...ou l'occasion de rouvrir la "malle à souvenirs"
...proposé par R. Neusius - le 01/05/2019.
Ayant moi-même "servi" 13 années d'affilée sur EBR- Panhard, un
engin de rêve...et de "subtilités"...
Je n'ai pu résister à l'envie de rouvrir la "malle à souvenirs" de
ces années fabuleuses de lieutenant à capitaine, passées aux 9°, 4° et 3° Régiments de Hussards....Ces "croquants" que l'on envoyait largement en avant des "gros" pour renseigner sur
l'avance des "Rouges"...avec un tout petit espoir de retour...!
La belle vie !
Je remercie R. Neusius, mon "Ancien" au 9° de Hussards d'avoir réalisé cet article pour "le site "Parachutistes militaires"
JMR
Regardez
Cette rubrique, semble-t-il, ne concerne que les véhicules à roues. Alors comment faire pour parler des chars ? On a tendance à considérer, un peu rapidement, qu’un char est un engin sur chenilles. Ce n’est
pas tout à fait vrai car la définition de char est : Voiture à quatre roues, tirée par un animal ! Exemple : Char à foin. En plus, il existe bien des chars sur roues. Ils rentrent donc bien dans cette rubrique
! Je vais donc pouvoir vous parler d’un char sur roues : l’EBR. (NOTA : depuis, cette rubrique concerne également les véhicules
"chenillés". )
Autrement dit, l’Engin Blindé de Reconnaissance et ses huit roues. L’engin qui avance et recule
sans faire demi-tour !
Une histoire qui se passe à Saumur la « Mecque des chars » où j’ai fait connaissance avec cet
EBR après avoir rencontré l’AMX 13 et entrevu l’AMX 30. Cela se passait il y a bien longtemps… Après Saint Cyr Coëtquidan ce fut Saumur et ses sous-lieutenants.
***
Le cheval d'accord mais l’important était quand même d’apprendre à combattre, les pieds sur un
moteur et le nez dans une paire de jumelles. Autrement dit dans un char. Le changement avec Coëtquidan était radical. Les rangers étaient toujours aussi brillantes mais
quelle sérénité, quel confort pour les pieds! Une vie de patachon avec en prime une douce chaleur pour vous préserver des rigueurs de l’hiver. Plus d’ampoules, rien que le risque de s’endormir.
Bref, une mission réduite à sa plus simple expression : supporter des jambes et une tête. Cette dernière partie étant de loin la plus importante. En effet, débarrassé du souci de se déplacer, un
cavalier est avant tout un cerveau. Pour des rescapés des landes bretonnes c’était une résurrection. S’adapter à notre nouvelle vie n’était pas un problème et nous y avons mis de la bonne
volonté. A nous les grands espaces ! Pour avancer, il est préférable de savoir où l’on se trouve. La topographie avec ses exercices
est donc devenue notre pain quotidien. Le départ était généralement facile car il se faisait à partir d’un point connu. La suite se compliquait au fur et à mesure des tours de roues du véhicule
dans lequel nous étions assis. L’appréciation des distances parcourues pour des gens habitués à marcher à pied n’était pas évidente. A force d’erreurs, nous avons fait des progrès sans pour
autant négliger le secours des bornes kilométriques et des panneaux indicateurs. Progressivement, l’œil s’est adapté pour reconnaître un arbre en boule à six cent mètres et une vache à portée
d’un tir canon. Pour compléter notre formation, nous avons fait connaissance avec le char AMX
13.
Son pilotage n’était pas évident mais nous avons découvert le plaisir du déplacement en
tout-terrain. Rien de tel que des chenilles pour écraser des buissons et renverser des arbres. Bien entendu avec quelques bosses de ci de là pour nous rappeler qu’un blindé est avant tout une
boîte en ferraille et pas un vélo. La fonction de tireur était un peu plus difficile à assimiler mais nous avons fini par percer les mystères des graduations de la lunette de
tir. Restait à s’habituer à l’étroitesse des lieux et aux déplacements volets fermés. Avec quelques
contorsions et de bonnes prises pour les mains tout était possible. Au fil des jours, nous sommes devenus des chefs de chars honorables et nous avons entamé notre
initiation de chef de peloton. Le champ de manœuvre situé à côté de Saumur n’était pas très grand. Faire des bonds de crête en
crête dans un mouchoir de poche nous a quand même permis de découvrir une réserve sauvage. La nature laissait libre cours à son imagination sur ce territoire situé à deux pas de la civilisation.
Certains opposants plus ou moins antimilitaristes du coin affirmaient même que certaines plantes inconnues y avaient vu le jour. Il est vrai que la prolifération des ajoncs était
inquiétante… C’est pendant les séjours au camp de Mailly situé en Champagne que nous avons ressenti pour de
bon les « joies » du chef de peloton « chenillé ». Faire du tout terrain sans panneaux indicateurs vous oblige à savoir lire une carte. Nous avons découvert le plaisir de franchir de grands
espaces sans marche à pied et sans trop nous tromper. Rouler volets fermés avec une vision limitée ne permet pas toujours d’éviter les trous d’obus.
Mais un char est fait pour passer partout. Sortir d’un mauvais pas avec un engin presque à la verticale procure des sensations où la peur voisine avec l’impuissance. Un ou deux basculements de ce
genre m’ont fait comprendre qu’il était souhaitable d’avoir un bon pilote et un casque solide. Les tirs au canon m’ont fait apprécier les écouteurs radio très utiles pour atténuer le
bruit. Ce fut un séjour plein d’enseignements. Un cavalier sur chenilles est un homme plein de bleus à
moitié sourd qui essaye de voir loin et qui parle à la radio. Le passage furtif dans le nouveau char prototype de l’époque l’AMX 30 avait légèrement corrigé cette image. Il est vrai qu’il était plus confortable et que ses périscopes donnaient une vision plus large.
Sa mise en service n’était malheureusement pas pour tout de suite…
En dehors de ces périodes dans un camp, il restait les routes et un engin parfaitement adapté :
l’E.B.R. (Engin Blindé de Reconnaissance). Avec ses roues, il nous permettait d’aller un peu partout à condition de se méfier des bas-côtés. Ce ne sont pas ses appendices au surnom de roues «
agricoles » (4 roues supplémentaires rétractables) qui pouvaient nous sortir du fossé.
Nous sommes donc rapidement devenus des apprentis-chefs de peloton d’E.B.R. Pour des raisons
matérielles peut-être, mais également en raison de l’état d’esprit qui régnait à l’époque. En effet, hormis la reconnaissance point de salut. La vivacité, l’initiative et l’intelligence ne
pouvaient être que les qualités d’un Hussard ou d’un Chasseur. Il est vrai que le déplacement des chenilles avec ses bonds de crête en crête paraissait bien laborieux. J’ai découvert l’impression de liberté donnée par cet engin. Il pouvait avancer et reculer grâce
à deux pilotes, l’un à l’avant et l’autre à l’arrière appelé inverseur. Encombré de cartes, j’ai constaté l’étroitesse de sa tourelle et compris qu’une carte Michelin pouvait suffire pour
s’orienter. Manœuvrer avec un peloton était intéressant. Jongler avec des blindés et des jeeps permettait de se déployer facilement pour contourner ou approcher un lieu suspect. Par ailleurs, le
fonctionnement de cette unité faisait appel à l’initiative de tous. La liaison radio, véritable cordon ombilical, permettait à chacun d’être informé en temps réel. Oui, il y avait une part de vrai dans cette supériorité affichée par la « Reconnaissance »
!
Et ce fut donc, presque normal, qu’après le 13ème RDP j’aille faire un tour chez les hussards
avec leurs EBR. Fini les odeurs de kérosène place aux émanations doucereuses de l’huile hydraulique du 9ème
Hussards! Car, vous l’ignorez peut-être, cet engin est une énorme distillerie avec plein de tuyaux remplis
d’huile de haute qualité O135 (c’est marqué dans la notice).
Et bien entendu, qui dit tuyaux, dit coudes, joints, raccords et tout ce qui va avec. Vous voyez
? Imaginez ce qui peut arriver avec un engin qui est quand même soumis de temps en temps à de
rudes épreuves. Des fuites ! Incroyable cette manie de faire appel au plombier ! Bien entendu, tomber en panne était souvent une catastrophe. En manœuvre, le véhicule pouvait
rester toute une nuit à attendre l’arrivée du dépannage. Parfois cela se terminait par la prise en compte par l’atelier régimentaire. C’était une catastrophe pour l’équipage complètement isolé de
son escadron et bien entendu de son peloton. Et c’est pourquoi, certains prenaient leurs précautions. Un chef de peloton passionné de
mécanique qui connaissait bien son EBR s’approvisionnait en huile pour circuits hydrauliques. Le « RAB » !! Avant chaque grande manœuvre, il disposait de bidons de réserve au fond de sa tourelle. Et c’est
ainsi qu’un jour avec son EBR, il a réussi à faire 200 kilomètres sans se faire dépanner. Un complément régulier du circuit avait permis l’exploit d’arriver jusqu’à Provins... L’engin et
l’équipage avaient une odeur et des reflets bizarres…
Un équipage heureux ! EBR du 9ème Hussards
L’EBR disposait de quatre roues supplémentaires dont l’aspect faisait penser à des roues de
tracteurs. C’est la raison pour laquelle on les qualifiait de roues « agricoles » ! Avec ses huit roues on pouvait croire qu’il était capable de se déplacer n’importe-où et en particulier en tout
terrain. Erreur ! C’était une erreur commise régulièrement et régulièrement l’engin se retrouvait «
sur le ventre » ! En particulier lorsqu’il se positionnait sur le bas-côté de la route. Un sol instable et le
véhicule s’enfonçait. Reflexe instinctif, descendre les roues agricoles. Résultat le plus souvent : enfoncement accentué et blocage total ! On avait beau nous dire que les légionnaires du 1er REC
n’avaient pas ce genre de problème car avant d’avancer sur le bas côté pour se positionner un membre de l’équipage descendait pour vérifier la stabilité du terrain. Facile à dire… Je crois plutôt
qu’ils avaient l’œil pour repérer la qualité du terrain…
Habile sur les routes où il pouvait foncer « en gros » à 90 kilomètres par heure, à l’aise sur
les chemins « stabilisés », il avait horreur des labours. Pour quelqu’un disposant de roues agricoles… Exceptionnellement, on lui avait trouvé une activité annexe mais en le débarrassant de sa
tourelle. Il servait de corbillard pour les grandes occasions… Vous voyez, c’était un engin plein de ressources.
Enterrement du général de Gaulle Bien entendu pour se déplacer, il avait besoin de carburant. Et en période de restriction
budgétaire il ne sortait pas beaucoup. Dans le fond, cela n’avait pas trop d’importance car le tireur, touché lui aussi par la restriction, ne tirait que des balles de 5/5 pour s’entrainer à
défaut d’obus bien trop chers. Oui, avec une carabine installée dans le tube du canon d’une tourelle placée dans un petit stand de tir comme à la foire. Rien à craindre du retour de
culasse… Pendant ces périodes nous avions des pilotes « qualifiés » sans expérience de conduite et des
tireurs ayant « oublié » ce qu’étaient des tirs réels. L’ennemi « rouge » ou écarlate pouvait dormir tranquille… Economie oblige, les déplacements à véhicules étaient succincts et les cavaliers
devenaient des fantassins. Et c’est ainsi que j’avais organisé des exercices avec un thème un peu « original
».
Le kilométrage étant limité, les EBR faisaient un déplacement de principe et se retrouvaient «
abandonnés » en territoire ennemi suite à l’avance fulgurante de celui-ci. L’objectif était de rester camouflé et de renseigner jusqu’à extinction des batteries et consommation de l’essence.
L’information était transmise par l’équipement radio de l’EBR de commandement qui utilisait son BLU. Les pelotons s’installaient en soignant le camouflage pour observer en toute discrétion et
faute de ravitaillement s’initiaient à la survie. Une survie faite avec des victuailles fournies (exceptionnellement et avec beaucoup de difficultés) par l’ordinaire. C’est ainsi que j’ai
donné le gout à certains de faire de la cuisine… Si je parle de ce genre d’exercice c’est que mon initiative m’est revenu en mémoire presque
quarante ans plus tard. Dans les années 2000, la nostalgie aidant, j’ai voulu retourner à Provins pour une journée «
Portes ouvertes ». Ce n’était plus le 9ème Hussards qui avait été dissous mais les bâtiments étaient les mêmes. Ils étaient occupés par le 2ème Hussards. Un EBR avec beaucoup de points de rouille trônait au milieu de l’herbe. Témoignage d’un temps
passé ! Je n’ai pas senti l’odeur de l’huile… On entendait des réflexions d’anciens appelés qui expliquaient à leurs petits enfants comment «
marchait à reculons » cet engin. Un bel hommage… Et puis, je suis entré dans une tente censée expliquer les missions du 2ème
Hussards. Quelle surprise ! 2ème Hussards, 13ème Dragons : même combat ! Des copieurs !
Il est vrai qu’avec la vie civile j’avais perdu un peu le fil entre temps…
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Pour terminer un site pour compléter votre information sur l’EBR. ICI