De toutes les citations de Charles de Gaulle, celle que je préfère sont les quatre phrases qui ouvrent son discours du Caire le 18 juin 1941 pour le premier
anniversaire de son appel. Il y écrivait l’Histoire de façon irréfutable. En décrivant l’effondrement de 1940 et le coup d’État réalisé par Pétain et Laval pour capituler et assassiner la
République.
« Le 17 juin 1940 disparaissait à Bordeaux le dernier gouvernement régulier de la France. L’équipe mixte du défaitisme et de la trahison s’emparait du
pouvoir dans un pronunciamento de panique. Une clique de politiciens tarés, d’affairistes sans honneur, de fonctionnaires arrivistes et de mauvais généraux se ruait à l’usurpation en même
temps qu’à la servitude. Un vieillard de 84 ans, triste enveloppe d’une gloire passée, était hissé sur le pavois de la défaite pour endosser la capitulation et tromper le peuple
stupéfait. »
Dans la composition de l’équipe mixte du défaitisme et de la trahison, chacun en prenait pour son grade. Il ne manquait personne, et malheureusement, leurs
héritiers sont encore aujourd’hui au pouvoir. Des politiciens tarés, il n’en manque pas au premier rang d’entre eux, l’actuel Président de la République, les affairistes sans honneur sont
là avec nos oligarques, et quant aux fonctionnaires arrivistes Alexis Kohler et Jean-Pierre Jouyet constituent les emblèmes de la cohorte.
Quid des mauvais généraux ? La guerre en Ukraine nous a offert dans les médias un impressionnant spectacle de nullité professionnelle et morale. Absolument
pas gêné de raconter n’importe quoi, les militants de la cause des États-Unis côtoyant les incompétents, et à l’aide parfois d’un véritable racisme anti russe, les galonnés nous ont servi
tous les narratifs ineptes sur la « débandade » russe.
C’est aujourd’hui le général Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue de la Défense nationale, qui nous en donne un bel exemple. Il a commis dans Atlantico, une interview à la
gloire de la doctrine militaire allemande et américaine mise en œuvre avec les succès que l’on connaît. Pour lui, les « formidables exploits » des ukrainiens seraient dus à l’adoption de
cette doctrine. Les Russes étant eux de gros abrutis qui ne gagnent que par la loi du nombre.
Une fois de plus, nous avons demandé à Sylvain Ferreira notre historien militaire préféré de s’y coller. Il reprend méthodiquement les éléments théoriques
indispensables qui permettent de comprendre ce qui se passe. Et de voir que certains de nos cadres militaires ont une bonne demi-douzaine de guerre de retard. Régis de Castelnau
***
Les errements
doctrinaux des experts militaires occidentaux
par Sylvain Ferreira.
Après plus de cent jours de guerre en
Ukraine, certains experts militaires occidentaux sombrent de plus en plus intellectuellement pour tenter de minimiser l’ampleur de la victoire russe qui se dessine lentement mais
sûrement. Après avoir annoncé tour à tour l’effondrement de la logistique russe (munitions, missiles, transports, nourriture) puis celui du moral des combattants, voilà qu’ils reviennent
à la charge. Cette fois, leurs attaques se placent sur le plan doctrinal avec, notamment, l’interview du général Pellistrandi publiée par Atlantico interview dans laquelle il tente de
discréter l’armée russe et sa doctrine.
La fascination pour l’héritage
militaire germano-prussien
Depuis la fin de la guerre franco-prussienne en 1871 et jusqu’à la fin des années 70, les états-majors occidentaux ont éprouvé une fascination, souvent
malsaine, à l’égard de la doctrine militaire prussienne et de ses évolutions jusqu’en 1945. Ce phénomène prend racine lors de l’examen des causes de la défaite française jusqu’au tournant
du XXe siècle. Les historiens comme les militaires de l’époque mettent en avant le rôle du grand état-major prussien, première structure professionnelle permanente de ce type dans
l’histoire, dans la planification et l’exécution des opérations contre l’armée française impériale, puis républicaine. Pour certains esprits simplistes et réducteurs, sa supériorité
intellectuelle, amplifié par la présence du général Moltke « l’ancien » à sa tête, est la cause principale de la victoire de la coalition emmenée par la Prusse. Surtout, les généraux
allemands se sont appuyés sur un concept original de l’exercice commandement : l’Auftragstaktik. Ce concept préconise de fixer une mission à une unité mais de laisser au chef de cette
unité le soin d’adapter les moyens de la remplir sans que le niveau de commandement supérieur n’interfère dans ce processus. La souplesse et la décentralisation de la chaîne de
commandement sont les clefs de cette doctrine. Si à l’échelle tactique, cette approche est redoutable entre les mains d’un corps d’officiers professionnels secondés par des sous-officiers
aguerris, au niveau stratégique, elle peut provoquer des catastrophes. La fascination pour ce modèle va toutefois perdurer jusqu’en 1914, en gommant ou en minimisant les lacunes réelles
et sérieuses des armées allemandes au cours de la guerre de 1870, à commencer par la surprise stratégique créée par la IIIe République lorsqu’elle décide, au lendemain de la défaite de
Sedan, de poursuivre la guerre à outrance.
Dès le début de la Grande Guerre, le sentiment de supériorité de l’armée impériale allemande, tant en son sein que vu par ses adversaires, joue encore un
rôle déterminant dans l’appréciation des opérations sur la Marne et l’ampleur de la victoire française, jugée miraculeuse par les vainqueurs, alors qu’elle relève pourtant d’un réel
ascendant (momentané) de l’état-major dirigé par Joffre sur celui dirigé par Moltke « le jeune »1.
Malgré cette victoire indéniable, les conceptions doctrinales allemandes continuent de fasciner jusqu’à la fin du conflit et ce malgré l’émergence à la fois d’une vraie doctrine tactique
efficace et généralisée au sein des armées françaises mais aussi des prémices de l’art opératif dans l’armée tsariste lors de l’offensive Broussilov en juin – juillet 19162.
Pire, malgré l’échec manifeste de l’armée allemande lors de ses offensives de 1918 et son incapacité à se doter d’une arme blindée à l’instar de la France et de la Grande-Bretagne, la
cote de la doctrine allemande, désormais essentiellement attribuée de l’émergence du couple Stosstruppen – troupes d’assaut – et barrage d’artillerie intense mais courts, continue de
fasciner, à tort, les états-majors occidentaux3.
Si la période de l’entre-deux-guerre marque une pause dans ce phénomène, le choc de mai – juin 1940 et l’invention du mythe de la guerre éclair4 –
Blitzkrieg – relance le processus de fascination à un point encore jamais atteint. Les victoires remportées ensuite par les Allemands contre l’Armée rouge de 1941 à 1943 et l’ampleur du
territoire soviétique tombé sous la coupe terrifiante de la Wehrmacht accentue encore la fascination des Occidentaux qui partagent souvent le même anti-communisme que leurs homologues
allemands. Mais à aucun moment ceux-ci ne perçoivent que les généraux allemands s’appuient toujours sur une maîtrise magistrale de la tactique, articulée cette fois autour du triptyque
chars – avions – transmissions, mais sur des conceptions pour le moins hasardeuses sur le plan stratégique et qu’ils ignorent tout bonnement l’art opératif. Ce dernier étant pourtant, le
pilier doctrinal de la victoire de l’Armée rouge sur cette même Wehrmacht à partir de l’opération Uranus en novembre 1942 (encerclement de la sixième armée à Stalingrad) jusqu’à la prise
de Berlin en 19455.
Avec la destruction de la Wehrmacht et la défaite sans appel de l’Allemagne, on aurait pu croire que la fascination des Occidentaux allait enfin
disparaître. Mais, contrairement à l’adage qui veut que ce soit les vainqueurs qui écrivent l’histoire, la guerre Froide va rompre avec cette tradition et permettre à la doctrine
allemande de survivre à la ruine de l’Allemagne. En effet, face à la menace soviétique, les Anglo-américains vont donner une chance inespérée aux généraux de la Wehrmacht tombés entre
leurs mains d’écrire leurs mémoires de la guerre sur le front de l’Est pour comprendre comment vaincre l’armée soviétique en cas d’invasion de l’Europe occidentale. Trop heureux de
pouvoir s’exprimer, et surtout de se dédouaner de leurs erreurs et de leur collusion avec le nazisme, les Guderian, Manstein et autres Gehlen vont se jeter sur l’occasion pour clamer
qu’ils ont été victimes du seul nombre – le rouleau compresseur russe – et des erreurs stratégiques commises par le seul Adolf Hitler. La doctrine développée par la Wehrmacht sort indemne
de ce retournement inattendu de l’histoire ! Ainsi, dès les années 50, les différentes armées de l’OTAN – l’US Army en tête – adoptent-elles une doctrine basée essentiellement sur les
conclusions des vaincus. L’accent est donc mis sur la maîtrise tactique et sur des équipements de pointe pour la mettre en œuvre.
Une parenthèse de 20
ans
À la fin des années 70 à la suite du traumatisme de la défaite américaine au Vietnam, un officier américain, le colonel David M. Glantz, commence à étudier
en détail l’Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale et met peu à peu en lumière la faiblesse de l’approche allemande par rapport à l’art opératif soviétique. Avec la fin de la
guerre Froide, ses conclusions commencent à se répandre peu à peu au sein des armées occidentales qui réalisent, bon an mal an que les généraux de la Wehrmacht les ont abusés et que, si
la maîtrise tactique des Allemands restent indéniable, leur focalisation sur ce seul aspect de la direction des opérations est la principale cause de leur retentissante défaite face à
l’Armée rouge. Toutefois, étant donné la réduction des effectifs des armées occidentales et la disparition momentanée des risques de conflits de haute intensité entre armées de niveau
comparable, la tactique va de nouveau s’imposer sous l’impulsion américaine comme l’alpha et l’omega de la pensée militaire en s’appuyant, avec quelques améliorations liées notamment à la
numérisation du champ de bataille, sur les fondamentaux hérités de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, pour entériner cette américanisation doctrinale, le terme d’Auftragstaktik est
remplacé par celui de Mission Command qui recouvre peu ou prou la même réalité6.
Mais depuis le début du siècle, sur le terrain, l’efficacité de cette approche n’a été vérifiée qu’au cours de conflits asymétriques : en Afghanistan, en Irak ou encore au Mali. Elle n’a
jamais pu faire ses preuves dans un conflit de haute intensité entre deux armées conventionnelles. Il est donc très présompteux de l’ériger comme référence de supériorité sur le plan
doctrinal.
Le basculement
Jusqu’en 2014, personne ne remet pas en cause la supériorité et la singularité de l’art opératif soviétique en Occident, mais le coup d’état du Maïdan en
Ukraine va marquer le début d’un revirement progressif à ce sujet de la part de certains historiens et de nombreux officiers occidentaux, trop heureux de pouvoir revenir à leur antienne
anti-russe des années 80. Le 24 février dernier, l’offensive russe en Ukraine a brisé chez certains les dernières limites de la retenue et de la décence sur ce point. Ainsi, Pellistrandi
a-t-il cru pouvoir resservir à un public non initié, les mêmes conclusions que Guderian et Manstein pour justifier les échecs TACTIQUES russes en Ukraine, en déclarant que la « seule
supériorité (NDA : des russes) est dans la masse, dans la quantité et non dans l’habilité tactique ». Pellistrandi oublie qu’aucune habilité tactique n’a jamais permis à un état moderne
de gagner une guerre et pour cause. À l’instar des Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, les Ukrainiens forts de cette approche de commandement décentralisé et souple enseignée
par les instructeurs otanesques depuis 2014, ont su effectivement porter des coups spectaculaires aux Russes mais, comme 1944-45, aucun de ses succès n’a permis de peser sur le
déroulement opérationnel de l’offensive russe. Aucune marge de manoeuvre, autre que tactique, n’a été obtenue suite à un seul de ces succès, preuve que cette supériorité n’a qu’un impact
limité à moyen terme et aucun à long terme. Comme à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Russes conservent seuls l’initiative opérationnelle et donc stratégique. Leur repli en ordre
et sans quasiment aucune perte des secteurs de Kiev, de Tchernihiv et Soumy fin mars début avril en est une preuve magistrale. La souplesse opérative russe prouve, une fois encore, sa
supériorité sur l’ascendant tactique immédiat qui fascine tant les Occidentaux.
Par ailleurs, dans le cas de la guerre en Ukraine, sur le plan tactique, Pellistrandi, et d’autres, oublient vite que les Russes et leurs alliés sont à
l’offensive dans un rapport numérique défavorable. Qu’ils opèrent avec une retenue considérable soulignée par tous les observateurs américains comme Scott Ritter ou le colonel (R.)
MacGregor en limitant les destructions d’infrastructures. Cela représente un obstacle supplémentaire à la mise en œuvre de tactiques décentralisées sur le modèle occidental car l’emploi
des missions d’appui-feu ne peut pas se faire systématiquement sans l’accord hiérarchique. Nous pourrons par exemple bientôt comparer l’approche russe à Marioupol par rapport à celle des
Occidentaux lors de la bataille de Mossoul (octobre 2016 – juillet 2017) pour en prendre pleinement la mesure. On réalisera probablement que la prise du port de la mer d’Azov a été
obtenue après moins de trois mois de combats et que les Russes et leurs alliés y sont parvenus avec un ratio de 1:2 en termes d’effectifs, ce qui est tout simplement unique dans
l’histoire de la guerre urbaine moderne. Le niveau de destructions des infrastructures semble d’emblée bien moins important que celui constaté à Mossoul à l’été 2017. De plus, la
supériorité tactique ukrainienne, tant vantée par Pellistrandi et ses semblables, montre toutes ses limites depuis que les Russes opèrent dans des secteurs où une grande partie des civils
a fui. La supériorité de l’artillerie, arme au rôle central dans l’armée russe depuis le XVIIIe siècle, peut alors se manifester pleinement pour porter des coups dévastateurs aux
groupements tactiques ukrainiens. Enfin, Pellistrandi ne dit pas un mot de ce que les experts américains n’hésitent plus à souligner au sujet de la corruption de l’armée
ukrainienne7 qui
entrave son efficacité opérationnelle à tous les niveaux. Des équipements occidentaux dont des Javelin sont, par exemple, revendus par certains officiers sur le darknet au lieu d’être
acheminés sur la ligne de front. De même, plusieurs unités se plaignent d’avoir été purement et simplement abandonnées par leur hiérarchie. En termes de supériorité tactique, on a vu
mieux.
Comme la Wehrmacht en 1945, l’armée ukrainienne a pu faire illusion dans certains cercles pendant quelques semaines au prix du sacrifice courageux et
indéniable de ses meilleurs fils, mais il est criminel pour le peuple ukrainien de croire que cela suffira pour prendre l’ascendant sur l’armée russe qui, malgré ses difficultés
tactiques, a toujours une longueur d’avance sur les Occidentaux grâce à l’art opératif.
Shamir, Eitan, « Transforming Command, the pursuit of mission command in the US, British and Israeli Armies », Stanford Security Studies, Stanford, 2011
À l’été 40, après l’effondrement français de mai-juin, l’historien Marc Bloch rédigea un ouvrage saisissant intitulé : « L’étrange
défaite ». Dans ce qui se voulait la déposition d’un vaincu devant le tribunal de l’Histoire, il analysait les ressorts de la défaite militaire et de l’effondrement brutal
de l’État et des institutions de la IIIe République à la suite de l’offensive allemande. Si la société française tout entière en prenait pour son grade, les cibles principales étaient
l’État et l’armée. Il pointait en particulier « l’absurdité de notre propagande officielle, son irritant et grossier optimisme, sa timidité et l’impuissance du gouvernement à définir
honnêtement ses buts de guerre ». Et l’art inimitable de la défausse qui caractérisait la caste : « Nous venons de subir une incroyable défaite. À qui la faute ? Au régime
parlementaire, à la troupe, aux Anglais, à la cinquième colonne, répondent nos généraux. À tout le monde, en somme, sauf à eux. »
La guerre en Ukraine agit comme une démonstration de la permanence de ces tares au sein des élites de notre pays.
Le déclenchement de la
guerre
Si c’est bien la Russie de Vladimir Poutine qui a lancé son offensive, la responsabilité de notre pays dans le déclenchement de la guerre est très lourde.
Malgré les gesticulations de Emmanuel Macron, la France a été incapable d’accomplir son devoir, et ce en commettant un parjure. Oui parce qu’après le coup d’État téléguidé par l’OTAN en
2014 à Kiev, et le début d’une guerre civile marquée par des violences considérables à l’encontre de la population russophone du Donbass, nous avons été un acteur diplomatique pour tenter
de trouver une solution. D’abord avec François Hollande puis Emmanuel Macron, notre pays a été un des acteurs de l’adoption « des accords de Minsk ». Signés par le gouvernement ukrainien,
la Russie mais aussi la France et l’Allemagne, nous en étions les garants. Violant notre parole nos dirigeants n’ont strictement rien fait pour imposer leur application par l’Ukraine. Qui
par son refus violait lourdement ses obligations internationales. Rappelons que Volodimir zelensky avait été élu sur la promesse de les mettre en œuvre. Avant de revenir sur ses
engagements sous la pression des forces néonazies implantées dans l’appareil d’État. Prétendre que leur application et leur respect n’auraient rien changé est une blague. Cette
défaillance nous retirait toute légitimité diplomatique pour être ne serait-ce qu’écoutés par la partie russe. Surtout que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, évident casus-belli
géostratégique, était soutenue par la sombre nullité qui nous servait de ministre des Affaires étrangères, au nom de la souveraineté de Kiev ! Comme l’indique la citation attribuée à
Montesquieu :
« Les responsables des guerres sont moins ceux qui les ont déclenchés que ceux qui les ont rendues inévitables ».
Absurdité de la
propagande
Marc Bloch dénonçait l’absurdité de la propagande officielle du gouvernement de 40 et son irritant et grossier optimisme.
Que dire de celle de Emmanuel Macron ? Peut-être histoire de donner des gages de loyauté au maître de l’Occident, il affirmait le 24 mars au sommet de
l’OTAN : « L’économie
russe est en cessation de paiement, (…) son isolement est croissant ». On sait ce qu’il en est de ces affirmations. Tout d’abord l’économie russe ne se porte pas si mal,
et elle profite plutôt du régime des sanctions comme le démontre ses comptes. Donc pour l’instant la cessation de paiement, ce n’est même pas en rêve. Quant à l’isolement c’est également
prendre ses désirs pour des réalités. Les pays qui n’ont pas condamné la Russie pour l’invasion de l’Ukraine représentent 82% de la population mondiale… Un peu de sérieux ne serait pas de
trop.
Que dire de celle de Bruno Lemaire ne voyant aucun inconvénient à
passer pour un imbécile en annonçant triomphalement : « Les sanctions sont d’une efficacité redoutable. Nous allons livrer une guerre
économique et financière totale à la Russie. Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe. » ? Cela n’a pas gêné Emmanuel Macron qui, après sa réélection, a
prestement reconduit un ministre de l’économie aussi clairement ridicule.
Que dire de celle de la presse système avec son incroyable défaillance, quand 90% des journalistes oubliant leur déontologie professionnelle et la charte de
Munich, se transforment en militants acharnés du récit médiatique d’une défaite militaire russe ? Récit concocté par les officines opaques entourant Zelensky, le bateleur de Kiev, et
n’ayant rien à voir avec ce qui se passe réellement sur le terrain. Le mensonge éhonté mis au service d’une guerre de la communication, pour l’utilisation duquel Zelensky quant à lui, a
l’excuse de le faire pour ce qu’il pense être les intérêts de son pays. BHL, menteur professionnel, a celle de l’avoir toujours fait. On retiendra en particulier, l’exemple de la volonté
furieuse de minimiser la présence et l’influences néonazies en Ukraine, et ce contre des évidences admises en Occident il y a encore quelques mois. Disparus les emblèmes nazis, les
retraites aux flambeaux, les grands portraits de génocidaires dans les rues, les rapports des organisations internationales de défense des droits de l’homme, les rapports parlementaires
français et américains, les vidéos des exactions etc. etc. Non le danger fasciste, il était en France avec la présence de Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection
présidentielle.
Que dire de celle des experts de plateaux télévisés, de la presse et des réseaux aux compétences parfois limitées et dépourvus de la moindre parcelle de
bonne foi ? Ils se partagent en deux catégories qui peuvent d’ailleurs fusionner dans certains cas : ceux à qui leur nullité permet de raconter n’importe quoi, sans avoir mauvaise
conscience. Ceux qui savent très bien que leurs fariboles ne tiennent pas debout, mais se considèrent en mission. Soit pour des motifs de carrière, soit au service d’intérêts étrangers.
On citera le général d’aviation Clermont éructant son
racisme anti-russe pour proférer des énormités. Le général Yakovlev dont la carrière au sein de l’OTAN fournit peut-être une explication. Jusqu’au chef d’état-major de l’armée Française oublieux de son statut, et affichant des camaraderies politiques incongrues sur les réseaux sociaux. On pense
aussi au colonel en retraite Michel Goya qu’on avait connu mieux inspiré. Tout content d’avoir
été adoubé par la presse atlantiste, il a renié ses analyses sur l’armée russe en Syrie au profit d’une reprise quasi littérale de la production des pires sites néoconservateurs
américains.
Le début de la fin de la
mondialisation occidentale
Nous avons dit dans ces colonnes que l’invasion russe du 24 février dernier marquait le
début d’un affrontement géostratégique qui dépasse le théâtre ukrainien. Et qui enclenche peut-être le processus de la fin
de la globalisation comme forme contemporaine de la domination de l’Occident. Par incapacité à résister aux pressions américaines, par pusillanimité face à l’Allemagne force
dominante économique et bientôt militaire de l’UE, nous sommes du mauvais côté de la barricade. Nous avons accepté le coup d’État de Ursula von der Leyen présidente de la
Commission européenne s’arrogeant des pouvoirs dont elle ne devrait pas légalement disposer. Nous avons souscrit avec zèle à toutes les sanctions suicidaires mise en place par l’Europe
contre la Russie et dont il ne fallait pas être grand clerc pour savoir qu’elles allaient avoir un effet boomerang terrible. Ou au moins écouter un Charles Gave rigolard décrivant dès
l’annonce des premières sanctions, ce qui allait nous arriver. Concernant l’aspect militaire, le narratif d’une défaite de Moscou sur le terrain est en train de s’effondrer. Il est
d’ailleurs intéressant de constater que la presse occidentale, à la remorque du New York Times et du Washington Post, multiplie les virages sur l’aile sur ce point. Mais chez nous le
récit désormais inepte de la débandade russe, fait encore de la résistance.
Histoire d’enfoncer le clou, on invitera à la lecture attentive d’un
article publié sur le site du journal britannique « The Guardian » le 2 juin dernier, signé par Larry Elliott, rédacteur en chef économie du quotidien et intitulé : « La
Russie est en train de gagner la guerre économique – et Poutine n’est pas près de retirer ses troupes ». Ah bon ? Emmanuel Macron, Bruno Lemaire et BFM se seraient donc trompé ?
Ou nous auraient menti ?
Le diagnostic de Larry Elliott est sans appel quoique formulé à l’aide de l’art très britannique de l’euphémisme : « La défaite complète de Poutine
sur le champ de bataille est une façon dont la guerre pourrait se terminer, bien qu’en l’état actuel des choses, cela ne semble pas si probable… Le potentiel de graves dommages
collatéraux de la guerre économique est évident : baisse du niveau de vie dans les pays développés ; la famine, les émeutes de la faim et une crise de la dette dans les pays en
développement. » Bigre, si l’on comprend bien, la
défaite militaire de la Russie est improbable, et en attendant l’Europe est singulièrement dans la mélasse, terme choisi pour rester poli.
Avec « l’étrange défaite », « l’équipe
mixte » est de retour
Marc Bloch avait témoigné de l’insuffisance de ces élites qui sombrèrent en mai, juin et juillet 1940. Il avait considéré la défaite et la débâcle
françaises comme de la responsabilité du gouvernement et du commandement influencés par les élites militaires, économiques et sociales.
Les dirigeants français d’aujourd’hui, mandataires du bloc élitaire, sont-ils à la hauteur du défi lancé à notre pays par cet événement méta historique ? La
réponse est évidemment négative. Sinon, nous n’en serions pas là. Emmanuel Macron qui a tous les culots vient d’annoncer la création d’un Conseil National de la
Refondation, par référence au Conseil National de la Résistance (CNR) dont le programme a permis l’instauration de l’État-providence à la française. Pour
poursuivre sa destruction le président de la République, qu’on imagine jubilant du bon tour, n’hésite pas à en confier la mission à un organisme de même acronyme. Il se justifie en disant
: « nous vivons un temps comparable. Nous sommes dans une ère historique qui impose de changer profondément de modèles, et puis la guerre est là en Ukraine ». Le problème Monsieur le
président, c’est que cette guerre, nous sommes en train de la perdre et qu’avec vos amis vous serez responsable de la défaite.
Nous proposerons pour conclure, de solliciter un autre témoin majeur de l’effondrement de 40 en la personne de Charles de Gaulle. Qui prononça le 18 juin
1941 au Caire, un discours pour le premier anniversaire de son appel. Dans le début duquel, il écrivait l‘Histoire en quatre phrases fulgurantes :
« Le 17 juin 1940 disparaissait à Bordeaux le dernier gouvernement régulier de la France. L’équipe mixte du défaitisme
et de la trahison s’emparait du pouvoir dans un pronunciamento de panique. Une clique de politiciens tarés, d’affairistes sans honneur, de fonctionnaires arrivistes et de mauvais généraux
se ruait à l’usurpation en même temps qu’à la servitude. Un vieillard de 84 ans, triste enveloppe d’une gloire passée, était hissé sur le pavois de la défaite pour endosser la
capitulation et tromper le peuple stupéfait. »
Malheureusement, politiciens tarés, affairistes sans honneur, fonctionnaires arrivistes et mauvais généraux, ils sont tous là. L’équipe mixte est de
retour. Elle est au pouvoir et il faut rappeler que la confiance lui a été largement renouvelée le 24 avril dernier.
Par Pepe Escobar – Le 24 mai 2022 – Source thesaker.is
À Davos et au-delà, le
récit optimiste de l’OTAN joue comme un disque rayé, tandis que sur le terrain, la Russie empile des victoires qui pourraient couler l’ordre atlantique.
Trois mois après le début
de l’opération Z de la Russie en Ukraine, la bataille de l’Ouest (12 %) contre le reste du monde (88 %) continue de se métastaser. Pourtant, le récit – curieusement – reste le
même.
Lundi, depuis Davos, le président exécutif du Forum économique mondial, Klaus Schwab, a présenté le comédien et président ukrainien Volodymyr Zelensky, lors de la
dernière étape de sa tournée de sollicitation d’armes, en lui rendant un vibrant hommage. Herr Schwab a souligné qu’un acteur se faisant passer pour un président qui défend les néonazis est
soutenu par « toute l’Europe et l’ordre
international ».
Il veut dire, bien sûr, tout le monde sauf les 88 % de la planète qui souscrivent à l’État de droit – au lieu de la fausse construction que l’Occident appelle
un « ordre international fondé sur des
règles ».
Dans le monde réel, la Russie a lentement mais sûrement réécrit l’art
de la guerre hybride. Pourtant, dans le carnaval des opérations psychologiques de l’OTAN, de l’infiltration cognitive agressive et de la flagornerie des médias, on parle beaucoup de la
nouvelle « aide » américaine de 40
milliards de dollars à l’Ukraine, jugée capable de changer la donne dans la guerre.
Cette histoire de « changement de jeu » est une courtoisie des
mêmes personnes qui ont dépensé des milliers de milliards de dollars pour sécuriser l’Afghanistan et l’Irak. Et nous avons vu comment cela s’est passé.
L’Ukraine est le Saint Graal de la corruption internationale. Ces 40 milliards de dollars ne peuvent changer la donne que pour deux catégories de personnes :
Premièrement, le complexe militaro-industriel américain, et deuxièmement, une bande d’oligarques ukrainiens et d’ONG néo-cons, qui s’accapareront le marché noir des armes et de l’aide
humanitaire, puis blanchiront les profits dans les îles Caïmans.
Une ventilation rapide des 40 milliards de dollars révèle que 8,7 milliards de dollars serviront à reconstituer le stock d’armes américain (et ne seront donc pas du
tout destinés à l’Ukraine) ; 3,9 milliards de dollars pour l’USEUCOM (le « bureau » qui dicte les tactiques militaires à
Kiev) ; 5 milliards de dollars pour une « chaîne
d’approvisionnement alimentaire mondiale » floue et non spécifiée ; 6 milliards de dollars pour les armes et la « formation » à l’Ukraine ; 9 milliards de
dollars en « assistance
économique » (qui disparaîtront dans certaines poches) ; et 0,9 milliard de dollars pour les réfugiés.
Les agences de notation américaines ont classé Kiev dans la catégorie des entités ne pouvant pas rembourser leurs prêts, de sorte que les grands fonds
d’investissement américains abandonnent l’Ukraine, laissant l’Union européenne (UE) et ses États membres comme seule option pour le pays.
Peu de ces pays, à l’exception d’entités russophobes telles que la Pologne, peuvent justifier auprès de leurs propres populations l’envoi d’énormes sommes d’aide
directe à un État en faillite. Il incombera donc à la machine européenne basée à Bruxelles d’en faire juste assez pour maintenir l’Ukraine dans un coma économique, indépendamment de toute
contribution des États membres et des institutions.
Ces « prêts » de l’UE – essentiellement sous forme de
livraisons d’armes – peuvent toujours être remboursés par les exportations de blé de Kiev. C’est ce qui se passe déjà à petite échelle via le port de Constanta, en Roumanie, où le blé ukrainien
arrive par barges sur le Danube et est chargé chaque jour dans des dizaines de cargos. Ou encore, via des convois de camions roulant pour le racket « armes contre blé ». Cependant, le blé ukrainien
continuera à nourrir les riches occidentaux, pas les Ukrainiens appauvris.
De plus, attendez-vous à ce que l’OTAN invente cet été un autre stratagème monstrueux pour défendre son droit divin (non légal) d’entrer dans la mer Noire avec des
navires de guerre pour escorter les navires ukrainiens transportant du blé. Les médias pro-OTAN diront que l’Occident est « sauvé » de la crise alimentaire mondiale, qui
est directement causée par les trains de sanctions occidentaux hystériques et en série.
La Pologne opte pour une annexion douce
L’OTAN augmente en effet massivement son « soutien » à l’Ukraine via la frontière
occidentale avec la Pologne. Cela est en phase avec les deux grands objectifs de Washington : Premièrement, une « longue guerre », de type insurrectionnel, comme en
Afghanistan dans les années 1980, où les djihadistes sont remplacés par des mercenaires et des néonazis. Deuxièmement, les sanctions instrumentalisées pour « affaiblir » la Russie, militairement et
économiquement.
Les autres objectifs restent inchangés, mais sont subordonnés aux deux principaux : s’assurer que les Démocrates soient réélus lors des élections de mi-mandat (ce
qui ne va pas se produire) ; irriguer le complexe miltaro-industriel avec des fonds qui sont recyclés sous forme de pots-de-vin (ce qui se produit déjà) ; et maintenir l’hégémonie du dollar
américain par tous les moyens (délicat : le monde multipolaire est en
train de s’organiser).
L’un des principaux objectifs atteints avec une facilité déconcertante est la destruction de l’économie allemande, et par conséquent de l’économie de l’UE, une
grande partie des entreprises survivantes étant finalement vendues à des intérêts américains.
Prenez, par exemple, Milan Nedeljkovic, membre du conseil d’administration de BMW, qui a déclaré à Reuters que « notre industrie représente environ 37 % de la consommation de
gaz naturel en Allemagne », qui sombrera sans l’approvisionnement en gaz russe.
Le plan de Washington est de maintenir la nouvelle « longue guerre » à un niveau pas trop
incandescent – pensez à la Syrie dans les années 2010 – alimentée par des rangées de mercenaires, et comportant des escalades périodiques de l’OTAN par n’importe qui, de la Pologne et des nains
baltes à l’Allemagne.
La semaine dernière, ce pitoyable eurocrate qui se fait passer pour le Haut Représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep
Borrell, a vendu la mèche lors de la présentation de la prochaine réunion du Conseil des affaires étrangères de l’UE.
Borrell a admis que « le conflit sera long » et que « la priorité des États membres de l’UE » en
Ukraine « consiste à fournir des armes
lourdes. »
Puis le président polonais Andrzej Duda a rencontré Zelensky à Kiev. La série d’accords signés par les deux hommes indique que Varsovie entend profiter largement de
la guerre pour renforcer son influence politico-militaire, économique et culturelle en Ukraine occidentale. Les ressortissants polonais seront autorisés à être élus dans les organes
gouvernementaux ukrainiens et pourront même prétendre à devenir juges
constitutionnels.
En pratique, cela signifie que Kiev transfère la gestion de l’État ukrainien en faillite à la Pologne. Varsovie n’aura même pas à envoyer de troupes. Appelez cela
une annexion douce.
Le rouleau compresseur en marche
En l’état actuel, la situation sur le champ de bataille peut être examinée sur
cette carte. Les communications interceptées du commandement ukrainien révèlent leur objectif de construire une défense en couches de Poltava à Dniepropetrovsk, Zaporozhia, Krivoy Rog et
Nikolaev – qui se trouve être un bouclier pour Odessa, déjà fortifiée. Rien de tout cela ne garantit le succès contre l’assaut russe qui s’annonce.
Il est toujours important de se rappeler que l’opération Z a débuté le 24 février avec environ 150 000 combattants – et certainement pas les forces d’élite de la
Russie. Et pourtant, ils ont libéré Marioupol et détruit le bataillon d’élite néo-nazi Azov en l’espace de cinquante jours seulement, nettoyant une ville de 400 000 habitants avec un minimum de
pertes.
Tout en menant une véritable guerre sur le terrain – pas ces bombardements américains aveugles depuis les airs – dans un pays immense contre une armée nombreuse, et
en faisant face à de multiples défis techniques, financiers et logistiques, les Russes ont également réussi à libérer Kherson, Zaporizhia [L’auteur s’emballe un peu pour cette dernière ville,
NdT] et la quasi-totalité de la zone des « bébés jumeaux », les républiques populaires de
Donetsk et Luhansk.
Le commandant des forces terrestres russes, le général Aleksandr Dvornikov, a accéléré les frappes de missiles, d’artillerie et d’avions à un rythme cinq fois plus
rapide que lors de la première phase de l’opération Z, tandis que les Ukrainiens, dans l’ensemble, manquent de carburant, de munitions pour l’artillerie, de spécialistes entraînés, de drones et
de radars.
Ce que les généraux américains en fauteuil et à la télévision ne peuvent tout simplement pas comprendre, c’est que dans la vision russe de cette guerre – que
l’expert militaire Andrei Martyanov définit comme une « opération combinée d’armes et de
police » – les deux objectifs principaux sont la destruction de tous les moyens militaires de l’ennemi tout en préservant la vie de ses propres soldats.
Ainsi, si la perte de chars n’est pas un problème majeur pour Moscou, la perte de vies l’est. Et c’est ce qui explique les bombardements russes massifs ; chaque
cible militaire doit être détruite de manière concluante. Les frappes de précision sont cruciales.
Le débat fait rage parmi les experts militaires russes sur la raison pour laquelle le ministère de la défense n’opte pas pour une victoire stratégique rapide. Ils
auraient pu réduire l’Ukraine en décombres – à la manière américaine – en un rien de temps. Cela ne se produira pas. Les Russes préfèrent avancer lentement et sûrement, à la manière d’un rouleau
compresseur. Ils n’avancent qu’après que les sapeurs aient entièrement vérifié le terrain ; après tout, il y a des mines partout.
Le schéma général est immanquable, quel que soit le barrage de l’OTAN. Les pertes ukrainiennes deviennent exponentielles – jusqu’à 1 500 morts ou blessés par jour,
tous les jours. S’il y a 50 000 Ukrainiens dans les différents chaudrons du Donbass, ils auront disparu d’ici la fin juin.
L’Ukraine a dû perdre jusqu’à 20 000 soldats dans et autour de Marioupol seulement. C’est une défaite militaire massive, dépassant largement Debaltsevo en 2015 et
précédemment Ilovaisk en 2014. Les pertes près d’Izyum pourraient être encore plus élevées qu’à Marioupol. Et maintenant viennent les pertes dans le coin de Severodonetsk.
Nous parlons ici des meilleures forces ukrainiennes. Peu importe que seulement 70 % des armes occidentales envoyées par l’OTAN arrivent sur le champ de bataille :
le problème majeur est que les meilleurs soldats se consument… consument… consument, et ne seront pas remplacés. Les néo-nazis d’Azov, la 24e brigade, la 36e brigade, diverses brigades d’assaut
aérien – ils ont tous subi des pertes de plus de 60 % ou ont été complètement démolis.
La question clé, comme l’ont souligné plusieurs experts militaires russes, n’est donc pas de savoir quand Kiev « perdra » son point de non-retour, mais combien
de soldats Moscou est prêt à perdre pour y parvenir.
L’ensemble de la défense ukrainienne repose sur l’artillerie. Les principales batailles à venir impliquent donc l’artillerie à longue portée. Il y aura des
problèmes, car les États-Unis sont sur le point de livrer des systèmes M270 MLRS avec des munitions guidées de précision, capables d’atteindre des cibles à une distance de 70 kilomètres ou
plus.
La Russie dispose toutefois d’un contre-poids : le petit complexe opérationnel-tactique Hermes, qui utilise des munitions de haute précision, la possibilité d’un
guidage laser et une portée de plus de 100 kilomètres. Et ils peuvent fonctionner en conjonction avec les systèmes de défense aérienne Pantsir déjà produits en série.
Le navire en perdition
L’Ukraine, dans ses frontières actuelles, appartient déjà au passé. Georgy Muradov, représentant permanent de la Crimée auprès du président russe et vice-premier
ministre du gouvernement de Crimée, est catégorique : « L’Ukraine sous la forme dans laquelle elle était, je pense, ne
subsistera plus. C’est déjà l’ancienne Ukraine ».
La mer d’Azov est désormais devenue une « mer d’utilisation conjointe » par la Russie et
la République populaire de Donetsk (RPD), comme l’a confirmé Muradov.
Marioupol sera restaurée. La Russie a acquis une grande expérience dans ce domaine, tant à Grozny qu’en Crimée. Le corridor terrestre Russie-Crimée est en marche.
Quatre hôpitaux sur cinq à Marioupol ont déjà rouvert et les transports publics sont de retour, ainsi que trois stations-service.
La perte imminente de Severodonetsk et de Lysichansk fera sonner de sérieuses sonnettes d’alarme à Washington et à Bruxelles, car cela représentera le début de la
fin du régime actuel de Kiev. Et cela, à toutes fins utiles – et au-delà de la noble rhétorique disant « l’Ouest est à vos côtés » – signifie que les
gros joueurs ne seront pas vraiment encouragés à parier sur un bateau qui coule.
Sur le front des sanctions, Moscou sait exactement à quoi s’attendre, comme le détaille le ministre du Développement économique, Maxim Reshetnikov : « La Russie part du fait que les sanctions à son encontre sont
une tendance à plutôt long terme, et du fait que le pivot vers l’Asie, l’accélération de la réorientation vers les marchés orientaux, vers les marchés asiatiques est une direction stratégique
pour la Russie. Nous ferons tous les efforts possibles pour nous intégrer dans les chaînes de valeur précisément avec les pays asiatiques, avec les pays arabes, avec l’Amérique du
Sud. »
En ce qui concerne les efforts visant à « intimider la Russie », les acteurs seraient bien
avisés d’écouter le son hypersonique des 50 missiles de pointe Sarmat prêts au combat cet automne, comme l’a expliqué le chef de Roscosmos, Dmitry Rogozin.
Les réunions de cette semaine à Davos mettent en lumière un autre alignement qui se forme dans la bataille mondiale unipolaire contre multipolaire. La Russie, les
petits jumeaux, la Tchétchénie et des alliés tels que la Biélorussie sont désormais opposés aux « leaders de Davos », autrement dit à l’ensemble de
l’élite occidentale, à quelques exceptions près, comme le Premier ministre hongrois Viktor Orban.
Zelensky s’en sortira. Il est protégé par les forces
spéciales britanniques et américaines. La famille vivrait dans un manoir de 8 millions de dollars en Israël. Il possède une villa de 34 millions de dollars à Miami Beach, et une autre en
Toscane. Les Ukrainiens moyens ont été trompés, volés et, dans de nombreux cas, assassinés par le gang de Kiev qu’il préside – oligarques, fanatiques du service de sécurité (SBU), néonazis. Et
les Ukrainiens qui restent (10 millions ont déjà fui) continueront d’être traités comme des moins que rien.
Pendant ce temps, le président russe Vladimir « le nouvel Hitler » Poutine n’est absolument pas
pressé de mettre fin à ce drame plus grand que nature qui ruine et pourrit l’Occident déjà en pleine décadence. Pourquoi le ferait-il ? Il a tout essayé, depuis 2007, sur le front
du « pourquoi ne pouvons-nous pas nous
entendre ». Poutine a été totalement rejeté. Il est donc temps de s’asseoir, de se détendre et d’assister au déclin de l’Occident.
Par Pepe Escobar, publié avec l’autorisation de l’auteur et de The
Cradle.
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone
Les programmes militaires secrets ukrainiens
...par Thierry Meyssan - Le 31/05/2022.
Consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaire.
Dernier ouvrage en français : Sous nos yeux - Du 11-Septembre à Donald Trump (2017).
En 2016, les États-Unis se sont engagés à armer l’Ukraine pour qu’elle livre et gagne une
guerre contre la Russie. Par la suite, le ministère de la Défense US a organisé un programme de recherche biologique en Ukraine, puis d’énormes quantités de combustibles nucléaires ont été
secrètement transférées dans le pays. Ces données modifient l’interprétation de cette guerre : elle n’a pas été voulue et préparée par Moscou, mais par Washington.
Le 4 mars 2022, au cours d’une attaque des forces spéciales
ukrainiennes de la centrale nucléaire de Zaporijjia, que l’armée russe occupait depuis plusieurs jours, un projectile déclenche un incendie dans un laboratoire adjacent. À ce moment-là, le monde,
ignorant l’enjeu de cette bataille, a cru que les combattants étaient devenus fous et prenaient le risque inconsidéré de faire exploser la centrale.
Tout au long de cette série d’articles, commencée un mois et demi avant la guerre en Ukraine, j’ai développé l’idée que les Straussiens, le petit groupe des adeptes
de Leo Strauss au sein des administrations US, planifiait un affrontement contre la Russie et la Chine. Cependant, dans le dixième épisode de cette série, je relatais la manière dont le régiment
Azov est devenu le pilier paramilitaire des bandéristes ukrainiens en faisant référence à la visite que lui rendit le sénateur John McCain, en 2016 [1]. Or celui-ci n’est pas un Straussien, mais a été
conseillé par Robert Kagan lors de sa campagne électorale présidentielle de 2008, un penseur central parmi les Straussiens [2], même s’il a toujours prudemment nié son
appartenance à cette secte.
LA PLANIFICATION DE LA GUERRE CONTRE LA RUSSIE
Une vidéo, filmée lors de la visite de John McCain en Ukraine en 2016, a refait surface. On y voit le sénateur accompagné par son collègue et ami, le sénateur
Lindsey Graham, et par le président ukrainien Petro Poroshenko. Les deux États-uniens se déplacent en mission sénatoriale. Mais McCain est aussi le président de l’IRI (International Republican Institute), la branche républicaine de la NED (National Endowment for Democracy). On sait que
l’IRI a animé une centaine de séminaires pour les responsables des partis politiques ukrainiens classés à droite, y compris pour les bandéristes. Les sénateurs s’adressent à des officiers du
régiment Azov, la principale formation paramilitaire bandériste. Cela ne doit pas surprendre. John McCain a toujours soutenu que les États-Unis devaient s’appuyer sur les ennemis de leurs ennemis
quels qu’ils soient. Ainsi, il a publiquement revendiqué ses contacts avec Daesh contre la République arabe syrienne [3]..
Dans cette vidéo, les sénateurs Lindsey Graham et John McCain assurent que les États-Unis donneront toutes les armes nécessaires à leurs interlocuteurs pour qu’ils
parviennent à vaincre la Russie.
Cette vidéo, je le répète, a été enregistrée six ans avant l’entrée de l’armée russe en Ukraine. Les deux
sénateurs investissent leurs interlocuteurs d’une mission. Ils ne les considèrent pas comme des mercenaires que l’on paye, mais comme des proxys qui se battront pour le monde unipolaire jusqu’à
la mort.
Le président Petro Porochenko remet son nouvel écusson au SBU.
Peu après, le président Porochenko, qui avait assisté à cet entretien en tenue de combat, modifia l’écusson de ses services secrets, le SBU. Il s’agit désormais d’une chouette tenant un glaive
dirigé contre la Russie avec la devise « Le sage régnera sur les étoiles ». Il est clair que l’appareil d’État ukrainien se préparait à la guerre contre la
Russie pour le compte des États-Unis.
Trois ans plus tard, le 5 septembre 2019, la Rand Corporation organisait une réunion à la Chambre des représentants US pour leur expliquer son plan :
Affaiblir la Russie en l’obligeant à se déployer au Kazakhstan, puis en Ukraine et jusqu’en Transnistrie [4].
J’ai longuement expliqué dans deux articles précédents [5] que les États-Unis et le Royaume-Uni
ont récupéré à la fin de la Seconde Guerre mondiale de nombreux dirigeants nazis et les bandéristes ukrainiens pour les dresser contre l’URSS. Ils ont materné ces fanatiques dès la disparition de
celle-ci pour les utiliser contre la Russie. Restait à explorer la manière dont ils les ont armés.
LE PROGRAMME BIOLOGIQUE MILITAIRE UKRAINIEN
À partir de 2014, l’État ukrainien a débuté plusieurs programmes militaires secrets.
Le premier et le plus connu est sa collaboration avec le Pentagone dans 30 laboratoires différents. Selon les États-Unis, ce programme visait à détruire les
armes biologiques que l’Union soviétique avait fabriquées et entreposées en Ukraine. C’est évidemment peu probable car on ne voit pas, 31 ans après l’indépendance et 8 ans après le début de ce
programme, pourquoi il en resterait encore.
Au contraire, selon la Russie, le Pentagone faisait sous-traiter par l’Ukraine des recherches sur des armes interdites par la Convention sur l’interdiction des armes biologiques de 1972. Sur la base de documents saisis lors de son opération spéciale, elle affirme notamment que des
expériences ont été menées à leur insu sur des malades mentaux à l’hôpital psychiatrique n° 1 (Streletchyé, région de Kharkov) et qu’un agent tuberculeux a été manipulé pour infecter la
population du district de Slavianoserbsk (République populaire de Lougansk). Ou encore que ces laboratoires menaient « des expériences extrêmement dangereuses visant à renforcer les
propriétés pathogènes de la peste, de l’anthrax, de la tularémie, du choléra et d’autres maladies mortelles en recourant à la biologie de synthèse ». Un autre projet concerne les
chauves-souris en tant que vecteurs de transmission d’agents de guerre biologiques potentiels, tels que la peste, la leptospirose, la brucellose, les filovirus ou les coronavirus.
Ces accusations gravissimes ne sont toujours pas clairement réfutées ou établies. La séance que la Russie avait convoquée à ce sujet au Conseil de sécurité des
Nations unies, le 11 mars 2022 [6], n’a rien donné. Après avoir nié, la sous-secrétaire d’État, la Straussienne Victoria Nuland (et épouse de Robert Kagan), a déclaré lors d’une
audition au Sénat US, le 8 mars 2022 : « L’Ukraine a... des installations de recherche biologique. Nous craignons que les troupes russes ne tentent
d’en prendre le contrôle. Nous essayons donc, avec les Ukrainiens, de nous assurer que ces matériaux de recherche ne tombent pas entre les mains des forces russes si elles se
rapprochent ».
Malgré ces incohérences, les Occidentaux ont fait bloc derrière Washington, accusant Moscou de mentir. À leurs yeux, il est tout à fait normal que des États
disposent de collections de ces maladies afin de les étudier, leur présence ne doit pas être interprétée comme destinée à fabriquer des armes. Les laboratoires ukrainiens sont régulièrement
surveillés par l’OSCE (organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) [7]. Il n’en reste pas moins que cette interprétation ne permet pas de comprendre
les propos de Madame Nuland et ne rend pas compte de catastrophes comme, par exemple, l’épidémie de grippe porcine qui a tué 20 soldats ukrainiens en janvier 2016 et à contraint 200 autres à
être hospitalisés.
L’ambassadeur russe, Vassili Nebenzia, a notamment dénoncé des recherches sur la transmission de maladies dangereuses par des ectoparasites comme les poux et les
puces. Il a rappelé que des expériences similaires avaient « été menées dans les années 40 par la tristement célèbre Unité 731 de l’armée japonaise, dont les membres se sont réfugiés aux
États-Unis pour échapper à la justice ». L’unité 731, c’est l’équivalent japonais du service du Dr Josef Mengele à Auschwitz.
Comme si cela ne suffisait pas, Monsieur Nebenzia s’est interrogé sur le transfert de plusieurs milliers d’échantillons de sérum sanguin de patients d’origine
slave, d’Ukraine à l’Institut de recherche Walter Reed de l’armée US. Des recherches, selon lui, visant sélectivement des groupes ethniques spécifiques comme celles que le Dr. Wouter Basson mena pour l’Afrique du Sud de l’apartheid et Israël durant sa période coloniale contre les noirs et les
arabes (« Coast Project »).
L’administration de l’Onu a botté en touche, assurant tout ignorer de ce programme et renvoyant aux mesures de confiance prévues par le Traité. L’Organisation
mondiale de la santé (OMS) a fait savoir qu’elle avait eu connaissance de l’existence de ce programme, mais en ignorait les détails. Elle a confirmé par écrit à l’agence Reuters qu’elle avait
« fortement recommandé au ministère ukrainien de la Santé et aux autres organismes responsables de détruire les agents pathogènes à haut risque afin de
prévenir toute fuite potentielle » [8]. La presse chinoise, quant à elle, évoque des expériences visant à transformer
des insectes en cyborgs afin de féconder ou de stériliser des cultures (Opération « Insects Allies »).
Réunion d’experts des ministères de la Défense et de la Santé des Etats-Unis, de Pologne et d’Ukraine, organisée par la société d’Hunter
Biden et de Christopher Heinz en 1996.
Source : Science and Technology Center in Ukraine
Ces expériences militaires, quelles qu’elles soient, ont été commandées indirectement par le Centre national de Renseignement médical (National Medical Intelligence Center) via l’Agence de la Défense pour la réduction des menaces (Defense Threat Reduction
Agency — DTRA) et la société US Rosemont Seneca Technology Partners (RSTP). Cette dernière a été fondée par Hunter Biden et Christopher Heinz, respectivement fils du
président Joe Biden et beau-fils de John Kerry [9]. Tous les résultats de ces recherches ont été
envoyés au laboratoires biologiques militaires de Fort Detrick qui ont autrefois joué un rôle de premier plan dans le programme d’armes biologiques des
États-Unis.
Comme l’a souligné le représentant chinois au Conseil de sécurité : « Toute information ou piste sur des activités biologiques militaires doit
susciter une grande attention de la part de la communauté internationale (…) Les États-Unis disent qu’ils sont pour la transparence. S’ils estiment que ces informations sont fausses, ils n’ont
qu’à fournir les données pertinentes et apporter des éclaircissements afin que la communauté internationale puisse se prononcer à ce sujet ».
Selon les Nations unies, si les Etats-Unis ont fourni régulièrement des rapports sur leurs activités biologiques dans le cadre de la Convention sur l’interdiction des armes biologiques, l’Ukraine n’en a jamais déposé [10]
La Russie a pris plusieurs mesures. D’abord elle a détruit avec précaution les conteneurs de 26 de ces laboratoires ukrainiens (4 autres ont échappé à l’armée
russe). Ensuite, elle a invité ses alliés de l’OTSC (Organisation du Traité de sécurité collective) à surveiller les accords qu’ils avaient pu passer avec les États-Unis. L’Arménie et le
Kazakhstan ont mis fin à ces recherches. Enfin, les membres de l’OTSC ont interdit l’accès de tout personnel de Défense étranger dans leurs laboratoires.
Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Rafael Grossi, a révélé au Forum de Davos que l’Ukraine détient d’énormes
quantités de plutonium et d’uranium enrichi.
LE PROGRAMME NUCLÉAIRE MILITAIRE UKRAINIEN
Venons-en maintenant au plus problématique parce qu’il y a bien plus grave encore. Lors de son indépendance, la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine ont hérité
d’une bonne partie du système d’armes nucléaires soviétiques. Ces trois nouveaux États signèrent le Mémorandum de Budapest, en 1994, avec les
États-Unis, la Russie et le Royaume-Uni. Les trois Grands s’engageaient à garantir leurs frontières tandis que les trois petits s’engageaient à transférer toutes leurs armes nucléaires à la
Russie et à respecter le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Ce mémorandum est souvent évoqué par ceux qui veulent souligner la duplicité russe qui, après l’avoir signé, l’aurait violé. Ce n’est pas exact puisque le
mémorandum prévoit que chacun des trois Grands sera relevé de sa promesse de non-intervention en cas de « légitime défense ou d’une autre manière conforme aux dispositions de la Charte des
Nations Unies ». Or, la Russie a officiellement reconnu les républiques du Donbass après que l’État ukrainien a refusé d’honorer sa signature des Accords de Minsk et que son armée a bombardé le Donbass durant 8 ans.
Entre 2014 et 2022, l’Ukraine demanda quatre fois une renégociation du Mémorandum de Budapest. Finalement, le
président Volodymyr Zelensky déclara lors de la réunion annuelle de la Conférence sur la Sécurité de Munich, le 19 février 2022 :
« Moi, en tant que président, je le ferai pour la première fois. Mais l’Ukraine et moi-même le faisons pour la dernière fois. Je lance des consultations dans le cadre du Mémorandum
de Budapest. Le ministre des Affaires étrangères a été chargé de les convoquer. Si elles ne se reproduisent pas ou si leurs résultats ne garantissent pas la sécurité de notre pays, l’Ukraine sera
en droit de penser que le Mémorandum de Budapest ne fonctionne pas et que toutes les décisions globales de 1994 sont remises en question » [11].
Remettre en question « toutes les décisions globales de 1994 », cela ne peut pas vouloir dire autre chose
que reprendre des armes nucléaires. Par conséquent la position du président Zelensky peut être résumée comme suit : Laissez-nous réprimer les séparatistes du
Donbass ou nous rétabliront notre programme nucléaire militaire. Il est à noter que les principaux dirigeants de l’Alliance atlantique étaient présents ou représentés dans la salle.
Pourtant aucun n’a protesté devant l’annonce d’une violation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Commentant ce discours, le président russe, Vladimir Poutine a déclaré : « La seule chose qui manque [à l’Ukraine] c’est un
système d’enrichissement d’uranium. Mais c’est une question technique, et pour l’Ukraine ce n’est pas un problème insoluble ».
Les services de renseignements russes étaient informés que l’Ukraine avait un programme militaire nucléaire. Nous ignorons ce qu’ils savaient précisément de ce
programme.
Laurence Norman, envoyé spécial du Wall Street Journal au forum de Davos sur le nucléaire iranien, a relaté sur Twitter la déclaration
de Rafael Grossi sur le nucléaire ukrainien, mais n’a pas publié d’article à ce sujet. L’information a été confirmée par un autre journaliste, du New York Times cette fois,
toujours sur Twitter.
L’Argentin Rafael Grossi, qui dirige l’Agence internationale de l’énergie atomique, a incidemment déclaré, le 25 mai au Forum de Davos, que l’Ukraine avait
entreposé 30 tonnes de plutonium et 40 tonnes d’uranium enrichi dans sa centrale de Zaporijjia et que son agence se demandait ce qu’ils étaient devenus.
Or la centrale de Zaporijjia était un des objectifs de l’armée russe qui l’a investie le second jour de son opération spéciale, le 26 février. Un incendie a été
déclenché dans un laboratoire adjacent lors d’un accrochage russo-ukrainien, le 4 mars. On avait alors dénoncé l’irresponsabilité de l’armée russe. À l’évidence, il s’agissait de tout autre
chose ainsi que l’avait déclaré Moscou. La Russie avait commencé le transfert de ces combustibles et des forces spéciales ukrainiennes ont tenté de les en
empêcher.
Le plutonium est vendu entre 5 000 et 11 000 $ le gramme. 30 tonnes achetées au prix coûtant, cela représente 150 milliards de dollars. Le
prix de l’uranium dépend de son degré d’enrichissement. À moins de 5 %, il ne peut être utilisé qu’à usage civil et doit atteindre au moins 80 % pour un usage militaire. Ignorant
son degré d’enrichissement, on ne peut évaluer son prix. La saisie par la Russie de ce stock non-déclaré rembourse probablement l’ensemble des sanctions prises contre elles.
L’information dont nous disposons soulève plusieurs questions : Depuis quand l’Ukraine, qui avait cédé à la Russie
tous ses stocks de l’époque soviétique, détient-elle ces matériaux ? D’où viennent-ils et qui les a payés ? Subsidiairement : Quel est le taux d’enrichissement de l’uranium et
qui l’a enrichi ?
À ces questions, la presse russe en ajoute une autre : Quelle est la fiabilité de l’Agence internationale de
l’énergie atomique qui a maintenu cette information secrète jusqu’à la semaine dernière ?
Au vu de ces éléments, il convient de réviser l’accusation commune selon laquelle la Russie serait responsable de cette guerre.
Par Pedro Gonzalez – Le 28 mai 2022 – Source IM
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En février 2021, sur ordre du président Volodymyr Zelensky,
l’Ukraine fermait trois
chaînes de télévision nationales, les accusant de diffuser de la « propagande » russe. Trois mois plus tard,
Zelenksky faisait
arrêter Viktor Medvedchuk, qui dirigeait à
l’époque le deuxième plus grand parti du parlement national ukrainien, la Plateforme d’opposition pour la vie (OPZZh), pro-russe et eurosceptique.
Zelensky n’a pas eu
d’hésitation à incinérer les normes démocratiques tant vantées bien avant que la Russie ne franchisse le Rubicon en Ukraine cette année. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait récidivé en
pleine guerre, fin mars, en invoquant les pouvoirs d’urgence de la loi martiale pour nationaliser les chaînes de télévision et interdire 11 partis d’opposition, dont l’OPZZh ; tout cela
soi-disant au nom de la lutte contre la désinformation et contre les sympathisants russes, même si le président de l’OPZZh de l’époque, Yuriy Boyko, avait lui-même dénoncé la
guerre et appelé au cessez-le-feu et au retrait des troupes russes d’Ukraine. Zelensky, cependant, n’a pas manqué une telle occasion de couper les ailes de l’opposition politique dans son pays,
encore moins maintenant que les médias occidentaux rationalisent et glorifient chacun de ses gestes.
Dresser un portrait du président ukrainien en parangon de la démocratie blanchit le vrai Zelensky et dissimule un vaste réseau de corruption et de sournoiseries
internationales dont l’Ukraine est le centre. Pour comprendre le vrai Zelensky, il faut bien voir qu’il est la création de l’oligarque ukrainien Igor Kolomoisky. Il n’est, en vérité, qu’une
marionnette de l’intrigue.
Les Pandora
Papers
Il est peut-être difficile de le croire aujourd’hui, mais les révélations des « Pandora
Papers » – des millions de fichiers provenant de fournisseurs de services fiscaux divulgués au Consortium international des journalistes d’investigation et partagés avec des
partenaires du monde entier – ont fait vaciller Zelensky l’année dernière, menaçant de mettre
fin à sa carrière politique. Car l’acteur devenu politicien avait fait campagne en tant que réformateur anti-corruption et les Pandora Papers montraient qu’il était tout aussi véreux que
ses prédécesseurs.
Sur plus de 300 hommes politiques et agents publics, dont plusieurs dirigeants nationaux actuels et anciens, dans plus de 91 pays et territoires auxquels les
documents étaient liés, l’Ukraine était le pays qui abritait le
plus de comptes secrets dans les paradis fiscaux de tous, même la Russie. L’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP),
qui a contribué à
l’enquête, a découvert que juste avant d’être élu président, Zelensky « a fait don de ses parts dans une société clé enregistrée dans
les îles Vierges britanniques, Maltex Multicapital Corp., à son partenaire commercial, qui allait devenir son principal assistant présidentiel. Et malgré la cession de ses parts, les documents
montrent qu’un arrangement a rapidement été conclu pour permettre à cette société installée dans un paradis fiscal de continuer à verser des dividendes à une
société qui appartient désormais à sa femme. »
Comme pour les mesures de répression contre la liberté d’expression et l’opposition politique, le bureau de Zelensky a tenté de justifier le
recours aux paradis fiscaux en invoquant le spectre de l’agression russe. Un conseiller du chef de cabinet de Zelensky a déclaré que ces sociétés secrètes étaient nécessaires pour
« protéger » les revenus du groupe
contre les « actions
agressives » du régime « corrompu » de l’ancien président Viktor
Ianoukovitch, qui a été chassé par une révolution de couleur soutenue par les États-Unis en 2014. Les propriétés coûteuses acquises par
les associés de Zelensky dans le centre de Londres, comme les paradis fiscaux, ne sont, semble-t-il, que d’humbles refuges pour ukrainiens persécutés.
Il faut ajouter que Zelensky et ses associés d’une société de production télévisuelle, Kvartal 95, ont mis en place un réseau de sociétés offshore remontant au moins à 2012. C’est également cette
année-là que la société a commencé à produire des contenus réguliers pour les chaînes de télévision appartenant à Kolomoisky, l’oligarque le plus flamboyant d’Ukraine et le principal soutien de
Zelensky.
Le Raider
Kolomoisky est connu pour avoir intimidé des clients en nourrissant un requin vivant qu’il gardait dans un énorme aquarium dans son bureau de Dnipropetrovsk,
et aurait même ordonné des
meurtres sous contrat. S’il n’existait pas, Richard Marcinko l’aurait probablement inventé comme méchant dans l’un des romans de sa série Rogue Warrior.
Kolomoisky a cofondé et a été, jusqu’en 2016, le principal
propriétaire de PrivatBank, la plus grande banque commerciale d’Ukraine, ainsi que du PrivatBank Group, une coalition commerciale mondiale dont le contrôle s’étend sur des milliers
d’entreprises dans pratiquement tous les secteurs d’activité en Ukraine, dans l’Union européenne, en Géorgie, en Russie, aux États-Unis et ailleurs. Il nie avoir
besoin d’influencer le président, mais lorsque le Fonds monétaire international a mis fin aux discussions avec le gouvernement de Zelensky après avoir échoué à
conclure un nouvel accord de prêt en 2019 (en invoquant une corruption omniprésente), Kolomoisky, à qui l’on demandait dans une interview qui
gagnerait si Zelensky était obligé de choisir entre lui et les prêts du FMI, a répondu : « C’est moi ». Les médias ukrainiens ont noté que
Kolomoisky n’a pas nié avoir financé la campagne de Zelensky.
Kolomoisky a construit son énorme fortune au sommet de PrivatBank principalement en tant que « raider ». Dans un article du Harper’s
Magazine sur le bailleur de fonds de Zelensky, Andrew Cockburn précisait la signification de ce terme avec l’aide de Matthew Rojansky, directeur du Kennan Institute au Woodrow Wilson Center for International Scholars. Il existe en
Ukraine des entreprises « enregistrées avec des
bureaux et des cartes de visite, des entreprises [qui sont spécialisées dans] les différentes dimensions du processus de raid sur les entreprises, ce qui inclut des hommes armés pour faire des
choses, la falsification de documents, la corruption de notaires, la corruption de juges », a déclaré Rojansky à Cockburn. Et selon Rojansky, Kolomoisky est « l’oligarque-raider le plus célèbre, accusé d’avoir mené une
campagne massive de raids pendant une dizaine d’années jusqu’en 2010 ». À un moment donné, il a réussi à
se retrouver sur la liste d’interdiction de visa des États-Unis, lui interdisant d’entrer dans le pays.
Mais les intérêts de l’oligarque vont bien au-delà des transactions commerciales coupe-gorge, se superposant aux affaires de Washington dans la région.
Entre 2013 et 2014, les États-Unis ont soutenu une
révolution de couleur en Ukraine qui a abouti à un changement de régime. Cela a également déclenché une guerre civile entre les forces gouvernementales et les séparatistes pro-russes de l’est du
pays qui ont déclaré leur indépendance vis-à-vis de Kiev. Au milieu de cette crise, le président par intérim, Oleksandr Turchynov, a nommé Kolomoisky
gouverneur de l’oblast de Dnipropetrovsk. Il a transformé ses effectifs en une armée privée pour combattre les séparatistes. Pourtant, même si Kolomoisky s’est transformé en
chef de guerre, il n’a pas négligé son empire commercial.
Un oligarque approuvé par Washington
En 2014, le FMI approuvait une
aide d’urgence à l’Ukraine et injectait des milliards dans la Banque nationale d’Ukraine – la banque centrale du pays – pour soutenir les banques commerciales locales. Grâce à un stratagème à
l’échelle mondiale impliquant des comptes PrivatBank et des sociétés du groupe PrivatBank, ainsi qu’un système judiciaire ukrainien corrompu, Kolomoisky a pillé des milliards d’aide du FMI.
L’escroquerie, telle que révélée dans une série de jugements de tribunaux, a été décrite comme
suit par Cockburn :
Quarante-deux entreprises ukrainiennes appartenant à cinquante-quatre entités offshore enregistrées dans des
juridictions des Caraïbes, des États-Unis et de Chypre et liées ou affiliées au groupe d’entreprises Privat, ont contracté des prêts auprès de la PrivatBank en Ukraine pour une valeur de 1,8
milliard de dollars. Les entreprises ont ensuite commandé des marchandises à six sociétés « fournisseurs » étrangères, dont trois étaient constituées au Royaume-Uni, deux dans les
îles Vierges britanniques et une dans l’îlot caribéen de Saint-Kitts-et-Nevis. Le paiement des commandes – 1,8 milliard de dollars – a été peu après prépayé sur les comptes des fournisseurs,
qui se trouvaient, par coïncidence, dans la succursale chypriote de la PrivatBank. Une fois l’argent envoyé, les sociétés d’importation ukrainiennes se sont arrangées avec PrivatBank Ukraine
pour que leurs prêts soient garantis par les marchandises commandées.
Mais les fournisseurs étrangers ont systématiquement déclaré qu’ils ne pouvaient finalement pas honorer la commande, rompant ainsi les contrats mais sans faire
aucun effort pour restituer l’argent. Finalement, les sociétés ukrainiennes ont intenté une action en justice, toujours devant le tribunal économique de Dnipropetrovsk, exigeant que le
fournisseur étranger restitue le prépaiement et que la garantie accordée à PrivatBank soit annulée. Dans quarante-deux de ces cas, le tribunal a rendu un jugement identique : le paiement
anticipé devait être restitué à l’entreprise ukrainienne, mais le contrat de prêt devait rester en vigueur.
Au cours de cette période, Kolomoisky a maintenu la diversité de son portefeuille d’activités. L’année 2014 est également celle où Hunter Biden, le fils du
vice-président de l’époque, Joe Biden, aurait rejoint le
conseil d’administration de Burisma, une société énergétique ukrainienne à laquelle Kolomoisky est liée par une participation majoritaire, selon le New
York Post. Des courriels obtenus par
le Post révèlent que Vadym Pozharskyi, un
protégé de Kolomoisky, a communiqué avec Hunter en 2015 au sujet d’une réunion entre Pozharskyi et le vice-président Biden de l’époque. De plus, les relevés bancaires
de Hunter (obtenus légalement selon D&A Investigations) montrent des paiements qui
lui ont été faits par PrivatBank.
En 2015, Kolomoisky était en chemin vers sa prochaine action controversée, celle qui allait finalement conduire à l’ascension de Zelensky.
En mars de cette année-là, les hommes de Kolomoisky ont physiquement pris
le contrôle d’Ukrnafta, le plus grand producteur de pétrole et de gaz du pays, et d’UkrTransNafta, qui contrôle pratiquement tous les oléoducs en Ukraine. C’était une façon pour
Kolomoisky de montrer sa désapprobation des timides efforts de réforme du gouvernement, ce qui représentaient une menace directe pour le pouvoir du président de l’époque, Petro Porochenko. Ce
dernier s’est donc tourné vers Washington pour obtenir de l’aide, à savoir Victoria Nuland, alors secrétaire d’État adjointe aux affaires européennes et eurasiennes, et Geoffrey Pyatt, qui était
alors ambassadeur des États-Unis en Ukraine.
Nuland est une interventionniste mariée à l’archi-néoconservateur Robert Kagan. Elle a été appelée« l’architecte
de l’influence américaine en Ukraine », a joué un rôle dans le changement de régime et a servi dans toutes les administrations présidentielles, sauf celle de Trump, depuis l’époque de
Bill Clinton. Les gens comme Nuland sont la raison pour laquelle les présidents vont et viennent, mais la politique étrangère interventionniste reste toujours.
Avec l’aide de D.C., en échange de sa
démission, Porochenko a réussi à retirer Kolomoisky de la liste des interdictions de visa, entre autres choses. Il est important de noter que Pyatt et Nuland ont fermé les yeux sur le plan de
détournement de fonds du FMI par Kolomoisky, alors même que Washington persécutait d’autres oligarques y ayant participé.
Pendant qu’il ignorait la corruption de Kolomoisky, le Département d’État a tenté d’extrader l’oligarque
ukrainien Dmitry Firtash pour un incident de corruption qui aurait eu lieu en Inde. Cependant, son véritable crime était d’avoir des liens avec le gouvernement que Nuland avait contribué à
renverser, ainsi que son association avec le président ukrainien déchu, Viktor Yanukovych. Lorsque Firtash a fait appel de son extradition, un juge européen lui a donné raison et a conclu que « l’Amérique
voyait manifestement en Firtash quelqu’un qui menaçait ses intérêts économiques. » Néanmoins, Washington a la mémoire longue, et Firtash pourrait bien finir par être jugé aux
États-Unis.
Après avoir été retiré de la liste des personnes interdites aux États-Unis, Kolomoisky a continué à détourner et à escroquer d’énormes sommes à la PrivatBank.
Certaines de ses combines ont débordé sur le sol américain.
Selon le
ministère de la Justice, de 2008 à 2016 environ, Kolomoisky a obtenu des prêts et des lignes de crédit frauduleux dans le cadre d’une arnaque massive totalisant au
moins 5,5 milliards de dollars, soit à peu près l’équivalent de cinq pour cent du produit intérieur brut de l’Ukraine à l’époque. Aux États-Unis, des millions de
ces dollars auraient été blanchis par des achats d’immobilier commercial, de l’Ohio au Kentucky, en
passant par le Texas.
En outre, le bienfaiteur de Zelensky aurait acheté une
douzaine d’aciéries dans de petites villes américaines, laissant dans son sillage des usines en faillite, des impôts impayés, des bâtiments pourris et des centaines de sidérurgistes sans
emploi.
En nationalisant PrivatBank
en 2016, l’Ukraine a effectivement fait peser sur les épaules des contribuables le poids d’un renflouement de plusieurs milliards de dollars.
Le serviteur du peuple
Kolomoisky prendra sa revanche pour ce qui s’est passé. La confrontation avec Porochenko, considérée comme humiliante pour l’oligarque, s’est terminée en mars
2015.
En octobre, le premier épisode d’une nouvelle émission titrée Serviteur
du peuple, a été diffusé sur la chaîne ukrainienne 1+1 ; série dans laquelle Zelensky jouait le rôle principal : un professeur d’histoire de lycée qui devient inopinément président de
l’Ukraine et s’engage à lutter contre la corruption du gouvernement. 1+1 appartient au groupe 1+1 Media, l’un des plus grands conglomérats médiatiques ukrainiens, dont le propriétaire, selon
l’Atlantic Council, n’est autre que Kolomoisky lui-même,
ce qui lui confère « une influence politique
significative dans l’Ukraine d’aujourd’hui ». Ses actifs médiatiques ont été utilisés pour promouvoir la campagne électorale de 2019 du président Zelenskyy, dont les émissions à succès
étaient auparavant diffusées sur le réseau de Kolomoisky.
La série Serviteur du
peuple a été produite par Kvartal 95, la société fondée par Zelensky, dont les partenaires étaient impliqués dans le réseau de délocalisations dénoncé par les Pandora Papers. Après
l’ascension de Zelensky, des figures
clés de Kvartal 95 ont rejoint l’administration de Zelensky. Ivan Hennadiyovych Bakanov, par exemple, est passé de
la direction du studio de production à la direction du Service de sécurité de l’Ukraine.
L’émission a littéralement créé le personnage présidentiel de Zelensky, lui permettant effectivement de construire une campagne officieuse contre l’administration
en place jusqu’en mars
2018, lorsqu’un parti politique portant le nom de la série télévisée a été enregistré auprès du ministère de la Justice. En décembre 2018, Zelensky annonçait officiellement
sa candidature à la présidence sur 1+1.
Zelensky, la création d’un oligarque, a fait campagne pour la présidence sous la forme du personnage qu’il a joué dans une série comique, avec un parti portant le
nom de la série, jusqu’à la victoire en 2019. Pendant la course, Volodymyr Ariev, un allié politique du président sortant Porochenko, a publié un tableau sur Facebook affirmant qu’il montrait
comment Zelensky et ses partenaires de production télévisuelle étaient bénéficiaires d’une constellation de sociétés offshore qui auraient reçu des millions de la PrivatBank de Kolomoisky.
Les allégations ont été rejetées comme étant sans fondement à l’époque, mais les Pandora Papers ont révélé que les informations sur plusieurs sociétés du réseau
correspondaient au tableau d’Ariev, a noté l’OCCRP.
Peu après avoir pris les rênes, Zelensky et son parti Serviteur du Peuple ont commencé à licencier, soi-disant pour inefficacité, des ministres ukrainiens réputés
pour leurs réformes anti-corruption.
Daria Kaleniuk, directrice du Centre d’action anticorruption d’Ukraine, déclarait au Washington Post, en mars 2020, que l’affaire a fait passer
le message que
Zelensky « peut renvoyer une personne qui prend
un risque, pour faire de bonnes choses, en le blâmant pour son inefficacité. » Le journaliste réformateur basé à Kiev, Oleg Sukhov, s’est fait
l’écho de ce sentiment l’année dernière, écrivant que « Zelensky a toujours protégé les fonctionnaires corrompus des
poursuites et tué toute réforme anticorruption. » D’autre part, face à une pétition demandant sa révocation, Zelensky a refusé de
renvoyer Oleh Tatarov, son chef de cabinet adjoint, qui avait été accusé de corruption.
Les personnes mises sur la sellette étaient également les plus susceptibles de menacer le pouvoir d’oligarques comme Kolomoisky, dont Zelensky a peut-être appris
une chose ou deux.
Lors d’une conférence de presse en 2020, il a fait remarquer qu’il
voulait qu’on se souvienne de lui comme « le
président qui a construit de bonnes routes en Ukraine ». L’une des rares entreprises de construction qui ont reçu une part importante des fonds de l’État pour la construction de routes
publiques pendant son mandat est PBS
LLC, qui est liée à Skorzonera LLC, une société détenue par Kolomoisky, selon les registres des
entreprises.
PBS a été accusée par
des enquêteurs ukrainiens d’avoir détourné des millions de dollars de fonds publics destinés aux travaux routiers. Un jugement rendu
par un tribunal de l’Oblast d’Ivano-Frankivsk a noté qu’avec Skorzonera, contrôlée par Kolomoisky, elle fait partie d’un réseau d’entités commerciales liées dont
les adresses et le personnel se chevauchent. PBS et Skorzonera avaient même envoyé leurs déclarations fiscales à partir de la même adresse IP.
L’ancien ministre des douanes Maxim Nefyodov est l’un des réformateurs licenciés par Zelensky. Nefyodov est surtout connu pour avoir créé ProZorro,
un système conçu pour lutter contre la corruption dans le secteur des marchés publics en Ukraine.
Après avoir licencié Nefyodov,
le parti de Zelensky a utilisé sa majorité pour faire passer une
loi qui permettrait au projet de construction de routes le plus cher de l’histoire moderne de l’Ukraine d’être construit sans aucune surveillance, sans ProZorro. En juin dernier,
le Kyiv Postrapportait comment
Zelensky « a doublé les dépenses pour la
réparation des routes, en puisant dans la poche du fonds de secours COVID et en dépensant l’argent que l’Ukraine a gagné dans les tribunaux internationaux ». Une source d’argent
intéressante, si l’on considère que le FMI a approuvé un programme d’aide
de plusieurs milliards de dollars en 2020 « pour
aider l’Ukraine à faire face aux défis de la pandémie COVID-19 en fournissant un soutien à la balance des paiements et au budget. » Est-il possible que Zelensky se soit inspiré de
Kolomoisky en prenant des libertés avec l’aide internationale ? Difficile de l’affirmer avec certitude.
On ne sait pas non plus pourquoi le Département d’État a décidé de sanctionner à nouveau Kolomoisky en mars dernier, après qu’il ait été retiré de la liste noire,
malgré ses propres manigances internationales. Dans un communiqué
de presse, le secrétaire d’État Anthony Blinken déclarait que la raison était « due à son implication dans une corruption
importante ». Mais ils étaient au courant de cela quand ils l’ont inscrit et retiré de la liste la première fois. Plus étrange encore, Blinken a spécifiquement cité les années 2014 à
2015, lorsque Kolomoisky « a été impliqué dans
des actes de corruption qui ont sapé l’État de droit et la foi du public ukrainien dans les institutions démocratiques et les processus publics de leur gouvernement, y compris en utilisant son
influence politique et son pouvoir officiel pour son bénéfice personnel. »
Encore une fois, ce n’est pas une révélation, étant donné que Nuland a joué un rôle dans le retrait de Kolomoisky de la liste noire la première fois, à l’époque où
Blinken était conseiller adjoint à la sécurité nationale sous Obama. Blinken n’a même pas mentionné le pillage présumé de Kolomoisky aux États-Unis.
La marionnette de l’intrigue
En 2019, juste après que Zelensky a remporté son élection, Kolomoisky signalait qu’il était prêt à verser de l’huile sur les eaux troubles et à faire la paix avec
la Russie. La guerre civile dans l’est de l’Ukraine avait fait jusqu’à présent plus de 14 000 morts. L’oligarque a déclaré que c’était suffisant : « Ils sont de toute façon plus forts. Nous devons améliorer nos
relations », a-t-il déclaré à propos de la Russie et de l’Ukraine, selon le New
York Times. Mais il a également vu un obstacle : « Les gens veulent la paix, une bonne vie, ils ne veulent pas
être en guerre. Et vous [Washington] nous obligez à être en guerre, et ne nous donnez même pas l’argent pour cela. »
Les États-Unis ont-ils sanctionné le patron de Zelensky, comme ils l’avaient fait pour Firtash, pour le pousser dans la bonne direction ?
Dans le cas Firtash, les États-Unis avaient menacé de l’arrêter pour corruption afin de faire pression sur Yanukovych pour qu’il signe un accord commercial avec
l’UE. Mais cet accord était, en réalité, un stratagème pour déstabiliser l’économie russe.
Bien qu’il ait été qualifié de simplement « pro-russe », M. Ianoukovitch, comme l’expliqueThe
Economist, préférait « préserver le statu
quo et s’abstenir de rejoindre l’un ou l’autre camp tout en continuant à traire [l’UE et la Russie] ». Et c’est ainsi que les États-Unis ont pressé leur ami pour encourager Ianoukovitch
à pencher dans la direction souhaitée. « S’il
fallait persuader Ianoukovitch de changer d’avis, la menace de mettre son parrain Dmitry Firtash derrière les barreaux était un puissant levier à actionner », écrit
Cockburn. « Quatre jours plus tard, Ianoukovitch
signalait qu’il était prêt à signer, après quoi Washington levait la demande d’emprisonnement de son allié milliardaire. »
Mais Ianoukovitch a changé de cap et a accepté une contre-offre de Moscou, il est donc devenu le point de mire d’une révolution de couleur. Toujours selon Cockburn
: « Des manifestations de rue à Kiev ont suivi,
soutenues avec enthousiasme par Nuland, qui a même distribué des biscuits en remerciement aux
manifestants. »
Yanukovych a fui Kiev le 22 février. Quatre jours plus tard, Washington renouvelait ses efforts pour arrêter Firtash. « Ils l’ont fait en bonne et due forme. Brièvement emprisonné,
Firtash a déposé l’équivalent d’une caution de 174 millions de dollars et a attendu qu’un tribunal se prononce sur son appel contre l’extradition. »
La question de savoir si quelque chose de similaire s’est produit avec l’oligarque de Zelensky est une autre bonne question ; une question à laquelle on ne répondra
probablement pas de sitôt.
Le grand mensonge
La guerre a complètement réinventé Zelensky, sauvant ainsi sa présidence entachée de scandales et marquée par des promesses non tenues. Comme le montre
un sondage de
l’Institut international de sociologie de Kiev, seuls 24 % des électeurs le soutenaient fin janvier. Mais aujourd’hui, grâce à l’adoption par l’Occident de la nouvelle personnalité de l’acteur,
qui le place souvent hors d’atteinte de tout reproche, Zelensky est devenu le bénéficiaire d’une adoration sans réserve et d’énormes quantités d’aide internationale. « Avant la guerre, les États-Unis envoyaient 300 millions de
dollars par an à l’Ukraine », a déclaré à
NPR Mark Cancian, conseiller principal au Centre d’études internationales et stratégiques. « Maintenant, nous fournissons 100 millions de dollars par
jour » à ce qui était jusqu’à récemment considérée comme « la
nation la plus corrompue d’Europe », rapporte (le seul de tous les journaux) The Guardian.
À ce jour, le gouvernement américain est en passe de fournir à
lui seul plus de 50 milliards de dollars d’aide totale à l’Ukraine. À titre de comparaison, le ministère de la sécurité intérieure a estimé que
le mur frontalier proposé par Trump coûterait environ 21,6 milliards de dollars. Les Républicains, en particulier, ont passé les deux premières années du mandat de Trump à résister à ses efforts
pour financer et construire le mur, avant d’accepter à
contrecœur de soutenir une fraction seulement de ce qu’ils ont approuvé pour l’Ukraine au pied levé, allant même jusqu’à contester le patriotisme de leurs détracteurs.
Quelle est la probabilité que ces milliards d’aide internationale disparaissent dans des poches bien connectées ?
Personne ne pose ces questions ou toute autre question importante. Tout comme personne ne s’est demandé s’il était étrange que Zelensky déclare que
la Russie devrait « tuer tous les
résidents » de la capitale ukrainienne pour la prendre et l’atteindre lui. Cela semble être le prix élevé que le « serviteur du peuple » est prêt à faire payer
aux Ukrainiens, et que Washington est heureux de laisser les Américains subventionner.
Padro
Gonzalez
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
La face cachée de Volodymyr Zelensky
Guy Mettan sur FB, 27 mai 2022
« Héros de la liberté », « Hero of Our Time », « Der Unbeugsame », « The Unlikely Ukrainian Hero Who Defied Putin and United the World », « Zelensky,
l’Ukraine dans le sang » : les médias et les dirigeants occidentaux ne savent plus quels superlatifs utiliser pour chanter les louanges du président ukrainien, tant ils sont fascinés par la «
stupéfiante résilience » du comédien miraculeusement transformé en « chef de guerre » et en « sauveur de la démocratie. »
Depuis trois mois, le chef d’Etat ukrainien fait la une des magazines, ouvre les téléjournaux, inaugure le Festival de Cannes, harangue les parlements, félicite et
admoneste ses collègues à la tête d’Etats dix fois plus puissants que lui avec un bonheur et un sens tactique qu’aucun acteur de cinéma ni aucun dirigeant politique avant lui n’avait
connus.
Comment ne pas tomber sous le charme de cet improbable Mr. Bean qui, après avoir conquis le public avec ses grimaces et ses extravagances (se promener nu dans un
magasin et mimer un pianiste jouant avec son sexe par exemple), a su en une nuit troquer ses pitreries et ses jeux de mots graveleux contre un T-shirt gris-vert, une barbe d’une semaine et des
mots pleins de gravité pour galvaniser ses troupes assaillies par le méchant ours russe ?
Depuis le 24 février, Volodymyr Zelensky a, sans conteste, administré la preuve qu’il était un artiste de la politique internationale aux talents exceptionnels.
Ceux qui avaient suivi sa carrière de comique n’ont pas été surpris car ils connaissaient son sens inné de l’improvisation, ses facultés mimétiques, son audace de jeu. La façon dont il a mené
campagne et terrassé en quelques semaines, entre le 31 décembre 2018 et le 21 avril 2019, des adversaires pourtant coriaces comme l’ancien président Porochenko, en mobilisant son équipe de
production et ses généreux donateurs oligarques, avait déjà prouvé l’ampleur de ses talents. Mais il restait à transformer l’essai. Ce qui est désormais fait.
Talent pour le double jeu
Cependant, comme c’est souvent le cas, la façade ressemble rarement aux coulisses. La lumière des projecteurs cache plus qu’elle ne montre. Et là, force est de
constater que le tableau est moins reluisant : tant ses réalisations de chef d’Etat que ses performances de défenseur de la démocratie laissent sérieusement à désirer.
Ce talent pour le double jeu, Zelensky va le montrer dès son élection. On rappelle qu’il a été élu le avec le score canon de 73,2 % des voix en promettant de mettre
fin à la corruption, de mener l’Ukraine sur le chemin du progrès et de la civilisation, et surtout de faire la paix avec les russophones du Donbass. Aussitôt élu, il va trahir toutes ses
promesses avec un zèle si intempestif que sa cote de popularité tombera à 23% en janvier 2022, au point de se faire distancer par ses deux principaux adversaires.
Dès mai 2019, pour satisfaire ses sponsors oligarques, le nouvel élu lance un programme massif de privatisation du sol portant sur 40 millions d’hectares de bonnes
terres agricoles sous prétexte que le moratoire sur la vente des terres aurait fait perdre des milliards de dollars au PIB du pays. Dans la foulée des programmes de « décommunisation » et de «
dérussification » entamés depuis le coup d’Etat pro-américain de février 2014, il lance une vaste opération de privatisation des biens d’Etat, d’austérité budgétaire, de dérégulation des lois sur
le travail et de démantèlement des syndicats, ce qui fâche une majorité d’Ukrainiens qui n’avaient pas compris ce que leur candidat entendait par « progrès », « occidentalisation » et «
normalisation » de l’économie ukrainienne. Dans un pays qui, en 2020, affichait un revenu par habitant de 3726 dollars contre 10 126 dollars pour l’adversaire russe, alors qu’en 1991 le revenu
moyen de l’Ukraine dépassait celui de la Russie, la comparaison n’est pas flatteuse. Et on comprend que les Ukrainiens n’aient pas applaudi cette énième réforme néolibérale.
Quant à la marche vers la civilisation, elle prendra la forme d’un autre décret qui, le 19 mai 2021, assure la domination de la langue ukrainienne et bannit le
russe dans toutes les sphères de la vie publique, administrations, écoles et commerces, à la grande satisfaction des nationalistes et à la stupéfaction des russophones du sud-est du pays.
Un sponsor en fuite
En matière de corruption, le bilan n’est pas meilleur. En 2015, le Guardian estimait que l’Ukraine était le pays le plus corrompu d’Europe. En 2021, Transparency
International, une ONG occidentale basée à Berlin, classait l’Ukraine au 122e rang mondial de la corruption, tout près de la Russie honnie (136e). Pas brillant pour un pays qui passe pour un
parangon de vertu face aux barbares russes. La corruption est partout, dans les ministères, les administrations, les entreprises publiques, le parlement, la police, et même dans la Haute Cour de
Justice Anti-Corruption selon le Kyiv Post ! Il n’est pas rare de voir des juges rouler en Porsche, observent les journaux.
Le principal sponsor de Zelensky, Ihor Kolomoïsky, résident à Genève où il possède des bureaux luxueux avec vue sur la rade, n'est pas le moindre de ces oligarques
qui profitent de la corruption ambiante : le 5 mars 2021, Anthony Blinken, qui ne pouvait sans doute pas faire autrement, annonçait que le Département d’Etat avait bloqué ses avoirs et l’avait
banni des Etats-Unis en raison « d’une implication pour fait significatif de corruption ». Il est vrai qu’on accusait Kolomoïsky d’avoir détourné 5,5 milliards de dollars de la banque publique
Privatbank. Simple coïncidence, le bon Ihor était aussi le principal actionnaire du holding pétrolier Burisma qui employait le fils de Joe Biden, Hunter, pour un modeste dédommagement de 50 000
dollars par mois, et qui fait aujourd’hui l’objet d’une enquête du procureur du Delaware. Sage précaution : Kolomoisky, devenu persona non grata en Israël et réfugié en Géorgie selon certains
témoins, ne risque ainsi pas de venir témoigner à la barre.
C’est ce même Kolomoïsky, décidément incontournable dans cette Ukraine en route vers le progrès, qui a fait toute la carrière d’acteur de Zelensky et qu’on retrouve
impliqué dans l’affaire des Pandora Papers révélée par la presse en octobre 2021. Ces papiers ont révélé que depuis 2012, la chaine de TV 1+1 appartenant au sulfureux oligarque avait versé pas
moins de 40 millions de dollars à sa vedette Zelensky depuis 2012 et que ce dernier, peu avant d’être élu président et avec l’aide de sa garde rapprochée de Kryvyi Rih - les deux frères Shefir,
dont l’un est l’auteur des scénarios de Zelenski et l’autre le chef du Service de sécurité d’Etat, et le producteur et propriétaire de leur société de production commune Kvartal 95 - avait
prudemment transféré des sommes considérables sur des comptes offshore ouverts au nom de sa femme, tout en acquérant trois appartements non déclarés à Londres pour la somme de 7,5 millions de
dollars.
Ce goût du « serviteur du peuple » (c’est le nom de sa série télévisée et de son parti politique) pour le confort non-prolétarien est confirmé par une photo
brièvement apparue sur les réseaux sociaux et aussitôt effacée par les fact-checkers anti-complotistes, qui le montrait prenant ses aises dans un palace tropical à quelques dizaines de milliers
de dollars la nuit alors qu’il était censé passer ses vacances d’hiver dans une modeste station de ski des Carpathes.
Cet art de l’optimisation fiscale et cette fréquentation assidue d’oligarques pour le moins controversés ne plaident donc pas en faveur d’un engagement présidentiel
inconditionnel contre la corruption. Pas plus que le fait d’avoir essayé de dégommer le président de la Cour constitutionnelle Oleksandr Tupytskyi, qui le gênait, et nommé premier ministre, après
le départ de son prédécesseur Oleksyi Hontcharouk pour cause de scandale, un inconnu du nom de Denys Chmynal mais qui avait le mérite de diriger l’une des usines de l’homme le plus riche du pays,
Rinat Akhmetov, propriétaire de la fameuse usine Azovstal, ultime refuge des héroïques combattants de la liberté du bataillon Azov. Combattants qui arborent sur leur bras, dans leur cou, dans
leur dos ou sur leur poitrine des tatouages glorifiant le Wolfsangel de la Division SS Das Reich, des phrases d’Adolf Hitler ou des croix gammées, comme on a pu le voir sur les innombrables
vidéos diffusées par les Russes après leur reddition.
Otage des bataillons Azov
Car le rapprochement du flamboyant Volodymyr avec les représentants les plus extrêmes de la droite nationaliste ukrainienne n’est pas la moindre des étrangetés du
Dr. Zelensky. Cette complicité a aussitôt été niée avec la plus grande virulence par la presse occidentale, qui l’a jugée scandaleuse en raison des origines juives du président, subitement
redécouvertes. Comment un président juif pourrait-il sympathiser avec des néo-nazis, par ailleurs présentés comme une infime minorité de marginaux ? Il ne faudrait tout de même pas donner du
crédit à l’opération de « dénazification » menée par Vladimir Poutine…
Et pourtant les faits sont têtus et loin d’être anodins.
Il est certain qu’à titre personnel Zelensky n’a jamais été proche de l’idéologie néo-nazie ni même de l’extrême-droite nationaliste ukrainienne. Son ascendance
juive, même si elle est relativement lointaine et n’a jamais été revendiquée avant février 2022, exclut bien évidemment tout antisémitisme de sa part. Ce rapprochement ne trahit donc pas une
affinité mais relève de la banale raison d’Etat et d’un mélange bien compris de pragmatisme et d’instinct de survie physique et politique.
Il faut remonter à octobre 2019 pour comprendre la nature des relations entre Zelensky et l’extrême-droite. Et il faut comprendre que ces formations
d’extrême-droite, même si elles ne pèsent que 2% de l’électorat, représentent tout de même près d’un million de personnes très motivées et bien organisées et qui se répartissent dans de nombreux
groupements et mouvements, dont le régiment Azov (cofondé et financé dès 2014 par Kolomoïsky, toujours lui !) n’est que le plus connu. Il faut lui ajouter les organisations Aïdar, Dnipro, Safari,
Svoboda, Pravy Sektor, C14 et Corps national pour être complet.
C14, baptisé ainsi en raison du nombre de mots de la phrase du néonazi américain David Lane (« We must secure the existence of our people and a future for white
children »), est l’un des moins connus à l’étranger mais les plus redoutés pour sa violence raciste en Ukraine. Tous ces groupements ont été plus ou moins fondus dans l’armée et la garde
nationale ukrainiennes à l’initiative de leur animateur, l’ancien ministre de l’Intérieur Arsen Avakov, qui a régné sans partage sur l’appareil de sécurité ukrainien de 2014 à 2021. Ce sont eux
que Zelensky appelle des « vétérans depuis l’automne 2019.
Quelques mois après son élection, le jeune président se rend en effet dans le Donbass pour tenter de réaliser sa promesse électorale et faire appliquer les accords
de Minsk signés par son prédécesseur. Les forces d’extrême-droite, qui pilonnent les villes des Donetsk et Lougansk depuis 2014 au prix de dix mille morts, l’accueillent avec la plus grande
circonspection car ils se méfient de ce président « pacifiste ». Ils mènent une campagne sans pitié contre la paix sous le slogan « Pas de capitulation ». Sur une vidéo, on voit un Zelensky blême
les implorer : « Je suis le président de ce pays. J’ai 41 ans. Je ne suis pas un loser. Je viens vers vous et vous dis : retirez les armes. » La vidéo est lâchée sur les réseaux sociaux et
Zelensky devient aussitôt la cible d’une campagne haineuse. C’en sera fait de ses velléités de paix et d’application des accords de Minsk.
Peu après cet incident, un retrait mineur des forces extrémistes a lieu, puis les bombardements reprennent de plus belle.
Croisade nationaliste
Le problème est que non seulement Zelensky a cédé à leur chantage mais qu’il les rejoint dans leur croisade nationaliste. Après son expédition ratée, en novembre
2019, il reçoit plusieurs leaders de l’extrême-droite, dont Yehven Taras, le chef du C14, tandis que son premier ministre s’affiche aux côtés d’Andryi Medvedko, une figure néo-nazie soupçonnée de
meurtre. Il soutient aussi le footballeur Zolzulya contre les fans espagnols qui l’accusent d’être un nazi à cause de son soutien proclamé à Stepan Bandera, le leader nationaliste qui a collaboré
avec l’Allemagne nazie pendant la guerre (et avec la CIA après la guerre) et participé à l’Holocauste des Juifs.
La collaboration avec les radicaux nationalistes est bien installée. En novembre de l’an dernier, Zelensky nomme l’ultra-nationaliste de Pravy Sektor Dmytro Yarosh
conseiller spécial du commandant en chef de l’armée ukrainienne et, depuis février 2022, chef de l’Armée des volontaires qui fait régner la terreur à l’arrière. Au même omet, il nomme Oleksander
Poklad, surnommé « l’étrangleur » en raison de son goût pour la torture, cher du contre-espionnage du SBU. En décembre, deux mois avant la guerre, c’est au tour d’un autre chef de Pravy Sektor,
le commandant Dmytro Kotsuybaylo, d’être récompensé par le titre de « Héros de l’Ukraine » tandis que, une semaine après le début des hostilités, Zelensky fait remplacer le gouverneur régional
d’Odessa par Maksym Marchenko, commandant du bataillon ultranationaliste Aïdar, celui-là même auprès duquel Bernard-Henri Lévy se fera une gloire de défiler.
Désir d’amadouer l’extrême-droite en lui confiant des postes ? Ultra-patriotisme partagé ? Ou simple convergence d’intérêt entre une droite néolibérale atlantiste
et pro-occidentale et une extrême droite nationaliste qui rêve de casser du Russe et de « mener les races blanches du monde dans une croisade finale contre les Untermenschen guidés par les
Sémites », selon les mots de l’ancien député Andryi Biletsky, chef du Corps national ? On ne sait trop, aucun journaliste ne s’étant hasardé à poser la question à Zelensky.
Ce qui ne fait aucun doute en revanche, c’est la dérive de plus en plus autoritaire, voire criminelle, du régime ukrainien. A tel point que ses zélotes devraient y
réfléchir à deux fois avant de proposer leur idole au prix Nobel de la Paix. Car, pendant que les médias regardent ailleurs, c’est une vraie campagne d’intimidation, de kidnappings et
d’exécutions que subissent les élus locaux et nationaux soupçonnés d’être des agents russes ou de connivence avec l’ennemi parce qu’ils veulent éviter une escalade du conflit.
« Un traitre de moins en Ukraine ! On l’a retrouvé tué et il a été jugé par le tribunal du peuple !» C’est ainsi que le conseiller du ministre de l’Intérieur, Anton
Gerashenko, a annoncé sur son compte Telegram le meurtre de Volodymyr Strok, maire et ancien député de la petite ville de Kremnina. Soupçonné d’avoir collaboré avec les Russes, il a été enlevé
puis torturé avant d’être exécuté. Le 7 mars, c’est au tour du maire de Gostomel d’être tué parce qu’il avait voulu négocier un corridor humanitaire avec les militaires russes. Le 24 mars, c’est
le maire de Kupyansk qui demande à Zelensky de relâcher sa fille enlevée par les séides du SBU. Au même moment, un des négociateurs ukrainiens est retrouvé mort après avoir été accusé de trahison
par les médias nationalistes. Pas moins de onze maires sont portés disparus à ce jour, y compris dans des régions jamais occupées par les Russes…
Partis d’opposition interdits
Mais la répression ne s’arrête pas là. Elle frappe les médias critiques, qui ont tous été fermés, et les partis d’opposition, qui ont tous été dissous.
En février 2021, Zelensky fait fermer trois chaînes d’opposition jugées pro-russes et censées appartenir à l’oligarque Viktor Medvedchuk, NewsOne, Zik et 112
Ukraine. Le Département d’Etat salue cet attentat contre la liberté de la presse en déclarant que les Etats-Unis soutiennent les efforts ukrainiens pour contrer l’influence maligne de la Russie…
» En janvier 2022, un mois avant la guerre, c’est au tour de la chaine Nash d’être fermée. Après le début de la guerre, le régime fait la chasse aux journalistes, blogueurs et commentateurs de
gauche. Début avril, deux chaînes de droite sont également touchées. Channel 5 et Pryamiy. Un décret présidentiel oblige toutes les chaines à diffuser un seul et unique son de cloche,
pro-gouvernemental bien sûr. Récemment la chasse aux sorcières s’est même étendue au blogueur critique le plus populaire du pays, le Navalny ukrainien, Anatoliy Shariy, qui été arrêté le 4 mai
dernier par les autorités espagnoles à la demande de la police politique ukrainienne. Des attaques contre la presse au moins équivalentes à celles de l’autocrate Poutine, mais dont on n'a jamais
entendu parler dans les médias occidentaux…
La purge a été encore plus sévère pour les partis politiques. Elle a décimé les principaux opposants de Zelensky. Au printemps 2021, le domicile du principal
d’entre eux, Medvedchuk, réputé proche de Poutine, est saccagé et son propriétaire placé en résidence surveillée. Le 12 avril dernier, le député oligarque a été interné de force dans un lieu tenu
secret, visiblement drogué, privé de visites avant d’être exhibé à la TV et proposé en échange de la libération des défenseurs d’Azovstal, au mépris de toutes les conventions de Genève. Ses
avocats, menacés, ont dû renoncer à le défendre au profit d’un proche des services.
En décembre dernier, c’est Petro Porochenko, qui remontait dans les sondages, qui a été accusé de trahison. Le 20 décembre 2021 à 15h07, on pouvait lire sur le site
officiel du SBU qu’il était suspect d’avoir commis des crimes de trahison et de soutien à des activités terroristes. L’ancien président, qui était pourtant un antirusse forcené, se voyait
reprocher « d’avoir rendu l’Ukraine énergétiquement dépendante de la Russie et des leaders des pseudo-Républiques sous contrôle russe. »
Le 3 mars dernier, ce sont les activistes de la Gauche Lizvizia qui subissent un raid du SBU et son emprisonnés par douzaines. Puis le 19 mars, la répression frappe
l’ensemble de la gauche ukrainienne. Par décret, onze partis de gauche sont interdits, soit le Parti pour la vie, l’Opposition de gauche, le parti socialiste progressiste d’Ukraine, le parti
socialiste d’Ukraine, l’union des forces de gauche, les Socialistes, le Parti Sharyi, Les Nôtres, Etat, le Bloc d’opposition le Bloc Volodymyr Saldo.
D’autres activistes, blogueurs et défenseurs des droits de l’Homme sont arrêtés et torturés, le journaliste Yan Taksyur, l’activiste Elena Brezhnaya, le boxeur de
MMA Maxim Ryndovskiy ou encore l’avocate Elena Viacheslavova, dont le père était mort carbonisé dans le pogrom du 2 mai 2014 à la Maison des syndicats d’Odessa.
Pour compléter cette liste, on mentionnera encore ces hommes et ces femmes déshabillés et fouettés en public par les nationalistes dans les rues de Kiev, ces
prisonniers russes battus et dont on tirait dans les jambes avant de les exécuter, ce soldat à qui on avait percé un œil avant de le tuer, ces membres de la Légion géorgienne qui ont exécuté de
prisonniers russes dans un village près de Kiev tandis que leur chef se vantait de ne jamais faire de prisonnier. Sur la chaine Ukraine 24, c’est le chef du service médical de l’armée qui indique
avoir donné l’ordre « de castrer tous les hommes russes parce qu’ils sont des sous-hommes pires que des cafards. » Enfin, l’Ukraine recourt massivement à la technologie de reconnaissance faciale
de la société Clearview afin d’identifier les morts russes et de diffuser leurs photos sur les réseaux sociaux russes en les tournant en ridicule…
Un acteur à oscariser
On pourrait multiplier les exemples, tant sont nombreuses les citations et les vidéos d’atrocités commises par les troupes du défenseur de la démocratie et des
droits humains qui préside aux destinées de l’Ukraine. Mais ce serait fastidieux et contre-productif auprès d’une opinion publique convaincue que ces comportements barbares sont uniquement dus
aux Russes.
C’est pourquoi aucune ONG ne s’en alarme, le Conseil de l’Europe reste coi, le Tribunal pénal international n’enquête pas, les organisations de défense de la
liberté de la presse restent muettes. Ils n’ont pas bien écouté ce que le gentil Volodymyr leur avait déclaré lors d’une visite à Butcha début avril : « Si nous ne trouvons pas une porte de
sortie civilisée, vous connaissez nos gens, ils trouveront une issue non-civilisée. »
Le problème de l’Ukraine est que son président, bon gré ou mal gré, a cédé son pouvoir aux extrémistes sur le plan intérieur et aux militaires de l’OTAN sur le plan
extérieur pour s’adonner au plaisir d’être adulé par les foules du monde entier. N’est-ce pas lui qui déclarait à un journaliste français le 5 mars dernier, dix jours après l’invasion russe : «
Aujourd’hui, ma vie est belle. Je crois que je suis désiré. Je sens que c’est le sens le plus important de ma vie : être désiré. Sentir que vous n’êtes pas banalement en train de respirer,
marcher et manger quelque chose. Vous vivez ! ».
On vous l’a dit : Zelenski est un grand acteur. Comme son prédécesseur qui avait incarné le Dr. Jekill & Mr. Hide en 1932, il mérite de gagner l’Oscar du
meilleur rôle masculin de la décennie. Mais quand il devra s’atteler à la tâche de reconstruire son pays dévasté par une guerre qu’il aurait pu éviter en 2019, le retour à la réalité risque
d’être difficile.
Sources
Olga Rudenko, The Comedian-Turned-President is Seriously in Over His Head, New York Times, February 21, 2022 (Opinion Guest from Kyyiv Post).
Consortium News, Alex Rubinstein and Max Blumenthal, How Zelensky made Peace With Neo-Nazis, March 4 and Zelensky’s Hardline Internal Purge, April 20, 2022.
The Grayzone, Natylie Baldwin, Olga Baysha Interview about Ukraine’s President, April 29, 2022.
President of Ukraine Zelensky has visited disengaging area in Zolote today, @Liveupmap, 26 October 2019 (Watch on Twitter).
Adrien Nonjon, Qu’est-ce que le régiment Azov ? The Conversation, 24 mai 2022.
US Department of State, Public Designation of Oligarch and Former Ukrainian Public Official Ihor Kolomoyskyy Due to Involvement in Significant Corruption, Press
statement, Anthony J. Blinken, March 5, 2021.
Security Service of Ukraine, Petro Poroshenko notified of suspicion of treason and aiding terrorism, ssu.gov.ua, 20 December 2021.
Michel Pralong, Un maire ukrainien prorusse enlevé et abattu, Lematin.ch, 3 mars 2022
Il y a plusieurs sujets
de discussion qui sont surveillées concernant les plans et les développements faits par l’Occident pour ouvrir les ports commerciaux ukrainiens de la mer Noire. Un pot-pourri d’articles est
apparu récemment sur les expéditions de céréales depuis la Russie et la pénurie de céréales causée par le conflit. Comme toujours, ces articles des médias institutionnels occidentaux font partie
d’un effort de propagande visant à dépeindre la Russie sous le pire jour possible, des articles avec peu ou pas de preuves, juste des allégations, des données faussées ou des omissions flagrantes
d’informations gênantes mais cruciales. Cet article décrit les développements et les problèmes liés aux ports ukrainiens de la mer Noire, où la navigation commerciale est piégée, à l’OTAN ainsi
qu’aux activités ukrainiennes liées à la navigation en mer Noire.
Soyez indulgent avec moi alors que je me faufile entre plusieurs sujets distincts centrés sur les ports ukrainiens qui ne sont plus en activité. Les principaux
commentaires sont divisés en deux grandes parties avec une analyse sur les éléments maritimes.
Partie 1 – Les ports de la mer Noire et les exportations des récoltes
Affirmation 1
: La Russie utilise le blocus des exportations de céréales ukrainiennes comme un outil de pression sur le monde entier.
Déclaration 2
: (tiré de The Economist)
Comment débloquer les ports ukrainiens pour soulager la faim dans le monde. Il y a peu d’options pour que le grain ukrainien atteigne le marché global.
Déclaration 3 : « La Russie vole les céréales de l’Ukraine ». Absurdités et allégations non vérifiées.
Des images exclusives de la compagnie étasunienne Maxar Technologies montrent les forces russes en train de voler le grain dans les ports ukrainiens.
Déclaration 1 et
Déclaration 2
Les médias occidentaux sont passés maîtres dans l’art de la tromperie. Ils fournissent juste assez d’informations pour créer un récit, mais omettent délibérément
des informations ou des données de base pour donner au récit un aspect négatif. À première vue, ce récit est tellement biaisé que beaucoup s’empresseront de le rejeter comme une absurdité. Je
serais prudent car les États-Unis, l’UE et l’OTAN déploient un effort narratif bien plus large. Il est exaspérant de laisser entendre qu’une crise alimentaire mondiale est imminente uniquement
parce que les ports ukrainiens ne sont pas en mesure d’exporter les récoltes.
L’Ukraine continue à exporter des céréales via les ports roumains, qui continuent à fonctionner normalement, en particulier Constanta, comme le
rapporte DW (DW
avril 2022). On prévoit que 1,5 million de tonnes (mmt) de céréales ukrainiennes seront exportées par les ports roumains au cours du seul mois de mai et que 3 mmt pourront être exportées dans
un avenir proche. (Reuters mai
2022), (Reuters 24
avril 2022)
Même si le débit ne sera pas du même ordre que celui d’Odessa, par exemple. Même la Lituanie a déclaré qu’elle pouvait contribuer à l’exportation de céréales
ukrainiennes grâce à son réseau ferroviaire et à ses ports. En outre, l’utilisation du Danube comme voie navigable de transport vers les ports de l’UE se fait par le biais de barges à partir de
ports intérieurs, ainsi que des propositions d’utilisation des ports de l’Adriatique (HINA
24 mai 2022).
Le transport routier est utilisé pour acheminer les récoltes vers les plateformes portuaires roumaines. Il n’est pas aussi rapide non plus, mais il se fait malgré
les goulets d’étranglement aux points frontaliers. Le réseau ferroviaire ukrainien est déjà sous pression avec les expéditions militaires et l’infrastructure ferroviaire a par conséquent été
dégradée lors des frappes aériennes russes et ne peut donc être utilisée que de manière limitée, (Zdopravy
cz en tchèque).
Navires de charge, dont certains seront des vraquiers, au mouillage au large du nord de la Roumanie Source : AIS de trafic maritime. (Tous ne sont pas des
céréaliers mais cela montre la congestion du trafic).
Sky News a exceptionnellement pu avoir accès au port d’Odessa où plus d’un quart de million de tonnes de grain sont bloqués depuis des mois sans moyen de
rejoindre la mer.
The Economist cite
le chef du Programme Alimentaire Mondial qui a déclaré : « au cours des neuf prochains mois, nous verrons la famine, nous
verrons la déstabilisation des nations et nous verrons une migration massive ». Par ailleurs, le secrétaire général des Nations unies a lancé un appel à la Russie pour qu’elle
permette « l’exportation en toute sécurité des
céréales stockées dans les ports ukrainiens ». Il y a beaucoup de choses à déballer en ce qui concerne l’ensemble du récit en train d’être diffusé.
The Kyiv Independent Zelensky : La Russie bloque 22 millions de tonne de grain dans les ports ukrainiens. Le président ukrainien ajoute que le Russie vole les récoltes de l’Ukraine. Selon le ministre ukrainien de l’agriculture, les exportations de grains sont
limitées à 500 tonnes par mois comparées aux 5 millions d’avant-guerre.
Pourtant, NEXTA utilise des chiffres différents. Qui a raison ? Le principal terminal céréalier d’Odessa a une capacité de stockage de 5 millions de tonnes. D’où
vient le chiffre de 25 millions de tonnes (mmt) de céréales, ci dessous ? Je soupçonne que les chiffres sont susceptibles d’être amplifiés pour créer une image plus inquiétante.
25 millions de tonnes de grain sont bloqués dans le port d’Odessa et, en général, à cause du blocus du port par la Russie, l’Ukraine ne peut pas exporter 90
millions de tonnes de grain, perdant ainsi 170 millions de $ par jour.
Sur un point trivial, une fois de plus il y a des aspects qui ne collent pas, 5 à 9 semaines d’attente pour l’exportation des récoltes (NEXTA) contre 6 jours (Sky
News 23 mai 2022). Revenons au tableau d’ensemble, absent du récit des médias. Regardons brièvement les chiffres sur les exportations de céréales pour avoir une vision plus large du
sujet.
2020-2021
2021-2022 (prévisions )
Production céréalière ukrainienne
65 mmt
80 mmt
Production céréalière russe
85 mmt
85 mmt
Comme l’a rapporté Reuters cette semaine, l’Ukraine a quand même réussi à exporter des récoltes : « Les données du ministère ont montré que l’Ukraine a exporté
46,51 mmt jusqu’à présent au cours de la saison 2021/22 juillet-juin, contre 40,85 mmt la saison d’avant. » (Reuters 19
mai 2022)
Franchement, 22 mmt de céréales ne changeront pas grand-chose à la pénurie mondiale en l’état actuel des choses. Paradoxalement, l’Ukraine paie les armes fournies
par l’Occident grâce aux exportations de céréales. Est-il surprenant que l’Ukraine veuille utiliser Odessa pour expédier ses 70% d’exportations prévues de récoltes de céréales et d’autres
produits, afin de pouvoir continuer à payer les livraisons d’armes ? Les exportations ukrainiennes ont largement été transférées vers la Roumanie, à en juger par l’encombrement des navires
observé sur l’AIS.
Il est important de noter qu’aucun des experts occidentaux ou des médias corporatifs n’a été capable de mentionner le fait que la Russie est le plus grand
exportateur de céréales au monde, environ 4 fois la quantité de blé que l’Ukraine produit, environ 18% des exportations mondiales et cette année, on s’attend à une récolte record. Selon le
rapport STAT de la FAO, l’Ukraine était le 8e plus grand producteur de blé, tandis que la Russie était en troisième position en 2020, derrière la Chine et l’Inde.
Ces chiffres changent radicalement lorsqu’on examine les données relatives aux plus grands exportateurs de blé :
La crise en Ukraine risque de faire augmenter le prix du blé. Les plus grands exportateurs de blé (en tonnes)
La récolte de blé russe pourrait atteindre 85,0 mmt cette année, et le pays a le potentiel d’exporter 39,0 mmt, bque l’on s’attende à ce que les exportations de
récoltes soient freinées. En fait, les médias institutionnels brouillent soigneusement les pistes en fusionnant les données de production et d’exportation des deux pays. Par
exemple, The Guardian affirme
que « les 41 nations les moins développées du
monde importent un tiers de leur blé d’Ukraine et de Russie. »
Après avoir vérifié que l’Ukraine exporte toujours ses produits, passons à l’autre aspect inquiétant, la crise alimentaire mondiale et la faim. En bref, la crise
alimentaire mondiale n’a pas été déclenchée par le conflit ukrainien actuel, mais a en fait commencé à la mi-2021. Un autre aspect est que les conditions mondiales pour le blé sont les pires
depuis plus de 20 ans en raison des conditions de sécheresse, (World
Grain 23 mai 2022) qui ont sévèrement réduit la production de céréales et la récolte.
« Je partage ces
informations parce que nous pensons qu’il est important que vous compreniez tous que même si la guerre prenait fin demain, notre problème de sécurité alimentaire ne disparaîtra pas de sitôt sans
une action concertée », Sara Menker, directrice générale de Gro Intelligence.
Pourtant, le chœur des États-Unis, de l’UE et de l’ONU a commodément sauté dans le train de l’attribution de la faute à la Russie, comme le souligne le titre de cet
article :
Poutine affame des millions de gens dans le monde. Avec des prix alimentaires à un niveau jamais atteint, 276 millions de personnes sont en « insécurité alimentaire », plus du double par rapport à 2019.
Encore un titre qui brouille l’information pour servir la propagande contre la Russie. Vous savez qu’il s’agit clairement de propagande lorsque les articles ne
tentent même pas de présenter un point de vue russe.
La Russie est un énorme exportateur de céréales et d’engrais, elle est donc en mesure de continuer à exporter ses produits. Toutefois, depuis que les États-Unis et
l’Union européenne ont imposé des sanctions, la Russie impose des conditions aux exportations, par rétorsion. De même que pour les exportations de pétrole et de gaz, la Russie va obliger les pays
hostiles à acheter à des prix élevés en roubles ou va complètement arrêter de leur vendre, tout en encourageant les pays neutres et amis du sud à acheter ses produits à un prix plus bas. Cette
situation a paralysé les États-Unis et l’UE, et les sanctions ont déjà eu un effet boomerang important.
J’ai brièvement abordé la question de la faim, même si je suis réticent à l’idée de l’approfondir, car c’est un peu trop pour un seul article, je me suis donc
contenté d’exposer brièvement les problèmes, d’en esquisser les grandes lignes. Il faudrait un article beaucoup plus long pour démonter étape par étape le récit artificiel et je pense que
d’autres personnes sont plus compétentes dans ces domaines.
Dans ce contexte d’histoire de grenier à blé ukrainien, de plus en plus de pays cessent d’exporter leurs cultures, exacerbant ainsi la crise alimentaire, alors que
les États membres de l’UE continuent d’encourager les agriculteurs à arrêter leur production. Il convient de mentionner à ce stade que la quasi-totalité de ce que l’on appelle la « communauté internationale » a empêché les
navires exploités, battant pavillon ou affrétés par la Russie de faire escale dans ses ports et que les compagnies maritimes ont réduit leurs services vers la Russie.
Déclaration
2
Comme nous l’avons déjà souligné, selon plusieurs articles des médias occidentaux, la Russie a contribué à une pénurie mondiale de céréales en envahissant
l’Ukraine. Cet angle spécifique est poussé conjointement par l’UE, le Royaume-Uni et les États-Unis. Cela devrait être classé dans la même catégorie que l’affirmation de l’administration de
Washington disant que le président Poutine est responsable de l’inflation galopante aux États-Unis.
Le point d’achoppement à noter est le « déblocage » des ports, car il y a une référence
implicite à des moyens militaires, en donnant des missiles à l’Ukraine pour détruire la marine russe, afin de permettre aux navires de naviguer dans la zone. Un autre angle est l’intervention
extérieure, les escortes navales des navires vers les ports ukrainiens. Ces aspects sont discutés plus en détail dans la partie 2.
Déclaration
3
CNN est la source
principale de toute désinformation, des agitateurs de première classe écrivant des articles basés sur des allégations. « Les forces russes volent des céréales dans les ports
d’Ukraine ». Comme mentionné, les images satellites proviennent de Sébastopol. Ce qui n’a pas été mentionné, c’est qu’il s’agit de la Crimée, qui fait partie de la Russie depuis
2014.
Cet instantané médiatique pourrait bien sembler anodin, mais là encore, cela fait partie d’un programme sous-jacent plus profond. Essentiellement, les Russes volent
leurs propres céréales, produites et récoltées il y a de nombreux mois, avant février. Ces affirmations ridicules font maintenant le tour des médias, alors même les services OSINT pro-occidentaux
jouent le jeu et suivent même les mouvements des vraquiers. Au même moment, NEXTA déclarait que la Russie avait volé environ 400 000 tonnes de céréales dans les régions occupées d’Ukraine, selon
la Verkhovna Rada. Un fait absolument sans
preuve, aucune information vérifiable sur la chaîne logistique allant du stockage au silo, juste une photo d’un navire chargeant des céréales depuis un silo portuaire.
Pourtant, la plupart des zones occupées sont en fait le Donbass, la DNR et la LNR qui essaient maintenant de remettre en service le port de Marioupol, ce qui est
décrit comme faisant partie du processus de vol d’autres récoltes. Peut-être que les chiffres couvrent également la région de Kherson. 400 000 tonnes, c’est une goutte d’eau dans l’océan par
rapport à la capacité agricole globale de l’Ukraine. « La plupart des 1,5 million de tonnes de céréales volées par la
Russie », dit l’Ukraine, eh bien en fait, ce chiffre correspond exactement au rapport d’août 2021 sur la quantité totale de récoltes en Crimée pour cette année-là, (RGRU août
2021).
Il s’agit d’une méthode éprouvée qui consiste à façonner des récits à partir d’images satellite, puis à créer une histoire à partir de ces images. Par conséquent,
ce type d’articles ne doit pas être immédiatement rejeté comme une absurdité et un tas de mensonges, mais considéré comme un piège médiatique. Ces articles doivent être totalement décortiqués et
démystifiés.
Les Ukrainiens aggravent chaque jour la situation par leur malveillance absolue à l’égard de la Russie. Les allégations de vol d’exportations de céréales sont un
moyen détourné d’entraver les exportations russes de la mer Noire, ce qui ne ferait qu’aggraver la crise alimentaire mondiale.
L’Ukraine a demandé à la Turquie d’interdire les navires russes transportant des céréales (Maritime
Executive, 17 mai 2022). L’Égypte et le Liban ont récemment refusé l’accostage d’un navire russe après avoir appris que la cargaison avait été volée à l’Ukraine (le même navire que sur
les images de CNN, également rapportées par le
tristement célèbre site ukrainien Peacemaker). Le
navire se trouve maintenant en Syrie. (CNN 12
mai 2022)
Le point de vue russe
Nous atteignons
maintenant les sommets de l’hypocrisie. Vous savez mieux que quiconque que la Russie NE BLOQUE PAS les exportations d’aliments hors des ports ukrainiens. Vous les avez minés et vous utiliser
les cargos étrangers comme remparts. Et la nourriture passant par voie terrestre ne va pas aux africains mais sert à payer vos factures d’armements.
La Russie
risque d’affamer des millions de personnes en bloquant nos ports. Avec nos partenaires, l’Ukraine a décidé d’ouvrir deux voies terrestres pour exporter de la nourriture et sauver l’Afrique et
d’autres régions de la famine. La Russie doit arrêter son blocus et permettre d’exporter librement.
Le tweet ci-dessus est le point de vue de la Russie, en quelques mots. C’est l’Ukraine qui a fermé ses ports le 24 février, en piégeant les navires y étant amarrés
et en posant peu après des mines le long de la côte. Les cargos piégés ne sont tout simplement pas autorisés à partir.
Ce récit a été élaboré depuis plusieurs mois maintenant, il a d’abord commencé par nier que l’Ukraine a posé des mines marines pour arrêter un éventuel assaut
amphibie russe sur ses côtes, principalement dans la région d’Odessa. Pratiquement tous les médias et experts occidentaux ont repris la position ukrainienne selon laquelle c’était des mines
marines russes. Comme l’indiquent les communiqués de presse du ministère de la Défense et des autorités maritimes russes, les mines ukrainiennes ont dérivé dans toute la mer Noire.
On estime que 200 à 400 mines d’ancrage ont été posées autour d’Odessa et au nord-ouest de la mer Noire. En février, certaines d’entre elles se sont détachées de
leurs chaînes, pendant des tempêtes, et ont ensuite dérivé vers le sud, portées par le courant. Quelques mines ont, à plusieurs reprises, temporairement fait fermé le Bosphore au transit
maritime.
L’une d’entre elles, neutralisée par la marine roumaine, était une ancienne mine marine portant des marques ukrainiennes distinctes (Mangalia
News, 3 avril 2022).
Du au danger posé par les mines, la navigation est interdite jusqu’au prochain avis dans les régions délimitées :
Appels à la levée d’un blocus
Nous avons maintenant le récit du blocus des cultures céréalières par la marine russe, lié aux alarmes d’une famine mondiale, opportunément provoquée par la Russie,
(comme indiqué précédemment dans la première partie). Des appels ont été lancés pour que des navires de l’OTAN escortent les vraquiers en mer Noire. Un léger problème se pose alors : qui devra
déminer les ports ukrainiens ? L’Ukraine ou l’OTAN ? L’envoi de navires sera une entreprise très dangereuse, ne serait-ce qu’en raison du risque de dérive des mines marines (voir la section sur
l’analyse maritime ci-dessous).