dites Etats, en une confédération des Peuples Unis d'Amérique, constituée de nations. Les peuples y seront égaux indépendamment de leur poids démographique, ce qui évitera de devoir corriger par une déportation les déséquilibres issus du génocide. Les nouveaux peuples arrivés ces derniers siècles y sont aimablement invités par les peuples natifs, et même considérés leurs égaux selon le principe "un peuple = une voix". Après la dissolution des Etats artificiels ce seront les peuples naturels qui désigneront les chefs du très léger échelon confédéral, essentiellement chargé de la diplomatie extérieure commune avec la lourde tâche de la réinsertion du pays "voyou" (rogue) parmi les pays civilisés. Répondant à une question sur la langue officielle, le futur président précise que puisqu'elle ne s'était pas posée pendant les deux siècles et demi d'existence des Etats-Unis elle n'était pas urgente, mais qu'a priori tout fonctionnaire capable de répondre à ses administrés dans la langue du terroir de son affectation aurait vocation à être titularisé dans le futur système, après un temps d'adaptation à définir.

 

Le lendemain même de l'annonce de ce chantier constitutionnel, le Texas rappelle qu'il n'est pas un Etat mais une république et proclame son indépendance, une habitude qu'il avait temporairement suspendue au XX° siècle. Pour prévenir d'autres sécessions à terme de peuples allogènes occupant des territoires américains, mais surtout pour rétablir immédiatement l'ordre et la paix entre les peuples et races, et urgemment en l'occurrence entre les Blancs et les Noirs, Peltier envisage de demander à l'Organisation des Etats Américains le déploiement de forces de pacification et normalisation, pour un mandat initial de six mois renouvelable. Arguant du passé français et du présent noir d'une grande partie du pays, le président Bolsonaro propose de déployer, sous commandement brésilien et mandat de l'OEA soutenu par l'ONU, un contingent composé essentiellement d'éléments haïtiens, mais avertit qu'il y aurait des délais incompressibles de formation préliminaire, un avertissement qui provoque une crise de fou rire chez de Klerk et une crise de touittements chez Trump.

 

La passation de pouvoirs entre Donald Trump et Leonard Peltier est prévue pour le 20 janvier 2021.


Offensive anarchiste aux Etats-Unis

...par Stratediplo - Le 26/08/2020.

La désagrégation en cours des Etats-Unis d'Amérique, sur laquelle on a imaginé une fiction ludique bien qu'irréaliste (http://stratediplo.blogspot.com/2020/08/de-pontiac-peltier-fiction-americaine.html), n'est pas spontanée, et elle met en jeu suffisamment d'acteurs pour mériter une recherche des motifs.

 

Il ne s'agit pas de simple radicalisation partisane pré-électorale. Il ne s'agit pas seulement de l'instillation de motifs de discorde, ou de l'introduction d'une idéologie confrontationnelle, pour provoquer une fracture et un conflit entre constituants de la société. Il ne s'agit pas non plus de l'effondrement d'un appareil pourri de l'intérieur ou exsangue par assèchement des ressources, ni du renversement d'un régime après la sape de ses soutiens populaires. Il apparaît une collusion d'acteurs, une concomitance temporelle et une profondeur des actions qui dépasse de loin les circonstances événementielles ou les intérêts électoraux.

 

Au moyen d'un prétexte circonstanciel mais pas extraordinaire dans un pays surarmé où la police tue fréquemment, il a été déclenché une vague de délinquance, de violence et de haine d'un niveau peu commun, qui sort très largement du cadre de l'opposition politique. Tout cela n'est pas spontané comme une manifestation impromptue de quartier dans les heures suivant l'événement déclencheur. Evidemment il y a des meneurs, qui ont été formés par Otpor ou équivalent (certains s'en sont vantés) pour transformer en armes certains outils modernes, pour piloter les manifestations de rues, pour prendre la presse à témoin puis provoquer la police, voire pour mener des coups de main dignes de vulgaires barbouzes d'un service d'action "civique" de la république française. Comme partout il y a des masses qui protestent de plus ou moins bonne foi mais sans nécessairement viser la révolution, des provocateurs qui cherchent la violence (ou le pillage) en soi comme une vengeance sans lendemain, et des manipulateurs qui cherchent une véritable déstabilisation (avec ou sans finalité), comme il y a quelques années sur la fameuse place Maïdan de Kiev. Mais cela n'explique pas tout.

 

Des municipalités abandonnent des quartiers entiers à l'occupation et au sac en retirant leur police, ou laissent passer le soir ou au petit matin, qui plus est en période de confinement de la population à domicile, des camions pour déposer des palettes de briques au coin de rues sans chantier où des manifestations sont attendues, des journalistes (c'est malheureusement coutumier) et surtout des élus (c'est plus répréhensible) appellent les casseurs à ne pas faiblir, la police à ne pas intervenir, les voisins et victimes à ne pas se plaindre, les conseils municipaux et les maires à retirer voire démanteler les services de police. Tout cela n'est pas compatible avec la recherche d'un avantage électoral circonstanciel et temporaire, comme par exemple quand on pousse des fonctionnaires ou des étudiants à manifester pour des revendications catégorielles qu'on promet de satisfaire en cas d'alternance au pouvoir, et qu'on sait pouvoir sinon satisfaire entièrement du moins désamorcer lorsqu'après l'alternance on se retrouvera effectivement aux commandes.

 

Dans le cas actuel il est évident que, tant dans les grandes métropoles enflammées qu'au niveau national, ceux qui attisent durablement la haine et jettent de l'huile sur les flammes n'ont aucune intention d'assumer le pouvoir ensuite. Pourtant l'essentiel de ces instigateurs et suppôts de l'embrasement viennent du parti démocrate, mais ils ne veulent manifestement pas une révolution qui les porterait au pouvoir (d'ailleurs il n'est pas dit qu'une bonne campagne ne leur permettrait pas d'y parvenir par la voie électorale), ils veulent instaurer un chaos profond qui rendra tout exercice du pouvoir impossible quel qu'en soit le titulaire. Il ne s'agit pas d'opposition politique ou parlementaire au gouvernement ou au président Trump (même si tel est le discours), au sens légaliste parlementaire où on l'entend en démocratie, mais plutôt d'opposition irréductible au régime et à l'Etat comme la guérilla terroriste islamiste en Syrie, que les Etats-Unis appelaient "opposition modérée" en lui envoyant de l'armement militaire collectif lourd (missiles, chars, avions téléguidés etc.). On ne veut pas battre le président sortant, on veut abattre l'Etat fédéral.

 

En parlant du président lui-même, on avait supposé il y a quatre ans qu'il avait été appelé comme bouc émissaire pour endosser l'inévitable effondrement monétaire et économique, qui sauf erreur avait d'ailleurs commencé en septembre de l'année dernière avant d'être commodément imputé aux mesures antiépidémiques. Vraisemblablement convaincus, ou quasiment, que l'effondrement aurait lieu pendant ce mandat, le parti démocrate avait présenté une candidate repoussoir caricaturale (afin de perdre l'élection), et le parti républicain avait donné son investiture à un sympathisant indépendant mais non membre (certes nationaliste désintéressé), les caciques présentables du parti n'ayant pas été plus empressés que leur rivaux d'en face d'endosser le quadriennat fatidique. Donald Trump était celui qui devait soit prendre les mesures d'ultime recours que l'on a explicitées dans le Onzième Coup de minuit de l'avant-guerre (qui vient d'être actualisé et réédité), soit présider à l'effacement du dollar et donc du mode de vie (le free lunch) étatsunien. La seule chose que personne ne maîtrisait, c'est le calendrier.

 

Pour les "révolutions de couleur" antérieures à l'étranger les fonds étatsuniens provenant par exemple des budgets officiels ou des caisses noires du NED ou de la CIA étaient illégalement (puisque le droit international interdit de déstabiliser un Etat) introduits dans les pays ciblés par le biais d'organisations crypto-gouvernementales, par l'ambassade étatsunienne locale, par des paiements directs aux activistes etc. Pour le Printemps Noir aux Etats-Unis mêmes ce sont des financements locaux qui sont mobilisés, en l'occurrence des fonds de grandes fortunes, grandes entreprises et grandes causes versés tout à fait légalement et donnant même lieu à dégrèvements fiscaux. Un système équivalent aux déductions fiscales françaises pour versements aux œuvres d'utilité publique (mais pas plafonnées à un montant ridicule) permet aux entreprises étatsuniennes d'effectuer de grosses donations pour réduire leurs bénéfices imposables, ce qui explique la prolifération de "fondations" diverses œuvrant d'ailleurs souvent au profit de causes utiles au grand capital qui les finance. Et l'efficacité de versements effectués directement, sans ponction d'intermédiaires publics, est certainement meilleure, et permet aussi d'éviter le contrôle du parlement sur l'utilisation des budgets publics. En France par exemple les députés du peuple pourraient un jour exiger que l'Etat cesse d'utiliser les impôts des contribuables loyalistes pour salarier la prédication, aux repris de justice libérables par anticipation, de l'accès au paradis par l'occision massive des consommateurs de cochon et des partisans de l'égalité des sexes…

 

Aux Etats-Unis donc, une rapide recherche internet permet de savoir où verser en toute transparence et légalité les donations destinées aux mouvements violents racistes Black Live Matters et Antifa à travers les centres de collecte agréés comme Thousand Currents (qui se vante aussi de financer légalement l'immigration clandestine illégale, certes insignifiante aux Etats-Unis) ou encore Freedom Road Socialist Organization. C'est ce que font les généreux donateurs comme l'Open Society (George Soros), les fondations Rockefeller, Novo (enfants de l'ex-homme le plus riche du monde Warren Buffett), Kellogg, Wallace et consœurs, le planning familial international (l'industrie des cellules-mères et organes d'avortons est bénéficiaire), des entreprises comme Ford, ou par ailleurs, directement ou indirectement, les multidécamilliardaires Warren Buffett et Bill Gates à l'origine il y a dix ans de la Giving Pledge (l'engagement à donner), et aujourd'hui premier financeurs de l'Organisation Mondiale de la Santé.

 

L'anarchie est donc très sérieusement financée, et par un système officiel de défiscalisation qui signifie que l'Etat lui-même y abonde (symboliquement) sans que ces subventions hors budget passent devant le parlement (ou l'exécutif). Une compilation rapide des donations collectées par Thousand Currents pour, expressément, Black Live Matters, montre qu'il ne s'agit pas de quelques petits millions qui représenteraient à peine quelques milliers de dollars de formation, équipement et propagande par meneur manipulateur de foules d'activistes. Il semblerait plutôt qu'on ne soit pas très éloigné de l'ordre de grandeur avoué par les Etats-Unis pour la déstabilisation de l'ex-Ukraine (cinq milliards de dollars sur une dizaine d'années), à diviser certes par le rapport des équivalences de pouvoir d'achat puisqu'un dollar achète bien moins de services à New York qu'à Kiev.

 

Tout cela n'est pas plus anodin que spontané, circonstanciel ou réversible, et ne peut pas viser simplement à renverser les équilibres partisans électoraux aux dépens du gouvernement qui a continué et approfondi la politique de retrait des Etats-Unis des organisations internationales et de dénonciation des traités de limitation des armements, comme on pourrait le penser au premier abord. Un changement d'équipe et de politique permettrait certes de réinsérer le pays dans la communauté internationale, mais rien, pas même une politique d'allocations d'oisiveté massives, ne peut plus permettre de restaurer la paix civile et sociale aux Etats-Unis à l'horizon prévisible, c'est-à-dire avant l'effondrement monétaire, économique et social qui était de tout façon inévitable même sans insurrection anarchiste ou raciste. L'investissement énorme dans la fomentation du chaos ne vise pas à battre un parti, il vise à abattre l'Etat fédéral.

 

Les commentateurs politiques étatsuniens montrent bien que l'élection du 3 novembre ne résoudra pas la dispute partisane, et que quel que soit le résultat il sera fortement contesté pendant plusieurs mois, voire pendant la durée du mandat, par le parti défait. Néanmoins ils ne semblent pas disposer d'une hauteur de vue politologique leur permettant de discerner, au-delà de la compétition électorale et en s'affranchissant du langage des partis respectifs, la grave attaque lancée contre le système politique et l'Etat. Accuser les démocrates de jouer avec le feu en soutenant la violence pour faire choir le président républicain relève d'un langage partisan et à courte vue, révélateur en réalité d'une incapacité à distinguer, derrière lesdits démocrates, l'ennemi du système qui les manipule pour une finalité bien plus sérieuse et durable.

 

Cette finalité vers laquelle s'engagent fortement, simultanément et, depuis le 3 juin, ouvertement les plus grandes puissances financières non étatiques (c'est-à-dire la ploutocratie apatride), c'est l'établissement de ce qu'elles appellent pudiquement la Gouvernance Mondiale, auquel les Etats les plus puissants pourraient tenter de s'opposer, et on peut supposer que les Etats-Unis ne sont pas seuls sur la liste de puissances à neutraliser.

 

Quelques paragraphes ne suffisant pas, on a consacré dans "le Quatrième Cavalier – l'ère du coronavirus" un chapitre au processus et aux enjeux de ce chantier institutionnel mondial, qui va bouleverser la vie quotidienne des peuples et des gens.

 

Il faut attendre d'autres annonces importantes à l'ouverture de l'Assemblée Générale de l'ONU, dans trois semaines.

 

 

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