Boris Johnson, l’homme qui fera l’Histoire ?

...par Henri Temple - Le 27/07/2019.

Nous empruntons la question, avec la permission de son auteur, à l’excellente et bien connue Lettre de Léosthène de conjoncture géopolitique. Depuis mardi, Euronews, la chaîne d’information continue, subventionnée par la Commission de Bruxelles et propriété d’un milliardaire égyptien, peint un portrait au vitriol de Boris Johnson, le nouveau Premier ministre britannique : le système semble paniquer.

Pourtant, la presse britannique, même le Sun, évoque à son sujet la figure emblématique de Winston Churchill, ce « rebelle conservateur ». En effet, « Bojo » lui a consacré une biographie, How One Man Made History, ce qui semble être aussi son projet personnel. Comme le rappelle la Lettre, Chamberlain et Halifax voulaient négocier avec Hitler, alors que Churchill, lui aussi ex-journaliste, contesté, moqué, décrié même dans son parti (comme Bojo), n’en voulait à aucun prix. Theresa May voulait négocier avec Bruxelles et a échoué, son laborieux projet ayant été refusé trois fois aux Commons. Boris Johnson dit qu’il préférera un no deal à un mauvais accord.

Sur le plan tactique, il a raison, car les gratte-papier de Bruxelles sont terrorisés par l’idée d’une contagion possible ailleurs en Europe. Certes, Bojo sera confronté au vote de confiance du Parlement et la question sera de savoir si le nombre de députés d’opposition qui la lui accorderont compensera les défections redoutées de quelques députés conservateurs. Sa marge est très faible .

À Bruxelles, Paris, Berlin, on laisse déjà entendre qu’il faut absolument trouver un accord. On redoute la personnalité de Bojo. Car tous savent qu’ils auront besoin les uns des autres. Notamment pour la défense, au moment où un autre « riche tempérament masculin » affirme, aux USA, que l’OTAN lui coûte trop cher et que l’Europe doit envisager sa propre défense.

Alors, « Boris Johnson sera-t-il l’homme qui fera l’Histoire ? » La Lettre cite, sur ce point, l’opinion de l’historien et politiste John Laughland, qui connaît bien Bojo et le Parti conservateur : « Si le Parti conservateur n’acte pas le Brexit, il sera détruit électoralement. » Mais cela, les ennemis de M. Johnson, à Londres et sur le continent, voire les associations et ONG aux financements plus ou moins transparents, le savent aussi. De même que son concurrent aux aguets, Nigel Farage. M. Johnson est réputé volontaire et courageux. Il devra aussi être habile.

Pour trancher ce « nœud gordien », il lui faudra force et habileté. Ayant pratiqué à la fois les institutions européennes, leurs textes profus et confus, mais aussi la stratégie judiciaire, je lui donnerai le conseil suivant : si, au cours du mois d’août, une solution à la norvégienne ou à la suisse n’est pas acceptée, commencer par tenter de négocier des accords provisoires bilatéraux, donnant-donnant, d’abord avec les voisins dont la France (la seule frontière terrestre par le tunnel), les Pays-Bas, l’Irlande, le Danemark, mais aussi avec l’Italie de Conte, en marchandant en premier lieu la situation des personnes. 350.000 Français vivent au Royaume-Uni !

Le Royaume-Uni importe 10 milliards d’euros de denrées alimentaires du continent. Le solde excédentaire de la France avec le Royaume-Uni est de 3 milliards d’euros (données 2017). Si Bojo annonce son intention de ne rien changer sur ces positions établies, ce qui le rendra populaire chez nous, tous les autres pays voudront alors profiter des mêmes facilités.

Au demeurant, d’ailleurs, comme les Britanniques quittent le système bruxellois, il n’est juridiquement pas incohérent d’appliquer le droit britannique de la sortie de traités ou de la succession d’États plutôt que les règles bruxelloises.

 

Henri Temple

Universitaire, juri-économiste, expert international, dialecticien.

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