Editorial de Bernard Lugan

le 26/05/2016.



Deux dangers ont été exagérés : l’Etat islamique en Libye et Boko Haram au Nigeria. Aucun de ces deux périls n’est définitivement écarté, mais le premier est contenu quand le second recule. Tous deux ont initialement profité de situations politiques locales complexes et favorables avant de buter sur de solides définitions ethno-tribales.

En Libye, l’Etat islamique s’est implanté à Syrte, dans la zone tampon entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine. Interdisant le contact entre les forces du général Haftar et celles de Misrata, sa présence empêcha donc une guerre Cyrénaïque-Tripolitaine, ce qui permit aux deux principales forces militaires de Libye de consolider leur pouvoir sur leurs zones respectives d’influence. En Cyrénaïque, le général Haftar eut ainsi tout le loisir de liquider les dernières poches islamistes, cependant que Misrata apparaissait de plus en plus comme le principal acteur de Tripolitaine.

La présence de l’Etat islamique ne leur étant plus utile, les deux principaux belligérants vont donc se lancer dans une course à celui qui, le premier, reprendra Syrte et les ports pétroliers de la région. Avant de s’affronter directement.

L’Etat islamique qui ne dispose d’aucune base tribale et qui ne peut, comme au Levant, jouer de l’opposition chiites-sunnites, sera éliminé. Sauf naturellement si Misrata, donc la Turquie, a encore intérêt à sa survie. C'est en effet après la fin de l’Etat islamique que les choses sérieuses commenceront entre Misrata et la Cyrénaïque. Misrata, fief des Frères musulmans, est soutenue par la Turquie, le Qatar, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’Italie. Le général Haftar est  appuyé par les Emirats arabes, par l’Egypte et dans une certaine mesure par l'Arabie saoudite et la France.

Boko Haram fut un temps instrumentalisé à la fois par les politiciens musulmans nordistes et par le président chrétien sudiste. Les premiers voulaient affaiblir le second quand ce dernier espérait, en laissant le mouvement gagner le plus grand territoire possible, écarter des urnes des millions d’électeurs nordistes, ce qui lui aurait assuré la victoire aux élections présidentielles de 2015.

En 2014, quand les sultans nordistes comprirent que leur soutien à Boko Haram allait permettre la victoire électorale du président Goodluck Jonathan, ils changèrent de politique. Boko Haram fut alors isolé et réduit à sa base ethnique, c'est-à-dire le peuplement Kanouri, et se vit ainsi interdire toute expansion à la fois vers l’ouest et le sultanat de Kano et vers le sud et le sultanat de Yola. 

Le mouvement étant contenu, il ne reste plus aujourd’hui qu’à le réduire et c’est ce qui est actuellement en cours. L’éradication totale de Boko Haram ou de ses diverticules peut cependant prendre encore des années. Les actes terroristes ne sont donc pas terminés car il subsistera encore longtemps un foyer de déstabilisation dans le nord-est du Nigeria. Ce dernier pourrait à nouveau se développer si des évènements graves survenaient au Cameroun et au Tchad. 

Désormais, alors qu’au Nigeria, le plus difficile semble être passé, c’est donc sur les pays voisins que doit porter notre attention. Notamment au Cameroun où les élections de 2018 risquent d’avoir des effets dévastateurs dont pourraient profiter Boko Haram ou ses survivances.


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