Rachid Kassim, le nouveau gourou des djihadistes français


 

...par Louis de Raguenel - le 17/09/2016.

 

Louis de Raguenel est rédacteur en chef Internet du groupe Valmonde.

Source : http://www.asafrance.fr/item/libre-propos-de-louis-de-raguenel-rachid-kassim-le-nouveau-gourou-des-djihadistes-francais.html

 

Les assassins des policiers de Magnanville, du père Hamel, le tueur fou de Nice, les jeunes filles interpellées après la découverte de bonbonnes de gaz dans une voiture à côté de Notre-Dame de Paris et l’adolescent de 15 ans arrêté le 10 septembre ont un point commun : tous ont été en contact avec le Français Rachid Kassim, “alias” Ibn Qassim. 

Si le procureur de la République de Paris, François Molins, n’ose prononcer son nom, il l’assure : les jeunes femmes interpellées ce week-end après ce qui est présenté à tort comme un attentat déjoué, alors qu’il s’agit en réalité d’un attentat raté, ont été « téléguidées » par cet homme. Il est le nouveau visage du terrorisme qui frappe la France. Depuis plusieurs mois, les services de renseignements intérieurs (DGSI) et extérieurs (DGSE) tentent de cerner le profil de cet homme de 29 ans qui, après être apparu dans les « signaux faibles », a vu son dossier hissé au sommet de la pile des personnes les plus recherchées de France. Mais surtout les plus craintes. Son parcours présenté par certains comme “singulier” est en fait tristement banal, avec un décrochage puis une radicalisation inquiétante, mais que personne ne signalera à la police. On sait que l’homme est issu de l’union de parents algériens, arrivés en France grâce au regroupement familial.

Originaire de Roanne (Loire), il a été l’employé d’un centre social, où il était chargé d’accompagner les enfants à la cantine. « Un homme sans histoire », selon des proches. Quand on regarde de près, la réalité est tout autre. Il compose et chante du rap. Nom de scène : L’Oranais. Il croit en son talent et se produit même à la fête du parc des Sports de Roanne en, 2010. En 2011, Kassim enregistre son premier album, Première Arme ! Les titres des chansons répondent à la promesse de vente : « Je suis un terroriste », « l’Émeute enragée », « Rap attentat »… Le graphisme de la pochette est explicite : un cimeterre, le sabre conquérant.

Les paroles des onze chansons transpirent la violence : « Oui, pour la décapitation, je plaide coupable », « Je voulais être médecin, dorénavant j’aspire à devenir martyr », ou encore « dans ce pays, on viole la pudeur car c’est excitant »
Mal intégré, Rachid Kassim « souffre alors d’un manque de reconnaissance et est en quête d’un absolu », nous confie un enquêteur. Il fréquente de plus en plus la mosquée An-Nour de sa ville en 2010 et 2011. Souhaitant passer de la prière aux actes, il incite des amis à participer au djihad armé. Mises à part quelques connaissances sur Internet, il peine à trouver de l’aide pour réaliser son désir de combat au nom de l’islam. « Si tu continues, tu vas être mis dehors », le prévient le responsable de la mosquée, Abdennour Bentoumi, craignant d’avoir des ennuis, sans pour autant le signaler à la police. Se sentant frustré et incompris, le Roannais fait un voyage en Algérie en 2011 et revient « métamorphosé ». Il « présente alors tous les symptômes du barbu radicalisé », affirme aujourd’hui une source qui a reconstitué son parcours. Il ne boit plus, ne sort plus et demande à son employeur un espace de prière sur son lieu de travail. Continuant d’essuyer les plâtres, il part, en 2012, pour le djihad avec sa femme et ses trois enfants. Sa trace est perdue. Direction l’Égypte, puis l’Irak et aujourd’hui la Syrie. L’État islamique (EI), en pleine montée en puissance, l’aurait alors chargé de recruter des combattants français. Il utilise sa page Facebook, sous sa vraie identité, pour faire l’apologie du djihad et crier sa détestation de l’Occident. Mais très rapidement, il coupe tout et ferme son compte. Si on ignore dans le détail son véritable rôle au sein de l’organisation terroriste entre 2012 et 2015, « tout pousse à croire qu’il a participé de près à des actions terroristes particulièrement “gore” », nous confie-t-on. Il réapparaît sur Facebook en 2015, sous le nom de Nicole Ambrosia et « veut appeler “au réveil” des musulmans », selon l’Express.

Repéré, il est contraint de fonctionner de manière plus discrète. Une règle difficile à respecter pour lui, car, à l’image de l’organisation terroriste qu’il sert, Rachid Kassim est avant tout un communicant affable, naviguant parfois plus de six heures par jour sur les réseaux sociaux — Facebook et Telegram en particulier. Cette dernière application — que les services de renseignements ne parviennent pas à pénétrer — l’aidera d’ailleurs à devenir plus discret malgré lui, car elle est cryptée. Régulièrement, il y tient salon devant un public d’environ 200 personnes. Au menu, conseils, techniques pour éviter d’apparaître dans le viseur de l’antiterrorisme et “passage à l’acte”, c’est-à-dire attaque terroriste.

Dès son arrivée en Syrie, il suit les pas de son maître, Abou Mohamed al-Adnani, responsable des « opérations extérieures » de l’EI. L’homme, charismatique, présenté comme le numéro deux de l’organisation, lance, en 2014, une exhortation : « Si vous pouvez tuer un incroyant […] en particulier les méchants Français […], alors comptez sur Allah et tuez-les de n’importe quelle manière ». Il sera abattu, le 30 août 2016, à 30 kilomètres d’Alep par un drone américain MQ-1 Predator ou par un Soukhoï Su-24, selon les versions… Le Roannais applique à la lettre son appel. Son ombre plane partout : derrière le meurtre du couple de policiers à Magnanville, celui du père Hamel où il a aidé Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean. Il a même pris le contrôle du compte Telegram du premier après sa mort et s’en servira pour féliciter « ses frères » pour « les opérations », et publier une liste de personnalités « à exécuter ». Après le massacre de Nice, on le voit dans une vidéo, les yeux cerclés de khôl, féliciter le tueur, le Tunisien Mohamed Lahouaiej Bouhlel.

Couteau à la main, il décapite un otage syrien : « Regarde bien cette scène, François Hollande, elle va bientôt arriver sur tes propres citoyens […], telle est la rétribution du peuple criminel qu’est le peuple français ». Début août, il suggère de « remplir un véhicule de bouteilles de gaz […] et de se garer dans un endroit fréquenté… et boum ! ». Un appel qui ne restera pas longtemps sans réponse. En recrutant, la semaine dernière, de jeunes femmes radicalisées, Rachid Kassim a franchi un nouveau pas. Désormais connu du grand public, ce Français de Dae’ch est devenu l’ennemi public numéro un de son propre pays.

 


 Louis de Raguenel 
Adressé par Jean-François Mazaleyrat


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