La désoccidentalisation de l’Alliance atlantique et le militarisme Allemand à la Conférence de Munich

...par Robert Bibeau - Le 19/02/2020.

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La 56e Conférence de Munich sur la sécurité s’est achevée le dimanche 16 février 2020 sans que les participants soient parvenus à un consensus sur la « désoccidentalisation » (« Westlessness » en anglais), le thème sous lequel était placée la conférence. C’est sous ce vocable typiquement impérialiste chauvin que les puissances du bloc «occidental» dissimulent leurs différends et leur âpre guerre commerciale. La puissance américaine, plus du tout hégémonique, préconise que les puissances économiques européennes serrent les rangs autour du parapluie nucléaire étatsunien de plus en plus contraignant et de moins en moins protecteur, alors que l’Allemagne et la France proposent plutôt de prendre leur distance face à l’agressive Amérique qui se dirige tout droit vers le krach boursier, la déliquescence militaire (malgré des dépenses somptuaires qui ressemblent davantage à du gaspillage), et vers la faillite économique et monétaire. Il sera bientôt terminé le règne du pétrodollar.  (1)

 

Dans un contexte de déclin général et de forte détérioration des relations entre les États-Unis et l’Union européenne, Washington a envoyé une délégation bipartite de fonctionnaires de la Maison Blanche et de membres du Congrès à cette Conférence afin de menacer les pays européens pour qu’il cesse de faire affaire avec la société de télécommunications chinoise Huawei. Concession que Washington a obtenue de certains de ses larbins comme le Canadien Justin Trudeau, qui ne finit pas d’en payer le prix en parts de marché agricole chinois perdues.

 

La conférence a fait suite aux annonces de l’Allemagne, de la France et, plus récemment, du Royaume-Uni, qui ont annoncé qu’ils n’interdiraient pas Huawei dans leurs réseaux de télécommunications…et voilà la réponse du pays du Brexit que les analystes rangeaient docilement dans le soi-disant « camp anglo-saxon » sous la botte de Donald Trump (sic).

 

Alors que les États-Unis affirment que les infrastructures fournies par Huawei permettraient à la Chine d’espionner les communications de ses alliés, Pékin rétorque que Washington veut garder le contrôle des infrastructures de communication mondiales pour mener ses propres écoutes téléphoniques, ce que tout un chacun des «partenaires» des Yankees sait déjà. Pour les puissances occidentales, le dilemme se résume donc de savoir par qui ils seront espionnés?

 

Quelques jours avant la conférence de Munich sur la sécurité, le Washington Post a rapporté que les services de renseignement américain espionnaient les communications cryptées des gouvernements du monde entier depuis cinq décennies, grâce à la propriété secrète de la CIA d’une société de sécurité mondiale basée en Suisse… et voilà pour la «neutralité et le secret bancaire» des banquiers helvétiques. L’occidentalisation c’est surtout cela, la domination hégémonique de l’Amérique. Tant que la superpuissance partageait le fruit de ses rapines commerciales, militaires et financières ça pouvait aller pour ses alliés tétaniser, mais du jour où il en coute davantage qu’il n’en rapporte aux partenaires de faire partie de ce club de brigand, l’Alliance est tiraillée de toute part comme au Moyen-Orient depuis quelque temps.

 

L’infrastructure de télécommunications 5G de Huawei est bien plus avancée que celle de ses rivaux européens Nokia et Ericsson, et la décision d’un pays de ne pas utiliser la technologie de Huawei le désavantagerait considérablement.

 

Dans ce contexte, madame Pelosi, représentante US a présenté le conflit comme une question morale, en faisant valoir que le litige : «porte sur le choix de l’autocratie plutôt que de la démocratie sur l’autoroute de l’information». Ridicule assurément, le choix porte sur l’autocratie chinoise ou américaine comme le démontre à l’évidence la menaçante délégation étasunienne à cette conférence allemande. Aussi, les fonctionnaires américains, avec leur combinaison de menaces, de démagogie et de promesses vides, ont reçu un accueil glacial de la part des représentants européens. Il faut toujours se rappeler que ce ne sont pas les polichinelles politiques qui commandent aux hommes d’affaires, ce sont les impératifs du bizness. Dans le domaine du 5G la Chine détient l’avantage, point final.

 

Cela s’est résumé par un échange extraordinaire entre Pelosi et Fu Ying, un diplomate chinois, qui a demandé au président de la Chambre pourquoi, étant donné que les entreprises américaines ont opéré en Chine pendant des décennies sans changer le système politique chinois, une entreprise chinoise menacerait la « démocratie » occidentale. «Pensez-vous vraiment que votre système démocratique est si fragile qu’il pourrait être menacé par cette seule entreprise de haute technologie, Huawei ?»

 

Dans un autre discours, Pelosi a menacé : «Il y aura un grand prix à payer»  Dimanche, Richard Grenell, l’ambassadeur américain en Allemagne, a indiqué que la Maison Blanche envisageait de mettre fin au partage de renseignements avec ses alliés européens. Il a posté sur Twitter : «@realDonaldTrump vient de m’appeler et m’a chargé de préciser que toute nation qui choisirait d’utiliser un fournisseur 5G indigne de confiance, compromettrait notre capacité à partager des renseignements et des informations au plus haut niveau». Voilà, la démocratie américaine en marche.

 

Après que le Royaume-Uni ait annoncé à la fin du mois dernier qu’il n’interdirait pas Huawei dans ses réseaux de télécommunications, M. Trump était en rage lors d’un appel téléphonique avec le fidèle Premier ministre britannique Boris Johnson, qui a répondu en annulant un voyage prévu aux États-Unis.

 

La menace la plus explicite est venue du ministre de la Défense Esper, qui a déclaré que : «nous sommes maintenant dans une ère de concurrence entre grandes puissances, nos principaux challengers étant la Chine, puis la Russie, et nous devons nous éloigner des conflits de faible intensité et nous préparer à nouveau à une guerre de haute intensité». En faut-il davantage pour que les experts et les politologues en goguette comprennent pourquoi nous affirmons depuis trois ans que les États-Unis opèrent un redéploiement de leurs forces militaires de l’Ouest européen et Méditerranée et du Moyen-Orient (conflits de faible intensité) vers le Sud-est asiatique et vers l’Est européen (guerre de haute intensité en préparation) ?

 

Esper a appelé les alliés des États-Unis à se réveiller face à la stratégie menée par la Chine pour vendre la technologie 5G à l’Europe. Il a déclaré : «Si nous ne comprenons pas la menace et que nous ne faisons rien pour y remédier, cela pourrait en fin de compte compromettre l’alliance militaire la plus réussie de l’histoire, l’OTAN». Macron avait raison il y a quelques mois de prédire la mort cérébrale de l’OTAN. (3)

 

Alors que la Chine était au centre du conflit, le sommet a été déchiré par une série de divisions entre les États-Unis et l’Europe. La semaine dernière, la Maison Blanche a annoncé qu’elle allait augmenter les tarifs sur les avions européens, dans une attaque contre Airbus, le rival de Boeing. Pendant ce temps, le secrétaire américain à l’énergie, Dan Brouillette, a jubilé devant le succès des États-Unis à forcer l’Allemagne à abandonner le gazoduc Nord Stream II, ce qui a fait douter de la capacité de la Russie à terminer la construction du gazoduc après que les sanctions américaines aient forcé la société européenne qui le construit à faire marche arrière. Ce qui ne constitue en rien une victoire pour la puissance américaine, mais ne fera qu’exacerber les tensions entre l’Allemagne et son concurrent américain de moins en moins son partenaire et allié. (4) Car l’Allemagne n’a pas le choix, pour son expansion elle doit se procurer de l’énergie bon marché (le gaz russe). Le Président allemand l’a d’ailleurs souligné en fin de Conférence : «Le président allemand Steinmeier appelle à une politique de grande puissance germano-européenne lors de la conférence de Munich. La classe dirigeante allemande est déterminée à promouvoir le retour du militarisme par tous les moyens.»

 

Le président français Emmanuel Macron, pour sa part, a vivement critiqué la politique américaine envers la Russie, qu’il a jugée trop agressive. « Ce n’est pas une politique, c’est un système complètement inefficace », a-t-il déclaré. Macron a ajouté : « Il y a un deuxième choix, qui est d’être exigeant et de relancer un dialogue stratégique, car aujourd’hui nous parlons de moins en moins, les conflits se multiplient et nous ne sommes pas capables de les résoudre« . (5) Voilà le spectre qui hante les grandes puissances, l’insurrection mondiale.

 

Le prolétariat international doit s’intéresser à ces conférences et à ces sommets, où les valets politiques et leurs fonctionnaires administratifs discutent, tentent de se concerter, et finissent par se chamailler et à étaler leurs rivalités au service du grand capital international. Nous n’avons rien à attendre de ces tractations et de ses préparatifs de guerre où nous serons conviés à la curée pour défendre le précarré des capitalistes chauvins nationaux. Notre ennemi ce ne sont pas l’OTAN, l’Union européenne, le Brexit britannique, la Banque mondiale ou le FMI. Notre ennemi c’est le mode de production capitaliste qui les pousse à s’unir pour nous contrer et se perpétuer. Nous devons le renverser.

Notes

 

  1. http://french.xinhuanet.com/2020-02/17/c_138789449.htm
  2. Les illusions de Trump sur l’économie américaine. https://les7duquebec.net/archives/252534
  3. https://www.lemonde.fr/international/article/2019/11/28/mort-cerebrale-de-l-otan-macron-assume-stoltenberg-recherche-l-unite_6020929_3210.html
  4. https://les7duquebec.net/archives/242915
  5. http://french.xinhuanet.com/2020-02/17/c_138789449.htm

Source : https://les7duquebec.net/archives/252562

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