La diplomatie d'E. Macron au détecteur de mensonges

...par Guillaume Berlat - Le 01/07/2019.

RIEN NE VA PLUS DANS LE COUPLE FRANCO-ALLEMAND DEPUIS QU’EMMANUEL MACRON EST ENTRÉ PAR EFFRACTION À L’ÉLYSÉE. JAMAIS LA CONFRONTATION LA PLUS STÉRILE AVEC LA CHANCELIÈRE ET LA PRÉSIDENTE DE LA CDU/DCS N’A ÉTÉ AUSSI PAROXYSTIQUE. ET BERLIN RÈGNE EN MAÎTRE INCONTESTÉ À BRUXELLES1. LE RESTE DE LA DIPLOMATIE MACRONIENNE EST AUSSI MAL EN POINT. BRAVO L’ARTISTE QUI ADORE SE METTRE EN SCÈNE, POUR NE PAS DIRE EXULTE DE SE DONNER EN SPECTACLE.

« Un homme ne doit pas avaler plus de bobards qu’il ne peut en digérer » (Henry Brooks Adams). Par les temps qui courent, nous sommes contraints de gober les multiples bobards (« fake news ») que nous servent nos perroquets à carte de presse sur les chaînes d’abrutissement en continu avec une constance qui mérite louange. Avec le ton péremptoire et hautain qui le caractérise, le quotidien Le Monde, qui n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut, titre en première page de son édition du 23-24 juin 2019 : « Trump : les coulisses d’une diplomatie illisible »2. Il consacre, sur deux pages, un long reportage du type journalisme militant3, aux errements de la diplomatie du 45ème président des États-Unis au travers d’un portrait trash et cash de son conseiller national à la sécurité, John Bolton, l’homme à la moustache qui hait le multilatéralisme4. C’est ce que l’on appelle enfoncer le clou. À découvrir attentivement cette prose de haut vol, on s’interroge sur le point de savoir s’il n’y aurait pas une coquille typographique, le nom de Donald Trump ayant été malicieusement substitué à celui d’Emmanuel Macron.

C’est ce que nous allons tenter de démontrer à travers quelques exemples concrets tirés de l’actualité internationale la plus récente : Union européenne, Russie et Syrie. Malheureusement, cette liste est loin d’être exhaustive. Elle n’est qu’illustrative tant l’actualité internationale fourmille d’exemples illustrant la Berezina de la diplomatie française, une sorte de Titanic diplomatique5. Il n’y a qu’à ouvrir les yeux pour se faire une petite idée de l’étendue de la déconvenue macronienne. Et, rien n’y fait, on recommence ad nauseam les mêmes erreurs, les mêmes fautes impardonnables.

LA FRANCE À L’UNION EUROPÉENNE : UNE RÉLLE VACUITÉ

« En diplomatie, il faut toujours dire la vérité. D’abord, on ne se trompe jamais. Ensuite, comme on ne vous croit pas – puisque vous êtes diplomate – vous avez d’emblée une supériorité sur votre interlocuteur ». Montaigne. Muni du lourd héritage de notre ex-directrice de l’ENA, ex-ministre des Affaires européennes qui lui ont toujours été étrangères, Emmanuel pèse de moins en moins dans les cénacles bruxellois et strasbourgeois. Il en réduit à jouer un rôle qui lui convient à merveille, celui de roquet, de mouche du coche.

Le douloureux héritage Loiseau. Quoi qu’en disent nos braves et valeureux communicants du château – dans leur exercice de diffusion de « fake news » à jet continu -, les dernières facéties de Loiseau qui se brûle les ailes laissera des traces sur la scène européenne !6 Elle déclare aujourd’hui : « j’ai parlé cash et je le paie cash »7. Dans cette délicate période de renouvellement de l’exécutif européen (le « carrousel »), Emmanuel Macron doit gérer le naufrage de son ancienne tête de liste, Nathalie Loiseau. Au sortir d’une campagne déjà douloureuse, l’ex-ministre des affaires européennes a été contrainte de renoncer à briguer la présidence de « Renew Europe », après un « off » qui restera dans les annales bruxelloises. Et qui a montré toutes les limites de sa maîtrise de la diplomatie Du côté de l’Élysée, on cherche depuis plusieurs jours à minimiser cet épisode.

« On l’aura vite oublié », assurait l’entourage d’Emmanuel Macron la veille du conseil européen. « Cette polémique est un faux départ. Elle n’aura pas de conséquence à long terme sur notre délégation », veut aussi croire Stéphane Séjourné, qui dirige désormais le groupe « Renaissance » à Strasbourg. Elle a pourtant largement fragilisé la délégation macroniste, qui a dû céder au Roumain Dacian Ciolos la présidence de « Renew Europe », alors qu’elle en compose le gros des troupes. Pour beaucoup, l’attitude de Nathalie Loiseau a agi comme le révélateur du comportement adopté par bon nombre d’élus « Renaissance » depuis leur entrée au Parlement. Dans les conversations de diplomates et d’eurodéputés, le mot « arrogance » revient souvent. Et ce n’est pas la façon dont la France a torpillé la candidature de Manfred Weber – jugé « totalement disqualifié »par Pascal Canfin au lendemain des élections – qui a arrangé les choses8.

La mouche du coche Jupiter. Faute d’être en mesure de jouer les « faiseurs de rois », Emmanuel Macron est contraint de jouer les mouches du coche pour s’opposer à la désignation du candidat du PPE (l’allemand Manfred Weber) à la présidence du Parlement européen alors qu’il a une plus grande crédibilité que son Oiseau de mauvais augure. Il n’existe désormais que par sa capacité de nuisance et par son obligation de s’allier au diable (le forban, Viktor Orban) pour s’opposer à Angela Merkel9. La « Grande Nation » n’a de grand que le nom. Emmanuel Macron confond gagner une bataille (celle contre le système des « Spitzenkandidaten », qui prévalait depuis 2014, et selon lequel le parti arrivé en tête des élections européennes envoyait son chef de file à la présidence de la Commission.) et gagner la guerre contre l’Allemagne (celle de la prééminence et de l’influence au sein de la machinerie européenne qu’elle n’est plus en mesure de lui contester tant ses faiblesses sont criantes).

Force est de constater qu’Emmanuel Macron n’a barre ni sur Berlin, (le couple franco-allemand fait chambre à part en dépit du traité d’Aix-La-Chapelle), ni sur le fonctionnement de l’Union (plus personne n’ose prononcer le nom de Sorbonne dont le discours de l’automne 2017 devait constituer l’acte I de la refondation de l’Europe). En filant la métaphore poétique, l’on pourrait dire : « Et rose, elle vécut ce que vivent les roses, l’espace d’un matin… » à la manière de François de Malherbe. Une fois encore, l’Union européenne, dotée d’un pléthorique et inutile service européen d’action extérieure (SEAE) démontre l’étendue de son inconséquence sur tous les dossiers brûlants de l’actualité internationale (crise avec l’Iran dont elle ne sort pas grandie10) ou sur sa gouvernance (échec du cordon sanitaire contre les affreux « populistes » dans le nouveau Parlement européen qui parvient à créer un groupe Identité et démocratie et devient incontournable pour l’attribution des postes au sein de la structure). Comme le constate, avec retard – mais mieux vaut tard que jamais – le coprésident des Verts européens, Philippe Lamberts : « Il ne faut pas victimiser les extrêmes, ce n’est pas forcément bon pour la démocratie »11. La brillante Nathalie Loiseau ne l’a toujours pas compris, elle qui faisait encore très récemment la leçon de morale et de diplomatie à tous ses alliés (de plus en plus rares) et à tous ses ennemis (de plus en plus nombreux).

Encore faudrait-il méditer les leçons de ces insuccès et de ne pas les reproduire à l’identique dans le futur. Ce qui est loin d’être le cas si l’on passe du dossier syrien à celui de la relation bilatérale avec la Russie. Pays dans lequel Moscou s’est particulièrement impliqué depuis le début de la « révolution syrienne », écartant les Occidentaux de manière durable.

LA RELATION AVEC LA RUSSIE : INUTILE QUERELLE

« La véritable finesse est la vérité dite quelque fois avec force et toujours avec grâce ». Etienne François duc de Choiseul. La position de la France à l’égard des acteurs majeurs sur l’échiquier international est tout simplement pathétique depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Peu après sa prise de fonctions, Emmanuel Macron s’est présenté comme l’interlocuteur incontournable des deux Supergrands. Seuls Donald Trump et Vladimir Poutine (et encore) étaient de son niveau, le reste n’était que valetaille et consorts.

Le copinage malsain avec Donald. Après avoir écrasé la main du président américain et lui avoir doctement parlé dans la langue de l’Oncle Sam, il pensait avoir amené Donald Trump a quia sur deux dossiers emblématiques : celui du climat et du nucléaire iranien. Patatras, l’homme à la mèche blonde n’en fait qu’à sa tête, considérant Pinocchio comme quantité négligeable. Il s’affranchit des torchons de papier de Paris et de Vienne en un tournemain comme si les traités n’étaient pas faits pour le peuple à la destinée manifeste. Signe des temps, l’arbre offert par Jupiter à Donald, et qu’ils avaient planté ensemble dans le jardin de la Maison Blanche lors de son immémorable visite officielle Outre-Atlantique, a « crevé ». Emmanuel Macron est contraint d’aboyer tel un roquet lorsque l’époux de Melania dépasse les bornes, en particulier sur le dossier iranien. Avec le succès que l’on sait. L’oncle Donald semble lui dire, cause toujours, tu m’intéresses. La France d’Emmanuel Macron, c’est nothing to polish. Manifestement, le mélange de calinothérapie et de diplomatie tactile, si chère à notre président bien aimé (Cf. le mano dans la mano si tendre et si touchant avec Elton John décoré de la légion d’honneur sur le perron de l’Élysée le jour de la fête de la musique, le 21 juin 2019) a fait flop. Était-ce une réelle surprise pour tous ceux qui s’attachent aux fondamentaux de la diplomatie ? La diplomatie n’est pas affaire de sentiment mais d’intérêts bien compris qu’il s’agit de défendre.

L’admonestation mortifère de Vladimir. Avec le président russe, Emmanuel Macron adopte un tout registre, celui de la parole forte et blessante (inutilement selon les canons de la diplomatie classique qui a fait ses preuves). Le recevant au château de Versailles peu après sa prise de fonctions, il le tance vertement et publiquement à propos de la campagne de désinformation supposée avoir été orchestrée par la Russie contre lui au printemps 2017. Il va plus loin en faisant voter une loi contre les « fake news » afin de montrer sa détermination à ne pas se laisser faire à l’avenir. En lieu et place du dialogue, il privilégie la voie de l’anathème contre le désinformateur en chef (celui qui fait gagner les « populistes » à toutes les élections dans les pays occidentaux) et celle de l’exclusion (prolongation des sanctions, y compris lors du dernier conseil européen et de l’exclusion du G8 en raison de l’invasion de la Crimée, y compris lors du prochain sommet de Biarritz). Il jette le président russe dans les bras de son homologue russe comme au bon vieux temps de la guerre froide (Cf. récent sommet de Moscou). Tout est bon pour humilier le méchant ours russe à qui l’on doit tous les malheurs de la terre. Or, celui-ci a la mémoire longue et la rancœur tenace. Il ne manque aucune occasion de traiter son homologue français avec distance et dédain.

Comme tout ce qui est excessif est insignifiant (Talleyrand), le président français doit mettre de l’eau dans sa vodka en particulier au Conseil de l’Europe dont la France exerce la présidence semestrielle (Cf. question de la suspension des droits de vote de la délégation russe au sein de l’APCE)12. Le moins que l’on puisse dire est qu’il va à Canossa pour éviter que Moscou déserte définitivement le Palais de la paix à Strasbourg où siège la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)13. Le 23 juin 2019, l’APCE rend possible le retour de la délégation russe après cinq ans de crise institutionnelle successive à la crise ukrainienne14. Par ailleurs, nous apprenons – signe que les temps ont changé et qu’il faut bien parler à tout le monde – que Paris espère une relance prudente des relations avec Moscou. C’est que l’on ne peut se fâcher avec la planète entière si l’on veut jouer un rôle de médiateur crédible !

Le premier ministre, Édouard Philippe rencontre, le 24 juin 2019, au Havre son homologue russe, Dmitri Medvedev pour parler crises régionales (Ukraine, Syrie notamment) mais aussi économie15. Nous apprenons qu’Emmanuel Macron voudrait « réenclencher une dynamique » avec la Russie et « reprendre un dialogue stratégique » (?). Il déclare, ô stupeur pour la Macronie pur jus, que « L’Europe, dans cet ordre multilatéral que je défends, a besoin de rebâtir une nouvelle grammaire de confiance et de sécurité avec la Russie qui ne doit pas exclusivement passer par l’OTAN ». On se demande si l’on ne rêve pas à découvrir cette nouvelle philippique macronienne. Avons-nous bien lu ? Les mots n’ont-ils pas changé de signification en Macronie ? Le président de la République n’aurait-il pas consommé quelques substances illicites ? L’observateur se perd en conjectures diverses et variées à l’aune de cet acte II du quinquennat que l’on nous annonce merveilleux après les multiples ratés de l’acte I. Brigitte Macron nous l’a juré, craché lors de son intervention radiophonique du 21 juin 2019 sur RTL. Nous sommes rassurés.

Quelle conversion tardive à la Realpolitik ! Et, dire qu’il aura fallu plus deux ans à notre premier de la classe – comme le fut dans sa jeunesse, Nathalie Loiseau – pour découvrir pareille évidence. C’est ce que l’on appelle manquer du bon sens élémentaire qui est parfois antinomique avec une intelligence abstraite. À quoi lui sert donc sa horde de conseillers diplomatiques aplaventristes et incompétents qui l’on conduit droit dans le mur ? Mais, à quand le passage à l’acte ? À quand un passage à l’acte II de sa diplomatie, celle du réalisme et des intérêts bien compris loin de celle des fausses valeurs.

Le dossier russe nous conduit tout naturellement à la crise syrienne car tout se tient en diplomatie tant dans le temps que dans l’espace.

LA FRANCE ET LE DOSSIER SYRIEN : UNE AUSSI LONGUE ABSENCE

« Un diplomate qui se croit obligé de mentir n’est pas un diplomate mais seulement un pauvre imbécile ». Talleyrand. Mêmes causes, mêmes effets ! La posture constante d’arrogance assumée et revendiquée de la diplomatie française, celle des petits marquis de Bercy et autres crânes d’œuf du Conseil d’Etat ou de la Cour des comptes qui peuplent les cabinets ministériels, conduit la France sur les chemins d’une déculottée magistrale sur le dossier syrien. Un tout faux impérial qui vaudrait un zéro pointé à l’élève Macron et à son acolyte Le Drian dans une école de diplomatie. Bravo les deux artistes du Barnum Macron.

La superbe arrogance française. Syrie, voilà encore un dossier sur lequel Emmanuel Macron a poursuivi avec les errements coupables de ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Quel fut son joker peu après sa prise de fonctions alors que la diplomatie française était durablement sur la touche ? Ce fut l’Annonce faite à Marie16 lors de la Conférence des ambassadeurs de la fin du mois d’août 2017, de la nomination du fantôme, François Sénémaud comme son représentant spécial sur le dossier syrien. Celui dont on ne sait s’il existe toujours (une sorte de fantôme du Quai des Brumes) ou s’il ne serait qu’un vulgaire emploi fictif (à signaler au Parquet national financier). Emmanuel Macron décrète ainsi qu’il fera jeu égal sur le dossier syrien avec une variante de sa diplomatie du en même temps : il faut tenir compte de la présence de Bachar Al-Assad au pouvoir tout en l’ignorant et le contournant. Impossible exercice d’équilibrisme diplomatique. En un mot, un pétard diplomatique ou une vaste blague ! Faute de dialoguer avec l’Iran, la Russie et la Turquie, Emmanuel Macron en est réduit à jouer les imprécateurs, les oiseaux de mauvais augure. Il ignore manifestement que la diplomatie n’est pas un long fleuve tranquille. Son succès est conditionné par l’humilité, qualité qui n’est pas de celles qu’on lui reconnait volontiers, y compris sur la scène nationale. Aujourd’hui, les mouches ont changé d’âne comme le disait le regretté commentateur de matchs de football, Thierry Roland. La France paie désormais, intérêt et principal, la liste de ses erreurs d’appréciation impardonnables sur une aussi longue durée, une décennie environ.

La magistrale déculottée française. Mais, les faits sont têtus. Avec un fort soutien militaire de Moscou et de Téhéran, le régime syrien reprend petit à petit le contrôle de son territoire, exception faite de la dernière poche de résistance à Idlib. Donald Trump, qui est considéré comme un imbécile à l’Élysée car il ne sort ni de l’ENA, ni de Harvard, a bien analysé la situation. La guerre conduite par les Occidentaux est perdue. Elle a été remportée par les Russes17. Cela relève de l’évidence18. Il faut donc rapatrier les boys à la Maison. Pendant ce temps, Pinocchio se berce d’illusions en maintenant quelques forces spéciales sur le terrain (pour faire quoi et avec qui maintenant que les boys sont partis ?) et en pensant à la reconstruction (avec quel argent au moment où Bercy tranche dans les budgets à la hache et où la Cour des comptes tance l’exécutif pour sa gestion budgétaire hasardeuse ?). Tout ceci n’est pas très sérieux. Faute d’avoir su faire marche arrière suffisamment tôt, la diplomatie française se paie de mots en Syrie et dans la région.

Mais, elle préfère faire la sourde oreille – le fameux classique de la politique du chien crevé au fil de l’eau – après les conclusions glaçantes du rapport de l’ONU (rédigé par une magistrate française, Agnès Callamard, tel est bien son nom) sur l’affaire Kashoggi19. Pas très glorieux pour le pays qui s’autoproclame patrie des droits de l’homme et autres carabistouilles et qui fricote avec un régime infréquentable qui commet crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Yémen20. Cela se voit comme le nez au milieu de la figure et cela se murmure dans les chancelleries du monde entier. Emmanuel Macron n’est qu’un menteur de bas étage, un remake de Pinocchio dont le nez ne cesse de grandir. « On se représente volontiers le type du diplomate de carrière sous les traits d’un mondain tiré à quatre épingles, qui sait passer à côté de la vérité avec une subtile ingéniosité » (Baron de Schoen, 1922). Ce jugement n’a pas pris la moindre ride de nos jours surtout à découvrir les fadaises de l’un de nos ex-ambassadeurs à Damas, le sinistre Michel Duclos21, auteur d’un brillant ouvrage sur la décennie écoulée22.

De son côté, notre excellentissime ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, plus connu sous son sobriquet de Jean-Yves le Chouchen, ne mentionne pas une seule fois le mot Syrie dans son récent entretien à l’hebdomadaire Le Point dans lequel il était censé tout nous dire de sa diplomatie de choc. Signe d’un réel embarras sur un dossier qu’il a suivi depuis sept ans, d’abord comme ministre de la Défense (cinq ans), puis comme responsable du Quai d’Orsay (deux ans)23 et auquel il n’a toujours rien compris.

Que conclure, fût-ce de manière provisoire, de toute cette succession de blagues de mauvais goût qui font le sel de la diplomatie française24 sous le règne de Jupiter-Macron 1er ? Relire impérativement George Orwell non seulement pour comprendre le monde d’hier mais celui qui se construit25. On y trouvera matière à réflexion au moment où l’on envisage de faire une chasse implacable aux fonctionnaires « récalcitrants », y compris aux diplomates26, d’instituer un Conseil de l’Ordre des Journalistes au doux parfum de Vichy.

Ceux à qui ils viendraient la mauvaise idée de faire part de leurs doutes, de leurs interrogations sur la conduite problématique du navire France dans les eaux tourmentées de la mer du XXIe siècle seront illico ramenés sur le droit chemin qu’ils n’auraient pas dû quitter. Aujourd’hui, la pensée est cadenassée et la parole bâillonnée comme dans les authentiques démocratures et autres démocraties illibérales que nous cessons de vilipender à longueur d’année. Vive la liberté, cru Macron nouveau monde qui fait franchement rigoler aux quatre coins de la planète. Nos partenaires découvrent la pertinence du jugement de Luc Ferry pour qui les Français ont mis un gamin à l’Élysée. Celui dont Nicolas Sarkozy pense le plus grand bien dans ses récentes Mémoires27.

LA DIPLOMATIE DES ILLUSIONS PERDUES : PAUVRE FRANCE !

« Pour le diplomate, le dernier mot de l’astuce est de dire la vérité quand on croit qu’il ne la dit pas, et de ne pas la dire quand on croit qu’il la dit ». Georges Courteline. « On ne fait pas de politique autrement que sur des réalités » nous rappelle fort à propos le général de Gaulle. Les mésaventures d’Emmanuel Macron mettent au grand jour les dérives d’une monarchie républicaine à bout de souffle, d’une action extérieure sans cap ni vision. Elles en disent long sur les faux-semblants, l’esprit courtisan et les hiérarchies parallèles28 qui décrédibilisent sa politique étrangère, et, par voie de conséquence, sa diplomatie planétaire aujourd’hui bien mal en point (tant avec les États-Unis sur le dossier iranien29 qu’avec l’Arabie saoudite sur les dossiers Kashoggi30 et yéménite). Où que l’on tourne son regard, ce ne sont que déconvenues, reculades, échecs, champs de ruines qui décrédibilisent la France sur la scène internationale. Et, il n’aura fallu que deux ans pour parvenir à ce bilan calamiteux !

Bravo au candidat disruptif qui devait accompagner la France éternelle sur les chemins d’un nouveau monde radieux, une sorte de paradis sur terre31. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, l’équipe de choc du quotidien du soir – nous pensons à sa cellule Decodex qui traque le bobard à longueur de journée et de nuit sans désemparer – aurait été particulièrement bien inspiré en titrant à la une de son édition de fin de semaine : « Macron : les coulisses d’une diplomatie illisible » … plutôt qu’en accablant Donald Trump dont le bilan international est moins calamiteux que l’on veut bien l’affirmer dans les dîners en ville du boulevard Saint-Germain32.

Guillaume Berlat
1er juillet 2019

1 Samuel Piquet, Vague de clairvoyance sur la France, Marianne, 28 juin-4 juillet 2019, p. 19.

2 Trump : les coulisses d’une diplomatie illisible, Le Monde, 23-24 juin 2019, p. 1.

3 Jacques-Marie Bourget, Attention : « journalistes militants ! », www.prochetmoyen-orient.ch , 17 juin 2019.

4 Gilles Paris, États-Unis : John Bolton, l’imprécateur de Donald Trump, Le Monde, 23-24 juin 2019, pp. 18-19.

5 Guillaume Berlat, Les deux ans d’un Titanic diplomatique…, www.prochetmoyen-orient.ch , 27 mai 2019.

6 Ali Baba, Les nouvelles aventures de Nathalie : Loiseau dans la mouisewww.prochetmoyen-orient.ch , 17 juin 2019.

7 Valérie Hacot/Pauline Théveniaud, Nathalie Loiseau, « J’ai parlé cash et je le paie cash », www.leparisien.fr , 23 juin 2019.

8 Ellen Salvi, Malgré Loiseau, Macron se rêve en maitre du jeu européen, www.mediapart.fr , 21 juin 2019.

9 Ellen Salvi, Sur la scène européenne, le « style Macron » ne passe plus, www.mediapart.fr , 28 juin 2019.

10 Farad Khosrokhavar, « L’Europe, incapable de contrer Trump sur l’Iran, pariera le prix fort », Le Monde, 28 juin 2019, p. 24.

11 Cécile Ducourtieux/Lucie Soullier, Vers la fin du cordon sanitaire pour l’extrême droite à Strasbourg, Le Monde, 28 juin 2019, p. 5.

12 Éditorial, Conseil de l’Europe : le dilemme russe, Le Monde, 23-24 juin 2019, p. 32.

13 Benoît Vitkine, Au Conseil de l’Europe, une imminente victoire russe, Le Monde, 23-24 juin 2019, p. 4.

14 Benoît Vitkine, Le Conseil de l’Europe lève ses sanctions contre la Russie, Le Monde, 26 juin 2019, p. 5.

15 Olivier Faye, Au Havre, Philippe joue les diplomates avec Medvedev, Le Monde, 26 juin 2019, p. 10.

16 Paul Claudel, L’Annonce faite à Marie, Gallimard, 1912.

17 Alain Léauthier, Syrie. Les Russes, seuls maîtres du jeu, Marianne, 21-27 juin 2019, p. 37.

18 Michel Raimbaud, Les guerres de Syrie, éditions Glyphe, 2019,

19 Cécile Andrzejewski, « Le meurtre de Jamal Kashoggi est un meurtre d’État », www.mediapart.fr , 21 juin 2019.

20 Martine Gozlan, Dans les coulisses du lobby saoudien, Marianne, 21-27 juin 2019, pp. 38-39.

21 Isabelle Lasserre (propos recueillis par), Michel Duclos : « La guerre en Syrie est un Tchernobyl géopolitique », Le Figaro, 18 juin 2019, p. 18.

22 Michel Duclos, La longue nuit syrienne. Dix années de diplomatie impuissante, éditions de l’Observatoire, juin 2019.

23 Ali Baba, Frère Le Chouchen va à confessewww.prochetmoyen-orient.ch , 17 juin 2019.

24 Erik Emptaz, En dents de diplomatie, Le Canard enchaîné, 26 juin 2019, p. 1.

25 Mathieu Bock-Côté, George Orwell, auteur pour notre temps, Le Figaro, 15-16 juin 2019, p. 18.

26 Benoît Floc’h, La valse des directeurs d’administration centrale se fait attendre, Le Monde, 22 juin 2019, p. 16.

27 Nicolas Sarkozy, Passions, éditions de l’Observatoire, 2019.

28 Jack Dion, La Macronie sait reconnaître les siens, Marianne, 28 juin-4 juillet 2019, p. 59.

29 Claude Angeli, Des « colombes » au Pentagone pour calmer Trump, Le Canard enchaîné, 26 juin 2019, p. 3.

30 L’ONU sciée, Le Canard enchaîné, 26 juin 2019, p. 1.

31 Patrick Lemoine (propos recueillis par Florence Rosier), « Tous les tyrans sont des modèles de grands paranoïaques », le Monde, Science et Médecine, 26 juin 2019, p. 8.

32 La rédaction de Mediapart, Iran, le fiasco de Trump, www.mediapart.fr , 24 juin 2019.

Source : http://prochetmoyen-orient.ch/la-diplomatie-demmanuel-macron-au-detecteur-de-mensonges/

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