L'impasse malienne

Editorial de Bernard Lugan - le 30/03/2018.

Au Mali, la multiplication des attaques terroristes montre que le jihadisme n’a pas été éradiqué.
Au nord, l’opération Barkhane a réussi à empêcher la reconstitution de zones sanctuaire. Au sud et vers la frontière avec le Niger, la tâche d’huile terroriste s’étend, touchant désormais le centre du Mali (Macina) et le Burkina Faso.
Cette évolution des actions armées et leur glissement au sud du fleuve Niger, s’explique parce que, pour les jihadistes, l’objectif est désormais la brousse où ils contraignent peu à peu l’armée et l’administration maliennes à abandonner les petits centres. 
D’immenses régions sont donc laissées sans défense, les garnisons étant isolées dans des postes le long des routes principales. De plus, lorsqu’elle est présente, l’armée malienne est perçue comme une force d’occupation par les habitants qui sont rançonnés et violentés. 
Dans les zones rurales abandonnées, les jihadistes prospèrent au milieu des trafiquants, des milices d’auto-défense et des mouvements irrédentistes qu’ils tentent d’engerber, utilisant habilement les rivalités locales. Ils se présentent ainsi comme les protecteurs des transhumants peul et ils soutiennent les dominés contre les « féodaux » qui les taxent. La chefferie traditionnelle est considérée par eux comme un relais du pouvoir de Bamako. 
Cependant, alors que leur revendication suprême est le califat universel à travers la Umma transcendant les nations, les races et les ethnies, les jihadistes sont tout au contraire contraints d’enraciner leur stratégie sur les fractures ethniques. Cette nouveauté explique désormais largement la situation sécuritaire car, au Mali et dans tout le Sahel, le nouveau mode opératoire des jihadistes s’ancre désormais sur les oppositions ethniques et sociales. Ce mouvement est facilité par la porosité et l’artificialité des frontières et par l’existence de liens ethniques transfrontaliers. De plus, comme je ne cesse de le dire depuis le début du conflit, le jihadisme n'est ici que la surinfection d'une plaie ethno-raciale. Ceci fait que l'éventuelle élimination de l'islamisme armé n'effacerait pas pour autant la revendication touareg qui lui est antérieure et qui lui survivra.
Or, pour comprendre ce phénomène, il est nécessaire de partir du réel, c’est-à-dire de la géographie et de l’histoire. Tel est le but de ce numéro spécial qui est le numéro 100 de l’Afrique Réelle. 
En totalité consacré à la question du Mali, il est le guide indispensable pour  tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par les évènements se déroulant dans cette partie du Sahel.
Avec ce numéro 100, l’Afrique Réelle confirme son installation dans la durée. Elle est devenue l’antidote des africanismes de salon, loin de la doxa, de la bien-pensance et de la dictature idéologique de ceux qui, au nom de l’universalisme, combattent planétairement   les enracinements. Ce qui les conduit à refuser le réel, donc à se tromper avec une insolite constance.
Or toute politique de sortie de crise impose : 
- De tenir compte des réalités.
- D'être en mesure de changer de paradigme.

L'Afrique Réelle N°100 - Avril 2018

OFFRE SPECIALE NUMERO 100
Sommaire :
- Le Mali, un rift géographique et ethno-racial
- Le Mali : une vieille histoire
- Une guerre de 50 ans (1963-2018)
- L’impasse actuelle et ses causes

Source : http://bernardlugan.blogspot.com.es/2018/03/lafrique-reelle-n100-avril-2018.html

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