Certaines tendances sur
le champ de bataille ukrainien peuvent être observées dans les rapports quotidiens publiés par l’armée russe.
Lors de sa visite à
Washington, le président ukrainien Zelensky a été critiqué pour
l’échec de sa stratégie militaire :
L’Ukraine reprendra à la Russie, d’ici la fin de l’année, la ville de Bakhmout, âprement disputée dans l’est du pays, a prédit le président Volodymyr Zelensky
lors de sa visite à Washington, une affirmation qui montre le fossé entre Kiev et les planificateurs de guerre américains qui estiment que l’Ukraine devrait se concentrer davantage sur le sud
du pays.
…
Les responsables militaires et du renseignement américains se demandent depuis longtemps pourquoi l’Ukraine s’est tant battue à Bakhmut, théâtre de l’une des
batailles les plus sanglantes de la guerre. En mars, le secrétaire à la défense Lloyd J. Austin III a déclaré que la ville avait “plus une valeur symbolique qu’une valeur
stratégique et opérationnelle“.
Mais Zelensky s’est efforcé de reprendre le territoire perdu, et l’Ukraine a engagé un grand nombre de troupes et d’armes pour reprendre Bakhmut et défendre la
région environnante du Donbass.
Certains responsables américains affirment que le combat à Bakhmut est devenu une sorte d’obsession pour Zelensky et ses chefs militaires. L’acharnement des
Ukrainiens sur la ville les a amenés à croire qu’une victoire possible était à portée de main, longtemps après que les responsables américains leur eurent conseillé de passer à d’autres
cibles parce que la victoire de l’un ou l’autre camp serait une victoire à la Pyrrhus.
Je suis assez d’accord avec les responsables américains au sujet de Bakhmut. Cette ville n’a aucune valeur stratégique et l’Ukraine perd de nombreux soldats et
équipements au cours de ses incessantes attaques. En fait, elle perd actuellement beaucoup plus de soldats autour de Bakhmut qu’elle n’en perd dans son attaque au sud, vers la mer d’Azov.
Le rapport publié
aujourd’hui par le ministère russe de la défense fait état de 445 victimes ukrainiennes dans la direction de Donetzk, principalement autour de Bakhmut, et de seulement 100 victimes sur le front
de Zaporozhye, au sud. Le rapport d’hier
faisait état de 305 contre 35. Le résumé de
la semaine dernière faisait état de 1 455 soldats ukrainiens tués et blessés autour de Bakhmut et de 515 dans la direction du sud. Il n’y a eu aucun progrès perceptible dans l’une ou l’autre
direction.
Une autre tendance perceptible dans les rapports quotidiens est le manque croissant de véhicules blindés ukrainiens.
Il y a un mois, les destructions de véhicules blindés (y compris les chars) et de camions et camionnettes non blindés étaient encore relativement égales, avec,
selon l’intensité des combats, la destruction de 10 à 20 de ces deux types de véhicules par jour. C’est le cas depuis le début du mois de mars. Ma feuille de calcul, établie à partir des rapports
quotidiens depuis le 2 mars, résume les pertes ukrainiennes à un total de 3 663 véhicules blindés contre 3 600 véhicules non blindés.
Au cours des dernières semaines, ce ratio a changé. Aujourd’hui, le rapport fait état de 12 véhicules blindés contre 20 véhicules non blindés. Hier, le rapport
était de 7 à 19. Le résumé de la semaine dernière fait état de 84 véhicules blindés contre 145 véhicules non blindés. Au cours des 30 derniers jours, les chiffres sont de 419 véhicules blindés
contre 632 véhicules non blindés.
Le ratio n’a pas changé pour des raisons tactiques. Les premiers mouvements de contre-offensive avec de fortes concentrations de chars ont échoué. Mais il ne
s’agissait que de quelques jours avec des pertes importantes. Depuis, l’Ukraine privilégie les attaques d’infanterie. Mais les soldats doivent toujours être transportés vers leurs positions sur
la ligne de front. C’est ce à quoi servent les véhicules blindés, également appelés taxis de combat, car la ligne de front est généralement soumise à des tirs d’artillerie nourris. Mais il semble
maintenant que les camions et les camionnettes soient également utilisés à cette fin. Ils n’ont aucune chance de survivre sous le feu de l’ennemi.
Une autre tendance peut être observée dans le type d’artillerie ukrainienne dont les rapports quotidiens affirment qu’elle a été détruite. Les obusiers de 152 mm de
l’ère soviétique D-20 et MSTA-B ainsi que l’obusier automoteur de 152 mm Akatzíya sont de moins en moins mentionnés. Les pertes sont désormais plus importantes pour le D-30 de 122 mm et
l’automoteur 2S1 Gvodzdika de 122 mm. Les plus gros canons peuvent atteindre de plus grandes distances. Leur nombre décroissant a été remplacé par des canons de 155 mm dérivés de l’Ouest, comme
l’obusier britannique M-777 et divers types d’obusiers automoteurs occidentaux de 155 mm, comme les systèmes polonais Krab. Les pertes de systèmes de roquettes à lancement multiple de l’ère
soviétique, comme le système Grad monté sur camion, sont devenues rares du côté ukrainien.
Je pense que le changement observable dans les armes détruites reflète la disponibilité des munitions. En février, le New York Timesrapportait que
la production de munitions de 122 mm en Bulgarie avait été augmentée :
L’usine a cessé de fabriquer des obus de 122 millimètres en 1988, à la fin de la guerre froide. Mais bientôt, les lignes d’assemblage fonctionneront à nouveau.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a transformé les armes et les munitions de l’ère soviétique en matériel d’une importance capitale, les pays occidentaux cherchant à fournir à l’Ukraine
les munitions dont elle a besoin pour déjouer l’assaut de Moscou.
C’est ainsi qu’en janvier, 35 ans après que les derniers obus de 122 millimètres ont quitté l’usine de Terem, l’entreprise a relancé la production.
Je n’ai vu aucun rapport de ce type concernant une ligne de production de 152 mm. Je n’ai pas non plus trouvé de rapport sur la production de missiles Grad.
Bien que les chiffres ne soient probablement pas exacts, les rapports quotidiens du ministère russe de la défense montrent certaines tendances sur le champ de
bataille qui reflètent assez bien les réalités économiques et logistiques de la guerre.
Le nombre élevé de pertes humaines ukrainiennes indiqué dans ces rapports, en particulier dans la direction de Bakhmut, a été confirmé par les rapports de
la partie ukrainienne. Les vidéos montrent également que la partie ukrainienne utilise moins de véhicules blindés et plus de camions ou même de véhicules civils. Les pertes de pièces d’artillerie
reflètent la disponibilité de certains types de munitions.
Il est très utile de suivre les rapports quotidiens russes. On se demande pourquoi les médias occidentaux ne le font pas.
Moon of
Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
La contre-offensive ukrainienne a été un échec total - par le Col. D. MacGregor.
Avec Jacques Baud, ancien colonel d’État-major général, ex-membre du renseignement stratégique suisse, spécialiste des pays de l’Est.
Formé dans les services de renseignement américain et britannique. Au sein de l’OTAN, il a suivi la crise ukrainienne de 2014, puis a participé à des
programmes d’assistance à l’Ukraine.
Un général de combat ukrainien dit que sur 100 personnes enrôlées l’année dernière, il n’en reste que 10 à 20 tandis que les autres sont mortes ou
handicapées.
Près de neuf candidats ukrainiens sur dix qui se sont enrôlés dans l’armée il y a un an ont été tués ou blessés au combat, ont rapporté vendredi les
médias ukrainiens citant un officier supérieur de la conscription dans la région de Poltava.
Le lieutenant-colonel Vitaly Berezhny, qui occupe actuellement le poste de chef intérimaire du centre territorial de recrutement et de soutien social, a
fait cette admission lors d’une réunion du conseil municipal de Poltava.
Sonnant l’alarme, Berezhny a déclaré aux participants à la réunion que «sur les 100
personnes qui ont rejoint les unités l’automne dernier, il n’en reste que 10 à 20, les autres sont mortes, blessées ou handicapées». Partant de cette statistique, il a déclaré
que l’armée avait un besoin urgent de renforts.
Il a reconnu que les autorités locales sont confrontées à des défis importants dans leurs efforts de conscription, n’ayant réalisé que 13 pour cent du
plan de mobilisation. Cela place la Poltava au bas du classement de la région.
Pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre, l’officier a proposé «d’établir la
présence de conscrits». Il a ajouté que la région avait l’intention d’établir une importante brigade mécanisée et a appelé les députés locaux à soutenir activement cette
initiative.
Après le début de la guerre avec la Russie en février 2022, Kiev a mis en place une mobilisation générale, empêchant la plupart des hommes âgés de 18 à
60 ans de quitter le pays. Cette mesure a d’abord été jugée suffisante pour répondre aux besoins militaires du pays.
Jour 567 – Les Etats-Unis voudraient geler le conflit en Ukraine. L’idée se répand de plus en plus à Washington, Paris, Bruxelles, Londres, que la guerre ne peut plus être gagnée par l’Ukraine.
Mais comment faire pour que la Russie ne gagne pas la guerre? Il y a quelques jours nous parlions des tentatives américaines d’enfoncer un coin dans les BRICS, en particulier en s’appuyant sur
les tensions qui persistent entre l’Inde et la Chine. Ces derniers jours, Anthony Blinken et d’autres ont parlé de livraisons de missiles à longue portée à l’Ukraine. L’idée est toujours la même
: Faire peur à la Russie et la forcer à négocier aux conditions américaines. En réalité, la prise de conscience américaine du retard pris par le Pentagone dans les armes hypersoniques nous
indique que la peur est plutôt désormais du côté américain. La Russie, elle, considère qu’elle a son temps, à l’abri de ses armes hypervéloces et du niveau de dissuasion non nucléaire qu’elles
établissent. Moscou aura atteint ses objectifs militaires en Ukraine longtemps avant que les USA ne soient en possession de cette “dissuasion hypersonique” qui change la donne. Les Etats-Unis
sont, en fait, dans une situation comparable, face à la Russie (et la Chine), à celle de l’URSS lorsqu’elle ne possédait pas encore l’arme atomique ‘1945-1949). Les rôles sont inversés. Et il est
peu probable que les USA de Biden sauront rejoindre le club hypersonique aussi vite quel’URSS avait rejoint le club nucléaire.
J’ai déjà évoqué cette semaine l’article du Wall Street
Journal qui fait état d’une inquiétude grandissante, à Washington, devant le retard américain en matière d’armes hypersoniques. Il s’agit en fait d’une panique croissante, que le journal
essaie de rendre présentable :
L’arme lancée par Pékin au-dessus de la mer de Chine méridionale s’est déplacée à une vitesse de plus de 15 000 miles par heure (…).
Volant à au moins 20 fois la vitesse du son, elle pourrait atteindre n’importe quel point du globe en moins d’une heure.
Le vol d’essai de l’été 2021 s’est achevé par l’impact du missile près d’une cible en Chine, mais il a provoqué une onde de choc à Washington. Les responsables de la sécurité nationale ont
conclu que Pékin avait lancé une arme hypersonique, c’est-à-dire un projectile capable de voyager à une vitesse au moins cinq fois supérieure à celle du son.
Ces armes peuvent attaquer à une vitesse extrême, être lancées à grande distance et échapper à la plupart des défenses aériennes. Elles peuvent transporter des explosifs conventionnels ou des
têtes nucléaires. La Chine et la Russie sont prêtes à les utiliser. Ce n’est pas le cas des États-Unis.
Depuis plus de 60 ans, les États-Unis ont investi des milliards de dollars dans des dizaines de programmes visant à développer leur propre version de la technologie. Ces efforts se sont
soldés par des échecs ou ont été annulés avant même d’avoir eu une chance de réussir.
Washington, qui a passé les dernières décennies à se concentrer sur la lutte contre les terroristes et les insurgés, consacre à nouveau des ressources à la technologie hypersonique. Le budget
2023 du Pentagone prévoit plus de 5 milliards de dollars pour ces armes. Les États-Unis font également appel au secteur privé, notamment aux investisseurs en capital-risque de la Silicon
Valley, pour les aider à les développer à un degré rarement atteint par le passé.
Wall
Street Journal
En réalité, l’article en dit beaucoup sur la distorsion de la réalité qui caractérise la réflexion militaire et stratégique américaine. On peut raisonnablement
supposer que la Maison Blanche et le Pentagone, à l’été 2021, tout à leur peur de la Chine, ont fait le calcul qu’ils allaient attirer la Russie, en Ukraine, dans un nouvel Afghanistan, ce qui
allait leur permettre de se consacrer à la préparation d’une future guerre avec la Chine.
Ce faisant, les décideurs américains ont complètement sous-estimé la Russie. Ils continuent à le faire:
Ces dépenses s’inscrivent dans le cadre de la lutte menée par les États-Unis pour rétablir leur position dominante dans le domaine des technologies militaires clés, alors qu’ils entrent dans
une nouvelle ère de concurrence entre grandes puissances. Les États-Unis s’efforcent de ne pas se laisser distancer par la Chine dans toute une série de technologies militaires, allant de
l’intelligence artificielle à la biotechnologie.
Les travaux de Moscou sur l’hypersonique préoccupent également le Pentagone, même si les armes russes sont essentiellement basées sur les recherches de la
guerre froide et ne sont pas aussi sophistiquées que celles que la Chine est en train de mettre au point. Moscou a mis au point des armes capables de menacer les forces de l’OTAN en Europe,
et le président russe Vladimir Poutine a vanté les mérites de l’Avangard, une arme hypersonique capable d’atteindre les États-Unis.
Wall
Street Journal
Ensuite vient l’aveu:
Les problèmes rencontrés par le Pentagone dans le développement de l’hypersonique se situent en amont et en aval de la chaîne de décision, depuis l’échec des essais en vol et l’inadéquation
de l’infrastructure d’essai jusqu’à l’absence d’un plan clair et global pour la mise en service de ces armes. Cette situation suscite l’inquiétude de certains anciens fonctionnaires.
“Mon inquiétude quant à l’absence de progrès dans le domaine de l’hypersonique ne fait que croître”, a déclaré John Hyten, qui était vice-président de l’état-major interarmées lors
du vol d’essai chinois. Aujourd’hui à la retraite, M. Hyten a déclaré : “Nous devons aller plus vite dans de multiples domaines : “Nous devons aller plus vite dans de multiples
directions.
(…)
Entre les mains de puissances telles que la Chine ou la Russie, les missiles hypersoniques pourraient modifier l’équilibre stratégique qui sous-tend depuis longtemps la politique de défense
des États-Unis. Si l’armée américaine reste la plus puissante du monde, les missiles hypersoniques pourraient aider un adversaire à remettre en cause cette supériorité en échappant aux
systèmes américains d’alerte précoce conçus pour détecter les attaques contre l’Amérique du Nord, ou en frappant les moyens navals américains, notamment les porte-avions, ainsi que des bases
clés à l’étranger.
Wall
Street Journal
L’avance de la Russie en matière d’armes hypersoniques confirmée dès 2018 par le physicien Jean-Pierre Petit
En 2018, beaucoup ont ricané lorsque Vladimir Poutine a fait projeter des vidéos sur les armes hyper-véloces. Pourtant, très vite, le physicien français Jean-Pierre
Petit, à l’origine de la théorie de la magnéto-hydro-dynamique, conseillait de prendre au sérieux le président russe. Prenez le temps de regarder la vidéo, très pédagogique::
Il ne faisait aucun doute, dès 2018, que les Russes maîtrisaient la combinaison de
technologie des matériaux composites, d’électromagnétique et de propulsion nucléaire (dans les airs et sous l’eau). En une vingtaine d’années, depuis que George W. Bush avait déchiré le
traité ABM (qui limitait le développement des systèmes anti-missiles), la Russie avait trouvé le moyen de percer tout système de défense adverse.
En 2018, le président russe pensait pouvoir se permettre de dire que son pays était en avance sur le reste du monde, donc y compris la Chine. Comme l’expliquait
très clairement Jean-Pierre Petit, la Russie avait élargi le champ des armes de
dissuasion. Depuis février 2022, j’ai
insisté sur la révolution que représente l’apparition d’un
seuil non nucléaire de la dissuasion. Car les armes hypersoniques, électromagnétiques, à propulsion nucléaire, que maîtrise la Russie (et de plus en plus la Chine) permettent de
menacer l’adversaire d’une destruction maximale, mais sans les séquelles de la radioactivité.
Retour sur dix-huit mois d’analyse de la “stratégie hypersonique” de Vladimir Poutine
Dès le début du conflit en Ukraine, au Courrier des Stratèges, nous avons insisté sur l’avance russe et
chinoise.sur l’Occident. Eric Verhaeghe a
montré que les dirigeants occidentaux prenaient un risque
considérable à affronter la Russie et, de plus en plus, la Chine, tout en ayant beaucoup de retard sur l’arme hypersonique.
J’ai proposé,quelque semaines après le début de la guerre, de lire la stratégie russe en
Ukraine – déconcertante pour l’observateur par sa prudence, l’avancée en sous-effectifs et son absence de but territorial lisible – comme se déployant à l’abri des nouvelles armes
hypervéloces et furtives russes. Cette stratégie a permis aussi d’épargner autant que possible
la population civile ukrainienne.
Nous avons rendu compte de l’utilisation de l’arme hypersonique par la Russie. Car la guerre d’Ukraine représente les premières occasions d’utiliser l’arme
hypersonique en conditions réelles sur le champ de bataille. La plus spectaculaire a eu lieu en mars 2023, lorsque la
Russie a détruit un centre de commandement
ukrainien, dans la région de Lvov, où se trouvaient des officiers de
l’OTAN (nombreux). Et celles qui ont causé le plus de dénégations sont les destructions de systèmes Patriot par des Kinjal.(L’article du Wall Street Journal reprend la fable
d’interceptions de missiles Kinjal par des missiles ukrainiens).
Avec Alexandre N, nous avons suivi la montée de cette panique, au Pentagone, que
le Wall Street Journal se charge de filter, pour qu’elle soit acceptable pour un public américain qui
croit encore que les Etats-Unis ont la meilleure armée du monde. Vous comprendrez aussi, en suivant les explications de notre expert des questions militaires, quec’est la Chine qui a
besoin de la Russieet non le contraire, en ce qui concerne les armes hypersoniques: la Chine ne dispose pas encore de missiles d’une portée suffisante si elle devait frapper
les porte-avions américains qui resteraient prudemment à 3000 kilomètres de ses côtes, en cas de guerre sur Taïwan.
Enfin, Alexandre N. a souligné à de nombreuses reprises le déni de réalité américain sur les nouvelles armes
de dissuasion russe. C’est ce qu’il appelle les difficultés de la “stratégie du fort au fou“. Malgré les frappes de
Kinjal, les USA s’obstinent à penser que la Russie peut perdre la guerre d’Ukraine.
Vers une stratégie d’usure américaine?
Semaine après semaine, nous assistons en Ukraine au même enchaînement d’événements : Une vague d’attaques ukrainiennes contre les lignes de défense russes; des
frappes nocturnes de missiles et de drones russes sur des objectifs militaires ukrainiens à travers tout le pays; des lancers de drones et de missiles ukrainiens vers quelques objectifs
symboliques en Russie, essentiellement la Crimée.
Je recommande de continuer à suivre southfront.org, qui propose une chronique régulière et fiable des événements militaires. (pour cette semaine, voir par
exemple ici (sur les pertes
ukrainiennes gigantesques et de plus en plus difficiles à cacher, de l’aveu même d’un général ukrainien) ici (un bon
résumé de la semaine du 11 au 17 septembre) et ici (pour le point le
plus à jour).
Je livre ici un point de vue russe, trouvé sur le canal Telegram
“Slavyangrad”. L’auteur donne des raisons d’être inquiet, du point de vue russe devant la guerre d’usure que semblent vouloir mettre en place les Américains :
La transition des Américains dans la guerre en Ukraine vers une stratégie de guerre d’usure est plus qu’une menace sérieuse pour [la Russie]. Oui, les États-Unis ont fait une grave erreur de
calcul en misant tout sur une défaite militaire décisive de la Russie pendant la campagne du printemps et de l’été. En conséquence, les forces armées ukrainiennes ont subi de lourdes pertes
en hommes et en matériel (jusqu’à 50 000 morts, plus de 200 chars, 200 canons et jusqu’à 1 800 véhicules blindés de toutes catégories), sans percer la ligne de défense russe et en restant
bloquées dans la zone de soutien. Mais en se battant avec du matériel humain étranger et en contrôlant complètement la mentalité de la population ukrainienne, les États-Unis peuvent ignorer
les échecs militaires et continuer à faire la guerre, et c’est ce qu’ils font, en reconstruisant leur stratégie à la volée.
Il est déjà possible d’identifier les principaux éléments de la nouvelle stratégie.
Le premier est un pari sur la “guerre d’infanterie” – le “face à face” avec l’utilisation massive de l’artillerie. Son essence est simple : Des attaques méthodiques par des groupes
d’infanterie, suivies d’attaques d’artillerie le long de la ligne de front. L’objectif est de forcer les Russes soit à économiser du personnel, à abandonner leurs positions, à permettre aux
forces armées ukrainiennes d’avancer, soit à accepter le combat rapproché et à subir des pertes comparables à celles des forces armées ukrainiennes.
Utiliser l’équipement militaire de façon minimale, en le préservant et en l’accumulant pour la prochaine étape de l’offensive ou pour des attaques locales. D’ici la fin du mois de décembre,
les principales pertes de véhicules blindés et d’artillerie seront reconstituées grâce aux réserves américaines et aux transferts des troupes de l’OTAN.
Il s’agit d’amener la guerre à un niveau où les pertes des forces armées russes en hommes deviendront sensibles pour la société russe et, à long terme, un facteur de tension sociale.
Le second est le transfert maximal de la guerre vers l’intérieur du territoire russe à l’aide de missiles à longue portée, de drones (dont il est prévu d’augmenter plusieurs fois la
production) et d’activités de sabotage avec des attaques sur des infrastructures militaires et industrielles vulnérables. La tactique bien connue des “mille piqûres d’épingle”, qui se traduit
par un “effet cumulatif” des dommages, ainsi que la démoralisation de la société, donnent à celle-ci le sentiment que l’Ukraine détient fermement l’initiative et qu’elle impose sa stratégie
de guerre à la Russie.
Le troisième objectif est, à l’aide d’attaques aériennes et maritimes continues, de transformer définitivement la Crimée en une zone de front, ce qui devrait démoraliser la population de
Crimée, la diviser, provoquer un mécontentement général des Criméens à l’égard des autorités russes et les préparer au “retour” de l’Ukraine dans cette région.
Le quatrième est le renforcement maximal de la défense aérienne des principales zones arrière, la création de “zones de sécurité” où il est possible de déployer une production militaire,
ainsi que des centres de logistique et d’entraînement à l’arrière. À cette fin, en 2024, il est prévu de transférer au moins trois batteries Patriot supplémentaires des troupes de l’OTAN en
Europe, ainsi qu’au moins huit batteries IRIS-T et NASAMS.
Le cinquième est la formation de “nouvelles” forces aériennes des forces armées ukrainiennes en 2024 et leur transition vers la flotte aérienne occidentale avec le transfert d’au moins
100-150 chasseurs et chasseurs-bombardiers, porteurs de missiles de croisière dans un délai d’un an.
L’objectif général est de transformer l’Ukraine en 2024 en un espace militaire unique, où tout est subordonné à une seule tâche : La guerre jusqu’à la victoire.
Slavyangrad
(Telegram)
Le texte est intéressant dans la mesure où il se met à la place du Pentagone et des planificateurs américains. Cependant, l’auteur semble oublier que la guerre
d’usure, c’est la Russie qui la mène depuis le printemps 2022. Après l’échec des négociations d’Istanbul, fin mars 2022, le commandement russe s’est installé dans la perspective d’une guerre
d’usure de l’armée ukrainienne et de l’OTAN.
Là encore, je renvoie à ce que nous avons expliqué avec le temps : On peut considérer que l’armée de la contre-offensive est la troisième armée
ukrainienne entraînée par l’OTAN qu’affrontent les Russes.
La première est celle qui a été défaite et largement privée de son équipement militaire par les frappes russes de précision entre février et août 2022.
La deuxième est celle qui a surpris l’armée russe à Kharkov et devant laquelle l’armée russe a effectué un repli tactique à Kherson. Cette “deuxième” armée
ukrainienne a ensuite absorbé l’essentiel de ses forces à défendre en vain Bakhmout (août 2022-avril 2023).
La “troisième” armée ukrainienne est celle qui mène la contre-offensive. Et dont on estime qu’elle a déjà 70 000 tués. Il ne fait aucun doute que l’usure est du
côté ukrainien. Cependant, comme toujours, il nous faut élargir la perspective et envisager la vue géopolitique globale avec notre expert favori :
M.K.Bhadrakumar!
M.K. Bhadrakumar explique pourquoi la Russie refusera le “conflit gelé” souhaité par les Etats-Unis
La guerre terrestre en Ukraine est arrivée à son terme, une nouvelle phase s’ouvre. Même les partisans inconditionnels de l’Ukraine dans les médias occidentaux et les groupes de réflexion
admettent qu’une victoire militaire sur la Russie est impossible et qu’une libération du territoire sous contrôle russe est bien au-delà des capacités de Kiev.
D’où l’ingéniosité de l’administration Biden qui a exploré le plan B en conseillant à Kiev d’être réaliste quant à la perte de territoires et de rechercher pragmatiquement le dialogue avec
Moscou. Tel est le message amer que le secrétaire d’État américain Antony Blinken a récemment transmis en personne à Kiev.
Mais la réaction caustique du président Zelensky lors d’une interview accordée au magazine The Economist est révélatrice. Il a répliqué que les dirigeants occidentaux continuaient à tenir de
beaux discours, s’engageant à soutenir l’Ukraine “aussi longtemps qu’il le faudra” (le mantra de Biden), mais lui, Zelensky, a détecté un changement d’humeur chez certains de ses partenaires
: J’ai cette intuition, je lis, j’entends et je vois leurs yeux [lorsqu’ils disent] “nous serons toujours avec vous”. Mais je vois qu’il ou elle n’est pas là, pas avec nous”. Il est certain
que M. Zelensky lit bien le langage corporel, car en l’absence d’un succès militaire écrasant à brève échéance, le soutien de l’Occident à l’Ukraine est limité dans le temps.
Zelensky sait qu’il sera difficile de maintenir le soutien occidental. Il espère toutefois que l’Union européenne, à défaut des Américains, continuera au moins à fournir de l’aide et qu’elle
ouvrira des négociations sur le processus d’adhésion de l’Ukraine, peut-être même lors de son sommet de décembre. Mais il a également brandi la menace voilée d’une pression terroriste sur
l’Europe, avertissant que ce ne serait pas une “bonne histoire” pour l’Europe si elle devait “pousser ce peuple [d’Ukraine] dans ses derniers retranchements”. Jusqu’à présent, ces menaces
sinistres ont été atténuées, émanant d’activistes de bas rang de la frange fasciste de Bandera.
Mais l’Europe a aussi ses limites. Les stocks d’armes occidentaux sont épuisés et l’Ukraine est un puits sans fond. Plus important encore, il n’est pas certain que la poursuite des livraisons
fasse la moindre différence dans une guerre par procuration qui ne peut être gagnée. En outre, les économies européennes sont dans le marasme, la récession en Allemagne pourrait se
transformer en dépression, avec les conséquences profondes de la “désindustrialisation”.
En d’autres termes, la visite de Zelensky à la Maison Blanche dans les prochains jours sera déterminante. L’administration Biden est d’humeur sombre, estimant que la guerre par procuration
entrave la mise en œuvre d’une stratégie indo-pacifique à part entière contre la Chine. Pourtant, lors d’une apparition dans l’émission This Week sur ABC, M. Blinken a explicitement déclaré
pour la première fois que les États-Unis ne s’opposeraient pas à ce que l’Ukraine utilise des missiles à plus longue portée fournis par les États-Unis pour attaquer en profondeur le
territoire russe, une initiative que Moscou a précédemment qualifiée de “ligne rouge”, ce qui ferait de Washington une partie directe du conflit.
Le célèbre historien militaire américain, penseur stratégique et vétéran du combat, le colonel (en retraite) Douglas MacGregor (qui a servi de conseiller au Pentagone pendant l’administration
Trump), est prémonitoire lorsqu’il dit qu’une nouvelle “phase de la guerre de Biden” est sur le point de commencer. En d’autres termes, les forces terrestres étant épuisées, l’accent
sera désormais mis sur les armes de frappe à longue portée telles que le Storm Shadow, le Taurus, les missiles à longue portée ATACMS, etc.
Les États-Unis envisagent d’envoyer des missiles à longue portée ATACMS, que l’Ukraine réclame depuis longtemps et qui ont la capacité de frapper à l’intérieur du territoire russe. L’aspect
le plus provocateur est que les plateformes de reconnaissance de l’OTAN, avec ou sans pilote, seront utilisées dans ces opérations, faisant des États-Unis un co-belligérant virtuel.
La Russie a fait preuve de retenue en s’attaquant à la source de ces capacités ennemies, mais personne ne sait combien de temps cette retenue durera. En réponse à une question sur la façon
dont Washington verrait les attaques sur le territoire russe avec des armes et des technologies américaines, M. Blinken a affirmé que le nombre croissant d’attaques sur le territoire russe
par des drones ukrainiens concernait “la façon dont ils [les Ukrainiens] vont défendre leur territoire et dont ils s’efforcent de reprendre ce qui leur a été confisqué. Notre rôle [celui des
États-Unis], comme celui des dizaines d’autres pays qui les soutiennent, est de les aider à y parvenir”.
La Russie n’acceptera pas une escalade aussi effrontée, d’autant plus que ces systèmes d’armes avancés utilisés pour attaquer la Russie sont en fait pilotés par du personnel de l’OTAN – des
contractants, d’anciens militaires entraînés ou même des officiers en exercice. Le président Poutine a déclaré aux médias vendredi que “nous avons détecté des mercenaires et des
instructeurs étrangers à la fois sur le champ de bataille et dans les unités où se déroule l’entraînement. Je pense qu’hier ou avant-hier, quelqu’un a encore été capturé”.
Le calcul des États-Unis est qu’à un moment donné, la Russie sera contrainte de négocier et qu’un conflit gelé s’ensuivra, dans lequel les alliés de l’OTAN conserveront la possibilité de
poursuivre le renforcement militaire de l’Ukraine et le processus menant à son adhésion à l’Alliance atlantique, et permettront à l’administration Biden de se concentrer sur l’Indo-Pacifique.
Cependant, la Russie ne se contentera pas d’un “conflit gelé” qui est loin d’atteindre les objectifs de démilitarisation et de dénazification de l’Ukraine qui sont les objectifs clés de son
opération militaire spéciale.
Face à cette nouvelle phase de la guerre par procuration, la forme que prendront les représailles russes reste à déterminer. Il pourrait y avoir de multiples façons sans que la Russie
n’attaque directement les territoires de l’OTAN ou n’utilise d’armes nucléaires (à moins que les États-Unis n’organisent une attaque nucléaire – dont les chances sont nulles à l’heure
actuelle).
D’ores et déjà, il est possible d’envisager la reprise potentielle de la coopération militaro-technique entre la Russie et la Corée du Nord (y compris, éventuellement, la technologie des
missiles balistiques intercontinentaux) comme une conséquence naturelle de la politique agressive des États-Unis à l’égard de la Russie et de leur soutien à l’Ukraine, tout autant que de la
situation internationale actuelle. Le fait est qu’aujourd’hui, il s’agit de la Corée du Nord ; demain, ce pourrait être l’Iran, Cuba ou le Venezuela – ce que le colonel MacGregor appelle
“l’escalade horizontale” de Moscou. La situation en Ukraine est désormais liée aux problèmes de la péninsule coréenne et de Taïwan.
Le ministre de la défense, Sergueï Choïigu, a déclaré mercredi à la télévision d’État que la Russie n’avait “pas d’autre choix” que de remporter une victoire dans son opération militaire
spéciale et qu’elle continuerait à progresser dans sa mission clé consistant à détruire les équipements et le personnel de l’ennemi. Cela laisse supposer que la guerre d’usure va encore
s’intensifier, tandis que la stratégie globale pourrait s’orienter vers une victoire militaire totale.
L’armée ukrainienne manque cruellement d’effectifs. Rien qu’au cours de la “contre-offensive” de 15 semaines, plus de 71 000 soldats ukrainiens ont été tués. Il est question que Kiev cherche
à rapatrier ses ressortissants en âge de servir dans l’armée parmi les réfugiés en Europe. D’autre part, dans l’attente d’un conflit prolongé, la mobilisation en Russie se poursuit.
Poutine a révélé vendredi que 300 000 personnes se sont portées volontaires et ont signé des contrats pour rejoindre les forces armées et que de nouvelles unités sont en cours de formation,
équipées de types d’armes et d’équipements avancés, “et certaines d’entre elles sont déjà équipées à 85-90%”.
Il est fort probable qu’une fois que la “contre-offensive” ukrainienne se sera soldée par un échec massif dans quelques semaines, les forces russes lanceront une offensive de grande
envergure. Il est même envisageable que les forces russes traversent le Dniepr et prennent le contrôle d’Odessa et du littoral menant à la frontière roumaine, d’où l’OTAN a lancé des attaques
contre la Crimée. Qu’on ne s’y trompe pas : Pour l’axe anglo-américain, l’encerclement de la Russie dans la mer Noire est toujours resté une priorité absolue.
Indian
Punchline, 17 septembre 2023
Comment les armes russes ont-elles été améliorées pendant le conflit en Ukraine ?
L’opération militaire en Ukraine a
donné un coup de fouet à l’industrie russe de la défense malgré les sanctions, indiquent des analystes militaires auprès de Sputnik. Revenant sur les types d’armes dont des chars et
des avions qui ont connu un essor, ces derniers dessinent les contours du prochain développement du secteur.
La Russie a considérablement augmenté
sa production d’armes au cours de la dernière année, en dépit de la pression des innombrables sanctions. Interrogés par Sputnik à
l’occasion de la Journée nationale de l’armurier célébrée le 19 septembre, des analystes militaires russes expliquent quelles armes ont été améliorées et quelles innovations ont été
apportées dans le domaine de la défense lors du conflit en Ukraine.
Sur fond d’une relance générale, il est à distinguer la fabrication d’armes légères, d’artillerie de différents calibres, de chars, d’hélicoptères et
d’avions à des fins diverses, de gilets pare-balles et de radios, de jumelles, de télémètres, a affirmé Viktor Litovkine, colonel à la retraite de l’armée russe et analyste
militaire.
«Toute opération
militaire, en particulier une opération militaire à grande échelle comme l’opération militaire spéciale en Ukraine, mène certainement à une augmentation des commandes de la Défense de
l’État et au développement de l’industrie militaire. C’est certainement vrai […]. Presque tous les domaines ont reçu une impulsion pour le développement», a-t-il dit.
Les achats de la Défense ont décuplé, selon le président Poutine, notamment dans la production d’aéronefs sans pilote, dans le domaine des
communications et des équipements de reconnaissance, a noté l’expert.
«En général, tous
les domaines impliqués pour fournir aux forces armées des systèmes d’appui au combat, ainsi que des systèmes d’appui-feu pour les attaquants et les défenseurs – tout cela a été
développé. Ici, l’influence de l’opération militaire spéciale est bien sûr énorme», a résumé M.Litovkine.
Protection contre les drones
ennemis
Depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’y a jamais eu d’actions militaires d’une telle intensité, puissance et ampleur, a estimé de son côté Dmitri
Drozdenko, analyste militaire et rédacteur en chef du portail Fatherland Arsenal.
La tactique, la stratégie et la science militaire de la Russie sont «entrées en
collision» avec celles de l’Occident, a-t-il souligné, ajoutant que cela a incité les producteurs d’armes russes à explorer de nouvelles approches, des réponses symétriques et
asymétriques.
«L’exemple le plus
typique est celui des drones civils quadricoptères, qui se sont transformés en formidables armes. Auparavant, nous essayions de camoufler les chars et les véhicules blindés,
c’est-à-dire de les rendre invisibles sur le champ de bataille. Maintenant ces véhicules sont équipés de ce qu’on appelle de «vérandas» ou de «paniers». Il s’agit d’une protection
contre les drones qui larguent des bombes. […] Puis les drones FPV sont apparus, et en conséquence, une protection spéciale est aussi apparue, qui est déjà couramment installée dans
des ateliers à l’étape de l’assemblage», a expliqué Dmitri Drozdenko.
Lors du forum russe militaro-technique Armée-2023, qui s’est
tenu le mois dernier au Patriot Park dans la région de Moscou, un char russe T-90M a
été exposé doté d’une protection supplémentaire contre les Javelins et les drones dans la partie supérieure. Un nouveau modèle du véhicule d’infanterie tactique 4×4 polyvalent super
protégé Tigr-M a été
également dévoilé durant ce salon.
L’exposition présentait entre autres de nombreux autres véhicules militaires dotés d’une protection supplémentaire contre les drones et conçus en tenant
compte de l’expérience de l’opération militaire spéciale en Ukraine.
Solution pour le dilemme du combat
de contre-batterie
Les duels d’artilleurs acquièrent un rôle de plus en plus croissant sur le champ de bataille, poursuit Dmitri Drozdenko. Lorsqu’ils sont engagés dans un
combat de contre-batterie (qui envisage la destruction ou la neutralisation des systèmes d’appui-feu de l’ennemi), les obusiers de 152 mm de 47 calibres datant de l’ère soviétique
(par exemple, 2S19 Msta-S) pourraient être surpassés par leurs analogues de l’Otan de 155 mm de 52 calibres, étant donné la plus grande portée de frappe de ce dernier.
«Dans ce cas, la
portée de tir de l’artillerie est très importante : Dans un combat de contre-batterie, s’ils vous tirent dessus à la distance maximale et si vous ne pouvez pas les atteindre
physiquement, cela pose un problème», a détaillé l’expert.
Pour résoudre ce dilemme, les armuriers russes ont créé le 2S35 Koalitsia-SV, un
canon automoteur qui devrait compléter et éventuellement remplacer le 2S19 Msta russe. Le
Koalitsia est équipé de canons de 152,44 mm ou de 155 mm et dispose d’une portée de tir maximale de 80 km et d’une cadence de tir de 16 coups/min. Les
caractéristiques de combat du Koalitsiya lui permettent d’atteindre les obusiers de l’Otan, comme le CAESAR français, a souligné M.Drozdenko.
Les drones kamikazes russes Lancet (ou munitions
de vagabondage) se sont également révélés efficaces dans le combat de contre-batterie, a continué l’analyste.
«Avec leurs
frappes, les Lancet ont éloigné l’artillerie occidentale de la ligne de front. En conséquence, nous avons amélioré la qualité du circuit de contrôle de la batterie. […] C’est une
innovation et une innovation massive», a-t-il souligné.
Armes particulièrement
efficaces
Le complexe militaro-industriel national travaille actuellement en trois équipes pour satisfaire les besoins de l’armée russe.
Le conflit ukrainien a notamment appris à la Russie qu’il est nécessaire de développer et d’améliorer des armes de haute précision, selon Pavel
Kalmykov, analyste au sein d’un bureau d’analyse militaire et politique et lieutenant-colonel de réserve.
«Il s’agit des
missiles de croisière Kalibr, de divers missiles aériens de haute précision – il y en a toute une gamme. La liste pourrait être longue : les missiles hypersoniques Kinjal, les
Iskander basés au sol , etc. […] Il est clair qu’il est nécessaire d’augmenter leur production», a-t-il déclaré M.Kalmykov.
Les bombes aériennes guidées de grande puissance russes se sont également révélées utiles, selon l’expert militaire. Il a expliqué que l’aviation peut
les utiliser sans entrer dans la zone de défense aérienne de l’ennemi et les larguer à distance. Et puis la bombe est contrôlée par un GPS ou un signal similaire, a précisé
l’analyste.
Les chars de combat ont, eux aussi, fait un retour historique, poursuit-il.
«Récemment, et
avec une faible intensité des opérations de combat, le rôle des chars a été généralement oublié, et il semblait qu’ils allaient appartenir au passé, tout étant décidé par l’aviation,
l’artillerie, etc. Mais le conflit ukrainien a montré que sur un vaste théâtre d’opérations militaires, les chars jouent un rôle décisif ; lorsque de grandes formations de troupes se
rencontrent, le rôle des chars est important», a conclu Pavel Kalmykov.
Armes à venir
Les fabricants d’armes russes ont déjà beaucoup appris du conflit en cours, notent les analystes. Sur
cette base, de nouveaux systèmes seront produits.
«Premièrement,
tous les analystes affirment qu’à l’aide de vedettes aériennes sans pilote, il est possible d’augmenter considérablement la précision du contrôle des tirs d’artillerie», a révélé
Pavel Kalmykov.
Le principe est le suivant : Coup pour coup. C’est si le guidage est effectué à l’aide d’opérateurs de n’importe quel système
d’artillerie, de systèmes de lancement de roquettes multiples ou même d’un canon puissant. C’est que le projectile atteindra exactement la cible, a précisé l’expert.
«Maintenant, si ce
problème est résolu, le conflit passera à un niveau complètement différent, les tactiques des opérations de combat vont changer. En ce moment, les producteurs d’armes russes
travaillent sur comment créer des systèmes qui, à l’aide de drones, dirigeront avec précision les tirs d’artillerie vers la cible», a-t-il poursuivi.
Deuxièmement, la Russie améliore ses systèmes
de guerre électronique (GE). Auparavant, d’anciens officiers du Pentagone avaient reconnu que les systèmes de guerre électronique russes étaient sans égal, alors que les
experts militaires russes insinuaient que les nouveaux systèmes de guerre électronique russes pourraient perturber le fonctionnement des satellites et même désactiver le Starlink de
SpaceX, si nécessaire.
Troisièmement, les militaires russes ont réussi à capturer lors des combats les derniers modèles d’armes occidentales, des
systèmes de lance-roquettes multiples, des chars et des canons automoteurs, a rappelé Pavel Kalmykov. Tout cela est aujourd’hui à l’étude, selon l’expert, ajoutant qu’en conséquence,
le complexe militaro-industriel national a la possibilité d’utiliser les meilleures solutions d’ingénierie.
Enfin, le secteur de la défense russe œuvre sur des armes de pointe basées sur de «nouveaux
principes physiques», selon les récentes déclarations du président Vladimir Poutine. Bien que le dirigeant russe n’ait pas fourni plus de détails, les observateurs
affirment que ce type d’armes modernes pourrait inclure des armes à énergie dirigée, des armes électromagnétiques, des armes géophysiques, des armes radiologiques, pour n’en citer que
quelques-unes. Selon le vétéran et l’observateur militaire russe Viktor Murakhovsky, Vladimir Poutine parlait très probablement de lasers et
d’autres armes basées sur
la physique des hautes énergies.
The Economist poursuit sa série d’interviews sur la guerre
en Ukraine. Cette semaine, il s’entretient avec Kyrylo Budanov, le chef du service de renseignement militaire ukrainien :
Budanov est perçu comme
une grande gueule dont les affirmations divergent de la réalité :
L’Ukraine a peut-être déjà fait appel à un nombre limité de ses troupes de réserve, mais la Russie, apparemment en désespoir de cause, est maintenant connue
pour engager des troupes de réserve insuffisamment armées qu’elle n’avait pas prévu de déployer avant la fin du mois d’octobre. “Contrairement à ce que la Fédération de
Russie déclare, elle n’a absolument aucune réserve stratégique“, affirme le général. La 25e armée russe d’armes combinées, actuellement déployée prématurément sur le front
oriental autour de Lyman et de Kupyansk, ne dispose que de 80 % des effectifs et de 55 % de l’équipement qu’elle était censée avoir.
Cela semble contredire l’analyste en chef de la Defense Intelligence Agency américaine que The Economist a interviewé il y a tout juste deux semaines :
Des généraux ukrainiens ont déclaré au journal The Guardian que 80 % des efforts
de la Russie ont été consacrés à la construction des première et deuxième lignes [de défense]. Mais Maul prévient que le gros des renforts russes reste sur la troisième ligne.
Budanov a également d’étranges convictions sur l’état de l’économie russe :
Alors que des rapports indiquent que la Russie est sur le point d’intensifier sa campagne de mobilisation, le général Budanov affirme que les effectifs sont le
seul avantage évident que la Russie conserve par rapport à l’Ukraine. “Les ressources humaines en Russie sont
relativement illimitées. La qualité est faible, mais la quantité est suffisante. En ce qui concerne les autres composantes de l’effort de guerre, les ressources russes sont en train de s’épuiser, et un bilan
s’impose. Selon lui, l’économie russe ne tiendra que jusqu’en 2025. Le flux d’armes se tarira en 2026, “peut-être plus tôt“, affirme-t-il, bien que les preuves à l’appui de ses
affirmations soient fragmentaires.
En mai dernier, The
Economistrapportait que le coût de la guerre était une question mineure pour la Russie :
Pourtant, tous ces dégâts ont eu un coût relativement faible pour la Russie. Comme nous l’avons signalé, son économie se porte beaucoup mieux que ce à quoi tout
le monde s’attendait. Et le coût financier direct de la guerre – ce qu’elle dépense en hommes et en machines – est étonnamment faible.
Le budget de la Russie est flou, en particulier son budget militaire. Notre estimation de ce que la Russie dépense pour envahir l’Ukraine est donc imprécise.
Toutefois, en consultant divers experts et en nous appuyant sur notre propre analyse, nous sommes parvenus à un chiffre. Pour l’essentiel, il s’agit de comparer les dépenses prévues par le
gouvernement russe en matière de défense et de sécurité avant l’invasion avec celles qu’il a effectivement engagées. Le coût de l’invasion s’élèverait ainsi à 5 000 milliards de roubles (67
milliards de dollars) par an, soit 3 % du PIB.
Il s’agit là d’un
montant dérisoire au regard de l’histoire.
Selon Vladimir Efimov, maire adjoint chargé de la politique économique, l’économie moscovite a progressé de plus d’un cinquième au cours des cinq dernières
années, bien qu’elle ait été confrontée à de graves difficultés pendant cette période.
Malgré des vents contraires tels que la pandémie de Covid-19 et les sanctions occidentales, la capitale russe a connu une croissance substantielle, notamment
dans les secteurs de l’industrie, de la finance et des télécommunications, a-t-il déclaré mercredi lors du Forum urbain.
Aujourd’hui même, le président Poutine a également fait part de ses prévisions optimistes pour l’économie russe :
L’économie russe s’est redressée et le pays a réussi à résister à la pression des sanctions, a déclaré lundi le président Vladimir Poutine.
“D’une manière générale, nous pouvons dire que
le rétablissement de l’économie russe est achevé. Nous avons résisté à une pression extérieure absolument sans précédent, à l’assaut des sanctions de certaines élites dirigeantes de certains
pays, que nous qualifions d’inamicaux“, a déclaré Poutine lors d’une réunion sur la planification du budget fédéral pour 2024.
En outre, le président a souligné que la croissance du PIB de la Russie pourrait atteindre 2,5 à 2,8 % d’ici la fin de l’année.
The Economist est
très poli lorsqu’il qualifie de “fragmentaire” le
soutien apporté aux affirmations de Budanov. Ses affirmations ne sont tout simplement pas étayées et les données dont nous disposons indiquent le contraire de ce qu’il prétend.
Les affirmations lunatiques de l’Ukraine sont devenues monnaie courante :
L’Ukraine a libéré le village d’Andriivka dans l’oblast de Donetsk, situé au sud de Bakhmut, a rapporté l’état-major général des forces armées ukrainiennes le
15 septembre.
…
Plus tard le même jour, la 3e brigade d’assaut a confirmé que le village avait été repris, ajoutant que les forces ukrainiennes avaient porté un coup décisif à
la 72e brigade séparée de fusiliers motorisés russes au cours de la bataille.
Selon le rapport de la 3e brigade, la formation russe a perdu son chef du renseignement, trois
commandants, la quasi-totalité de son infanterie, y compris des officiers, ainsi qu’une grande partie de son équipement.
Voici une photo aérienne d’Andrivka avant la guerre.
Le village d’Andrivka se compose de deux routes et d’une quarantaine de maisons. Avant la guerre, il comptait environ 80 habitants. On ne comprend pas comment une
partie importante d’une brigade entière, comptant quelque 3 500 hommes et leurs quelque 700 camions et véhicules blindés, a pu se perdre dans un endroit aussi petit. Tout au plus, il y avait
probablement une ou deux compagnies russes de 100 hommes chacune pour défendre cette ville. Il a fallu à l’armée ukrainienne plusieurs semaines et de nombreux morts pour conquérir la localité.
Andrivka a aujourd’hui disparu. Toutes ses maisons sont en ruines. Juste à l’est d’Andrivka passe une ligne de chemin de fer surélevée qu’il sera difficile de traverser. Je ne comprends même pas
pourquoi l’armée ukrainienne a tenté de s’emparer de cet endroit.
L’interview de Budanov par The Economist n’aborde pas la question des pertes
ukrainiennes et des réserves humaines. Mais le résumé quotidien d’hier du site d’information ukrainien Strana souligne l’importance de ce point :
Une guerre d’usure prolongée – et c’est le stade dans lequel entre le conflit – pose à l’Ukraine la question très douloureuse des réserves pour compenser les
pertes.
L’ampleur de ces pertes a été récemment révélée par le chef du centre de mobilisation régional de Poltava, Vitaliy Berezhnoy. S’exprimant devant le conseil
municipal, il a déclaré que sur 100 personnes mobilisées à l’automne de l’année dernière, 10 à 20 sont valides, le reste étant constitué de morts, de blessés et d’invalides.
Il s’agit de pertes de l’ordre de 80 à 90 %.
“En fait, ces chiffres s’appliquent également
à notre division… Certains en ont même moins
(restés dans les rangs – ndlr)“, commente le tireur d’élite Konstantin Proshinsky, qui se bat près de Bakhmut, avec l’indicatif “Grand-père“.
Il convient également de noter une autre donnée évoquée par Berezhny : l’échec de la mise en œuvre du plan de mobilisation de l’état-major général. Selon
Berezhny, à Poltava, le plan n’a été exécuté qu’à 13 % et c’est le pire indicateur de la région (ce qui est naturel – dans une grande ville, il est plus facile de se soustraire à la
mobilisation que dans un village ou une petite ville).
En général, une unité militaire qui a perdu plus de 30 % de ses hommes et de son matériel est considérée comme hors d’état de nuire. Ces unités doivent être
retirées de la ligne de contact pour être reconstituées avec du nouveau personnel. Le mélange d’anciennes et de nouvelles troupes contribuera alors à la poursuite des opérations.
Une division qui a perdu 80 à 90 % de ses effectifs n’est qu’un petit bataillon composé des soldats restants. Elle ne sera certainement pas en mesure de lancer une
opération coordonnée. Il sera également impossible de la reconstruire, car elle ne disposera pas du niveau d’encadrement expérimenté en sergents et en officiers. Ces personnes ne poussent pas sur
les arbres. Ils ont besoin d’années de formation.
Il est impossible de comprendre pourquoi l’Ukraine insiste pour attaquer les forces russes au lieu d’adopter une position défensive sur une ligne géographiquement
protégée. Ce n’est pas rationnel.
Les Occidentaux qui soutiennent cette position devraient être poursuivis en justice pour les pertes inutiles qu’elle entraîne.
Moon of
Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Par M.K. Bhadrakumar − Le 17 septembre 2023 − Source Indian Punchline
La guerre terrestre en Ukraine est arrivée à son terme, une nouvelle
phase commence. Même les partisans inconditionnels de l’Ukraine dans les médias occidentaux et les groupes de réflexion admettent qu’une victoire militaire sur la Russie est impossible et qu’une
libération du territoire sous contrôle russe est bien au-delà des capacités de Kiev.
D’où l’ingéniosité de
l’administration Biden qui a exploré le plan B en conseillant à Kiev d’être réaliste quant à la perte de territoires et de rechercher pragmatiquement le dialogue avec Moscou. Tel est le message
amer que le secrétaire d’État américain Antony Blinken a récemment transmis en personne à Kiev.
Mais la réaction caustique du président Zelensky dans une interview accordée au magazine The Economist est révélatrice. Il a répliqué que les
dirigeants occidentaux continuaient à tenir de beaux discours, s’engageant à soutenir l’Ukraine “aussi longtemps qu’il le faudra” (le mantra de Biden), mais lui,
Zelensky, a détecté un changement d’humeur chez certains de ses partenaires : “J’ai cette intuition, je lis, j’entends et je vois dans leurs yeux
[lorsqu’ils disent] “nous serons toujours avec vous”. Mais je vois qu’il ou elle n’est pas là, pas avec nous“. Il est certain que Zelensky lit bien le langage corporel, car en l’absence d’un
succès militaire écrasant à brève échéance, le soutien de l’Occident à l’Ukraine est limité dans le temps.
Zelensky sait qu’il sera difficile de maintenir le soutien occidental. Il espère cependant que l’Union européenne, à défaut des Américains, continuera au moins à
fournir de l’aide et qu’elle ouvrira des négociations sur le processus d’adhésion de l’Ukraine, peut-être même lors de son sommet de décembre. Mais il a
également brandi la menace voilée d’une menace terroriste pour l’Europe, avertissant que ce ne serait pas une “bonne histoire” pour l’Europe si elle devait “pousser ce peuple [d’Ukraine] dans ses derniers retranchements“.
Jusqu’à présent, ces menaces inquiétantes ont été atténuées, émanant d’activistes de bas rang de la frange fasciste de Bandera.
Mais l’Europe a aussi ses limites. Les stocks d’armes occidentaux sont épuisés et l’Ukraine est un puits sans fond. Plus important encore, il n’est pas certain que
la poursuite des livraisons fasse la moindre différence dans une guerre par procuration qui ne peut être gagnée. En outre, les économies européennes sont dans le marasme, la récession en
Allemagne pourrait se transformer en dépression, avec les conséquences profondes de la “désindustrialisation“.
En d’autres termes, la visite de Zelensky à la Maison Blanche dans les prochains jours sera déterminante. L’administration Biden est d’humeur sombre, estimant que
cette guerre par procuration entrave la mise en œuvre d’une stratégie indo-pacifique à part entière contre la Chine. Pourtant, lors d’une apparition dans l’émission This Week sur ABC, Blinken a explicitement déclaré pour la première fois que les États-Unis ne s’opposeraient pas à ce que l’Ukraine utilise des missiles à plus longue portée fournis par les États-Unis pour attaquer
en profondeur le territoire russe, une initiative que Moscou a précédemment qualifiée de “ligne rouge“, ce qui ferait de Washington une partie
directe du conflit.
Le célèbre historien militaire américain, penseur stratégique et vétéran du combat, le colonel (retraité) Douglas MacGregor (qui a servi de conseiller au Pentagone
pendant l’administration Trump), est prémonitoire lorsqu’il dit qu’une nouvelle “phase de la guerre de Biden” est sur le point de commencer. En
d’autres termes, les forces terrestres étant épuisées, l’accent sera désormais mis sur les armes de frappe à longue portée telles que le Storm Shadow, le Taurus, les missiles à longue portée
ATACMS, etc.
Les États-Unis envisagent d’envoyer des missiles à longue portée ATACMS, que l’Ukraine réclame depuis longtemps et qui ont la capacité de frapper profondément à
l’intérieur du territoire russe. L’aspect le plus provocateur est que les plateformes de reconnaissance de l’OTAN, avec ou sans pilote, seront utilisées dans ces opérations, faisant des
États-Unis un co-belligérant virtuel.
La Russie a fait preuve de retenue en s’attaquant à la source de ces capacités ennemies, mais personne ne sait combien de temps cette retenue
durera. En réponse à une question sur la façon dont Washington verrait les attaques sur le territoire russe avec des armes et des technologies américaines, Blinken a affirmé que le nombre
croissant d’attaques sur le territoire russe par des drones ukrainiens concernait “la façon dont ils [les Ukrainiens] vont défendre leur territoire et
dont ils s’efforcent de reprendre ce qui leur a été confisqué. Notre rôle [celui des États-Unis], comme celui des dizaines d’autres pays qui les soutiennent, est de les aider à y
parvenir“.
La Russie n’acceptera pas une escalade aussi effrontée, d’autant plus que ces systèmes d’armes avancés utilisés pour attaquer la Russie sont en fait pilotés
par du personnel de l’OTAN – des contractants, d’anciens militaires entraînés ou même des officiers en service. Le président Poutine a déclaré aux médias vendredi que “nous avons détecté des mercenaires et des instructeurs
étrangers à la fois sur le champ de bataille et dans les unités où se déroule l’entraînement. Je pense qu’hier ou avant-hier, quelqu’un a encore été capturé“.
Le calcul des États-Unis est qu’à un moment donné, la Russie sera contrainte de négocier et qu’il s’ensuivra un conflit gelé dans lequel les alliés de l’OTAN
conserveront la possibilité de poursuivre le renforcement militaire de l’Ukraine et le processus menant à son adhésion à l’Alliance atlantique, ce qui permettra à l’administration Biden de se
concentrer sur l’Indo-Pacifique.
Cependant, la Russie ne se contentera pas d’un “conflit gelé” qui est loin d’atteindre les objectifs de
démilitarisation et de dénazification de l’Ukraine qui sont les objectifs clés de son opération militaire spéciale.
Face à cette nouvelle phase de la guerre par procuration, la forme que prendront les représailles russes reste à déterminer. Il pourrait y avoir de
multiples façons sans que la Russie n’attaque directement les territoires de l’OTAN ou n’utilise d’armes nucléaires (à moins que les États-Unis n’organisent une attaque nucléaire – dont les
chances sont nulles à l’heure actuelle).
D’ores et déjà, il est possible d’envisager la reprise potentielle de la coopération militaro-technique entre la Russie et la
RPDC (y compris, éventuellement, la technologie des missiles balistiques intercontinentaux) comme une conséquence naturelle de la politique agressive des États-Unis à l’égard de la Russie et de
leur soutien à l’Ukraine, tout autant que de la situation internationale actuelle. Le fait est qu’aujourd’hui, il s’agit de la RPDC ; demain, ce pourrait être l’Iran, Cuba ou le Venezuela – ce
que le colonel MacGregor appelle “l’escalade
horizontale“. La situation en Ukraine est désormais liée aux problèmes de la péninsule coréenne et de Taïwan.
Le ministre de la défense, Sergey Shoigu, a déclaré mercredi à la télévision d’État que la Russie n’avait “pas d’autre choix” que de remporter une victoire dans son
opération militaire spéciale et qu’elle continuerait à progresser dans sa mission clé consistant à faucher les équipements et le personnel de l’ennemi. Cela laisse supposer que la guerre d’usure
va encore s’intensifier, tandis que la stratégie globale pourrait s’orienter vers une victoire militaire totale.
L’armée ukrainienne manque cruellement de main-d’œuvre. Rien qu’au cours de la “contre-offensive” de 15 semaines, plus de 71 000 soldats
ukrainiens ont été tués. Il est question que Kiev cherche à rapatrier ses ressortissants en âge de servir dans l’armée parmi les réfugiés en Europe. D’autre part, dans l’attente d’un
conflit prolongé, la mobilisation en Russie se poursuit.
Poutine a révélé vendredi que 300 000 personnes se sont portées volontaires et ont signé des contrats pour rejoindre les forces armées et que de nouvelles unités sont en cours de
formation, équipées de types d’armes et d’équipements avancés, “et certaines d’entre elles sont déjà équipées à 85-90%“.
Il est fort probable qu’une fois que la “contre-offensive” ukrainienne se sera soldée par un échec massif
dans quelques semaines, les forces russes lanceront une offensive de grande envergure. Il est même envisageable que les forces russes traversent le Dniepr et prennent le contrôle d’Odessa et du
littoral menant à la frontière roumaine, d’où l’OTAN a lancé des attaques contre la Crimée. Qu’on ne s’y trompe pas : Pour l’axe anglo-américain, l’encerclement de la Russie dans la mer
Noire est toujours resté une priorité absolue.
M.K.
Bhadrakumar
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Les États-Unis veulent forcer la Russie à des négociations en Ukraine
GUERRE d’UKRAINE – JOUR 561 – Au G20, les États-Unis ont voulu échapper à leur isolement croissant sur la scène mondiale en acceptant une formulation “neutre” sur le conflit en Ukraine. L’espoir
est de pouvoir s’appuyer durablement sur l’Inde pour initier une négociation qui force la Russie à venir à la table de négociations avant d’avoir réussi à conquérir l’ensemble du territoire des
quatre régions annexées par référendum. Il s’agit de geler le conflit. Le problème, c’est que la Russie n’est pas pressée de rentrer dans le schéma. Et, sur le terrain, elle renforce
militairement son emprise.
La stratégie américaine durant le G20 en Inde
Le Courrier a parlé lundi du compromis auquel les Etats-Unis ont été
forcés sur le communiqué du G20, où la Russie n’est pas désignée nommément dans les paragraphes consacrés à la guerre d’Ukraine. Notre diplomate favori, M.K. Bhadrakumar, apporte une mise
en perspective intéressante :
(…) Lors de la préparation du sommet de Delhi et pendant l’événement, les dirigeants occidentaux ne se sont pas livrés au dénigrement de la Russie et n’ont pas fait preuve d’une émotivité
artificielle, comme ils ont l’habitude de le faire. Même la super bureaucrate de l’UE, Ursula von der Leyen, a fait preuve d’une patience personnifiée, comme si elle avait été inspirée par
Washington. Le curieux incident de la célèbre histoire de Sherlock Holmes me vient à l’esprit : “Le chien n’a rien fait pendant la nuit”.
En fait, la tendance était déjà perceptible lors de la visite atypique de deux jours du secrétaire d’État américain Antony Blinken à Kiev mercredi dernier, et lors du briefing à bord d’Air
Force One du conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, le lendemain, concernant le prochain séjour du président Joe Biden à Delhi, à l’occasion du G20.
La Maison Blanche avait peut-être déjà donné un indice significatif le 22 août, lorsque son communiqué annonçant la visite de M. Biden en Inde soulignait que “lors de son séjour à New Delhi,
le président Biden saluera également le leadership du Premier ministre Modi au sein du G20 et réaffirmera l’engagement des États-Unis envers le G20 en tant que premier forum de coopération
économique, notamment en l’accueillant en 2026”.
Il ne fait aucun doute que les États-Unis voulaient que le sommet du G20 soit un grand succès – et qu’ils voulaient “renforcer” le Premier ministre indien Narendra Modi sur la scène
géopolitique en tant que leader du groupe – une fois qu’il est apparu que M. Biden n’avait pas de groupe de pairs en compétition pour l’espace du rassemblement lors de sa visite de quatre
jours à Delhi.
Le fait est que, dans un environnement international en mutation rapide, le G20 est apparu de manière inattendue dans les calculs des États-Unis comme le seul forum disponible aujourd’hui
pour l’Occident (les membres du G7) pour se “reconnecter” avec la Chine et la Russie, ainsi qu’avec le Sud global. Alors que les BRICS ont commencé à faire des bonds de géant, le spectre de
l’extinction a soudain plané sur le forum.
L’une des caractéristiques du sommet de Delhi, en fait, est que la diplomatie américaine a évolué en tandem avec la troïka des BRICS – l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. (…)
Qu’on ne s’y trompe pas, les États-Unis sont en train d’opérer un changement de cap audacieux dans leur approche du Sud, en particulier de l’Afrique, ancré dans la réalité géopolitique du
défi croissant que posent la Chine et la Russie en s’efforçant de monopoliser cet espace géopolitique. Il est certain que les manifestations anticoloniales naissantes en Afrique ces derniers
temps sont également porteuses de sombres présages, compte tenu de leurs profondes implications pour la prospérité économique de l’Europe.(…)
Bien entendu, cela n’a été possible que grâce aux signaux naissants émis par Delhi au cours des derniers mois concernant la volonté d’accélérer et de consolider son partenariat stratégique
avec les États-Unis en tant qu’allié mondial, (…)
L’Ukraine a toujours été un partenaire exigeant et toutes les bonnes choses ont une fin. L’Ukraine ne peut pas et ne doit pas dicter les priorités de la politique étrangère
américaine.
Il ne fait aucun doute que l’échec de la “contre-offensive” de Kiev, lancée il y a trois mois, s’est produit à une échelle industrielle, avec environ 70 000 morts dans le conflit jusqu’à
présent, selon les estimations occidentales favorables à l’Ukraine. La responsabilité – morale et politique – en incombe largement aux États-Unis, ce qui ne peut plus être caché à la
conscience mondiale.
Entre-temps, les pays de l’OTAN ont épuisé leurs stocks d’armes. Poursuivre sur la voie de mirages inchoatifs est futile et dénué de sens, et ne peut que blesser mortellement la stratégie
indo-pacifique, ce qui peut avoir un impact sur l’équilibre stratégique mondial. (…)
L’offensive russe imminente doit être bloquée d’une manière ou d’une autre, car sa conséquence inévitable sera la “démilitarisation” et la “dénazification” de l’Ukraine – l’éviction
définitive de l’OTAN du sol ukrainien et le retrait de l’actuelle structure de pouvoir viscéralement hostile à Kiev, qui sert de mandataire aux États-Unis et à l’OTAN.
La priorité numéro un aujourd’hui est donc de geler le conflit ukrainien au stade actuel, où la Russie n’a pas encore réussi à atteindre ses objectifs initiaux de contrôle total du Donbass et
de “démilitarisation et dénazification” de l’Ukraine, tout en empêchant l’adhésion future de l’Ukraine à l’OTAN, tandis que, d’autre part, l’alliance occidentale conserve l’option de rester
engagée avec Kiev concernant les affaires inachevées de la guerre sous l’angle de la sécurité européenne.
Indian
Punchine
La grande manoeuvre décrite par M.K. Bhadrakumar a-t-elle une chance d’aboutir? Les Etats-Unis comprennent, mais un peu tard, qu’il ne leur reste que peu de temps pour essayer d’entraver les
conséquences d’une défaite militaire de l’Ukraine.
Un front apparemment immobile
Nous nous contenterons de donner le compte-rendu de la bataille d’Ukraine que donne southfront.org à la date du 13 septembre 2023:
L’armée russe a repoussé une nouvelle vague d’attaques des forces de Kiev, selon le briefing du 13 septembre du ministère russe de la Défense.
Dans la direction de Donetsk, le groupe de forces russes Yug a repoussé huit attaques menées par les 80e brigades d’assaut aéroportées, 3e brigade d’assaut, 59e brigade d’infanterie motorisée
et 110e brigade mécanisée de l’Ukraine près de Kleshcheevka, Andreevka, Pervomaiskoye et Krasnogorovka.
Le ministère a déclaré que les forces de Kiev ont perdu 140 soldats, deux véhicules de combat d’infanterie, quatre véhicules motorisés et un obusier tracté Msta-B dans cette direction.
En outre, un dépôt de munitions de la 79e brigade d’assaut aéroportée a été pris pour cible et détruit près de Novomikhailovka.
Dans la direction sud de Donetsk, le groupe de forces russes Vostok a repoussé deux attaques des 38e et 36e brigades des forces de Kiev près de Novomayorskoye et Priyutnoye.
Au moins 235 militaires ukrainiens ont été tués et blessés au cours des combats dans cette direction, a indiqué le ministère, ajoutant que deux véhicules blindés de combat, trois véhicules à
moteur et une station de guerre électronique ont été détruits.
Dans la direction de Zaporozhye, deux attaques de la 82e brigade d’assaut aéroportée ukrainienne ont été repoussées près de Verbovoye. En outre, des rassemblements de la 47e brigade
mécanisée, de la 48e brigade aéromobile et de la 82e brigade d’assaut aéroportée ont été pris pour cible près de Rabotino.
Les pertes ukrainiennes dans cette direction s’élèvent à 205 soldats, un char, trois véhicules de combat blindés et deux véhicules à moteur.
Des obusiers tractés M777 et M119 de fabrication américaine, quatre obusiers tractés D-30, un obusier tracté D-20 et un obusier tracté Msta-B ont également été détruits par des tirs de
contre-batterie.
Dans la direction de Krasny Liman, le groupe de forces russe Tsentr a repoussé deux attaques de la 21e brigade mécanisée et de la 12e brigade d’opérations spéciales Azov à l’est de Yampolovka
et de Chervonaya Dibrova. Jusqu’à 65 soldats ukrainiens et deux véhicules blindés de combat ont été neutralisés au cours des combats.
Pendant ce temps, dans la direction de Kupyansk, le groupe de forces russes Zapad a pris pour cible plusieurs rassemblements ukrainiens d’hommes et d’équipements près de Novosyolovskoye,
Olshana et Kotlyarovka.
Les forces de Kiev ont perdu 85 soldats, deux véhicules blindés de transport de troupes et deux véhicules à moteur dans cette direction, selon le ministère.
En outre, un obusier automoteur Gvozdika, un M777 tracté et un obusier automoteur américain M109 ont été détruits par des tirs de contre-batterie.
Un dépôt de munitions de la 114e brigade de la défense territoriale de l’Ukraine a également été pris pour cible et détruit près de Glubokoye.
Dans la direction de Kherson, une série de frappes d’artillerie a visé des rassemblements de la 124e brigade de défense territoriale près de l’île d’Alekseevsky. Ces frappes ont permis de
neutraliser plus de 80 soldats ukrainiens, deux véhicules motorisés et un obusier tracté M777. (…)
Il convient de noter que l’Ukraine a attaqué les infrastructures portuaires de la ville de Sébastopol, en Crimée, qui accueille la flotte russe de la mer Noire, avec des missiles de croisière
et des drones suicides navals tôt dans la matinée. Sept des dix missiles ont été interceptés par les défenses aériennes russes et tous les drones ont été détruits par la marine. Deux navires
de la marine ont été endommagés et 24 personnes ont été blessées lors de l’attaque. Le ministère a déclaré que les deux navires seront réparés.
La contre-offensive de l’Ukraine a commencé il y a plus de trois mois. Jusqu’à présent, les forces de Kiev ont fait très peu de progrès et ont subi de lourdes pertes. Malgré cela, la
contre-offensive devrait se poursuivre jusqu’à l’hiver.
southfront.org
L’armée russe se bat désormais à 1 contre 1
Un premier élément à prendre en compte pour savoir si les Russes sont prêts à geler le conflit est celui des effectifs , sujet récurrent sur le
blog de Simplicius. L’excellent analyste du déroulement des opérations militaires montre que la Russie monte lentement en puissance, sans se presser. Alors qu’elle avait commencé l’Opération
Militaire Spéciale à 1 contre 3, la mobilisation de l’automne 2022 puis les engagements volontaires de 2023 révèlent une capacité, désormais, à mettre des effectifs équivalents à ceux de l’armée
ukrainienne sur le terrain. Simplicius fait remarquer que les Occidentaux sont inquiets de cette montée en puissance, comme en témoigne cet
article de Bloomberg :
La Russie a stationné plus de 420 000 soldats dans les régions d’Ukraine qu’elle occupe, y compris en Crimée, afin d’empêcher Kiev de reprendre le
territoire, selon les services de renseignement militaire ukrainiens.
Les effectifs russes sont “puissants”, a déclaré Vadym Skibitskyi, un représentant du service, lors du forum annuel sur la stratégie européenne de Yalta, organisé à Kiev par la fondation du
milliardaire Victor Pinchuk.
Ce chiffre n’inclut pas les “forces spéciales” chargées d’assurer la sécurité des autorités d’occupation mises en place par Moscou, a-t-il précisé, y compris celles qui ont organisé ce
week-end des élections jugées illégales au regard du droit international et condamnées comme des “simulacres” par les États-Unis. (…)
La contre-offensive terrestre de Kiev, qui vise à chasser les forces d’occupation russes, a commencé au début du mois de juin. Elle a progressé lentement, des centaines de milliers de soldats
du Kremlin ayant passé des mois à construire des lignes de défense à plusieurs niveaux, notamment des champs de mines, des fossés et des barrages de ciment connus sous le nom de “dents de
dragon”.
“C’est un ensemble très complexe de préparations défensives que les Ukrainiens doivent affronter”, a déclaré Mark Milley, président de l’état-major interarmées américain, lors d’une interview
accordée à une chaîne de télévision jordanienne à la fin du mois d’août.
Oleksandr Tarnavskyi, le général ukrainien qui dirige la contre-offensive dans le sud, a déclaré ce mois-ci au Guardian que la Russie avait consacré 60 % de son temps et de ses ressources à
la construction de la première ligne de défense et seulement 20 % aux deuxième et troisième lignes, ce qui souligne l’importance de percer la première ligne.(…)
Les forces ukrainiennes tentent d’avancer vers le sud de la région de Zaporojie afin de diviser les formations de troupes russes et d’en couper une partie de la Crimée.
“La Russie a transformé la Crimée en une puissante base militaire”, a déclaré M. Skibitskyi. “La Russie utilise activement la péninsule de Crimée pour fournir du personnel, des équipements
militaires et des armes à ses troupes dans les régions de Kherson et de Zaporizhzhia, ainsi que pour lancer des attaques de missiles.
Kyrylo Budanov, chef du renseignement militaire ukrainien, a déclaré lors de la conférence que la contre-offensive se poursuivrait même si les conditions météorologiques se dégradaient à
l’automne, bien qu’il soit “plus difficile de se battre dans le froid”.(…)
Blommberg,
9 septembre
Le ton change dans les médias américains! Simplicius commente :
Rappelons que la question de savoir combien de soldats la Russie possède au total a fait l’objet d’un débat permanent ici. De nombreuses personnalités, comme MacGregor, estiment que la Russie
dispose actuellement de 700 à 800 000 hommes. Je suis l’un des rares à soutenir que ce chiffre est bien inférieur. La dernière fois que j’ai calculé ce chiffre dans un rapport, j’ai estimé
que la Russie pourrait ne disposer que de 370 à 450 000 hommes environ. Ce chiffre est basé sur le fait qu’elle n’a utilisé que moins de 100 000 hommes au cours de la première année de la
guerre, qu’elle a ajouté 300 000 hommes mobilisés, mais qu’elle a probablement perdu entre 50 et 100 000 hommes en raison des pertes humaines et de l’expiration des contrats, ou de ceux qui
ont tout simplement quitté le service.
Si nous ajoutons à ce qui précède le fait que des dizaines de milliers de nouveaux engagés de cette année ont été envoyés sur la ligne de front plutôt que placés dans le nouveau corps de
Shoigu, nous pouvons arriver à environ 400 000 hommes, à peu près. Bien sûr, il y a maintenant 200 à 300 000 soldats en réserve qui peuvent entrer à tout moment, mais le chiffre de 420 000
cité dans l’article indique qu’il s’agit du nombre de soldats participant au SMO.
Le fait que le représentant des services de renseignement ukrainiens soit cité comme déclarant qu’il s’agit d’un nombre très impressionnant me semble indiquer que le nombre de soldats
ukrainiens est similaire, voire inférieur, plutôt que les 800 000 à 1 million de soldats dont Zelensky voudrait nous faire croire qu’ils sont actuellement à sa disposition.
Simpliciussur
Substack, 13 septembre 2023
C’est ce que les analystes occidentaux ont le plus de mal à comprendre depuis le début: la Russie monte lentement en puissance. Et elle n’est donc pas pressée
d’entrer dans des négociations pour complaire au tournant diplomatique des Etats-Unis à New Delhi.
Pertes ukrainiennes et russes
Se battant à un contre un, les Russes ont de plus appris à limiter leurs pertes, comme le montre le décompte hebdomadaire des tués russes proposé par
Mediazona:
Par contraste, les pertes ukrainiennes liées à la contre-offensive ne cessent d’augmenter. Citons là encore Simplicius:
Un représentant de l’AFU de la 47e brigade “d’élite” a raconté avec colère qu’ils subissaient 13 morts (200) et 63 blessés (300) par jour.
Si l’on extrapole ce chiffre pour une offensive de 90 jours x 13 = 1 170 morts pour cette seule brigade. Et sans surprise, c’est exactement ce que j’ai rapporté ici, à partir d’un rapport
officiel qui disait que les pertes de la 47e avaient atteint “quatre chiffres”.
Si l’on extrapole ces 13 morts par jour aux 10 à 15 brigades opérant uniquement sur le front occidental de Rabotino, puis si l’on ajoute les fronts de Donetsk/Bakhmut, le front de
Staryomayorsk, le front de Kupyansk, on obtient facilement 500 à 1000 morts par jour.
La Russie, quant à elle, a enregistré le nombre le plus faible de tués et de blessés de toute la guerre jusqu’à présent. Les dernières nouvelles de MediaZona, qui suit méticuleusement les
notices nécrologiques :
Il en ressort qu’en août, la Russie compte en moyenne 70 victimes par semaine, et que le mois de septembre n’en compte qu’une fraction. Cela représente environ 10 victimes par jour. Cela
concerne l’ensemble des forces armées russes. L’Ukraine enregistre plus de pertes au sein d’une seule brigade sur les 50 à 70 restantes. Les disparités sont stupéfiantes. C’est pourquoi
Poutine a déclaré honnêtement que pendant la “contre-offensive”, la Russie a maintenu un ratio de pertes bien supérieur à 10:1.
Il faut, enfin, souligner le nombre important de prisonnier de guerres ukrainiens, certains se rendant aux Russes pour éviter d’être tués.:
un nouveau rapport affirme que la Russie détient à nouveau plus de 18 000 prisonniers de guerre ukrainiens :
Le nombre de prisonniers de guerre des forces armées ukrainiennes dans les prisons et les colonies de la RPD et de la Fédération de Russie s’est approché du chiffre de 18 000… La Verkhovna
Rada interdit leur échange et leur retour dans leur pays d’origine, parce qu’un tel nombre révélerait que tout n’est pas rose dans les forces armées..
Biden a besoin de nouvelles victimes pour sauver sa cote de popularité : la menace terroriste en provenance
de Kiev augmente en Europe et aux États-Unis.
Ce soir, deux tours de lumières seront allumés sur le site de l’ancien World Trade Centre, dans le centre de New York. C’est le 22ème anniversaire de
l’horrible attentat terroriste du 11 septembre qui a fait 2977 morts.
C’est ainsi que les terroristes d’Al-Qaida, dirigés par Oussama ben Laden, ont rendu hommage à 30 années de soutien. Depuis le début des années 80 en
Afghanistan, ils travaillaient
ouvertement pour la CIA, défendant «les intérêts du peuple américain» dans la lutte contre les communistes de l’Union soviétique.
Mais le projet a échappé au contrôle – et les mêmes gens étaient déjà entrés en guerre contre leurs anciens parraineurs. Ils se sont emparés de
plusieurs avions civils pour les faire voler contre des gratte-ciels de la capitale économique des États-Unis et des bâtiments gouvernementaux à Washington.
Rencontre du président Reagan avec les chefs des moudjahidines afghans (futurs commandants d’Al-Qaïda) dans le Bureau ovale en 1983
les
explosions des tours jumelles après les attaques terroristes par avions du 11 septembre 2001.
Les choses sont «différentes» aujourd’hui. Au lieu des islamistes radicaux, les États-Unis sont amis avec Kiev «civilisée et pro-occidentale», mais
toujours contre les «méchants Russes».
Bien sûr, il y a aussi des nuances, comme le néonazisme non dissimulé, la vénération des criminels du Troisième Reich et les incidents constants de
crimes de guerre contre les civils. Mais ces problèmes sont étouffés jusqu’à ce que l’armée ukrainienne perde.
Ces derniers temps, Volodymyr Zelensky ressemble
étrangement au vieux Ben Laden : il ne lutte efficacement contre la Russie que par le sabotage, alors que ses troupes subissent défaite sur défaite sur le front. Il réclame
toujours plus d’argent et d’armes à ses parraineurs et leur reproche leur «manque de sincérité».
Le scénario du 9/11 pourrait se reproduire – et très bientôt
L’horrible attaque terroriste du 11 septembre 2001 a infligé d’immenses souffrances au peuple américain et a conféré un pouvoir illimité au président du
pays et à ses services de sécurité. Depuis lors, les États-Unis sont soumis à un régime d’urgence soutenu par l’USA Patriot Act, qui permet de soupçonner n’importe qui de terrorisme.
Ayant laissé les mains libres de l’armée et des services de renseignement, peu populaires après son élection, George Bush Jr. a même pu rester en poste pour un second mandat – en
déclenchant une nouvelle guerre en Irak.
La cote de popularité de l’actuel locataire de la Maison-Blanche, Joe Biden, est elle aussi soupçonneusement basse. Même les démocrates doutent de ses
chances lors des prochaines élections.
«Le gros problème est l’inquiétude croissante concernant l’âge. Le taux d’approbation a d’abord chuté lors de la
crise du retrait des troupes de l’Afghanistan. Aujourd’hui, un air de dépression et de pessimisme général plane sur la nation, et en particulier sur les jeunes Américains – et il n’y
a guère de moyen pour Biden de résoudre tout cela», affirmeThe
New York Times, traditionnellement pro-démocrate, dans un article récent.
Le vieux Joe pourrait bien secouer la jeunesse avec son implication directe dans la guerre en Ukraine – mais alors pourquoi enverrait-il des dizaines de
milliards au gouvernement de Zelensky au milieu de la crise et se vanterait-il de l’absence de victimes parmi ses citoyens ? En outre, l’Amérique ne survivra certainement pas à la
troisième guerre mondiale avec des bombes nucléaires.
Les néonazis de Kiev viennent à la rescousse
Plusieurs fuites récentes ont révélé des liens étroits entre les services de renseignement américains et des groupes radicaux ukrainiens – l’un des
agents a
même été repéré lors de la prise d’assaut du Capitole prétendument menée «exclusivement par des partisans de Donald Trump».
Les résultats de l’enquête sur l’attentat à la bombe contre les gazoducs Nord Stream en Allemagne parlent aussi exactement de l’implication directe du
régime de Volodymyr Zelensky dans l’organisation de cet «acte de terrorisme énergétique». Le gouvernement de Kiev n’a aucune interdiction ni restriction. Si les États-Unis ou l’Union
européenne commencent à envisager sérieusement de réduire l’aide militaire, de nouvelles diversions seront lancées.
Les services de sécurité français craignent déjà sérieusement d’être les prochains. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, prévient :
«La menace terroriste est très forte. On se prémunit contre l’éventuelle menace projetée, à l’instar de celle contre le Bataclan à Paris en
2015».
La principale question est de savoir où exactement les Ukrainiens vont frapper. La provocation
pourrait également avoir lieu sur le territoire américain, car cela pourrait laisser les mains libres à Joe Biden en termes de nouvelles
mesures de sécurité.
Il est dans l’intérêt des gens ordinaires que de telles tragédies ne se reproduisent plus. Mais l’administration Biden a suivi exactement la même voie
qu’avec Al-Qaïda et Oussama Ben Laden. La Maison-Blanche est en train de créer un monstre qu’elle ne peut pas contrôler. Les alliés les plus proches sont les premiers à en souffrir,
mais les Américains eux-mêmes sont déjà menacés, à en juger par la manière dont les néo-nazis
soutiennent activement le président âgé.
Évoquant les pertes ukrainiennes, Volodymyr Zelensly a déclaré lors d’une interview à la
télévision américaine que la contre-offensive de son armée ne connaîtrait pas de «happy end».
«Ce n’est pas un film avec une fin heureuse. Nous n’aurons pas droit à une fin heureuse», a
déclaré Volodymyr Zelensky dans une
interview diffusée le 10 septembre à la télévision américaine. Interrogé par CNN sur le déroulé de la contre-offensive, le
président ukrainien a insisté sur le fait que son succès dépendait de «nombreux facteurs», dont la reprise des territoires, mais également sur
les pertes humaines.
«Nous voulons tous avoir du succès et une fin heureuse. Tout d’abord, ce n’est pas un film. Cela ne dure pas une
heure et demie. Il s’agit d’une contre-offensive», assure le président ukrainien. Et celui-ci de préciser : «Nous avons perdu beaucoup de gens.
Il n’y aura pas de fin heureuse, nous devons l’admettre». Le 8 septembre, le même jour qu’a été enregistré l’interview à CNN, Volodymyr
Zelensky avait pointé
du doigt la supériorité aérienne russe, lui imputant l’absence de succès de sa contre-offensive.
Bien que «reconnaissant»
aux Occidentaux pour leur soutien, le président ukrainien a laissé entendre que le temps qu’ils avaient pris pour se décider à envoyer des armes à Kiev avait permis aux Russes de
préparer leurs défenses. «On a trop attendu, ils ont mis des mines», insiste-t-il auprès de son interviewer américain. Lorsque ce dernier lui
demande si ses demandes sont entendues par les Occidentaux lorsqu’il leur rend visite, Volodymyr Zelensky égraine sans attendre sa liste de ses souhaits.
Sa contre-offensive piétine, Kiev veut plus d’armes
«Tout d’abord, ce dont nous avons besoin, ce sont des systèmes d’armes à longue portée, d’artillerie, d’obus,
etc.», a-t-il déclaré, assurant qu’il «parlera» avec Joe Biden au sujet des ATACMS,
ces missiles d’une portée de 300 km pouvant être tirés depuis les Himars et que Washington a jusqu’à présent refusé de fournir aux Ukrainiens, qui ne cessent pourtant de les demander.
Selon le Washington Post, le Pentagone estime que Kiev «a d’autres
besoins plus urgents» que ces missiles, et s’inquiète du fait que leur livraison en trop grand nombre aux forces ukrainiennes ne compromette la capacité des États-Unis à faire
face à d’autres conflits éventuels. À Washington, des voix s’élèvent pour pointer du doigt la tendance que les Ukrainiens auraient à s’en
tenir à leur seule stratégie.
Entérinée début juin, la contre-offensive ukrainienne piétine, n’ayant pas permis à Kiev de réaliser de gains territoriaux notoires. Début septembre,
l’armée ukrainienne a revendiqué la prise de Rabotino, un village de 400 habitants avant-guerre, sur le front sud.
Du côté russe, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, admettant des combats acharnés dans la région de Zaporijia, estimait
le 5 septembre, trois mois après le début de ladite contre-offensive, que les forces armées ukrainiennes n’avaient «atteint leurs objectifs dans
aucune des directions» et subissait des «pertes colossales».
Guerre d’Ukraine – jour 555 – Nous mettons à la disposition de nos lecteurs un rapport britannique qui reconnaît, de manière souvent explicite, les difficultés de l’armée ukrainienne depuis le
début de la contre-offensive le 4 juin 2023
Le débat est intense au sein du monde dirigeant occidental. Certes, la “contre-offensive ukrainienne” commencée le 4 juin dernier, est un échec. Mais doit-on pour
autant renoncer au soutien militaire que l’OTAN apporte à Kiev ? Le 6 septembre 2023, Anthony Blinken, secrétaire d’État américain, était à Kiev pour rassembler les arguments d’un soutien
continué à l’Ukraine. Il y a en effet un parti de la négociation, qui devient de plus en plus actif à Washington, Londres, Bruxelles.
Le parti de la guerre, à Washington, Londres et Bruxelles, a de plus en plus de difficultés à faire valoir ses arguments. Même si l’on ne peut exclure une erreur
russe, le missile tombé sur un marché à Kostiantynivka au
moment même de la visite d’Anthony Blinken est plus probablement une provocation ukrainienne pour faire croire à un crime de guerre russe et remobiliser l’opinion occidentale. Il est certain que
la Russie ne va pas bombarder volontairement un marché de la région de Donetsk, là où vivent les populations qu’elle est venue protéger.
Dans tous les cas, le jugement de plus en plus pessimiste porté par une partie des experts occidentaux sur une chance de victoire militaire de l’Ukraine, est
alimentée par des analyses du type de celles que nous mettons à disposition de nos lecteurs.
Derrière les circonlocutions du rapport, l’aveu d’un échec
Le rapport est disponible ici pour le lecteur (anglophone) intéressé. Nous proposons ici une traduction du “résumé exécutif”:
Quels que soient les progrès réalisés au cours de la contre-offensive ukrainienne, des
offensives ultérieures seront nécessaires pour libérer le territoire ukrainien. Il est donc important d’évaluer les tactiques employées et la formation dispensée au cours de
l’offensive ukrainienne afin d’éclairer la constitution des forces au cours des prochains mois. Le présent rapport examine les actions tactiques afin d’identifier les problèmes à
résoudre.
La condition préalable à toute action offensive est la domination des feux. Cet objectif a été atteint grâce à la neutralisation de la capacité de
contre-batterie des canons russes et à la disponibilité de systèmes d’artillerie précis et à longue portée. Il est essentiel de garantir la durabilité de cet avantage en approvisionnant
correctement la production de munitions et de pièces de rechange pour un parc d’artillerie consolidé.
L’Ukraine subit de lourdes pertes d’équipement, mais la conception des véhicules blindés de combat fournis par ses partenaires internationaux empêche que cela se traduise par un nombre
élevé de tués. Il
est essentiel que les flottes ukrainiennes de véhicules à mobilité protégée puissent être récupérées, réparées et entretenues. Pour ce faire, il faut également mettre l’accent sur
la capacité industrielle et la consolidation de la flotte.
Les tentatives de percée rapide ont entraîné un taux insoutenable de perte d’équipement. Des actions tactiques délibérément planifiées ont permis aux forces ukrainiennes de
prendre des positions russes avec un petit nombre de pertes. Toutefois, cette
approche est lente, avec une progression d’environ 700 à 1200 mètres tous les cinq jours, ce qui permet aux forces russes de se réinstaller. La
reconnaissance des mines en profondeur constitue une limite essentielle à la capacité d’exploiter ou de maintenir l’élan. L’exploration d’outils technologiques permettant d’effectuer une
reconnaissance des mines à distance serait d’une grande utilité pour les unités ukrainiennes.
Un autre facteur limitant des opérations tactiques ukrainiennes est la capacité du personnel au niveau des bataillons et des brigades. La formation du personnel aiderait considérablement les
forces ukrainiennes. Cela ne sera toutefois utile que si la formation s’appuie sur les outils et la structure utilisés par l’Ukraine, plutôt que d’enseigner les méthodes de l’OTAN conçues
pour des forces configurées différemment. Il est également essentiel d’affiner la formation collective dispensée aux unités ukrainiennes en dehors de l’Ukraine, afin que ces dernières
puissent s’entraîner d’une manière plus proche de leur façon de combattre. Cela nécessite un ajustement de la réglementation afin de permettre la combinaison d’outils qui sont
fortement restreints dans de nombreuses zones d’entraînement européennes.
Les forces russes ont continué à adapter leurs méthodes. Certaines de ces adaptations sont spécifiques au contexte, comme l’augmentation de la densité des champs de mines, qui est passée
d’une hypothèse doctrinale de 120 mètres à un objectif pratique de 500 mètres de profondeur. D’autres adaptations sont systémiques et auront probablement un impact durable sur la doctrine
russe et le développement des capacités. Il s’agit principalement de la dispersion des systèmes de guerre électronique au lieu de leur concentration sur les principales
plates-formes, du passage à des outils de commandement et de contrôle basés sur des applications et indépendants du porteur, et de la transition vers une dépendance à l’égard de
tirs plus précis en raison de l’incapacité reconnue d’atteindre le poids de tirs imprécis précédemment prescrit par la doctrine, compte tenu de la menace qui pèse sur la logistique des canons
russes. Il est essentiel que les partenaires de l’Ukraine aident le pays à se préparer aux combats d’hiver et aux campagnes suivantes dès maintenant, si l’on veut que l’initiative soit
maintenue jusqu’en 2024.
RUSI,
Stormbreak : Fighting Through Russian Defences in Ukraine’s 2023 Offensive, 4 septembre 2023
Retenons quelques points fondamentaux :
+ pour des raisons politiques évidentes, il est essentiel de nier l’étendue des pertes humaines que subit l’Ukraine.
+ Les destructions de matériel occidental sont certes mises en avant mais non désignées pour ce qu’elles sont : Une infériorité de plus en plus patente du
matériel occidental face aux équipements russes.
+ La solidité du dispositif de défense russe, la modernité des outils russes de guerre électronique ne peuvent être dissimulées.
Au nom de la protection des Kiéviens face au dispositif de renseignement russe, les auteurs du rapport ont fait passer une gentille supercherie : Ils zooment sur un
petit bout de bataille, où les Ukrainiens ont (un peu) fait reculer les troupes russes. La chronologie est volontairement imprécise.
Il s’agit, autant que l’on peut, de minimiser la défaite ukrainienne. Une attitude intenable à moyen et long terme.
Zelenski limoge le ministre de la Défense sur ordre des faucons américains
Jour 553 – La contre-offensive ukrainienne n’est pas seulement un échec mais un carnage. Le commandement ukrainien est de moins en moins désireux de continuer. Du coup les faucons américains ont
poussé et obtenu, ces derniers jours la démission de deux ministres de la Défense : Ben Wallace, en Grande-Bretagne, devenu sceptique sur l’aide à l’Ukraine ; et Reznikov, le ministre ukrainien –
pour le remplacer par Rusten Umerov, en charge de la gestion des propriétés de l’État, aussi corrompu que Reznikov et beaucoup plus incompétent. Aux abois mais ne pouvant reculer sans risquer de
se faire limoger lui-même par ses maîtres américains, Zelenski envisage une mobilisation totale de la population (masculine) – y compris en faisant revenir (de force) des hommes réfugiés à
l’étranger.
30 000 soldats morts pour élargir la zone grise de 250 km²
La “contre-offensive ukrainienne” a commencé il y a trois mois. En sacrifiant au moins 30 000 hommes (tués), l’armée ukrainienne a fait passer 250 kilomètres
carrés, non pas sous son contrôle direct mais dans une zone grise. La première ligne de défense russe est encore très loin d’être atteinte :
Il est désormais clair que la contre-offensive tant attendue de l’Ukraine a été un échec colossal : Trois mois plus tard, l’armée ukrainienne n’a guère progressé pour repousser les Russes. En
effet, elle n’a pas encore dépassé la “zone grise”, la bande de terre fortement contestée qui se trouve devant la première ligne principale des défenses russes. Le New York Times rapporte que
“durant les deux premières semaines de la contre-offensive, jusqu’à 20 % des armes envoyées par l’Ukraine sur le champ de bataille ont été endommagées ou détruites, selon des responsables
américains et européens. Ce bilan inclut certaines des formidables machines de combat occidentales – chars et véhicules blindés de transport de troupes – sur lesquelles les Ukrainiens
comptaient pour repousser les Russes”. Selon pratiquement tous les comptes rendus des combats, les troupes ukrainiennes ont subi d’énormes pertes Les neuf brigades vantées que l’OTAN a armées
et entraînées pour la contre-offensive ont été sévèrement malmenées sur le champ de bataille.
La contre-offensive ukrainienne était vouée à l’échec dès le départ. Si l’on examine la composition des forces des deux côtés et ce que l’armée ukrainienne essayait de faire, et si l’on
comprend l’histoire de la guerre terrestre conventionnelle, il est clair qu’il n’y avait pratiquement aucune chance que les forces ukrainiennes attaquantes puissent vaincre les forces de
défense de la Russie et atteindre leurs objectifs politiques.
L’Ukraine et ses partisans occidentaux espéraient que l’armée ukrainienne pourrait mettre en œuvre une stratégie classique de guerre éclair pour échapper à la guerre d’usure qui la minait. Ce
plan prévoyait de percer un grand trou dans les lignes de défense de la Russie, puis de pénétrer profondément dans le territoire contrôlé par les Russes, non seulement en capturant des
territoires en cours de route, mais aussi en assénant un coup de massue à l’armée russe. Comme le montre clairement l’histoire, il s’agit d’une opération particulièrement difficile à mener à
bien lorsque les forces attaquantes sont engagées dans un combat équilibré, impliquant deux armées de force à peu près égale. Les Ukrainiens n’étaient pas seulement engagés dans un combat
équilibré, ils étaient également mal préparés à exécuter une guerre éclair et se trouvaient face à un adversaire bien placé pour la contrecarrer. En bref, les conditions étaient défavorables
à la contre-offensive ukrainienne dès le départ.
Pas plus tard qu’en avril, des estimations du Pentagone, qui avaient fait l’objet d’une fuite, faisaient état d’un nombre de morts ukrainiens bien inférieur, à savoir 17 500. Le bond supposé
à plus de 70 000 s’explique en partie par la contre-offensive dans le sud.
BBC
News
En réalité, le désastre ukrainien est cinq à six fois plus important, si l’on en croit le colonel américain Douglas MacGregor, qui estime que, depuis le début du conflit, les pertes de l’armée
ukrainienne pourraient s’élever à 400 000 tués.
Le Global Times publie un éloge de la stratégie prudente de la Russie
Non moins significatif est un article publié dans le Global Times,
l’organe anglophone du Parti Communiste Chinois: :
Début juin, les forces ukrainiennes ont lancé une “offensive d’été” contre les forces russes dans l’est et le sud de l’Ukraine. Pendant trois mois, les forces ukrainiennes ont subi de lourdes
pertes, sans grand résultat. Cette campagne, qui devait à l’origine être lancée au printemps, n’a pas permis de reprendre des objectifs stratégiquement importants et a entraîné la perte de
près de 30 % des armes fournies par l’OTAN, de nombreux soldats ayant été capturés ou démoralisés.
Au cours des trois derniers mois, l’Ukraine a occasionnellement mené des raids transfrontaliers en Russie, frappant des cibles militaires profondes dans toute la Russie au moyen de drones,
mais sans parvenir à modifier la situation militaire globale. En revanche, les forces russes ont clairement adopté une position patiemment défensive, avec des frappes aériennes
occasionnelles, s’installant dans une longue guerre d’usure. Elles ont établi trois lignes de défense à plusieurs niveaux sur la rive est du fleuve Dnipro pour frapper et épuiser les forces
terrestres ukrainiennes.
Il est clair que la Russie a reconnu qu’il s’agissait d’une guerre d’usure asymétrique dans laquelle sa force globale dépasse celle de l’Ukraine. L’administration américaine de Joe Biden
avait espéré une guerre par procuration en Ukraine, à la fois pour contrecarrer les contre-mesures stratégiques de la Russie et pour éliminer les aspirations stratégiques d’indépendance de
l’Europe. L’Ukraine est devenue l'”Afghanistan en Europe” et la Russie évite prudemment les pièges qui ont conduit l’Union soviétique dans un bourbier afghan d’une décennie qui a finalement
accéléré sa désintégration. Dans le même temps, la Russie utilise son avantage géographique pour tenter de faire goûter aux États-Unis et à l’OTAN le fruit amer des combats menés en
Afghanistan pendant 20 ans, avant de battre en retraite de manière honteuse.
Bien que la puissance globale de la Russie ne puisse rivaliser avec celle de l’OTAN, elle possède également l’avantage de gagner une guerre d’usure : Un système décisionnel stable et
cohérent, des réserves et une capacité de production d’équipements militaires suffisantes, et des millions de personnes motivées par le nationalisme. La Russie a également une riche
expérience des guerres prolongées et des guerres d’usure et elle est douée pour les contre-attaques défensives.
Bien entendu, la Russie ne cesse de viser des cibles stratégiques, des infrastructures et des chaînes d’approvisionnement logistique en Ukraine afin de saper la résistance armée de ce pays.
Les bombardements prolongés ont créé un climat de lassitude de plus en plus grave à l’égard de la guerre, et le camp occidental montre des signes de lassitude à l’égard de l’Ukraine, qu’il
considère comme un “gouffre sans fond”. La ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock, a admis que les sanctions contre la Russie n’étaient pas assez efficaces.
Les États-Unis, confrontés à une contradiction entre les intérêts immédiats et à long terme, sont pris dans la division de la compétition bipartisane pour la présidence. Les autres membres de
l’OTAN ont également leurs propres calculs. Le 15 août, le chef de cabinet du secrétaire général de l’OTAN, par exemple, a publiquement proposé que “je pense qu’une solution pourrait être que
l’Ukraine cède des territoires et obtienne l’adhésion à l’OTAN en échange”.
Le ton combatif de Zelensky s’est clairement calmé, mais il insiste sur le fait qu’il ne faut pas sacrifier des territoires pour la paix. Compte tenu de la situation actuelle et des lois
générales de la guerre, la “guerre d’Afghanistan en Europe” se poursuivra jusqu’à ce que l’une des parties l’emporte ou que les deux parties ne soient plus en mesure de se battre.
En novembre 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a admis publiquement que 100 000 soldats ukrainiens avaient été tués pendant la guerre. En mai de cette
année, le candidat démocrate à la présidence des États-Unis, Robert Kennedy Jr., a affirmé que “300 000 militaires ukrainiens” étaient morts. L’Ukraine, avec une population de 36 millions
d’habitants et une superficie de 600 000 kilomètres carrés, est devenue le plus grand perdant dès le début de la guerre. Et si la guerre se prolonge, le pays risque de perdre à la fois sa
population et son territoire.
Global
Times,3 septembre 2023
De moins en moins de “volontaires” étrangers pour aider l’Ukraine
Vous ne le sauriez pas en lisant les rapports sensationnels des médias occidentaux et la propagande, mais l’Ukraine est en train de perdre, gravement. Que s’est-il donc passé ? Qu’est-ce qui
a changé depuis la fin de l’année 2022 ?
L’une des explications possibles est le nombre considérable de combattants étrangers qui ont rejoint l’Ukraine l’année dernière et qui ont maintenant disparu. Bien que les données sur les
volontaires soient limitées, de nombreuses sources affirment qu’au moins 20 000 mercenaires (dont beaucoup avaient déjà une expérience du combat) ont rejoint l’Ukraine en 2022. Ensuite, il y
a les agents secrets – Au moins un général britannique a laissé entendre que des unités de la Royal Marine étaient en fait déployées dans le cadre d’opérations à haut risque en Ukraine.
Des sources indiquent également que des équipes d’opérations spéciales américaines sont stationnées à l’ambassade des États-Unis à Kiev depuis le début de la guerre. Bien que les responsables
affirment que les soldats ne vont pas au front et restent près de l’ambassade (ce qui soulève la question de l’utilité de leur présence), la présence d’équipes d’opérations spéciales
occidentales hautement qualifiées a été confirmée. La présence de troupes d’opérations secrètes occidentales hautement entraînées en Ukraine expliquerait en partie l’offensive beaucoup plus
efficace menée en 2022.
Presque tous les combattants étrangers sont enrôlés dans la “Légion internationale de défense de l’Ukraine”, les unités de combattants étrangers relevant officiellement des forces armées
régulières de l’Ukraine et faisant rapport aux commandants ukrainiens. Il s’agit d’une méthode permettant de contourner les règles internationales relatives aux mercenaires, bien que le
Kremlin affirme que les troupes étrangères ne bénéficieront toujours pas de la protection du statut de prisonnier de guerre.
Les lourdes pertes, les risques élevés de tirs amis et l’absence de protection au titre de la Convention de Genève sont probablement à l’origine de la baisse brutale du nombre de mercenaires
étrangers en Ukraine en 2023. Les chiffres officiels sont passés de 20 000 soldats en 2022 à 1 500 cette année, même après que Kiev a offert la citoyenneté honoraire à tous les étrangers
désireux de se battre pour eux. Comme c’est le cas dans la plupart des guerres, une poignée de combattants se charge généralement des tâches les plus lourdes, les autres jouant un rôle de
soutien. Mais l’Ukraine compte-t-elle presque entièrement sur les combattants vétérans d’Europe et des États-Unis pour faire le sale boulot ?
Les pertes récentes, la désorganisation et la diminution du nombre de volontaires à l’étranger indiquent que c’est peut-être le cas.
Zero
Hedge, 2 septembre 2023
Un SU-34 a réussi le lancement d’un missile hypersonique Kinjal
L’armée russe continue à utiliser le champ de bataille ukrainien comme un lieu de tests pour l’utilisation des missiles
hypersoniques Kinjal :
Le 4 septembre, les médias russes ont rapporté, en citant des sources militaires russes, que le chasseur-bombardier multifonctionnel russe Su-34 avait utilisé le missile hypersonique Kinzhal
pour la première fois au cours de l’opération militaire spéciale en Ukraine.
Les principaux vecteurs des missiles Kinjal sont les chasseurs MiG-31. Ils peuvent également équiper les bombardiers Tu-22M3. Il était également prévu d’équiper les porte-missiles
stratégiques Tu-160.
L’armée russe a fait état de plusieurs frappes réussies avec des missiles Kinjal depuis le tout début de l’opération militaire spéciale en Ukraine. Ils ont été utilisés pour la première fois
le 18 mars 2022, lors de la destruction de l’une des principales bases de stockage d’armes nucléaires lourdement équipées dans l’ouest de l’Ukraine, connue sous le nom d'”objet 711″ ou
“Ivano-Frankivsk-16”. En août de la même année, le ministre russe de la défense, Sergei Shoigu, a déclaré que l’armée avait utilisé les missiles Kinjal à trois reprises pour des frappes dans
toute l’Ukraine. Depuis, le ministère de la défense a fait état de deux nouvelles frappes, le 9 mars et le 16 mai. Le Kinjal a notamment détruit les systèmes de défense aérienne américains
Patriot à Kiev.
Le missile est conçu pour détruire des postes de commandement bien protégés, des arsenaux souterrains et même des porte-avions. Le missile possède l’un des meilleurs systèmes de navigation,
développé par des spécialistes russes et assemblé uniquement à partir de composants nationaux.
Toutefois, l’absence de porte-avions MiiG-31 n’a pas permis l’utilisation massive de missiles Kinjal dans les hostilités. Cet appareil est très coûteux à exploiter et à entretenir et il n’y
en a qu’un nombre limité en service dans les forces aérospatiales russes. De leur côté, les Su-34 sont des chasseurs-bombardiers de première ligne produits en série et bien maîtrisés par les
pilotes russes. Les capacités du système de visée et de navigation du Su-34 sont supérieures à celles du MiG-31, puisque le chasseur-bombardier est conçu pour détruire des objectifs
terrestres.
L’installation de missiles Kinjal sur le Su-34 constitue une avancée importante du complexe militaro-industriel russe. Dans le même temps, l’armée russe a déclaré l’augmentation multiple de
la production de missiles Kinjal.
Southfront.org,
4 septembre 2023
Comportement présumé du Prince Andrew en Ukraine : Les “valeurs occidentales”?
Selon plusieurs médias, le Prince
Andrew aurait été vu à Kiev abusant d’enfants :
Le prince faisait apparemment partie de la délégation qui s’est rendue dans ce pays ravagé par la guerre à l’occasion de la visite du ministre britannique des affaires étrangères, James
Cleverley. Le prince fait maintenant l’objet de graves allégations d’abus sur deux enfants dans un club très en vue de Kiev. Ces allégations ont été formulées par James Obasi, une personne
d’origine nigériane chargée d’accueillir la délégation britannique au club de Kiev.
Newsnine,
2 septembre 2023
Je ne souhaite pas reproduire plus de détails de cette sordide accusation. En revanche, il est utile de citer la conclusion de l’article :
Vasily Prozorov, de l’agence de renseignement ukrainienne, a révélé en août que le gang qui agresse sexuellement les enfants en Grande-Bretagne est très actif en Ukraine. Au nom de l’adoption
d’enfants d’Ukraine déchirée par la guerre, ces gangs emmènent des enfants avec eux. Les allégations contre le prince Andrew ont une fois de plus soulevé de grandes questions sur la situation
des enfants en Ukraine.
Newsnine,
2 septembre 2023
Comme me le disait il y a quelque temps un bon connaisseur de la région : Les Occidentaux ne se rendent pas compte de l’image qu’ils projettent en Ukraine. Il y a
bien entendu les soucis de sécurité de Moscou. Mais le monde dirigeant russe ne veut en aucun cas voire prospérer à ses portes un état de choses qui témoigne de l’actuelle anomie occidentale.
Vers l’éclatement de l’OTAN en 2025 ?
Intéressant article, qui révèle la nervosité de l’establishment impérial américain. Philip Payson O’Brien écrit dans The Atlantic
:
L’Europe et les États-Unis sont sur le point de connaître le découplage conscient le plus important des relations internationales depuis des décennies. Depuis 1949, l’OTAN est la seule
constante en matière de sécurité mondiale. Initialement une alliance entre les États-Unis, le Canada et dix pays d’Europe occidentale, l’OTAN a gagné la guerre froide et s’est depuis étendue
à la quasi-totalité de l’Europe. Il s’agit du groupement de sécurité le plus performant de l’histoire mondiale moderne. Elle pourrait également s’effondrer d’ici 2025.
La cause de cet effondrement serait la profonde différence de perspective entre l’aile populiste du Parti républicain – menée par Donald Trump, mais qui constitue désormais clairement la
majorité du GOP – et les préoccupations sécuritaires existentielles d’une grande partie de l’Europe. Le catalyseur immédiat de l’effondrement serait la guerre en Ukraine. Lorsque la faction
dominante au sein de l’un des deux principaux partis politiques américains ne voit pas l’intérêt d’aider un pays attaché à la démocratie à lutter contre les envahisseurs russes, cela suggère
que le centre de l’échiquier politique s’est déplacé d’une manière qui fera des États-Unis un allié moins fiable pour l’Europe. Cette dernière devrait se préparer en conséquence.
Ces dernières semaines ont révélé que le point de vue pro-russe et anti-OTAN de M. Trump n’est pas qu’une brève parenthèse dans la politique républicaine ; la suspicion à l’égard de
l’implication américaine dans le soutien à l’Ukraine fait désormais consensus au sein du cœur populiste du parti. Lors du débat présidentiel du GOP de la semaine dernière, Ron DeSantis et
Vivek Ramaswamy – les deux candidats les plus désireux de séduire la nouvelle base trumpiste du parti – se sont tous deux opposés à l’augmentation de l’aide à l’Ukraine. M. DeSantis l’a fait
en douceur, en promettant de conditionner toute aide supplémentaire à une plus grande assistance européenne et en disant qu’il préférait envoyer des troupes à la frontière entre les
États-Unis et le Mexique. M. Ramaswamy s’est montré plus catégorique : Il a qualifié la situation actuelle de “désastreuse” et a appelé à une cessation complète et immédiate du soutien des
États-Unis à l’Ukraine. Plus tard, M. Ramaswamy est allé encore plus loin en déclarant que l’Ukraine devrait être découpée et que Vladimir Poutine conserverait une grande partie du pays. M.
Trump n’a pas participé au débat, mais il a déjà minimisé l’intérêt de l’Amérique pour une victoire de l’Ukraine et a semblé favoriser les concessions territoriales de l’Ukraine à la Russie.
M. Trump, M. DeSantis et M. Ramaswamy s’adressent tous aux mêmes électeurs qui, selon les sondages, représentent environ les trois quarts de l’électorat républicain.
Un autre indicateur est la Heritage Foundation, un éminent groupe de réflexion conservateur qui joue un rôle prépondérant dans les cercles politiques du GOP depuis les années Reagan. Avant
que la Russie ne lance son invasion à grande échelle, en février 2022, Heritage s’était rangé du côté des faucons du parti républicain, publiant même un appel à l’acceptation de l’Ukraine au
sein de l’OTAN. Plus récemment, les responsables de Heritage ont demandé l’arrêt de l’aide jusqu’à ce que l’administration Biden produise un plan pour mettre fin à la guerre, ce qui est un
objectif impossible à atteindre si la Russie n’est pas d’accord. Les démagogues de droite prennent encore plus ouvertement le parti de Poutine. L’animateur de talk-show Tucker Carlson, par
exemple, dans un discours prononcé en août à Budapest, a soutenu que l’opposition américaine à la Russie était motivée par des préjugés anti-chrétiens.(…)
Même si Joe Biden est réélu, le contrôle républicain de la Chambre des représentants, du Sénat ou des deux pourrait considérablement affaiblir le soutien des États-Unis à l’effort ukrainien.
Et si Trump ou l’un de ses imitateurs remporte la présidence en novembre 2024, l’Europe pourrait se retrouver face à une nouvelle administration américaine qui mettrait fin à tout soutien à
l’Ukraine. (…)
Espérons que ces scénarios ne se concrétiseront pas. L’élection d’un président américain pro-OTAN et pro-Ukraine en 2024 devrait suffire à mener l’Ukraine à une victoire militaire et à un
accord de paix (qui impliquerait l’admission de l’Ukraine dans l’OTAN), conduisant à la sécurité sur le continent. Mais cette possibilité ne dispense pas les dirigeants européens de
l’obligation de se préparer à une réalité alternative dans laquelle une administration américaine saborderait l’OTAN et chercherait à se rapprocher de Poutine, malgré les crimes génocidaires
commis par la Russie contre un État européen. Si les Européens ne commencent pas à se préparer au pire des scénarios, ils ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes.
The
Atlantic, 2 septembre 2023
M.K. Bhadrakumar fait un point sur les relations germano-turques
M.K. Bhadrakumar est toujours passionnant. Mais n’oublions pas qu’il fut ambassadeur en Turquie et conseiller d’ambassade en Russie. Alors laissons-nous guider par
lui dans la complexité sans égale des relations russo-turques
:
Ce qui rend une relation de pouvoir intrigante dans les relations internationales, c’est qu’elle n’est jamais tout à fait statique et que son équilibre délicat exige une attention constante,
des actes d’équilibrage et des ajustements. Les relations turco-russes s’inscrivent parfaitement dans ce paradigme.
L’interruption de dix mois du face-à-face entre le président russe Vladimir Poutine et le président turc Recep Tayyip Erdogan lors de leur rencontre à Sotchi le 4 septembre n’était pas
naturelle, étant donné le torrent d’événements géopolitiques vitaux qui se sont produits entre-temps.
Depuis la dernière rencontre des deux chefs d’État à Astana en octobre dernier, Moscou a pris le dessus sur les champs de bataille en Ukraine ; le soi-disant accord sur les céréales entre la
Russie et l’Ukraine, négocié par Ankara sous les auspices de l’ONU, a fait long feu ; la sécurité de la région de la mer Noire a atteint un nouveau niveau de criticité alors que l’obsession
anglo-américaine pour la Crimée s’est accentuée ; et, surtout, Erdogan a obtenu un nouveau mandat présidentiel, ce qui le met sur la sellette pour inverser la crise financière et économique
de la Turquie.
Fondement des relations entre la Russie et la Turquie
Dans la foulée de sa victoire électorale, M. Erdogan s’est efforcé de se réconcilier avec l’Occident, se montrant prêt à accepter l’adhésion de la Suède à l’OTAN et faisant preuve de
solidarité avec l’Ukraine. Ankara a libéré sans ménagement des commandants d’Azov capturés par la Russie à Marioupol l’année dernière et a annoncé son intention de produire des armes en
commun avec l’Ukraine, ce qui pourrait gravement contrarier Moscou.
Néanmoins, Moscou a réagi avec prudence. Le Kremlin pouvait se permettre de gagner du temps, car il s’agit également d’une relation asymétrique dans laquelle la Russie a le dessus. Moscou
pouvait sentir qu’Erdogan ne “pivotait” pas vraiment vers l’ouest, mais qu’il montrait plutôt un intérêt pour l’amélioration des liens occidentaux qui s’étaient détériorés ces dernières
années – et dont l’issue est loin d’être certaine.
Fondamentalement, les relations de la Russie avec la Turquie sont renforcées par les relations personnelles chaleureuses entre Poutine et Erdogan, et les deux dirigeants sont des réalistes
consommés avec des intérêts partagés et une volonté de défier la domination occidentale dans la politique régionale. Moscou ne sait que trop bien que les espoirs de la Turquie d’adhérer à
l’Union européenne restent un rêve lointain.
Le “langage corporel” de la rencontre de Sotchi a confirmé que la verve des relations personnelles entre les deux dirigeants n’avait pas changé. Des images télévisées ont montré les deux
hommes souriant et se serrant la main à l’arrivée d’Erdogan à la résidence de Poutine, où le président russe a proposé à son invité de prendre des vacances dans la station balnéaire de la mer
Noire.
Un accord d’exportation de céréales qui change la donne
Dans son discours d’ouverture, M. Poutine a mis M. Erdogan à l’aise en l’assurant d’emblée que l’offre russe de création d’un “centre énergétique” mondial en Turquie était bien réelle et
qu’elle se concrétiserait bientôt.
Toutefois, la cerise sur le gâteau est l’accord proposé qui faciliterait les exportations gratuites de céréales de la Russie vers six nations africaines avec l’aide de la Turquie et du Qatar.
En présence d’Erdogan, Poutine a annoncé :
“Nous
sommes sur le point de conclure des accords avec six États africains, où nous avons l’intention de fournir des denrées alimentaires gratuitement et même d’assurer la livraison et la
logistique gratuitement. Les livraisons commenceront dans les deux prochaines semaines.”
La résonance politique et géopolitique de cette décision en Afrique est tout simplement incommensurable – la Russie offre, d’une part, au groupe Wagner le rôle de gardien et, d’autre part, la
sécurité alimentaire au continent. D’un seul coup, la propagande occidentale a été démolie, avec l’aide d’Ankara.
Erdogan, pour sa part, s’est dit convaincu que la Russie allait “bientôt” relancer l’accord sur les céréales de la mer Noire, tout en se faisant l’écho de la position de Poutine selon
laquelle l’Occident avait trahi ses engagements envers la Russie. De même, il a pris ses distances avec les projets occidentaux rivaux d’envoi de céréales à travers la mer Noire, qui sont
désormais voués à l’échec. Comme il l’a déclaré :
“Les
propositions alternatives présentées à l’ordre du jour ne pouvaient pas offrir un modèle durable, sûr et permanent basé sur la coopération entre les parties, comme l’initiative de la mer
Noire“.
Il est important de noter que M. Erdogan s’est montré optimiste et qu’il croit toujours qu’une solution peut être trouvée rapidement pour relancer l’accord sur les céréales, y compris pour
combler les lacunes restantes.
Le président turc était accompagné à Sotchi d’une importante délégation comprenant les ministres turcs de la défense, des affaires étrangères, de l’énergie et des finances, ainsi que le
directeur de la banque centrale, qui a rencontré son homologue séparément pour faire avancer les négociations sur un système de paiement en monnaie locale. Ce qu’Erdogan a publiquement
soutenu en déclarant : “Je
crois que le passage aux monnaies locales est une bonne chose” :.
Respect de la souveraineté de la Turquie par la Russie
En effet, le commerce est la locomotive des relations russo-turques, enregistrant une augmentation massive d’environ 80 % pour atteindre 62 milliards de dollars. Cinq millions de touristes
russes ont visité la Turquie cette année. M. Poutine s’est félicité qu’Erdogan et lui aient porté leurs relations à un “très bon niveau”. Il est intéressant de noter que M. Poutine a souligné
la construction de la centrale nucléaire d’Akkuyu – la première de Turquie, construite par les Russes – qui sera pleinement opérationnelle l’année prochaine, alors qu’il décrivait la Turquie
comme un nouveau membre du “club nucléaire international”.
Il s’agit là de paroles mesurées, sans aucun doute. Le message qui ressort des discussions de Sotchi est que les relations russo-turques ont gagné en maturité. Le sommet a suivi les
entretiens de la semaine dernière entre le ministre turc des affaires étrangères, Hakan Fidan, son homologue russe, Sergueï Lavrov, et le ministre de la défense, Sergueï Shoigu, à Moscou.
Plus tard, en présence de Fidan, Lavrov s’est exprimé longuement et avec une clarté extraordinaire sur les politiques de la Russie à l’égard de la Turquie. L’intérêt réside dans le fait que
la Russie apprécie profondément la politique étrangère indépendante de la Turquie, “qui
est orientée vers ses propres intérêts nationaux” et qui résiste aux pressions occidentales.
M. Lavrov a déclaré que “l’interaction
constructive et équitable” de la Turquie avec la Russie est non seulement mutuellement bénéfique sur le plan économique et avantageuse, mais qu’elle renforce également “la
base souveraine” de la politique étrangère de la Turquie. M. Lavrov a exprimé l’espoir que la Turquie “continuera
à répondre avec réciprocité malgré les pressions exercées par les États-Unis et leurs alliés qui cherchent à dresser tout le monde contre la Fédération de Russie“, concluant :
“L’efficacité
de notre dialogue politique et de nos relations avec la Russie est un élément essentiel de notre politique étrangère” :.
Un partenariat égal et évolutif
De toute évidence, M. Lavrov s’est exprimé de manière réfléchie et déterminée. Il en ressort que, bien que la Turquie, membre de l’OTAN, n’ait pas encore demandé à devenir membre des BRICS
élargis ou de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) – contrairement à l’Iran, à l’Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis ou à l’Égypte -, la Russie accorde néanmoins une
importance cruciale à la Turquie en raison de son autonomie stratégique, qui change la donne en matière de politique régionale et crée de nouvelles tendances.
Ses remarques montrent qu’il est vain d’évaluer les relations de pouvoir en termes de hiérarchie. Pas une seule fois, Lavrov n’a revendiqué d’affinités idéologiques avec la Turquie. Ce qui
importe le plus à la Russie, c’est la solide indépendance de la Turquie vis-à-vis de l’hégémonie américaine sous la direction d’Erdogan. S’agit-il d’un partenariat stratégique ? Le jury n’a
pas encore tranché.
Les relations russo-turques sont fondées sur l’intérêt mutuel et le respect mutuel. Des divergences apparaissent de temps à autre, mais les deux parties veillent à ce qu’elles ne se
transforment pas en différends. C’était au tour de Poutine de se rendre en Turquie, mais c’est Erdogan qui l’a appelé. Il n’y a pas de partenaire junior ou senior dans leur relation d’égal à
égal.
La relation avec la Turquie est devenue un vecteur intéressant de la politique étrangère russe, qui est bien sûr conforme à sa vision de la multipolarité. Elle peut également constituer un
nouveau modèle pour les relations de la Russie avec d’autres puissances régionales tournées vers l’ouest, compte tenu des incertitudes géopolitiques actuelles. Comme l’a récemment déclaré M.
Lavrov, la Russie est prête à coopérer avec tout pays qui chérit son indépendance
The
Cradle, 6 septembre 2023
Voici pourquoi l’OTAN n’est pas en mesure d’aider l’Ukraine à gagner
Plus de 18 mois après le début du
conflit entre la Russie et l’Ukraine, l’aide militaire de l’OTAN à Kiev reste un élément constitutif de la guerre. Ce facteur s’infiltre dans la conscience publique, influence la perception
politique du conflit et la situation sur le champ de bataille, quel que soit le côté des hostilités où l’on se trouve. Tous ces aspects sont importants en soi, et chacun d’entre eux influencera
le cours du conflit et son issue finale. Mais combien de temps l’OTAN pourra-t-elle fournir une assistance militaire à l’Ukraine ?
Des perspectives sombres pour l’Ukraine
L’OTAN a commencé à fournir une assistance à Kiev dès le début du conflit en 2022, et le volume de l’aide a augmenté tout au long de l’année dernière. Cette
assistance a largement influencé l’attitude des Ukrainiens ordinaires à l’égard des hostilités et a renforcé le mythe d’une “victoire” rapide et inévitable de Kiev, certaine de se produire
parce que “le monde entier nous soutient“.
La même attitude a prévalu dans le domaine de la politique publique : l’aide fournie par un pays donné indiquait de quel côté il se trouvait : Les “alliés” de l’Ukraine au sein de l’OTAN (principalement les
États-Unis) fournissent une aide militaire directe, tandis que les pays “neutres” n’offrent qu’une aide financière et organisationnelle,
voire aucune aide.
Sur le champ de bataille, l’aide de l’OTAN est entièrement la source des capacités de combat des forces armées ukrainiennes (FAU). Si cette aide est interrompue,
l’armée ukrainienne perdra sa capacité de combat en quelques semaines, ou dès que les stocks de munitions actuels seront épuisés.
Quelle est la probabilité que l’aide de l’OTAN se poursuive ? Pour répondre à cette question, il faut connaître les stocks d’armes et d’équipements militaires des
membres de l’Union, et il est important de noter que nombre d’entre eux présentent des lacunes à cet égard.
Les États-Unis se distinguent par les ressources dont ils disposent, et leur arsenal est plus important que celui de tous les autres pays de l’OTAN. Cependant, même
si Washington a fourni à Kiev de grandes quantités d’armes et de munitions, il ne fournit encore qu’une part relativement faible de ce qu’il possède. La Grèce et la Turquie sont d’autres pays
disposant d’arsenaux importants. Toutefois, ces stocks existent en raison de tensions séculaires entre les deux pays, ce qui limite leur éventuel transfert à l’Ukraine.
Dans la plupart des autres pays de l’OTAN, les stocks militaires sont relativement limités et sont principalement destinés à l’exportation, en particulier lorsque
l’acheteur est intéressé par du matériel d’occasion qui peut être utilisé en l’état ou modernisé.
Ces facteurs imposent une limite au volume de l’aide allouée à l’Ukraine et expliquent pourquoi l’assistance militaire à Kiev, qui a commencé en 2022 et a atteint
son maximum début 2023, a commencé à diminuer. Cela signifie également que si les États-Unis ne commencent pas à remettre des équipements militaires de réserve ou s’ils ne trouvent pas, avec
d’autres alliés, d’autres fournisseurs, l’aide sera encore réduite.
Pourquoi en est-on arrivé là ?
L’OTAN aurait pu éviter cette situation en augmentant la production d’armes et d’équipements militaires dès 2022 et en déployant des installations de production
supplémentaires. Dans ce cas, certains progrès auraient déjà été visibles dès l’hiver 2023-24.
Cependant, le bloc n’avait pas de vision unifiée concernant la production d’armes supplémentaires, ce qui a sérieusement compliqué le processus de prise de
décision. Aucun homme politique de l’OTAN n’était prêt à garantir aux entreprises de fabrication d’armes une demande régulière et à grande échelle d’armes une fois le conflit en Ukraine terminé.
En outre, même si l’ampleur du conflit est significative, elle est dans certains cas insuffisante pour assurer la demande nécessaire en nouvelles armes. Enfin, il convient de noter qu’un certain
nombre d’hommes politiques et de chefs militaires occidentaux pensaient que l’aide militaire actuelle à l’Ukraine suffirait à atteindre les objectifs de 2023 – manifestement, cela était dû aux
conclusions erronées tirées à la suite des batailles dans les régions de Kharkov et de Kherson au cours de l’été et de l’automne 2022.
Ces conclusions erronées ont eu deux conséquences. D’une part, l’Ukraine n’a pas reçu l’équipement et les armes nécessaires pour percer les lignes de défense bien
préparées de la Russie. En effet, nous pouvons supposer qu’aucune armée au sein de l’OTAN n’est actuellement préparée à cela, et que ce manque de préparation pratique et théorique a peut-être
empêché le bloc d’évaluer de manière réaliste les capacités des troupes russes et de leurs positions défensives.
En conséquence, la contre-offensive ukrainienne a été lancée avec un manque évident d’artillerie, de chars et surtout de matériel de génie, alors que le commandant
suprême des forces alliées de l’OTAN, le général Christopher Cavoli, avait déclaré que les troupes ukrainiennes étaient entièrement équipées.
D’autre part, l’OTAN a pris un certain nombre de décisions et signé des contrats pour équiper les troupes ukrainiennes à long terme. Il s’agit notamment du
transfert de systèmes de défense antimissile et d’autres armes qui, en raison de capacités de production insuffisantes, ne seront pas disponibles avant plusieurs années. Tout comme la décision de
transférer des avions de combat – qui n’a pas encore été finalisée publiquement en termes de volume et de calendrier – ces contrats ont été évalués par de nombreux experts comme étant “pour l’après-guerre“, c’est-à-dire destinés à compenser, après
le conflit, les pertes subies.
Cependant, l’échec de la contre-offensive ukrainienne lancée en juillet rend incertaine la mise en œuvre à grande échelle de ces contrats et de ces intentions.
Leurs perspectives seront encore plus incertaines en cas d’offensive russe réussie au cours de l’automne ou de l’hiver à venir.
Les prochaines élections américaines renforcent les doutes quant à l’assistance de l’OTAN à l’Ukraine au cours de l’année à venir, étant donné que le sujet de
l’aide militaire sera dans le collimateur des Républicains. Il ne faut pas exagérer l’aspect “pro-russe” de cette critique, car certains politiciens
Républicains traitent la Russie au mieux de manière pragmatique – mais rien ne les empêchera de souligner publiquement toutes les erreurs de l’administration Biden, exclusivement dans leur propre
intérêt.
Qu’est-ce que cela signifie ?
L’OTAN sera-t-elle en mesure d’augmenter de manière significative l’aide à l’Ukraine dans un avenir proche ? La production militaire est une industrie inertielle,
et même si la décision d’augmenter considérablement la production d’armes était prise demain, il faudrait jusqu’à deux ans pour obtenir des résultats. Compte tenu de l’image publique défavorable
de la contre-offensive infructueuse de l’Ukraine, cela pourrait prendre encore plus de temps.
Il est intéressant de noter que les équipements militaires de fabrication soviétique, ou les équipements d’Europe de l’Est produits sous licence soviétique, se sont
avérés les plus efficaces pour l’armée ukrainienne. Les chars soviétiques, les véhicules de combat d’infanterie et les autres équipements qui ne nécessitent pas d’entraînement, d’entretien,
d’infrastructure et de munitions spécifiques peuvent être mis en œuvre immédiatement, et leur niveau de préparation au combat est plus élevé que celui des modèles occidentaux qui doivent être
intégrés dans le nouvel environnement.
Si, en 2022, l’OTAN avait eu recours à la coopération militaro-industrielle de l’Europe de l’Est, qui permet la production de chars T-72, de véhicules de combat
d’infanterie BMP-2, d’un certain nombre de systèmes d’artillerie de 122-152 mm et d’autres types d’armes et d’équipements militaires, cette décision aurait pu avoir des conséquences sur le cours
du conflit. Cependant, cela ne s’est jamais produit et, étant donné que l’industrie polonaise de la défense se tourne désormais vers la production sous licence d’équipements conçus par la Corée
du Sud, cela ne se produira probablement pas à l’avenir. Cela signifie que pour l’Ukraine, des questions telles que la fourniture insuffisante d’équipements militaires, les types d’armes très
différents, la pénurie de munitions et les problèmes de gestion des troupes qui en découlent resteront sans réponse. Dans ces conditions, le succès d’une nouvelle contre-offensive est
difficilement envisageable.
D’une manière générale, la balle – ou, en d’autres termes, l’initiative militaro-technique dans le conflit – est maintenant dans le camp de la Russie, et il dépend
de la Russie de savoir comment elle utilisera cette opportunité. Il est fort probable que l’initiative de transférer des avions de combat occidentaux à l’Ukraine sera discrètement abandonnée,
puisque les FAU ne seront plus en mesure de les utiliser. La Russie le sait très bien. En théorie, cette situation devrait renforcer la volonté de négociation des États-Unis, même si la période
électorale à venir compliquera grandement toute discussion potentielle.
Ainsi, à moins d’un événement extraordinaire, l’Occident continuera très probablement à soutenir les forces armées ukrainiennes dans la mesure nécessaire à la
poursuite de la résistance. Cela signifie que l’Ukraine ne disposera pas de suffisamment d’équipements et d’armes pour lancer une nouvelle contre-offensive à grande échelle, à moins que les
États-Unis ne décident de partager leurs arsenaux d’armes. Une telle décision irait toutefois à l’encontre de la pratique américaine de ces dernières années et de sa planification stratégique,
qui considère la Chine comme le principal rival sur lequel concentrer ses ressources financières, militaires et technologiques.
Ilya Kramnik, analyste militaire, expert auprès du Conseil russe des affaires internationales et chercheur à l’Académie des sciences de Russie.
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Questions ouvertes sur la guerre : La mer Noire, une “guerre” invisible
Le fait que l’Occident désespère des
perspectives militaires de l’Ukraine implique-t-il une atténuation prochaine de la guerre ? Ou bien un changement stratégique occidental vers un mode différent de guerre d’usure contre la Russie
?
L’offensive ukrainienne
s’est essoufflée –
même CNN le
dit :
“[Les Ukrainiens] vont encore voir, [si] dans les deux prochaines
semaines, il y a une chance de faire des progrès. Mais je pense qu’il est très, très improbable qu’ils fassent des progrès qui modifieraient l’équilibre de ce conflit” , a déclaré à CNN
un diplomate occidental de haut rang dont le nom n’a pas été dévoilé.
Pourtant, alors qu’un “front de guerre” tire sa révérence, une guerre “hors champ” sur la navigation en mer Noire se
profile à l’horizon.
Cette “nouvelle
guerre” pourrait également s’appeler la “guerre des céréales” , comme suite à la rupture de
l’accord sur les céréales par Moscou le mois dernier. Pour souligner son intention sérieuse de mettre fin à ce qui, pour la Russie, s’était avéré être une affaire
tout à fait insatisfaisante (dans un contexte de renoncement général à ses conditions), Moscou a agi pour neutraliser les installations portuaires d’un certain nombre de ports de la mer
Noire desservant l’Ukraine, qui, selon elle, avaient été utilisées pour stocker des armes (ainsi que pour exporter des céréales).
Le 19 juillet, Moscou a averti que
tous les navires approchant l’Ukraine à partir du lendemain seraient considérés comme des transporteurs potentiels de cargaisons militaires et traités en conséquence. Les coûts de couverture
d’assurance ont naturellement grimpé en flèche.
Quelques jours plus tard, le 24 juillet, l’infrastructure céréalière du port ukrainien de Reni était détruite. Il s’agissait d’un “message” adressé à l’Occident pour lui signifier la
détermination de la Russie à mettre fin à l’accord sur les céréales.
La Russie a affirmé que le 31 juillet, l’Ukraine avait attaqué sans succès un navire civil russe et deux navires de guerre (à l’aide de trois drones maritimes) en
mer Noire. L’Ukraine a nié l’attaque et a déclaré qu’elle n’attaquerait jamais un navire civil. Cependant, un mois plus tard, l’Ukraine a admis avoir attaqué un pétrolier civil dans le port de
Novorossiysk le 4 août.
L’OTAN a alors fait monter les enchères : le 1er août,
trois cargos civils sont entrés dans le port ukrainien d’Izmail. Ce port – comme Reni – se trouve sur le Danube, à proximité de la Roumanie (de l’OTAN). Il s’agissait d’une “raillerie” de l’OTAN – la mer Noire n’est pas un “lac russe” , laissait-on entendre. Et les navires
étaient amarrés à moins de 500 mètres du “territoire” de l’OTAN. L’un des navires appartenait
à une société israélienne, un autre à une société grecque et le troisième à une société turco-géorgienne, mais ils étaient tous immatriculés au nom d’États tels que le Liberia.
Le 2 août, la Russie a détruit les silos à grains d’Izmail à l’aide de drones de précision.
L’Ukraine cherche désespérément à maintenir l’accord sur les céréales. Ça représente “beaucoup d’argent” pour l’agro-industrie ukrainienne
qui contrôle ces exportations. Et cela représente “beaucoup d’argent” pour l’intermédiaire qu’est la Turquie,
qui transforme les céréales en farine avant de la revendre (principalement à l’Europe, avec une forte majoration).
Le “premier
round” de ce tournoi était donc “celui de
Moscou” . Mais l’OTAN a ensuite “fait monter
les enchères” une deuxième fois, avec deux attaques de drones maritimes “ukrainiens” : l’une sur un petit pétrolier civil vide et
l’autre sur un navire de débarquement à l’ancre dans le port de Novorossiysk. Aucun des deux navires n’a coulé, mais tous deux ont été sérieusement endommagés.
L’attaque de Novorossiysk n’est cependant pas du “menu fretin” . Ce port maritime, situé au-delà de la
péninsule de Crimée, est l’un des plus importants de Russie du point de vue du trafic, et l’un des plus grands d’Europe ; il est essentiel pour l’exportation des céréales, du pétrole et d’autres
produits russes vers le monde entier. C’est une plaque tournante du commerce international pour la Russie depuis le 19e siècle.
Il s’agit donc clairement d’un défi sérieux et d’une provocation à l’égard de Moscou. Oleg Ostenko, du bureau de Zelensky, a poursuivi en déclarant
que tous les ports russes de la mer Noire
étaient désormais des cibles militaires valables pour une attaque ukrainienne.
Les questions en suspens à la suite de cet événement sont les suivantes : dans quelle mesure ces attaques ont-elles été facilitées et dirigées par l’OTAN ? Et dans
quel but ? Il est évident qu’il s’agissait d’initiatives de l’OTAN – l’un des indices est que le pétrolier visé figurait sur la liste des sanctions américaines pour avoir fourni du carburant à la
Syrie. On reconnait bien là la “touche” de
la CIA.
Les drones maritimes et sous-marins à longue portée sont une spécialité du Royaume-Uni (Special Boat Squadron) et des États-Unis (Seals). Il ne s’agit pas d’armes
ordinaires. Il s’agit d’un équipement spécialisé dans lequel seuls quelques États possèdent une expertise. La Grande-Bretagne ou les États-Unis ont-ils fourni les drones à Kiev ? Comment ont-ils
été utilisés ?
Les coordonnées de ciblage – dans une certaine mesure – peuvent être préétablies, mais les vidéos publiées par Kiev sur l’approche de l’attaque finale semblent
montrer des corrections de trajectoire de dernière minute. Sous l’eau, les transmissions radio ne parcourent qu’une courte distance. Les dernières corrections de trajectoire ont-elles été
fournies par une équipe proche du port, ou d’en haut, par un opérateur assis dans un avion de l’OTAN quelque part dans le ciel ? D’où ces drones ont-ils été lancés ? D’un “port ami” sur le Danube ? Une grande partie des
armes destinées à l’Ukraine arrivent par le Danube. Ou bien y avait-il un vaisseau-mère dans les environs ?
S’il s’agit effectivement d’une opération essentiellement menée par l’OTAN, que pourrait faire la Russie à ce sujet ?
Ces questions restent “ouvertes” et Moscou n’a fourni aucune réponse (à ce jour).
Il ne fait aucun doute qu’ils enquêtent et se demandent si ces attaques représentent une escalade occidentale délibérée que l’OTAN a l’intention de soutenir avec du matériel et des services de
renseignement, ou si ces attaques n’étaient que des incitations grossières pour que Moscou reprenne l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes ?
(Des rapports suggèrent que JP Morgan a été en pourparlers avec la Banque agricole russe au sujet de la possibilité que la Banque russe utilise JP Morgan pour
effectuer des transactions en dollars américains dans le cadre d’un accord sur les céréales ressuscité).
La question d’une éventuelle “guerre de la mer Noire” pourrait toutefois se
confondre et coïncider avec la question plus large des “prochaines étapes” militaires de la Russie en Ukraine,
alors que les forces ukrainiennes montrent de plus en plus clairement les signes d’un épuisement chronique.
Certains signaux dans les médias dominants américains indiquent que la politique des États-Unis est en train de changer (mais qu’elle n’est pas encore
définitivement arrêtée). Une chose, cependant, est claire : les États-Unis rejettent la responsabilité de
l’échec de l’offensive sur l’Ukraine – et maintenant, pour la première fois, Kiev répond
aux sarcasmes en ridiculisant l’incapacité de l’Occident à fournir ce qu’il a promis. Il est clair que les relations se dégradent.
Cependant, parallèlement au désaveu et à la prise de distance de l’Occident vis-à-vis des tactiques militaires déployées par l’Ukraine pour attaquer
les “lignes de Surovikin” , les puissances
de l’OTAN semblent elles aussi renoncer à entamer des négociations (en dépit des pressions exercées par le lobby des médias dominants). Peut-être les décideurs politiques occidentaux
considèrent-ils désormais qu’une issue “négociée” pourrait être humiliante pour
Biden.
En clair : ce désespoir occidental concernant les perspectives militaires de l’Ukraine implique-t-il une atténuation prochaine de la guerre ou, au contraire, un
changement stratégique occidental vers un mode différent de guerre d’usure contre la Russie ?