Une bien curieuse élection (US)

...par Charles Gave - le 22/10/2016.

 

Economiste et financier

 

Président Fondateur de l'Institut des Libertés (www.institutdeslibertes.org)

Diplômé de l'université de Toulouse (DECSS d'économie) et de l’université de Binghamton (MBA),

Président Fondateur de Gavekal research (www.gavekal.com) et de Gavekal securities (Hong Kong)

Membre du conseil d'administration de SCOR

Co-fondateur de Cursitor-Eaton Asset Management (Londres) (1986)

Créateur de l'entreprise Cegogest (recherche économique) (1973) 

Ouvrages

Charles Gave s'est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire :

"Des Lions menés par des ânes" (Editions Robert Laffont) (2003) où il dénonçait l'Euro et ses fonctionnements monétaires.

Ouvrage préfacé par Milton Friedman "Un libéral nommé Jésus", Bourin, 2005

"C'est une révolte ? Non, Sire, c'est une révolution. L'intelligence prend le pouvoir," Bourin, 2006

"Libéral, mais non coupable", Bourin Éditeur, 2009 -  "L'Etat est mort, vive l'état" - Editions François Bourin 2009 - Dernier ouvrage qui prévoyait la chute de la Grèce et de l'Espagne. 



 

Que le lecteur veuille bien considérer les deux cartes ci-dessous.

En rouge, les états que gagneraient Trump si seuls les hommes votaient tandis qu’apparaissent en bleu, les états favorables à madame Clinton. Dans ce cas de figure, Trump serait élu avec 350 votes de grands électeurs contre 188 à sa rivale.

La carte suivante, coloriée de la même façon montre les mêmes résultats si seules les femmes votaient. Madame Clinton serait élue par 458 grands électeurs contre 80.

Honnêtement, je n’ai jamais vu une telle polarisation du vote aux USA entre les deux sexes.

Ce résultat très étonnant explique à mon avis en grande partie le coté extrêmement bizarre de cette campagne électorale.






Explications diverses et variées

Cette information permet de comprendre en grande partie le coté irréel des débats. Dans le fond madame Clinton se dit qu’elle n’a pas besoin de faire campagne puisque le seul fait d’être une femme lui assure d’être élue, ce que semble indiquer une majorité de sondages.

L’ennui pour elle est bien entendu que son Bill de mari traine toute une série de casseroles tant il semble avoir été pendant toute sa vie ce que les tribunaux américains appellent un "prédateur sexuel", c’est-à-dire un homme sur lequel pèsent de nombreuses accusations de viol. Et les femmes qui portent ces accusations sur Bill disent toutes que loin de leur témoigner la moindre compassion, madame Clinton a essayé à chaque fois d’enfoncer les victimes en les abreuvant d’injures et en les menaçant des pires ennuis si elles parlaient.

Or tout le monde sait que quand les Clinton menacent, il vaut mieux ne pas traverser une rue sans regarder.

Toutes ces accusations contre l’ex Président Clinton, largement prouvées, s’étalent sur les trente dernières années au moins, et dans l’un des cas, les époux Clinton ont même versé $ 850 000 à l’une des victimes pour que cette dernière ne porte pas plainte.

Il n’y a guère de discussion possible sur les méfaits de Bill.

En conséquence, il est urgent de montrer aux femmes des Etats-Unis que l’autre candidat ne vaut pas mieux.

Et donc, pour désamorcer toute ces affaires, fort opportunément, de nombreuses femmes se mettent à  témoigner que Trump leur a pincé les fesses à un moment ou à un autre dans les trente dernières années, ou qu’il a dit des horreurs sur la gent féminine, ce qu’il reconnait dans ce cas précis.

 

Et toutes ces accusations sortent dans le mois qui précède le vote ce qui ne laisse guère le temps de faire des enquêtes sérieuses. Mais les dégâts sont faits.

Dans le fond, il semble que la principale raison d’élire madame Clinton serait qu’elle est une femme et que le moment d’avoir un président femme est arrivé-enfin. Elle compte donc sur le vote des femmes pour lui assurer son élection…, un peu comme Obama a conté sur les voix des noirs, et si j’en crois les sondages, elle a raison. En conséquence, toute la campagne de madame Clinton consiste à expliquer que Trump est un horrible macho, sans ne guère se donner la peine de présenter un programme ou de justifier de ses décisions passées.

Monsieur Trump est un méchant, elle est gentille, et voilà qui devrait suffire à le disqualifier.

On reconnait une fois encore le modus operandi des oints du seigneur de qualité. Apres tout, si les femmes votent pour elle comme semblent l’indiquer les sondages, alors elle sera élue sans aucun problème et c’est tout ce qui compte. Ce qui a toujours compté pour les Clinton c’est de gagner et gagner de façon déshonorante ne les a jamais gênés.

C’est de bonne guerre me dira t-on, ce qui, dans leur monde, est parfaitement exact.

 

Mais ce qui me surprend le plus est le point suivant.

Je n’ai jamais vu dans une élection aux USA une telle partialité de la grande presse. Qu’elle aille fouiller dans le passé de monsieur Trump me parait normal. Qu’elle ne parle pour ainsi dire jamais des casseroles que traînent les Clinton commence à attirer l’attention du vertueux Wall-Street journal qui a du mal à comprendre pourquoi cette même grande presse monte en épingle les peccadilles supposées de monsieur Trump et refuse de parler des crimes des Clinton. Car, il semble bien que les journalistes de cette même grande presse soient prêts à tout pour faire élire leur candidate, comme par exemple en transmettant les questions qui lui seront posées avant que l’interview n’ait eu lieu ou en refusant de filmer les foules qui viennent aux réunions de monsieur Trump.

Que les journalistes soient à la fois de gauche et vendus au pouvoir en place, voilà qui n’étonnera que les naïfs. Qu’ils en arrivent à trahir leur propre déontologie de façon aussi évidente est plus surprenant.

 

Et du coup, un autre phénomène est en train de se produire qui me laisse un peu pantois : le système de l’information aux USA, le fameux quatrième pouvoir est en train de se scinder en deux groupes violemment hostiles… ce qui est nouveau.

Du coté de Clinton nous trouvons toute la presse officielle, c’est-à-dire en gros les journaux, les grandes chaines de télévision, les agences d’information, tout ce qui constitue la presse du passé qui unis comme un seul homme soutiennent la candidate démocrate à un point qui dépasse l’entendement

Du côté de Trump s’aligne Fox News, la chaine de télévision "officiellement de droite" astucieusement créée par Rupert Murdoch pour capturer les voix de ce courant de pensée ainsi qu’une grande partie de la blogosphère centrée autour de deux grands succès, Zéro Hedge et Breitbart qui sortent toutes les affaires anti Clinton les unes après les autres, entretiennent toute une série de show télévisés apparaissant en boucle sur You tube et qui comptent des millions de visiteurs par jour.

 

Et nous assistons à une véritable guerre à mort entre les deux systèmes, qui continuera bien après que l’élection présidentielle ait eu lieu. Car comme les coûts sont immenses dans le premier système et que ce premier système est en pertes, et très légers dans le deuxième avec une forte rentabilité, si Trump venait à l’emporter je n’ai pas le moindre doute que ce serait rapidement la débandade dans la presse bien pensante dont les recettes publicitaires s’écrouleraient puisque cette grande presse n’aurait pas réussi à faire élire la candidate des riches et des puissants, qui de ce fait la laisseraient tomber sans vergogne, puisque à l’évidence, elle ne servirait plus à rien.

Ce que je dis avec beaucoup de tristesse est donc que la grande presse américaine est constituée aujourd’hui de valets ayant peur pour leur job et donc suivant les ordres qu’on leur donne.

Les journalistes classiques en fait soutiennent Clinton parce qu’ils savent fort bien que si Trump était élu, alors ils se retrouveraient au chômage très rapidement, et que le chômage c’est acceptable pour le peuple mais pas pour eux.

Ce conflit a aussi bien entendu des racines sociologiques anciennes qui se trouvent dans l’opposition entre les hommes des arbres (ancrés dans la réalité géographique) et les hommes des bateaux qui se veulent indépendants de toute appartenance à une nation.

C’est le même conflit que celui que nous avons eu en Grande-Bretagne pour le Brexit.

Et l’on peut sans doute se servir de ce qui s’est passé en Grande-Bretagne pour analyser ce qui risque de se passer pour l’élection Présidentielle aux USA.

 

Dans le fond que s’est-il passé en Grande-Bretagne ?

Des hommes comme Nigel Farage, Daniel Hannan ou Jacob Rees-Mogg ont réussi l’exploit de faire voter 2,5 millions d’électeurs qui jusque-là n’avaient jamais voté. Et c’est l’arrivée sur la scène politique de tous ces gens qui par définition n’avaient jamais été sondés qui a été à l’origine de l’immense surprise du Brexit.

Si l’on transporte ce scenario aux USA, cela voudrait dire qu’environ 10 millions de citoyens américains du type "gens des arbres" qui n’auraient jamais voté jusque-là se rendraient aux urnes pour voter, et je n’imagine pas une seconde que ce serait pour déposer un bulletin pour madame Clinton qui risque de plus de souffrir d’une certaine désaffection de l’électorat afro-américain.

 

La question est donc : Monsieur Trump va-t-il réussir à mobiliser les hommes des arbres ou pas ? S’il y parvient, il sera Président. Si ne vont voter que ceux qui votent d’habitude, il sera battu. Réponse le 8 Novembre.

Nous aurons une idée assez rapidement dans la journée simplement en suivant la participation électorale heure par heure. Si elle est anormalement élevée, alors je parierai sur monsieur Trump. Si elle est normale ou faible, madame Clinton sera élue.

Mais dans tous les cas de figure, cette campagne va laisser des traces tant la haine entre les deux groupes est devenue apparente.


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