La France peut-elle laisser sauter le verrou tchadien ?

...par Bernard Lugan - Le 19/04/2021.

Le 11 avril, au Tchad, au moment où se tenaient les élections présidentielles, une colonne rebelle venue de Libye a traversé le Tibesti, dans le nord du pays. Donnant le change, elle a laissé croire que son objectif était Faya, ce qui lui a permis d’y attirer les forces gouvernementales, l’ANT (Armée nationale tchadienne), dont une partie des meilleurs éléments se trouve actuellement au Mali en appui des forces françaises de Barkhane. 
Pendant ce temps, une colonne rebelle marchait vers le sud en longeant à l’ouest la frontière avec le Niger. Son but était-il de  prendre N’Djamena ou bien d’opérer une  diversion ? Quoiqu'il en soit, dans l’urgence, les forces gouvernementales directement commandées par le président Déby ont alors opéré un mouvement vers le sud, et, le 17 avril, elles ont accroché et détruit cette colonne rebelle à une centaine de kilomètres au nord de la ville de Mao. A ce moment-là, l’état-major tchadien a annoncé sa victoire.
Mais les forces gouvernementales étaient tombées dans un piège car les rebelles s’étaient divisés, seule une de leurs  colonnes étant entrée en contact avec l’ANT. Puis, lundi 19 avril, plusieurs attaques simultanées se déroulèrent, provoquant un mouvement de panique à N'Djaména où les ambassades américaine et britannique demandèrent à leurs ressortissants de quitter le pays. 
Pour mémoire, une précédente attaque avait eu lieu au mois de janvier 2019, déjà depuis la Libye. Mais en direction de l’Ennedi, cette fois quand des rebelles tchadiens dirigés par les frères Timan et Tom Erdibi, tous deux Zaghawa Bideyat et neveux du président Idriss Déby Itno avec lequel ils sont brouillés depuis 2004 avaient tenté de prendre N'Djamena, sous la bannière de l'UFR (Union des forces  de la résistance), un mouvement fondé au Darfour en 2009 et étroitement ethno-centré sur des fractions  Zaghawa et Tama. Les 4,5 et 6 février, l’aviation française avait détruit la colonne dans la région de Bao dans le nord-est de l'Ennedi, sauvant ainsi le régime du président Déby. 
Une intervention militairement justifiée du côté français car la sécurité du Tchad devait impérativement être garantie, faute de quoi l’avenir du G5 et de Barkhane aurait été compromis. D’autant plus qu’Idriss Déby Itno avait fait valoir un argument de poids auprès des autorités françaises à savoir que, faute d’aide française, il serait contraint de retirer son contingent du Mali. 
L’attaque qui se déroule actuellement est menée par le FACT (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad) bras armé des Toubou-Gorane du clan Daza. Son armement lui est largement fourni par la Turquie dont le but est de chasser la France  du Sahel central afin de pouvoir renouer avec sa pénétrante péri-tchadique, comme avant 1912, quand l’empire ottoman exerçait son autorité sur cette partie du Sahara (voir à ce sujet mon livre « Les Guerre du Sahel des origines à nos jours). Or, l'UFR vient d’apporter son soutien au FACT… ce qui pourrait signifier qu’en dépit de leurs multiples rivalités ethniques, toutes les forces rebelles auraient décidé de se coaliser contre le président Déby.
Ce dernier réussira-t-il une fois de plus à triompher de ses adversaires ? L’avenir le dira. Mais si son régime tombait, c’en serait fini du « verrou tchadien » avec toutes les conséquences régionales qui en découleraient…mais également de Barkhane dont l’état-major est, comme je n’ai cessé de le dire,  plus que très imprudemment installé à N’Djamena...
Le numéro du mois de mai de l’Afrique Réelle reviendra sur cette question.
Source : Blog B. Lugan

Bilan des combats :

Photos et vidéo aimablement communiquées par le Col. JP. Mugg.

No comment ! Notre cameraman a fait le déplacement de la zone de combat qui a opposé l'armée tchadienne aux éléments du FACT voici quelques images prises sur le lieu de la bataille du samedi 17 avril à Ziguey.


Idriss Déby est mort, exécuté ?

...par Abubakr Diallo - Le 21/04/2021.

Le président tchadien, à peine réélu pour un sixième mandat, selon les résultats provisoires de la Commission électorale nationale indépendante, est décédé des suites de blessures au cours des combats du week-end. Des questions se posent toutefois.

« Le président de la République, chef de l’État, chef suprême des armées, Idriss Déby Itno, vient de connaître son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad », a annoncé le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna.

Idriss Déby est mort au lendemain de la confirmation, par la Commission électorale indépendante, de la victoire, dès le premier tour, à l’élection présidentielle du 11 avril 2021. Il briguait, à 68 ans, un sixième mandat, après 30 ans passés au pouvoir. La question se pose de savoir si réellement Idriss Déby est mort sur le front du combat ou s’il a été exécuté. Affaire à suivre.

Le président tchadien Idriss Déby Itno est décédé, ce mardi 20 avril 2021, des suites de blessures reçues, alors qu’il commandait son armée dans des combats contre des rebelles. Les heurts se sont déroulés dans le Nord, pendant le week-end.

Toutefois, le Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad est pointé du doigt dans cette mort du dirigeant tchadien. Selon les dernières informations, c’est le fils du désormais ex-président qui prend les commandes de ce pays d’Afrique centrale.

source : https://www.afrik.com


Mort de Idriss Déby – La thèse du coup d’État plus que plausible

...par Serge Ouitona - Le 21/04/2021.

Idriss Déby Itno, maréchal et Président du Tchad n’est plus. C’est une évidence. Mais les circonstances de sa mort demeurent encore floues et soulèvent des interrogations qui suscitent des hypothèses. L’homme pourrait avoir été purement et simplement éliminé… par les siens.

Le monde entier a appris avec surprise ce mardi la mort du maréchal du Tchad, le président Idriss Déby Itno qui, selon les mots du haut commandement militaire, serait décédé des suites de blessures reçues sur le camp de bataille contre le Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT). « Le président de la République, chef de l’État, chef suprême des armées, Idriss Déby Itno, vient de connaître son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad », a annoncé le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna.

Les circonstances de ce décès continuent de susciter moult interrogations, surtout quand on voit la suite des événements : l’accaparement du pouvoir par les hommes en uniforme, avec la mise en place express d’un Conseil militaire de Transition (CMT) présidé par le propre fils du défunt Président, dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale, couvre-feu, fermeture des frontières, etc..

Tout ceci, alors que le pays est régi par une Constitution qui prévoit qu’en cas de vacance du pouvoir, « c’est le président de l’Assemblée nationale qui doit assurer l’intérim jusqu’aux nouvelles élections », comme l’a confié Évariste Ngarlem Toldé, doyen de la faculté des sciences juridiques et économiques de l’Université de Ndjamena à la BBC. Et l’universitaire de conclure : « ce conseil militaire de transition n’a pas sa place. Pour moi, c’est un coup d’État ».

De son côté, Faustin Facho Balaam, ex-ministre tchadien et réfugié politique, ne croit pas au décès d’Idriss Déby tel qu’annoncé par l’armée, c’est-à-dire des suites de blessures au front : « Je crois que c’est un coup d’État, ce n’est pas la mort au front », a-t-il confié aux confrères de la radio Deutsche Welle, avant de poursuivre : « Je crois que c’était un règlement de compte à l’intérieur ».

Comment ne pas aboutir à de pareilles conclusions quand on analyse objectivement le déroulé des événements, la rapidité avec laquelle les décisions ont été prises après la mort du président tchadien ? Comment ne pas aboutir à de pareilles conclusions quand beaucoup de questions restent sans réponses concernant les circonstances réelles de la mort de celui qui vient d’être réélu pour un sixième mandat ? Où exactement était le président Déby quand il a été atteint ? Combien de personnes sont tombées dans sa garde rapprochée ? Y a-t-il eu une faille dans son dispositif sécuritaire dirigé par son propre fils et désormais successeur, Mahamat Idriss Déby ?

Selon certaines sources non officielles, le désormais ex-président tchadien aurait été assassiné par sa propre garde, puisque selon ces sources, le cortège d’Idriss Déby serait resté loin de la zone de combats. Le mystère reste, pour l’instant, entier, mais il y a des raisons de douter de la rectitude des informations distillées par le haut commandement militaire tchadien. Peut-être qu’un jour, la vérité finira par poindre… à l’horizon.

source : https://www.afrik.com


Tchad : les clés de compréhension passent par la reconnaissance des fondamentaux ethno-claniques, non par les incantations démocratiques

...par Beranrd Lugan - Le 22/04/2021.

Dans l’incertitude actuelle, en dépit des rumeurs, des jeux politiques, des déclarations des-uns et des autres, des questions sur l’avenir du G5 Sahel, du jeu de plus en plus « clair » de la Turquie, de celui la Russie, de la Chine et de la navigation à vue de la France, l’essentiel est de voir que la question du Tchad est d’abord ethno-clanique.
Les Zaghawa, les Toubou du Tibesti (les Teda), les Toubou de l’Ennedi-Oum Chalouba (les Daza-Gorane) et les Arabes du Ouadaï sont divisés en une multitude de sous-groupes. Tous additionnés, ils totalisent moins d’un quart de la population du Tchad. Démocratiquement, c’est à dire « occidentalement » parlant, ils ne comptent donc pas puisque, toute élection « loyale » les écarterait mathématiquement du pouvoir. Or, ils constituent la fraction dominante de ce qui est devenu le Tchad. C’est autour de leurs rapports internes de longue durée, de leurs alliances, de leurs ruptures et de leurs réconciliations plus ou moins éphémères que s’est écrite l’histoire du pays depuis l’indépendance. C’est autour d’eux que se sont faites toutes les guerres du Tchad depuis 1963. C’est de leurs relations que dépend le futur du pays, la majorité de la population n’étant que la spectatrice-victime de leurs déchirements et de leurs ambitions. Voilà qui est difficile à faire comprendre aux universalistes démocrates du monde occidental.
Pour résumer la question :
- Idriss Déby Itno était Zaghawa du clan Bideyat. Or, les Zaghawa sont à ce point divisés que, depuis 2004, les frères Timan et Tom Erdibi, ses propres neveux, étaient en guerre contre lui. Comment vont donc maintenant se positionner les divers clans zaghawa dans la lutte pour le pouvoir ? Là est la première interrogation.
- Le nouveau chef de l’Etat, Mahamat Idriss Déby, l’un des fils d’Idriss Déby Itno est de mère gorane. Gorane est le nom arabe désignant les Toubou de l’Ennedi et d’Oum Chalouba dont la langue est le daza. Lui-même a épousé une Gorane. D’où la méfiance de certains Zaghawa qui considèrent qu’il n’est qu’en partie des leurs. Même si, par le passé, des alliances plus qu’étroites ont pu régulièrement associer Zaghawa et certains clans Gorane, que vont donc faire ceux des Gorane qui suivaient Idriss Déby ? Là est une deuxième grande question.
- Hinda, l’épouse favorite d’Idriss Déby Itno, est une Arabe du Ouadaï. Favorisé par Idriss Déby, son clan qui faisait partie du premier cercle présidentiel est détesté à la fois par les Zaghawa et par ceux des Gorane qui suivaient son mari. Quel est alors l’avenir du cercle arabe ouadaïen qui gravite autour d’Hinda ? S’il y avait rupture avec lui, la triple alliance ethno-clanique constituée par Idriss Déby serait alors réduite à deux, à savoir une fraction zaghawa et une fraction gorane.
 
Une autre grande question concerne les rebelles qui sont divisés en trois principaux mouvements militaires. Deux sont des émanations de certains clans toubou-gorane qui n’ont pas pardonné à Idriss Déby de s’être soulevé contre Hissène Habré, lui-même Gorane du clan Anakaza de la région d’Oum Chalouba :
- Idriss Déby a perdu la vie en combattant le Fact (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad). Fondé au mois d’avril 2016 par Mahamat Mahdi-Ali, le Fact rassemblait à l’origine des Toubou parlant le daza, donc essentiellement des Toubou-Gorane de l’Ennedi. En Libye, le Fact a combattu avec les milices de Misrata contre les forces du maréchal Haftar. Aujourd’hui, il est armé par la Turquie qui s’en sert dans sa poussée vers la région péri-tchadique, renaissance contemporaine de la grande politique ottomane de jadis dont le but était le contrôle de l’Afrique centrale et de ses ressources en ivoire et en esclaves.
- Au mois de juin 2016, les Toubou du clan Kreda qui sont également des locuteurs daza quittèrent le Fact pour suivre Mahamat Hassane Boulmaye qui fonda le Ccmsr (Conseil de commandement militaire pour le salut de la République).
- L’Ufr (Union des forces de la résistance) qui a été fondée en 2009, est essentiellement composée  de certains clans zaghawa et tama. Ce mouvement a, lui aussi, combattu les forces du général Haftar en Libye. C’est lui que l’aviation française a stoppé dans sa marche sur N’Djamena au mois de février 2019. L’Ufr aurait apporté son soutien au Fact.
Déstabilisée par sa mort, l’alchimie ethno-clanique constituée par Idriss Déby Itno est actuellement en ébullition. Si, à la faveur de ses rivalités internes et des règlements de compte qui s’annoncent, les Toubou refaisaient leur unité, comme en 1998 quand Youssouf Togoïmi fonda le Mdjt (Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad) pour fédérer les opposants toubou à Idriss Déby, et si l’une ou l’autre des fractions ou des sous-fractions de l’ancienne matrice ethno-clanique constituée autour d’Idriss Déby, rejoignait les rebelles, le régime de son fils serait alors extrêmement fragilisé.
Tout le reste, à commencer par les sempiternelles références à l’Etat de droit, par la psalmodie de la « bonne gouvernance » et par les artificielles incantations à la tenue d’élections, n’est hélas, et en réalité, que bavardage européo-centré… 
Pour tout ce qui concerne l’historique des complexités des rapports ethniques tchadiens, l’on se reportera à mon livre : Les Guerre du Sahel des origines à nos jours. Dans le numéro du mois de mai de l’Afrique Réelle que les abonnés recevront au début du mois, un dossier sera consacré à la question du Tchad.

Les colonnes rebelles jurent de marcher sur la capitale

...par Strategika 51 - Le 23/04/2021.

Véhicules 4×4 neufs et des armes de Libye et d’ailleurs, qui soutient les rebelles toubous du Nord ?

 

Ils viennent de rejeter la désignation du fils Deby Itno et de son clan guerrier des Zghawa en affirmant que le Tchad n’est pas une monarchie. D’autres groupes rebelles de l’est et du sud sont tentés par la reprise des armes.

 

Des rumeurs persistantes indiquent que le maréchal Khelifa Haftar soutient les rebelles tchadiens du Nord qu’il connaît particulièrement bien puisqu’il fut l’un des généraux libyens à avoir combattu lors de la guerre du Tchad contre la France dans les années 80.

Quoi qu’il en soit ce pays sera la proie de violents combats dans les jours à venir.

 

 

L’Union africaine semble être complètement déphasée par rapport à ce qui se passe actuellement au Sahel mais aussi en Afrique orientale. Le rôle désuet et passéiste de cette Organisation panafricaine l’a transformée en une sorte de Ligue arabe bis, laquelle est en mort clinique depuis des décennies.

 

Les multiples rébellions tchadiennes mettent en péril non seulement le pouvoir des Zghawa au Tchad mais également le dispositif militaire central français et l’ensemble des efforts de guerre fort onéreux de la France au Sahel.

 

source : https://strategika51.org

Les ONG et le Parlement européen réussiront-ils à provoquer la guerre civile au Tchad ?

... Bernard Lugan - Le 22/05/2021.

Alors que, par « miracle », le Tchad n’a pas ( encore ?) explosé après la mort d’Idriss Déby et cela, uniquement parce qu’un pouvoir fort a rempli le vide politique provoqué par sa disparition, le Parlement européen vient de sommer le CMT (Conseil militaire de transition),  d’entamer  d’ « urgence un processus démocratique pluraliste » en appelant à un surréaliste retour à l’ « ordre constitutionnel et au respect des valeurs démocratiques » par la remise du pouvoir à  des « acteurs de la société civile », afin de « garantir la transition pacifique au moyen d’élections démocratiques libres et équitables ».
 
Totalement ignorant des  failles de la tectonique ethnique tchadienne et de l’histoire chaotique du pays depuis les années 1960, aveuglé par l’idéologie démocratique, le « machin » bruxellois ne pouvait pas mieux faire pour mettre en place les conditions du chaos. Cette prise de position hors-sol ne doit pas étonner car, en vérité, cet aveuglement  est la conséquence du « lobbying » pratiqué par des ONG irresponsables qui tissent la toile  idéologique dans laquelle elles emprisonnent le parlement bruxellois. Derrière cette prise de position, l’on retrouve en effet, entre autres, la marque  de « Pain pour le Monde », l’organisation des églises protestantes et évangéliques allemandes, celle du « CCFD Terre solidaire », celle d’ « Agir ensemble pour les Droits humains, celle de « Misereor » l’organisme des évêques catholiques allemands » et celle d’Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture). Et la liste pourrait être poursuivie…
 
Ainsi, au nom des « vertus chrétiennes devenues folles », ces ONG largement confessionnelles ont consciencieusement entrepris de préparer la voie à la dislocation du Tchad, verrou essentiel de la stabilité régionale. En effet, si le CMT entamait un processus démocratique, l’ethno-mathématique électorale tchadienne donnerait le pouvoir aux plus nombreux, c’est-à-dire aux Sudistes. Or, depuis l’indépendance, la vie politique du Tchad tourne au contraire autour des principales ethnies nordistes, à savoir les Zaghawa, les Toubou du Tibesti (les Teda), les Toubou de l’Ennedi-Oum Chalouba (les Daza-Gorane) et les Arabes du Ouadaï qui totalisent moins de 25% de la population du pays (voir à ce sujet mon livre : Les guerres du Sahel des origines à nos jours). Or, les ONG et les députés européens refusent de voir que c’est autour de leurs rapports internes de longue durée, de leurs alliances, de leurs ruptures et de leurs réconciliations plus ou moins éphémères que s’est écrite l’histoire du pays depuis l’indépendance. C’est autour d’eux que se sont faites toutes les guerres du Tchad depuis 1963. C’est de leurs relations que dépend le futur du pays, la majorité de la population n’étant que la spectatrice-victime de leurs déchirements et de leurs ambitions. Nous voilà bien loi de la « démocratie parlementaire… »
 
Si les actuels dirigeants tchadiens cédaient au diktat européen inspiré par les ONG, le Tchad basculerait dans la guerre comme le Mali, avec des populations nordistes minoritaires refusant le totalitarisme démocratique sudiste reposant sur la seule loi du nombre. 
 
Le Tchad doit donc rejeter le chantage démocratique et son compère, l’odieux et hypocrite néocolonialisme  de la pitié et de l’émotionnel. Il en va en effet de la paix civile. Ne perdons pas de vue que ce fut le diktat démocratique imposé par la France socialiste au général Habyarimana qui réveilla puis exacerba les fractures de la société rwandaise, ce qui déboucha sur le génocide (voir à ce sujet mon livre Rwanda : un génocide en questions).
 
Plus généralement, et à moins de demeurer pour l’éternité des  colonisés, les Africains doivent chasser  les essaims des ONG qui s’abattent sur eux. Que peuvent en effet leur apporter à long terme ces organisations composées d’exclus, de laissés pour compte ou de retraités des pays du Nord dont les motifs altruistes masquent le fait qu’ils sont trop souvent eux-mêmes à la recherche de solutions à leurs propres problèmes existentiels ou matériels ? Sauf rares exceptions dans le domaine médical ou comme dans le cas de certaines organisations admirables comme l’est l’Ordre de Malte, ces « petits blancs » étouffent littéralement l’Afrique sous le poids de leurs jérémiades humanitaires, sous leurs « petits » projets aux « petites » capacités, portés par de « petites » ambitions, le tout soutenu par de « petits » moyens et surtout avec une absence totale de perspective et de coordination.
Source : Blog B. Lugan
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