JAPON

Les États-Unis poussent le Japon à annuler la clause de paix inscrite dans sa Constitution.

La Chine et le Japon doivent finalement trouver un accord, pour éviter une guerre.

Par Eric Zuesse − Le 26 août 2022 − Sources : Oriental Review + The Saker francophone.

Le gouvernement des États-Unis exerce des pressions sur le gouvernement japonais pour l’amener à revenir sur sa Constitution (écrite par les États-Unis en 1947), et lui faire supprimer sa clause (l’Article 9) qui empêche le Japon d’envahir un autre pays. Cette clause énonce que :

le peuple japonais renonce à jamais à la guerre comme droit souverain d’une nation, ainsi qu’à la menace ou à l’usage de la force pour régler les différends internationaux.

 

Pour accomplir l’objectif énoncé au paragraphe précédent, le Japon ne maintiendra pas d’armée de terre, de mer ou aérienne, ni tout autre potentiel de guerre. Le droit à la belligérance de l’État ne sera pas reconnu.

La raison de ce changement est que le Japon pourrait jouer un rôle décisif pour contribuer à la guerre officieuse menée par les États-Unis contre son ancien allié chinois dans la seconde guerre mondiale ; les États-Unis veulent transformer la Chine en État vassal, comme le Japon l’est depuis longtemps (sans interruption depuis 1945).

 

En particulier, les États-Unis veulent que le Japon envahisse la Chine dès lors que la Chine envahirait (pour en reprendre le contrôle) la République de Chine, à savoir la province chinoise de Taïwan, province que le Japon avait conquis contre la Chine en 1895, et que le gouvernement des États-Unis avait en 1945 été contraint à restituer à la Chine, dans le cadre de la reddition du Japon à la fin de la seconde guerre mondiale. Les États-Unis veulent aujourd’hui inverser la situation, afin que la Chine puisse être conquise par les États-Unis, comme le Japon le fut en 1945.

Les États-Unis ne peuvent vaincre la Chine que si Taïwan se trouve séparée d’elle : cela ferait fortement progresser les États-Unis dans leur objectif d’hégémonie mondiale, le premier empire global universel.

Donc : les États-Unis ont à présent inversé à 100% leur position qui était celle de la seconde guerre mondiale, consistant à s’opposer au Japon et à soutenir la Chine, pour désormais s’opposer à la Chine et soutenir le Japon. C’est dans ce cadre qu’il devient nécessaire pour eux de supprimer la clause de pacifisme de la Constitution japonaise jadis écrite par les États-Unis.

Si les États-Unis parviennent à rétablir le « droit à la belligérance » du Japon, voici la raison pour laquelle ce pays pourrait apporter une assistance cruciale dans la tentative du régime étasunien d’amener Taïwan dans le giron de l’empire étasunien pour conquérir la Chine :

Le 9 juin 2022, Salman Rafi Sheikh fut la première personne à prendre note du fait que le régime impérial étasunien avait donné pour instruction à deux de ses anciens ennemis de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne et le Japon, de pratiquer un réarmement, mais cette fois-ci au bénéfice de l’empire étasunien au lieu de leur empire propre. (En d’autres termes, la vision du régime étasunien est que le fascisme impérialiste est acceptable si l’empire est étasunien, mais PAS si l’empire est allemand ou japonais). Il a publié un article sous le titre « Comment Washington transforme le Pacifique en nouveau théâtre du conflit de l’OTAN« , et noté que « la poussée du Japon pour s’armer connaît un parallèle intéressant en Europe, où l’Allemagne, elle aussi, a décidé de faire croître massivement ses dépenses de défense à hauteur de 100 milliards d’euros. Avec Washington qui soutient activement ces changements critiques pour établir des armées puissantes aux abords de ses principaux États rivaux — la Russie et la Chine [respectivement] en Europe et en Asie — il est probable que l’on va voir émerger de nouvelles formes de conflit, avec également à l’horizon des perspectives de contre-alliances majeures. » Il poursuit :

L’accroissement du budget de défense japonais s’ajoute à la possibilité d’« interopérabilité » entre les unités étasuniennes et japonaises, permettant au second d’« exercer ses capacités d’attaques déployées vers l’avant ». Il est extrêmement important de comprendre ici que le dessein central de l’« interopérabilité » n’est pas défensif ; il est offensif, c’est-à-dire que le soi-disant « pacifisme » du Japon n’est rien de plus qu’une rhétorique usitée par Tokyo — et qu’elle continuera d’utiliser — pour masquer ses préparations militaires rapides contre la Russie et la Chine.

L’annonce faite par le premier ministre Fumio Kishida d’un « renforcement drastique » de ses capacités militaires, en marge de la visite de Biden à Tokyo, indique de toute évidence que ce processus est activement soutenu par les États-Unis.

Selon un nouveau projet politique économique publié par l’administration Kishida, la décision constitue une réponse aux « tentatives de modifier unilatéralement le statu quo de la part de forces en Asie de l’Est, faisant croître la sévérité de la sécurité régionale. » Cette affirmation est volontairement vague, afin de camoufler la montée du Japon au rang de nouvelle puissance militaire pouvant rivaliser, en tant qu’allié des États-Unis, avec la Russie et la Chine.

De fait, le Japon est déjà positionné comme allié des États-Unis contre la Russie dans le conflit russo-ukrainien. Au mois d’avril, les dirigeants japonais ont annoncé l’envoi d’équipements de défense — des drones et des équipements de protection — en Ukraine, pour aider l’armée ukrainienne à combattre les forces russes. Les règles d’auto-défense du Japon lui interdisent d’exporter des produits de défense vers d’autres pays, mais Nobuo Kishi, ministre de la défense, a justifié ce transfert comme « commercial » d’« éléments inusités. » D’autres justifications seront inventées pour accompagner la « militarisation pacifiste » du Japon.

Il est probable que de nouvelles tensions avec la Russie vont suivre. Au mois d’avril, à peu près au moment où Tokyo avait annoncé l’accroissement de son budget, le gouvernement japonais avait également changé de positionnement sur les îles Kouriles.

Dans l’édition 2022 de son livre bleu diplomatique, le Japon avait affirmé que « Les territoires du Nord sont un groupe d’îles dont le Japon détient la souveraineté, et constituent une part intégrante du territoire du Japon, mais ils sont pour l’instant occupées illégalement par la Russie. »

Cette description constitue un changement diplomatique majeur, dans la mesure où elle fait croître le niveau de tensions autour de ce qui était précédemment un territoire disputé. Qualifier la Russie d’occupant « illégal » montre que le Japon souscrit au narratif occidental sur l’« occupation » russe de la Crimée.

En termes pratiques, en faisant monter la température contre la Russie (ainsi que contre la Chine), le Japon se transforme en allié militaire de première ligne des États-Unis et de l’OTAN dans cette partie du monde.

La militarisation du Japon, dans l’ombre du soutien étasunien, est également liée au projet de plus en plus patent de la part des États-Unis/de l’Occident de faire sortir l’OTAN de son cadre d’alliance régionale ; les développements récents ont démontré que l’OTAN s’arroge désormais un rôle « global ». Au mois d’avril, le ministre britannique des affaires étrangères Liz Truss a appelé de ses vœux à un « OTAN global ». Elle a ajouté que l’OTAN doit disposer d’une « vision globale » pour être en mesure « de préempter les menaces dans l’Indo-Pacifique, en œuvrant avec nos alliés comme le Japon et l’Australie pour assurer que le Pacifique est protégé. Et nous devons nous assurer que les démocraties comme Taïwan sont en mesure de se défendre. »

Le Japon est par conséquent une extension logique de la géopolitique globale de l’OTAN, c’est-à-dire anti-russe et anti-chinoise. La décision prise par Tokyo de se réarmer pour se doter de capacités offensives n’est par conséquent pas liée à ses propres besoins, mais aux manœuvres des États-Unis pour former une coalition globale anti-russe et anti-chinoise dont le but serait de vaincre ces pays et asseoir ainsi leur hégémonie globale.

Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, au Japan Ground Self-Defense Force Camp, à Asaka, Japon, le 23 octobre 2016

Le dimanche 21 août 2022, le Japan Times titrait un article « Le Japon envisage de déployer plus de 1000 missiles à longue portée au milieu de tensions avec la Chine« , et rapportait que,

dans l’objectif de faire diminuer un colossal « écart de missiles » avec la Chine, le Japon envisage d’accumuler plus de 1000 missiles de croisière à longue portée, a affirmé dimanche un rapport, alors que les tensions croissent au sujet de Taïwan.

 

Le ministère de la défense considère le déploiement de ses missiles de Type-12 lancés depuis le sol — et d’étendre leur portée d’environ 200 kilomètres à plus de 1000 km — principalement dans ses îles éloignées du Sud-Ouest et dans la région de Kyushu, a rapporté le quotidien Yomiuri, citant des sources gouvernementales non identifiées.

 

Les armes envisagées, qui pourraient également être activables depuis la mer ou l’air, mettraient les côtes chinoise et de Corée du Nord à portée de tir, ajoute l’article.

Pour faire l’acquisition des armes rapidement, le ministère de la défense pourrait intégrer des commandes dès sa proposition de budget fiscal initial pour 2023, qui est attendu pour la fin du mois d’août 2022.

Le 24 août, le média russe RT a fait paraître un article sous le titre « Tirer l’épée de son fourreau : le Japon se prépare-t-il à agir contre la Chine? Les relations avec Pékin sont cruciales pour le commerce régional, mais Tokyo est-elle prête à les mettre dans la balance au sujet de Taïwan pour faire plaisir à Washington?« , faisant remarquer que « le Japon laisse désormais publiquement savoir que le maintien de l’autonomie de Taïwan est critique pour sa propre survie. Pourquoi? Parce qu’une réunification de l’île avec la Chine continentale accorderait à Pékin une dominance maritime sur l’ensemble de la périphérie Sud-Ouest du Japon. » en outre : « Taïwan, jadis sous le joug colonial du Japon, qui l’avait annexé à la Chine, a également vu croître ses sentiments pro-japonais de manière significative. »

Le premier ministre japonais Fumio Kishida sur un char japonais d’auto-défense de Type 10 au cours d’une parade au camp JGSDF d’Asaka, à Tokyo, le 27 novembre 2021

L’article de Wikipédia « relations entre la Chine et le Japon«  établit clairement que les économies nationales chinoise et japonaise sont en étroite interdépendance. Qui plus est, si un lecteur comprend qu’historiquement, les vainqueurs des guerres ont reçu des paiements de la part des vaincus, au titre de réparations (ces derniers étant en général les victimes, pas les agresseurs), l’article établit tout à fait clairement que le Japon a été de manière constante l’agresseur et l’impérialiste face à la Chine, qui a souffert énormément des agression du Japon contre son territoire, et a fini par non seulement perdre ces guerres, mais a dû verser ces paiements au titre de réparations au vainqueur, à chaque fois (donc, des paiements de la Chine au bénéfice du Japon) :

Les compensations versées par le Japon

Entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème, l’un des facteurs ayant contribué à la faillite du gouvernement Qing fut l’exigence japonaise de montants considérables au titre de réparations de guerre. La Chine a versé des quantités énormes d’argent métal au Japon selon divers traités, dont le Traité Commercial et d’Amitié sino-japonais (1871), le traité de Shimonoseki (1895), la triple intervention (1895) et le protocole des Boxers (1901). Après la première guerre sino-japonaise de 1894-1895, le gouvernement Qing a versé un total de 200 000 000 taels d’argent au Japon à titre de réparations.[76]

La seconde guerre sino-japonaise de 1936-1945 a également provoqué d’énormes pertes économiques à la Chine. Cependant, Tchang Kaï-tchek renonça à des réparations de guerre lorsque la République de Chine conclut le traité de Taipei avec le Japon en 1952. De même, lorsque le Japon normalisa ses relations avec la République Populaire de Chine en 1972, Mao Tse Tung renonça à revendiquer des réparations de guerre au Japon.[77]

Donc : en raison du fait que le gouvernement post-Roosevelt étasunien, qui a dominé le monde depuis 1945, s’opposa à la Chine et soutint le Japon, le vainqueur de la seconde guerre mondiale dans cette guerre fut le nouveau régime impérial étasunien créé par Truman (rejeté par Roosevelt), qui ne voulait pas que ses possessions japonaises eussent à subir des dettes de guerre pour les actes de barbarie japonais (tel que le viol de Nankin contre des Chinoises), le Japon, une fois de plus, s’en est tiré après avoir commis des meurtres — des meurtres de masse, bien entendu — à la fin du second conflit mondial. Le Japon s’en est sorti par la chance, pour devenir une nation vassalisée du nouvel empire fasciste impérialiste, l’empire étasunien ; aussi, la Chine, une fois de plus, s’est assise sur l’ensemble de ses pertes, sans recevoir la moindre compensation. Selon la nouvelle politique de Truman, la Chine était désormais traitée comme un pays ennemi, plus comme un allié (comme elle l’avait été sous Roosevelt). La politique du régime étasunien n’a pas changé depuis lors, et encore moins récemment, ce régime essayant désormais de compléter son empire globalisé universel, ou « hégémonie », en s’emparant de la Chine et de la Russie.

Cependant, le Japon va souffrir s’il rallie la guerre étasunienne contre la Chine. Voici pourquoi :

Le Japon est désormais confronté à un choix entre constituer une possession des États-Unis, et le principal relais du régime étasunien contre les autres Asiatiques dans ce jeu impérialiste global gagnant-perdant ; ou bien devenir, pour la première fois, un allié, dans un véritable jeu gagnant-gagnant, avec les autres pays d’Asie, parmi lesquels la Chine, qui en est la tête de pont, et qui constitue d’ores et déjà le principal partenaire commercial du Japon, puisqu’elle représente 23,47% de ses importations et exportations combinées, sachant que les États-Unis, second partenaire commercial du pays, représente 11,27%, soit moins de la moitié de la Chine. Avec les États-Unis, le jeu deviendrait pire (quant bien même le Japon l’emporterait, ce qui est douteux), et les dégâts économiques causés au peuple japonais seraient immenses (surtout si la Chine l’emporte dans ce jeu gagnant-perdant, chose qui ne semble pas improbable ; et cette fois-ci, le peuple japonais DEVRAIT verser des réparations en plus de ses pertes de guerre ; si bien qu’il s’agirait de la pire défaite jamais subie par le Japon, bien pire que celle de la seconde guerre mondiale).

PAR CONSÉQUENT, POUR LE BIEN-ÊTRE DES PEUPLES CHINOIS ET JAPONAIS : des négociateurs des deux pays, ainsi qu’en provenance de chacun des autres pays de la région, doivent se rencontrer dans le cadre d’une conférence est-asiatique générale, pour établir une stratégie régionale pour le siècle à venir dominé par l’Asie, en répudiant et en renonçant à TOUS les empires, et à tous les jeux internationaux gagnant-perdant.

Si cela ne se produit pas (et ne se produit pas relativement rapidement), une troisième guerre mondiale va probablement s’ensuivre, qui détruira toute la planète. Le régime étasunien est lancé sur une trajectoire de conquête mondiale, qui peut soit prendre fin à présent de manière pacifique, soit bientôt avec la troisième guerre mondiale. Il revient au Japon de prendre la décision clé. (Je m’attends à ce qu’il opte pour la guerre, car le Japon a toujours constitué un vassal obéissant depuis 1945.)

Eric Zuesse

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

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