SITUATION GENERALE (III)

 

La diplomatie américaine gagne du terrain au Moyen-Orient


Source : Le Saker francophone -Par M.K. Bhadrakumar – Le 15 avril 2024 –

Source : Indian Punchline

Avec le déclenchement de la guerre israélienne contre Gaza il y a six mois, un discours s’est répandu dans le marécage de la géopolitique, disant que les États-Unis sont pris dans un bourbier qui les obligerait à se replier en Eurasie et affaiblirait gravement la stratégie de l’administration Biden dans la région Asie-Pacifique.

On peut se demander dans quelle mesure Moscou et Pékin ont adhéré à ce discours, compte tenu de leur scepticisme lié à leur expérience passée des stratégies de politique étrangère des États-Unis. Quoi qu’il en soit, il apparaît que l’expansion de l’OTAN vers l’Est, la fin de l’hégémonie occidentale au Moyen-Orient et la stratégie d’endiguement des États-Unis à l’égard de la Chine sont interdépendantes. Le défi de l’administration Biden est de s’adapter à une nouvelle normalité.

 

Bien sûr, la situation comporte des variables – principalement les incertitudes quant à l’avenir de l’engagement des États-Unis. Aux États-Unis, il existe des visions radicalement différentes du rôle du pays dans le monde et de ses relations avec ses alliés. À l’étranger, on s’inquiète de l’isolationnisme et de la fiabilité des États-Unis, quel que soit le candidat qui remportera les élections en novembre.

Rien que la semaine dernière, alors que les tensions au Moyen-Orient augmentaient dangereusement, cela n’a pas empêché le président américain Joe Biden d’accueillir le premier ministre japonais Fumio Kishida pour une visite d’État véritablement historique. Le sous-texte, comme on pouvait s’y attendre, était les tensions dans le détroit de Taïwan. Les États-Unis et le Japon ont signé plus de 70 accords de défense et on parle beaucoup de son intégration dans le groupe AUKUS et dans le Five Eyes (ici et ici). Biden et Kishida ont également participé à un tout premier sommet trilatéral avec le président philippin Ferdinand Marcos Jr. où l’accent a été mis sur l’endiguement de la Chine (ici et ici).

Washington a de nouveau annoncé des sanctions contre l’importation d’aluminium, de cuivre et de nickel d’origine russe et s’est coordonné avec le Royaume-Uni pour empêcher le commerce de ces métaux sur les bourses mondiales afin de “cibler les revenus de la Russie“, gênant le financement de son opération militaire en Ukraine.

En effet, l’ordre du jour de la réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’Alliance, qui s’est tenue à Bruxelles les 3 et 4 avril, comprenait une discussion sur “la manière dont l’OTAN pourrait assumer une plus grande responsabilité dans la coordination de l’équipement et de la formation militaires pour l’Ukraine, en l’ancrant dans un cadre robuste de l’OTAN“. Cela ne ressemble pas à un retrait des États-Unis d’Eurasie.

En fait, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a souligné que “l’Ukraine deviendra membre de l’OTAN. La question est de savoir quand, et non pas si“. Il a également établi un lien entre la guerre en Ukraine et la montée des tensions à Taïwan. Selon lui, “les amis de la Russie en Asie sont essentiels à la poursuite de sa guerre d’agression. La Chine soutient l’économie de guerre de la Russie. En retour, Moscou hypothèque son avenir auprès de Pékin“. Stoltenberg exprimait le point de vue des États-Unis.

Lors de leur conversation téléphonique du 2 avril, Joe Biden a fait part au président chinois Xi Jinping des “préoccupations de Washington concernant le soutien de la RPC à la base industrielle de défense de la Russie et son impact sur la sécurité européenne et transatlantique” !

Il est clair que si les États-Unis et l’OTAN ne sont pas préparés à mener une guerre à grande échelle avec la Russie en Europe, les États-Unis ne sont pas non plus en retrait. Le prochain sommet de l’OTAN à Washington en juillet sera certainement dominé par la guerre en Ukraine et le double endiguement de la Russie et de la Chine.

Selon certains rapports, les pays de l’OTAN – la France, le Royaume-Uni et la Pologne – envisagent déjà d’intervenir pour maintenir la ligne de front si l’offensive russe atteint le Dniepr et que l’armée ukrainienne s’effondre d’épuisement.

Biden a adressé au Congrès une communication datée d’avril recommandant la prolongation pour une année supplémentaire de l’urgence nationale déclarée dans le décret 14024 (daté du 15 avril 2021) “en ce qui concerne certaines activités étrangères néfastes du gouvernement de la Fédération de Russie“. Selon les États-Unis, la guerre en Ukraine est loin d’être terminée et il faudra beaucoup de temps à la Russie pour prendre le contrôle de l’ensemble du pays.

Il est évident que la crise du Moyen-Orient est loin d’être un événement isolé. Il ne faut pas se méprendre : l’adhésion aux BRICS de quatre pays du Moyen-Orient, qui étaient des alliés des États-Unis, marque l’éclipse du pétrodollar. Cette décision s’inscrit dans le projet russe de “dédollarisation” et de recul de l’hégémonie américaine.

L’un des quatre États régionaux qui rejoignent les BRICS est l’Iran, fervent partisan de la “dédollarisation“, avec lequel l’administration Biden reste en contact au sujet de la situation au Moyen-Orient. Les derniers développements suite à l’attaque israélienne de Damas ont conduit à une intensification des contacts afin d’éviter tout malentendu.

Ces contacts ont atteint dernièrement un niveau qualitativement nouveau. Un certain degré de coordination est désormais possible, comme l’ont montré les frappes calibrées de drones et de missiles de l’Iran sur Israël dans la nuit de samedi à dimanche.

Un commentaire de l’agence de presse iranienne IRNA a décrit sept “dimensions” de la riposte iranienne. Il ne fait aucun doute que les États-Unis exercent une influence modératrice sur Israël. Selon des informations en provenance de Washington, Joe Biden a tracé une ligne rouge en disant que les États-Unis refusent de participer à toute future riposte israélienne contre l’attaque directe sans précédent de l’Iran dans la nuit de samedi à dimanche.

Un tel bouleversement de la dynamique du pouvoir dans la région était tout simplement impensable jusqu’à présent. L’IRNA a noté que cela indiquait “une compréhension de cette question par le principal partisan du régime sioniste“. La grande question est maintenant de savoir où tout cela va nous mener.

Il est certain que la diplomatie américaine gagne du terrain et qu’elle aura un effet positif sur les événements en aval liés au problème palestinien. Au cours des six derniers mois, le réseau de Washington avec ses alliés traditionnels – le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Égypte et l’Autorité palestinienne, en particulier – s’est intensifié.

Au fur et à mesure qu’il se développe sous la forme d’une coopération pratique visant à sortir Gaza du sombre tunnel de la guerre et des effusions de sang, il renforcera la position générale des États-Unis en tant qu’artisans de la paix et leur permettra même de retrouver, sous une nouvelle forme, le rôle de chef de file dont ils jouissaient auparavant.

La trajectoire future des contacts entre les États-Unis et l’Iran reste à voir. Les premiers balbutiements s’éteindront-ils brutalement ? Ou génèreront-ils une masse critique de confiance mutuelle, de sorte que les liens profondément troublés se transformeront en une relation de travail ? La rhétorique mutuelle entre les États-Unis et l’Iran s’est considérablement adoucie récemment.

Il faut reconnaître à Téhéran le mérite d’avoir bien anticipé, alors que des divergences naissantes commençaient à apparaître entre Washington et Tel-Aviv. Téhéran a pressenti à juste titre que ces divergences pourraient se transformer en discorde.

Entre-temps, les États-Unis sont suffisamment réalistes pour comprendre que la stratégie d’endiguement contre l’Iran a fait son temps et que la poursuivre n’a plus de sens lorsque les États de la région préfèrent la réconciliation.

En effet, l’Iran a acquis une grande profondeur stratégique et a renforcé son autonomie stratégique grâce au renforcement de ses liens avec la Russie et la Chine et au rapprochement avec l’Arabie saoudite. La signification profonde du tir direct de missiles iraniens contre Israël ne peut échapper à personne.

Le commentaire de l’IRNA indique que “l’attaque iranienne a constitué la première confrontation directe entre la République islamique et le faux régime sioniste. C’est très important sur le plan historique. Des attaques efficaces à l’intérieur des territoires occupés ont été un rêve inassouvi des pays islamiques depuis 1967, qui s’est maintenant réalisé grâce aux efforts du berceau de la résistance dans la région. Pour la première fois, des avions iraniens ont attaqué des ennemis de la mosquée Al-Aqsa dans le ciel de ce lieu saint“.

Les États-Unis savent que l’Iran est un négociateur acharné qui ne transige pas sur ses intérêts. Washington cherchera la lumière du jour dans la relation russo-iranienne, qui offre des possibilités alléchantes d’isoler Moscou dans le contexte des sanctions.

L’Iran serait un partenaire énergétique idéal pour les économies européennes, pour remplacer la Russie. Il est fort probable que la fin de la guerre en Ukraine et du conflit israélo-arabe, qui se déroulent parallèlement, créent une synergie pour l’avenir.

M.K. Bhadrakumar

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

La pilule amère d’une défaite stratégique décisive


Par William Schryver – Le 28 Février 2024 –  Source imetatronink + Le Saker francophone

Les deux dernières années ont produit ce qui est, pour la plupart des gens du monde qui réfléchissent à ces choses, l’un des tournants géopolitiques les plus inattendus et stupéfiants de l’histoire moderne.

L’hégémon mondial qui régnait jusqu’à présent avait l’intention d’infliger à la Russie – son vieil ennemi – une défaite stratégique décisive qui lui offrirait le plus grand butin jamais pris et consoliderait ainsi sa base de pouvoir dans un avenir prévisible et au-delà.

L’empire imaginait que la Russie était au nadir de sa civilisation : faible, vulnérable et enfin mûre pour être cueillie.

 

Malgré les échecs désormais proverbiaux des empires qui l’ont précédé, les maîtres actuels de l’empire anglo-américain, en tandem avec ses États vassaux européens et une force mandataire volontaire en Ukraine, pensaient que “les choses seraient différentes cette fois“. Ils se sont convaincus que le différentiel de puissance entre la dernière itération de l’empire occidental et son prétendu adversaire russe était si prononcé qu’il garantissait la victoire sur “la station-service qui se fait passer pour un pays“.

Après s’être forgé une mesure logiquement fallacieuse qu’ils ont baptisée “produit intérieur brut” afin de mesurer la force relative des nations, ils se sont bercés d’illusions en croyant que leur “richesse” supérieure imaginaire garantirait l’invincibilité dans tous les domaines d’activité qui, dans leur ensemble, constituent le pouvoir réel.

Si la guerre actuelle n’a rien fait d’autre, elle devrait avoir définitivement détrompé les esprits superficiels de l’intelligentsia occidentale : une économie basée sur la financiarisation de TOUT n’est pas plus forte qu’une économie basée sur la production réelle de biens.

Un conflit de haute intensité, qui a duré deux ans, a révélé sans équivoque que les nations désindustrialisées sont totalement incapables de mener une guerre industrielle moderne.

Bien entendu, la désindustrialisation des soi-disant “démocraties occidentales” s’est déroulée sur plusieurs décennies, laissant derrière elle le mythe de “l’arsenal de la démocratie” plutôt que sa substance matérielle. Elle produit d’immenses profits pour une minorité de plus en plus réduite, tout en vidant de sa substance une classe moyenne prospère et socialement stable et en inaugurant un néo-féodalisme oppressif qui est aujourd’hui en passe de déconstruire l’ensemble de la culture occidentale.

De manière totalement imprévue, l’échec de plus en plus évident du plan mal conçu de l’empire pour diviser et conquérir la vaste Russie a mis en évidence les contradictions internes, l’incohérence idéologique et la vaste corruption endémique d’une civilisation capitaliste qui s’est irrémédiablement égarée.

Dans sa détermination à prouver qu’il pourrait faire ce qu’aucun hégémon occidental n’avait pu accomplir au cours des cinq derniers siècles, l’empire anglo-américain, qui s’érode rapidement, sera contraint d’avaler la pilule amère d’une défaite stratégique décisive dans les mêmes steppes d’Europe de l’Est où ses prédécesseurs se sont vus servir leur propre banquet de conséquences.

Et les Russes, comme à leur habitude, transmettront de nouveaux hymnes de victoire aux enfants des enfants des enfants, pour les générations à venir.

William Schryver

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

C’est ainsi que l’Occident finit

Source : RzO International - Le 01/04/2024.
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L’humiliation en Ukraine et la honte de Gaza accélèrent l’éloignement de l’Occident et du reste du monde lors d’un tournant crucial dans les relations de pouvoir mondiales. Alors que les USA s’enfoncent dans le déni, «quant à l’Europe, il est évident que ses élites politiques ont été dénaturées par 75 ans de dépendance quasi totale vis-à-vis de l’Amérique. Il en résulte une absence totale de pensée indépendante et de volonté. De manière plus concrète, la vassalité de l’Europe vis-à-vis des États-Unis l’oblige à suivre Washington dans n’importe quelle voie politique que le seigneur emprunte – aussi imprudente, dangereuse, contraire à l’éthique et contre-productive soit-elle». Le diagnostic est implacable et tous ceux qui sont doués de la moindre lucidité ne peuvent que s’effrayer de l’aveuglement de la totalité des «élites politico-médiatiques» françaises, elles aussi totalement junkies à ce suicide, cette incapacité à toute pensée.

Danielle Bleitrach

*

par Adriel Kasonta

Alors que les États-Unis sont empêtrés dans les conflits en Ukraine et à Gaza et que la menace d’une guerre avec la Chine se profile à l’horizon, les idées et les points de vue du professeur Michael Brenner sur l’état de l’ordre libéral dirigé par les États-Unis sont sans doute aussi opportuns et importants que jamais.

Brenner, une sommité respectée des relations transatlantiques et de la sécurité internationale, est professeur émérite d’affaires internationales à l’Université de Pittsburgh et chercheur principal au Centre des relations transatlantiques de la Johns Hopkins School of Advanced International Studies (SAIS).

Il a également travaillé au Foreign Service Institute, au département de la Défense des États-Unis et à Westinghouse. Dans une interview de grande envergure et sans concession avec le contributeur d’Asia Times, Adriel Kasonta, Brenner explique comment les États-Unis et l’Occident collectif ont perdu leur autorité morale et leur voie.

Adriel Kasonta : Malgré ce que nous entendons de la part de la classe politique occidentale et des sténographes complaisants des médias grand public, le monde ne semble pas ressembler à ce qu’ils veulent nous faire croire. La dure réalité sur le terrain, connue de tous ceux qui vivent ailleurs qu’en Europe ou aux États-Unis, est que l’Occident collectif connaît un déclin accéléré dans les domaines politique et économique, avec des ramifications morales importantes. Pourriez-vous s’il vous plaît dire à nos lecteurs quelle est la cause profonde de cet état de choses et quelle est la raison derrière la poursuite de ce suicide collectif ?

Michael Brenner : Je suggère que nous formulions la question en nous demandant quelle est la direction causale entre le déclin moral et le déclin politique et économique de l’Occident collectif ? En ce qui concerne l’Ukraine, il s’agit d’une erreur géostratégique fondamentale qui a eu des conséquences morales négatives : le sacrifice cynique d’un demi-million d’Ukrainiens utilisés comme chair à canon et la destruction physique du pays, dans le but d’affaiblir et de marginaliser la Russie.

Ce qui est stupéfiant dans l’affaire de Palestine, c’est la volonté des élites gouvernementales immorales – en fait la quasi-totalité de la classe politique – de donner leur bénédiction implicite aux atrocités et aux crimes de guerre qu’Israël a commis au cours des cinq derniers mois, ce qui a de profondes répercussions sur la position et l’influence de l’Occident dans le monde.

À un moment donné, ils parlent fièrement de la supériorité des valeurs occidentales tout en condamnant les pratiques des autres pays ; de l’autre, ils se mettent en quatre pour justifier des abus humanitaires bien plus graves, pour fournir à l’auteur les armes nécessaires pour détruire, tuer et mutiler des civils innocents et, dans le cas des États-Unis, pour étendre la couverture diplomatique au Conseil de sécurité des Nations unies.

Ce faisant, ils dissipent leur position aux yeux du monde extérieur à l’Occident, représentant les deux tiers de l’humanité. Les relations historiques de ce dernier avec les pays de l’Occident, y compris dans un passé relativement récent, ont laissé un résidu de scepticisme quant aux prétentions des États-Unis à être les normalisateurs éthiques du monde. Ce sentiment a cédé la place à un dégoût pur et simple face à cette démonstration flagrante d’hypocrisie. De plus, il expose la dure vérité que les attitudes racistes n’ont jamais été complètement éteintes – après une période de somnolence, leur recrudescence est manifeste.

En ce qui concerne les États-Unis, les points de référence de ce jugement ne sont pas l’image mythique de «la ville sur la colline» ; le dernier et le meilleur espoir de l’humanité ; la nation indispensable pour parvenir à la paix et à la stabilité mondiales : le peuple providentiel né dans un état de vertu originelle destiné à conduire le monde sur le chemin de l’Illumination. Aucune de ces normes idéalistes. Non, elle s’est avilie elle-même lorsqu’elle est mesurée par rapport aux normes prosaïques de la décence humaine, de l’art de gouverner responsable, d’un respect décent des opinions de l’humanité.

De plus, l’éloignement qui s’ensuit entre l’Occident et le reste du monde se produit à un moment charnière dans les relations de pouvoir internationales. C’est un moment où les plaques tectoniques du monde politique se déplacent, où les anciennes constellations de pouvoir et d’influence sont remises en question avec succès, où l’Amérique a répondu aux sentiments de doute en tant que guide et surveillant mondial ordonné par des démonstrations compulsives et futiles de flexion musculaire.

L’anxiété et le doute de soi masqués par une fausse bravade sont le sentiment caractéristique des élites politiques américaines. C’est un mauvais point de départ pour un réengagement avec la réalité. Les Américains sont trop attachés à l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, trop narcissiques – collectivement et individuellement, trop dépourvus de conscience de soi, trop dépourvus de leader pour faire cette adaptation déchirante. Ces appréciations s’appliquent aussi bien à l’Europe occidentale qu’aux États-Unis. Laissant une communauté transatlantique diminuée, lésée mais impénitente.

AK : Dans votre récent essai «The West’s Reckoning ?», vous avez mentionné que la situation en Ukraine humilie l’Occident et que la tragédie de Gaza lui fait honte. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?

MO : La défaite en Ukraine implique bien plus que l’effondrement militaire des forces ukrainiennes qui est dans les cartes. Car les États-Unis ont conduit leurs alliés dans ce qui équivaut à une campagne visant à diminuer définitivement la Russie, à la neutraliser en tant que présence politique ou économique en Europe, à éliminer un obstacle majeur à la consolidation de l’hégémonie mondiale américaine.

L’Occident a jeté tout ce qu’il avait dans cette campagne : son stock d’armes modernes, un corps de conseillers, des dizaines de milliards de dollars, un ensemble de sanctions économiques draconiennes destinées à mettre l’économie russe à genoux et un projet implacable visant à isoler la Russie et à saper la position de Poutine.

Il a échoué ignominieusement sur tous les plans. La Russie est considérablement plus forte dans tous les domaines qu’elle ne l’était avant la guerre ; son économie est plus robuste que n’importe quelle économie occidentale ; elle s’est avérée militairement supérieure ; et elle a gagné la sympathie de presque tout le monde en dehors de l’Occident collectif.

L’hypothèse selon laquelle l’Occident reste le gardien des affaires mondiales s’est avérée un fantasme. Un tel échec global a signifié un déclin de la capacité des États-Unis à façonner les affaires mondiales en matière d’économie et de sécurité. Le partenariat sino-russe s’impose désormais comme un rival égal à l’Occident à tous égards.

Ce résultat découle de l’orgueil, du dogmatisme et d’une fuite de la réalité. Aujourd’hui, le respect de soi et l’image de l’Occident sont marqués par son rôle dans la catastrophe palestinienne. Elle est donc aujourd’hui confrontée au double défi de restaurer son sens de la prouesse tout en retrouvant ses repères moraux.

AK : Est-il exact de dire que l’Ukraine et Gaza sont liées dans le sens où les deux indiquent un ordre international libéral défaillant qui tente de s’empêcher de s’effondrer et de provoquer des troubles alors qu’il sombre dans l’oubli ? Dans l’affirmative, quels sont les résultats possibles pour l’avenir ?

MO : Gardons à l’esprit que l’ordre international libéral sert avant tout les intérêts occidentaux. Son fonctionnement était biaisé en notre faveur. C’en est un. La régularité et la stabilité qu’elle a produites, dont le FMI, la Banque mondiale, etc. ont été le cynosure institutionnel, ont assuré pendant des décennies qu’elle ne serait pas contestée. C’est deux.

La montée en puissance de nouveaux centres de pouvoir – la Chine, en particulier, et les forces centripètes plus larges qui redistribuent les actifs de manière plus générale – a laissé le choix aux États-Unis et à leurs vassaux européens. S’adapter à cette nouvelle situation en : a) élaborant des conditions d’engagement qui accordent une plus grande place aux nouveaux arrivants ; b) redéfinir les règles du jeu afin d’éliminer le biais actuel ; c) l’ajustement de la structure et des procédures des institutions internationales d’une manière qui reflète la fin de la domination occidentale ; et d) redécouvrir la véritable diplomatie.

Nulle part en Occident cette option n’a été sérieusement envisagée. Ainsi, après une période d’ambivalence et de confusion, tous ont adhéré à un projet américain visant à empêcher l’émergence de challengers, à les saper et à redoubler d’efforts pour ne rien céder, pour ne rien compromettre. Nous restons bloqués sur cette voie malgré les échecs en série, les humiliations et l’impulsion donnée au projet des BRICS.

AK : Selon certains politiciens et décideurs occidentaux, les autres puissances mondiales sont souvent traitées comme des acteurs passifs sans pouvoir de façonner le monde en fonction de leurs intérêts nationaux. Cette vision manichéenne du monde est marquée par une distinction entre «l’ordre fondé sur des règles» et le droit international ou «démocratie contre autoritarisme». Existe-t-il une alternative à cette pensée et quelles sont les chances que le changement se produise avant qu’il ne soit trop tard ?

MO : Voir la réponse ci-dessus. Il n’y a aucun signe que les dirigeants occidentaux soient prêts intellectuellement, émotionnellement ou politiquement à faire les ajustements nécessaires. La nécessité n’est pas toujours la mère de l’invention. Au lieu de cela, nous assistons à un dogmatisme têtu, à un comportement d’évitement et à une plongée plus profonde dans un monde de fantasmes.

La réaction américaine aux manifestations de déclin des prouesses est le déni ainsi que la compulsion à se rassurer sur le fait qu’ils ont encore «l’étoffe qu’il faut» par des actes de plus en plus audacieux. Nous voyons où cela a mené en Ukraine. L’envoi imprudent de troupes à Taïwan est bien plus dangereux.

Quant à l’Europe, il est évident que ses élites politiques ont été dénaturées par 75 ans de dépendance quasi totale vis-à-vis de l’Amérique. Il en résulte une absence totale de pensée indépendante et de volonté. De manière plus concrète, la vassalité de l’Europe vis-à-vis des États-Unis l’oblige à suivre Washington dans n’importe quelle voie politique que le seigneur emprunte – aussi imprudente, dangereuse, contraire à l’éthique et contre-productive soit-elle.

Comme on pouvait s’y attendre, ils ont marché (ou couru) comme des lemmings sur n’importe quelle falaise que les États-Unis choisiront ensuite sous l’effet de leurs propres pulsions suicidaires. Il en a été de même en Irak, en Syrie, en Afghanistan, en ce qui concerne l’Iran, en Ukraine, à Taïwan et sur toutes les questions concernant Israël. La série d’échecs douloureux et de coûts élevés ne produit aucun changement dans la loyauté ou l’état d’esprit.

Une photographie imprimée d’un soldat de l’armée américaine assis sur une chaise au milieu des camions-remorques et des appareils électroniques vendus au prix du fer dans un bazar à l’extérieur de l’aérodrome du district de Bagram, au nord de Kaboul, en Afghanistan, le 19 mai 2021.

Ce n’est pas possible, car les Européens ont totalement absorbé l’habitude de la déférence, la vision du monde des Américains, leur interprétation biaisée des résultats et leurs récits honteusement fictifs. Les Européens ne peuvent pas plus se débarrasser de cette dépendance qu’un alcoolique de longue date ne peut s’en débarrasser d’un seul coup.

AK : Il y a eu beaucoup de discussions sur l’impact négatif du néoconservatisme sur la politique étrangère des États-Unis et sur le monde. Essentiellement, le néoconservatisme cherche à faire jouer le rôle des États-Unis pour dominer non seulement l’hémisphère occidental (selon la doctrine Monroe), mais le monde entier, selon la doctrine Wolfowitz.

Bien que certains groupes de réflexion américains plaident maintenant pour la fin des «guerres sans fin» au Moyen-Orient et pour que l’Europe poursuive la guerre par procuration provoquée par les États-Unis avec la Russie, il semble que l’idéologie néoconservatrice ait pris une nouvelle apparence de «progressisme» et de «réalisme», et vise maintenant à se concentrer uniquement sur la Chine, au point même de reproduire le scénario ukrainien à Taïwan. Quelle est la précision de cette évaluation ?

MO : L’ensemble de la communauté de la politique étrangère aux États-Unis partage maintenant les principes de base des néoconservateurs. En fait, l’écriture est le célèbre mémorandum de Paul Wolfowitz de mars 1991 dans lequel il a exposé une stratégie complète et détaillée pour systématiser la domination mondiale américaine. Tout ce que Washington fait et pense maintenant est dérivé de ce plan.

Ses principes fondamentaux : les États-Unis doivent utiliser tous les moyens à leur disposition pour établir la domination mondiale américaine ; À cette fin, elle doit être prête à agir de manière préventive pour contrecarrer l’émergence de toute puissance qui pourrait contester notre hégémonie ; et de maintenir la domination du spectre complet dans toutes les régions du globe. Les idéaux et les valeurs sont relégués à un rôle auxiliaire en tant que vernis à l’application du pouvoir et en tant que bâton avec lequel battre les autres. La diplomatie classique est dénigrée comme inappropriée à cet ordre des choses.

Pour Biden lui-même, une approche confiante, affirmée et dure des relations avec les autres découle naturellement de la croyance en l’américanisme en tant que théorie du champ unifié qui explique, interprète et justifie tout ce que les États-Unis pensent et font. Si Biden est réélu, cette perspective restera inchangée. Et s’il devait être remplacé par Kamala Harris à mi-mandat, ce qui est probable, l’inertie maintiendrait tout sur la bonne voie.

AK : Pensez-vous que les États-Unis sont destinés à rester un empire mondial, constamment en conflit avec quiconque qu’ils perçoivent comme une menace potentielle pour leur domination mondiale ? Ou est-il possible pour le pays de devenir une république qui collabore de manière constructive avec d’autres acteurs mondiaux afin d’obtenir de plus grands avantages pour ses citoyens et la communauté internationale au sens large ? Comme le dit le dicton, «Ceux qui vivent par l’épée, meurent par l’épée», n’est-ce pas ?

MO : Je suis pessimiste. Car il n’y a aucun signe que nos dirigeants, nos élites ou le public soient susceptibles de se réconcilier avec l’état de choses décrit ci-dessus. La question ouverte est de savoir si cette prétention persistera simplement à mesure qu’un affaiblissement progressif de l’influence mondiale et du bien-être national se déroulera, ou plutôt, se terminera par un désastre.

Les Européens et leurs alliés d’ailleurs ne devraient pas accepter d’être des observateurs de l’ombre ni, pire encore, de devenir des cohabitants de ce monde imaginaire comme ils l’ont fait en Ukraine, en Palestine et en diabolisant la Chine.

source : Histoire et Société

La survie de l’Ukraine est en jeu

Source : RzO International - Le 31/03/2024.

par M.K. Bhadrakumar 

Une controverse inutile est apparue à propos de l’avis émis par l’ambassade américaine à Moscou le 7 mars, selon lequel «des extrémistes ont des plans imminents pour cibler les grands rassemblements à Moscou, y compris les concerts» et avertissant les citoyens américains d’«éviter les grands rassemblements». Cela a pris la forme d’une querelle diplomatique et, au moins momentanément, l’affirmation américaine selon laquelle ils avaient partagé des «informations» avec les Russes a laissé entendre que les agences de sécurité de Moscou étaient ineptes, tandis que les Russes ont répliqué en disant que les Américains n’avaient rien transmis de spécifique ou d’exploitable. 

Il est clair que Washington était en possession d’informations qui étaient pour le moins suffisamment crédibles en termes de source, mais qui n’étaient pas assez précises pour Moscou. Il est intéressant de noter que l’ambassade du Royaume-Uni à Moscou a également émis un avis similaire déconseillant aux citoyens britanniques de se rendre dans les centres commerciaux. Les services de renseignement américains et britanniques travaillent en tandem.

Toutefois, dans une étrange démarche préventive, le département d’État s’est également empressé, dans les deux heures qui ont suivi l’horrible attentat perpétré dans le centre commercial du Crocus City Hall de Moscou, le 22 mars, de déclarer que l’Ukraine n’était pas responsable de l’attentat. Les alliés européens des États-Unis ont également commencé à répéter la même chose. Comme on pouvait s’y attendre, les Américains ont pris une longueur d’avance dans la guerre de propagande, ce qui leur a permis d’élaborer un récit – également en temps réel – désignant État islamique comme le coupable de ce crime horrible.

Pourtant, dès le lendemain, le président Vladimir Poutine révélait dans son discours à la nation que ce qui s’était passé était «un meurtre de masse prémédité et organisé de personnes pacifiques et sans défense», rappelant les méthodes nazis «pour mettre en scène une exécution spectaculaire, un acte sanglant d’intimidation».

Il est important de noter que Poutine a révélé que les auteurs «ont tenté de s’échapper et se sont dirigés vers l’Ukraine, où, selon des informations préliminaires, une fenêtre a été préparée du côté ukrainien pour leur permettre de franchir la frontière de l’État». Mais il s’est abstenu de désigner des coupables, l’enquête étant en cours.

En d’autres termes, d’après les informations communiquées par Poutine, il semble que les mentors/responsables des auteurs de l’attentat leur aient donné des instructions pour quitter le territoire russe après leur mission en empruntant un itinéraire particulier pour franchir la frontière ukrainienne, où ils étaient attendus par des personnes se trouvant du côté ukrainien de la frontière. Ce qui reste maintenant dans le domaine de «l’inconnu connu» concerne en fait la chaîne de commandement. C’est la première chose.

Deuxièmement, Washington a propagé l’idée qu’il s’agissait d’une attaque par ISIS. En effet, elle a été propagée efficacement par les médias occidentaux et a été conçue comme un faux-fuyant pour confondre les personnes stupides à l’étranger.

Toutefois, en réalité, les auteurs de l’attentat ne se sont pas comportés comme des tueurs d’ISIS en mission suicide qui auraient cherché le martyre, mais plutôt comme des fugitifs en fuite. Ils n’ont pas non plus répondu à l’appel du «djihad». Il s’agirait de Tadjiks ethniques qui ont admis qu’ils étaient des mercenaires attirés par l’argent.

D’après les vidéos diffusées, les experts estiment également que leurs mouvements à l’intérieur du centre commercial ne témoignent pas des compétences de combat attribuées à des combattants bien entraînés, et qu’ils avaient une «mauvaise discipline», ce qui signifie qu’ils n’avaient reçu qu’une formation minimale au maniement du fusil. En résumé, il s’agit d’un acte de malignité sans motif, sauf pour ce qui est de l’argent.

Cela dit, l’armée américaine avait récemment «réoutillé» d’anciens combattants d’ISIS. Le 13 février, le Service russe de renseignement extérieur (SVR) a affirmé dans un communiqué que les États-Unis recrutaient des combattants djihadistes pour mener des attaques terroristes sur le territoire de la Russie et des pays de la CEI.

Le communiqué dit : «Ils suivent une formation accélérée sur la base américaine d’Al-Tanf, en Syrie, où on leur apprend à fabriquer et à utiliser des engins explosifs improvisés, ainsi que des méthodes subversives. Un accent particulier est mis sur la planification d’attaques contre des installations lourdement gardées, y compris des missions diplomatiques étrangères… Dans un avenir proche, il est prévu de déployer des militants par petits groupes sur le territoire de la Russie et des pays de la CEI».

Le SVR a également noté qu’«une attention particulière a été accordée à l’implication de personnes originaires du Caucase du Nord russe et d’Asie centrale».

Le 26 mars, Alexander Bortnikov, directeur du Service fédéral de sécurité (FSB), déclarait dans une interview accordée à la chaîne de télévision Rossiya que les interrogatoires menés jusqu’à présent avec les détenus avaient permis d’établir que l’incident s’inscrivait dans un contexte politique. Il a ajouté que les islamistes radicaux ne pouvaient pas préparer seuls une telle action et qu’ils étaient aidés de l’extérieur.

Bortnikov a déclaré : «Les données primaires que nous avons reçues des détenus le confirment. Nous allons donc continuer à affiner les informations qui devraient nous permettre de déterminer si la participation de la partie ukrainienne est réelle ou non. Quoi qu’il en soit, jusqu’à présent, tout porte à croire que c’est exactement le cas. Puisque les bandits eux-mêmes avaient l’intention de se rendre à l’étranger, c’est-à-dire sur le territoire de l’Ukraine, d’après nos informations opérationnelles préliminaires, ils attendaient sur place».

Bortnikov a ajouté que l’attaque terroriste était soutenue non seulement par les services spéciaux ukrainiens, mais que des pays comme la Grande-Bretagne et les États-Unis étaient également derrière le massacre. Selon lui, le principal responsable de l’incident n’a pas encore été identifié et la menace d’un acte terroriste en Russie persiste.

Les remarques de Bortnikov laissent entrevoir une situation difficile classique : La Russie possède des preuves de l’implication de l’Ukraine, mais aucune «preuve» n’est encore suffisante. Il s’agit d’une situation difficile à laquelle les pays sont souvent confrontés dans la lutte contre le terrorisme transfrontalier, en particulier lorsqu’il s’agit d’un terrorisme parrainé par un État. Bien entendu, aucune preuve ne sera acceptée par l’adversaire en fin de compte – alors que dans le cas de l’Ukraine, il y a souvent un empressement à revendiquer le mérite d’avoir saigné la Russie en organisant des opérations sur son sol, comme des assassinats.

En ce qui concerne les États-Unis ou le Royaume-Uni, les Russes estiment qu’en l’absence de renseignements, d’images satellite et même de soutien logistique de la part des puissances occidentales, l’Ukraine n’a pas la capacité d’entreprendre des opérations à l’intérieur de la Russie ou le type d’attaques complexes visant les navires de guerre russes de la flotte de la mer Noire. Mais les puissances occidentales sont invariablement en mode déni lorsqu’elles sont confrontées à de telles accusations de la part de la Russie.

Il ne fait aucun doute que l’attentat contre le Crocus City Hall aura de profondes conséquences géopolitiques et influencera la trajectoire de la guerre en Ukraine. L’incident a suscité une sympathie mondiale massive pour la Russie. Il s’agit maintenant pour Poutine d’un énorme défi politique : agir de manière décisive, comme l’attend l’opinion publique russe, pour déraciner complètement les forces obscures retranchées chez leurs voisins.

Il est concevable que cela implique que Moscou ébranle les fondations mêmes de la situation que Washington a mis en place à Kiev après le coup d’État de 2024. Le New York Times a récemment révélé que la CIA disposait d’une série d’antennes de renseignement tout au long des régions frontalières entre l’Ukraine et la Russie.

Qu’on ne s’y trompe pas, les États-Unis sont déterminés à conserver la vaste infrastructure qu’ils ont créée en Ukraine pour monter des opérations secrètes et déstabiliser la Russie, quoi qu’il en coûte. L’essentiel de la stratégie occidentale consiste à affaiblir la Russie et à l’empêcher de jouer un rôle d’adversaire sur la scène mondiale.

Les mots de TS Eliot tirées de la pièce Murder in the Cathedral me viennent à l’esprit : «Quelle paix peut être trouvée / Pour grandir entre le marteau et l’enclume ?» La guerre est vouée à une escalade dramatique et le déploiement de troupes occidentales en Ukraine n’est qu’une question de temps pour sauver le potentiel résiduel de ce pays en tant qu’État de la ligne de front pour l’OTAN dans sa guerre par procuration contre la Russie. De son côté, la Russie pourrait n’avoir d’autre choix que de rechercher une victoire militaire totale. La réaction russe à plusieurs niveaux se développera en fonction des résultats de l’enquête en cours.

M.K. Bhadrakumar 

source : Indian punchline via Le Saker Francophone

 

«Maudit Washington» : Le futur retour de boomerang auquel s’expose la ploutocratie atlantiste

Source : RzO International - Le 28/03/2024.

 

par Vincent Gouysse

Depuis le tout premier jour de l’intervention militaire russe au Bandéristan, la Russie a fait montre de qualités uniques pour un pays bourgeois, sachant s’élever (et élever les grandes masses de son peuple) au niveau de compréhension nécessaire des enjeux de cette guerre par procuration livrée à la Russie par un IVe Reich atlantiste moribond, poussé à entreprendre des actions désespérées pour tenter de freiner la dislocation de son hégémonie mondiale coloniale multiséculaire : tenter de faire s’effondrer la Russie pour compromettre la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la Chine comme ultime manœuvre pour tenter de rebattre radicalement les cartes d’une mondialisation qui leur a échappée il y a plus de deux décennies. Une guerre hybride aujourd’hui menée «jusqu’au dernier Ukrainien» grâce au sacrifice d’une Ukraine submergée depuis une décennie par une idéologie bandériste mâtinée de suprémacisme atlantiste et saupoudrée de sous-culture woke (d’ordinaire destinée à favoriser l’avènement d’une dystopie transhumaniste orwellienne).

Cependant, la réalité du Front, et en particulier l’écrasante supériorité matérielle de l’armée russe qui a toujours su cultiver et conserver son ascendant moral tout en se battant avec une main attachée dans le dos afin de préserver la vie des civils, relèguent aujourd’hui l’hypothèse d’une victoire bandériste au rang des fantasmes les plus improbables. Les conditions sont ainsi réunies pour que les soldats recrutés par Kiev afin d’alimenter le hachoir à viande comprennent et s’opposent à la fuite en avant mortelle dans laquelle le cirque ukro-atlantiste de Kiev les a engagés.

Si les Russes ont compris les enjeux du soutien occidental à l’Ukraine bandériste depuis deux ans, il reste encore un long chemin à parcourir à nombre d’ukrainiens pour le comprendre également, même si certains, éprouvés par les horreurs d’une guerre fratricide, souhaitent aujourd’hui y mettre un terme dès que possible :

Quant aux peuples d’Occident, encore zombifiés par leur brutale sortie en cours d’un «rêve américain» virant de plus en plus au cauchemar, il leur faudra sans doute davantage de temps encore avant qu’ils ne maudissent à leur tour les ploutocrates de Washington et leurs larbins compradore indigènes euro-atlantistes pour avoir non seulement apporté la guerre sur le vieux continent, mais aussi pour avoir réalisé leur paupérisation accélérée massive via un Great Reset radical commis par suicide énergétique…

Un suicide économique virant à l’effondrement civilisationnel des «économies de bazar» «post-industrielles» occidentales, et commis en solidarité avec la junte néo-nazie de Kiev, elle-même engagée dans un suicide radical multiforme du peuple ukrainien (en particulier démographique et économique) pour le plus grand bénéfice de BlackRock, de l’industrie américaine et du lobby de l’armement occidental ! La Russie, pour sa part, a déjà gagné à la loyale, cette ô combien déloyale guerre par procuration qui lui est livrée par «l’empire du mensonge» atlantiste dont la «démocratie» (désormais peuplée «d’über» citoyens-consommateurs en cours de déclassement et bâtie sur la sueur et le sang des peuples colonisés, c’est-à-dire sur les chantages, les sanctions et les guerres permanentes), ne fait aujourd’hui plus rêver personne de censé sur la scène internationale… Plus que jamais, le Roi est nu, et seul son puissant lobby merdiatique parvient encore à soutenir les dernières illusions de puissance de l’empire agonisant, dont les spasmes de démence se multiplient.

«Maudit Washington», chantent aujourd’hui les Russes. Demain, ce refrain sera repris par les survivants du cirque bandériste ukrainien et, à leur suite, par les résistants qui s’opposeront à la poursuite de la voie de l’effondrement civilisationnel empruntée par les succursales atlantistes européennes.

«J’ai de la famille en Allemagne,
J’ai de la famille en Espagne,
Mais je ne comprends pas comment c’est arrivé,
Nous sommes ennemis maintenant, nous allons nous battre.
Soyez maudits, vous et votre Washington mortifère,
Vous avez inventé la guerre contre les Russes, et mis toute l’Europe à genoux,
Les économies de ces pays sont toutes en train de s’effondrer.
Et Zelensky n’est pas un imbécile, bien qu’il soit un bouffon,
Les dollars coulent à flot dans ses poches.
L’Ukraine est un pays frère – regardez bien,
Vous êtes envoyés à la mort par un junkie sanguinaire.
Soyez maudits, vous et votre sénile de Washington,
Vous avez inventé la guerre contre les Russes, et mis toute l’Europe à genoux,
Les économies de ces pays sont toutes en train de s’effondrer.
Souvenez-vous, Washington et votre crétin,
Que le châtiment vous reviendra en boomerang,
Vous ne vaincrez jamais la Mère Russie,
Et grâce à tous nos valeureux garçons.
Soyez maudits, vous et votre crétin de Washington,
Vous avez inventé cette guerre contre les Russes,
Et merci à nos valeureux garçons
».

«Maudit Washington» – Natalia Bickmeeva – avril 2023 [Merci à томас pour la traduction]

 

L’armée française, un escargot vide

Source : Le Courrier des Stratèges - par Marie Adeline - Le 27/03/2024.

L’armée française, un escargot vide – par Yves-Marie Adeline

La dernière sortie du président Macron sur l’envoi possible de troupes françaises en Ukraine a bénéficié de la complaisance de nos médias de connivence, mais à l’étranger a suscité des réactions moqueuses, comme cette Une de la presse allemande : « Ach, Macron », qui correspondrait à l’anglais « So-so… » ou au français « Ah-la-la, sacré Macron, va ! ». En politique, tout peut changer très vite, et il reste encore trois ans de présidence, mais si plus rien ne se passait durant ces trois années à venir – ce qui est hautement improbable – gageons que l’image que le monde retiendrait de l’actuel président de la République française serait celle-là : l’homme qui a parlé d’envoyer des troupes au sol, avant que l’OTAN ne le désavoue, et à son sommet, les États-Unis.

Mais pour nous, tâchons de nous élever au-dessus de ces péripéties – que, il est vrai, nos descendants auront du mal à croire, celle-ci et bien d’autres d’ailleurs – et livrons-nous à une évaluation de la chose militaire en Europe, en dehors, bien sûr, de la puissance russe.

Situation militaire en Europe

Deux choses sont à considérer. La première, c’est qu’il est très possible qu’avec le retour de M. Trump à la Maison-Blanche – si ce retour se produit, et quelles qu’en soient les conséquences sur la politique interne : guerre civile déclenchée par l’aile gauche du parti démocrate ou pas – les États-Unis ne décident de relâcher leur effort militaire dans la partie européenne de leur empire, si, concomitamment, la guerre en Ukraine s’achève par une victoire russe, ce qui, cette fois-ci, est quasiment certain vu l’état actuel des choses. On pourrait objecter que le lobby militaro-industriel, qui a besoin de guerres – peu importe qu’elles soient gagnées ou perdues, elles sont toutes perdues mais font marcher le business des armes – a trop d’intérêts du côté démocrate pour laisser revenir M. Trump, le seul président depuis longtemps à n’avoir déclenché aucune guerre. Mais la question pourrait se poser sous un autre angle, celui de l’endettement de plus en plus abyssal du pays, que sa monnaie aura plus de mal à entretenir avec la lente dédollarisation du commerce mondial et de la finance.

Ainsi, la combinaison de ces deux événements : victoire russe et retrait américain – plongerait l’Union européenne dans une vulnérabilité inconfortable, dont pourrait profiter, non pas la Russie qui n’aurait rien à gagner à s’étendre sur les marches de la Pologne, à savoir l’Ukraine occidentale, mais la Turquie qui pourrait espérer arracher des îles à la Grèce, selon un long processus historique qui a consisté à repousser les Grecs hors d’Asie Mineure où ils habitaient depuis trois mille ans, et le plus loin possible des côtes autrefois grecques, aujourd’hui turques. On se souvient que dans le bras de fer qui opposa la France à la Turquie pour soutenir la Grèce menacée, M. Macron s’est senti tellement abandonné par l’OTAN qu’il avait qualifié son indifférence de « mort cérébrale », ce qui n’était pas vrai : c’était plus simplement que l’Amérique se fiche bien de savoir qui habite les îles grecques, les Grecs eux-mêmes, ou les Turcs…

Scénario d’un retrait américain dans l’UE

Maintenant, imaginons donc un retrait de la protection américaine : que restera-t-il à l’Union européenne ? Seulement une coquille vide, l’armée française. Ne parlons pas de son arsenal nucléaire, que les auteurs anglo-saxons d’ailleurs semblent oublier à chaque fois qu’ils parlent des forces en présence, alors même que la France est la troisième puissance dans ce domaine, loin derrière les deux premières, certes, mais franchement devant la Grande-Bretagne et loin devant toutes les autres. Mais ces forces de frappe sont tellement terribles qu’il n’y aurait plus de guerre, seulement un suicide collectif, restons-en donc aux forces conventionnelles.

Toutes les nations européennes, sauf la France, se sont démilitarisées, je veux dire qu’elles n’ont plus de tradition propre, c’est l’Amérique qui les arme. Même l’Angleterre, si célèbre dans l’histoire pour sa composante militaire, a renoncé à se défendre elle-même autrement que sous parapluie américain. Seule la France conserve une armée, mais, nous l’avons dit, cette armée est une coquille vide. Elle fabrique ses propres armes, pour la plupart aussi efficaces que les américaines – voire plus encore, comme le Rafale face au F-35 – mais ses compagnes de l’Union européenne n’achètent qu’américain. Elle a ses écoles militaires prestigieuses, mais ses officiers n’ont pas de troupes et pas de matériel disponible ; son budget est obéré par 3000 milliards de dettes et une situation sociale explosive ; enfin elle abrite sur son sol deux populations dont l’une est indifférente au passé autant qu’à l’avenir du pays et promeut une révolution culturelle.

Un projet militaire européen incertain

Pour remplir la coquille vide, la solution est-elle dans l’Union européenne ? Jusqu’à présent, la France n’a pu compter sur aucune solidarité dans ce domaine, elle a beau avoir sacrifié son fusil d’assaut au profit d’un allemand, en retour l’Allemagne ne consacre pas un centime de ses 100 milliards d’euros consacrés à son réarmement, qui vont tous dans l’escarcelle des États-Unis. D’ailleurs, nous ne pouvons pas prévoir l’avenir de l’Union européenne après la victoire russe : soit un changement de couleur politique à Bruxelles – ce serait bien la première fois depuis les premières élections européennes de 1979 – soit un effritement sous le poids de son échec face à la Russie, et de son abandon par les États-Unis, voire de ses contraintes économiques.

En tout état de cause, nous en revenons à notre accroche : non, il ne peut être question d’un envoi de troupes terrestres sur le sol ukrainien, non seulement parce que nous ne sommes pas armés – nous en avons déjà parlé ici avec plus de détails– mais parce que seule l’Amérique pourrait faire quelque chose, et encore : non pas selon le modèle vietnamien, afghan, irakien, mais dans une guerre conventionnelle totale, mais où elle serait vulnérabilisée par l’avance prise par les Russes en matière de vélocité des vecteurs. Pour la France en tout cas, son impuissance est avant tout le prix de sa vassalité.

Scholz, Macron et Tusk tentent de combler les divisions européennes sur l’Ukraine

Source : RzO International - Le 17/03/2024.

 

parGeopolintel

Macron a été recadré par le chancelier allemand pour ses déclarations bellicistes, démontrant que le pouvoir économique et militaire ne se décide pas à Paris mais à Berlin. L’Europe a centralisé son pouvoir en Allemagne avec la Banque centrale européenne et compte bien tirer profit de la rente du fond de reconstruction européen qui coûte à la France la bagatelle de 75 milliards d’euros par an.

La mission de l’Europe est actuellement de compenser le financement américain à l’Ukraine qui est bloqué par le Congrès entièrement acquis à l’ancien président Donald Trump qui, s’il est élu en novembre 2024, stoppera le conflit et scellera la fin de l’OTAN.

Macron peut gesticuler autant qu’il le veut, il devra se plier aux exigences de Washington, même s’il a tenté de profiter de cet évènement pour détourner l’attention sur les rumeurs concernant son épouse.

Bruxelles comme Washington sont de plus en plus embarrassés par le comportement imprévisible du président français qui, comme disait Trump, transforme tout ce qu’il entreprend en désastre.

Le chancelier allemand Olaf Scholz accueillera vendredi à Berlin ses homologues français et polonais pour tenter de projeter l’unité européenne sur le soutien à l’Ukraine après des semaines de frictions entre les alliés.

Un sommet organisé à la hâte à Paris le mois dernier avait pour but de donner un nouvel élan à l’Occident pour aider l’Ukraine à repousser une invasion russe à grande échelle après la troisième année de conflit.

Au lieu de cela, le refus du président français Emmanuel Macron d’exclure le déploiement de troupes occidentales en Ukraine a déclenché une réprimande de la part de Scholz, mettant en évidence les divisions entre les deux plus grandes puissances de l’Union européenne.

La querelle européenne survient alors que le soutien des États-Unis à l’Ukraine s’affaiblit, mettant en évidence le vide du leadership occidental qui risque d’enhardir davantage le président russe Vladimir Poutine, selon le point de vue des diplomates.

«L’heure est à l’apaisement entre la France et l’Allemagne», a déclaré àFrance Info, l’ancien ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qui est désormais l’envoyé spécial de Macron. «Je pense que cette rencontre permettra d’apaiser les tensions et de renforcer le soutien à l’Ukraine».

Macron devrait arriver vers midi pour une rencontre bilatérale avec Scholz avant l’arrivée de Tusk vers 14h00 heure locale (1300 GMT), a indiqué un responsable gouvernemental. Les trois dirigeants feront des déclarations avant de tenir une réunion ensemble.

Les prises de bec franco-allemandes ne sont pas nouvelles. Mais le niveau actuel de discorde a alarmé les responsables à Kiev et sur tout le continent.

Les deux dirigeants envoient des messages stratégiques très différents. Ces derniers temps, Macron se montre plus belliqueux, tandis que les partisans de Scholz le présentent comme un «chancelier de la paix» qui évitera toute escalade vers une guerre entre l’OTAN et la Russie.

Mykhailo Podolyak, conseiller principal du président ukrainien Volodymyr Zelenskiy, a déclaré à Reuters que «l’indécision et l’absence de coordination» parmi les alliés de Kiev entraînaient de «graves conséquences».
«La Russie commence à prendre de l’assurance et à croire qu’elle peut exercer une pression plus importante sur l’Ukraine», a-t-il déclaré. «L’Ukraine, à son tour, connaît une grave pénurie de ressources, principalement d’obus, et compromet son action».

Recherche de munitions

Le président américain Joe Biden n’est pas parvenu à faire adopter par le Congrès un important programme d’aide à l’Ukraine, et une grande partie de son action en matière de politique étrangère est focalisée sur la guerre à Gaza. Sur le plan intérieur, la revanche électorale de Donald Trump se profile à l’horizon.

Lors du sommet de Paris et de la réunion ministérielle de suivi, Washington n’a envoyé que son secrétaire d’État adjoint aux affaires européennes et eurasiennes.

Les alliés européens de Kiev – et leur capacité à collaborer efficacement – sont donc d’autant plus importants que les troupes ukrainiennes, à court de munitions, sont confrontées à leurs batailles les plus difficiles depuis les premiers jours de l’invasion russe.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a lancé jeudi un avertissement sévère aux membres de l’Alliance : l’Ukraine est à court de munitions et ils ne font pas assez pour l’aider.

«Il est urgent que les alliés prennent les décisions nécessaires pour intervenir et fournir davantage de munitions à l’Ukraine. C’est le message que j’adresse à toutes les capitales», a déclaré Stoltenberg.

Le Premier ministre polonais Donald Tusk a déclaré à la chaîne d’information publique TVP Info qu’il serait en mesure de rendre compte à Scholz et à Macron de ses réunions avec Biden et d’autres dirigeants américains à Washington cette semaine.

Tusk a souligné l’importance de relancer la coopération dite du Triangle de Weimar entre Varsovie, Berlin et Paris, après huit années de régime nationaliste en Pologne qui ont mis ces relations à rude épreuve.

La position stratégique de la Pologne à proximité de l’Ukraine en a fait un partenaire essentiel de l’Europe dans sa quête de soutien à Kiev.

Toutefois, les questions relatives à la fourniture d’armes et à la capacité de l’Ukraine à faire face à la Russie à long terme ont fait vaciller certains alliés dans leur soutien.

«Certains ne croient pas que l’Ukraine gagnera la guerre maintenant et pensent que l’Europe n’est pas capable d’obtenir le soutien à long terme dont l’Ukraine a besoin et considèrent que l’on ne peut pas compter sur les États-Unis», a déclaré un diplomate européen.

source : Geopolintel

 

Les puissances européennes se poignardent mutuellement dans le dos sur le désastre imminent de la défaite de la guerre par procuration en Ukraine

Source : Le blog "Sam la Touch" - Le 17/03/2024.

par Finian Cunningham 

L’échec d’être des vassaux de l’empire étatsunien et le désastre imminent de la défaite de la guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine pèsent lourd.

L’Europe est truffée de trahisons à l’ancienne mode de la rivalité impériale. C’est pathétique à regarder, mais très instructif sur qui sont les vrais méchants de la pièce.

L’échec d’être des vassaux abjects pour l’empire étatsunien et le désastre imminent de la défaite pour la guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine pèsent lourd.

Chaque puissance européenne pousse l’autre dans l’abîme pour sauver sa peau politique.

Le Français Emmanuel Macron est devenu un petit «muridé» roi. Il a parlé de déployer des troupes de l’OTAN en Ukraine pour sauver la guerre par procuration contre la Russie. Macron se pavane comme «un muridé» en bottes trop grosses pour ses pieds en appelant les autres dirigeants européens à ne pas être lâches.

L’ancien banquier Rothschild Macron se retourne alors et annule encore un autre voyage à Kiev, la capitale ukrainienne. Peut-être que le dirigeant français a eu peur de la frappe aérienne russe sur Odessa la semaine dernière lorsque le Premier ministre grec était en tournée avec le président fantoche ukrainien Zelensky.

Macron a envoyé son ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné en Lituanie vendredi dernier pour discuter avec les États baltes russophobes enragés de l’idée d’envoyer des troupes de l’OTAN en Ukraine. Compte tenu de l’histoire des États baltes qui ont aidé et encouragé l’invasion de l’Union soviétique par le Troisième Reich lors de l’opération Barbarossa en 1941, nous pouvons affirmer avec certitude que les mêmes États sont une porte ouverte à une telle folie d’inspiration française.

Cependant, avec une lâcheté d’élite classique, Macron ne veut évidemment pas être en première ligne lorsque l’action devient chaude. Mieux vaut vous asseoir sur un fauteuil confortable à l’Élysée et aboyer vos ordres de caniche en colère à partir de là.

Pendant ce temps, cet autre bastion de la civilité européenne (qui signifie tromperie perfide), les bons vieux Britanniques cajolent l’Allemagne pour envoyer des missiles à longue portée en Ukraine pour frapper profondément en Russie.

Le chancelier allemand Olaf Scholz hésite à fournir les missiles de croisière Taurus au régime ukrainien. L’arme de fabrication allemande a une portée de 500 kilomètres. Étant donné les néonazis désemparés à Kiev (dirigés par la marionnette Zelensky), il est certain que les missiles Taurus seront tirés sur Moscou pour tuer les «Russes Untermenschen».

C’est pourquoi Scholz est inquiet. Ses principaux commandants de la Luftwaffe ont déjà été pris en flagrant délit de planification de la façon dont les «super-outils» Taurus seraient utilisés pour atteindre des cibles russes profondes.
 

Entrez dans le style Britannique toujours si poli avec un coup de main aux Allemands. Le ministre britannique des Affaires étrangères «Lord» David Cameron s’est rendu à Berlin la semaine dernière pour exhorter les Allemands à fournir le missile Taurus à l’Ukraine.

Cameron a déclaré que Londres était prête à aider l’Allemagne à «résoudre le problème» de sa réticence à fournir l’arme à longue portée.

Le haut diplomate britannique a proposé un accord d’échange par lequel Londres achèterait des missiles Taurus à l’Allemagne tout en fournissant davantage de ses missiles de croisière Storm Shadow à l’Ukraine. De cette façon, Berlin ne serait pas impliqué dans l’attaque de la Russie, selon Cameron.

Risible, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a déclaré qu’elle considérait l’offre britannique comme viable.

Son patron nominal, le chancelier Scholz, est officiellement resté réticent à l’idée d’envoyer des missiles Taurus.

L’Allemagne ferait bien de traiter toute proposition britannique avec une profonde suspicion. Après tout, ce sont les Britanniques qui ont plongé l’Allemagne dans deux guerres mondiales. La première était dans le but de détruire un rival impérial, tandis que la seconde a été conçue pour libérer la machine de guerre d’Hitler sur l’Union soviétique.

Les faits froids sont que les États-Unis et ses vassaux européens de l’OTAN se sont lancés dans une guerre par procuration contre la Russie en utilisant l’Ukraine comme champ de bataille. Cette guerre a duré au moins 10 ans à partir du coup d’État de 2014, parrainé par la CIA, à Kiev, qui a porté au pouvoir l’actuel régime néonazi.

La guerre par procuration de deux ans s’est avérée être un échec colossal pour l’empire étatsunien et ses satellites européens. Le régime de Kiev s’effondre d’une puissance de feu russe extrêmement supérieure. Le gaspillage de l’armée ukrainienne – jusqu’à 500 000 hommes – ainsi que jusqu’à 200 milliards de dollars d’aide financière et militaire payée en fin de compte par les contribuables occidentaux rebondiront avec des répercussions politiques massives pour les élites occidentales bellicistes.

Chacune de ces puissances criminelles impérialistes veut sauver son propre cou alors que l’étau de la colère publique se resserre inévitablement.

Le coq français devenu «le Muridé» Macron aimerait sans aucun doute brouiller les pistes avec les troupes de l’OTAN – tout en évitant toute bavure sur ses petites bottes délicates bien sûr.

Les Étatsuniens commencent à se rendre compte qu’ils ne peuvent pas gagner et ils coupent finalement l’argent, laissant les Européens en plan pour faire face à un gâchis de taille continentale. Joe Biden ne peut même pas se rappeler si c’est en Ukraine ou en Irak qu’il a commis une erreur fatale.

La Grande-Bretagne, toujours l’arc machiavélique, voudrait mettre l’Allemagne en première ligne contre la Russie. Nul doute que la ville de Londres pourrait prendre quelques affaires capitalistes nécessaires des contrats de reconstruction de guerre.

La guerre par procuration en Ukraine est terminée et les rats occidentaux s’enfuient du navire.

Le public occidental doit demander des comptes à chacun d’entre eux et ne pas les laisser faire sauter une plus grande guerre avec la Russie comme un moyen de détourner l’attention de leur culpabilité.

source : Strategic Culture Foundation via Le Blog Sam la Touch

 

 

 

Le Sud mondial converge vers un Moscou multipolaire

Source : RzO international - Le 03/03/2024.

par Pepe Escobar

Voici ce qu’il faut retenir de ces journées frénétiques à Moscou : Normal-o-philes du monde entier, unissez-vous.

Ces jours ont été des jours multipolaires frénétiques dans la capitale du monde multipolaire. J’ai eu l’honneur de dire personnellement au ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov que la quasi-totalité du Sud mondial semblait être représentée dans un auditorium du pôle d’innovation Lomonosov un lundi après-midi – une sorte d’ONU informelle et, à plusieurs égards, bien plus efficace lorsqu’il s’agit de respecter la charte de l’ONU. Ses yeux ont brillé. Lavrov, plus que d’autres, comprend le véritable pouvoir de la Majorité mondiale.

Moscou a accueilli une conférence multipolaire consécutive ainsi que la deuxième réunion du Mouvement international des russophiles (MIR, dont l’acronyme français signifie «monde» en russe). Dans l’ensemble, les discussions et le travail en réseau ont donné des indications de bon augure sur la construction d’un ordre international véritablement représentatif, loin de la sinistrose imposée par l’agenda d’une culture unipolaire unique et des guerres sans fin.

La session plénière d’ouverture du premier jour a été placée sous le signe de la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, dont le message principal était clair comme de l’eau de roche : «Il ne peut y avoir de liberté sans libre arbitre», ce qui pourrait facilement devenir la nouvelle devise collective du Sud mondial. Les «États-civilisations» ont donné le ton de la discussion générale – car ils conçoivent méticuleusement les plans du développement économique, technologique et culturel dans le monde hégémonique post-occidental.

Zhang Weiwei, professeur de relations internationales à l’Institut chinois de l’Université Fudan à Shanghai, a résumé les quatre points cruciaux pour que Pékin puisse jouer son rôle de «nouveau pôle indépendant». Cela ressemble à un marqueur concis de la situation actuelle :

1. Dans le cadre de l’ordre unipolaire, tout, des dollars aux puces électroniques, peut être transformé en arme. Les guerres et les révolutions de couleur sont la norme.

2. La Chine est devenue la plus grande économie du monde en termes de PPA, la plus grande économie commerciale et industrielle, et elle est actuellement à l’avant-garde de la quatrième révolution industrielle.

3. La Chine propose un modèle «Unir et Prospérer» au lieu du modèle occidental «Diviser et Régner».

4. L’Occident a tenté d’isoler la Russie, mais la Majorité mondiale sympathise avec elle. Ainsi, l’Occident collectif a été isolé par le Reste mondial.

Combattre la «guerre théo-politique»

Le terme «Reste mondial» est d’ailleurs mal choisi : La Majorité mondiale est le nom du jeu. Il en va de même pour le «milliard d’or» ; ceux qui profitent du moment unipolaire, principalement à travers l’Occident collectif et en tant qu’élites compradores dans les satrapes, ne sont au mieux que 200 millions environ.

Le lundi après-midi à Moscou, trois sessions parallèles ont été organisées : Sur la Chine et le monde multipolaire, où la vedette était le professeur Weiwei ; sur l’Occident post-hégémonique, sous le titre «Est-il possible de sauver la civilisation européenne ?» – en présence de plusieurs Européens dissidents, d’universitaires, de spécialistes des groupes de réflexion et d’activistes ; et le thème principal, qui mettait en vedette les acteurs de premier plan de la multipolarité.

J’ai eu l’honneur de modérer l’impressionnante session du Sud mondial, qui a duré plus de trois heures – elle aurait pu durer toute la journée, en fait – et qui a donné lieu à plusieurs présentations époustouflantes d’Africains, de Latino-Américains et d’Asiatiques, de la Palestine au Venezuela, notamment du petit-fils de Nelson Mandela, Mandla.

C’était le Sud mondial multipolaire en plein essor – car mon impératif était d’ouvrir la parole au plus grand nombre. Si les organisateurs publiaient un best-seller des présentations, il pourrait facilement devenir un succès mondial.

Mandla Mandela a souligné qu’il était temps de s’éloigner du système unipolaire dominé par l’Hégémon, «qui continue à soutenir Israël».

Cette intervention a été complétée par celle de l’activiste charismatique béninois Kemi Seba, qui incarne avec brio le leadership africain de demain. Lors de la session plénière, Seba a introduit un concept clé, qui ne demande qu’à être développé dans le monde entier : nous vivons une «guerre théo-politique».

Ce concept résume parfaitement la guerre hybride menée simultanément par l’Occident contre l’islam, le chiisme, l’orthodoxie chrétienne, en fait toutes les religions, à l’exception du culte woke.

Le lendemain, le deuxième congrès du mouvement international des russophiles proposait trois sessions de débat : La plus pertinente portait sur – quoi d’autre – «la guerre informationnelle et hybride».

J’ai eu l’honneur de partager la scène avec Maria Zakharova – et après ma présentation de style free jazz, axée sur plus de 40 ans de pratique du journalisme à travers la planète et sur l’observation directe de la dégradation totale de l’industrie, nous avons entamé un dialogue, utile je l’espère, sur les médias et la puissance douce.

La suggestion que j’ai faite, non seulement au ministère des Affaires étrangères russe, mais aussi à tout le monde dans le Sud mondial, était simple : Oubliez les médias traditionnels contrôlés par l’oligarchie, ils sont déjà morts. Ils n’ont rien de pertinent à dire. Le présent et l’avenir reposent sur les médias sociaux, les médias «alternatifs» – qui ne sont plus alternatifs, au contraire – et les médias citoyens, auxquels il convient bien entendu d’appliquer les normes journalistiques les plus strictes.

Le soir, avant que tout le monde ne se mette à faire la fête, quelques-uns d’entre nous ont été invités à un dîner de travail ouvert, franc et instructif avec le ministre des Affaires étrangères Lavrov dans l’une des magnifiques salles ornées de fresques de l’hôtel Metropol, l’un des plus grands hôtels d’Europe depuis 1905.

Une légende avec un sens de l’humour décapant

Lavrov était détendu, entre amis ; après un premier tour de force diplomatique époustouflant qui a couvert un certain nombre de faits marquants des dernières décennies jusqu’à la morosité actuelle, il a ouvert la table à nos questions, prenant des notes et répondant à chacune d’entre elles en détail.

Ce qui frappe lorsqu’on se trouve face au diplomate le plus légendaire du monde depuis un certain temps, dans un cadre détendu, c’est sa tristesse sincère face à la rage, à l’intolérance et à l’absence totale d’esprit critique dont font preuve les Européens en particulier. Tout au long de notre conversation, cet aspect a été bien plus important que le fait que les relations entre les États-Unis et la Russie soient au plus bas.

Lavrov reste cependant très motivé par le Sud mondial et la Majorité mondiale, ainsi que par la présidence russe des BRICS cette année. Il a fait l’éloge du ministre indien des Affaires étrangères, Jaishankar, et des relations globales avec la Chine. Il a suggéré que le mouvement des russophiles devrait jouer un rôle mondial, suggérant de manière ludique que nous devrions tous faire partie d’un mouvement «Normal-o-philes».

Lavrov la légende est également connu pour son sens de l’humour. Et l’humour est plus efficace lorsqu’il est très sérieux. Voici donc ce qu’il faut retenir de ces journées frénétiques à Moscou : Normal-o-philes du monde entier, unissez-vous.

Pepe Escobar

source : Strategic Culture Foundation

Pourquoi les menaces de Macron à la Russie ne sont que du vent

Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 28/02/2024.

Pourquoi les menaces de Macron à la Russie ne sont que du vent

NOUVELLES LETTRES PERSANES (1) – Il y a trois siècles, ce grand penseur des libertés qu’était Montesquieu publiait un roman épistolaire devenu célèbre, non seulement pour la beauté de son style mais aussi pour l’acuité de ses vues sur la société française de l’époque, ses travers et ses manies. Loin de nous l’idée de comparer notre plume à celle du grand penseur de la politique et du droit. En revanche, nous tenterons, dans les semaines et les mois qui viennent, de dépayser le lecteur selon le principe même utilisé par Montesquieu: le regard extérieur, qui oblige à se décentrer, à mettre en cause les préjugés. Nous le ferons en informant nos lecteurs de ce qui se trame et se fait depuis “la Perse” d’aujourd’hui: ce “reste du monde”, que l’Amérique du Nord et l’Union Européenne n’ont pas en haute estime et qui, pourtant, est en train de construire le monde de demain. De nouvelles “Lettres Persanes” sont d’autant plus nécessaires au XXI è siècle que les dirigeants français et européens ont développé, sur fond d’ignorance profonde, une arrogance qu’un Montesquieu n’aurait jamais imaginée de la part des élites de son temps.

Imaginons un moderne Usbek (du nom du héros épistolaire du roman de Montesquieu) prévoyant un voyage à Paris. Juste au moment de se mettre en route, il entend parler des déclarations du président français sur l’envoi éventuel (officiel) de militaires français et occidentaux en Ukraine.

Macron enrage que les Russes le poussent hors d’Afrique

Il se tourne alors vers un de ses amis, Drago Bosnic, bon connaisseur des affaires militaires, qui lui envoie ces commentaires:

Le 26 février, le président français Emmanuel Macron a refusé d’exclure l’envoi de troupes au sol en Ukraine. Bien qu’il ait admis qu’il n’y avait pas de consensus à ce sujet au sein de l’OTAN, M. Macron a insisté sur le fait que “rien ne doit être exclu” et que “nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que la Russie ne l’emporte pas”. Le lendemain, le Premier ministre français Gabriel Attal a réitéré son message, affirmant que “rien ne peut être exclu dans une guerre”. Tout comme M. Macron, il a admis qu’il n’y avait pas de consensus sur la question, mais il a également insisté sur le fait que “nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre”. Cela soulève une question évidente : que peut faire exactement l’Occident politique (et encore moins la France seule) pour “garantir” la défaite de Moscou en Ukraine ?

Tout d’abord, il faudrait former une coalition claire et nette. L’OTAN ne peut pas s’impliquer collectivement en Ukraine pour la simple raison que la junte néo-nazie n’en est pas un membre officiel. Pour invoquer l’article 4 ou l’article 5, il faudrait qu’un ennemi extérieur menace un ou plusieurs États membres de l’OTAN. Et même dans une telle éventualité, tous les membres devraient accepter la défense collective. Quelle est la probabilité que des pays comme le Portugal, l’Espagne ou l’Italie entrent dans une confrontation directe avec une superpuissance mondiale comme la Russie? même dans le cas où Moscou déciderait d’intervenir dans des États membres de l’OTAN comme l’Estonie ou la Lettonie ? Sans parler d’une telle possibilité lorsqu’il s’agit du régime de Kiev. Aider une entité aussi corrompue, voire terroriste, n’est pas très attrayant.

Deuxièmement, même si une telle coalition devait être formée, elle impliquerait presque certainement des pays pathologiquement russophobes tels que le Royaume-Uni, la Pologne et les États baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie). Cela diviserait effectivement l’OTAN en plusieurs groupes, en fonction de ceux qui sont en guerre directe avec la Russie et de ceux qui ne le sont pas. Les États-Unis ne pourraient pas s’impliquer directement, car cela rapprocherait le monde de l’anéantissement thermonucléaire, ce qui signifie que Washington DC serait largement limité à ce qu’il fait déjà en Ukraine – logistique, ISR (intelligence, surveillance, reconnaissance), opérations secrètes et soutien indirect en général. Mais il reste l’éléphant dans la pièce : qui se battra contre les troupes russes ?

Il est évident que la junte néo-nazie devrait fournir le gros des troupes. Le seul problème est que c’est exactement ce qu’elle fait depuis deux ans et que cela ne se passe pas très bien, en particulier ces dernières semaines. Les meilleures armes et les meilleurs équipements de l’OTAN ont été anéantis par l’armée russe en l’espace de quelques jours. Et bien qu’elle soit opérée par les forces du régime de Kiev (officiellement, du moins), rien ne prouve que les soldats de l’OTAN feraient mieux, au contraire même. Plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ont déjà déployé des troupes d’opérations secrètes déguisées en volontaires ou en mercenaires. L’armée russe aurait même capturé du personnel polonais et allemand déployé pour soutenir des opérations de grande envergure impliquant des blindés fournis par l’OTAN.

En outre, on pense généralement que le personnel occidental exploite d’autres moyens plus complexes tels que le système SAM (missile surface-air) “Patriot” et d’autres défenses aériennes similaires que les forces de la junte néo-nazie n’ont tout simplement pas eu le temps de maîtriser. Il en va de même pour d’autres systèmes d’armes tels que le M270 MLRS (système de roquettes à lancement multiple) et sa version à roues, le HIMARS. À lui seul, ce système fait du personnel de l’OTAN une cible privilégiée pour l’armée russe, comme l’a montré la frappe du 16 janvier qui a anéanti au moins 60 mercenaires français à Kharkov. Des sources russes ont indiqué qu’il s’agissait de “spécialistes hautement qualifiés travaillant sur des systèmes d’armes trop complexes pour des conscrits ordinaires”. Cela pourrait expliquer en partie la réaction plutôt émotionnelle de M. Macron.

Il est également fort possible que Paris veuille se venger de la perte de ses (néo)colonies africaines, en particulier le Niger, qui compromet son exploitation de l’uranium nigérien et d’autres ressources importantes. L’uranium nigérien est extrêmement important pour la France, qui reste le deuxième exploitant mondial de centrales nucléaires (56 au total). C’est pourquoi elle a maintenu des pays comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso sous une emprise (néo)coloniale pendant plus d’un demi-siècle après leur avoir officiellement accordé l'”indépendance”. Après que l’armée russe, en particulier la société militaire privée “Wagner”, a mis fin à cette situation, la France a été contrainte de chercher d’autres solutions, car plus de 70 % de ses besoins énergétiques sont couverts par des centrales nucléaires.

Néanmoins, les problèmes énergétiques de Macron ne sont certainement pas la raison pour laquelle l’Europe devrait entrer en guerre avec une superpuissance militaire telle que la Russie, et la grande majorité des dirigeants de l’Union européenne l’ont fait savoir très clairement. En outre, même si un conflit direct potentiel avec la Russie devait se dérouler sans l’utilisation d’armes de destruction massive, un domaine entièrement dominé par Moscou de toute façon, l’Occident politique n’a pas de supériorité conventionnelle, malgré toutes les rêveries à ce sujet. Il est presque certain que l’armée russe n’enverrait pas des millions de soldats pour prendre des territoires en Pologne ou dans d’autres pays qui seraient impliqués dans une éventuelle intervention dans l’ouest de l’Ukraine. Au lieu de cela, elle lancerait des centaines de missiles de croisière, balistiques et hypersoniques à longue portée sur des cibles militaires.

Il ne s’agirait là que de la première réaction et elle progresserait certainement pour inclure d’autres actifs stratégiquement importants dans tous les pays participants, en particulier leurs systèmes énergétiques, leurs installations industrielles et, d’une manière générale, tout ce qui présente un potentiel dit de double usage (c’est-à-dire qui peut être utilisé à des fins militaires). En d’autres termes, Moscou détruirait toutes les cibles qu’elle juge militairement importantes, ce qui retarderait de plusieurs décennies l’économie des pays visés. Aucun dirigeant sain d’esprit d’un pays indépendant (ou du moins partiellement indépendant) ne voudrait d’une telle chose. Et l’Europe n’a pas vraiment de moyen de réagir sans faire dégénérer le conflit en un échange thermonucléaire, qu’elle perdrait très certainement, puisqu’elle ne peut même pas maintenir son arsenal stratégique en temps de paix.

southfront.press, 28 février 2024

L’Asie Centrale en plein boom

Usbek, dont le français est parfait, a remercié son ami Drago en constatant que les menaces de Macron ne sont donc “que du vent”. Loin de lui l’idée de se moquer du seul président français. Son ami ambassadeur indien, M.K. Bhadrakumar, le lui répète souvent: c’est tout l’Occident qui est dépassé. Comme lui explique le diplomate:

L’étonnante victoire de la Russie dans la bataille d’Avdeevka et la déroute de l’armée ukrainienne renforcent la crédibilité de la Russie en tant que fournisseur de sécurité pour la région de l’Asie centrale. L’esprit érudit de l’Asie centrale ne perd pas de vue que la Russie a, à elle seule, mis l’OTAN sur le reculoir.

Il s’agit là d’un moment décisif, qui vient s’ajouter au confort résultant de la nouvelle normalité en Afghanistan, grâce à l’engagement diplomatique efficace de la Russie auprès des talibans.

L’engagement personnel de Vladimir Poutine

Un autre cercle vicieux de la propagande occidentale est en train de s’épuiser, fondé sur les hypothèses erronées selon lesquelles l’influence de la Russie en Asie centrale est en “déclin” (Wilson Centre), que les États d’Asie centrale “sortent de l’ombre de la Russie et affirment leur indépendance comme jamais depuis l’effondrement du communisme en 1991” (Financial Times) et que, dans le sillage de la guerre en Ukraine, les dirigeants d’Asie centrale “pourraient bien être en train de se demander combien de temps Poutine pourra rester au pouvoir en Russie” (Radio Free Europe / Radio Liberty).

En réalité, les performances économiques de la région en 2023 ont enregistré une croissance impressionnante du PIB de 4,8 %. Et la Russie a contribué à cette réussite. La guerre en Ukraine a conduit les entreprises occidentales à quitter le marché russe, ce qui a créé de nouvelles occasions pour les États de la région. Dans le même temps, les conditions imposées par les sanctions ont incité les entreprises et les capitaux russes, ainsi que les citoyens russes, à délocaliser leurs activités dans la région d’Asie centrale.

Les entrepreneurs d’Asie centrale n’ont pas manqué les occasions lucratives de s’approvisionner en biens et en technologies occidentaux pour le marché russe. Ils ont dû marcher sur la corde raide en veillant à respecter les sanctions occidentales, tout en renforçant leur interdépendance et leur intégration avec les marchés russes. La reprise de l’économie russe et sa croissance de 3,6 % l’année dernière ont créé des opportunités commerciales pour les pays d’Asie centrale.

Les politiques de Moscou visent à une “renaissance” des relations de la région avec la Russie. La nouvelle façon de penser à Moscou a amené Poutine à jouer un rôle actif pour maintenir un rythme élevé de contacts avec les dirigeants d’Asie centrale à un niveau personnel, en utilisant tous les formats d’interaction disponibles, tant bilatéraux que régionaux. L’approche russe a permis aux États de la région d’adopter une position “neutre” sur la guerre.

Le message unanime du 9 mai 2023

Un problème de compréhension pour les personnes extérieures est que les attitudes de l’Asie centrale sont rarement manifestes et que, dans des circonstances spécifiques (comme la guerre en Ukraine), elles doivent être discernées en termes de préférences. Ainsi, le message politique de la parade du 9 mai à Moscou l’année dernière, lorsque tous les présidents d’Asie centrale ont rejoint Poutine lors des cérémonies sur la Place Rouge, était un geste massif de soutien à la Russie – et à Poutine personnellement.

Tout au long de l’année 2023, les États d’Asie centrale ont été la cible d’un effort diplomatique sans précédent de la part de l’Occident pour maintenir les sanctions contre la Russie. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le président français Emmanuel Macron se sont rendus dans la région. Deux sommets historiques au format “C5+1” ont été organisés par le président Joe Biden et le chancelier allemand Olaf Scholz, respectivement à Washington et à Berlin.

Mais les interlocuteurs occidentaux ont refusé de voir l’écriture sur le mur. L’homologue kazakh de M. Blinken lui a dit qu’Astana “ne ressentait aucune menace ni aucun risque de la part de la Fédération de Russie”. Les déclarations conjointes publiées à l’issue des deux sommets du “C5+1” n’ont même pas mentionné l’Ukraine !

Le nouveau mode de pensée de Poutine relègue le grand jeu au second plan et donne la priorité à l’accroissement du contenu des relations de la Russie avec les États d’Asie centrale, en particulier dans les domaines économique et humanitaire. Cette approche a manifestement dissipé le syndrome du “grand frère”. Les réunions de M. Poutine avec ses homologues du Tadjikistan, de l’Ouzbékistan et du Kazakhstan, qui se sont tenues mercredi à Kazan, se sont déroulées dans une atmosphère manifestement détendue.

Il est intéressant de noter qu’Emomali Rahmon, le président tadjik, a souhaité à M. Poutine non seulement de réussir “tout ce qu’il entreprend”, mais aussi d’avoir des “nerfs d’acier”. Kassym-Jomart Tokayev, président du Kazakhstan, a souligné de manière significative que “sous votre direction (celle de M. Poutine), la Russie a obtenu des succès notables et impressionnants. En fait, vos déclarations et vos actions façonnent l’agenda mondial”. La remarque de Tokayev est particulièrement remarquable, car les analystes occidentaux l’avaient repéré comme un mutin potentiel contre Poutine dans les steppes !

La nouvelle attitude russe en Afghanistan

Toutefois, en dernière analyse, si les relations de sécurité de la Russie avec la région d’Asie centrale se sont transformées au cours des deux dernières années, c’est parce que les efforts coordonnés de Moscou pour forger des liens avec les talibans ont gagné du terrain ces derniers temps. Ils ont contribué à atténuer la perception de la menace que représente l’Afghanistan dans la région d’Asie centrale.

Si le modèle traditionnel de réponse à ces perceptions de menace consistait à recourir à des moyens militaires et à isoler la région de l’Afghanistan, la diplomatie russe a adopté une approche radicalement différente en s’engageant de manière constructive avec les talibans (bien que les talibans continuent d’être une organisation proscrite par la loi russe) et en s’efforçant de faire de ces derniers une partie prenante dans l’établissement de liens de coopération au sein d’une matrice d’intérêts mutuels. Cela a porté ses fruits.

Moscou estime que le régime des talibans a considérablement stabilisé la situation en Afghanistan et qu’il est dans l’intérêt de la Russie d’aider l’administration de Kaboul à lutter efficacement contre les éléments extrémistes dans le pays (en particulier l’État islamique, dont on sait qu’il est un héritage de l’occupation américaine de l’Afghanistan). La Russie a tiré parti de son influence sur les États d’Asie centrale pour s’assurer que les forces de “résistance” anti-talibans soutenues par l’Occident n’obtiennent pas de sanctuaires.

Bien entendu, l’objectif stratégique est d’empêcher les services secrets occidentaux de manipuler des éléments afghans en roue libre pour déstabiliser à nouveau la région de l’Asie centrale ou le Caucase.

Les talibans se sont montrés très réceptifs aux ouvertures russes visant à renforcer l’État afghan. Récemment, les talibans sont allés jusqu’à boycotter une conférence sur l’Afghanistan organisée par les Nations unies les 18 et 19 février au Qatar. Il s’agissait en réalité d’une tentative malveillante des États-Unis de renouer le dialogue avec les talibans sous le prétexte de promouvoir le “dialogue intra-afghan” (ce qui signifiait essentiellement le retour des mandataires afghans de l’Occident vivant en exil en Europe et en Amérique).

Certes, les talibans ont compris le plan de jeu occidental visant à reconstruire leur réseau de renseignements en Afghanistan et l’ont contré en posant des conditions à leur participation à la conférence de Doha, notamment qu’ils soient le seul représentant de l’Afghanistan à la réunion. Les talibans se sont également opposés à la nomination d’un envoyé spécial des Nations unies en Afghanistan, dont la tâche principale serait de promouvoir le “dialogue intra-afghan”.

Dans un communiqué publié avant la réunion de Doha, le ministère des affaires étrangères des talibans a accusé la communauté internationale “d’impositions unilatérales, d’accusations et de pressions”. L’aspect le plus intéressant de la pantomime qui s’est déroulée à Doha est qu’à la demande des Talibans, la délégation russe qui a participé à la réunion de Doha a refusé de rencontrer les soi-disant “représentants de la société civile” d’Afghanistan. Cela indique que la Russie a commencé à travailler avec les talibans en tant que dirigeants de facto de l’Afghanistan.

En effet, les États d’Asie centrale accueillent chaleureusement cette brillante initiative diplomatique de la Russie visant à renforcer la sécurité et la stabilité régionales. Le niveau de confiance de la région à l’égard des dirigeants talibans a déjà atteint un point tel que, lors de la réunion avec Poutine à Kazan mercredi, le président ouzbek Mirziyoyev a soulevé la “question importante” de l’Ouzbékistan et de la Russie concernant la construction d’un nouveau chemin de fer via l’Afghanistan pour relier l’Asie centrale aux régions adjacentes et au marché mondial.

Indian Punchline, 25 février 2024

En finissant de lire ce qu’écrit son ami indien, Uzbek est pris de vertige: et s’il allait s’ennuyer en prenant le chemin de Paris? Et si l’essentiel du monde se passait désormais chez “les Persans” et tous leurs voisins ?

 

Ukraine : L’Occident entre déroute et banqueroute

Source : RzO international - Le 18/02/2024.

avec Caroline Galactéros

La guerre ouverte en Ukraine avance vers son deuxième anniversaire. Sur le terrain militaire, c’est une déroute terrible qui devrait se poursuivre avec les combats à Avdiivka, à l’image de Bakhmout il y a un an.

Après avoir mis le feu aux poudres dès 2014 avec Maïdan, les États-Unis se désengagent peu à peu vis à vis de Kiev, préférant se concentrer sur l’année électorale qui verra vraisemblablement s’opposer Donald Trump et Joe Biden.

L’Union européenne, la France et Emmanuel Macron en tête sautent sur l’occasion pour briller sur la scène internationale en multipliant les déclarations les plus dangereuses et les financements dispendieux d’armes à Kiev sans pouvoir changer le cours de la guerre. Face à cela, les États-Unis ralentissent leur chute grâce à leur complexe militaro-industriel encouragé par les conflits qui mettent l’Europe à plat aussi bien financièrement que sur le plan diplomatique.

 

Les aiguilles de l’horloge de l’Armageddon régional sonnent onze heures

Source : RzO International - Le 17/02/2024.

par Alastair Crooke

Peu de gens à Washington semblent se rendre compte à quel point ils sont déjà embourbés. Ou encore de l’ampleur et la rapidité avec lesquelles leurs options s’évanouissent et sont inéluctablement liées à la fortune de Netanyahou et de son gouvernement de coalition d’extrême-droite.

Ils doivent comprendre que l’administration Biden peut tergiverser et multiplier les palliatifs sur les États palestiniens et «l’intégration régionale israélienne», mais que le gouvernement israélien conduit Biden et son équipe sur le «chemin de l’orge» jusqu’à un point de jonction où les chemins finissent par diverger :

Soit les États-Unis vont «jusqu’au bout» avec le «projet de grande victoire» – tentant de graver une nouvelle dissuasion israélienne dans la psyché régionale (selon Netanyahou), soit les États-Unis se «débarrassent» rapidement de la situation. (Il est peut-être déjà trop tard pour cette dernière solution). Netanyahou est sur le point de franchir les lignes rouges fixées par l’équipe Biden, à savoir une attaque sur Rafah. 

Il est question que les États-Unis se préparent à retirer tout ou partie de leurs forces d’Irak et de Syrie en réponse aux attaques des forces de la Résistance irakienne, d’après ce qu’ont déclaré de hauts fonctionnaires américains. Mais s’agit-il pour la Maison-Blanche de jouer la montre ? 

Les États-Unis ont frôlé la guerre avec les forces de mobilisation populaire irakiennes lorsque, mercredi dernier, ils ont tué trois membres des forces du Hezbollah Kata’ib, dont un commandant de haut rang, Al-Saadi, qui est la personnalité la plus haut placée à avoir été tuée en Irak depuis l’attaque de drone de 2020 qui a tué Al-Muhandis et Qassem Soleimani.

La Résistance irakienne a essentiellement annoncé conjointement que l’assassinat d’Al-Saadi était le «moment du 7 octobre» de l’Irak et qu’elle s’engageait à chasser les forces américaines de l’Irak. (Peut-être les États-Unis ont-ils déjà passé le cap et sont-ils déjà au bord du gouffre).

Ou bien l’équipe Biden a-t-elle «senti le vent tourner» et conclu qu’elle n’avait pas d’autre choix que de continuer à embrasser Israël – où que le chemin mène – et qu’il était donc temps de retirer ses forces du danger pronto, c’est-à-dire avant que la prochaine phase de la guerre ne commence pour de bon ?

Netanyahou a annoncé vendredi qu’il avait demandé à l’armée israélienne de présenter au cabinet un plan visant à évacuer la population civile de Rafah (à laquelle s’ajoutent plus d’un million de réfugiés du nord et du centre de la bande de Gaza) afin de «détruire les derniers bataillons du Hamas dans la région».

Mais où iront ces civils palestiniens menacés ? note le principal quotidien libéral israélien, Haaretz :

«Ils se heurtent déjà à la barrière frontalière à l’extrémité sud de la bande de Gaza. Une incursion israélienne à Rafah serait une attaque contre le plus grand camp de personnes déplacées au monde. Elle entraînera l’armée israélienne dans des crimes de guerre d’une gravité que même elle n’a pas encore commise. Il est impossible d’envahir Rafah aujourd’hui sans commettre de crimes de guerre. Si les forces de défense israéliennes envahissent Rafah, la ville deviendra un charnier».

Selon Netanyahou, l’assaut de Rafah est essentiel pour atteindre l’objectif de guerre déclaré d’Israël, à savoir le démantèlement du Hamas. Plus tôt dans la semaine, le Premier ministre a rejeté les propositions de libération d’otages du Hamas, les qualifiant de «délirantes». Le ministre de la Sécurité Gallant a déclaré dimanche :

«Nous avons pénétré au cœur des endroits les plus sensibles du Hamas [à Gaza]… Toutes ces choses sont le résultat de l’approfondissement et de la pénétration au cœur des capacités du Hamas. Plus nous approfondissons cette opération, plus nous nous rapprochons d’un accord réaliste pour le retour des otages». 

Beaucoup en Israël considèrent plutôt l’opération de Rafah comme l’abandon définitif des otages.

Des rapports indiquent que, dans un effort pour prévenir un afflux massif de réfugiés, l’Égypte a, au cours des deux dernières semaines, stationné quelque 40 chars près de sa frontière avec Gaza, après avoir renforcé le mur frontalier depuis le début de la guerre à Gaza, à la fois structurellement et avec des équipements de surveillance, et a averti Israël que le traité de paix de plusieurs décennies entre l’Égypte et Israël pourrait être suspendu si des troupes des FDI pénétraient dans Rafah, ou si des réfugiés palestiniens (dont 1,3 millions d’entre eux campent dangereusement dans la région de Rafah) sont forcés de se réfugier dans la péninsule égyptienne du Sinaï.

Bien entendu, Israël peut simplement utiliser des missiles pour faire sauter le mur frontalier (il l’a fait à plusieurs reprises au cours de la guerre jusqu’à présent), permettant ainsi aux familles de réfugiés palestiniens désespérés de s’enfuir dans le Sinaï. Les commentateurs de la Résistance sont sceptiques quant aux intentions égyptiennes et s’interrogent sur l’intérêt et l’objectif du déploiement par l’Égypte de 40 chars d’assaut à la frontière.

En outre, l’Arabie saoudite a publié une déclaration ces derniers jours, mettant en garde contre «les répercussions extrêmement dangereuses de l’assaut et du ciblage de la ville de Rafah dans la bande de Gaza», étant donné que la ville est «le dernier refuge pour des centaines de milliers de personnes».

L’équipe Biden est donc arrivée à la onzième heure : Son attaque provocatrice contre le chef du Hezbollah Kata’ib – après que le mouvement Kata’ib ait suspendu ses opérations militaires contre les États-Unis à la demande du gouvernement irakien – a mis l’équipe Biden sur la voie de la guerre avec les forces de la Résistance irakienne. Elle est déjà en guerre avec les forces d’Ansarullah – et le Hezbollah est prêt à l’escalade. Il y a des signes clairs que l’Axe de la Résistance réfléchit et prépare la prochaine phase d’une guerre plus large.

Que fera l’Égypte si Israël bombarde Rafah et que des dizaines de milliers de Palestiniens tentent de passer en Égypte ? Le directeur de la CIA, Bill Burns, a été envoyé au Caire pour discuter de la reprise des négociations sur les otages !

Le fait est que peu de gens à Washington semblent se rendre compte à quel point ils sont déjà embourbés. Ou l’ampleur et la rapidité avec lesquelles leurs options s’évanouissent et sont inéluctablement liées à la fortune de Netanyahou et de son gouvernement de coalition d’extrême-droite.

Alastair Crooke

source : Al Mayadeen

Le lancement de l’axe Paris-Berlin-Varsovie pour le réarmement de l’UE déjà mort-né ?

Source : RzO International - Le 16/02/2024.

par Philippe Rosenthal

Paris lance – dans une précipitation suscitée par la peur d’être lâché par les États-Unis dans le conflit ukrainien – l’idée du réarmement de l’UE avec le Triangle de Weimar, une réunion constituée de la Pologne, de la France et de l’Allemagne, mais qui n’a jamais montré ses preuves depuis sa création en 1991. La diplomatie française vend du vent aux Français et liquide sa souveraineté militaire.

Les élites de l’UE ont peur de voir les États-Unis laisser tomber le bloc sans défense. En France, surtout en Pologne et en Allemagne, les responsables politiques de la CDU, du FDP, du SPD et des Grünen ont été choqués d’entendre Donald Trump annoncer la fin du soutien militaires des États-Unis en cas d’une attaque russe. La France a, elle, sa dissuasion nucléaire ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne ou de la Pologne. L’Allemagne a l’autorisation de porter des bombes atomiques US avec l’accord de Washington sous les ailes de ses avions. Aujourd’hui, les armes nucléaires tactiques américaines sont toujours présentes dans six bases situées dans cinq pays membres de l’OTAN : La Belgique, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Turquie. La Pologne, par sa détestation historique au niveau de ses élites politiques de la Russie, alors qu’il y a bien des Polonais qui n’éprouvent pas une haine envers Moscou, se voyant être placée en première ligne après l’Ukraine, a des sueurs froides à l’idée de voir Donald Trump regagner les élections américaines.  

En fait, la population allemande dans son ensemble n’éprouve pas une haine des Russes et de la Russie, au contraire. Ce sont les élites, qui sont actuellement en poste, dans ces deux pays de l’axe Paris-Berlin-Varsovie qui cultivent une telle communication, des élites inféodés aux Etats-Unis et à l’UE. D’ailleurs, en Allemagne, le parti de l’AfD et le nouveau parti politique situé à gauche avec Sahra Wagenknecht, l’Alliance Sahra Wagenknecht – Pour la raison et la justice (BSW) réclament des relations normales avec la Russie et des accords de paix immédiats entre Moscou et Kiev pour faire cesser ce conflit.  

«L’AfD et la Russie sont proches depuis des années et peu de choses ont changé après la guerre d’agression de Poutine en Ukraine», martèle NTV, pour dire que le projet de consolider le Triangle de Weimar est un plan bancal car l’opinion allemande est loin d’être acquise pour faire la guerre à la Russie. 

Observateur Continental rapportait en juillet dernier que «l’AfD est devenue la deuxième force politique la plus populaire en Allemagne». Curieusement, c’est le parti pacifiste et anti-militariste des Grünen, dont appartient l’actuelle ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, qui réclament l’envoi d’armes et de munitions en Ukraine pour faire la guerre à la Russie à côté des actuels ministres des Affaires étrangères de la France, Stéphane Séjourné, et de Pologne, Radosław Sikorski. «France, Pologne et Allemagne relancent le Triangle de Weimar face à la Russie et aux menaces de Donald Trump», titre Toute l’Europe, soulignant la volonté de cultiver le conflit et de rentrer en guerre contre la Russie directement. 

Le ministre des Affaires étrangères français a publié X: «France, Allemagne, Pologne, unies pour l’Europe, pour protéger nos démocraties de la désinformation, pour parler d’une seule voix dans le monde. Le format Weimar est de retour et il a de beaux jours devant lui !». Ses mots n’engagent que lui et, surtout, ne s’apparentent qu’à une déclaration marketing. L’Allemagne se moque de la France et de la Pologne. Et, la Pologne se moque de l’Allemagne et de la France. Varsovie réclame un dédommagement pour la Seconde Guerre mondiale de Berlin et la Pologne se souvient de la trahison de la France lors de l’attaque de la Wehrmacht. De fait, ce Triangle de Weimar est inexistant, sauf dans la communication politique et cela est dangereux de faire passer des vessies pour des lanternes auprès des populations civiles. 

 Les mensonges des bonnes ententes entre ses pays, en particulier avec l’Allemagne se voient dans la réalité avec les divorces et les histoires des droits de garde pour les enfants. L’Allemagne change les actes de naissance, gardent les enfants, a fait savoir RUE89. L’amitié franco-allemande n’existe pas, ne parlons pas de cet axe Paris-Berlin-Varsovie. Et, vouloir faire intervenir l’Ukraine dans cet axe comme l’indique le communiqué français, «Nous exprimons également notre intention d’organiser très prochainement une réunion élargie (Weimar + Ukraine) des ministres des Affaires étrangères», c’est de la fiction.

En outre, Observateur Continental cite l’ambassadrice des États-Unis auprès de l’OTAN, Julianne Smith qui vient de stipuler que «l’Ukraine ne sera pas invitée dans l’OTAN lors du sommet de Washington».

source : Observateur Continental

La fin de l’ère de l’anglosphère au Moyen-Orient


Source : Le Saker francophone - Par Firas Morad − Le 19 janvier 2024 − Source The Hill

Les empires sont souvent incapables d’assimiler des leçons précieuses sans avoir d’abord subi une humiliation majeure. C’est pourquoi les États-Unis et le Royaume-Uni sont incapables de voir que le bombardement du Yémen se retournera contre eux plutôt que de leur permettre d’atteindre leurs objectifs.

Après tout, les États-Unis devraient avoir appris – de leurs diverses guerres au Moyen-Orient, des guerres d’Israël et de la guerre d’Ukraine – qu’il y a des limites à ce que la technologie et l’aviation peuvent accomplir. Mais les dirigeants américains et leurs partisans britanniques ne semblent pas s’en rendre compte. Étrangement, leur orgueil démesuré n’a fait que croître depuis les échecs en Irak et en Afghanistan.

 

L’alliance entre l’anglosphère et les musulmans sunnites existe depuis le milieu du XIXe siècle, lorsque la Grande-Bretagne s’est associée pour la première fois à l’Empire ottoman contre l’influence française et russe. Après la Première Guerre mondiale, cette alliance est passée d’ottomano-britannique à saoudo-britannique, puis à saoudo-américaine. Ce partenariat a permis la défaite de l’Union soviétique en Afghanistan, contribuant ainsi à la victoire de la guerre froide. Il a également empêché le monde arabe de se révolter contre son humiliation par Israël, en garantissant que les ressources arabes seraient contrôlées par des “modérés“, c’est-à-dire des États non engagés dans le conflit israélo-islamique en Palestine.

Les Britanniques ont tracé les frontières du Moyen-Orient, du Golfe à l’Irak, en passant par la Jordanie et la Palestine. Les Britanniques et les Juifs ont imposé l’État d’Israël aux Arabes. Cela a conduit à une série de guerres – 1948, 1956, 1967 et 1973 ; les guerres du Liban de 1982, 1993, 1996 et 2006 ; et les incessantes attaques contre Gaza.

Les guerres de 1948 à 1982 se sont soldées par des victoires militaires israéliennes décisives. Cela a discrédité les monarchies arabes traditionnelles et douces, telles que celles d’Égypte, de Libye et d’Irak, et a conduit à leur remplacement par des hommes forts laïques. Finalement, après l’invasion éclair du Liban par Israël en 1982, qui a réussi à expulser l’Organisation de libération de la Palestine, les gouvernements et mouvements laïques arabes ont également été discrédités. Seules les monarchies du Golfe alignées sur les États-Unis ont prospéré.

Les guerres menées par les chiites au Liban et leurs alliés sunnites à Gaza, d’autre part – les guerres menées à partir de 1982 – furent des guerres dans lesquelles Israël n’a pas atteint ses objectifs. Ces guerres impliquaient des mouvements, et non des États, qui avaient une stratégie différente. Plutôt que de promettre des victoires, ils cherchaient à imposer un coût élevé à Israël tout en travaillant à la construction progressive de capacités plus importantes et d’une société croyante et religieusement engagée, convaincus que c’était la clé de la victoire.

Le succès de cette stratégie est particulièrement évident au Liban. Le retrait forcé d’Israël du Liban en 2000 a été historique. Israël a abandonné des terres qu’il aurait autrement colonisées, et ce sans aucune garantie de sécurité. Le retrait d’Israël a permis au Hezbollah de se développer davantage. Aujourd’hui, le Hezbollah participe à la confrontation avec les États-Unis au Yémen, en Irak et en Syrie. Le réveil spirituel du Hezbollah parmi les chiites libanais a eu des effets matériels évidents, comme le montre la capacité du Hezbollah à dissuader Israël, bien que ce dernier ait lancé des frappes contre lui depuis trois mois.

Après avoir repris les responsabilités impériales de la Grande-Bretagne au Moyen-Orient, et plus particulièrement au cours des deux dernières décennies, l’Amérique a renoncé à l’humilité pour adopter un orgueil démesuré. Passons en revue quelques-unes des ambitions récentes de l’Amérique.

Tout d’abord, il y a eu le plan de démocratisation du Moyen-Orient après le 11 septembre. Avant George W. Bush, les décideurs américains avaient compris que leurs alliés sunnites devaient être autoritaires pour maintenir la paix avec Israël contre la volonté de leur peuple. Le président égyptien Anouar el-Sadate n’a-t-il pas été tué pour avoir fait la paix ? En promouvant la démocratie, Bush a montré que les Américains étaient prêts à saper la stabilité de leurs alliés dans le seul but de valider leurs croyances insipides et erronées.

Les États-Unis ont ensuite soutenu le mouvement de protestation de 2011 mené par les Frères musulmans, s’attirant ainsi l’inimitié des armées et des monarchies qui étaient des alliés traditionnels des États-Unis. L’Amérique les a ignorés, persuadée que la démocratie rendrait tout le monde ami, une croyance partagée à la fois par le prétendu simplet Bush et le prétendu génie Barack Obama.

Ensuite, espérant apparemment passer d’une alliance avec les sunnites à une alliance avec les chiites plus radicaux dirigés par l’Iran, les États-Unis sous Obama ont conclu un accord nucléaire avec l’Iran, contrariant ainsi l’Arabie saoudite.

Pour apaiser les Saoudiens, les États-Unis les ont soutenus au Yémen, mais pas suffisamment pour obtenir une victoire saoudienne. Et pour montrer à quel point leur stratégie iranienne était intelligente, les États-Unis ont soutenu les djihadistes en Syrie, mais pas suffisamment pour renverser Bachar el-Assad, et ont été à la fois incapables sous Obama et réticents sous Trump d’accorder à l’Iran l’allègement des sanctions convenu. Ayant acquis une réputation de manque de fiabilité et d’incompétence, les États-Unis ont cimenté l’hostilité des Saoudiens et des Iraniens, qui se sont réconciliés sous les auspices de la Chine.

Pour les anciens alliés du Moyen-Orient, le signe le plus révélateur a été l’acharnement de l’establishment américain contre le président Donald Trump, qui avait tenté de rétablir les anciennes alliances sunnites qui avaient si bien servi l’Amérique et la Grande-Bretagne. Les médias, les Démocrates et une bonne partie des Républicains ont accusé Trump de s’acoquiner avec des dictateurs et ont fièrement proclamé qu’ils ne seraient jamais vus aux côtés de tels types. Puis le président Biden s’est humblement rendu en Arabie saoudite pour demander une augmentation de la production de pétrole, avant de se faire rabrouer.

La faiblesse et l’incohérence américaines ont été mises en évidence, non pas sur des questions mineures comme les droits de l’homme, mais dans la pratique même du pouvoir.

Aujourd’hui, l’Iran et ses alliés sont engagés dans une guerre d’envergure visant à repousser l’influence américaine hors de la région et à priver les Arabes sunnites et les Juifs de leur protecteur historique. Tel était, en résumé, l’objectif de l’attaque du 7 octobre et de l’agression qui a suivi. Tout l’édifice du pouvoir britannique et américain au Moyen-Orient, depuis les frontières jusqu’à l’existence de l’État d’Israël, en passant par la direction des familles, est aujourd’hui menacé et pourrait s’effondrer dans les 10 à 20 prochaines années.

L’engagement d’Israël à procéder à un nettoyage ethnique des Palestiniens empêche les sunnites et les juifs de s’unir. Alors que les États-Unis et le Royaume-Uni choisissent de bombarder le Yémen – le pays le plus pauvre du Moyen-Orient – plutôt que d’imposer un cessez-le-feu à Israël, les relations avec les alliés régionaux sont appelées à se détériorer davantage.

Les alliés des États-Unis seraient peut-être indulgents si les Américains pouvaient gagner au Yémen, mais ce n’est pas le cas. Les bombes américaines tombent sur Ansar Allah, également connu sous le nom de mouvement Houthi, depuis 2004.

Les États-Unis envoient des renforts en Irak et en Syrie, pensant qu’ils feront la différence. Il n’en est rien. La tolérance des Iraniens à l’égard des pertes parmi les milices irakiennes est bien plus élevée que la tolérance des Américains à l’égard des pertes parmi les soldats américains. Cette guerre, comme le Viêt Nam, l’Algérie, l’Afghanistan et la guerre d’Irak de 2003 à 2011, sera perdue politiquement, quelle que soit la taille des bombes que l’Amérique peut larguer, et même si l’Amérique, dans un nouvel accès d’orgueil démesuré, décide d’attaquer l’Iran.

La campagne de bombardements au Yémen humiliera l’anglosphère. Les Yéménites continueront d’attaquer les navires internationaux, quelles que soient les mesures prises par les forces aériennes américaines et britanniques, ce qui soulève la question de l’utilité de dépenser des milliards pour des porte-avions s’ils sont incapables d’atteindre des objectifs politiques contre un pays appauvri comme le Yémen.

Plus les États-Unis et le Royaume-Uni bombardent le Yémen et plus les Houthis attaquent les navires, plus la preuve est faite que l’anglosphère n’est pas en mesure de défendre ses principaux intérêts de sécurité nationale au Moyen-Orient : sécuriser les flux énergétiques et protéger la liberté de navigation.

L’empereur est nu” a été discrètement murmuré après les attaques iraniennes contre le transport maritime en 2018, et les attaques contre Saudi Aramco en septembre 2019. La présence du président Trump a empêché le monde d’évaluer ce que ces attaques signifiaient. Mais l’homme le plus intelligent du Moyen-Orient, le président des Émirats arabes unis Mohammed bin Zayed, a ensuite envoyé une délégation en Iran pour discuter de la “sécurité maritime.” Il a vu clair dans les garanties de sécurité américaines.

Bientôt, si la guerre Israël-Gaza n’est pas terminée, le Yémen fera comprendre à tout le monde que l’Amérique n’est pas un garant de sécurité fiable pour ses propres intérêts, et encore moins pour ceux des autres. Cela sera d’autant plus vrai lorsque la guerre de Gaza se terminera et que le Hamas sera toujours au pouvoir.

L’expression “l’empereur est nu” se transformera alors en un rugissement assourdissant.

Firas Modad

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

Pourquoi Medvedev est libre de la jouer «Born to Be Wild»

Source : RzO International - Le 10/02/2024

par Pepe Escobar

Washington s’emploie activement à diviser l’UE en faveur d’un axe Vilnius-Varsovie-Kiev radicalement russophobe.

«Yeah, darlin’ gonna make it happen
Take the world in a love embrace
Fire all of your guns at once
And explode into space
»

(Steppenwolf, «Born to be Wild», 1967)

Le monde doit être reconnaissant au vice-président du Conseil de sécurité russe, Dimitri Medvedev. Paraphrasant cette série de publicités emblématiques de l’époque de la guerre froide sur une bière qui rafraîchit les parties que les autres bières ne peuvent atteindre, Medvedev rafraîchit ces parties – sensibles – que le Kremlin et le ministère des affaires étrangères, pour des raisons diplomatiques, ne peuvent pas atteindre.

Alors que d’étonnants glissements tectoniques continuent de bouleverser la géopolitique et la géoéconomie, et que l’ange de l’histoire regarde vers l’est tandis que les États-Unis, corrodés de l’intérieur, s’accrochent désespérément aux miettes de leur domination à spectre complet qui s’amenuise, Medvedev ne cache pas à quel point il aime «la fumée et l’éclairage», sans parler du «tonnerre de heavy metal».

La première pièce à conviction est quelque chose d’historique. Elle mérite d’être citée dans son intégralité :

«Les politiciens occidentaux qui ont chié dans leur pantalon et leurs généraux médiocres de l’OTAN ont une fois de plus décidé de nous faire peur. Ils ont lancé les plus grands exercices militaires depuis la guerre froide.

Ces exercices impliquent 90 000 soldats de 31 pays de l’Alliance et du «quasi bloc» suédois, environ 50 navires de guerre, 80 avions, 1100 véhicules de combat terrestres, dont 133 chars d’assaut.

Certaines étapes devraient se dérouler dans les pays les plus ouvertement russophobes et les plus dégoûtants pour nous, tels que la Pologne, la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie, c’est-à-dire à proximité immédiate des frontières de la Russie.

Les responsables de l’OTAN n’ont pas osé dire directement contre qui ces exercices étaient destinés et se sont limités à un bavardage creux sur la «mise en pratique des plans de défense et la dissuasion d’une agression potentielle de la part des adversaires les plus proches».

Mais il est évident que cette convulsion des muscles mous de l’Occident est un avertissement pour notre pays. C’est comme s’ils disaient : Ne devrions-nous pas menacer la Russie comme il se doit et montrer au hérisson russe un gros cul européen transgenre ?

En fin de compte, ce n’est pas effrayant, mais très significatif.

Après tout, si l’Alliance elle-même a décidé de mener des exercices de ce niveau, cela signifie qu’elle a vraiment peur de quelque chose.

Et plus encore, ils ne croient pas seulement à la victoire, mais à tout succès militaire du régime néo-nazi pourri de Kiev. De plus, bien sûr, ils élaborent l’agenda anti-russe à des fins de politique intérieure, en consolidant leur électorat mécontent.

Dans l’ensemble, il s’agit d’un jeu avec le feu très dangereux.

Des forces importantes ont été rassemblées. Des exercices de cette ampleur n’ont pas été menés depuis le siècle dernier. Il s’agit donc d’une vieille histoire bien oubliée.

Nous n’allons attaquer aucun pays de ce bloc. Toutes les personnes raisonnables en Occident le comprennent. Mais s’ils se montrent trop agressifs et empiètent sur l’intégrité de notre pays, ils recevront immédiatement une réponse adéquate.

Cela ne signifiera qu’une chose : Une grande guerre, dont l’OTAN ne se détournera plus.

La même chose se produira si un pays de l’OTAN commence à mettre ses aérodromes à la disposition des partisans de Bandera ou à loger ses troupes avec des néo-nazis. Ils deviendront certainement une cible légitime pour nos forces armées et seront détruits sans pitié en tant qu’ennemis.

Tous ceux qui portent des casques avec des symboles de l’OTAN et qui aujourd’hui font claquer leurs armes non loin de nos frontières devraient s’en souvenir».

Défaite humiliante ou Totalen Krieg

Le tonnerre de heavy metal de Medvedev est complété par une superbe analyse de Rostislav Ishchenko, que j’ai eu le plaisir de rencontrer à Moscou il y a quelques années.

Voici deux éléments clés à retenir :

1. «Aujourd’hui, l’état de préparation des armées des membres européens de l’OTAN à une véritable guerre est inférieur à celui de l’armée russe à l’époque la plus difficile des années 90».

2. Ishchenko dessine clairement le choix de l’Occident, «entre la reconnaissance d’une défaite honteuse, avec une défaite sur le champ de bataille des unités de l’OTAN proprement dites, et le début avec la Russie d’une véritable guerre, que les armées européennes ne peuvent pas mener, et pour laquelle les Américains n’ont pas de force, car ils vont s’engager en Chine».

Conclusion inévitable : Toute l’architecture américaine d’«endiguement de la Russie» est en train de «s’effondrer».

Ishchenko note à juste titre que «l’Occident n’est pas en mesure de mener une guerre par procuration contre la Russie au-delà de 2024» (le ministre de la Défense, Choïgou, a déjà déclaré l’année dernière que l’opération militaire spéciale prendrait fin en 2025).

Ishchenko ajoute : «Même s’ils parviennent à tenir non seulement jusqu’à l’automne, mais jusqu’en décembre 2024 (ce qui est très douteux), la fin de l’Ukraine est encore proche, et pour les remplacer, l’Occident n’a pas été en mesure de préparer encore un autre qui voulait mourir pour les États-Unis dans une guerre par procuration contre la Russie».

Eh bien, ils essaient. Avec acharnement. Par exemple, en enrégimentant une bande de hyènes pour l’escroquerie des Trois Mers. Et en donnant à Boudanov, le chouchou de la CIA à Kiev, les coudées franches pour organiser des attaques terroristes en série à l’intérieur de la Fédération de Russie.

Pendant ce temps, un mémo confidentiel conçu à la London School of Economics suggère une coopération étroite entre le gouvernement allemand, l’USAID et la Fondation Friedrich Ebert pour construire une sorte de «nouveau Singapour à Kiev» : C’est-à-dire une «reconstruction» permettant à l’entreprise allemande de tirer profit d’un trou perdu où les salaires sont bas.

Personne ne sait quel type de «Kiev» survivra, ni sous quelle forme. Il n’y aura donc pas de «Singapour» remixé.

Il n’y aura pas de compromis

L’analyste allemand Patrik Baab a présenté une analyse méticuleuse des faits essentiels qui sous-tendent la déclaration de Medvedev.

Bien sûr, il doit citer Stoltenberg de l’OTAN, qui a déjà confirmé de manière elliptique, officiellement, qu’il ne s’agit pas d’une guerre d’agression «non provoquée» – l’OTAN l’a en fait provoquée ; de plus, il s’agit d’une guerre par procuration, qui porte essentiellement sur l’expansion de l’OTAN vers l’est.

Baab reconnaît également à juste titre qu’après les négociations de paix à Istanbul en mars/avril 2022, implosées par les États-Unis et le Royaume-Uni, la confiance dans le Kremlin – et dans le ministère des Affaires étrangères – des politiciens de l’Occident collectif est nulle.

Baab fait également référence à l’une des sources de l’État profond de Sy Hersh :

«La guerre est terminée. La Russie a gagné».

Toutefois, le point essentiel – qui n’échappe pas à l’attention de Medvedev – est qu’«aucune concession n’est à attendre de Washington. La confrontation militaire se poursuit. La guerre est devenue une bataille d’usure». Ce point est lié au fait que Medvedev a déjà explicitement déclaré qu’Odessa, Dnipropetrovsk, Kharkov, Mykolaev et Kiev sont des «villes russes».

Par conséquent, «un compromis est de facto exclu».

Le Conseil de sécurité de la Russie a bien compris que le concept stratégique adopté par l’OTAN lors du sommet de Madrid en 2022 militarise totalement l’Europe. Baab : «Il propose une guerre multi-domaine contre un concurrent doté de l’arme nucléaire. En d’autres termes, une guerre nucléaire. Il affirme que l’élargissement de l’OTAN a été un succès historique».

C’est la rhétorique que Stoltenberg répète sans cesse, tout droit sortie du groupe de réflexion de l’OTAN, le Conseil de l’Atlantique.

En tâtant le pouls de Moscou, dans une série d’échanges approfondis, il apparaît clairement que le Kremlin est préparé à une méchante guerre d’usure qui pourrait durer des années – au-delà des actuelles «Raging Twenties» (années folles). Pour l’heure, la chanson reste la même en Ukraine : Un croisement entre la technique de l’escargot et l’inéluctable hachoir à viande.

La finalité, comme le comprend clairement Baab, est que «Poutine cherche à conclure un accord de sécurité fondamental avec l’Occident». Même si nous savons tous que cela n’arrivera pas avec les néocons Straussiens qui dictent les politiques à Beltway, les faits sur le terrain – géoéconomique – sont indubitables : La Russie, sanctionnée à mort, a déjà dépassé l’Allemagne et le Royaume-Uni et est désormais l’économie la plus forte d’Europe.

Il est rafraîchissant de voir un analyste allemand citer l’historien Emmanuel Todd («La troisième guerre mondiale a déjà commencé») et l’analyste militaire suisse Jacques Baud, qui a expliqué qu’il existait «une philosophie de guerre sophistiquée en Russie depuis l’époque soviétique», incluant des considérations économiques et politiques.

Baab se réfère également à l’inimitable Sergei Karaganov, pilier du Conseil scientifique du Conseil de sécurité, dans une interview accordée à Rossiyskaya Gazeta : «La Russie a achevé son voyage européen… Les élites européennes, et surtout allemandes, sont dans un état d’échec historique. Le fondement de leur domination depuis 500 ans – la supériorité militaire sur laquelle la domination économique, politique et culturelle de l’Occident a été construite – leur a été enlevé (…) L’Union européenne se dirige (…) lentement mais sûrement vers la désintégration. C’est pourquoi les élites européennes ont fait preuve d’une attitude hostile à l’égard de la Russie depuis une quinzaine d’années. Elles ont besoin d’un ennemi extérieur».

En cas de doute, lisez Shelley

Il est désormais clair comme de l’eau de roche que Washington divise activement l’UE en faveur d’un axe Vilnius-Varsovie-Kiev radicalement russophobe.

Pendant ce temps, le «pas de compromis» en Ukraine est profondément déterminé par la géoéconomie : L’UE a désespérément besoin d’accéder au lithium ukrainien pour l’escroquerie de la «décarbonisation», aux vastes richesses minérales, au riche sol de terre noire (aujourd’hui principalement propriété de BackRock, Monsanto et cie), aux routes maritimes (en supposant qu’Odessa ne revienne pas à son statut de «ville russe») et, surtout, à la main-d’œuvre ultra bon marché.

Quoi qu’il en soit, le diagnostic de Baab pour l’UE et l’Allemagne est sombre : «L’Union européenne a perdu sa fonction centrale» et «historiquement, elle a échoué en tant que projet de paix». Après tout, c’est l’axe Washington-Vilnius-Varsovie-Kiev qui «donne le ton».

Et ce n’est pas tout : «Nous sommes en train de devenir non seulement l’arrière-cour des États-Unis, mais aussi l’arrière-cour de la Russie. Les flux d’énergie et le trafic de conteneurs, les centres économiques se déplacent vers l’est, se formant le long de l’axe Budapest-Moscou-Astana-Pékin».

Alors que nous croisons Medvedev, Ishchenko et Baab, la conclusion inévitable est que la guerre par procuration contre le pays 404 se poursuivra encore et encore – à de multiples niveaux. Des négociations de «paix» sont absolument hors de question – certainement pas avant les élections de novembre aux États-Unis.

Ishchenko comprend qu’«il s’agit d’une catastrophe civilisationnelle» – peut-être pas «la première depuis la chute de l’Empire romain» : Après tout, plusieurs civilisations se sont effondrées en Eurasie depuis le IVe siècle. Ce qui est clair, c’est que l’Occident collectif tel que nous le connaissons est en train de flirter avec un aller simple pour la poubelle de l’Histoire.

Cela nous amène au génie de Shelley, résumé dans l’un des sonnets les plus dévastateurs de l’histoire de la littérature, Ozymandias, publié en 1818 :

«J’ai rencontré un voyageur venu d’un pays antique,
Qui a dit : «Deux vastes jambes de pierre sans troncs d’arbre
Se dressent dans le désert. … Près d’eux, sur le sable,
À moitié enfoncé, un visage brisé gît, dont le froncement de sourcils,
Et la lèvre ridée, et le rictus de commandement froid,
Disent que son sculpteur a bien lu ces passions
Qui survivent encore, marquées sur ces choses sans vie,
La main qui s’est moquée d’eux, et le cœur qui les a nourris ;
Et sur le piédestal, ces mots apparaissent :
Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois ;
Regardez mes œuvres, Puissants, et désespérez !
Il ne reste rien d’autre. Autour de la décomposition
De cette épave colossale, sans limites et sans vie
Les sables solitaires et plats s’étendent au loin.
»

Alors que nous continuons à chercher la lumière dans les ténèbres de la folie – avec un génocide en cours 24 heures sur 24 – nous pouvons visualiser le piédestal se dressant au milieu d’un vaste désert, peint par Shelley avec deux allitérations sublimes, «boundless and bare» (sans limites et nu) et «lone and level» (solitaire et plat).

Il s’agit d’un vaste espace vide reflétant un vide politique noir : La seule chose qui compte est l’obsession aveugle pour le pouvoir total, le «rictus du commandement froid» affirmant la perpétuité d’un «ordre international fondé sur des règles» flou.

Oh oui, c’est un sonnet de tonnerre heavy metal qui survit aux Empires – y compris à l’«épave colossale» qui disparaît sous nos yeux.

Pepe Escobar

source : Strategic Culture Foundation

traduction Réseau International

La lutte de l’Occident contre le courant de l’histoire

Source : RzO international - Le 31/01/2024.

par Jan Krikke

Une politique catastrophique peut être imputée à un manque de conscience de soi, ou à la croyance que le monde voit l’Occident comme l’Occident se voit lui-même. Un article d’Asia Times, les milieux d’affaire de Hong Kong qui décrit d’une manière assez impitoyable l’impuissance de l’occident qui n’arrive pas à renoncer à des mœurs dépassées par la réalité et qui se ment à soi-même autant qu’aux autres, leur principale arme «le dollar» est en train de devenir leur talon d’Achille et leur armée n’est pas loin d’être aussi peu convaincante, il ne s’agit pas comme ils le voudraient de recommencer la guerre froide et les coalitions, les idéologies qui vont avec, il s’agit de les empêcher de nuire en partant de la réalité.

Danielle Bleitrach

*

On parle de guerre de plus en plus fort en Occident. Le ministre allemand de la Défense a proclamé ce mois-ci que l’Allemagne devait reconstruire son armée, comme l’a fait son collègue britannique. Au début de la guerre en Ukraine il y a deux ans, les médias occidentaux ont dépeint l’armée russe comme désespérément inefficace, dépassée et corrompue. Pourtant, ces dernières semaines, la Russie est devenue un danger imminent qui nécessite le réarmement de l’Europe.

De l’autre côté du monde, nous assistons à une transformation similaire. En 1972, l’Occident a adhéré à la politique d’une seule Chine. L’année dernière, de hauts responsables du gouvernement occidental ont effectué des visites largement médiatisées à Taïwan pour soutenir les «forces pro-démocratie».

Plus tôt, en 2020, le Congrès américain a adopté la loi sur l’autonomie de Hong Kong qui imposait des sanctions aux responsables et aux entités de Hong Kong et de Chine continentale qui violaient «l’autonomie de Hong Kong».

L’Occident, bien sûr, a une histoire de 500 ans d’implication avec des pays éloignés de ses frontières. Bien qu’il n’ait plus de contrôle physique sur le monde, il a toujours le contrôle financier grâce au système du dollar américain et à SWIFT, la chambre de compensation mondiale pour les transactions financières internationales.

Le dollar reste la lingua franca internationale. Cela explique pourquoi tout, du pétrole à l’or en passant par le bitcoin, est évalué en dollars.

L’Occident essaie maintenant de trouver des moyens légaux de confisquer les 300 milliards de dollars de la Russie qui sont enfermés dans le système du dollar. Cela nuira de façon permanente à la réputation de l’Occident en tant que gardien neutre du système financier, et pourrait accélérer un processus de dédollarisation déjà en cours, mais l’élite politique et financière occidentale a montré qu’elle était prête à parier sur la soumission de la Russie.

Diaboliser la Russie

Faire de la Russie un ennemi a été un cas remarquable de reprogrammation de l’opinion publique occidentale.

À partir des années 1990, la Russie et l’Occident ont investi des milliards dans l’exploration pétrolière russe et dans des oléoducs pour transporter du gaz et du pétrole vers une douzaine de pays européens. L’énergie russe à bas prix aurait ajouté un billion de dollars au PIB allemand.

L’intégration économique de l’Europe et de la Russie était un cas d’école d’une situation gagnant-gagnant – à l’exception des atlantistes et des gardiens du système du dollar à Wall Street.

Par conséquent, l’expansion de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, déguisée en diffusion de la liberté et de la démocratie, est la version moderne du fardeau de l’homme blanc à l’époque coloniale.

Les Russes ont tracé une ligne rouge à l’Ukraine. Ils connaissent leur histoire. Ils ont perdu 20 millions de personnes pendant la Seconde Guerre mondiale parce qu’Adolf Hitler avait besoin de pétrole russe après que l’Angleterre ait imposé un blocus pétrolier à l’Allemagne. C’est une vieille ruse impérialiste : créer une provocation et proclamer son indignation si cela provoque une réaction. L’OTAN s’est élargie et la Russie a réagi.

Lorsque l’Ukraine n’a pas réussi à contenir l’armée russe après l’échec de son offensive de l’été 2023, l’Occident a rebaptisé la Russie en tant qu’agresseur qui représente un danger pour l’Europe. La Russie est passée d’un pays de troisième ordre (selon les mots d’un sénateur américain défunt, «une station-service déguisée en pays») à un danger existentiel.

Peu importe que la Russie ait une population qui représente un quart de l’Europe et un PIB de la taille de l’Espagne ; sans parler de plus de Lebensraum que n’importe quel autre pays du monde. La densité de population de la Russie est de 8,46 habitants par kilomètre carré ; en Allemagne et dans une grande partie de l’Europe centrale, il est de plus de 230 habitants par kilomètre carré.

L’Allemagne a oublié les leçons du XXe siècle. Il prévoit désormais d’augmenter ses dépenses militaires annuelles et a alloué un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour moderniser l’armée allemande. Peu importe que le taux de pauvreté en Allemagne approche les 20% et que près de 10 millions d’Allemands soient trop pauvres pour manger des repas complets, même tous les deux jours.

Le théâtre de l’absurde a atteint son paroxysme lorsque la ministre allemande des Affaires étrangères, la «verte», Annalena Baerbock, a proclamé : «Je fais la promesse au peuple ukrainien, nous sommes à vos côtés, tant que vous aurez besoin de nous, alors je veux tenir mes promesses. Peu importe ce que pensent mes électeurs allemands, je veux livrer la marchandise au peuple ukrainien».

À l’instar de l’Allemagne, le Royaume-Uni envisage également de se réarmer. Le mois dernier, le général britannique Sir Patrick Sanders a fait valoir que le danger posé par la Russie exigeait que l’Europe se mette sur le pied de guerre. Peu importe que le Royaume-Uni ait connu une surmortalité de 5000 personnes l’hiver dernier, en partie à cause du coût élevé de l’énergie, et que 4,2 millions d’enfants et 2,1 retraités vivent dans la pauvreté.

Tournant

Lorsqu’il est devenu clair que la Chine et l’Inde refusaient de jouer le jeu du régime de sanctions occidentales contre la Russie, les pays du Sud ont senti que la carte géopolitique avait changé. Une vingtaine de pays, pour la plupart d’anciennes colonies européennes, ont demandé l’adhésion aux BRICS. Lorsque l’armée nigérienne a destitué son président francophile, des manifestants ont encerclé le parlement nigérien et l’ambassade de France en brandissant des banderoles pro-Poutine.

La France a menacé d’intervenir, mais lorsque les voisins du Niger, le Burkina Faso et le Mali, ont déclaré que l’intervention occidentale au Niger serait considérée comme une déclaration de guerre contre eux aussi, les Français ont su que le vieux jeu impérial était terminé. L’héritage de la France de 100 ans de domination (néo)coloniale sur le Niger : 30% de l’électricité française est alimentée par de l’uranium nigérian, tandis que 85% de la population nigérienne n’a pas accès à l’électricité.

*

Il est tentant de blâmer la politique catastrophique de l’Occident sur un manque de conscience de soi, ou la croyance que le monde voit l’Occident de la même manière que l’Occident se voit lui-même. Une théorie plus sombre qui circule sur les réseaux sociaux est que l’Occident fomente un conflit avec la Russie et la Chine pour masquer l’état fragile du système financier dominé par le dollar.

Si le système du dollar devait s’effondrer sous le poids de sa dette massive (300 000 milliards de dollars et plus), la Russie et la Chine seraient des boucs émissaires parfaits pour détourner l’attention de décennies de politique financière et monétaire irresponsable, qui a provoqué une inégalité des richesses jamais vue depuis le XIXe siècle. Les enfants américains héritent d’une dette de 78 000 dollars à la naissance, ce qui représente leur part de l’énorme dette nationale américaine de 34 000 milliards de dollars.

Carte du monde basée sur la taille de la population plutôt que sur la zone géographique.
Image : OurWorldData.org.

En l’absence d’un retour en arrière, l’Alliance atlantique n’a aucun scrupule à jeter des millions de personnes dans la pauvreté, à encourager les Ukrainiens à se battre jusqu’au dernier Ukrainien dans une bataille qu’ils ne peuvent pas gagner, et à mener une guerre économique contre la Chine pour maintenir un monde unipolaire, même si cela signifie combattre la majorité mondiale. L’esprit de la démocratie s’arrête au bord de la rive habituelle.

Mais il y a une lueur d’espoir

L’élite politique et économique occidentale est peut-être moralement en faillite et tente de préserver son hégémonie à un coût énorme, mais elle n’est pas suicidaire. L’histoire montre que son bras d’application de l’OTAN n’entre jamais dans une confrontation militaire directe avec des pays qui peuvent se défendre, en particulier les pays qui possèdent des armes nucléaires.

source : Asia Times via Histoire et Société

 

La Chine ignore les demandes de médiation des États-Unis


Source : Le Saker fracophone - par M.K. Bhadrakumar – Le 29 janvier 2024 – Source Indian punchline

Il existe un vieux proverbe qui dit qu’un malheur n’arrive jamais seul. S’ajoutant aux informations selon lesquelles des soldats américains seraient tombés comme des quilles lors d’une frappe de drone contre la station ultra-secrète de la CIA chargée du renseignement et des opérations secrètes à la frontière syro-jordanienne, « nyet » est le mot que Pékin adresse aux instances de l’administration Biden pour sa demande de faire passer le message à Téhéran de maîtriser les Houthis du Yémen, dans le contexte inquiétant de l’Axe de la Résistance qui étend ses opérations contre les intérêts américains et israéliens.

Le président Biden a chargé son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, de gérer cette mission très délicate avec Pékin, à la place du plus haut diplomate américain, Antony Blinken. Sullivan est particulièrement bien placé pour alterner les rôles entre la politique intérieure et la politique étrangère des États-Unis. C’est un homme de confiance du président et est activement impliqué dans la campagne de réélection de Biden.

 

Sullivan a passé la nuit en Thaïlande vendredi/samedi pour lancer son offensive de charme auprès du ministre des Affaires étrangères Wang Yi. Mais il est reparti sans aucun signe indiquant que la Chine serait prête à user de son influence auprès de Téhéran.

Plus tard, une conférence de presse télévisuelle, faite par un haut responsable du NSC, a été organisée à la hâte par la Maison Blanche pour couvrir les arrières de Sullivan. Cela m’a fait comprendre que la lecture des feuilles de thé chinoises est un art en soi. Comme l’a dit le responsable du NSC, « Pékin dit qu’ils aborderont ce sujet avec les Iraniens… mais nous allons certainement attendre avant de commenter davantage sur l’efficacité avec laquelle nous pensons qu’ils mèneront cette affaire ».

Sullivan semble s’être heurté à un mur de briques. C’est curieux, car l’administration Biden aurait dû tirer les leçons de son expérience antérieure avec Pékin lorsqu’elle a essayé d’inciter la Chine à convaincre son proche allié, la Corée du Nord, de réduire son programme d’armes nucléaires ou de revenir sur son amitié « sans limites » avec la Russie à propos de l’Ukraine.

En fait, l’armée sud-coréenne a déclaré dimanche que la Corée du Nord avait tiré plusieurs missiles de croisière, prolongeant ainsi une série d’essais d’armes qui aggravent les tensions avec les États-Unis et reflètent les efforts de Pyongyang pour étendre son arsenal d’armes conçues pour submerger des cibles américaines éloignées dans le Pacifique, notamment Guam !

De toute évidence, l’administration Biden n’a pas compris que Pékin ne se sentait pas obligée d’utiliser son influence sur Pyongyang pour servir les intérêts américains. Il est tout à fait naïf de s’attendre à ce que Pékin se laisse prendre à un engagement sélectif sur des questions visant à donner au président la possibilité de donner le meilleur de lui-même lors des prochaines élections de novembre.

Qu’obtient la Chine en retour ? La question ne vient pas à l’esprit de l’administration Biden. L’hypothèse à Washington est que la Chine est en trip égotique et implore un engagement sélectif avec la première puissance militaire et économique de la planète. Au contraire, la Chine a elle aussi des exigences légitimes à formuler – comme, par exemple, que les États-Unis n’incitent pas subrepticement Taïwan à s’engager sur la voie de l’indépendance, ou qu’ils accordent à la Chine des conditions de concurrence équitables pour établir de nouvelles normes technologiques au niveau mondial.

Il est intéressant de noter que, comparée à la lecture taciturne de la Maison Blanche sur la réunion Sullivan-Wang Yi en Thaïlande, le ministère chinois des Affaires étrangères a publié samedi une déclaration franche et complète pour remettre les pendules à l’heure et devancer les belles histoires de Biden. Les extraits pertinents de la déclaration chinoise intitulée « Wang Yi a rencontré Sullivan, l’assistant du président des États-Unis pour les affaires de sécurité nationale », sont reproduits ci-dessous :

(Traduction non officielle)

“Les deux parties ont mené des communications stratégiques franches, substantielles et fructueuses autour de la mise en œuvre du consensus de la réunion de San Francisco entre les chefs d’État des deux pays et du traitement approprié des questions importantes et sensibles dans les relations sino-américaines.

Wang Yi a déclaré que cette année marquait le 45e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et les États-Unis. Les deux parties devraient profiter de cette occasion pour résumer leurs expériences et tirer des leçons, se traiter mutuellement sur un pied d’égalité plutôt qu’avec condescendance, rechercher un terrain d’entente tout en préservant les différences plutôt qu’en les soulignant, en respectant efficacement les intérêts fondamentaux de chacun plutôt qu’en y nuisant, et en travaillant ensemble au respect mutuel, à la coexistence pacifique et à la coopération gagnant-gagnant pour construire une manière correcte pour la Chine et les États-Unis de s’entendre.

Wang Yi a souligné que la question de Taïwan relève des affaires intérieures de la Chine et que les élections régionales de Taïwan ne peuvent pas changer le fait fondamental que Taïwan fait partie de la Chine. Le plus grand risque pour la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan est « l’indépendance de Taïwan », et le plus grand défi pour les relations sino-américaines est également « l’indépendance de Taïwan ». Les États-Unis doivent respecter le principe d’une seule Chine et les trois communiqués conjoints entre la Chine et les États-Unis, mettre en œuvre l’engagement de ne pas soutenir « l’indépendance de Taïwan » et soutenir la réunification pacifique de la Chine.

Wang Yi a souligné que tous les pays ont des préoccupations en matière de sécurité nationale, mais qu’elles doivent être justifiées et raisonnables. Ils ne peuvent pas s’engager dans une pan-politisation et une pan-sécurité, encore moins freiner et réprimer le développement d’autres pays. Les deux parties ont convenu de discuter plus en détail de la frontière entre la sécurité nationale et les activités économiques…

Les deux parties ont également discuté de questions internationales et régionales telles que le Moyen-Orient, l’Ukraine, la péninsule coréenne et la mer de Chine méridionale.”

Le communiqué chinois ne fait même aucune mention spécifique des Houthis ou de Téhéran ! Au lieu de cela, il souligne la menace perçue de l’indépendance de Taïwan comme « le plus grand défi pour les relations sino-américaines ». En outre, il réitère les inquiétudes de Pékin quant au recours des États-Unis aux restrictions à l’exportation « pour contenir et supprimer le développement d’autres pays » et déclare que les deux pays discuteront de « la frontière entre la sécurité nationale et les activités économiques » lors de leurs prochaines réunions.

Qu’en dire ? En termes simples, la réticence de la Chine à utiliser son poids diplomatique et économique pour soutenir les mesures américaines visant à remédier aux perturbations de la mer Rouge en maîtrisant l’Axe de la Résistance (ou à restreindre le comportement de la Corée du Nord) souligne les limites des efforts de sensibilisation diplomatique ou de l’offensive de charme de l’administration Biden à pousser Pékin à s’engager sur des points chauds qui pourraient autrement devenir de vives controverses dans la politique électorale de Biden jusqu’en novembre.

Soit dit en passant, le communiqué chinois reconnaît également qu’il existe des domaines dans lesquels Pékin est effectivement intéressé par un engagement avec les États-Unis à ce moment de transformation – à savoir la mise en œuvre conjointe de ce qu’on appelle la « Vision de San Francisco », qui se traduit par :

  • Des contacts réguliers entre les deux présidents afin de « donner des orientations stratégiques aux relations bilatérales » ;
  • La promotion des échanges bilatéraux ;
  • Faire bon usage des canaux de communication stratégiques actuels et d’une série de mécanismes de dialogue et de consultation dans divers domaines allant de la diplomatie, des relations militaires, de l’économie, de la finance, du commerce, du changement climatique, etc. ;
  • Poursuivre la discussion sur les « principes directeurs » des relations sino-américaines ;
  • La coopération en matière de contrôle des drogues ;
  • Un mécanisme de dialogue intergouvernemental sur l’intelligence artificielle ; et,
  • Les échanges culturels.

Comment se fait-il que les États-Unis et leurs alliés occidentaux se trompent tant ? En guise de réponse, le dernier mot revient au ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, qui a déclaré à New York lors d’une brève visite au siège de l’ONU le week-end dernier :

Ils croient que depuis 500 ans ils gouvernent le monde comme ils l’entendent, vivant aux dépens des autres, et ils pensent que cela devrait continuer. Cette logique ignore complètement la réalité objective, notamment le fait que la grande majorité des anciennes colonies ont accédé à l’indépendance, ont pris conscience de leurs intérêts nationaux, veulent renforcer leur identité nationale, culturelle et religieuse et connaissent une croissance si rapide qu’elles ont lâché l’Ouest, laissé loin derrière – du moins pour les membres des BRICS.

En fin de compte, Pékin ne se laissera pas tromper par les tentatives américaines visant à créer des perceptions erronées dans les relations de la Chine avec l’Iran ou la Corée du Nord. La Chine n’a pas l’intention d’aider les États-Unis à tirer leurs marrons du feu au Moyen-Orient ou en Extrême-Orient. L’environnement international est plutôt tendu et Pékin a placé sa boussole du bon côté de l’histoire.

M.K. Bhadrakumar

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

Lavrov expose les conditions de paix de la Russie à la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU

Source : RzO International - Le 27/01/2024.

J’ai oublié de mentionner deux points importants (désolé) :

1. Le point de Lavrov concernant les États-Unis enquêtant sur 1 milliard USD d’armement non comptabilisé est absolument vrai. Même The Washington Post a dû en rendre compte. De plus, le fait que Lavrov souhaite aux inspecteurs américains du succès dans la recherche des armes montre à quel point les Russes sont calmes concernant la guerre et leurs objectifs. Ils ne veulent pas que les armes se retrouvent sur le marché noir, ils préfèrent les avoir sur le champ de bataille où ils peuvent les neutraliser eux-mêmes.

2. Le fait que Lavrov se soit rendu lui-même à l’ONU et mentionne les mercenaires français tués par la Russie montre à quel point ils prennent au sérieux cette escalade et cela sert d’avertissement qu’ils traiteront le personnel militaire étranger de la même manière qu’ils traitent les armements étrangers, c’est-à-dire comme des cibles légitimes à détruire. C’est un autre de ces moments de «ligne rouge» russe qu’ils rendent aussi évidents que possible.

source : Études sur la Neutralité

La Russie, l’Iran et la mer Rouge

Source : RzO International - Le 23/01/2024.
L’économie de guerre de l’OTAN s’effondre

par Michael Hudson

Entretien avec Hai Phong

Haïphong : Je suis heureux de vous avoir ici car il y a beaucoup de nouveautés économiques. Mais votre spécialité est de souligner, et cette chaîne essaie de souligner, la relation entre géopolitique et économie, comme Radhika [Desai] et Ben Norton, et d’autres grands journalistes ont tenté de le faire.

La défaite en Ukraine

Parlons d’abord de l’Ukraine. Commençons par là. On parle de toutes sortes «d’impasses», entre guillemets, en ce qui concerne l’Ukraine.

Cependant, les réalités, notamment économiques et sur le champ de bataille, sont très différentes. Alors, Michael, je vais simplement vous laisser parler de ce que vous aimeriez commenter concernant l’Ukraine, car la situation n’est pas aussi brûlante dans l’actualité, mais des changements massifs sont en train de se produire dans ce conflit.

Hudson : Eh bien, ce sont les États-Unis qui disent que la situation en Ukraine est dans l’impasse. Ce qu’ils veulent dire, c’est que les contre-offensives ukrainiennes ont été totalement inefficaces. L’Ukraine a perdu la guerre.

Et il y a eu presque toutes les discussions que vous avez, par exemple, sur les interviews du juge Napolitano, et la presse européenne, la presse russe, la presse chinoise, disent toutes : Eh bien, la guerre est finie. La Russie peut simplement continuer à prendre autant de terres qu’elle le souhaite, mais cela ne sert à rien que la Russie essaie de prendre plus de terres maintenant parce que l’Ukraine, ou plutôt M. Zelensky jette tous les Ukrainiens qu’il peut trouver, en particulier les Ukrainiens hongrois, les Ukrainiens russophones et les Ukrainiens roumains, dans la compétition pour aller se faire tuer.

Alors peut-être pouvons-nous convaincre la Russie de ne pas éponger, de ne pas verrouiller sa victoire. Pourquoi ne pas simplement dire que c’est une impasse et laisser les choses telles qu’elles sont puisque vous gagnez si fortement, vous les Russes ?

Eh bien, évidemment, la Russie a déjà dit : Nous avons déjà fixé les conditions de notre paix. Bien entendu, nous pouvons négocier à tout moment. Nos conditions sont simples, un abandon total. Nous allons nous débarrasser du nazisme. Nous allons faire en sorte que l’Ukraine ne rejoigne jamais l’OTAN. Et nous allons faire en sorte que les régions russophones et la Crimée fassent partie de la Russie. Ainsi, chaque fois que vous souhaiterez négocier, c’est-à-dire dire oui à nos conditions, nous serons heureux de le faire. Mais en attendant, nous allons simplement rester assis ici. Et si vous voulez envoyer toujours plus de troupes, ce n’est pas un problème.

Maintenant, les Américains pensent que si la Russie ne prend plus de terres, nous sommes à égalité. Mais ce n’est vraiment pas une égalité, car si vous lisez les discours du président Poutine et du ministre des Affaires étrangères Lavrov, il dit : «L’Ukraine n’est que la pointe de l’iceberg». Nous parlons d’une vue d’ensemble. Le tableau d’ensemble est, par exemple, que la Russie est devenue au 1er janvier le principal administrateur des BRICS+.

Perdre la bataille économique contre la Russie et la Chine

Et pendant ce temps, les États-Unis perdent la bataille partout dans le monde. C’est perdre la bataille économique contre la Russie et la Chine. La Russie augmente sa production industrielle, non seulement militaire, mais aussi dans la production d’avions et d’automobiles. La Chine est en croissance, mais pas les États-Unis. Et surtout, l’Europe s’enfonce dans une dépression provoquée par l’effondrement, ou devrais-je dire, la destruction de l’industrie allemande suite aux sanctions contre la Russie. Et aussi les sanctions que les États-Unis insistent pour que l’Europe impose à la Chine.

Les États-Unis ont dit à l’Europe qu’on ne peut commercer qu’avec nous et nos alliés de l’OTAN.

Nous voulons que vous réduisiez vos échanges commerciaux avec la Chine à ce que le chef de l’UE, Borrell, a dit. Il a dit : «Eh bien, vous savez, la Chine, nous importons beaucoup plus de votre pays que nous n’en exportons. Il faut que ce soit égal. Et la Chine a dit : Eh bien, il y a beaucoup de choses que nous aimerions importer de vous, Européens, comme les machines de fabrication de puces pour la gravure aux ultraviolets qui sont fabriquées par les Pays-Bas. Et Borrell dit : «Oh, nous ne pouvons pas, les États-Unis ne nous laisseront pas vous envoyer, vous vendre quoi que ce soit qui soit potentiellement utilisé dans l’armée. Et la Chine dit que tout ce qui peut être utilisé économiquement peut être militaire parce que l’armée fait partie de l’économie».

Je suppose donc que nous sommes très heureux d’être d’accord avec vous et d’avoir un commerce équilibré entre la Chine et l’Europe. Nous allons simplement réduire nos échanges avec vous à peut-être les 100 $ par an que vous devez échanger avec nous.

L’Europe

L’Europe s’isole volontairement, limitant ses échanges commerciaux et ses investissements avec les États-Unis et coupant ses échanges avec la Russie. Et sans le gaz et le pétrole russes, l’industrie manufacturière, l’industrie chimique, l’industrie des engrais et l’agriculture allemandes, françaises et italiennes continueront de décliner.

Ainsi, l’impasse dont parle l’Amérique signifie en réalité que nous réduisons le nombre de nos alliés en Europe. Nous perdons le tiers monde. Et ce qui se passe en Ukraine, où l’on se bat jusqu’au dernier Ukrainien, ressemble maintenant à un combat similaire au Proche-Orient, où il semble y avoir une impasse similaire, ce qui a réellement incité la majorité mondiale et le Sud global à penser que tout d’un coup, c’est quelque chose d’horrible. J’y reviendrai plus tard.

Mais ce qui est important, c’est que je pense que les Américains ont déjà compris qu’ils allaient perdre la guerre en Ukraine. Et le problème, si vous lisez le New York Times et le Washington Post, et surtout le Financial Times, est que si nous perdons la guerre en Ukraine, comment Biden remportera-t-il les élections de novembre ? Parce qu’il insiste, toute sa politique est que nous pouvons détruire la Russie. Nos sanctions vont conduire à l’effondrement de l’industrie russe. Le peuple russe sera tellement bouleversé par la guerre qu’il va y avoir un changement de régime. Ils renverseront Poutine et nous pourrons avoir un autre Boris Eltsine qui va vraiment détruire la Russie de la même manière que nos conseillers néolibéraux ont pu la détruire dans les années 1990. 

L’anti-américanisme croissant 

Eh bien, cela n’est pas arrivé. Alors que va-t-il se passer ? Eh bien, les responsables des relations publiques du Parti démocrate se sont réunis et ils ont tous décidé : D’accord, ce que nous voulons dire aux gens, c’est que cela n’a pas vraiment d’importance en Ukraine. Cela n’a pas d’importance parce que nous n’avons pas besoin de gagner en Ukraine parce que l’Amérique peut lutter [avec] une sorte de soft power. Et nous avons d’autres moyens de dominer le monde et de maintenir l’Amérique au premier rang, même si nous désindustrialisons notre économie. Même si nous sommes le plus gros débiteur du monde, nous allons pouvoir dominer. Et la nouvelle campagne de relations publiques du Parti démocrate relève de ce qu’on appelle le «soft power».

Joseph Nye

Dans le Financial Times d’hier du 15 janvier, il y a eu une longue discussion. Ils avaient une page entière rédigée par un homme qui avait été conseiller du président Clinton, Joseph Nye, conseiller du National Intelligence Council. Pour une page entière. Et c’est Nye qui a inventé le terme de soft power. Il y a quelques décennies, alors qu’il discutait avec Paul Kennedy, qui affirmait que les Américains étaient en déclin. Et il a eu cette idée pour dire que les États-Unis peuvent encore être en mesure d’exercer une influence, mais pas de type militaire, mais de type financier, pour un changement de régime.

Et ce qu’il a dit, il a donné cinq raisons pour lesquelles les États-Unis ne seraient pas nécessairement éclipsés par la Chine, la Russie ou tout autre pays. Et il est hilarant de regarder les cinq raisons avancées hier par le Financial Times pour expliquer qu’il n’y aura aucune menace pour les États-Unis.

• La première raison qu’il a invoquée était la géographie et les voisins amicaux. Eh bien, au cours des derniers mois, surtout depuis les combats et les attaques israéliennes contre Gaza, l’opinion publique américaine a perdu. Et même le secrétaire Blinken a déclaré que la lutte en Israël créait un antagonisme, non seulement contre Israël, mais que l’Amérique avait perdu sa domination morale en soutenant le génocide et en s’opposant à toute critique d’Israël au sein des Nations unies. C’est donc une perte de soutien étranger. Il existe un anti-américanisme croissant, non seulement en Asie, en Afrique et dans les pays du Sud, mais aussi en Europe.

• La deuxième raison citée par Nye était l’approvisionnement en énergie domestique. L’Amérique contrôle le pétrole. Non seulement elle produit son propre pétrole, mais elle a simplement réussi à empêcher le reste du monde d’importer du pétrole russe, et elle a pu faire exploser le Nord Stream. Et maintenant, cela pousse Israël à agir essentiellement comme une autre Ukraine. Cela pousse Israël à inciter le Liban et l’Iran à une provocation, à une réponse militaire aux attaques israéliennes, ce qui permettra à Israël de faire ce que le leader de la majorité au sénat, le leader républicain, a préconisé, et ce que Biden préconise, et ce que les néoconservateurs réclament depuis 20 ans, une guerre avec l’Iran pour s’emparer des réserves pétrolières de ce qui était autrefois l’Iran, la Syrie, l’Irak et la Libye. Et s’il peut contrôler les réserves pétrolières du Proche-Orient et bloquer ses exportations d’énergie vers tous les autres pays, tout comme il a pu bloquer les exportations de pétrole de la Russie vers l’Europe, alors il peut contrôler l’industrialisation des autres pays parce que l’industrie fonctionne essentiellement au pétrole et au gaz. L’industrie, c’est de l’énergie, et sans énergie, vous ne pourrez pas avoir votre propre industrialisation indépendamment des États-Unis. Ainsi, la politique étrangère américaine, comme nous en avons déjà parlé, je pense, dans notre dernière émission, depuis 100 ans, les États-Unis ont utilisé le pétrole pour tenter de contrôler l’économie mondiale.

• Le troisième point souligné par Nye est le système financier basé sur le dollar. Eh bien, c’est incroyable qu’il ait pu dire cela dans le Financial Times d’hier, alors que le monde entier essayait de dédollariser. Vous entendez des discours les uns après les autres, non seulement de la Russie et de la Chine, mais aussi des pays du Sud. Et même au Proche-Orient, on dit que maintenant que l’Amérique s’est emparée des réserves de change de la Russie, soit 300 milliards de dollars, tout l’argent que nous avons économisé dans nos réserves monétaires intérieures est susceptible d’être confisqué par les États-Unis. Et ils ont déjà dit à l’Arabie saoudite que s’ils ne retiraient pas leurs réserves internationales d’exportations de pétrole sous forme d’actions et d’obligations américaines, cela serait traité comme un acte de guerre. Ainsi, ici au Proche-Orient, l’Arabie saoudite et Bahreïn subissent une pression croissante pour soutenir les Arabes attaqués par Israël, et pourtant ils ont peur d’agir parce que les États-Unis tiennent leurs dollars en otage. Eh bien, très rapidement, vous voyez d’autres pays se débarrasser du dollar aussi vite qu’ils le peuvent.

• Et enfin, le cinquième argument avancé par Nye pour expliquer pourquoi l’Amérique ne peut pas perdre est le leadership démographique et technologique. Mais c’est là le talon d’Achille fatal de l’économie américaine. Son espoir, son idée de leadership technologique est d’obtenir un pouvoir de monopole sur les technologies de l’information, les produits pharmaceutiques et d’autres domaines qu’il peut dominer en matière de propriété intellectuelle par le biais du droit d’auteur et essentiellement en poursuivant en justice les pays qui adopteront la technologie développée aux États-Unis.

Haïphong : Ce résumé, Joseph Nye l’a présenté, et le professeur Hudson l’a démonté, a brisé la façade, ou montré la réalité derrière la façade que les néoconservateurs avaient cru bâtir. Et ce qui est si intéressant dans cette pièce, c’est que Joseph Nye, c’est un Carter et puis un fonctionnaire de Clinton, quelqu’un qui a été sous-secrétaire d’État et sous-secrétaire à la Défense pour ces administrations. Et c’est quelqu’un qui a en fait été considéré comme moins belliciste, mais si nous lisions cet article, vous verriez que ce qu’il avance en ce qui concerne le soft power est en fait un changement de régime par d’autres moyens.

La Chine

Et ce changement de régime est étroitement lié au domaine économique, comme le professeur Hudson l’a souligné avec tant d’éloquence. Il y a tellement de liens à établir. Nous en avons beaucoup que je vais aborder avec le professeur Hudson, notamment sur la Russie, qui est désormais la plus grande économie d’Europe en termes de parité de pouvoir d’achat.

Il y a aussi la théorie de l’effondrement de la Chine. Il y a eu des nouvelles récentes selon lesquelles la Chine surpasse le Japon et est désormais leader mondial dans la construction automobile et comment sa production de véhicules électriques suscite tant d’inquiétude.

Je voulais maintenant vous poser une question sur une évolution, compte tenu de tout ce que vous avez décrit concernant l’évaluation et l’analyse de Joseph Nye sur le soft power des soi-disant avantages des États-Unis. Je voulais vous parler de cette histoire ici. Vladimir Poutine venait juste de rencontrer des chefs d’entreprise d’Extrême-Orient et il a affirmé que la Russie était désormais la plus grande économie d’Europe en termes de parité de pouvoir d’achat (PPA), devenant ainsi la première économie d’Europe, malgré les pressions de toutes parts.

La Russie, première économie d’Europe

Et voici ce qu’il a dit. Il a déclaré : «Il semble que nous soyons étranglés et soumis à des pressions de toutes parts, mais nous restons néanmoins la plus grande économie d’Europe. Nous avons laissé l’Allemagne derrière nous et nous sommes hissés au cinquième rang mondial. Chine, États-Unis, Inde, Japon et Russie. Nous sommes numéro un en Europe. Ainsi, lors de cette conversation avec des chefs d’entreprise de la région, il ressort des rapports que la Russie devrait connaître une croissance de 3 pour cent par an, et qu’elle sera probablement encore plus élevée, peut-être de quatre à cinq pour cent».

Maintenant, il y a aussi l’actualité, vous l’avez évoquée, mais il y a une énorme stagnation en Europe. Dans une analyse également publiée dans le Financial Times, 48 économistes ont parlé de la croissance faible de la zone euro cette année. Et la prédiction de ces économistes était de zéro virgule six pour cent en moyenne, et beaucoup indiquaient moins que cela. Et bien sûr, certains en indiquent davantage. Mais la grande majorité a déclaré que ce serait moins d’un demi pour cent. Alors, Michael, vos pensées. Comment est-ce arrivé ? Et peut-être pourriez-vous expliquer les subtilités économiques de la façon dont cela s’est produit.

Les effets de la délocalisation

Hudson : Eh bien, nous avons discuté dans le passé de la manière dont cela s’est produit. Les États-Unis, à commencer par le président Clinton et en fait par le président Carter, ont décidé d’aider les entreprises américaines à réaliser des profits plus élevés en délocalisant leur main-d’œuvre hors des États-Unis, en essayant de déplacer l’industrie manufacturière d’abord vers le Mexique, le long des maquiladoras sous Carter, puis sous Clinton, vers la Chine et l’Asie.

Et l’idée était de créer un chômage industriel croissant aux États-Unis pour empêcher les salaires d’augmenter. Et la théorie qui a guidé les économistes du Parti démocrate est que si l’on parvient à réduire les salaires, il y aura des profits plus élevés et des profits plus élevés conduiront à plus de prospérité.

Eh bien, la réalité est qu’on réduit les salaires en déplaçant son industrie à l’extérieur du pays, en désindustrialisant. Et c’est toujours la politique adoptée par l’Amérique. Et elle a remplacé l’industrialisation par la financiarisation pour gagner de l’argent financièrement, en espérant que les entreprises qui se sont désormais tournées vers la Chine, l’Asie et d’autres pays pourront réaliser des profits plus élevés et devenir essentiellement plus prospères pour la classe des donateurs du parti démocrate et américain, aussi les partis républicains.

Mais ce dont parlait le président Poutine était bien plus que cela. La Russie et la Chine ont déjà commencé à produire leurs propres avions. Jetez un œil à l’actualité de la semaine dernière, consacrée à Boeing, qui a encore une fois d’autres accidents sur ses avions. Boeing était autrefois un leader technologique dans le domaine aéronautique, mais il a ensuite fusionné avec McDonnell Douglas et est devenu une société financière. Elle a donc brisé le système de fabrication des avions de Boeing et a commencé à sous-traiter toutes les petites pièces à diverses autres sociétés. Et Boeing se contente désormais d’assembler diverses pièces qu’il achète auprès de divers fournisseurs, un peu comme pour les téléviseurs. Vous achetez différentes pièces auprès de différents fournisseurs.

En Sibérie

Eh bien, la raison pour laquelle Poutine fait son discours au Proche-Orient est que la Russie et la Chine travaillent ensemble pour un énorme développement industriel en Sibérie orientale, qui est manifestement sous-peuplée en raison du mauvais temps depuis de nombreux siècles maintenant, mais qui commence maintenant à se réchauffer. Et l’idée est d’intégrer l’industrie chinoise et l’industrie et la technologie russes et de concevoir des villes entières qui seront des complexes technologiques produisant ensemble toutes sortes de pièces interdépendantes, des pièces d’ordinateurs, des avions, des trains, des automobiles. La Chine est déjà le plus grand exportateur automobile au monde. Et donc vous allez avoir ce tout nouveau centre de croissance industrielle en Asie de l’Est.

Or donc, l’idée est que cela va entraîner une grande augmentation de la prospérité. Et quant à la façon dont ces villes se développent, lorsque je suis allé pour la première fois en Russie en 1994, j’ai séjourné chez le professeur qui avait conçu la ville de Togliatti, la ville où l’on allait commencer à produire des automobiles conçues par les Italiens. Et il a expliqué comment il avait conçu la ville entière pour combiner les usines et la production avec le logement des travailleurs, le divertissement des travailleurs, la santé des travailleurs, et toutes les différentes formes d’approvisionnement en matériaux et pièces de voitures s’articulaient ensemble. C’était essentiellement ingénieur industriel. Et c’est ainsi que la Russie et la Chine développent les villes qu’elles créent ainsi que les universités et les systèmes de formation en Asie de l’Est et en Sibérie.

Donc, essentiellement, Poutine dit au monde : Si vous êtes un pays du Sud ou un pays arabe et que vous voulez voir votre économie croître et commercer davantage, à qui allez-vous lier votre économie ? Le monde est divisé en deux parties, le «jardin» États-Unis-OTAN et le reste du monde, constitué à 85% de jungle. La jungle s’agrandit. Le jardin ne pousse pas parce que sa philosophie n’est pas l’industrialisation. Sa philosophie est de faire des rentes de monopole, c’est-à-dire des rentes que l’on fait en dormant sans produire de valeur. Vous avez simplement le privilège du droit de collecter de l’argent sur une technologie monopolistique dont vous disposez.

Mais la Chine et la Russie sont bien en avance sur les États-Unis dans la plupart des technologies en croissance dont nous parlons, pas encore dans la gravure ultraviolette des puces informatiques, mais dans de nombreux domaines.

Ainsi, l’ensemble du progrès technologique s’éloigne de l’Amérique du Nord et des États-Unis, où il était depuis la Première Guerre mondiale, vers la Russie et la Chine. 

Le reste du monde s’industrialise

Comment les États-Unis vont-ils faire face au fait que le reste du monde s’industrialise et n’a plus besoin de tout contact avec les États-Unis ?

Le président Biden ne cesse de dire que la Chine est notre ennemie. En fin de compte, nos militaires disent que nous allons avoir une guerre avec la Chine d’ici deux ou trois ans. Nous sommes actuellement en guerre contre la Russie en Ukraine. C’est notre objectif, la guerre.

Mais la réponse du reste du monde, au fond, n’est pas le reflet de cette situation, elle ne veut pas dire que nous pouvons faire la guerre. Nous allons voir la Russie combattre l’Europe.

Ces derniers jours encore, de nombreux magazines militaires américains et surtout des porte-parole européens ont déclaré que si nous perdons en Ukraine, la Russie traversera la Pologne et la Roumanie, jusqu’à reprendre l’Allemagne. Il va conquérir l’Europe, et peut-être même pas s’arrêter en Angleterre.

Eh bien, c’est tout simplement absurde. La réalité est que la Russie et la Chine n’ont plus besoin de l’Europe.

Ils n’ont pas besoin des États-Unis. Alors que sous l’administration Clinton, disait Madeleine Albright, l’Amérique était un pays unique. C’était le pays nécessaire.

Le fait est que le reste du monde considère non seulement l’Amérique comme inutile, mais que l’Amérique et ses alliés de l’OTAN constituent la principale menace à leur propre prospérité. Ils se divisent donc essentiellement dans leur propre monde. Et le groupe BRICS étend ses relations commerciales, ses relations d’investissement, et surtout ses opérations de compensation financière et monétaires pour être indépendant du dollar, dédollarisé, et certainement indépendant de l’euro, qui ne semble avoir aucun moyen de soutien visible, désormais, et suivent leur propre chemin. 

Israël

Or, c’est exactement ce qui a conduit les États-Unis à pousser Israël [essentiellement] à suivre le bellicisme de Netanyahou, parce que les États-Unis disent : «Nous réalisons que nous perdons le pouvoir».

Nous savons que nous ne sommes vraiment pas dans une impasse. Nous savons que nous avons perdu notre chance de dominer le monde. Nous pouvons être réélus en disant aux gens, vous savez, que cela n’a pas vraiment d’importance.

Mais nous savons que cela compte. La dernière chance dont nous disposons pour affirmer la puissance américaine est militaire. Et le principal enjeu militaire est le Proche-Orient aujourd’hui, tout comme après le 11 septembre, lorsque Dick Cheney et Rumsfeld ont insisté pour une invasion de l’Irak afin de commencer à s’emparer de son sol et de créer essentiellement une légion étrangère américaine sous la forme d’ISIS et d’autres pays. (al-Qaida, l’Irak). L’Amérique dispose désormais de deux armées qu’elle utilise pour combattre au Proche-Orient : La légion étrangère ISIS/al-Qaïda (la légion étrangère arabophone) et les Israéliens. Le plan est – et l’Amérique est prête à se battre jusqu’au dernier Israélien, tout comme elle veut – essayer de se battre jusqu’au dernier Ukrainien afin de conquérir cette dernière prise du Proche-Orient dans la lutte contre l’Iran.

C’est une idée folle, mais il semble que ce soit exactement ce qui est prévu.

La nouvelle décolonisation

Le général Petraeus, qui a perdu la guerre en Afghanistan, a déclaré : Nous devons conquérir l’Iran. Ce sera le cas : Nous pourrons retrouver toute la puissance que nous avons perdue en attaquant l’Iran. Et maintenant, il semble que le président Biden espère faire un retour politique en disant : «Eh bien, nous n’avons peut-être pas bloqué la Russie en Ukraine, mais au moins nous avons conquis le Proche-Orient».

Mais la façon dont il le conquiert est devenue un catalyseur pour amener la majorité mondiale, le reste du monde, en particulier l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Asie du Sud, à penser : Attendez une minute, ce qui se passe en Israël et la Palestine d’aujourd’hui c’est exactement ce qui nous est arrivé à nos débuts.

Aux États-Unis, qu’ont fait les Américains ? Les Blancs sont venus, les Anglo-Saxons et les autres Européens, et ils ont tué 90% des Indiens, les ont chassés, les ont isolés, les ont mis dans des camps de concentration. Et puis, lorsqu’ils ont découvert qu’il y avait du pétrole sous ces camps de concentration, ils ont essentiellement assassiné les Indiens ou les ont à nouveau chassés pour s’emparer du pétrole.

Même chose en Amérique latine. Lorsque les Espagnols sont arrivés en Amérique latine, ils se sont emparés des terres, ont accordé des concessions de terres, et ces concessions de terres ont créé des latifundia, ce qui a été le grand problème de l’Amérique latine au cours des cinq derniers siècles, car cela a empêché l’Amérique latine de cultiver sa propre nourriture. Elle s’est battue pour empêcher la population indigène de se nourrir elle-même afin de transformer ses terres en cultures d’exportation, en grande partie sous la direction de la Banque mondiale.

Même chose en Afrique. Ils disent, attendez une minute, ce qui se passe en Israël est ce qui nous est arrivé, avec les puissances colonisatrices. C’est ce que l’Allemagne a fait en Afrique. C’est ce que les Néerlandais ont fait en Afrique du Sud. C’est l’Allemagne en Namibie, les Néerlandais en Afrique du Sud, les Anglais à travers l’Afrique, et surtout les Français dans ses territoires. Tout cela s’est déjà produit.

Et tout d’un coup, alors que les Américains vont au cinéma et pleurent davantage devant les westerns, ils encouragent les Indiens contre la cavalerie. Le reste du monde encourage l’opprimé parce que l’opprimé est ce qu’il était. Les outsiders, ce sont eux aujourd’hui.

Et cette idée se transforme en un sentiment de : «Abattons toutes les barrières du colonialisme».

Commençons par l’Afrique française, dont nous rejetons les Français là-bas. Nous n’allons pas laisser les banques françaises, les sociétés minières françaises, les sociétés pétrolières françaises prendre toute notre richesse parce qu’elles l’ont conquise il y a cinq siècles. Nous pouvons nous identifier à… nous savons pourquoi les Palestiniens se battent.

Et pourtant, d’une certaine manière, ils disent aussi : Eh bien, attendez une minute, regardez ce que fait Israël.

Israël dit : Dieu nous a donné cette terre. Nous l’avions. Eh bien, les Sud-Américains, les Africains et les Asiatiques disent : «Eh bien, c’est notre terre, mais nous ne l’avons jamais quittée. Nous sommes toujours sur terre. Et même si nous sommes sur terre, nous sommes toujours enfermés, comme Israël traite les Palestiniens». Nous ne sommes pas obligés de vivre de cette façon. Nous pouvons décoloniser.

Et on a là toute la scission du monde et le tournant vers la Chine, la Russie, l’Iran, les BRICS, c’est une tentative d’inverser, d’annuler et de faire reculer toute l’expansion coloniale qui s’est produite au cours des cinq derniers siècles.

Haïphong : Vous venez de donner un résumé incroyable en décomposant les interconnexions de ces développements, et c’est ce que je voulais faire, étant donné que le Proche-Orient et l’Asie occidentale sont particulièrement «chauds» en ce moment.

L’Iran vient de lancer de nombreuses frappes à Erbil, en Irak, contre un quartier général du Mossad, ainsi que d’autres cibles localisant certains groupes terroristes soutenus par Israël. Il y a maintenant des rapports sur le Pakistan, également dans le nord du Pakistan.

Il y a aussi la situation au Yémen, la crise de la mer Rouge qui perdure. Le mouvement Ansar Allah vient de percuter un navire américain. Il y a une activité constante là-bas. Et bien sûr, il y a toujours le conflit que vous avez mentionné, les combats en cours à Gaza, l’attaque brutale contre le peuple palestinien qui a été à juste titre qualifiée de génocide.

Et voici ce que Joseph Nye avait à dire, et je vous réponds, Michael. Il a dit cela à propos du soft power américain. Dans cet article du Financial Times, il a déclaré : «Les États-Unis, malgré cela, peuvent sembler impuissants. Ils n’ont pas réussi à convaincre leur allié, Israël, d’agir avec retenue à Gaza. Est-ce que cela aurait pu être le cas dans le passé ? Il n’est pas clair qu’ils auraient pu le faire il y a 20 ans. Georges W».

Bush a laissé entendre en 1991 que l’aide américaine aurait pu être réduite et qu’elle aurait peut-être contribué à stimuler le processus d’Oslo, mais cela n’a pas abouti à la création de deux États. Israël n’est pas le seul allié qui s’est révélé tout à fait capable de résister aux États-Unis, comme l’Arabie saoudite et d’autres pays. Pour le moment, Israël nuit à son propre soft power et, par extension, au soft power américain.

Hudson : C’est le grand mensonge que l’Amérique tente de promouvoir. L’idée que lorsque Blinken ira parler à Netanyahou, il va lui dire : Lorsque vous lâcherez les prochaines bombes et tuerez les 20 000 prochains Palestiniens de la bande de Gaza, soyez indulgents avec eux. S’il vous plaît, respectez les lois de la guerre et arrêtez de bombarder les ambulances, arrêtez de bombarder les hôpitaux. 

Les mensonges américains

Ce ne sont que des conneries de relations publiques. La réalité est qu’il dit à Netanyahou d’aller de l’avant.

C’est l’Amérique. Toutes ces bombes qui sont larguées sont fabriquées en Amérique et envoyées en Israël pour être larguées. Chaque semaine, l’Amérique dit : Voici une nouvelle livraison de bombes. Allez-y. Voici des milliards de dollars supplémentaires pour vous permettre de survivre pendant que vous enrôlez votre population active dans l’armée. L’Amérique pousse Israël.

Il y a 50 ans, je voyageais pour travailler avec le principal dirigeant du Mossad de Netanyahou et aujourd’hui conseiller à la sécurité nationale, Uzi Arad. Je me souviens, je pense l’avoir déjà mentionné à une occasion, que nous allions au Japon et que nous nous sommes arrêtés à San Francisco pour quelques discussions.

Un officier de l’armée s’est approché, a jeté ses bras autour d’Uzi et lui a dit : Vous, les Israéliens, êtes notre porte-avions débarqué au Proche-Orient. Eh bien, c’était il y a 50 ans.

La semaine dernière, dans le New York Times, j’entends exactement la même phrase. Israël est notre porte-avions. Pour les États-Unis, Israël est l’Ukraine américaine au Proche-Orient. Ce sont les États-Unis qui poussent Israël à inciter d’abord le Liban, puis l’Iran, à faire quelque chose qui justifierait une attaque américaine massive, en essayant de faire à l’Iran ce qu’Hillary Clinton avait fait à la Libye, en la détruisant complètement et en détruisant sa population. Dans le processus, nous ne savions pas ce qui se préparait, en nous emparant de ses réserves d’or, en installant ISIS comme légion étrangère dans la plus grande partie possible de la Libye et en nous emparant des réserves de pétrole libyens.

Dans le New York Times, dans le Wall Street Journal et à la télévision, chaque fois qu’ils parlent du Hamas ou du Hezbollah, ils ne disent pas Hamas et Hezbollah. Ils parlent du «Hamas soutenu par l’Iran», du «Hezbollah soutenu par l’Iran». Ils ne parlent pas de l’armée yéménite, ou des Houthis. Ils disent les »Houthis soutenus par l’Iran». Il y a un énorme effort de relations publiques pour convaincre la population américaine que l’Iran est le grand ennemi et le président Biden ne cesse de répéter que l’Iran est l’ennemi. L’armée, Petraeus et les néoconservateurs ont déclaré dès le début que l’Irak et la Syrie n’étaient que la répétition générale pour l’endroit où nous voulons vraiment aller, l’Iran.

Leur haine de l’Iran vient du fait qu’ils avaient renversé le gouvernement iranien de Mosaddegh dans les années 1950, avec l’aide britannique comme d’habitude. Et ils sont sûrs que, nous avons tellement blessé les Iraniens qu’ils doivent nous détester. Et puisque nous savons que vous nous détestez à cause de ce que nous vous avons fait, nous devons vous attaquer parce que nous avons fait de vous un ennemi en renversant votre gouvernement lorsque nous avons récupéré votre pétrole et mis en place le Shah qui dirigeait un régime meurtrier, un régime de torture depuis quelques décennies en Iran. La politique américaine nous entraîne dans une guerre qui sera probablement plus désastreuse pour les États-Unis que ne l’a été la guerre en Ukraine.

Au moins en Ukraine, tous les Américains perdus étaient… des Ukrainiens. Et je suppose qu’ils avaient embauché quelques troupes mercenaires là-bas. Mais au Proche-Orient, ils vont perdre bien plus que ce qui aurait été en jeu en Ukraine uniquement. Ils perdront probablement le rôle d’Israël en tant que porte-avions débarqué. Et en fait, ils vont perdre une grande partie de leurs propres porte-avions flottants qui se trouvent à proximité. Et ils ont déjà perdu le contrôle de la mer Rouge et du golfe pétrolier, entre l’Iran et l’Égypte.

Et il est également possible qu’ils perdent le soutien de l’Égypte et de l’Arabie saoudite.

Car même si lors du Printemps arabe, les Américains avaient déclenché une «révolution de couleur», le Printemps arabe, où ils ont remplacé le président égyptien détesté Moubarak par son propre protégé, Sissi, qui le dirige désormais, Sissi est entièrement dans les poches des États-Unis. Et pourtant, il va sans dire que la population égyptienne, étant en grande partie arabe, soutient Gaza, pas les États-Unis.

De même, en Arabie saoudite. Ici, l’Arabie saoudite et l’Ukraine étaient en train de réaliser un rapprochement, en fait une alliance avec Israël, dans le même esprit que la Grèce en avait conclu une avec Israël pour une force militaire méditerranéenne. Eh bien, désormais, une grande partie de la population saoudienne est palestinienne. Ils ont trouvé du travail en Arabie saoudite, et ils sont scandalisés par le fait que l’Arabie saoudite tente de rester «assise sur la barrière» alors même qu’elle rejoint les BRICS.

L’Arabie saoudite se rend compte que toutes ses réserves de change sont prises en otage par les États-Unis. Qu’est-ce qui va être le plus important pour l’Arabie saoudite ? Se battre pour protéger la population islamique attaquée, ou sauver ses propres réserves conservées aux États-Unis, ce qui n’est pas du tout pour aider l’Arabie saoudite.

Même chose avec l’Égypte

La population, entre l’Égypte, l’Arabie saoudite et Bahreïn, constituait les principaux bastions américains au Proche-Orient. Et maintenant, l’Amérique risque de les perdre si, en cas de guerre, ils sont soumis à une pression politique et à une instabilité énorme.

Et plus à l’ouest, en Afrique, vous avez les anciennes colonies françaises qui sont elles aussi islamiques.

Vous pouvez imaginer, vous savez, qu’ils se séparent non seulement de la France et soutiennent le reste de l’Afrique, l’Afrique centrale, dans leur rupture avec la France, mais qu’ils s’orientent essentiellement vers une alliance avec les pays des BRICS, avec la Russie et la Chine.

Et tout d’un coup, la décision américaine d’entrer en guerre contre la Russie en Ukraine après la guerre de 2015, le massacre de Maïdan et le changement de régime, l’intégration des néo-nazis, c’est ce qui se passe en Israël. Et ces deux attaques parrainées par les États-Unis ont eu l’effet exactement opposé à celui promis par les politiciens américains. Tout comme ils avaient promis que la Russie se briserait et que l’économie s’effondrerait sous les sanctions et sous le poids de la guerre, ils croyaient que l’armée israélienne était si forte qu’elle serait tout simplement capable d’anéantir le Hamas.

Le monde en marche vers le socialisme

Et les grands combats – il n’y en a pas un mot dans la presse américaine – mais les plus grands combats se déroulent en Cisjordanie. Netanyahou dit : Eh bien, pendant qu’ils regardent tous ce que nous faisons, nous bombardons les civils, les hôpitaux et les ambulances et affamons Gaza, nous avons distrait le monde et nous pouvons maintenant éliminer les Arabes de Cisjordanie et avancer directement en Syrie sur les hauteurs du Golan. 

Et apparemment, les États-Unis ont promis à Israël qu’ils pourraient prendre tout ce qu’ils veulent de la Syrie, ce à quoi ils se sont toujours opposés.

Nous ne savons pas ce que la Russie va faire dans tout cela. La Russie et la Chine sont restées complètement silencieuses sur tout cela. Et je peux comprendre qu’ils soient silencieux. La Chine a déplacé des navires de guerre dans la région parce qu’elle est elle-même très dépendante de la mer Rouge et des voies maritimes menant au pétrole d’Arabie saoudite.

Quand les États-Unis continuent de dire et de menacer : «Oh, les Yéménites vont bombarder des navires là-bas et bloquer le commerce», c’est ce qu’ils veulent. Les États-Unis réalisent que s’ils parviennent à inciter le Yémen et l’Iran à bloquer le détroit d’Ormuz et le Golfe, cela mettra effectivement fin au commerce du pétrole. Et il est vrai que, comme l’a souligné Yves Smith dans Naked Capitalism Today, les voies maritimes vers l’Arabie saoudite ont été fermées pendant de nombreuses années après la guerre de 1967. Ils ont été fermés à plusieurs reprises pendant plusieurs mois. Et il n’est pas impensable qu’ils soient fermés. Mais les temps ont changé.

Désormais, si vous les fermez, ce seront les principaux acheteurs d’énergie en Asie, en Chine et dans d’autres pays qui en souffriront. Et cela, du point de vue des États-Unis, leur donnera encore plus de pouvoir pour contrôler l’approvisionnement mondial en pétrole, comme monnaie d’échange pour tenter de renégocier ce nouvel ordre international.

Les États-Unis adoptent donc essentiellement la seule tactique qu’ils peuvent réellement utiliser.

Ils ne peuvent pas utiliser la tactique consistant à dire : «Nous sommes une économie en croissance et vous voulez commercer avec nous, pas avec la Chine et la Russie, car ces deux pays connaissent une croissance plus rapide que les États-Unis et l’Europe». Ils n’ont vraiment rien à offrir, si ce n’est la capacité de perturber le commerce extérieur et les systèmes monétaires et financiers étrangers et acceptent de cesser de le perturber si d’autres pays laissent simplement les États-Unis prendre les décisions unipolaires.

Et j’aurais dû ajouter cette dimension plus tôt lorsque nous parlions de la Chine, de la Russie et du développement de la Sibérie. Les pays eurasiens ont un grand avantage sur les États-Unis et l’Europe. Les États-Unis et l’Europe ont pour l’essentiel privatisé l’ensemble du système d’infrastructures publiques. Et depuis leur privatisation, ils constituent désormais des monopoles naturels. Et ils sont gérés de la même manière que, par exemple, Thames Water est géré en Angleterre. Ils sont gérés comme des monopoles qui sous-investissent et utilisent simplement un étranglement pour augmenter leurs rentes de monopole, qu’ils déclarent comme bénéfices.

Mais la Chine, la Russie et les pays asiatiques ont conservé les infrastructures de base – transports, éducation, soins de santé, communications – comme services publics. Et ils investissent, ils sont dirigés par des ingénieurs, des ingénieurs industriels, pas des ingénieurs financiers. Et non seulement ils sont gérés de manière beaucoup plus efficace, mais ils n’ont pas les frais financiers et les redevances aux monopoles qui pèsent sur les infrastructures privatisées. Ainsi, le coût de production dans le monde non néolibéralisé, je suppose que nous pouvons l’appeler le monde en marche vers le socialisme, est tellement plus efficace que celui de l’Occident financiarisé néolibéral que l’on peut voir l’attraction magnétique de l’Afrique et de l’Amérique du Sud.

Et il se trouve que ce sont aussi les principaux fournisseurs de matières premières au monde. Donc, si les États-Unis et l’Europe n’ont pas de matières premières, ne produisent pas leur propre pétrole, sauf que les Européens doivent payer d’énormes majorations aux producteurs américains, l’Europe ressemblera à peu près à la Lettonie post-soviétique. et l’Estonie. La population va émigrer. Ils vont rétrécir. Vous allez avoir une floraison d’interactions dans toute l’Eurasie et l’Afrique.

Et en substance, les États-Unis peuvent tenter d’arrêter cette évolution en déclenchant une nouvelle guerre pétrolière au Proche-Orient. Mais c’est vraiment le dernier souffle. Il est très peu probable que cela conduise Taïwan à dire : Eh bien, vous savez, nous allons suivre l’Ukraine et Israël et vous pourrez vous battre jusqu’au dernier Taïwanais, tout comme vous vous battez contre le dernier Ukrainien, le dernier Israélien. Je pense que les États-Unis sont en train de créer une tourmente qui démontre au reste du monde la nécessité, essentiellement, je ne dirai pas d’un rideau de fer, mais de suivre sa propre voie et de rompre les systèmes économiques.

Et comme le président Poutine l’a répété à maintes reprises, il s’agit d’une guerre de civilisation. C’est une guerre pour dire dans quelle direction va la civilisation. Est-ce que cela va aller vers le néo-féodalisme, ou revenir vers le féodalisme, qui est le 1% néolibéral en quête de rente ? Ou va-t-il s’orienter vers la voie vers laquelle le capitalisme industriel évoluait à l’origine, vers le socialisme et vers l’élévation du niveau de vie au lieu d’imposer l’austérité financière du FMI sur le bloc dollar ? C’est donc le choix que l’Amérique voit actuellement au Proche-Orient et dans d’autres pays.

Allez-vous avoir un avenir d’austérité ou essentiellement de prospérité et de croissance économique ?

Haïphong : Je ne pense pas qu’il existe une meilleure façon de relier tous ces évènements, en particulier en ce qui concerne ce qui se passe au Proche-Orient, ou ce que certains appellent le Moyen-Orient, ou ce que d’autres appellent l’Asie occidentale. Je veux dire, les affrontements s’intensifient. Il y a même des affrontements entre l’Égypte et Israël, ce qui est presque du jamais vu.

Avec tout ce que vous avez dit, vous dites que cela ne marchera pas du tout, que les États-Unis ne seront pas en mesure de lutter comme ils le cherchent dans la région. Comment voyez-vous la suite ? Peut-être pouvons-nous conclure sur ce point, étant donné que cela ne fonctionnera pas.

Et si cela ne fonctionne pas, quelles sont les autres options dont disposent les États-Unis et peut-être l’Occident dans son ensemble ? Parce que vous l’avez parfaitement décrit, c’est une guerre économique, c’est une guerre pour la domination et le contrôle économiques. Alors, l’Occident américain va-t-il s’effondrer tout seul, ou les États-Unis et tous ceux qu’ils peuvent entraîner avec eux, vous savez, vont-ils enclencher l’escalade et manœuvrer d’une manière dont nous devrions tous être conscients ?

La rage américaine

Hudson : Les États-Unis ont une certaine dynamique plus forte que dans tout autre pays du monde, et c’est la rage. C’est le sentiment que vous ressentez actuellement à Washington. Non seulement la rage, mais comme pour la plupart des rages, elle est combinée à la peur. Les démocrates craignent de perdre les élections et que Donald Trump vienne nettoyer l’État policier du FBI et se débarrasser de la CIA. C’est essentiellement ce qu’il s’est engagé à faire, avec l’État profond.

L’État profond craint donc que ce soit le cas, non pas que les États-Unis stagnent, mais qu’eux-mêmes, avec leur contrôle sur les États-Unis, reculent.

Et l’État profond est prêt à détruire l’économie américaine. Le Parti Démocrate, depuis Clinton, a pour objectif de détruire l’économie américaine pour profiter du contrôle des 1% sur les 99%. Et il est prêt à utiliser la guerre militaire pour combattre, pour intensifier ses efforts au Proche-Orient, en Ukraine et, vraisemblablement, dans la mer de Chine, pour provoquer d’une manière ou d’une autre et, en substance, dire : «Eh bien, nous allons faire la guerre, car qui, chez nous, veut vivre dans un monde que nous ne contrôlons pas ?»

Eh bien, vous savez, c’est comme ce que la Russie a dit lorsque l’Amérique menaçait de la bombarder atomiquement en se retirant des accords sur les armements. La Russie a dit : «Ne pensez pas que nous ne riposterons pas. Qui voudrait vivre dans un monde sans Russie ?» Eh bien, le gouvernement américain se demande : Qui veut vivre dans une Amérique que nous ne pouvons pas contrôler ? Que les banques, le complexe militaro-industriel, le complexe pharmaceutique et, fondamentalement, le secteur financier monopolistique ne peuvent pas contrôler. Si nous ne pouvons pas le contrôler, nous sommes prêts à voir le pays tout entier sombrer. C’est vraiment ce qui se passe. Et ils utilisent le contrôle de la presse pour tout cela.

Par exemple, samedi et dimanche à Washington, de grandes manifestations ont eu lieu contre les attaques contre les Palestiniens. Pas un mot de cela dans le New York Times ni à la télévision. Il n’y a pas un mot de ce qui se passe au Proche-Orient ni de ce que disent les présidents Poutine et Xi dans les médias. C’est comme si le monde était déjà divisé en un monde visible, le monde selon le Deep State, et le monde invisible, la réalité, des 95 ou 85%.

Le combat politique d’ici novembre est de savoir si les gens pourront vraiment croire que l’administration Biden aide l’économie au lieu de défendre la CIA, le FBI, l’État de sécurité nationale, le complexe militaro-industriel, le complexe pharmaceutique, l’immobilier, et Wall Street contre la population, en désindustrialisant ? Ou tout cela n’a-t-il été qu’un détour qui nous a appauvris ? Ce sera la question.

Et le fait que vous ayez déjà sur les réseaux sociaux le blocage de toute critique d’Israël ou des États-Unis, vous avez ici une sorte de contrôle qui est très similaire à celui que vous avez en Ukraine.

Haïphong : Il est vraiment époustouflant de voir avec quelle rapidité tous ces processus sont, à bien des égards, devenus incontrôlables. Même si nous pouvons envisager cela dans des années, mais même au cours des derniers mois seulement, bien sûr, le 7 octobre étant un autre point de rupture.

Hudson : Je pense que vous devriez dire le 2 octobre. C’était la tentative de destruction de la mosquée d’Al Aqsa. C’est le 2 octobre qui a déclenché tout cela. L’attaque israélienne contre la mosquée visait à dire : Nous allons détruire la présence islamique en Palestine afin qu’elle soit entièrement non islamique. C’était la déclaration de guerre. Alors ne vous laissez pas entraîner par le New York Times en disant que tout s’est passé le 7 octobre.

Cela a commencé une semaine plus tôt, tout comme en Ukraine. La guerre en Ukraine n’a pas commencé lorsque la Russie a pris des mesures pour protéger sa population, sa population russophone de Donetsk et de Lougansk.

Cela a commencé non seulement avec le Maïdan, mais aussi avec les bombardements de l’armée ukrainienne, les bombardements d’immeubles d’habitation et de civils dans les territoires russophones, le refus de payer la sécurité sociale ou les soins de santé dans les territoires russophones et l’interdiction de la langue russe. La Russie était le pays attaqué, pas l’attaquant.

Encore une fois, vous devez être très prudent lorsque vous datez le début de cela. Et les Américains veulent dater toutes les guerres comme ripostes à des attaques et lorsque d’autres pays se protègent. Ils qualifient les autres pays qui se protègent d’attaque contre les États-Unis.

Haïphong : 7 octobre, 22 février 2022. Je veux dire, c’est une tactique. C’est donc un excellent point que vous avez soulevé.

Et peut-être, Michael, pourrions-nous clôturer notre conversation sur la Chine parce que la Chine, vous l’avez mentionnée plus tôt dans votre analyse. Et, vous savez, je crois que la Chine est le point final. Et il y a quelques nouveaux évènements. Vous avez mentionné que la Chine dépassait le Japon en termes d’exportations automobiles et de fabrication automobile et qu’elle devenait numéro un mondial.

Il y a aussi les conseils d’administration des grands constructeurs automobiles, les monopoles en état de choc face à BYD, le constructeur automobile chinois qui a essentiellement conquis le marché mondial des véhicules électriques. Et il y a aussi des rapports selon lesquels la Chine va atteindre ses 5 objectifs de croissance en pourcentage. Malgré le fait que je suis sûr que vous avez vu cela, Michael, il y a une théorie des effondrements en cascade qui est évoquée dans les médias grand public par l’État profond. «La Chine est sur le point de s’effondrer. L’économie chinoise est en difficulté. C’est en baisse. Ça s’écrase».

Alors, Michael, je vais rassembler les morceaux au fur et à mesure. Mais peut-être pouvez-vous donner votre point de vue, votre réaction à cette évolution et à l’idée selon laquelle la Chine serait le dernier coup pour les néoconservateurs et le système monopolistique du capitalisme post-industriel, le capitalisme financier sur lequel vous écrivez et analysez tant.

Hudson : Eh bien, il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles la Chine est en train de devenir le principal producteur automobile. Cela est dû à la transition vers les véhicules électriques. Et il y a une dimension clé des véhicules électriques.

Premièrement, ils sont électriques. Vous avez besoin d’électricité. Comment allez-vous produire de l’électricité : Avec du pétrole américain, avec du pétrole russe ? Comment allez-vous y parvenir avec l’énergie atomique ? L’autre chose est qu’une fois que vous aurez l’électricité dans la voiture, comment allez-vous obtenir une batterie pour faire fonctionner la voiture sans avoir à vous arrêter à la station-service encore plus souvent que pour aller aux toilettes ?

Eh bien, la réponse est que vous avez besoin de lithium pour cela. Et la Chine contrôle la plupart des gisements de lithium. Et il faut aussi disposer de véhicules informatisés. Vous avez besoin de toutes sortes de matériaux qui sont du cobalt, des terres rares qui sont également contrôlées par la Chine. Et la Chine a pris le contrôle de la majeure partie de la métallurgie, du raffinage des métaux clés nécessaires à la production automobile et à d’autres productions industrielles.

La Chine est donc une économie intégrée qui produit tout cela. Et l’Occident devient dépendant de l’obtention de ces mêmes métaux. Voyons maintenant ce qui aurait pu se passer en 1990. Supposons qu’il n’y ait pas eu de guerre froide. Supposons qu’en 1990, lorsque l’Union soviétique s’est dissoute, l’Amérique ait dissous l’OTAN et ait réellement connu une sorte de croissance mutuelle avec un commerce international ouvert et continu.

Eh bien, sans la division du monde en deux parties, d’une manière ou d’une autre, les autres pays n’auraient pas eu suffisamment de motivation pour opérer explicitement une rupture civilisationnelle entre le néolibéralisme et le socialisme. Il y aurait eu une sorte de social-démocratie en Asie, mais cela aurait pu être une social-démocratie oligarchique, comme c’est le cas, par exemple, en Suède, que l’on appelait autrefois une grande social-démocratie. Et c’est désormais le pays le plus inégalitaire d’Europe. Cette évolution aurait pu se produire lentement, mais il y aurait eu un commerce mondial et n’importe qui aurait pu acheter les différents métaux, le lithium, les terres rares. Il y aurait eu du pétrole. Les échanges commerciaux auraient pu se poursuivre et l’économie mondiale dans son ensemble aurait pu croître.

Tout cela a été brisé par l’insistance américaine selon laquelle si nous ne pouvons pas contrôler le commerce mondial, il n’y aura pas de commerce mondial. Si nous ne pouvons pas contrôler la finance internationale mondiale et obliger le monde entier à utiliser le dollar américain que nous pouvons imprimer sur des ordinateurs, imprimer et émettre pour financer toutes les dépenses militaires visant à encercler le reste du monde avec des bases militaires, si nous le pouvons. Si nous ne faisons pas cela, il n’y aura pas de système financier mondial parce que les États-Unis pensaient que sans le dollar, il ne pourrait y avoir de dédollarisation parce qu’il n’y avait pas d’alternative.

Ils sont trompés par ce slogan type Margaret Thatcher : «il n’y a pas d’alternative». Et ils croient sincèrement que le reste du monde ne pourrait pas prospérer sans le dollar. Ils ne pourraient pas prospérer sans brader et privatiser leurs services publics et sans créer des monopoles naturels qui seraient rachetés par des acheteurs américains en imprimant des dollars pour dire : Nous imprimerons les dollars et nous achèterons votre système de transport, votre système de communication et vos usines. Ils ne pouvaient pas croire qu’il existait une alternative au néolibéralisme. Et pourtant, vous voyez cela. Ils ne pouvaient pas croire que s’ils bombardaient simplement un autre pays, la population de ce pays dirait : «Oh, nous ne voulons pas être bombardés».

Nous allons renverser notre gouvernement et soutenir un gouvernement qui vous soutienne afin que vous ne bombardiez plus notre pays.

Au lieu de cela, l’effet du bombardement d’un pays lorsque les États-Unis le font est le même que celui du bombardement d’un pays lorsque n’importe quel autre pays le fait. Cela rassemble la population pour s’opposer au pays qui la bombarde et défendre le pays attaqué. L’image générale des États-Unis est donc la suivante : Il n’y a qu’un seul acteur dans le monde, et c’est nous. Et nous pouvons détruire d’autres pays. Et si cela ne fonctionne pas, nous renverserons l’échiquier et ruinerons tout le jeu.

Les États-Unis jouent donc le rôle de démolisseur et les autres pays celui de constructeur. Et l’ensemble de la majorité mondiale dit : De quel côté voulez-vous être, les démolisseurs ou les constructeurs ?

Et vous pouvez considérer l’Ukraine comme un exemple de la façon dont les États-Unis aimeraient que la Russie, la Chine et les pays arabes existent. Vous suspendriez les élections une fois que vous aurez vos gars, votre président là-bas. Vous deviendriez le pays le plus corrompu de votre région, comme l’est l’Ukraine. Vous interdiriez les langues locales et les religions qui ne sont pas judéo-chrétiennes.

Vous empêcheriez essentiellement les grèves.

Et vous connaissez la blague sur les aristocrates. Un groupe d’acteurs sur scène parle d’une famille qui arrive et commet toutes sortes d’actes sexuels horriblement sournois et d’inceste, et cela continue encore et encore. Le producteur à qui on a proposé cet acte demande : Comment appelez-vous cet acte ? Et la réponse est : Les aristocrates.

Eh bien, comment appelez-vous l’acte ukrainien consistant à suspendre les élections, à interdire les langues étrangères et à assassiner les critiques ? Nous appelons cela la démocratie. Eh bien, c’est hilarant. C’est effectivement ainsi que l’Amérique l’appelle. L’Amérique a deux modèles de démocratie : l’Ukraine et Israël. La presse affirme sans cesse que l’Ukraine est le modèle de démocratie que nous souhaitons pour ce qui était autrefois l’ensemble de l’Union soviétique. Et vous avez la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie qui applaudissent, et nous voulons la démocratie en Israël : «Israël est le seul pays démocratique du Proche-Orient». Nous voulons qu’Israël soit un modèle pour le Proche-Orient.

Eh bien, que disent-ils ? Qu’il n’y aura plus d’Arabes au Proche-Orient ? Qu’ils seront tous Américains avec la double nationalité ? C’est à cela que tout aboutit. Nous vivons dans un monde orwellien qui essaie de dissuader la conscience des gens de prendre conscience de la réalité du travail et de la dynamique qui est à l’œuvre. Et combien de temps pouvez-vous convaincre les gens qu’ils ne vont vraiment pas bien simplement parce que les 1% vont bien ? Comment pouvez-vous convaincre les gens que l’Amérique est vraiment un leader modèle alors qu’elle essaie de détruire le reste du monde au lieu de l’aider, comme elle pouvait du moins prétendre le faire en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale ?

Vous assistez à un véritable bouleversement de l’ensemble du système mondial de la Banque mondiale, du FMI, des Nations unies, de l’ensemble du système diplomatique mondial qui a été mis en place en 1945, qui est désormais dépassé. Et on peut constater l’incapacité des Nations unies à faire face à la guerre au Proche-Orient, à faire face à la guerre en Ukraine. C’est le glas du vieux monde. Et vous voyez un nouveau monde se créer spontanément, non pas idéologiquement, mais essentiellement spontanément et de manière ad hoc avec la Chine, la Russie et les 99%.

Haïphong : Dernière chose, vous êtes allé en Chine et vous avez étudié très en profondeur l’économie chinoise. Pour conclure, aidez notre auditoire à comprendre pourquoi l’économie chinoise est capable de s’industrialiser comme elle l’est actuellement.

L’Europe est sur le point de subir cette situation. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de cette enquête sur la construction automobile chinoise, en particulier sur les véhicules électriques, à cause de ces subventions néfastes de l’État. Pouvez-vous nous parler de cela, de l’économie chinoise, de son fonctionnement et de la raison pour laquelle l’Europe et les États-Unis, bien sûr, mènent également une guerre économique, pourquoi ils ont recours à ce qui semble être des mesures contre-productives ?

Hudson : Eh bien, la clé pour comprendre l’Occident est que le néolibéralisme est la privatisation des besoins et des services publics de base. Tout au long de l’histoire, l’utilité publique la plus importante a toujours été la capacité de créer de la monnaie et du crédit.

Et ce que la Chine possède qu’aucun autre pays n’a, c’est que sa banque centrale a créé sa propre monnaie.

Et lorsque le gouvernement crée de l’argent par le biais du Trésor, en investissant de l’argent dans l’économie, il dépense de l’argent pour réellement construire des choses, principalement pour construire des biens immobiliers, pour loger les Chinois, mais aussi pour construire des chemins de fer à grande vitesse, pour fournir un système éducatif, des universités dans toute la Chine, pour construire des communications.

D’autres pays, comme les États-Unis, ne disposent pas de ce système. L’argent est créé, surtout aux États-Unis, par les banques commerciales, et elles ne créent pas de l’argent pour financer de nouvelles constructions d’usines ou de nouveaux investissements de quelque sorte que ce soit. Les banques prêtent de l’argent en Occident contre des garanties déjà en place. Vous pouvez vous adresser à une banque pour obtenir de l’argent afin d’acheter un immeuble qui existe, un immeuble de bureaux, même si les prix de ces immeubles de bureaux s’effondrent actuellement. Vous pouvez emprunter de l’argent pour acheter une entreprise entière. C’est ce que font les capitaux privés. On achète de l’argent pour acheter Sears. Cela le conduit à la faillite, à  l’effondrement et au licenciement des travailleurs.

On peut acheter Toys R Us, le conduire à la faillite, le faire s’effondrer, et c’est parti. Vous pouvez acheter des entreprises et les piller, puis les fermer et transformer les usines en bâtiments gentrifiés pour les 1% d’agents financiers qui se livrent au pillage.

Mais les banques occidentales ne financent pas les services publics, et une fois que vous avez réduit les impôts et contraint un gouvernement au déficit, vous financez alors le déficit en privatisant vos routes, les transformant en routes à péage. Vous privatisez votre système postal. Vous privatisez votre système de santé de sorte qu’il n’y a plus beaucoup de soins de santé, comme c’est le cas en Angleterre, par exemple, avec la crise de la médecine et des hôpitaux anglais et la privatisation. Vous faites ressembler l’ensemble de l’économie occidentale à l’Angleterre d’après Margaret Thatcher, où les gens qui sont en fait des salariés ne peuvent plus se permettre de vivre à Londres. Cela s’adresse aux investisseurs étrangers ou aux personnes qui travaillent dans le secteur financier. Les salariés doivent vivre en banlieue pour pouvoir utiliser le transport ferroviaire privatisé.

Aux États-Unis, par exemple, Greyhound, le système de bus, vient d’être racheté par des fonds privés. Ils ont fait exactement ce que Stagecoach, la plus grande compagnie de bus d’Angleterre, a fait en Angleterre. Ils ont vendu le terminal de bus qui se trouvait au centre de la ville où les gens allaient prendre les bus, et ils l’ont vendu pour un bien immobilier embourgeoisé. Puis ils ont dit aux gens qu’il y avait maintenant un parking à l’extérieur de la ville. Vous allez attendre sur le parking.

Nous espérons qu’il ne pleuvra pas, qu’il ne fera pas trop froid ou qu’il ne neigera pas, mais nous n’avons plus de terminal. Eh bien, vous pouvez imaginer cette façon de faire les choses. Cela se transforme en une course vers le bas.

Or la Chine, en gardant le contrôle de la finance, contrôle réellement qui va obtenir le crédit, et le crédit est en réalité le planificateur économique. Le néolibéralisme occidental dit que le gouvernement ne devrait pas planifier. Wall Street devrait faire la planification parce que c’est Wall Street qui fournit le crédit qui détermine qui obtiendra les ressources et ce qu’ils vont en faire.

Eh bien, Wall Street donne le crédit aux ingénieurs financiers qui tentent de gagner de l’argent en augmentant les cours des actions, en augmentant les gains en capital et en gagnant de l’argent financièrement.

Il est vrai que la Chine a fait de nombreux milliardaires. Cela faisait partie du programme Laissez pousser 100 fleurs, mais maintenant qu’il y a eu cette croissance spontanée, on voit maintenant quelles formes fonctionnent et quelles formes ne fonctionnent pas. Il s’agit désormais de consolider l’économie pour essentiellement créer du crédit pour financer une croissance industrielle tangible, une croissance tangible des infrastructures, une modernisation agricole tangible et une amélioration générale du niveau de vie.

Le seul objectif de l’économie chinoise est la croissance, et non le pillage, la réduction des effectifs et la destruction des raids des entreprises. Il n’y a pas de raids d’entreprises en Chine. Il n’y aura aucun intérêt financier pour acheter Huawei ou les autres développeurs chinois. Il n’y a pas la classe financière parasitaire qui est devenue la centrale des planificateurs économiques des États-Unis.

Parce que c’est ça le libertarisme. Les libertariens veulent une économie centralisée, non dirigée par le gouvernement mais dirigée par Wall Street et le secteur financier. Les libertariens sont essentiellement les partisans de ce qu’on appelait habituellement le fascisme, une planification centrale du riche secteur financier et des monopoles contre la population dans son ensemble.

Vous avez le parti républicain et le parti démocrate qui soutiennent tous deux le démantèlement du gouvernement avec un type de rhétorique différent, mais les mêmes politiques, les mêmes politiques militaires et les mêmes politiques anti-industrielles. La Chine, la Russie et, désormais, de plus en plus de pays des BRICS rejettent toute cette voie de croissance néo-féodale, autodestructrice.

Hudson : Merci de m’avoir invité. Nous avons eu de la chance politiquement, mais le monde entier était à un tournant cette semaine, semble-t-il.

source : The Unz Review via Entre la Plume et l’Enclume

 

 

Les États-Unis affirment qu’il n’y a pas d’alternative à une guerre plus vaste au Moyen-Orient

Source : RzO International - Le 24/01/2024.

par Moon of Alabama

La propagande des médias grand public auprès de leurs lecteurs se fait non seulement par ce qu’ils rapportent mais aussi par les points de vue et sujets qu’ils ne rapportent pas.

Un exemple parfait est une récente «analyse» par le New York Times d’une position de la Maison-Blanche sur les troupes américaines au Moyen-Orient.

L’auteur est Peter Baker, correspondant en chef du Times à la Maison-Blanche.

Le titre :

«Alors que les États-Unis et les milices s’affrontent, la Maison-Blanche s’inquiète du point de basculement

Le nombre d’attaques contre les troupes américaines au Moyen-Orient augmente le risque de décès, une ligne rouge qui pourrait aggraver les choses.

Chaque jour un nouveau tir de roquettes et une autre étincelle dont les responsables américains craignent qu’elle ne déclenche un incendie de violence dans tout le Moyen-Orient.

La dernière attaque contre les troupes américaines dans la région au cours du week-end n’a fait aucun mort, mais le président Biden et ses conseillers craignent que ce ne soit qu’une question de temps. Chaque fois qu’un rapport sur une attaque arrive dans la salle de crise de la Maison-Blanche, les responsables se demandent si cette attaque ne va pas entraîner des représailles plus décisives et déboucher sur une guerre régionale de plus grande ampleur».

Baker n’analyse pas l’hypothèse de la Maison-Blanche. Il part du principe qu’il n’y a pas d’alternative, TINA comme le disait Maggie Thatcher, Premier ministre britannique décédé.

La seule réponse à une attaque meurtrière serait une guerre plus large, sans que l’on sache comment cette guerre serait menée, contre qui ou dans quel but.

Un indice est donné un peu plus loin dans l’article :

«Jeudi, les milices soutenues par l’Iran avaient déjà mené 140 attaques contre les troupes américaines en Irak et en Syrie, et près de 70 membres du personnel américain ont été blessés, certains souffrant de lésions cérébrales traumatiques. Selon le Pentagone, tous les soldats, à l’exception de quelques-uns, ont pu reprendre leurs fonctions dans les plus brefs délais.

Les forces américaines ont parfois organisé des représailles, mais de manière limitée afin d’éviter de déclencher un véritable conflit.

Les responsables de l’administration Biden ont régulièrement débattu de la stratégie à adopter. Ils ne veulent pas laisser de telles attaques sans réponse, mais d’un autre côté, ils ne veulent pas aller si loin que le conflit dégénère en une véritable guerre, en particulier en frappant directement l’Iran. Ils disent en privé qu’ils n’auront peut-être pas le choix si des troupes américaines sont tuées. C’est une ligne rouge qui n’a pas encore été franchie, mais si les milices soutenues par l’Iran ont un jour un meilleur objectif ou plus de chance, cela pourrait facilement être le cas».

Il semble que tout ce qui se passe et tous les groupes au Moyen-Orient soient supposés être «soutenus par l’Iran».

Mais ni le Hamas, ni le Hezbollah, ni les milices irakiennes, ni les Houthis ne sont «soutenus par l’Iran». Ce sont des alliés de l’Iran et les uns des autres, et non des combattants par procuration. Ils fabriquent leurs propres armes et munitions et prennent des décisions indépendantes.

Ni l’Iran, ni le Hezbollah, ni aucune autre entité que le Hamas ne savaient que l’attaque du 7 octobre contre l’État sioniste allait avoir lieu. Leurs réponses, pour autant qu’il y en ait eu, n’ont eu lieu qu’après le retour du Hamas dans la bande de Gaza. Affirmer que tous ceux qui en veulent aux positions américaines au Moyen-Orient sont «soutenus par l’Iran» est une affirmation simpliste qui ne repose sur aucune preuve.

Elle est manifestement faite, tout comme le reste de l’article de Baker, pour préparer le public à une guerre «inévitable» contre l’Iran. Une guerre dans laquelle les États-Unis subiront probablement une nouvelle défaite.

Pour étayer sa thèse d’une décision alternative libre, le Times consulte un «expert» :

«L’administration est confrontée à un problème sans solution hors risque», déclare Aaron David Miller, négociateur de longue date pour la paix au Moyen-Orient, qui travaille actuellement à la Fondation Carnegie pour la paix internationale. «Ils ne veulent pas frapper directement l’Iran par crainte d’une escalade, ce qui ne ferait qu’élargir la marge de manœuvre des groupes pro-iraniens, y compris les Houthis, pour frapper les forces américaines. À un moment donné, si les forces américaines sont tuées, elles n’auront pas d’autre choix que de riposter directement contre les moyens iraniens»».

Il existe bien sûr d’autres alternatives et des «solutions sans risque».

En vertu du droit international, les bases militaires américaines en Syrie sont illégales. Aucune résolution du Conseil de sécurité des Nations unies n’a autorisé une intervention militaire en Syrie et le gouvernement syrien n’a pas non plus invité les troupes américaines à s’y rendre.

La position américaine en Irak est également illégale. Le parlement irakien a voté contre toutes les bases américaines dans son pays. Le gouvernement irakien a exigé le départ des troupes américaines et cherche à négocier pour y parvenir. La soi-disant milice irakienne et ses commandants font d’ailleurs partie intégrante de l’armée irakienne officielle. Toute attaque contre eux est une attaque contre l’État irakien.

Les États-Unis pourraient simplement rappeler leurs troupes de Syrie et d’Irak. Cela mettrait assurément fin à toutes les attaques contre eux.

Les États-Unis sont intervenus au Yémen en bombardant les troupes du gouvernement Ansar Allah, qui cherchait à bloquer les navires liés à Israël jusqu’à ce que ce dernier lève le siège de Gaza.

Les navires liés aux États-Unis n’ont été attaqués qu’après que les États-Unis ont lancé ce qui s’apparente à une guerre totale contre le Yémen.

Les États-Unis sont libres de retirer leurs troupes de leurs positions en Syrie et en Irak. Les États-Unis peuvent cesser leurs attaques contre le Yémen à tout moment. Cela mettrait immédiatement fin aux attaques yéménites contre les biens américains sans rien changer d’autre. Les États-Unis pourraient refuser de soutenir la guerre génocidaire contre Gaza.

Toutes ces mesures mettraient fin à l’action hostile actuelle contre les biens américains.

Mais aucune de ces alternatives n’est jamais mentionnée dans l’article de Baker. Il n’y a pas d’alternatives dans ce texte parce qu’il refuse de les fournir et de les discuter.

Baker termine par une citation de la Maison-Blanche :

«Nous devons nous prémunir contre la possibilité qu’au lieu de nous diriger vers une désescalade, nous soyons sur la voie d’une escalade que nous devons gérer», a déclaré la semaine dernière Jake Sullivan, conseiller du président en matière de sécurité nationale, lors d’une intervention au Forum économique mondial de Davos, en Suisse.

«Cela reste un élément central de notre stratégie», a-t-il ajouté. «Nous essayons de nous assurer que nous gérons l’escalade au Moyen-Orient dans toute la mesure du possible, en prenant toutes les mesures possibles à cet égard, et que nous nous engagions finalement sur la voie de la diplomatie et de la désescalade»».

Selon Sullivan, il n’y a pas d’autre solution que la tâche simpliste de «gérer l’escalade», ce qui conduira inévitablement à de nouveaux affrontements. Et ce, même si l’alternative la plus évidente est de se retirer et de cesser tout engagement militaire dans les pays concernés.

Le TINA, comme le prétendent le Times et la Maison-Blanche, n’existe pas. Il existe toujours des alternatives à la guerre.

source : Moon of Alabama via Le Saker Francophone

 

L’antisionisme en Amérique latine

Source : RzO International - Le 24/01/2024.

par Ronald Lasecki

Les crimes de guerre, voire les crimes de génocide (déductibles du déroulement des opérations israéliennes dans la bande de Gaza de la volonté d’en éliminer le plus grand nombre possible de Palestiniens), commis par Israël dans la bande de Gaza, dans le cadre de sa réponse à l’attaque du Hamas perpétrée le 7 octobre, ont reçu une réponse négative de la part de la plupart des pays de gauche de la région latino-américaine, à savoir : Venezuela, Colombie, Cuba, Nicaragua, Bolivie, Brésil, Chili, Honduras et Belize.

Pérou

Le gouvernement de centre-droit de la présidente par intérim du Pérou, Dina Boularte, cherche à prendre une distance égale par rapport aux deux camps de la guerre en Palestine depuis décembre 2022. Mercredi 1er novembre, le ministre des Affaires étrangères du pays, Javier Gonzáles Olaecha, a exprimé au nom de Lima «sa profonde préoccupation face à la grave détérioration de la situation humanitaire à Gaza». Le gouvernement péruvien déclare qu’il «condamne les actes de violence d’où qu’ils viennent», indiquant ainsi sa distance avec le Hamas.

Pays de l’ALBA

La position la plus prévisible, parmi les pays de la région, a été adoptée par le Venezuela, Cuba et le Nicaragua, qui forment le noyau de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (espagnol : Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América, ALBA), dont l’aversion pour Israël est motivée par le fait que Caracas, La Havane et Managua considèrent Tel-Aviv comme le principal allié de l’impérialiste Washington et un outil des mondialistes néolibéraux yankees au Moyen-Orient.

Bolivie

Toutefois, la position la plus dure à l’égard d’Israël parmi les pays de l’ALBA a été adoptée par la Bolivie, dont la position au sein du mouvement bolivarien s’est affaiblie en raison de l’instabilité politique : en 2019-2020, les Bolivariens ont été chassés du pouvoir par la droite lors d’un coup d’État. 31 octobre 2023. Sucre annonce la rupture des relations diplomatiques avec Tel-Aviv. La ministre des Affaires étrangères de l’État plurinational de Bolivie (espagnol : Estado Plurinacional de Bolivia), Celinda Sosa Lunda, justifie cette mesure par la «condamnation de l’offensive militaire agressive et disproportionnée menée dans la bande de Gaza», qui «menace la paix et la sécurité internationales».

Auparavant, le président bolivien Luis Acre (photo) avait reçu l’ambassadeur palestinien Mahmoud Elawani, qui a condamné les crimes de guerre d’Israël sur les réseaux sociaux et annoncé que la Bolivie demanderait au Conseil de sécurité des Nations unies d’agir face au génocide des Palestiniens par Israël. Sucre a également envoyé 73 tonnes d’aide humanitaire en Palestine.

Evo Morales, leader du Movimiento al Socialismo (MAS) et président du pays de 2006 à 2019, demande à Sucre de durcir sa position à l’égard de Tel-Aviv. Il critique L. Acre pour sa position prétendument vacillante à l’égard de la guerre en Palestine, affirmant que la rupture des relations diplomatiques avec Israël «n’est pas suffisante» et que la Bolivie devrait déclarer Israël comme un État terroriste et déposer une plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.

Colombie

La Colombie, gouvernée par la gauche depuis août 2022, émet également de vives critiques à l’égard d’Israël. Le premier président souverain de l’histoire récente du pays, Gustavo Petro, n’a pas condamné l’attaque du 7 octobre 2023 du Hamas contre Israël, comparant plutôt Gaza au camp de concentration d’Auschwitz et le régime israélien aux nazis dans ses déclarations sur la plate-forme X. Le jeudi 9 novembre, le dirigeant colombien a également annoncé le dépôt d’un acte d’accusation conjoint avec l’Algérie auprès de la CPI contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou pour crimes de guerre sous la forme du massacre d’enfants et de civils palestiniens par les forces de défense israéliennes.

Le parti de centre-gauche Alianza Verde (AV), l’un de ses principaux alliés au Congrès, ainsi qu’un certain nombre de députés du parti centriste Partido Liberal (PL), le parti le plus important de l’actuelle législature, ont pris leurs distances par rapport aux déclarations de Petro (photo). Les médias colombiens, contrôlés par Washington et par les compradores des élites conservatrices colombiennes, ont également réagi négativement aux critiques du dirigeant colombien à l’égard d’Israël. Le président les a accusés, en réponse, de pratiquer «la propagande du sionisme international qui soutient le pouvoir de l’extrême droite israélienne et rejette une solution pacifique au conflit qui dure depuis 75 ans».

Le dirigeant colombien a également été attaqué de manière insultante par l’ambassadeur d’Israël à Bogota, Gali Dagan. Le ministre colombien des Affaires étrangères, Álvaro Leyva, a réagi en lui ordonnant de «s’excuser et de partir». Cependant, la crise diplomatique Bogota-Tel-Aviv a été rapidement résolue, le ministre Á. Leyva a précisé que Dagan n’avait pas été expulsé du pays et que les relations diplomatiques entre la Colombie et Israël seraient maintenues «si ce pays le souhaite».

Le dimanche 15 octobre, le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, a annoncé la suspension des exportations d’armes de son pays vers la Colombie. La coopération militaire entre Israël et la Colombie comprenait jusqu’à présent la fourniture et l’entretien de pièces pour l’avion de chasse Kfir, une licence pour la production de fusils d’assaut Galil et l’assistance d’instructeurs militaires israéliens pour préparer les forces armées colombiennes à des opérations de contre-insurrection.

Le protecteur yankee de l’État juif a également réagi : le 10 octobre, le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a déclaré que les déclarations de G. Petro «n’aident pas» et «ne reflètent pas ce qui se passe réellement» ; à son tour, l’envoyée spéciale des États-Unis pour la surveillance et la lutte contre l’antisémitisme (sic !) Deborah Lipstadt a déclaré que «l’administration du président Joe Biden condamne les déclarations du président Petro».

Le Belize

Le Belize anglophone, situé dans la péninsule du Yucatan, a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec Israël. Le ministre des Affaires étrangères du «royaume du Commonwealth» (officiellement, le chef d’État du Belize est le roi britannique Charles III), Eamon Courtenay, a expliqué la position de Belmopan en déclarant que «depuis le 7 octobre 2023, Israël a continuellement violé le droit international, le droit humanitaire international et les droits de l’homme du peuple de Gaza», ajoutant que la «principale préoccupation» du gouvernement de Johnny Briceño est «le peuple de Gaza qui est soumis à des bombardements constants et impitoyables, qui est privé de nourriture, qui est privé d’essence, qui est privé d’assistance médicale. Ce qui nous préoccupe, ce sont les 11 000 personnes qui sont mortes et ont été tuées, dont la plupart sont des femmes et des enfants».

Le ministre de l’Intérieur du Belize, Kareem Musa, a également critiqué sévèrement l’État juif en déclarant : «Il est temps de mettre fin à l’occupation et au génocide. Mettez fin à l’apartheid. Il n’y aura pas de paix si vous n’arrêtez pas Israël (…). Il est très important que les superpuissances appellent à un cessez-le-feu avec Israël. Il ne peut s’agir d’un cessez-le-feu temporaire. Il ne peut s’agir d’un cessez-le-feu temporaire. Il ne peut s’agir d’un cessez-le-feu selon lequel je ne vous tuerai pas à huit heures ce matin, mais je déciderai de vous tuer à huit heures ce soir (…). Il doit s’agir d’un cessez-le-feu permanent si nous voulons trouver une solution à deux États».

La marche pour la Palestine libre, organisée par les anciens Premiers ministres Said Musa (1998-2008) du parti populaire uni (PUP), aujourd’hui au pouvoir, et Dean Barrow (2008-2020) du parti démocratique uni (UDP), dans l’opposition, s’est déroulée à Belize City, la plus grande ville du pays, le mercredi 22 novembre. Les anciens ministres des affaires étrangères du PUP, Assad Shoman (2002-2003) et Godfrey Smith (2003-2006), ainsi que l’actuel Premier ministre J. Briceño et plusieurs membres du cabinet en place ont également participé à la marche.

Communauté des Caraïbes

Le dimanche 12 novembre, une déclaration condamnant l’État juif a également été publiée par la Communauté des Caraïbes (CARICOM), une organisation regroupant les anciennes colonies britanniques principalement anglophones de Belize, Jamaïque, Bahamas, Antigua-et-Barbuda, Saint-Kitts-et-Nevis, Dominique, Sainte-Lucie, Barbade, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Grenade, Trinidad-et-Tobago, Guyana et la dernière colonie britannique de Montserrat, établie en 1973 par le traité de Chaguaramas. En outre, l’ancienne colonie néerlandaise du Suriname a été admise au CARICOM en 1995 et Haïti francophone en 2002. Les membres associés de l’organisation sont les colonies britanniques actuelles de la région des Caraïbes et les observateurs sont les colonies des Pays-Bas, des États-Unis et de certains pays hispanophones de la région.

La déclaration de position de la CARICOM exprime son inquiétude face à l’aggravation de la crise humanitaire à Gaza, au nombre croissant de morts, y compris des femmes et des enfants, appelle au respect du droit humanitaire international, condamne le manque de respect du droit humanitaire international, des droits de l’homme et des lois de la guerre qui se traduit par la destruction des infrastructures civiles à Gaza et le manque d’accès de ses habitants aux moyens de satisfaire leurs besoins fondamentaux, y compris les soins médicaux. Dans sa déclaration, la CARICOM préconise une solution à deux États, obtenue par des moyens pacifiques, sur la base des résolutions des Nations unies et conformément au droit international.

La Communauté des Caraïbes demande un cessez-le-feu immédiat à Gaza, la libération immédiate de tous les otages et leur traitement humain conformément au droit international, le respect par toutes les parties de leurs obligations en vertu du droit international, du droit humanitaire international et du système international de protection des droits de l’homme, l’accès immédiat, sûr et sans entrave des habitants de Gaza à une aide humanitaire adéquate et durable, notamment de la nourriture, de l’eau, des fournitures médicales, des médicaments, du carburant et de l’électricité.

Rapprochement entre les pays arabes et les Caraïbes

La position antisioniste des États anglophones des Caraïbes leur a apporté des avantages économiques presque immédiats, ce qui devrait conforter les membres de la CARICOM dans cette voie. Le premier sommet de la Communauté des Caraïbes et de l’Arabie saoudite s’est tenu à Riyad le jeudi 16 novembre. Saint-Vincent-et-les-Grenadines a reçu 50 millions. Vincent et les Grenadines ont reçu 50 millions d’USD pour financer la construction, l’agrandissement et la reconstruction des bâtiments endommagés ces derniers mois par les catastrophes dues au réchauffement climatique et Saint-Kitts-et-Nevis a reçu 40 millions d’USD pour l’agrandissement du centre d’accueil des réfugiés. Kitts et Nevis ont reçu 40 millions d’USD pour l’expansion de la centrale électrique de Needsmust.

Le ministre de l’Investissement du Royaume d’Arabie saoudite, Khalid Al-Falih, a déclaré que Riyad considérait les pays de la CARICOM comme une «haute priorité pour l’investissement et les opportunités commerciales». La Communauté des Caraïbes a réagi en annonçant son soutien à l’Arabie saoudite pour l’organisation de l’Exposition universelle de 2030 et de la Coupe du monde de football de 2034. On peut donc s’attendre à un rapprochement entre les États des Caraïbes et l’Arabie saoudite dans les années à venir.

source : Ronald Lasecki via Euro-Synergies

 

 

Batailles navales

 

Source : RzO international - Le 24/01/2024.

par Andrea Marcigliano

La Chine a mis en mer un nouveau porte-avions après deux ans de travaux. Celui-ci jouera le rôle de vaisseau amiral de sa flotte de guerre. Pas moins de 340 navires. Un chiffre qui en fait la plus grande au monde. Et ce porte-avions, le Fujian, est comparable à ceux des classes Ford et Nimitz des États-Unis. Toutefois, contrairement aux porte-avions américains, le Fujian n’utilise pas la propulsion nucléaire.

Je laisse toutefois l’évaluation technique aux militaires et aux initiés. Ce qui m’intéresse ici, c’est de souligner à quel point, en l’espace de quelques décennies, l’armée populaire chinoise a changé de peau. Elle s’est transformée, selon une orientation précise qui suit la nouvelle stratégie géopolitique de Pékin.

Une stratégie totalement inédite dans l’histoire de la Chine. Indice que la nature même de l’ancien Empire du Milieu est en train de changer radicalement.

En effet, la Chine, tout au long de son histoire millénaire, a toujours été une puissance terrestre. Une «tellurocratie», qui fondait sa force sur d’immenses armées terrestres. Et de grandes masses d’hommes en armes.

Une force qui a cependant toujours été sa limite. L’obligeant à jouer un rôle régional, aussi vaste soit-il. Et à souffrir de la confrontation avec des puissances d’un autre type. Moins massives et plus agiles.

C’est ce que l’on a vu, historiquement, avec le Japon. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Et, dans une certaine mesure, lors de la guerre de Corée. Lors de la confrontation directe, bien que brève, avec les États-Unis.

Au cours des deux dernières décennies, l’oligarchie du mandarin rouge a opéré un changement radical au sein des forces armées chinoises. Ce changement s’est accéléré sous la direction de Xi Jinping.

L’ère des grandes armées terrestres est révolue. La Chine développe désormais un système de troupes aéroportées spécialisées. Et, en plus, se dote d’une grande flotte.

La volonté de faire de la Chine une puissance capable d’intervenir militairement – si nécessaire pour ses intérêts – dans n’importe quel scénario sur le globe est évidente. Et, surtout, d’exercer le contrôle/défense des voies de transport maritime et des côtes avec les systèmes portuaires qui en sont les plaques tournantes nécessaires. En fait, un pouvoir tellurocratique qui est en train de devenir une thalassocratie. Ou qui y aspire en partie. Sans pour autant renoncer au contrôle de son propre espace géographique diversifié.

Il ne faut pas considérer l’antithèse terre/mer de manière rigide et schématique. L’histoire nous fournit de nombreux exemples de métamorphoses. Où le Béhémot s’est transformé en Léviathan. Et vice versa.

L’empire de Rome. Une puissance terrestre par excellence, qui s’est toutefois transformée en thalassocratie avec le transfert du centre du pouvoir à Constantinople.

La Ligue hanséatique allemande, qui, en tant que puissance maritime et mercantile, est devenue plus tard l’un des piliers de l’Allemagne, puissance terrestre.

Et nous pourrions multiplier les exemples.

Le monde d’aujourd’hui est une réalité extrêmement fluide. Changeante et incertaine. Avec des frontières de plus en plus floues et difficiles à définir. Et où les mers, les océans sont devenus de plus en plus importants. Parce qu’ils sont le théâtre privilégié du commerce. Et donc de l’affrontement entre puissances mercantiles et, en même temps, géopolitiques.

L’avenir, pour autant qu’on puisse l’entrevoir par éclairs, ce n’est pas la Pax Americana de la mondialisation, théorisée par Fukuyama. C’est la lutte permanente entre des thalassocraties de tailles différentes pour le contrôle des routes maritimes.

Un monde de pirates et de corsaires. Une grande bataille navale.

source : ElectoMagazine via Euro-Synergies

La mascarade de l’Ukraine, revisitée

Source : RzO International - Le 21/01/2024

par Pepe Escobar

Même si le pays 404 est totalement battu en 2024, il est impératif de le souligner une fois de plus : La situation est loin d’être terminée.

Des acteurs triés sur le volet, disséminés dans les silos de pouvoir du Beltway, travaillant avec diligence en tant que messagers pour les personnes qui dirigent réellement l’Hégémon, ont conclu qu’une confrontation sans merci avec la Russie conduirait à l’effondrement de l’ensemble de l’OTAN, réduirait à néant des décennies de mainmise des États-Unis sur l’Europe et, en fin de compte, provoquerait la chute de l’Empire.

En jouant la politique de la corde raide, on se heurterait tôt ou tard aux lignes rouges indestructibles inscrites dans l’objet inamovible qu’est la Russie.

Les élites américaines sont plus intelligentes que cela. Elles peuvent exceller dans les risques calculés. Mais lorsque les enjeux sont aussi élevés, elles savent quand se couvrir et quand se coucher.

La «perte» de l’Ukraine – devenue un impératif graphique – ne vaut pas la peine de risquer la perte de l’ensemble de la chevauchée hégémonique. Ce serait trop pour l’Empire.

Ainsi, alors même qu’ils sont de plus en plus désespérés par l’accélération de la plongée impériale dans un abîme géopolitique et géoéconomique, ils modifient frénétiquement le récit – un domaine dans lequel ils excellent.

Cela explique pourquoi les vassaux européens déconcertés de l’UE contrôlée par l’OTAN sont aujourd’hui en proie à une panique totale.

Cette semaine, Davos a offert des tonnes de salade orwellienne. Les messages clés, frénétiques : La guerre, c’est la paix. L’Ukraine n’est pas en train de perdre (c’est moi qui souligne) et la Russie n’est pas en train de gagner. C’est pourquoi l’Ukraine a besoin de beaucoup plus d’armement.

Pourtant, même le bout de bois norvégien Stoltenberg a été invité à suivre la nouvelle ligne qui compte : «L’OTAN n’entre pas en Asie. C’est la Chine qui se rapproche de nous». Voilà qui donne un nouveau sens à la notion de déplacement des plaques tectoniques.

Maintenir le moteur des guerres éternelles en marche

Il y a un vide total de «leadership» à Washington. Il n’y a pas de «Biden». Il n’y a que l’équipe Biden : un combo corporatiste comprenant des messagers de bas étage tels que le néocon de facto Little Blinkie. Ils font ce que leur disent les riches «donateurs» et les intérêts financiers et militaires qui dirigent réellement le pays, récitant jour après jour les mêmes vieilles répliques saturées de clichés, comme des acteurs secondaires dans un théâtre de l’absurde.

Une seule pièce à conviction suffit.

Journaliste : «Les frappes aériennes au Yémen sont-elles efficaces ?»

Le président des États-Unis : «Eh bien, quand vous dites «efficaces», est-ce qu’elles arrêtent les Houthis ? Non. Vont-elles se poursuivre ? Oui».

La même chose dans ce qui passe pour de la «pensée stratégique» s’applique à l’Ukraine.

L’Hégémon n’est pas entraîné dans des combats au Moyen-Orient – même si l’arrangement génocidaire de Tel-Aviv, en tandem avec les sio-cons américains, veut l’entraîner dans une guerre contre l’Iran.

Néanmoins, la machine impériale est pilotée de manière à ce que le moteur des guerres éternelles continue de tourner, sans arrêt, à des vitesses variables.

Les élites en charge sont bien plus cliniques que l’ensemble de l’équipe Biden. Elles savent qu’elles ne gagneront pas dans ce qui sera bientôt le pays 404. Mais la victoire tactique, jusqu’à présent, est considérable : d’énormes profits sont tirés de l’armement frénétique ; l’industrie et la souveraineté européennes sont totalement vidées de leur substance ; l’UE est réduite au statut de vassal de bas étage ; et désormais, il reste beaucoup de temps pour trouver de nouveaux guerriers par procuration contre la Russie – des fanatiques polonais et baltes à l’ensemble de la galaxie Takfiri-neo ISIS.

De Platon à l’OTAN, il est peut-être trop tôt pour affirmer que tout est fini pour l’Occident. Ce qui est presque terminé, c’est la bataille actuelle, centrée sur le pays 404. Comme le souligne Andreï Martyanov lui-même, il revenait à la Russie, une fois de plus, «de commencer à démanteler ce qui est devenu aujourd’hui la maison des démons et de l’horreur en Occident et par l’Occident, et elle le fait une fois de plus à la manière russe – en la défaisant sur le champ de bataille».

Cela complète l’analyse détaillée exprimée dans la nouvelle grenade du livre de l’historien français Emmanuel Todd.

Pourtant, la guerre est loin d’être terminée. Comme Davos l’a une fois de plus clairement montré, ils n’abandonneront pas.

La sagesse chinoise dit que «pour atteindre un homme avec une flèche, il faut d’abord atteindre son cheval. Si vous voulez capturer tous les bandits, capturez d’abord leur chef».

Le «chef» – ou les chefs – sont certainement loin d’être capturés. Les BRICS+ et la dédollarisation pourraient avoir une chance, à partir de cette année.

La fin de partie ploutocratique

Dans ce cadre, même la corruption massive entre les États-Unis et l’Ukraine, impliquant des anneaux et des anneaux de vol de la somptueuse «aide» américaine, comme l’a récemment révélé l’ancien député ukrainien Andrey Derkach, n’est qu’un simple détail.

Rien n’a été fait ou ne sera fait à ce sujet. Après tout, le Pentagone lui-même échoue à chaque audit. Ces audits, soit dit en passant, n’ont même pas inclus les revenus de l’opération massive d’héroïne en Afghanistan, d’une valeur de plusieurs milliards de dollars – le camp Bondsteel au Kosovo ayant été mis en place comme centre de distribution pour l’Europe. Les profits ont été empochés par les agents des services de renseignement américains en toute discrétion.

Lorsque le fentanyl a remplacé l’héroïne en tant que fléau intérieur américain, il était inutile de continuer à occuper l’Afghanistan, qui a été abandonné après deux décennies en mode «Helter Skelter», laissant derrière lui plus de 7 milliards de dollars d’armes.

Il est impossible de décrire tous ces anneaux concentriques de corruption et de crime organisé institutionnalisé, centrés sur l’Empire, à un Occident collectif ayant subi un lavage de cerveau. Une fois de plus, les Chinois viennent à la rescousse. Le taoïste Zhuangzi (369 – 286 av. J.-C.) : «On ne peut parler de l’océan à une grenouille vivant dans un puits, on ne peut décrire la glace à un moucheron d’été, et on ne peut raisonner avec un ignorant».

Malgré l’humiliation cosmique de l’OTAN en Ukraine, cette guerre par procuration contre la Russie, contre l’Europe et contre la Chine reste la mèche qui pourrait allumer une troisième guerre mondiale avant la fin de cette décennie. C’est une ploutocratie rarissime qui en décidera. Non, pas Davos : ce ne sont que leurs porte-parole clownesques.

La Russie a réactivé un système d’usines militaires à la vitesse de l’éclair – sa capacité est aujourd’hui 15 fois supérieure à celle de janvier 2022. Le long de la ligne de front, il y a environ 300 000 soldats, plus à l’arrière deux armées en tenaille de centaines de milliers de soldats mobiles, chaque tenaille étant préparée pour créer un double enveloppement de l’armée ukrainienne et l’anéantir.

Même si le pays 404 est totalement vaincu en 2024, il est encore une fois impératif de le souligner : l’affaire est loin d’être terminée. Les dirigeants de Pékin comprennent parfaitement que l’Hégémon est une telle épave en voie de désintégration, sur le chemin de la sécession, que le seul moyen de le maintenir en place serait une guerre mondiale. Il est temps de relire T.S. Eliot à plus d’un titre : «Nous avons eu l’expérience mais nous avons manqué le sens, / et l’approche du sens restaure l’expérience».

Pepe Escobar

source : Strategic Culture Foundation

traduction Réseau International

Gaza, le tombeau de l’ordre mondial dirigé par l’Occident 

Source : RzO International - Le 18/01/2024

par Saul J. Takahashi

En soutenant les atrocités commises à Gaza, l’Occident réduit à néant ce qui lui reste de crédibilité et ramène l’ordre mondial «fondé sur des règles» qu’il prétend diriger à un point de non-retour.

Quelle que soit sa conclusion, le procès intenté par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice pour violation par Israël de la Convention sur le génocide entrera dans l’histoire. On s’en souviendra soit comme de la première étape vers la responsabilisation d’un État voyou pour des violations répétées et de longue date du droit international, soit comme du dernier souffle d’un système international dysfonctionnel dirigé par l’Occident.

En effet, l’hypocrisie des gouvernements occidentaux (et de l’élite politique occidentale dans son ensemble) a finalement mener le soi-disant «ordre mondial fondé sur des règles» qu’ils prétendent diriger au point de non-retour. Le soutien inconditionnel de l’Occident au massacre génocidaire d’Israël à Gaza a véritablement mis en lumière la politique de deux poids deux mesures de l’Occident en matière de droits de l’homme et de droit international. Il n’y a pas de retour en arrière possible, et l’Occident ne peut s’en prendre qu’à sa propre arrogance.

La litanie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par Israël à Gaza est claire comme de l’eau de roche pour quiconque a accès à un smartphone. Les réseaux sociaux regorgent de vidéos montrant hôpitaux et écoles bombardés, des pères sortant les corps sans vie de leurs enfants de sous des bâtiments détruits, des mères pleurant sur les cadavres de leurs bébés. Et pourtant, la réaction des gouvernements occidentaux – outre un soutien militaire et politique apparemment illimité – a été de taxer toute critique d’Israël d’antisémitisme, et de tenter d’interdire purement et simplement toute expression de solidarité avec le peuple palestinien.

Malgré cette oppression, des dizaines de milliers de personnes descendent dans la rue jour après jour pour exprimer leur dégoût face aux atrocités israéliennes et à la complicité de l’Occident. Désespérés de retrouver un semblant de crédibilité, les gouvernements occidentaux (y compris les États-Unis) ont récemment commencé à critiquer par touches légères les attaques israéliennes. Mais c’est trop peu, et trop tard. La crédibilité occidentale est irrémédiablement détruite.

Bien sûr, l’hypocrisie occidentale ne date pas d’hier. Selon les gouvernements occidentaux, le monde devrait s’insurger contre l’agression russe, mais être pleinement satisfait de la brutalité israélienne et du non-respect des normes internationales. Les Ukrainiens qui lancent des cocktails Molotov sur les forces d’occupation russes sont des héros et des combattants de la liberté, tandis que les Palestiniens (et d’autres) qui osent s’élever contre l’apartheid israélien sont des terroristes. Les réfugiés ukrainiens à la peau blanche sont les bienvenus, tandis que les réfugiés noirs et bruns issus des conflits du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique (dont la plupart sont le fait de l’Occident) peuvent bien couler au fond de la Méditerranée. L’attitude de l’Occident est vraiment : des règles pour toi, mais pas pour moi.

La position occidentale à l’égard de la Chine témoigne du même manque d’honnêteté. La Chine est virtuellement cernée par des bases militaires américaines et alliées armées jusqu’aux dents. Pourtant, c’est la Chine qui est coupable de … quoi ? Incapables de prouver une infraction concrète, les gouvernements et les médias occidentaux ne peuvent qu’accuser la Chine de «s’affirmer davantage», c’est-à-dire de ne pas rester à la place subalterne qui lui a été assignée dans l’ordre hégémonique occidental.

La justice internationale est devenue une plaisanterie de mauvais goût. Si la Cour pénale internationale [CPI] fonctionnait efficacement, les dirigeants israéliens seraient jugés en ce moment même, et l’Afrique du Sud n’aurait pas eu besoin de saisir la Cour Internationale de Justice [CIJ]. En l’état actuel des choses, la CPI n’a inculpé que des Africains jusqu’en 2022, date à laquelle elle a annoncé une enquête sur l’invasion russe de l’Ukraine, moins d’une semaine après qu’elle ait commencé. En moins d’un an, la CPI a prononcé des inculpations, y compris à l’encontre du président russe Vladimir Poutine. À l’inverse, il a fallu plus de six ans à la CPI pour ouvrir une enquête sur la situation en Palestine, et même aujourd’hui, des années plus tard, aucune mesure significative n’a encore été prise. Alors qu’Israël poursuivait son orgie de violence contre la population de Gaza, Karim Khan, le procureur général britannique de la CPI, s’est rendu en Israël et a insisté sur la nécessité de poursuivre les crimes du Hamas, tout en se montrant indulgent à l’égard des crimes israéliens. Rien d’étonnant donc que de nombreuses organisations de la société civile demandent son renvoi.

Bien sûr qu’on connaît déjà l’hypocrisie occidentale. Dès le départ, les normes juridiques internationales ont été conçues pour s’appliquer uniquement aux peuples dits «civilisés», c’est-à-dire blancs. Les sauvages ne comptaient pas, et les puissants États occidentaux pouvaient – et ont – fait d’eux ce qu’ils voulaient. Les autochtones ne «possédaient» certainement pas de terres ou de ressources naturelles, et les puissances coloniales étaient libres de s’en emparer et de les exploiter à leur guise. Le sionisme a également été fondé sur de telles attitudes racistes – des attitudes encore au cœur des politiques israéliennes à ce jour.

Cette politique de deux poids, deux mesures est évidente en ce qui concerne le droit à l’autodétermination nationale, le droit fondamental de tous les peuples à choisir leur propre système politique et à contrôler leurs propres ressources naturelles. Après la Première Guerre mondiale, le président américain Woodrow Wilson a insisté pour que l’autodétermination soit le principe directeur du nouvel ordre mondial – mais, bien sûr, uniquement pour les Européens. Les Palestiniens et les autres peuples arabes ont découvert à leurs dépens que le colonialisme était bien vivant : ils ont été soumis aux mandats de la Société des Nations, qui justifiaient la domination coloniale pour les «peuples qui ne sont pas encore capables de se défendre par eux-mêmes». La Charte des Nations unies comportait également des dispositions relatives à la tutelle, qui s’inspiraient essentiellement des mandats de la Société des Nations.

Les guerres d’indépendance en Asie et en Afrique ont mis un terme à ces dispositions. Les pays nouvellement indépendants ont exigé avec succès que l’autodétermination devienne un droit pour tous. Les deux pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, adoptés en 1966, stipulent tous deux le droit de tous les peuples à l’autodétermination dans leur article 1 commun, précisant que seule l’autodétermination politique et économique peut donner un sens aux autres droits fondamentaux.

La discussion sur le droit à l’autodétermination est allée plus loin, au grand dam des gouvernements occidentaux. L’Assemblée générale des Nations unies a déclaré à plusieurs reprises que la lutte armée (y compris celle du peuple palestinien) contre la domination coloniale est légitime. Le protocole additionnel de 1977 aux conventions de Genève, relatif au droit de la guerre, stipule également que les luttes contre les régimes coloniaux et racistes sont reconnues. Le droit international a incontestablement évolué dans le bon sens.

Pourtant, les systèmes de mise en œuvre de ces lois restent inappliqués. C’est voulu, permettant aux pays puissants d’agir en toute impunité et de soutenir leurs protégés, comme c’est le cas des États-Unis et d’Israël. Même si la CIJ ordonne provisoirement à Israël de mettre fin à ses violences et même si, des années plus tard, elle le déclare coupable de génocide, sans aucune mesure d’application, Israël peut (et va probablement) tout simplement ignorer ces décisions. Ce serait certainement la fin de l’ordre mondial actuel, car toute façade d’équité s’effondrera.

L’application du droit international est entre les mains du Conseil de sécurité des Nations unies, mais avec le droit de veto accordé aux cinq pays du côté des vainqueurs en 1945, cet organe s’est avéré à maintes reprises inapte à appliquer son mandat. L’Assemblée générale n’a aucun pouvoir exécutoire. Les Nations unies, la CPI et la plupart des autres organisations internationales manquent constamment de fonds, ce qui signifie qu’elles dépendent fortement des contributions volontaires des États. Ce qui les rend vulnérables à l’influence indue des riches et des puissants : en d’autres termes, les riches pays occidentaux.

Plus fondamentalement, ces institutions internationales ne sont pas représentatives. Bien que les organisations de la société civile puissent contribuer à la plupart des débats, seuls les gouvernements ont leur mot à dire dans le processus de prise de décision – en dépit du fait que, comme nous le voyons dans le cas de Gaza, même les gouvernements des prétendues démocraties ne représentent pas nécessairement la volonté de leur peuple.

L’agression et la colonisation israéliennes doivent cesser et les auteurs de violations des droits de l’homme en Palestine doivent rendre des comptes, y compris les dirigeants occidentaux complices de génocide. Mais nous ne devons pas nous arrêter en sinon chemin. Nous devons exiger une réforme révolutionnaire des institutions internationales. Elles se doivent de devenir véritablement démocratiques et égalitaires. Elles se doivent de refléter la voix des peuples, par le biais d’organisations de la société civile et d’autres modes de représentation démocratique – et non des gouvernements trop souvent à la solde d’intérêts riches et puissants.

Il ne sera pas aisé de créer un ordre mondial garantissant justice et égalité des droits pour tous, cela nécessitera des efforts soutenus de la part des citoyens du monde, en faisant pression sur les gouvernements et organisations internationales pour changer. Mais c’est la seule façon de faire en sorte que «plus jamais ça» devienne une réalité.

source : Al Jazeera via Spirit of Free Speech

 

Relancer ISIS : Une arme américaine contre l’Axe de la Résistance

 

Est-ce une coïncidence si la plus grande organisation terroriste du monde est relancée au moment même où les États-Unis luttent contre une attaque sur plusieurs fronts contre leur hégémonie en Asie occidentale ? Plus curieusement, les cibles de l’EI et de Washington sont exactement les mêmes.

Source : The Cradle - par le correspondant en Irak - Le 16/01/2024.

 

Des sources de sécurité irakiennes mettent en garde contre une renaissance de l’EI dans le pays,

qui coïncide très bien avec la montée des opérations de résistance irakienne contre les bases américaines en Irak et en Syrie, et avec l’instabilité régionale croissante provoquée par l’attaque militaire israélienne sur Gaza. 

Plus de six ans après avoir déclaré la victoire sur l'organisation terroriste, les rapports des services

de renseignement irakiens indiquent désormais que des milliers de combattants de l'EI en sortent indemnes, sous la protection des forces américaines dans deux régions de l'ouest de l'Irak .

La pièce manquante du puzzle

Selon les rapports des services de renseignement examinés par The Cradle , à son apogée, l'EI comptait plus de 35 000 combattants en Irak – 25 000 d'entre eux ont été tués, tandis que plus de

10 000 ont simplement « disparu ». »

Comme le raconte un officier d’une agence de renseignement irakienne à The Cradle : 

« Des centaines de combattants de l'Etat islamique ont fui vers la Turquie et la Syrie

fin 2017. Après la nomination d'Abdullah Qardash à la tête de l'Etat islamique en 2019, suite à la mort du calife Abou Bakr al-Baghdadi, le nouveau calife a commencé à restructurer l'organisation. et a ordonné à ses partisans de retourner en Irak. L'organisation a exploité la longue frontière avec la Syrie, les troubles de la sécurité et la diversité des forces des deux côtés de la frontière pour infiltrer à nouveau le territoire irakien .

Les responsables de l'EI emprisonnés admettent que s'infiltrer à cette frontière n'est pas une

tâche facile, en raison du contrôle strict imposé par les gardes-frontières irakiens et de l'utilisation

de technologies modernes, telles que les caméras thermiques. 

Il est donc devenu nécessaire pour le groupe terroriste d'identifier des intermédiaires capables de percer ou de contourner ces fortifications pour transporter ses combattants au-delà des frontières 

Une source de sécurité irakienne, insistant sur l'anonymat, a déclaré à The Cradle que les

États-Unis jouent un rôle vital en permettant ces violations des frontières :

"[Il y a] plusieurs incidents qui confirment l'aide américaine pour sécuriser la route de passage des membres de l'Etat islamique - principalement en bombardant les unités irakiennes à la frontière, en particulier les unités de mobilisation populaire (PMU), pour créer des brèches permettant aux combattants de l'Etat islamique de traverser la frontière. frontière." 

La source sécuritaire irakienne ajoute que des informations confirmées font état d'hélicoptères

Chinook américains transportant des combattants de l'est de la Syrie vers le désert d'Anbar,

à l'ouest de l'Irak, et à Jebel Hamreen, à l'est du pays .

Munir Adib, chercheur spécialisé dans les mouvements islamistes, les organisations extrémistes

et le terrorisme international, confirme la possibilité d'un retour de l'EI après les « dizaines

d'attaques de l'organisation en Syrie et en Irak ces dernières semaines », qui ont entraîné la mort

de dizaines de personnes. de civils et de militaires. 

Selon Adib, « la préoccupation de la communauté internationale face aux guerres à Gaza et entre

la Russie et l'Ukraine a donné à l'EI l'occasion de réorganiser ses rangs, tout en continuant à

recevoir un soutien logistique interne et externe ».

Fabriquer et héberger le terrorisme

La vallée de Houran est la plus grande de ce type en Irak, s'étendant sur 369 kilomètres de la

frontière irako-saoudienne jusqu'à l'Euphrate, près de la ville de Haditha dans le gouvernorat d'Anbar. Sa topographie est marquée par des falaises vertigineuses dont la hauteur varie entre

150 et 200 mètres et comprend les collines entourant la vallée et les sous-vallées qui s'étendent

dans ses environs .

La vallée était et est toujours l’un des environnements de sécurité les plus dangereux de l’État. 

Les groupes terroristes l'utilisent comme refuge en raison de son terrain désertique et de sa

distance par rapport aux zones urbaines encombrées. La vallée et ses environs ont été témoins de nombreux incidents de sécurité, notamment en décembre 2013, lorsque l'Etat islamique a tué le commandant de la septième division de l'armée irakienne, son assistant, le directeur du

renseignement du gouvernorat d'Anbar, huit officiers et treize soldats .

Le député irakien Hassan Salem a appelé au lancement d'une opération militaire pour

débarrasser la vallée de Houran des combattants terroristes. Il a confirmé à The Cradle qu'« il y a

des milliers de membres de l'Etat islamique dans la vallée qui reçoivent une formation dans des

camps privés, sous protection américaine », notant que les forces américaines ont « transféré

dans cette zone des centaines de membres de l'Etat islamique de différentes nationalités ».

La politique étrangère américaine, bien entendu, regorge de preuves historiques de la création de milices armées par procuration en Asie occidentale et en Amérique latine, utilisant souvent ces organisations pour renverser les gouvernements des pays cibles Nous savons que Washington

n’a aucune répugnance à s’allier avec des extrémistes islamistes, en grande partie en raison de son implication directe dans l’armement et le financement des moudjahidines afghans, dont sont issus

les talibans et Al-Qaïda.

Un premier lien entre les États-Unis et l'EI existe clairement : les fondateurs et dirigeants de

second rang du groupe terroriste figuraient parmi les détenus de la prison de Camp Bucca , dans

le sud de l'Irak, un centre d'internement géré par l'armée américaine. La liste des terroristes de

grande valeur capturés puis libérés par les Américains est tout à fait extraordinaire: le chef de l'Etat islamique Abou Bakr al-Baghdadi, son successeur Abou Ibrahim al-Hashimi al-Qurashi, Abou Mohammed al-Adnani, Abou Muslim al-Turkmani, Haji Bakr, Abu Abdulrahman al-Bilawi,

Abu Ayman al-Iraqi, entre autres.

Le Camp Bucca, connu pour ses exactions contre ses détenus, a rassemblé des éléments

extrémistes, a fait bouillir lentement cette formule brûlante pendant six ans (2003-2009), puis a

laissé en liberté les extrémistes désormais bien connectés.

Les responsables religieux de l'Etat islamique affirment même avoir utilisé leur séjour en prison p

our obtenir des prisonniers le vœu de rejoindre le groupe terroriste après leur libération .

Les services de renseignement américains ont également protégé indirectement l’organisation terroriste, en permettant aux convois de l’EI de se déplacer entre les villes sous son contrôle. 

D'autres formes de protection, selon les experts en sécurité irakiens, incluent le refus d'appliquer

les condamnations à mort prononcées par les tribunaux irakiens contre les membres de l'EI

détenus et l'établissement de refuges sûrs pour les membres de l'organisation dans l'ouest et l'est

de l'Irak .

ISIS : Des fantassins américains dans la guerre régionale

Dans un discours prononcé le 5 janvier, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a

averti que les États-Unis soutenaient la renaissance de l'EI dans la région .

The Cradle a obtenu des informations de sécurité surveillant les nouvelles activités des

extrémistes au Liban, les communications entre ces éléments et leurs homologues en Irak et en Syrie, ainsi que les activités suspectes de transfert d'argent entre eux .

Les renseignements de l'armée libanaise ont également arrêté récemment un groupe de Libanais

et de Syriens qui s'apprêtaient à mener des opérations de sécurité .

Il est important de noter que cette recrudescence des activités terroristes survient à un moment

où la résistance libanaise est engagée dans une bataille sécuritaire et militaire avec Israël, qui

peut à tout moment se transformer en guerre ouverte. Il convient également de noter que la

reprise des activités de l’EI est concentrée au Liban, en Syrie, en Irak et en Iran ; c’est-à-dire

dans les pays qui soutiennent politiquement, militairement et logistiquement la résistance palestinienne .

Le 4 janvier, l’Etat islamique a officiellement revendiqué deux attentats à la bombe dans la ville iranienne de Kerman, visant des cortèges commémoratifs à l’occasion de l’anniversaire de

l’assassinat du commandant de la Force Qods Qassem Soleimani par les forces américaines. 

Les doubles explosions ont tué environ 90 personnes et en ont blessé des dizaines, lors d’une

attaque sans précédent visant le plus grand adversaire américano-israélien en Asie occidentale –

juste un jour après que Tel Aviv a tué le chef du Hamas, Saleh al-Arouri, à Beyrouth.

Avant cela, le 5 octobre 2023, un drone de l'Etat islamique avait attaqué une cérémonie de remise

des diplômes d'officiers au Collège militaire de la ville syrienne de Homs, tuant environ 100 personnes Ces attaques, ainsi que d’autres en Irak, en Syrie, en Iran, au Pakistan, en

Afghanistan et en Afrique, indiquent que du sang frais, de l’argent et des armes sont à nouveau

injectés dans les artères de l’organisation ISIS .

Un officier de haut rang du PMU, qui a demandé à rester anonyme, a déclaré à The Cradle que

les forces américaines empêchent les forces irakiennes d'approcher la vallée de Houran en

attaquant toutes les forces de sécurité s'approchant de la zone. "Cela s'est produit lorsque des

avions américains ont ciblé des unités du PMU qui attaquaient l'Etat islamique dans la région",

révèle-t-il, citant des rapports des services de renseignement confirmant la présence de dizaines

de membres de l'Etat islamique et d'autres organisations extrémistes dans la vallée, où ils

reçoivent une formation et du matériel des États-Unis. les forces .

Les sources de sécurité du commandement des opérations de l'Anbar confirment cette information :

« Une activité notable de l'organisation avait été enregistrée il y a quelques semaines dans l'ouest du pays. Près du désert de Rutba, des combattants de l'Etat islamique ont été aperçus en train de creuser des cachettes souterraines. Les informations indiquent que l'organisation est en train de mener des opérations terroristes dans de nombreux endroits », ont-ils déclaré à The Cradle.

Parallèlement, l'Etat islamique étend ses opérations à l'est de l'Irak, dans le triangle géographique

qui comprend l'est du gouvernorat de Salah al-Din, le nord-est de Diyala et le sud de Kirkouk, en particulier dans les régions géographiquement difficiles de Makhoul, Hamrin, Ghurra,

Wadi al-Shay. et Zaghitoun .

Il convient de noter que les forces américaines sont déployées en Irak sous l’égide de la Coalition internationale pour combattre l’Etat islamique. La semaine dernière, quatre ans après que le

parlement irakien a voté pour la première fois l’expulsion des forces étrangères, le Premier ministre irakien Mohammad Shia al-Sudani a évoqué l’impact « déstabilisateur » des troupes américaines

et a exigé un retrait « rapide et ordonné » de ces unités de combat. 

Washington a non seulement répliqué en affirmant qu’il n’avait « aucun projet » de se retirer

d’Irak, mais a également annoncé le 14 janvier qu’il enverrait illégalement 1 500 soldats supplémentaires en Irak et en Syrie, et sans le consentement de l’une ou l’autre nation.

L’ironie est que l’EI semble reprendre de l’ampleur chaque fois que Bagdad soulève la question du retrait militaire américain d’Irak. 

On ne peut plus non plus considérer comme une coïncidence le fait que le groupe terroriste

rassemble désormais ses forces pour cibler les ennemis régionaux les plus puissants de

Washington et de Tel Aviv – l’Axe de la Résistance – au moment même où les États-Unis et Israël

ont du mal à gérer une région. assaut large et multifront de l’Axe. 

Les synergies extraordinaires entre les Américains et le premier groupe terroriste mondial ne

peuvent plus être ignorées : leurs cibles sont les mêmes, et l’EI n’entre dans la mêlée que maintenant, au moment même où Washington commence à perdre son emprise sur l’Asie occidentale.

 

Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de The Cradle.

Bab el-Mandeb, Gaza, et la géopolitique de la guerre

Source : RzO International - Le 14/01/2024.

En 2008, lors d’une visite à Paris, Shimon Perez avait rallié la France à son projet qui devait relier la mer Rouge à la mer Morte. Les médias français avaient surtout retenu son initiative de «Vallée de la paix», ou vallée d’Arava, territoire situé aux confins de la Cisjordanie, de la Jordanie et d’Israël, dont il prétendait faire un exemple de développement partagé avec l’idée que «l’économie peut être le bulldozer de la paix»1. Une idée tellement enthousiasmante qu’elle a fini par laisser croire aux colonisateurs et à leurs associés qu’il suffit de quelques poignées de dollars, pour que les Palestiniens abandonnent leur terre aux sionistes et jettent les clés de leurs foyers transmises de génération en génération. C’est aussi bien le cas des administrations occidentales que des administrateurs «de pays frères qualifiés de pays modérés et/ou normalisateurs», pour lesquels les miettes distribuées avec parcimonie sont des investissements pour encore plus de profits.

Et le comble du mépris a été atteint avec le choix du slogan «Gardien de la prospérité», pour une opération guerrière consistant à frapper les Yéménites dont les actions en mer rouge, en soutien aux Palestiniens, se résumaient manifestement à amener Israël à cesser d’affamer, d’assoiffer, de martyriser et de bombarder la population de Gaza, en dépit du fait qu’ils ont été eux-mêmes martyrisés et bombardés ces huit dernières années par une bonne partie des mêmes prédateurs.

La prospérité ! La prospérité de qui et à travers quels projets ? C’est ce que nous explique l’écrivain et analyste politique jordanien Mowaffaq Mohadin.

Mouna Alno-Nakhal

*

par Mowaffaq Mohadin

La géopolitique est un domaine scientifique qui a prospéré en Allemagne à la fin du XIXe siècle grâce surtout au géographe allemand Friedrich Ratzel et sa théorie du Lebensraum2, ou la théorie de l’espace vital (Théorie ayant justifié l’expansionnisme de l’État allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ; NdT).

Ce domaine a ensuite été développé par le Britannique Halford Mackinder (le créateur de la théorie du Heartland) et d’autres, dont l’Américain Nicholas Spykman, avant que le cerveau de l’impérialisme mondial Zbigniew Brzeziński ne s’en inspire durant la Guerre froide pour se concentrer sur le heartland russe dans le cadre de son projet eurasien.

L’Égypte compte aussi des noms importants dans ce domaine, dont le président Gamal Abdel Nasser par la correspondance de l’idée de la nation avec celle de l’espace vital, Gamal Hamdan par son ouvrage intitulé «La personnalité de l’Égypte», et Mohamed Hassanein Heikal : l’un des éditorialistes les plus connus du monde arabe.

L’Orient arabe et musulman est, en effet, un monde de géographie politique. D’une part, en raison de sa situation sensible sur la carte du commerce et des guerres vécues à travers l’histoire, lesquelles ont influé sur les transformations sociales et idéologiques, le mode de production, les alliances commerciales et militaires ; autant de sujets appréhendés par Victor Sahab et Samir Amin. D’autre part, en raison des projets politiques élaborés au XXe siècle, tels le projet panarabe de l’unification du Croissant Fertile et le projet de la Grande Syrie, jusqu’aux projets récents liés à la Guerre des ports et des routes historiques, telles les nouvelles routes de la soie initiées par la Chine (BRI) et le projet récent de corridor économique appelé Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC) qui rejoindra l’Inde à l’Europe en passant par la Palestine occupée.

C’est pourquoi la guerre en cours nécessite une vision large de la région arabe englobant ses propres perceptions et ses projets stratégiques, notamment au niveau de l’arc Égypte-Syrie-Irak sur les terres duquel de grandes nations sont nées et ont disparu tout en restant étroitement liées à la géographie et donc, aux corridors terrestres et maritimes ; en l’occurrence, Bab el-Mandeb, Haïfa, Ashkelon et Gaza.

D’où l’intérêt sioniste et colonialiste à empêcher la constitution de cet arc régional, que ce soit à l’époque de Méhémet Ali (1760-1849) ou à l’époque de Gamal Abdel Nasser (1918-1970), par les Accords de Sykes-Picot (1916) et la Déclaration Balfour (1917) et, de nos jours, par la diabolisation de toute tentative de continuité entre la Syrie et l’Irak conformément au discours de l’axe de la Résistance. Une diabolisation accompagnée d’une incitation à la haine par sa réduction à un croissant chiite, alors qu’un croissant abrahamique se forme entre d’autres pays arabes et l’entité d’occupation israélienne.

De plus, abstraction faite des données et des répercussions notoirement connues de l’épopée de Gaza démarrée le 7 octobre 2023 et suivie par l’agression sioniste barbare contre les civils, la bataille des forces armées yéménites autour de la mer Rouge et de Bab el-Mandeb, comme la bataille de Gaza, sont au cœur de stratégies ennemies dangereuses pour la région, à savoir :

  • Le projet israélien du Canal Ben Gourion,
  • Le projet saoudien Neom,
  • Le projet visant à transformer le port de Haïfa en port principal du Moyen-Orient.
I. Le canal Ben Gourion : une alternative israélienne au canal de Suez

Depuis l’inauguration du canal de Suez en 1869 et son impact sur les grands bouleversements maritimes à l’échelle mondiale en termes de commerce, de guerres et d’ingérences, de retentissement sur le cap de Bonne-Espérance et les routes terrestres d’Asie du Nord, il est au cœur de diverses approches stratégiques internationales ; la Déclaration Balfour en 1917 ayant été l’une de ses conséquences. Il est régi par un accord de droit maritime : la Convention de Constantinople de 1888 toujours en vigueur.

Malgré les accords de paix, dont les accords de Camp David (signés en1978 sous la médiation du président Jimmy Carter et suivis de la signature du traité de paix israélo-égyptien en 1979 ; NdT), l’ennemi sioniste n’a cessé de craindre l’esprit collectif arabe de l’Égypte historique, notamment les projets inspirés de Méhémet Ali et de Gamal Abdel Nasser précités. D’où les tentatives sionistes ininterrompues visant à construire un canal alternatif au canal de Suez reliant la mer Rouge, la mer Morte et la mer Méditerranée à des routes terrestres, des pipelines de transport du pétrole et du gaz des Pays du Golfe, des infrastructures économiques et touristiques.

En réalité, les premiers projets d’une alternative au Canal de Suez ont surgi dans la seconde moitié du XIXe siècle, des décennies avant la création d’Israël, sous l’impulsion de partis sionistes ou de certains cercles souhaitant transférer les juifs à l’Est. Parmi les paradoxes, le fait que la Campagne d’Égypte (1798-1801) menée par le général Bonaparte, soucieux de l’ordre public et de la «question juive», ait inspiré au philosophe français Charles Fourier (1772-1837), accusé d’antisémitisme, l’idée de la construction d’un tel projet et de l’installation des juifs européens dans la région. Une idée reprise par l’amiral britannique William Allen en 1855 [dans un ouvrage intitulé «La mer Morte, une nouvelle route vers l’Inde» ; NdT], et par l’Allemand Paul Friedman sur lequel nous reviendrons.

Des décennies se sont écoulées avant que Theodor Herzl ne propose de telles idées [à travers son roman intitulé «Altneuland» dans lequel il décrit le futur état juif ; NdT]. Des idées qui aboutiront au projet actuel, notamment après l’agression israélo-franco-britannique en 1956 contre l’Égypte [sous la présidence de Gamal Abdel Nasser suite à la nationalisation du canal de Suez ; NdT]. Il en fut à nouveau question en 1963 dans un mémorandum américain secret déclassifié en 19963, puis après les accords israélo-palestiniens d’Oslo (1993) et les accords israélo-jordaniens de Wadi Araba (1994), mais surtout dans un discours de Shimon Peres prononcé au sommet économique d’Amman en 1995, comme dans son livre intitulé «Le Nouveau Moyen-Orient», et très récemment dans un article de Charlotte Dennett publié par CounterPunch4 et le journal jordanien Al-Ghad du 1er janvier 2024.

Finalement, le projet actuel consistant à creuser depuis le port d’Eilat au sud d’Israël jusqu’à la mer Méditerranée en sacrifiant Gaza, il n’est pas inutile de noter que les Ansar Allah yéménites n’utilisent que le nom historique «Umm Rashrash» pour parler d’Eilat dans leurs déclarations à la presse. Et cela afin de rappeler que cette ville n’a pas été attribuée à la partie hébraïque lors de l’adoption du Plan de partage de la Palestine par l’ONU en 1947 [ce que contredit Wikipedia et d’autres publications occidentales officielles ; NdT]. La ville a été occupée par des gangs sionistes et arrachée à la Jordanie en préparation de l’alternative au canal de Suez.

II. Le projet saoudien Neom

Le projet Neom5,6 a été annoncé en 2017 et un comité de gestion a été formé sous la présidence de Klaus Kleinfeld, l’un des piliers du Forum de Davos. Cinq cent milliards de dollars lui ont été alloués dans le cadre de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, à partir de fonds d’investissement public pour le développement d’un ensemble de secteurs industriels, technologiques, médiatiques, etc.

Le projet se situe sur la mer Rouge au nord du Hedjaz et s’étend d’Al-Bad’ jusqu’à l’ouest de Tabouk. Cette région est supposée être la partie sud du Pays de Madian, lequel s’étend dans sa partie nord jusqu’à la ville jordanienne d’Al-Karak englobant les montagnes d’Al-Sharat, Wadi Araba et Al-Aqaba. À noter que cette région jordanienne pourrait être incluse dans une deuxième phase du projet selon la déclaration de l’ancien commissaire d’Al-Aqaba, d’Al-Madina News le 27 octobre 2017 et du journal jordanien Al-Ghad le 25 mars 2018. Une inclusion qui serait en rapport avec l’initiative de Shimon Peres concernant la «Vallée de la Paix».

D’ailleurs, nombre de données indiquent des approches politiques du projet liées au soi-disant «Nouveau Moyen-Orient», telles qu’elles apparaissent dans le livre de Shimon Peres et dans les Accords abrahamiques. D’où les remarques suivantes :

  • L‘appellation elle-même est l’objet d’interprétations différentes. Certains voient dans le mot «Neom» une relation avec le discours biblique (NO’AM ?) en rapport avec la grâce divine ayant permis l’installation du peuple d’Israël dans notre région. D’autres, dont les Saoudiens, disent que ce nom est tout simplement composé du préfixe «néo» et de la lettre initiale M du mot arabe Moustaqbal signifiant «avenir».
  • Certaines études ont tenté de relier la zone occupée par le projet aux lieux mêmes où les juifs se sont installés après leur exode d’Égypte, allant jusqu’à changer les noms des régions et des montagnes. Ainsi le mont Al-Tûr s’est transformé en mont Al-Lowz, comme le montre l’étude du chercheur américain Ron White.
  • La zone occupée par le projet correspond aux projections d’orientalistes, d’anthropologues et d’archéologues affiliés aux fonds sionistes et britanniques alloués à l’étude de la Palestine. Parmi eux se trouve l’Allemand Paul Friedman7, propriétaire de la première colonie dans la région et auteur du livre «Das Land Madian» publié à Berlin en 1891. Il y appelait à l’établissement de colonies juives entre le nord du Hedjaz et le sud de la Jordanie, ainsi qu’à la construction de canaux reliant la mer Rouge et la mer Morte à la mer Méditerranée par un couloir proche de Gaza.
  • D’autres projets ont surgi après les accords de Camp David, d’Oslo et de Wadi Araba sous le titre «Les deux chemins d’Abraham et Moïse». Le premier a abouti à la destruction de l’Irak, puis à une tentative de destruction de la Syrie et à l’invention d’intitulés nouveaux, comme «la Confédération des Terres Saintes». Le second appelle à isoler le bloc Neom-Jordanie du Sud.

Dans ses prochaines étapes, la zone du projet devrait rejoindre le canal Ben Gourion, d’une part ; les lignes ferroviaires et les intérêts des Pays du Golfe, d’autre part. Nous savons aussi que le désert oriental de Jordanie est candidat à la construction de plusieurs villes pour l’installation de réfugiés palestiniens.

Le principal partenaire du projet est l’entreprise américaine polyvalente «Bechtel», laquelle fut le plus grand partenaire de Washington dans la plupart de ses invasions et pillages dans le monde, y compris la destruction de l’Irak. Nombre de ses représentants ont occupé des postes clés dans diverses administrations américaines, dont des membres de la famille Bush, le secrétaire à la défense  Caspar Weinberger et le secrétaire d’État George P. Shultz.

Le projet Neom est donc le reflet des stratégies du capitalisme mondial en ce qui concerne le marché financier et sa place dans le système financier et monétaire du capitalisme anglo-saxon. En effet, après la récupération de Hong Kong par la Chine, les métropoles anglo-saxonnes ont inventé Singapour, puis Dubaï qui a conservé son importance au sein de ce système malgré les tentatives d’autres pays du Golfe comme le Bahreïn et le Koweït.

Quant à la guerre des ports, le projet Neom qui se situe de l’autre côté de la mer Rouge est déjà en compétition avec Dubaï et pourrait créer des dissensions au sein du Conseil de coopération du Golfe. Lequel conseil maintient difficilement sa cohésion au vu des divergences entre ses partis, qu’il s’agisse du Sultanat d’Oman, du Qatar ou du Koweït.

Par ailleurs, force est de constater que le contrôle exercé par les Ansar Allah sur la zone vitale de Bab el-Mandeb ne plaît pas à l’Arabie saoudite qui y voit des implications stratégiques sur son projet Neom et aussi, sur la relance de la Route des Indes orientales annoncée par le président américain Joe Biden.

III. Le projet visant à transformer le port de Haïfa en port principal du Moyen-Orient

Le projet du port de Haïfa, en tant que port majeur du Moyen-Orient, nécessite l’affaiblissement du rôle du canal de Suez et le torpillage du commerce international terrestre via la Syrie et le Liban. D’où les suspicions quant au rôle d’Israël dans les explosions du port de Beyrouth, le 4 août 2020, et dans la dégradation des relations à la frontière syro-jordanienne sous divers prétextes.

Il n’est donc pas insensé de lier le port de Haïfa à ce que l’on désigne désormais par «Abrahamisme politique», lequel est étroitement lié aux immenses projets de lignes ferroviaires et de routes terrestres entre les pays arabes normalisateurs du Golfe et la Palestine occupée.

En conclusion : comprendre les objectifs des projets ennemis aide à mieux saisir l’importance stratégique des batailles de Gaza et de Bab el-Mandeb.

source : Al-Mayadeen

Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal

  1. Le fructueux voyage de Shimon Peres
  2. Lebensraum
  3. Crazy : Les USA ont voulu percer un canal à travers Israël avec 520 bombes nucléaires dans les années 60.
  4. https://www.counterpunch.org/2023/12/11/israel-gaza-and-the-struggle-for-oil
  5. Vidéo : NEOM : Pourquoi l’Arabie saoudite veut sa mégapole ultra-futuriste pour 2030 ?
    https://www.youtube.com/watch?v=cHoUmFjapgU
  6. Vidéo : NEOM, The Line, la mégapole saoudienne progresse https://www.youtube.com/watch?v=_VUYYxm7bSk&t=3s
  7. Friedman, Paul https://www.encyclopedia.com/encyclopedias-almanacs-transcripts-and-maps/friedmann-paul

Les États-Unis décident de faire la guerre à l’Iran ! Acte 1 : Se positionner en victime

Source : RzO International - Le 14/01/2024.

source : Études sur la Neutralité

L’attaque directe et ouverte des forces américaines et britanniques sur les bases militaires au Yémen marque le début de la guerre avec l’Iran que les néoconservateurs veulent mener depuis si longtemps.

Cette attaque garantit presque que les Houthis frapperont un navire américain dans la mer Rouge, le couleront, et donneront ainsi aux États-Unis le prétexte nécessaire pour feindre «une attaque non provoquée» sur son armée et ensuite riposter avec tout ce qu’ils ont à leur disposition contre les personnes qu’ils tiennent pour responsables de l’attaque.

La stratégie est parfaitement claire : Lier directement les Houthis à l’Iran, et amener les Houthis à tuer quelques militaires américains, ce qui sera l’excuse pour une guerre totale. Ce sera la guerre avec l’Iran qui avait en fait été évitée pendant la crise des pétroliers dans le détroit d’Ormuz (sous les années Trump), il y a 5 ans.

 Escalade : Biden déclenche la guerre contre le Yémen

Source : RzO International - Le 14/01/2024.

par Mike Whitney

«Attendez, attendez, attendez… l’ONU a voté pour un cessez-le-feu en mer Rouge (où les Yéménites n’ont blessé aucun humain)… Mais l’ONU n’a pas encore adopté un vote de cessez-le-feu après que plus de 30 000 personnes ont été tuées (à Gaza) ???» (Tony Montana @9mmScorpion)

Mardi, les Houthis ont lancé leur plus grande attaque contre des navires en mer Rouge à ce jour. 21 missiles et drones – lancés depuis des positions sur le territoire ont été abattus par des navires de guerre américains et britanniques patrouillant dans la zone. Aucune victime n’a été signalée.

Selon un porte-parole des Houthis, il s’agissait d’exercer des représailles suite à la mort de 10 militants houthis qui ont été mitraillés par des hélicoptères de combat américains alors qu’ils tentaient de monter à bord du Maersk Hangzhou dimanche dernier. Les médias occidentaux ont omis ce fait critique de leurs reportages afin de dissimuler la provocation qui a déclenché l’attaque de mardi contre les navires de guerre américains et britanniques. Les Houthis affirment que le Hangzhou a refusé de répondre aux appels radio demandant si le navire était à destination d’un port israélien ou non, ce qui les a incités à tenter de monter à bord du navire. C’est à ce moment-là que l’enfer s’est déchaîné. (Les Houthis exigent que les navires commerciaux reconnaissent s’ils sont liés ou non à Israël. Le Maersk Hangzhou ne l’a pas fait.) Voici un bref résumé de l’incident de mardi provenant d’un article publié sur Sputnik International :

«Le mouvement yéménite Ansar Allah a revendiqué la responsabilité d’une attaque contre un navire de la marine américaine en mer Rouge, après que les États-Unis ont attaqué les forces houthistes, a déclaré le porte-parole des Houthis, Yahiah Sariah, dans un communiqué officiel. Ce que l’on sait également : les forces navales, les forces de missiles et les avions sans pilote des Houthis du Yémen ont mené une opération militaire conjointe en utilisant un grand nombre de missiles balistiques et embarqués et de drones, ciblant un navire de la marine américaine fournissant un soutien à Israël ; Cette opération était la première réponse à une attaque contre les forces navales houthies par la marine américaine il y a 10 jours ; Les troupes d’Ansar Allah continueront d’empêcher les navires de naviguer vers Israël, tant dans la mer Rouge que dans le golfe Persique, jusqu’à la fin de l’agression contre la bande de Gaza». @SputnikInt

Et voici un résumé des revendications des Houthis suite à l’assassinat de 10 de leurs combattants par les forces américaines dimanche dernier : (Cela n’a pas été rapporté dans les médias occidentaux)

En bref, l’attaque des Houthis de mardi était une réponse à une provocation américaine survenue deux jours plus tôt.

Les dirigeants houthis ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils ne voulaient pas d’une confrontation avec les États-Unis, mais ils ont également déclaré qu’ils ne reculeraient pas s’ils étaient attaqués. L’incident de mardi prouve qu’ils pensaient ce qu’ils disaient et qu’ils étaient prêts à sacrifier leur vie pour forcer Israël à lever le siège de Gaza et permettre à la nourriture et aux médicaments d’atteindre le peuple palestinien. En attaquant et en tuant dimanche 10 combattants houthis, les États-Unis se sont rendus complices du génocide qui a lieu à Gaza. Washington a effectivement déclaré la guerre au Yémen et s’est rangé aux côtés d’un gouvernement déterminé à éradiquer une population civile de 2 millions de personnes.

L’administration Biden a décrit ses actions en mer Rouge comme une défense de la «liberté de navigation» et de la «haute mer». Mais il s’agit simplement d’une tentative pour formuler le problème de la manière la plus adaptée aux objectifs des auteurs. Pour la grande majorité des gens dans le monde, les États-Unis défendent les horribles déprédations commises par l’État israélien. Il n’est pas surprenant que les médias occidentaux aient tenté de qualifier les événements à Gaza de tentative pour «vaincre le Hamas». Heureusement, peu de gens se sont laissé prendre à cette ruse. Le fait est qu’il n’y a jamais eu d’effusion de sang plus brutale au cours du dernier demi-siècle et que partout dans le monde, les gens sont consternés par la boucherie incessante et ethniquement alimentée par des voyous insensibles qui célèbrent leur sauvagerie sur TikTok. Aujourd’hui, on nous dit que le même pays qui envoie des bombes d’une tonne à Israël pour tuer des femmes et des enfants dans leurs maisons devrait être vénéré comme le «garant de la sécurité régionale» dans la mer Rouge. Naturellement, beaucoup de gens considèrent le comportement du gouvernement comme hypocrite.

À l’heure actuelle, les élites de la politique étrangère se concentrent presque exclusivement sur l’escalade. Mercredi, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a averti qu’«il y aurait des conséquences» si les Houthis persistaient dans leurs attaques contre des navires commerciaux, ce qui laisse entendre que l’administration Biden envisage désormais une action militaire. Gardez à l’esprit que les États-Unis ont déjà constitué une force opérationnelle maritime multinationale, «l’Opération Prosperity Guardian», pour patrouiller la mer Rouge afin d’assurer la sécurité des navires commerciaux empruntant cette voie navigable vitale. Mais cette coalition de fortune n’a pas réussi à instaurer la confiance parmi un certain nombre des plus grands transporteurs mondiaux, qui refusent de transiter par la mer Rouge jusqu’à la fin des hostilités. Il incombe donc à l’administration Biden de trouver une solution viable qui mettra fin aux attaques et rétablira le trafic sur la mer Rouge tel qu’il était avant la crise. Malheureusement, toutes les preuves suggèrent que Biden et Cie ont décidé que la seule façon d’avancer était d’intensifier les combats en bombardant des sites militaires sur le continent. Ceci est extrait d’un article de Bloomberg News :

«Selon plus d’une douzaine de personnes interrogées par Bloomberg, dont des experts du Yémen, du transport maritime et de la défense et de la sécurité, ces options incluent des frappes ciblées.

Celles-ci viseraient à éliminer ou à dégrader la capacité des Houthis à tirer des missiles balistiques sur des navires et des voies de navigation en frappant des sites de lancement, des radars, des entrepôts de missiles et d’autres infrastructures et logistiques de soutien. Depuis la mi-novembre, les Houthis ont tiré plus de 100 drones et missiles balistiques lors de deux douzaines d’attaques distinctes, selon le Pentagone. Plus de 15 navires ont été ciblés».1

Et voici davantage, selon un article de James Kraska sur Lawfare :

«Les frappes au Yémen constitueraient un nouveau type de guerre navale pour contrer la nouvelle méthode des Houthis pour exercer un contrôle maritime depuis la terre. Les infrastructures terrestres houthistes qui mettent en danger les navires commerciaux et les navires de guerre exerçant leurs libertés en haute mer devraient être éliminées. De plus, l’Iran exploite apparemment un navire espion radar dans la mer Rouge, qui fournit des conseils de ciblage aux missiles et drones Houthis. La capacité de l’Iran à transmettre des données de ciblage doit être neutralisée. Cela signifie que la seule stratégie efficace consiste à frapper l’ensemble de l’entreprise houthie à base de missiles, de drones et d’avions pilotés, y compris le navire iranien et d’autres capacités offensives utilisées par les Houthis pour projeter leur puissance loin des côtes yéménites. Les complexes radar Houthi et missiles sol-air qui protègent les systèmes offensifs doivent également être désactivés ou détruits. La loi soutient la destruction de la capacité des Houthis à lancer des attaques contre les navires de guerre américains. (…) 

Les attaques des Houthis ne cesseront pas tant que les Houthis n’auront plus la capacité de mener une guerre contre le transport maritime international. Cette conclusion reflète le jugement de Riad Kahwaji, fondateur de l’Institut d’analyse militaire du Proche-Orient et du Golfe, un groupe de recherche sur la sécurité basé à Dubaï, qui a déclaré :

«À moins que [les États-Unis] ne bombardent les sites de lancement de missiles, les radars et les aérodromes des Houthis, et les bateaux, leurs efforts pour lutter contre la menace qui pèse sur le transport maritime ne seront pas efficaces»».2

Vous pouvez voir où cela nous mène. Pour l’administration Biden, dominée par les néoconservateurs, l’escalade est la seule voie à suivre. Mais, comme nous l’avons dit depuis le début, le bombardement des sites de missiles et des infrastructures militaires des Houthis n’arrêtera pas les attaques contre le trafic commercial, il déclenchera simplement un appel à «des troupes sur le terrain». Une fois que la campagne de bombardement aura échoué, (et ce sera le cas) les forces terrestres américaines seront déployées pour mener une guérilla sanglante et prolongée dans la péninsule arabique. C’est le désastre qui se profile à l’horizon pour les États-Unis ; un désastre qui aliénera encore davantage (et exaspèrera) les alliés en déclin de Washington au Moyen-Orient et conduira à l’inévitable expulsion de l’Amérique de la région.

Une meilleure stratégie serait d’ouvrir un canal de communication directe avec les Houthis et d’entamer le processus ardu de négociation d’un règlement diplomatique. C’est la seule façon de résoudre la crise. Jetez un œil à cet extrait d’un article de Foreign Affairs qui souligne l’importance de la diplomatie :

«Parce que les attaques des Houthis pourraient avoir de graves conséquences sur le commerce mondial, les États-Unis subissent d’importantes pressions pour réagir militairement. Mais au lieu de représailles, les États-Unis devraient privilégier une approche diplomatique (…)

Certains hommes politiques et analystes ont soutenu que le meilleur moyen de contrer l’agression des Houthis est une escalade militaire destinée à «restaurer la dissuasion».

Mais les partisans des frappes aériennes contre les Houthis ne peuvent pas expliquer ce qui devrait se passer par la suite. Il est difficile d’imaginer comment les frappes aériennes pourraient dissuaderles attaques des Houthis aujourd’hui alors qu’elles n’y sont pas parvenues au cours de la dernière décennie. Les frappes aériennes contre des cibles Houthis pourraient légèrement éroder la capacité des Houthis à lancer des missiles et des drones, mais il sera beaucoup plus difficile de cibler et d’éradiquer efficacement les petits bateaux bon marché, avec ou sans pilote, des Houthis. (…)

Une approche combinant diplomatie et dissuasion est le moyen le moins mauvais pour les États-Unis de résoudre ce problème insoluble à court terme. (…)

Pour faire face à la menace posée par les Houthis, les États-Unis doivent en fin de compte faire pression pour mettre fin à la guerre entre Israël et le Hamas, ainsi qu’au conflit israélo-palestinien en général. Qu’on le veuille ou non, les Houthis ont lié leur agression aux opérations israéliennes à Gaza et ont obtenu un soutien national et régional pour ce faire. Trouver une approche durable et à long terme aux deux conflits sera essentiel pour apaiser les tensions dans la région et amener les Houthis à annuler leurs attaques contre les navires commerciaux. De telles attaques auraient une utilité limitée en l’absence de ces conflits.

Ces mesures ne peuvent pas répondre pleinement à la menace que les Houthis représentent pour les intérêts américains et pour la stabilité de la région en général. Mais elles restent la meilleure parmi les mauvaises options – et les États-Unis n’ont que de mauvaises options en raison de l’échec de leurs approches au Yémen au cours des 20 dernières années. Washington ne devrait pas répéter ses erreurs. Des décennies d’expérience ont montré désormais que les efforts militaires visant à déloger les Houthis ont peu de chances d’être efficaces. Au lieu de cela, ils pourraient simplement dévaster davantage la vie de la population du Yémen, déjà en difficulté».3

Il convient de noter que les Houthis n’ont pas besoin de vaincre militairement les États-Unis pour gagner la guerre en mer Rouge. Il leur suffit de perturber suffisamment la circulation pour avoir un impact négatif sur l’économie mondiale, ce qu’ils peuvent faire, que leurs villes aient été rasées ou non. Ce n’est pas l’Afghanistan. Le Yémen représente une voie de navigation commercialement vitale qui peut être efficacement fermée par des guérilleros bien armés qui savent exploiter les vulnérabilités du système. La force brute et une puissance de feu supérieure ne «l’emporteront pas». La diplomatie et la retenue sont la voie à suivre. Est-ce que quelqu’un écoute, à Washington ?

REMARQUE : Au moment où cet article était sous presse, les États-Unis ont lancé des frappes aériennes sur les positions des Houthis au Yémen. Le président Joe Biden a déclenché une guerre dans la péninsule arabique sans consulter le Congrès et sans déclaration formelle de guerre. Ceci vient de Bloomberg News :

«Les États-Unis et le Royaume-Uni ont lancé des frappes aériennes sur des cibles rebelles Houthis au Yémen, intensifiant ainsi le conflit avec un mandataire iranien en réponse à une série d’attaques qui perturbent la navigation commerciale en mer Rouge. (…)

De fortes explosions ont été signalées dans la capitale yéménite de Sanaa et dans la ville portuaire d’Al Hudaydah. (…)

Dans un discours télévisé jeudi, le leader Houthi Abdul Malik Al-Houthi a promis une «grande» réponse aux États-Unis et à leurs alliés s’ils procédaient à une action militaire contre son groupe.

«Nous affronterons l’agression américaine», a-t-il déclaré. «Aucune attaque américaine ne restera impunie». (…)

Les États-Unis débattaient depuis des semaines de l’opportunité d’attaquer les Houthis. Un défi majeur a été de trouver un moyen de diminuer la capacité du groupe à menacer le transport maritime, tout en évitant une nouvelle expansion du conflit, selon un responsable britannique proche des conversations».4

Note finale : il faut bien supposer que l’attaque contre le Yémen a été programmée pour coïncider avec le procès de génocide de l’Afrique du Sud contre Israël qui a commencé plus tôt dans la journée.

source : The Unz Review via Entre la Plume et l’Enclume

NB : Notez que J. Biden n'a pas consulté le Congrès américain, ainsi que Rishi Sunak le parlement Britannique avant d'engager les forces armées.

E. Macron fait des émules dans le Monde entier...La France du mauvais exemple...! JMR

  1. «Les États-Unis se préparent à des décisions à enjeux élevés concernant les frappes maritimes des Houthis», Bloomberg
  2. «Les attaques contre des navires de guerre américains justifient l’autodéfense contre les forces houthies à terre», James Kraska, Lawfare
  3. «Ne bombardez pas les Houthis», Alexandra Stark, Affaires étrangères
  4. «Les États-Unis et le Royaume-Uni frappent les Houthis suite à des attaques contre les transports maritimes», Bloomberg

 

Palestine. L’européen Borrell en soutien aux États-Unis

Source : - The Saker francophone - Par M.K. Bhadrakumar – Le 11 janvier 2023 –Source : Indian Punchline

La scène diplomatique du Moyen-Orient a été dominée la semaine dernière par la tournée régionale du secrétaire d’État américain Antony Blinken en Turquie, en Jordanie, au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, en Israël, en Cisjordanie et en Égypte. Il s’agissait d’une « tournée de démonstration » visant à rallier les dirigeants des pays arabes derrière les États-Unis, mais qui a culminé avec une rencontre acrimonieuse en Cisjordanie entre Blinken et le président palestinien Mahmoud Abbas, entachée de « querelles et disputes », selon Sky News Arabia.

 

La région est en proie à l’angoisse qu’Israël puisse provoquer une extension fatale du conflit dans la bande de Gaza, au Liban et contre l’Iran après l’assassinat d’un certain nombre de hauts responsables militaires du Hamas et du Hezbollah ces derniers jours, pendant que Blinken était dans la région, soulignant ainsi le mépris de Tel Aviv à l’égard des subtilités diplomatiques. Deux vidéos prises en Cisjordanie montrent des soldats israéliens tirant sur un garçon de 17 ans et écrasant à plusieurs reprises le cadavre d’un homme qu’ils avaient abattu, vendredi dernier.

Les États-Unis craignent une extension du conflit au Moyen-Orient. Pourtant, Blinken était accablé par la contradiction entre la rhétorique du soutien continu de Washington à l’opération israélienne et les paroles du président Joe Biden la semaine dernière disant qu’il effectuait un travail « discret » avec le gouvernement israélien « pour les amener à réduire considérablement leur présence et se retirer en grande partie de la bande de Gaza ».

Blinken a affirmé que « les pays (arabes) ont convenu de travailler ensemble pour aider la bande de Gaza à se stabiliser, tracer une voie politique pour les Palestiniens et œuvrer en faveur d’une paix, d’une sécurité et d’une stabilité à long terme dans la région ». Dans le même temps, il a reconnu que pour y parvenir, il était nécessaire de mettre fin au conflit à Gaza et d’identifier une voie concrète vers la création d’un État palestinien. Blinken a souligné que les pays de la région sont toujours intéressés à normaliser leurs relations avec Israël, mais uniquement aux conditions d’un règlement du conflit palestino-israélien. Il pourrait sans doute s’agir là des premiers signes d’une feuille de route.

L’assassinat de hauts responsables du Hamas et du Hezbollah indique qu’Israël ne fait pas de progrès significatifs sur le champ de bataille et que les dirigeants sont contraints de rassembler des « trophées » et de revendiquer la « victoire ». Dans une guerre hybride, de tels meurtres n’affaiblissent pas de manière significative le mouvement de résistance. Un dirigeant efficace a été nommé du jour au lendemain pour diriger la Force Quds du CGRI lorsque le légendaire général iranien Qassem Soleimani a été assassiné en 2020.

Cela dit, il ne faut pas surestimer la probabilité d’un conflit direct entre Israël et le Hezbollah, car ce dernier sait bien qu’un déclenchement des hostilités est précisément ce qui arrangerait Tel-Aviv. L’Iran évalue également le calcul d’Israël visant à entraîner les États-Unis dans la guerre. Selon certaines informations, l’Iran aurait fourni des missiles de croisière au Hezbollah.

Dans un contexte aussi tumultueux et un spectacle soigneusement chorégraphié, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, est également apparu dans la région, en même temps que Blinken. Les destinations de Borrell furent le Liban et l’Arabie Saoudite. Le communiqué de l’UE indique que la mission de Borrell “sera l’occasion de discuter de tous les aspects de la situation dans et autour de Gaza, y compris son impact sur la région, en particulier la situation à la frontière israélo-libanaise, ainsi que l’importance d’éviter une escalade régionale et de maintenir le flux d’aide humanitaire aux civils“.

S’adressant aux médias à Beyrouth, Borrell s’est montré très critique à l’égard de la guerre menée par Israël à Gaza et a appelé à une pause « qui pourrait devenir permanente ». Il a également déclaré : « Il est impératif d’éviter une escalade régionale. Il faut absolument éviter que le Liban ne soit entraîné dans un conflit régional. » Borrell était en mission pour faire le point sur la situation et « contribuer à une sortie de crise ».

Borrell a rencontré le chef de mission et commandant de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), le général Aroldo Lazaro, compatriote espagnol. En effet, il a été question de déployer une force de maintien de la paix à la frontière nord d’Israël avec le Liban.

Parallèlement, Al Jazeera a rapporté, citant une source gouvernementale à Beyrouth, que Borrell avait également eu une réunion non médiatisée avec une délégation du Hezbollah dirigée par Mohammad Raad, membre du corps législatif libanais. Il est concevable que cela ait pu être un élément clé de son itinéraire à Beyrouth.

Alors que les États-Unis et plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni, la République tchèque et l’Autriche, entre autres, considèrent le Hezbollah comme une organisation terroriste, l’UE s’est limitée à simplement ajouter la soi-disant « branche militaire » du Hezbollah à sa liste terroriste, laissant la porte ouverte pour interagir avec la direction politique du mouvement si le besoin s’en faisait sentir.

Cela fait suite à l’attentat suicide présumé du groupe en 2012 à Burgas, en Bulgarie, qui a tué cinq touristes israéliens et un chauffeur bulgare. Lors d’un débat sur la situation de crise au Liban en juillet dernier, le Parlement européen a adopté pour la première fois une résolution appelant l’UE à ajouter l’ensemble du Hezbollah à sa liste d’organisations terroristes interdites, mais cette décision n’a pas encore été appliquée.

La rencontre de Borrell avec la délégation du Hezbollah n’aurait eu lieu qu’à la connaissance de l’administration Biden – elle pourrait même fournir une raison valable (et réalisable) du voyage de Borrell au Liban. La BBC avait également fait état il y a une semaine de contacts secrets entre Israël et le Hezbollah.

En tout cas, par coïncidence, Borrell se trouvait en Arabie Saoudite lorsque Blinken est arrivé là-bas, et les deux ont eu une réunion. Plus tard, dans une déclaration pour les médias, après des entretiens en Arabie Saoudite avec le ministre des Affaires étrangères, le prince Faisal, Borrell a également adopté une position nuancée à propos du Hamas, déclarant :

« Et maintenant, nous devons arrêter le massacre de civils à Gaza. Nous devons arrêter ce grand nombre de victimes. Le Hamas doit être éradiqué. Mais le Hamas est une idée, il représente une idée, et on ne peut pas tuer une idée. La seule façon de tuer une idée – une mauvaise idée – est d’en proposer une meilleure, de donner un horizon au peuple palestinien, à sa dignité, à sa liberté, à sa sécurité, qui doit aller de pair avec le sécurité d’Israël. »

De toute évidence, Borrell s’est efforcé de briser la glace en s’engageant avec le Hezbollah. Considérant que l’UE a été le partenaire junior des États-Unis sur les grandes questions internationales, la mission de Borrell peut être considérée comme une mission substantielle visant à ouvrir une voie diplomatique pour apaiser les tensions frontalières entre Israël et le Liban.

De même, Borrell et le prince Faisal ont relancé l’effort dit de la Journée de la paix lancé en septembre dernier, conjointement par l’UE et l’Arabie saoudite, la Ligue des États arabes, l’Égypte et la Jordanie comme une initiative « visant à revigorer le processus de paix au Moyen-Orient ».

Une déclaration commune publiée à l’époque, en marge de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, en présence de près de cinquante ministres des Affaires étrangères du monde entier, cherchait à « produire un « paquet de soutien à la paix » qui maximiserait les dividendes de la paix pour les Palestiniens et les Israéliens une fois qu’ils auront atteint un accord de paix,… » encourageant ainsi de sérieux efforts pour y parvenir.

En tant que chef de la politique étrangère de l’UE, Borrell a traversé les turbulences internationales et les divisions au sein du bloc des 28 membres pour rendre l’Europe plus unie et en faire un poids lourd diplomatique, mais avec un succès inégal. Bien entendu, l’Ukraine a gâché la fête. La Palestine pourrait bien être la dernière valse de Borrell. Le mandat de cinq ans de Borrell à Bruxelles se termine en décembre.

M.K. Bhadrakumar

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

«En Occident nous sommes manichéens»

Source : RzO International - Le 10/01/2024.

par Libre Média

De passage à Québec, la géopolitologue Caroline Galactéros analyse l’avènement d’un monde multipolaire et déplore le déni de l’Occident face à son propre déclin. Elle revient aussi sur la reprise du conflit israélo-palestinien, selon elle cette fois au désavantage de l’État hébreu.

 

YouTube video

source : Libre Média

 

Jacques Baud, celui qui a eu raison avant tout le monde

 

Nous sommes bien trop proches d’une nouvelle guerre majeure au Moyen-Orient

Source : RzO International - Le 06/01/2024.

par Caitlin Johnstone

Il y a beaucoup trop de fronts sur lesquels une nouvelle guerre horrible au Moyen-Orient pourrait potentiellement éclater, et les choses sont beaucoup trop proches du bord du gouffre sur chacun d’entre eux.

Les États-Unis et leurs alliés ont publié une déclaration commune dans laquelle ils mettent en garde les Houthis du Yémen contre les attaques qu’ils mènent contre les navires commerciaux en mer Rouge. Les Houthis, officiellement connus sous le nom d’Ansarullah, ont réussi à réduire l’activité portuaire israélienne de manière extrêmement massive grâce à leurs tactiques maritimes en réponse au massacre qu’Israël continue de perpétrer à Gaza.

La déclaration affirme que les attaques yéménites «constituent une menace directe pour la liberté de navigation qui sert de base au commerce mondial dans l’une des voies navigables les plus critiques du monde», se plaint qu’elles «ajoutent des coûts importants et des semaines de retard à la livraison des marchandises» et menace finalement les Houthis de «leur faire porter la responsabilité des conséquences» si ces attaques se poursuivent.

De nombreux critiques ont souligné l’ironie de l’alliance des puissances occidentales menaçant d’intervenir militairement pour protéger les conteneurs d’expédition et les bénéfices des entreprises, alors que des êtres humains sont massacrés par les frappes aériennes israéliennes et affamés par la guerre de siège israélienne, avec le soutien amical de ces mêmes puissances.

«Les Palestiniens aimeraient vraiment bénéficier de la même attention et de la même protection que les conteneurs d’expédition», a tweeté la journaliste canadienne d’origine palestinienne Yasmine El-Sawabi.

Les États-Unis et certains de leurs alliés viennent de publier une déclaration commune dans laquelle ils menacent les Houthis pour leurs attaques contre la navigation commerciale en mer Rouge. On dirait qu’ils se préparent à bombarder le Yémen.

Le fait que les États-Unis et leurs alliés entrent en guerre contre des personnes qui tentent d’arrêter un génocide en cours vous dit tout ce que vous devez savoir sur eux. Le fait qu’ils le fassent pour les marges bénéficiaires des entreprises vous en dit encore plus, et le fait qu’ils le fassent contre un pays auquel ils ont déjà contribué à infliger des horreurs insondables au cours des dernières années vous en dit encore plus.

Et ce n’est là qu’une des guerres potentielles qui se profilent à l’horizon à la suite de l’assaut israélien à Gaza. Comme l’a récemment expliqué Trita Parsi dans The Nation, il existe trois autres fronts le long desquels des guerres pourraient également éclater dans la région en dehors d’un conflit occidental avec les Houthis : en Irak et en Syrie, où les forces américaines ont été attaquées à plusieurs reprises par des militants en réponse à l’assaut de Gaza, au Liban entre Israël et le Hezbollah, et le scénario cauchemardesque absolu d’une guerre à grande échelle avec l’Iran.

«Ce risque existe sur quatre fronts : Entre Israël et le Hezbollah libanais, en Syrie et en Irak en raison des attaques contre les troupes américaines par des milices alignées sur l’Iran, en mer Rouge entre les Houthis et la marine américaine, et entre Israël et l’Iran suite à l’assassinat d’un général iranien en Syrie et à l’explosion à Kerman aujourd’hui lors de la commémoration de la mort du général Qassem Soleimani qui a fait plus de 100 morts», écrit Parsi.

Le fait qu’Israël ait commencé à se concentrer sur l’intensification des agressions contre l’Iran et le Hezbollah tout en retirant des milliers de soldats de Gaza est un signe potentiellement inquiétant. Certains analystes estiment qu’Israël tente d’entraîner les États-Unis dans une guerre directe avec le Hezbollah, ce que les responsables américains craignent depuis le début de l’assaut contre Gaza.

Il y a beaucoup trop de fronts sur lesquels une nouvelle guerre horrible au Moyen-Orient pourrait potentiellement éclater, et les choses sont beaucoup trop proches du bord du gouffre sur chacun d’entre eux. Et tout cela pour des terres, de l’argent et un contrôle géostratégique, comme toujours. Plus tôt la structure de pouvoir centralisée des États-Unis s’effondrera, mieux ce sera pour l’humanité.

Le canal de Suez, le Yémen et la Russie

Source : RzO International - Le 06/01/2024.
Les libéraux se sont moqués de l’amitié entre la Russie et l’Érythrée. Et s’ils commençaient maintenant à s’y pencher ?

par Dzen.ru

Voilà qui est intéressant. Pour bloquer le canal de Suez, il n’est pas nécessaire de s’en approcher. Il suffit de se trouver à 2000 kilomètres pour rendre le canal impraticable.

Tout est de la faute de la géographie et il est difficile de discuter avec elle.

Le canal de Suez n’est qu’une petite partie de la route maritime reliant l’Asie à l’Europe :

Certes, mais c’est une partie très importante sans laquelle le passage des navires ne peut se faire. De même, le mouvement des navires à travers le canal de Suez n’est également pas possible sans la possibilité de naviguer en passant un autre goulot d’étranglement sur cette route : le détroit de Bab-el-Mandeb.

Le canal de Suez et ce détroit sont comme les deux «cols» de la mer Rouge. L’entrée et la sortie. Ou bien la sortie et l’entrée en fonction du sens de la navigation.

C’est un fait que le canal de Suez a été construit par l’homme alors que c’est la nature qui a créé le détroit. Mais la navigation est autant importante par les deux passages.

Le détroit de Bab el-Mandeb est large d’environ 28 kilomètres (sans prendre en compte les îles). Il est d’autant plus intéressant que sur l’une des côtes se trouve l’État du Yémen. Ce même Yémen où vit un groupe arabe extrêmement spirituel et belliqueux – les Houthis.

Les Houthis sont très mécontents des actions que mène Israël dans la bande de Gaza. Ils profitent ainsi d’un avantage géographique naturel : ils bloquent le détroit aux navires transportant des marchandises dans l’intérêt d’Israël.

Ainsi, bien que les Houthis vivent à 2000 km du canal de Suez, ils le rendent extrêmement vulnérable et pratiquement impraticable.

Regardons maintenant la rive opposée du détroit de Bab el-Mandeb de l’autre côté du Yémen. Je pense que tout le monde a déjà compris de quoi il était question.

On trouve deux États – Djibouti et l’Érythrée. À partir de ces deux territoires, il est possible de contrôler le détroit, donc de contrôler toute la route maritime à travers la mer Rouge, donc une bonne partie du commerce mondial.

L’État érythréen est très pauvre. Excessivement pauvre. C’est l’un des plus pauvres du monde. Selon certains indicateurs, il s’agit de l’État le plus pauvre au monde.

Mais cet État entretient des relations très amicales avec la Russie. À l’ONU, il vote toujours pour nos résolutions et contre celles de l’ennemi. Au printemps 2023, le président érythréen est venu à Moscou et a rencontré Poutine.

Le président Isaias Afwerki en compagnie de Vladimir Poutine

Je m’en souviens très bien alors que les mauvaises langues libérales ricanaient.

«Voilà qu’à Kiev, disent-ils, les «Personnes joyeuses et intelligentes» (en russe, le KVN : Klub veselykh i nakhodtchivykh, le Club des Bienheureux et des Populaires) rencontrent les dirigeants des États-Unis et de la Grande-Bretagne, alors que nous… Il a trouvé avec qui se lier d’amitié. Est-ce qu’il n’y avait vraiment personne d’autre ? La honte !»

Je ne me réfèrerai pas ici à la longue liste de pays relativement importants, de la Chine et de l’Inde aux Émirats arabes unis et à la Turquie, que Poutine rencontre et avec lesquels il renforce les contacts depuis ces deux dernières années au moins.

Pensons maintenant spécifiquement à l’Érythrée. Ce pays est-il réellement insignifiant dans le contexte de ce qui se passe aujourd’hui dans le monde ?

Plus d’une fois, j’ai écrit que la puissance de l’Occident reposait sur son contrôle, en premier lieu, des routes commerciales maritimes. Les États-Unis et leurs alliés possèdent des bases militaires près de tous les points cruciaux des océans dans le monde, tels que les canaux de Suez et de Panama, Gibraltar, le détroit du Bosphore, le détroit de Malacca et même la pointe de l’Amérique du Sud (les îles Falkland) et les ports maritimes chinois à Taïwan.

En cas de graves problèmes, les États-Unis peuvent tout simplement exclure pratiquement tous les pays du commerce mondial. Ce que d’ailleurs fait actuellement le Yémen. Simplement, le Yémen use de méthodes artisanales, «manuelles». Les États-Unis, eux, ont tout un arsenal jusqu’aux porte-avions.

Regardons maintenant par quoi ces derniers temps la Russie est occupée.

Une partie de ses actions revient littéralement à «gratter» des parties des océans du monde qu’elle pourrait contrôler. Sans ce contrôle, un pays ne peut pas vraiment être considéré comme influent et fort.

Soit. Il y a actuellement beaucoup de choses qui sont faites dans ce sens.

Par exemple, la Route maritime du Nord se développe rapidement. Elle peut déjà reprendre une part importante du commerce maritime mondial aux États-Unis. On n’arrive plus à compter le nombre de projets allant dans ce sens. De la pose de fibres optiques dans les profondeurs arctiques (communications) jusqu’au développement de centrales nucléaires flottantes (énergie).

La flotte militaire a été recomposée. Les navires et les sous-marins les plus modernes sont régulièrement mis à l’eau. Ces dernières années, ils sortent des cales tout simplement par paquets.

La création de bases navales en dehors de la Fédération de Russie aux points stratégiques les plus importants de la planète est en cours.

La première base de l’histoire de la Russie moderne a été créée en Syrie. La société n’y accorde pas particulièrement d’importance, mais cette base permet à la flotte russe de pouvoir contrôler une partie importante du Moyen-Orient sans rester «enfermée» dans la mer Noire.

Des négociations sont en cours pour établir des bases dans d’autres endroits. Par exemple, près du canal de Panama, du détroit de Malacca. Et, bien sûr, sur la mer Rouge.

Dans ce cadre, de nouveaux accords évoluent avec le Soudan qui semble accepter la localisation d’une base militaire et technique pour la flotte russe.

L’Érythrée est un point ultra-important sur la carte du monde. Si la Russie y installe une base militaire, ce sera cent fois plus sérieux que les actions actuelles du Yémen.

En effet, c’est une chose quand les Houthis presque pieds nus tentent de contrôler la navigation à travers le détroit, et c’en est une autre quand ce sont des corvettes modernes de la Fédération de Russie qui décident de cette navigation.

Pour le moment, on peut difficilement s’imaginer cette situation, mais la Russie, en représailles, peut parfaitement bloquer, par exemple, la navigation des navires à travers la mer Rouge en direction de l’Europe. Au cas où ils s’attaqueraient à nos intérêts dans la région. Nous ne sommes pas loin d’avoir atteint ce stade. Les (Occidentaux) s’affaiblissent très rapidement autant que nous nous renforçons au même rythme.

source : Dzen.ru

Traduction de Bertrand Hédouin

 

SITUATION GENERALE (III)

 

Sauver Israël en mettant fin à sa guerre à Gaza

Source : RzO International - Le 04/01/2023.

par Jeffrey Sachs

Le gouvernement israélien affirme qu’il mène un combat mortel pour sa survie contre le Hamas et qu’il doit donc prendre toutes les mesures, y compris la destruction même de Gaza, pour survivre. C’est faux.

Lorsque le Congrès reviendra en janvier, le président Joe Biden plaidera en faveur d’un approfondissement de la complicité américaine dans la guerre israélienne à Gaza par le biais d’un autre programme d’armement américain pour Israël. Les Américains devraient élever la voix et dire non catégoriquement.

Armer encore Israël ?

Un paquet d’armes destiné à Israël va non seulement à l’encontre des intérêts de l’Amérique, mais aussi à l’encontre des intérêts d’Israël. La seule voie vers une véritable sécurité pour Israël est la paix avec la Palestine. Les États-Unis peuvent y contribuer en mettant fin à la fourniture de munitions pour la guerre brutale d’Israël et en promouvant la solution à deux États, comme l’exige le droit international.

J’ai exposé la voie diplomatique vers la solution à deux États dans une précédente colonne pour les rêves communs. Cette voie reste ouverte. Elle est activement promue par les pays arabes et islamiques et soutenue par presque le monde entier.

Si Israël met fin au génocide, il mettra fin à l’opposition mondiale à laquelle il est actuellement confronté.

La brutalité d’Israël à Gaza

Elle devient une véritable menace pour la survie d’Israël. En raison de la violence extraordinaire d’Israël, le monde s’unit contre Israël, tandis qu’Israël subit d’énormes pertes militaires. Chose incroyable, certains dirigeants israéliens préconisent désormais ouvertement une guerre encore plus vaste au Moyen-Orient, une guerre qui pourrait bien entraîner un désastre total pour Israël.

L’opposition mondiale croissante à la politique israélienne n’est pas antisémite. C’est anti-génocide. Elle est également favorable à la paix, à Israël et à la Palestine. Si Israël met fin au génocide, il mettra fin à l’opposition mondiale à laquelle il est actuellement confronté.

Vaincre le Hamas n’est pas le véritable objectif d’Israël à Gaza

Le gouvernement israélien affirme qu’il mène un combat mortel pour sa survie contre le Hamas et qu’il doit donc prendre toutes les mesures, y compris la destruction même de Gaza, pour survivre. C’est faux. Il n’existe aucune justification éthique, pratique, juridique ou géopolitique pour détruire Gaza – en tuant des dizaines de milliers de civils et en déracinant 2 millions de personnes – pour protéger Israël contre le type de menaces évitables et contrôlables que représente réellement le Hamas.

«Tondre le gazon» régulièrement

Au cours des années 2008-2022, le Hamas et d’autres militants ont tué environ une douzaine de civils israéliens par an, alors qu’Israël tuait habituellement au moins dix fois plus de civils palestiniens. Il y a eu un pic en 2014, quand Israël a envahi Gaza, avec 19 civils israéliens tués contre 1760 civils palestiniens. Le Hamas lance de nombreuses roquettes, mais presque toutes sont interceptées ou causent peu de dégâts. Israël répond par des massacres périodiques (comme en 2014) et par des frappes aériennes plus régulières. Les Israéliens ont même un nom cynique pour leurs meurtres périodiques, appelés «tondre le gazon». Il est de notoriété publique en Israël que le Hamas a longtemps servi de soutien politique «à faible coût» utilisé par Netanyahou pour «prouver» aux Israéliens qu’une solution à deux États est impossible.

Les limites du Hamas

Au cours de toutes les années de règne du Hamas à Gaza a depuis 2007, le Hamas n’a jamais conquis le territoire israélien, et encore moins menacé de près ou de loin l’existence ou la survie d’Israël. Parce qu’il ne pourrait pas le faire, même s’il le voulait. Le Hamas compte environ 30 000 combattants, contre plus de 600 000 membres actifs et réservistes de Tsahal. Le Hamas ne dispose pas d’une force aérienne, d’unités blindées, d’une base militaro-industrielle et de la moindre manœuvrabilité géographique en dehors de Gaza.

L’échec israélien

Le 7 octobre, les combattants du Hamas ont fait une incursion surprise en Israël qui a duré cette horrible journée. Cela ne reflète pas une nouvelle super-capacité du Hamas à envahir Israël, mais plutôt un échec choquant de la sécurité israélienne. Les dirigeants israéliens ont ignoré les nombreux avertissements concernant une attaque imminente du Hamas et ont inexplicablement laissé la frontière entre Gaza et Israël gravement sous-équipée. Plus étonnant encore, ils l’ont fait quelques jours seulement après que des extrémistes israéliens eurent pris d’assaut le complexe de la mosquée al-Aqsa, l’un des sites les plus saints de l’Islam. Le Hamas a exploité l’étonnante faille de sécurité d’Israël en franchissant la frontière lors d’une attaque qui a entraîné la mort d’environ 1100 civils israéliens et la prise d’otages par le Hamas, un nombre inconnu de civils israéliens étant morts ce jour-là à cause des bombardements aériens israéliens et des tirs croisés dans la Contre-attaque de Tsahal.

Rendre Gaza inhabitable

En renforçant la frontière avec Gaza, Israël a stoppé de nouvelles incursions terrestres du Hamas. Netanyahou a ordonné la destruction de Gaza non pas pour protéger Israël du Hamas, mais pour rendre Gaza inhabitable et ainsi concrétiser son intention de longue date d’imposer un régime israélien permanent sur le territoire. Netanyahou a l’avantage supplémentaire de s’accrocher au pouvoir malgré ses autres échecs graves.

Le contrôle total

L’objectif le plus fondamental du gouvernement israélien est de consolider son contrôle total sur le «Grand Israël», c’est-à-dire l’ensemble des terres allant du Jourdain à la mer Méditerranée. Son objectif avec l’incursion à Gaza est de chasser la population du territoire. Le 10 octobre, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré que «Gaza ne reviendra pas à ce qu’elle était avant. Nous éliminerons tout». Plus récemment, Netanyahou a parlé d’une «émigration volontaire de la population gazaouie – volontaire, c’est-à-dire après que Gaza ait été dévastée et que les Gazaouis aient été invités à évacuer. Le maire de Metula, David Azoulai, a déclaré que «toute la bande de Gaza doit être vidée. Aplatie. Comme à Auschwitz. Que ce soit un musée permettant au monde entier de voir ce qu’Israël peut faire. Que personne ne réside dans la bande de Gaza à la vue du monde entier, car le 7 octobre a été en quelque sorte un deuxième Holocauste». Il a ensuite précisé qu’il aimerait voir la population de Gaza «déplacée», et non assassinée. Plus récemment, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, un fasciste autoproclaméa appelé à ce que la population de Gaza soit réduite de 100 000 à 200 000 habitants, sur une population actuelle de plus de 2 millions. Dès le début de son invasion de Gaza, Israël avait pour objectif de repousser les Gazaouis vers l’Égypte, mais l’Égypte a catégoriquement refusé de prendre part au nettoyage ethnique.

Dans les années 1970, l’objectif de dominer la Palestine pour créer le Grand Israël en tant qu’État juif était une croyance marginale. Aujourd’hui, c’est ce but qui dirige la politique israélienne, reflétant en partie l’énorme poids politique des centaines de milliers de colons israéliens en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est.

Le «Grand Israël»

Défini comme l’Israël des frontières d’avant la guerre de 1967, plus Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est, le «grand Israël» abrite environ sept millions de juifs et sept millions de musulmans et de chrétiens palestiniens. Israël ne peut diriger le Grand Israël qu’en dominant sept millions de Palestiniens ou en les chassant de leurs foyers par la guerre, la violence et une discrimination extrême. La quête du Grand Israël conduit en pratique Israël à commettre de graves crimes contre le peuple palestinien. Le crime permanent est le régime de l’apartheid, avec ses graves injustices et indignités. Le crime le plus grave est le nettoyage ethnique, comme le tente Israël à Gaza. Le plus grave de tous est le génocide, dont témoignent les milliers de morts de civils innocents qui se produisent chaque semaine désormais à Gaza.

Le virage d’Israël vers l’extrémisme

Le peuple américain doit comprendre que la politique israélienne est désormais dominée par des extrémistes qui mélangent ferveur religieuse et violence meurtrière contre les Palestiniens. Ce côté ultra-violent d’Israël est évident en Israël mais reste encore largement méconnu du public américain. La brutalité israélienne à Gaza surprend de nombreux Américains, mais elle est devenue courante en Israël même, même si certains Israéliens nient sans aucun doute les faits sur le terrain dans les territoires occupés. The Grayzone a rassemblé une compilation choquante de soldats israéliens et de personnalités de premier plan célébrant la mort de Palestiniens.

La violence génocidaire d’Israël contre le peuple palestinien séduit une grande partie de l’opinion publique israélienne pour plusieurs raisons. Premièrement, la mémoire de l’Holocauste est toujours cachée dans l’ombre en Israël. Des politiciens comme Netanyahou ont longtemps réalimenté la terreur de l’Holocauste pour affirmer grossièrement et faussement que tous les Palestiniens veulent tuer tous les juifs, de sorte que la répression violente des Palestiniens est une question de vie ou de mort pour Israël. Bien sûr, comme dans toute spirale de haine, il existe une prophétie auto-réalisatrice dans la rhétorique et les actions de Netanyahou, conduisant à des contre-actions et à des haines de la part de l’autre camp. Pourtant, plutôt que d’essayer de résoudre ces problèmes par le dialogue, l’interaction, la diplomatie et le rétablissement de la paix, le cycle de la haine est constamment alimenté.

La propagande religieuse

Deuxièmement, les rabbins orthodoxes ont développé le discours sur la sécurité en insistant sur le fait qu’Israël a un droit sacré sur la Palestine parce que Dieu a donné aux Israélites toutes les terres, du Jourdain à la Méditerranée.

Troisièmement, avec 700 000 colons israéliens vivant sur les terres palestiniennes conquises en 1967, le Grand Israël est devenu un fait accompli pour une grande partie du peuple israélien, qui a un grand poids dans la politique israélienne. Ces colons se sont installés dans les territoires conquis et insistent désormais avec ferveur pour défendre leurs colonies. Le Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU) a déclaré sans équivoque que les colonies israéliennes en Palestine occupée constituent une violation flagrante du droit international, mais Smotrich lui-même, au sein du cabinet intérieur, est un leader du mouvement des colons.

L’émergence de ce courant violent du judaïsme remonte au début des années 1970, juste après la guerre des Six Jours de 1967. La question politique en Israël après 1967 était de savoir quoi faire de la terre palestinienne nouvellement occupée. S’appuyant sur les propositions de Yigal Allon, un homme politique israélien de premier plan, les dirigeants israéliens ont décidé de conserver Jérusalem-Est et d’établir des colonies en Cisjordanie occupée et à Gaza afin de mettre «les faits sur le terrain» pour protéger la sécurité d’Israël. Dès le début, les gouvernements israéliens ont défié la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité de l’ONU, qui rejetait l’acquisition de territoires par Israël par la guerre.

Ce qui s’est passé ensuite a été capital. Les juifs ultra-religieux ont défendu la cause des colonies israéliennes dans les territoires occupés, dans le cadre d’un appel messianique visant à faire d’Israël le «soutien terrestre du trône du Seigneur» (ici p.69). En 1974, Gush Emunim a été lancé en tant que mouvement religieux ultra-nationaliste par les adeptes des rabbins père-fils Abraham Isaac Kook et Zvi Yehuda Kook, dont les enseignements combinaient les revendications territoriales du Livre de Josué, la loi talmudique, le mysticisme hassidique et le nationalisme, et l’activisme politique.

La motivation religieuse du Grand Israël est que Dieu a donné aux juifs toutes les terres allant du Jourdain à la mer Méditerranée. Dans le livre de Josué, probablement achevé au VIe siècle avant JC, Dieu ordonne aux Israélites arrivant d’Égypte après 40 ans dans le désert d’anéantir les nations de Canaan afin de s’emparer du pays. Dieu promet que le pays s’étendra «depuis le désert du Néguev au sud jusqu’aux montagnes du Liban au nord, depuis l’Euphrate à l’est jusqu’à la mer Méditerranée à l’ouest, y compris tout le pays des Hittites». (Josué 1:4, New Living Translation). Avec le soutien de Dieu, les armées de Josué commettent une série de génocides pour s’emparer du pays.

Ce texte extraordinairement violent et les parties de la Bible qui s’y rapportent (comme l’anéantissement des Amalécites dans le livre de Samuel) sont devenus des points de référence cruciaux pour les Israéliens de droite, tant religieux que laïcs. En conséquence, l’Israël d’aujourd’hui poursuit une vision messianique du VIe siècle avant JC consistant à garantir la totalité de la Palestine aux juifs. Les partisans du Grand Israël qualifient souvent les opposants de cette idéologie d’antisémites, mais c’est tout à fait hors de propos, comme l’a soutenu avec éloquence l’ancien directeur exécutif de Harvard Hillel. Les opposants au Grand Israël sont contre l’extrémisme et l’injustice, pas contre le judaïsme.

Le mouvement des colons juifs a conduit à un mépris meurtrier à l’égard des Palestiniens. Dans son livre «Le fondamentalisme juif en Israël», le professeur Israel Shahak attire l’attention sur le fanatisme religieux du rabbin Eliezer Waldman, un dirigeant des colons de Cisjordanie :

«Disons-le clairement et avec force : nous n’occupons pas de territoires étrangers en Judée-Samarie [en Cisjordanie]. C’est notre ancienne maison. Et remercions Dieu de lui avoir redonné vie… Notre responsabilité envers la foi juive et la rédemption nous commande de nous exprimer d’une voix forte et claire. Le processus divin d’unification de notre peuple et de notre terre ne doit pas être obscurci et affaibli par des concepts apparemment logiques de «sécurité» et de «diplomatie». Ils ne font que déformer la vérité et affaiblir la justice de notre cause, qui est gravée dans nos droits nationaux exclusifs sur notre terre. Nous sommes un peuple de foi. C’est l’essence de notre identité éternelle et le secret de notre existence continue dans toutes les conditions». [2002]

Dans «Jewish History – Jewish Religion» (2ème édition, 2008), Shahak cite l’aumônier en chef du commandement régional central de l’armée israélienne en 1973 : «En temps de guerre, lorsque nos forces prennent d’assaut l’ennemi, elles sont autorisées et même ordonnées par la Halakhah (loi juive) pour tuer même les bons civils [palestiniens], c’est-à-dire les civils qui sont ostensiblement bons» (p.76).

La tactique consistant à recourir à la violence pour provoquer une fuite massive des Palestiniens fait partie du manuel d’Israël depuis sa création. À la veille de l’indépendance d’Israël, en 1947-48, des groupes militants juifs ont utilisé la terreur pour provoquer le départ massif de centaines de milliers de Palestiniens dans un processus sordide appelé nakba par les Palestiniens («catastrophe» en arabe).

Le gouvernement de Netanyahou vise à répéter la Nakba dans la guerre à Gaza en forçant les Gazaouis à fuir vers l’Égypte voisine ou d’autres régions du Moyen-Orient arabe. Cependant, contrairement à ce qui s’est passé en 1947-48, le monde regarde en temps réel et exprime son indignation face à la tentative flagrante de nettoyage ethnique d’Israël. L’Égypte a déclaré sans équivoque à Israël et aux États-Unis qu’elle ne participerait pas au nettoyage ethnique d’Israël et qu’elle n’accepterait pas un afflux de réfugiés de Gaza.

La quête du Grand Israël est vouée à l’échec

La tentative d’Israël de créer par la violence un «Grand Israël» échouera. Les Forces de défense israéliennes subissent des pertes massives dans la brutale guerre urbaine à Gaza. Bien qu’Israël ait tué plus de 20 000 habitants de Gaza, pour la plupart des femmes et des enfants, il n’a pas détruit la capacité du Hamas à résister à l’invasion israélienne. Les dirigeants de Tsahal affirment que la bataille contre le Hamas prendra encore plusieurs mois, mais bien avant cela, l’opposition mondiale deviendra probablement insurmontable.

En désespoir de cause, les dirigeants israéliens, comme le ministre de la Défense Benny Gantz, veulent étendre la guerre au Liban et probablement à l’Iran. Les partisans de la ligne dure américaine, comme le sénateur républicain Lindsey Graham de Caroline du Sud, sont intervenus consciencieusement et de manière prévisible, appelant à une guerre entre les États-Unis et l’Iran. Cette stratégie israélienne risque également d’échouer. Les États-Unis ne sont pas en mesure de mener une guerre plus vaste au Moyen-Orient, après avoir réduit leurs stocks de munitions en Ukraine et à Gaza. Le peuple américain s’oppose trop fermement à une nouvelle guerre américaine, et son opposition sera entendue au cours d’une année électorale, même par un Congrès dans la poche du complexe militaro-industriel.

Les revers diplomatiques d’Israël, s’ils ne sont pas inversés, s’avéreront dévastateurs. Israël connaît une hémorragie de soutien politique dans le monde entier. Lors d’un récent vote à l’Assemblée générale des Nations unies, 174 pays, représentant 9% de la population mondiale, ont voté en faveur de l’autodétermination politique palestinienne, tandis que seulement 4 pays représentant 4% de la population mondiale – Israël, les États-Unis, la Micronésie et Nauru – ont voté contre (15 autres pays se sont abstenus ou n’ont pas voté). Le militarisme pur et dur d’Israël a uni le monde contre lui.

Les dirigeants et diplomates israéliens doivent cesser de crier que les critiques sont tous antisémites et écouter ce que le monde dit réellement : Israël et la Palestine doivent vivre côte à côte sur la base du droit international et de la sécurité mutuelle.

Israël compte désormais entièrement sur son seul soutien restant, les États-Unis, mais le soutien américain est également en déclin. Avec une large majorité, 59% pour et 19% contre, les Américains soutiennent un cessez-le-feu. Les Américains soutiennent la sécurité d’Israël mais pas son extrémisme. Bien sûr, l’Amérique a ses propres fanatiques chrétiens et juifs qui fondent leur politique sur le littéralisme et l’orthodoxie bibliques, mais ils constituent une minorité dans l’opinion publique. Le soutien américain à Israël dépend de la solution à deux États. Biden le sait et a réitéré le soutien des États-Unis à la solution à deux États, alors même que les États-Unis fournissent des munitions pour la guerre israélienne contre Gaza.

Même si les juifs américains soutiennent généralement Israël, ils ne soutiennent pas le messianisme religieux d’Israël. Dans une enquête Pew de 2020, seuls 30% des juifs américains pensaient que «Dieu a donné au peuple juif la terre qui est aujourd’hui Israël». 63% croient en la faisabilité d’une paix entre Israël et la Palestine grâce à la solution à deux États. Seuls 33% pensaient qu’en 2020, le gouvernement israélien faisait des efforts sincères en faveur de la paix avec les Palestiniens.

Même les juifs orthodoxes américains sont divisés sur la question du Grand Israël. Certaines communautés juives orthodoxes, comme les Chabad, croient au Grand Israël, motivé par la Bible, tandis que d’autres, comme la communauté Satmar (également connue sous le nom de Naturei Karta), sont des antisionistes et des critiques virulents de la guerre d’Israël contre le peuple palestinien, affirmant que le judaïsme est une religion, et non un concept de nation. La communauté Satmar croit que la renaissance de la patrie juive doit suivre la chronologie de Dieu, et non une chronologie sioniste.

Soutenir l’extrémisme israélien n’est pas dans l’intérêt de l’Amérique

Les États-Unis ont fourni les munitions nécessaires à la guerre brutale d’Israël. Cette complicité a conduit à un procès intenté par des plaignants palestiniens accusant le gouvernement américain de violations de la convention sur le génocide. Dans le cadre de cet effort juridique, le Centre pour les droits constitutionnels, basé aux États-Unis, a méthodiquement documenté les déclarations génocidaires des dirigeants israéliens ici et ici.

Les États-Unis sont également confrontés à un isolement diplomatique grave et coûteux alors qu’ils défendent les actions indéfendables d’Israël. Lors des récents votes du Conseil de sécurité américain et de l’Assemblée générale de l’ONU, les États-Unis ont été presque seuls à soutenir les actions hyper-violentes et injustes d’Israël. Cela nuit aux États-Unis dans d’innombrables autres domaines de la politique étrangère et de l’économie mondiale.

Le budget fédéral

Le budget fédéral américain est également soumis à une pression considérable en raison des dépenses militaires, qui atteindront au total environ 1500 milliards de dollars en 2024. Le peuple américain en a assez de l’explosion des dépenses militaires, qui ont été un facteur central dans l’augmentation de la dette publique d’environ 35% du PIB en 2000 à environ 100% du PIB aujourd’hui. Avec la montée en flèche des dettes et la hausse des taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires et les prêts à la consommation, le public résiste aux appels de Biden en faveur d’un déficit budgétaire accru pour financer les guerres en Ukraine et à Gaza, et s’opposera avec véhémence à une guerre plus large au Moyen-Orient, en particulier à une guerre qui entraîner les États-Unis dans un combat direct.

Un soutien inéluctable ?

Bien entendu, le soutien illimité des États-Unis à Israël semble inéluctable dans la politique américaine. Le lobby pro-israélien – une puissante constellation de politiciens israéliens et de riches Américains – a joué un rôle majeur dans l’obtention de ce fort soutien. Le lobby israélien a donné 30 millions de dollars en contributions électorales lors du cycle électoral du Congrès de 2022, et il en donnera bien plus en 2024. Pourtant, le lobby se heurte à l’opposition croissante de l’opinion publique à la brutalité israélienne à Gaza.

La solution

La solution à deux États reste la véritable chance d’Israël pour la paix et la sécurité

Les dirigeants et diplomates israéliens doivent cesser de crier que les critiques sont tous antisémites et écouter ce que le monde dit réellement : Israël et la Palestine doivent vivre côte à côte sur la base du droit international et de la sécurité mutuelle. Le soutien à une solution à deux États est un soutien à la paix et à la sécurité du peuple juif dans l’État d’Israël, tout comme c’est un soutien à la paix et à la sécurité du peuple palestinien dans son propre État. Au contraire, soutenir le génocide israélien à Gaza et attiser le sentiment anti-israélien (et anti-américain) dans le monde entier est contraire à la sécurité à long terme d’Israël et peut-être même à sa survie. Les États arabes et islamiques ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils étaient prêts à normaliser leurs relations avec Israël dans le cadre de la solution à deux États. Cela remonte à l’Initiative de paix arabe de 2002 et comprend l’importante déclaration finale du sommet extraordinaire conjoint arabo-islamique de Riyad le 11 novembre 2023. Les États-Unis et les pays arabes devraient rapidement se mettre d’accord sur la création d’une force conjointe de maintien de la paix pour assurer la sécurité des deux parties, dans le contexte de la mise en œuvre de la solution à deux États.

De nombreux colons religieux zélés résisteront fermement à un État palestinien, affirmant leur droit de le faire sur la base d’anciens textes bibliques. Pourtant, le but du judaïsme n’est pas de gouverner des millions de Palestiniens ni de les nettoyer ethniquement. Le véritable objectif n’est pas de provoquer l’opprobre mondial mais d’utiliser la raison et la bonne volonté pour trouver la paix. Comme l’a déclaré Hillel l’Ancien : «Tout ce qui vous est odieux et répugnant, ne le faites pas à vos semblables. C’est toute la Torah ; le reste n’est que commentaire. Allez apprendre. Le véritable objectif est de réaliser la vision éthique du prophète Isaïe» (2 : 4), qui a prophétisé que «les nations transformeront leurs épées en socs de charrue, et leurs lances en serpes : Une nation ne lèvera pas l’épée contre une nation, et elles n’apprendront pas non plus la guerre». Il se peut qu’il en soit ainsi.

source : The Unz Review via Entre la Plume et l’Enclume

NB : Ne pas occulter un "but de guerre" Israélien non avoué : Faire main basse sur le pétrole gazaoui en Méditerranée.

JMR

 

Les États-Unis s’engagent sur la voie d’Israël, une voie dont il est difficile de sortir sans catastrophe

Source : RzO International - Le 04/01/2023.

par Alastair Crooke

Un homme – le général de division à la retraite Brik, un officier militaire très respecté – a averti personnellement le Premier ministre Netanyahou qu’un bourbier à Gaza constituait un risque réel.

Alors que le ministre israélien de la Sécurité Gallant parle de près d’une année supplémentaire de combats à Gaza, les plans du commandement sud des FDI estiment que le conflit durera un à deux ans, avec des forces supplémentaires déployées le long de la frontière avec Gaza et des troupes supplémentaires stationnées le long de la frontière libanaise tout au long de 2024 – «même s’il n’y a pas d’escalade supplémentaire».

Ce qui est dit ici est assez clair : Les Israéliens pensaient que leur guerre contre le Hamas à Gaza serait rapide et facile, compte tenu de leur immense puissance de feu et de leur expérience passée. Au lieu de cela, ils sont choqués de se retrouver à lutter pour rester à flot dans un bourbier de plus en plus profond, à Gaza, dans le nord et en Cisjordanie également.

Un homme – le général de division à la retraite Brik, un officier militaire très respecté – a averti personnellement le Premier ministre Netanyahou qu’un bourbier à Gaza constituait un risque réel. L’establishment militaire n’a pas apprécié cet avertissement. Aujourd’hui, il est clair que le général Brik avait raison. Il a déclaré il y a quelques jours que «le nombre de victimes du Hamas sur le terrain est bien inférieur à ce que les FDI rapportent. Il est évident que le porte-parole des FDI et l’échelon de sécurité cherchent à présenter faussement la guerre comme une grande victoire. À cette fin, ils font venir à Gaza des médias recrutés sur les grandes chaînes de télévision pour filmer de [fausses] scènes de victoire».

Un autre général israélien à la retraite a déclaré à propos du Hamas :

«Je ne vois aucun signe d’effondrement des capacités militaires du Hamas, ni de sa force politique à Gaza».

En outre, Israël est confronté à un autre problème, un bourbier, dans le nord du pays : Israël a commencé ses provocations contre le Hezbollah dès le début de la guerre à Gaza, dans l’espoir de préparer le terrain pour le soutien américain à une attaque parallèle visant à paralyser le Hezbollah.

Le Hezbollah a toutefois répondu en bombardant les territoires du nord d’Israël, forçant jusqu’à 230 000 Israéliens à évacuer leurs maisons. Aujourd’hui, ces habitants refusent catégoriquement de rentrer chez eux tant que le Hezbollah n’aura pas été chassé de la zone frontalière libanaise.

Le ministre israélien de la Défense Gallant leur a promis que cela serait fait (le Hezbollah déplacé au nord du fleuve Litani), et les États-Unis ont accepté cette initiative, à la seule condition qu’elle soit réalisée, dans un premier temps, par des moyens diplomatiques – une perspective hautement improbable. En résumé, les Israéliens et l’administration Biden sont lentement, mais sûrement, entraînés dans un conflit avec le Hezbollah.

En effet, l’administration Biden est entraînée dans des conflits avec Ansarullah, qui assiège les navires liés à Israël traversant la mer Rouge, et en Irak, avec les représailles militaires américaines pour les assauts des milices irakiennes contre les bases américaines, tant en Syrie qu’en Irak.

Les fronts de guerre se multiplient, tout comme le schisme intérieur israélien, aggravé par l’arrêt de la Cour suprême (8-7) du 31 décembre, rendu par sa présidente Esther Huyut le dernier jour de son mandat à la Cour suprême. L’arrêt a rétabli la clause permettant à la Cour d’annuler toute décision du Parlement et du gouvernement qu’elle juge «déraisonnable» (sur la base d’une pétition privée adressée à la Cour). L’une des conséquences est que d’autres pétitions pourraient porter sur la conduite du gouvernement en prévision de la guerre et pendant celle-ci. Les juges pourraient bien estimer que cette conduite est également «déraisonnable».

La décision met en évidence une société israélienne à la fois divisée en deux et chancelante. Alors même qu’elle se trouve entraînée plus profondément, et pour plus longtemps, dans des bourbiers militaires pour lesquels elle ne dispose d’aucune rampe de sortie.

L’historien israélien, le professeur Moshe Zimmerman, a mis en évidence la cause sous-jacente de l’état d’angoisse profonde en Israël. Il écrit :

«L’événement du 7 octobre, un pogrom sur le sol d’Israël, dans l’État d’Israël, est un tournant dans notre évaluation du succès du sionisme, et un tournant dans le conflit israélo-palestinien… Je regarde ce qui s’est passé et je dis : La solution sioniste n’est pas [vraiment] une solution. Nous arrivons à une situation dans laquelle le peuple juif qui vit à Sion vit dans une insécurité totale, et ce n’est pas la première fois…».

«À partir du moment où un pogrom contre les juifs a lieu dans l’État juif, l’État sioniste, l’État et le sionisme témoignent tous deux de leur propre échec. Car l’idée sous-jacente à la création d’un État sioniste était d’empêcher une telle situation».

Et quelle est la cause ?

«Le pays juif en Terre d’Israël est passé par un processus de nationalisme, de racialisme et d’ethnocentrisme. Cela a créé une situation d’incapacité à atteindre un modus vivendi avec le monde voisin».

Il met en garde :

«… L’histoire du «Grand Israël» et des colonies est l’histoire d’une société qui devient l’otage d’un romantisme biblique qui entraîne toute la société vers la perdition. Et c’est bien là le problème : une fois que l’on s’est engagé sur cette voie, il est difficile de la quitter sans subir une nouvelle catastrophe. C’est ce qui est arrivé à l’Allemagne en 1945 de la manière la plus radicale. Nous ne voulons évidemment pas d’une telle catastrophe».

C’est sur cette voie – sans issue pacifique durable – que les États-Unis sont entraînés. L’argument du professeur Zimmerman selon lequel l’écart de conduite des États les conduit à renoncer à un modus vivendi avec le monde qui les entoure a peut-être une pertinence plus large.

source : Al-Mayadeen

traduction Réseau International

Ukraine et Palestine : Une double menace pour l’hégémonie américaine

Source : RzO International - Le 03/01/2024.

par M.K. Bhadrakumar

L’issue des conflits menés par les États-Unis en Ukraine et au Moyen-Orient aura un impact profond sur le développement de l’ordre mondial. Washington a déjà perdu le premier et ses principaux adversaires ont tout intérêt à s’assurer qu’il perde aussi le second.

Les analystes géopolitiques s’accordent à dire que la guerre en Ukraine et la crise au Moyen-Orient dicteront la trajectoire de la politique mondiale en 2024. Mais une thèse réductionniste apparaît parallèlement, qui considère le conflit israélo-palestinien sous l’angle étroit de ce qu’il implique pour la résilience de la guerre par procuration menée par les États-Unis en Ukraine – l’hypothèse étant que le centre de la politique mondiale se trouve en Eurasie.

La réalité est plus complexe. Chacun de ces deux conflits a une raison d’être et une dynamique qui lui sont propres, tout en étant imbriqués les uns dans les autres.

L’implication profonde de Washington dans la phase actuelle de la crise au Moyen-Orient peut se transformer en bourbier, car elle est également liée à la politique intérieure d’une manière qui n’a jamais été le cas pour la guerre en Ukraine. Mais l’issue de la guerre en Ukraine est déjà connue d’avance, et les États-Unis et leurs alliés ont compris que la Russie ne peut pas être vaincue militairement ; la fin de la partie se résume à un accord pour mettre fin au conflit selon les conditions de la Russie.

Certes, l’issue de la guerre en Ukraine et le dénouement du conflit israélo-palestinien, qui est à l’origine de la crise au Moyen-Orient, auront un impact profond sur le nouvel ordre mondial, et les deux processus se renforcent l’un l’autre.

La Russie en est pleinement consciente. Les étonnantes «fins d’année» du président Vladimir Poutine à l’approche du Nouvel An parlent d’elles-mêmes : visites d’une journée à Abou Dhabi et à Riyad (sous les yeux d’un président américain Joe Biden en état de choc), suivies d’entretiens avec le président iranien et complétées par une conversation téléphonique avec le président égyptien.

En l’espace de 48 heures environ, Poutine s’est entretenu avec ses collègues émiratis, saoudiens, iraniens et égyptiens qui sont officiellement entrés dans le giron des BRICS le 1er janvier.

L’évolution de l’intervention américaine dans la crise au Moyen-Orient ne peut être comprise d’un point de vue géopolitique qu’en tenant compte de l’hostilité viscérale de Biden à l’égard de la Russie. Les BRICS sont dans le collimateur de Washington. Les États-Unis comprennent parfaitement que la présence massive de pays arabes et du Moyen-Orient au sein des BRICS – quatre des dix États membres – est au cœur du grand projet de Poutine visant à restructurer l’ordre mondial et à enterrer l’exceptionnalisme et l’hégémonie des États-Unis.

L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Iran sont d’importants pays producteurs de pétrole. La Russie a été assez explicite sur le fait qu’au cours de sa présidence des BRICS en 2024, elle poussera à la création d’une monnaie pour défier le pétrodollar. Il ne fait aucun doute que la monnaie des BRICS sera au centre du sommet du groupement qui doit être accueilli par Poutine à Kazan, en Russie, en octobre.

Dans un discours spécial prononcé le 1er janvier, marquant le début de la présidence russe des BRICS, Poutine a fait part de son engagement à «renforcer le rôle des BRICS dans le système monétaire international, en élargissant à la fois la coopération interbancaire et l’utilisation des monnaies nationales dans les échanges mutuels».

Si une monnaie des BRICS est utilisée à la place du dollar, il pourrait y avoir un impact significatif sur plusieurs secteurs financiers de l’économie américaine, tels que les marchés de l’énergie et des matières premières, le commerce et les investissements internationaux, les marchés des capitaux, la technologie et la fintech, les biens de consommation et le commerce de détail, les voyages et le tourisme, et ainsi de suite.

Le secteur bancaire pourrait être le premier touché, ce qui pourrait éventuellement se répercuter sur les marchés. Et si Washington ne parvient pas à financer son déficit colossal, les prix de tous les produits de base pourraient monter en flèche, voire atteindre l’hyperinflation, ce qui déclencherait un krach de l’économie américaine.

Entre-temps, l’éclatement du conflit israélo-palestinien a fourni aux États-Unis un alibi – «l’autodéfense d’Israël» – qui leur permet de revenir sur le devant de la scène politique du Moyen-Orient. Washington a de multiples préoccupations, mais au cœur de celles-ci se trouve le double objectif de ressusciter les accords d’Abraham (ancrés sur la proximité israélo-saoudienne) et de saboter en même temps le rapprochement irano-saoudien médiatisé par Pékin.

L’administration Biden comptait sur le fait qu’un accord israélo-saoudien donnerait une légitimité à Tel-Aviv et proclamerait au monde islamique qu’il n’y a pas de justification religieuse à l’hostilité envers Israël. Mais Washington sent qu’après le 7 octobre, il ne sera pas en mesure d’obtenir un accord israélo-saoudien au cours du mandat de Biden, et tout ce que l’on a pu obtenir de Riyad est une porte laissée entrouverte pour de futures discussions sur le sujet. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un coup dur pour la stratégie américaine visant à régler la question palestinienne.

À moyen terme, si le mécanisme russo-saoudien connu sous le nom d’OPEP+ libère le marché mondial du pétrole du contrôle américain, les BRICS enfoncent un poignard dans le cœur de l’hégémonie américaine, qui repose sur le fait que le dollar est la «monnaie mondiale».

L’Arabie saoudite a récemment signé un accord d’échange de devises d’une valeur de 7 milliards de dollars avec la Chine, dans une tentative de détourner une plus grande partie de leurs échanges commerciaux du dollar. La Banque populaire de Chine a déclaré dans un communiqué que l’accord d’échange «contribuera à renforcer la coopération financière» et «facilitera les échanges et les investissements» entre les deux pays.

À l’avenir, les transactions sensibles entre l’Arabie saoudite et la Chine dans des domaines stratégiques tels que la défense et la technologie nucléaire, entre autres, se dérouleront désormais hors du radar des États-Unis. Du point de vue de la Chine, si son commerce stratégique est suffisamment à l’abri de tout programme de sanctions anti-Chine mené par les États-Unis, Pékin peut se positionner en toute confiance pour faire face à la puissance américaine dans l’Indo-Pacifique. Il s’agit là d’un exemple révélateur de la manière dont la stratégie américaine pour l’Indo-Pacifique perdra de sa force en raison de l’affaiblissement de son influence au Moyen-Orient.

L’idée reçue est que les préoccupations liées à l’instabilité du Moyen-Orient détournent Washington de l’Indo-Pacifique et de la Chine. En réalité, l’affaiblissement de l’influence au Moyen-Orient complique la capacité des États-Unis à contrer la Chine dans la région et dans l’Indo-Pacifique. L’évolution va dans le sens d’une inflexion des références des États-Unis en tant que grande puissance au Moyen-Orient – et cette prise de conscience s’est propagée à d’autres régions géographiques du monde.

En 2007, les éminents politologues John Mearsheimer, de l’université de Chicago, et Stephen Walt, de la John F. Kennedy School of Government de Harvard, ont écrit avec une grande prescience dans leur célèbre essai de 34 000 mots intitulé «Le lobby israélien et la politique étrangère des États-Unis» qu’Israël était devenu un «handicap stratégique» pour les États-Unis, mais qu’il conservait un soutien solide grâce à un lobby riche, bien organisé et envoûtant qui avait une «mainmise» sur le Congrès et les élites américaines.

Les auteurs avertissent qu’Israël et son lobby portent une responsabilité démesurée dans la persuasion de l’administration Bush d’envahir l’Irak et, peut-être un jour prochain, d’attaquer les installations nucléaires de l’Iran.

Il est intéressant de noter que la veille du Nouvel An, le New York Times a souligné, dans un rapport spécial fondé sur des informations détaillées fournies par de hauts fonctionnaires américains, qu’«aucun autre épisode [comme la guerre à Gaza] au cours des cinquante dernières années n’a mis à l’épreuve les liens entre les États-Unis et Israël d’une manière aussi intense et conséquente».

En clair, alors même que les actions barbares d’Israël à Gaza et son projet colonial en Cisjordanie occupée sont révélés et mis à nu, et que la campagne de l’État israélien visant à forcer la migration de la population palestinienne est au grand jour, deux des objectifs stratégiques des États-Unis dans la région se défont : premièrement, la restauration de la supériorité militaire d’Israël dans l’équilibre des forces au niveau régional et vis-à-vis de l’axe de la résistance, en particulier ; et deuxièmement, la réanimation des accords d’Abraham dont les joyaux de la couronne auraient été un traité israélo-saoudien.

D’un autre point de vue, la communauté mondiale, et en particulier les pays de la région Asie-Pacifique, observent attentivement la tournure que prend la crise au Moyen-Orient. Le fait le plus notable est que la Russie et la Chine ont donné aux États-Unis les coudées franches pour mener à bien leurs opérations militaires, jusqu’à présent incontestées, en mer Rouge. Cela signifie que toute conflagration dans la région sera synonyme d’un échec catastrophique de la stratégie américaine.

Peu après la défaite américaine en Afghanistan, en Asie centrale, et coïncidant avec la fin ignominieuse de la guerre par procuration menée par l’OTAN contre la Russie en Eurasie, un revers violent et grotesque en Occident aux États-Unis enverra un message retentissant à travers toute l’Asie : le train-train mené par les États-Unis s’est essoufflé. Parmi les utilisateurs finaux de ce message saisissant, les pays de l’ANASE sont en première ligne. En définitive, les événements tumultueux qui se chevauchent en Eurasie et au Moyen-Orient sont sur le point de se transformer en un moment décisif pour la politique mondiale.

M.K. Bhadrakumar

source : The Cradle

traduction Réseau International

 

Décortiquer la dernière nouveauté de Thinktank-land : Analyse du ministère estonien de la défense et des armes de destruction massive


Source ; Le Saker francophone - Par Simplicius Le Penseur – Le 23 décembre 2023

Au cours des deux dernières semaines, deux documents d’orientation intéressants ont été publiés par des think-tanks et sont passés quelque peu inaperçus. J’ai voulu les examiner à la lumière non seulement de la réorientation majeure du champ de bataille annoncée par l’Ukraine, mais aussi du point d’inflexion général sur lequel se trouve le conflit à l’aube de 2024, afin de voir quelles projections pour l’avenir peuvent être glanées.

 

J’ai lu les deux documents pour que vous n’ayez pas à le faire, je vais donc souligner les points les plus importants et voir comment ils peuvent s’articuler pour donner un semblant de réorientation “stratégique” de l’Occident et de l’OTAN.

Le premier des deux documents provient du ministère estonien de la défense, qui a été actif dans divers pronostics et rapports provenant de leurs supposées “sources” confidentielles au sein du ministère de la défense russe :


L’essentiel de ce document tourne autour d’idées sur la manière dont l’Ukraine peut utiliser sa période de réorientation pour se reconstruire en une force capable de vaincre la Russie.

Il commence par la même fanfaronnade habituelle sur la supériorité des économies et des dépenses militaires combinées de l’OTAN et de l’UE par rapport à la Russie. Il s’agit d’un point de vue un peu sophomorique, puisqu’ils s’attendent à ce que cela se traduise par une victoire garantie, comme s’il était évident que “plus c’est grand, mieux c’est”.

Notez le modificateur clé “devrait” :

Nous sommes plus grands que la tâche. L’ampleur de notre puissance politique, économique et militaire collective devrait garantir une victoire sur la Russie. Le Groupe de contact pour la défense de l’Ukraine (UDCG), également connu sous le nom de groupe de Ramstein, a un PIB combiné de 47 000 milliards d’euros. Les engagements totaux d’aide militaire à l’Ukraine s’élèvent à ce jour à environ 95 milliards d’euros, soit 0,2 % de ce PIB. Dans le même temps, les budgets de défense combinés de la coalition de Ramstein sont plus de 13 fois supérieurs à celui, largement gonflé, de la Russie : 1 240 milliards d’euros contre 90 milliards d’euros en 2023. Il ne devrait y avoir aucun doute quant à savoir qui a l’avantage de l’emporter.

Ils fournissent même ce graphique brillant :

Je ne reviendrai pas sur l’évidence, mais notre axiome récemment discuté s’applique ici : on peut imprimer de l’argent, mais pas des obus. (Même si les obus de mortier pour les largages de drones sont en fait imprimés en 3D, en partie, de nos jours).

Ceci étant dit, ils reconnaissent quelque peu ce fait, d’où l’orientation exhortative du document, destiné à pousser les alliés à un plus grand semblant de solidarité afin d’augmenter leur productivité industrielle :

La plupart des Alliés de l’OTAN ont considérablement réduit leurs stocks et capacités militaires conventionnels, déjà peu importants, en faisant don de leur équipement à l’Ukraine. Les Alliés disposent également d’une base industrielle très limitée, inapte à relever les défis sécuritaires du XXIe siècle et incapable de reconstituer ces capacités à moins que les investissements en matière de défense n’augmentent de manière substantielle et urgente.

C’est une sacrée concession.

C’est sur les questions militaires de première ligne qu’ils commencent à creuser le sujet, offrant même quelques pépites perspicaces. Par exemple :

Si elle n’est pas perturbée, la Russie a la capacité de former environ 130 000 soldats tous les six mois en unités et formations cohérentes disponibles pour le lancement d’opérations. Des troupes supplémentaires peuvent être mobilisées et poussées en Ukraine en tant que remplaçants non entraînés, mais elles ne constituent pas une puissance de combat efficace.

Il s’agit là d’un aveu assez fort de la part d’une source de l’OTAN. Elle affirme que la Russie est en mesure d’entraîner et d’équiper 130 000 soldats tous les six mois pour en faire des unités cohérentes. Elle précise qu’il ne s’agit pas d’une simple capacité à rassembler des troupes d’appoint, mais bien de formations pleinement aptes au combat, ce qui présuppose non seulement une formation mais aussi un équipement. Ils affirment même que la Russie peut lever beaucoup plus de troupes supplémentaires, bien qu’il s’agisse de “remplacements non entraînés”.

Cela représente un nombre alléchant de 6 à 7 divisions ou 26 brigades tous les six mois. Rappelons que l’Ukraine a eu du mal à réunir les 9 brigades nécessaires à sa grande contre-offensive de l’été. Si c’était la Russie qui revendiquait de tels chiffres, les experts occidentaux se moqueraient d’elle. Comment peut-on rivaliser avec un pays capable de réunir 260 000 hommes par an, parfaitement entraînés et aptes au combat ?

Ils poursuivent en indiquant que l’Ukraine est incapable de former sur son propre territoire des troupes plus importantes que la taille d’une compagnie – un fait que nous connaissons depuis longtemps – par crainte que les frappes de précision russes n’anéantissent l’ensemble du rassemblement. Elle est donc contrainte de s’entraîner à l’étranger, mais la formation y est souvent expéditive et insuffisante ; par exemple, elle ne dure que cinq semaines :

Ce n’est pas suffisant pour préparer les soldats à des opérations offensives. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’infanterie britannique recevait plus de 20 semaines d’entraînement avant d’être considérée comme fondamentalement compétente, tandis que l’armée américaine suivait une formation de base de 13 à 17 semaines. Nous devons donc développer nos programmes de formation afin de mieux préparer nos partenaires ukrainiens aux opérations offensives.

Dans le même temps, ils révèlent une autre réalité quant aux capacités de combat de l’Ukraine :

Ainsi, faute d’officiers formés, une brigade ukrainienne ne peut contrôler efficacement que deux compagnies, ce qui donne à une brigade entière des FAU une couverture utilisable de 1200 mètres seulement ? Aussi surprenants soient-ils, ces chiffres correspondent à ce que nous avons vu. Par exemple, lors de la contre-offensive de l’été, même les brigades d’élites, comme la 47e, n’ont jamais semblé en mesure de mener des assauts à deux compagnies à la fois.

Mais n’oublions pas que si la Russie ne les dépasse pas complètement, c’est parce que la Russie elle-même n’est pas nécessairement à la hauteur dans ce domaine. Les brigades russes présentent elles aussi de nombreuses lacunes, sans quoi la guerre serait déjà terminée. Elles sont toutefois loin d’être aussi mauvaises que celles de l’Ukraine, ce qui se reflète dans la grande disparité des pertes.

Par ailleurs, comme toujours, il convient de préciser que ces données ne s’appliquent qu’aux opérations offensives, qui requièrent des capacités d’entraînement et de coordination élevées. La défense offre une marge de manœuvre beaucoup plus grande, ce qui signifie que des brigades ukrainiennes très médiocres peuvent encore tenir le terrain – malgré des pertes disproportionnées – face à des brigades russes qualitativement supérieures. La raison en est que toute déficience peut être comblée en bouchant simplement les trous avec plus de “viande”. Rappelez-vous la vidéo que j’ai récemment mise en ligne, dans laquelle un soldat des FAU raconte que son bataillon a perdu 350 hommes en seulement 8 heures. Si vous êtes en mesure d’inonder les brèches avec davantage de viande et que l’ennemi, qualitativement supérieur, ne l’est pas au point de pouvoir exploiter la percée à temps, le résultat sera simplement que vous subirez une forte attrition, mais que vous parviendrez au moins à tenir le terrain et à empêcher la percée vers l’arrière.

Les forces russes sont qualitativement supérieures à un niveau qui leur permet d’infliger des pertes extrêmement disproportionnées, mais pas suffisamment pour disposer de la coordination et de la technologie nécessaires pour exploiter pleinement ces pertes par le biais de manœuvres vers l’arrière, à travers la brèche de la percée. Pour ce faire, il faut une communication et une coordination absolument inimitables et instantanées entre les différentes unités d’armes combinées, les branches, les systèmes de commandement et de contrôle, les systèmes ISR, etc. Tous doivent travailler à l’unisson pour avoir une “conscience” tactique et opérationnelle totale de tout ce qui se passe. Cela nécessite beaucoup de technologie, notamment des capacités de mise en réseau via des systèmes de gestion du champ de bataille qui permettent aux unités de savoir ce que font toutes les autres unités en temps réel. La Russie dispose de ces systèmes par endroits, mais elle a trop de difficultés à créer la surenchère technologique et l’entraînement nécessaires pour réellement s’imposer.

Mais à la lumière du diagnostic du rapport sur les capacités des FAU, les auteurs prescrivent ce qui suit :

En 2024, l’objectif devrait être d’étendre les opérations ukrainiennes en passant d’actions de compagnie pilotée par une brigade, à la capacité d’exécuter des attaques coordonnées au niveau de la brigade. En 2025, l’objectif devrait être pour les FAU de mener des attaques de brigade simultanées, rendues possibles par des formations plus importantes au niveau interarmées.

Ils veulent que l’Ukraine soit en mesure d’exécuter des manœuvres au niveau de la brigade complète, avec des formations plus importantes – qui, selon eux, n’existent pas du tout en Ukraine à l’heure actuelle, c’est-à-dire au niveau des divisions et plus.

Il s’agit là d’une demande vraiment importante. Il est tout simplement impossible d’exiger d’un État en déliquescence, au bord de l’effondrement, qu’il se dote de telles capacités. À l’heure actuelle, ils ne sont même plus capables de mener des attaques au niveau de la compagnie ; ils ont été réduits à la taille d’une section dans le meilleur des cas. Un objectif réaliste à l’horizon 2024-2025 consisterait donc à ramener l’Ukraine au niveau d’une compagnie, si ce n’est plus, ce qui est loin d’être l’idéal visé ici.

L’ARTILLERIE

Les Ukrainiens répètent encore une fois le canard selon lequel l’artillerie occidentale de 155 mm est supérieure à l’artillerie russe à tous points de vue : portée, cadence de tir et précision. Malheureusement, cela peut être vrai si l’on utilise un minuscule échantillon de quelques centaines d’obus tirés. Au-delà, nous savons que les précieux et délicats systèmes d’artillerie occidentaux commencent à se dégrader gravement par rapport à l’artillerie soviétique.

Rappelons-le :

Regardez en particulier le deuxième point ci-dessus. “La plupart des canons mobiles [occidentaux] ne fonctionnent plus…”

Le rapport donne ensuite quelques chiffres intéressants.

  • L’Ukraine a besoin d’au moins 200 000 cartouches par mois pour maintenir une “supériorité de feu localisée”
  • La production d’obus de l’ensemble de l’Occident en 2023 est estimée entre 480 et 700 000 pour l’ensemble de l’année.

Ils poursuivent en affirmant quelque chose que j’ai déjà écrit à plusieurs reprises, mais qui constitue une nouvelle confirmation bienvenue :

Les efforts visant à accroître la production européenne ont été entravés par le fait que chaque État européen a passé des commandes distinctes – et relativement modestes – auprès de l’industrie. L’analyse de rentabilité présentée par ces commandes ne justifie pas que les fabricants de matériel de défense augmentent leur capacité de production, car il n’y a pas de clarté sur l’ampleur des commandes dans le temps. Les alliés européens et les États membres devraient donc travailler ensemble pour consolider les commandes dans des contrats plus importants et à plus long terme qui justifieraient un investissement dans la capacité de production de la base industrielle de défense.

Les fabricants de matériel de défense sont réticents à augmenter leur capacité parce qu’ils craignent que leur investissement dans ces augmentations ne soit pas rentable, étant donné qu’il n’y a pas de “clarté des commandes dans le temps”. Comme je l’ai déjà dit, l’augmentation de la capacité coûte des milliards de dollars. Il faut de nouveaux tours et de nouvelles machines de forgeage très coûteux ; il faut former le personnel à grands frais ; il faut procéder à des extensions potentiellement coûteuses des locaux et des sites, en achetant de nouveaux terrains, de nouvelles usines, etc. Tout cela coûte énormément d’argent à un moment où l’économie est en crise, où les prix de l’énergie sont très élevés, etc. Nous avons appris récemment que le prix moyen d’un seul obus d’artillerie en Europe a grimpé en flèche, augmentant de 4 à 8 fois dans certains pays.

Mais l’aveu le plus choquant de tous ? Se régaler les yeux :

Après avoir passé une année à minimiser les capacités de la Russie, affirmant qu’elle ne produisait qu’un ou parfois deux millions d’obus au maximum, ils admettent maintenant ouvertement que la Russie a déjà atteint une capacité de 3,5 millions d’obus par an et qu’elle atteindra bientôt près de 5 millions d’obus par an.

Étant donné qu’il y a toujours une forte probabilité que les chiffres occidentaux concernant la Russie soient faussés à la baisse et sous-estimés, il est possible que ces chiffres soient même supérieurs de 15 à 20 % à la réalité. Non seulement j’ai toujours dit ces chiffres exacts, mais j’ai prédit une capacité de 7 millions d’ici à la fin de 2024-2025, de sorte qu’une telle évaluation serait dans les temps pour moi.

Et c’est sans compter les 10 millions d’obus donnés par la Corée du Nord.

Ils poursuivent avec un autre facteur intéressant :

Les barils d’artillerie constituent un autre facteur limitant jusqu’à présent la durabilité des tirs ukrainiens. On estime que l’Ukraine aura besoin de 1 500 à 2 000 canons par an, chaque unité coûtant jusqu’à 900 000 euros. Compte tenu du nombre limité de machines pour fabriquer ces canons, il convient d’accorder une attention particulière aux entreprises qui développent la fabrication de canons. Les États-Unis et les alliés européens doivent réévaluer de manière critique la fragmentation insoutenable qui a conduit l’Ukraine à utiliser au moins 17 plates-formes d’artillerie différentes. L’objectif devrait être de réduire ce nombre de plusieurs fois.

Attendez, vous nous dites qu’ils ont besoin de 2000 canons par an à un coût de plus d’un million de dollars chacun ? Rien que pour les canons, cela fait 2 milliards de dollars…

Des chiffres plus intéressants : La capacité de Lockheed à produire des GMLRS pour les HIMARS est apparemment de 10 000 par an, soit environ 800 par mois. Si cela permet à l’Ukraine de disposer de 24 roquettes par jour, imaginez que les États-Unis soient eux-mêmes impliqués dans la guerre. 24 roquettes HIMARS par jour suffiraient-elles pour que les plus de 1000 lanceurs HIMAR américains puissent tirer ? En fait, les États-Unis se retrouveraient instantanément à court de roquettes et n’auraient absolument pas la capacité de continuer à en produire.

DRONES

Il s’agit essentiellement d’informations glanées ici et là. Une révélation intéressante concerne les chiffres du Shahed russe :

Selon eux, la Russie construisait 40 drones Shahed/Geran par mois, elle en fabrique aujourd’hui 100 et en produira bientôt 200 par mois. Par ailleurs, une autre confirmation de ce que je dis depuis près d’un an, mais que les experts pro-américains/occidentaux non formés nient toujours : les intercepteurs occidentaux ont besoin de tirer deux missiles pour détruire une cible.

Bien que 200 drones par mois soit une augmentation importante, cela ne permet toujours que quelques frappes de taille décente par mois, car il faut généralement en envoyer au moins 20 à la fois pour avoir un effet sur l’AD – moins et ils peuvent être facilement éliminés. Je suppose qu’une frappe de 50 drones une fois par semaine, soit 4 par mois, est une bonne chose. Cependant, s’ils arrivent à faire en sorte qu’il soit possible d’effectuer une attaque de 20 à 30 drones tous les 2 ou 3 jours de façon constante, alors l’Ukraine ressentira vraiment la douleur. Cela nécessiterait la construction de quelque 450 drones par mois. Mais même dans ce cas, ce qu’ils ont aujourd’hui est certainement un grand progrès.

Le reste du rapport n’offre pas grand-chose d’autre d’intéressant. En fait, le rapport dans son ensemble se résume à demander plus d’argent et plus de choses, en misant sur une augmentation des wunderwaffen, comme d’habitude, pour changer la donne. Le rapport fait grand cas de la quantité de jouets plutôt que d’un véritable plan stratégique. En bref, leur message est le suivant : “Tant que nous pouvons continuer à injecter du matériel en Ukraine, nous gagnerons – nous n’avons besoin d’aucune stratégie sur le champ de bataille”.

Cela découle malheureusement d’une méconnaissance et d’une sous-estimation persistantes des capacités russes. L’Occident considère toujours la Russie comme un pays arriéré, capable uniquement de mener des “assauts violents”, une sorte de horde de zombies glorifiée dans un de ces jeux vidéo où, tant que vous avez suffisamment de munitions, vous pouvez les arrêter aux portes de la ville.

Cela ne tient absolument pas compte de toutes les manifestations de réflexion stratégique, de développement et de progrès que la Russie elle-même met en œuvre jour après jour. Le rapport se termine par une photo poignante d’un vétéran handicapé à Kiev, un symbole involontaire :

ISW

Le deuxième article, bien plus intéressant, est celui du célèbre groupe de réflexion ISW :

Comme beaucoup le savent, l’ISW (Institute for the Study of War) est un groupe néocon basé à Washington et dirigé par Kimberly Kagan, belle-sœur du néocon du PNAC Robert Kagan, époux de Victoria Nuland. Le rapport lui-même est d’ailleurs signé par le frère de Robert, Frederick W. Kagan.

Ce rapport est bien plus important car il signale et souligne les intentions réelles du gang de la beltway et des hommes de l’État profond, nous donnant un aperçu rare des spectres qui hantent leurs esprits, et des ramifications de ceux-ci sur les perspectives stratégiques à long terme du conflit – en particulier si la Russie devait gagner, ce qui est le grand “péril” autour duquel tourne le rapport.

Ils commencent d’emblée, sans ménagement, par une série d’aveux majeurs :

Les États-Unis ont un intérêt beaucoup plus grand dans la guerre de la Russie contre l’Ukraine que la plupart des gens ne le pensent. Une conquête russe de l’ensemble de l’Ukraine est loin d’être impossible si les États-Unis coupent toute assistance militaire et que l’Europe fait de même. Une telle issue amènerait une armée russe battue mais triomphante jusqu’à la frontière de l’OTAN, de la mer Noire à l’océan Arctique.

Une fois de plus, sous le vernis gestuel des titres des médias, qui doivent faire passer un message pour la plèbe – comme le fait que, dans le meilleur des cas, la Russie s’apprête à ” geler les lignes “ -, nous voyons les véritables acteurs de la machinerie  du complexe militaro-industriel (CMI) envisager la conquête de toute l’Ukraine par la Russie, si l’aide est interrompue.

Ils poursuivent avec d’autres coups durs :

En substance, ils admettent qu’une Russie victorieuse sera la force la plus redoutable depuis la fin de la guerre froide. Mais voici la raison pour laquelle ce spectre les terrifie tant :

Pour dissuader et se défendre contre une nouvelle menace russe à la suite d’une victoire totale de la Russie en Ukraine, les États-Unis devront déployer en Europe de l’Est une partie importante de leurs forces terrestres. Les États-Unis devront stationner en Europe un grand nombre d’avions furtifs. La construction et l’entretien de ces avions sont intrinsèquement coûteux, mais les difficultés rencontrées pour les fabriquer rapidement obligeront probablement les États-Unis à faire un choix terrible entre en garder suffisamment en Asie pour défendre Taïwan et ses autres alliés asiatiques et dissuader ou vaincre une attaque russe contre un allié de l’OTAN. L’ensemble de l’entreprise coûtera une fortune, et le coût durera aussi longtemps que la menace russe persistera – potentiellement indéfiniment.

C’est là que le bât blesse. Rappelez-vous depuis combien de temps j’essaie d’éduquer les gens sur le fonctionnement de la doctrine militaire. Il existe certains leviers de sécurité qui doivent se déclencher automatiquement lorsque l’adversaire fait un geste. Il ne s’agit pas pour un politicien, comme un président, de faire un choix momentané ou de prendre une décision. Non, c’est inscrit dans la doctrine avec la même certitude de “code” que le langage de programmation. Si X forces entrent en jeu et vous menacent, vous n’avez pas d’autre choix que de mettre en place Y forces préventives.

C’est pourquoi la Russie n’a pas eu d’autre choix que de constituer immédiatement une nouvelle armée de 500 000 hommes à la veille de l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN cette année, avec la réouverture des districts militaires de Moscou et de Leningrad, qui avaient été supprimés il y a longtemps. Il est tout simplement impensable pour une nation d’avoir des armées hostiles directement à ses frontières sans rien pour les contrer.

De la même manière, le CMI américain s’est offert le luxe d’avoir divers mandataires qui maintenaient les forces militaires russes limitées et occupées, ce qui permettait aux États-Unis d’utiliser leurs forces ailleurs pour maintenir leur hégémonie dans le monde. Mais aujourd’hui, une victoire totale et décisive de la Russie en Ukraine risque d’anéantir tout cela et, selon leurs propres termes, obligerait les États-Unis à stationner “une partie importante de leurs forces terrestres” en Europe de l’Est.

Cela constituerait un obstacle majeur aux plans américains, en particulier vis-à-vis de la Chine, étant donné ce qu’ils écrivent ensuite, à savoir qu’ils devraient fabriquer et stationner de grandes quantités d’avions furtifs en Europe, ce qui mettrait en échec leurs projets taïwanais. En bref, ils affirment qu’une victoire russe mettrait le CMI en faillite, en exigeant un nouveau niveau insoutenable d’escalades militaires.

Presque n’importe quelle autre issue serait meilleure, écrivent-ils :

Presque toutes les autres issues de la guerre en Ukraine sont préférables à celle-ci. Aider l’Ukraine à maintenir les lignes là où elles sont grâce à un soutien militaire occidental continu est bien plus avantageux et moins coûteux pour les États-Unis que de laisser l’Ukraine perdre. “Geler” le conflit est pire que de continuer à aider l’Ukraine à se battre – cela donnerait simplement à la Russie le temps et l’espace de se préparer à une nouvelle guerre pour conquérir l’Ukraine et affronter l’OTAN.

Ces mots n’auraient pas autant de poids s’ils n’émanaient pas de la gueule même de la bête – la plus puissante “élite de l’ombre” néoconservatrice de l’État profond qui dirige le CMI américain depuis des décennies, et qui parle donc en son nom. Si vous lisez attentivement, il y a une urgence presque désespérée dans leur ton, ce qui est extrêmement révélateur.

Ils poursuivent en présentant quatre scénarios potentiels sur la façon dont la guerre pourrait se dérouler :

Situation 1 : Avant février 2022

Ils utilisent la carte ci-dessus pour illustrer le fait qu’avant 2022, la Russie “ne représentait aucune menace” pour les États de l’OTAN non baltes, puisque la Russie – selon eux – “disposait d’une division aéroportée et d’une brigade d’infanterie mécanisée près des frontières estonienne et lettone et de l’équivalent d’une division dans l’exclave de Kaliningrad… Aucune troupe russe ne menaçait la Slovaquie, la Hongrie ou la Roumanie”.

En outre, ils affirment que les réseaux de défense aérienne (DA) russes présentaient de grandes lacunes pour le sud de la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie, la Hongrie, etc. parce que la Russie ne pouvait pas placer de systèmes DA en Ukraine :

Ce qui est remarquable jusqu’à présent, c’est le peu de cas qui est fait des intérêts de sécurité nationale des pays autres que les États-Unis. Vous voyez, il y a un ton existentiel lorsqu’il s’agit de discuter de tout actif russe qui pourrait, ne serait-ce que de loin, constituer une menace, ou être pressé quelque part contre le territoire de l’OTAN. Pourtant, le fait que l’OTAN puisse nonchalamment se diriger vers l’est et placer des armées entières aux portes de la Russie doit être totalement ignoré – c’est l’“ordre fondé sur des règles” dont ils ne cessent de nous parler : il s’agit de règles pour tous les autres, tandis que les États-Unis dominent le monde dans l’anarchie.

En fait, ils prônent même ouvertement la coercition économique pure et simple, ce qui, dans d’autres termes, est du terrorisme pur et simple ou de l’ingérence politique dans un pays :

Il est prioritaire de passer de l’adoption passive de sanctions à leur application proactive et agressive, combinée à l’utilisation de la coercition économique pour limiter les échanges avec la Russie

N’oubliez pas que la coercition à laquelle ils font référence concerne leurs propres alliés. La Russie est déjà contrainte, il ne s’agit donc pas d’elle. Non, ils veulent renforcer la coercition à l’égard des alliés intransigeants de l’UE et de l’OTAN ou de tout autre pays associé, afin qu’ils prennent des mesures contre le régime de contournement des sanctions de la Russie.

Maintenant qu’ils ont préparé le terrain pour faire peur à leur public, ils passent à la dernière partie : montrer ce qui se passerait si la Russie occupait entièrement l’Ukraine après une victoire décisive.

Tout d’abord, ils répètent sombrement cet avertissement pour bien faire comprendre la gravité de la menace :

L’effondrement soudain de l’aide occidentale conduirait probablement tôt ou tard à l’effondrement de la capacité de l’Ukraine à résister à l’armée russe. Dans un tel scénario, les forces russes pourraient pousser jusqu’à la frontière occidentale de l’Ukraine et établir de nouvelles bases militaires aux frontières de la Pologne, de la Slovaquie, de la Hongrie et de la Roumanie. Les Russes préparent des forces militaires d’occupation pour faire face à l’insurrection ukrainienne presque inévitable tout en laissant les troupes de première ligne libres de menacer l’OTAN.

Une fois de plus, j’aimerais souligner – parce que c’est de la plus haute importance – l’énorme disparité, de la taille d’un 747, entre ce qui est autorisé à être rapporté pour la consommation de masse et ce qui est réellement discuté par les véritables planificateurs et stratèges de la guerre. Une fois de plus, vous voyez l’aveu tout à fait candide que si l’aide occidentale est interrompue, non seulement la Russie gagnera, mais elle poussera jusqu’à la frontière occidentale de l’Ukraine. Comparez cet aveu totalement surprenant avec ce qui est autorisé dans le discours de surface, où il est toujours interdit de proposer que la Russie puisse “sortir de l’impasse”, même au niveau local, en avançant peut-être jusqu’au Dniepr, ou quelque chose de ce genre.

Les Russes ont élargi la structure de leur armée pour faire la guerre et ont indiqué leur intention de conserver cette structure plus importante après la guerre[5]. Ils pourraient facilement stationner trois armées complètes (la 18ème Armée d’Armes Combinées et la 25ème Armée d’Armes Combinées nouvellement créées pour cette guerre et la 8ème Armée d’Armes Combinées de la Garde) aux frontières de la Pologne, de la Hongrie, de la Slovaquie, et de la Roumanie[6].

Attendez une seconde : la pauvre armée russe, complètement morte, battue et vaincue, qui, selon les médias officiels, avait subi 95 % de pertes jusqu’à présent, est soudain capable de rassembler trois armées de campagne complètes juste pour assurer la sécurité de la frontière polonaise ? Il y a là un véritable univers de différence avec ce qui est autorisé à la consommation publique.

En fait, il est absolument vertigineux qu’ils prétendent maintenant que la Russie sera en mesure de rassembler sur l’ensemble du front de l’OTAN :

D’où viennent soudain ces centaines de divisions ? Ah, mais vous voyez, c’est le pouvoir de la propagande. Cela prouve que pratiquement tout ce que nous voyons n’est que du grain à moudre destiné à la consommation publique, une propagande intentionnellement conçue et ciblée pour minimiser les forces russes de toutes les manières possibles et imaginables – de leur quantité à leur qualité, en passant par tout ce qui se trouve entre les deux.

Mais les vrais planificateurs, les éminences grises derrière le rideau, voient ce qu’ils nous cachent : des déploiements russes massifs et sans précédent datant de l’époque de la guerre froide, qui ne subissent aucune attrition appréciable en Ukraine.

Et c’est là qu’intervient la prochaine bombe :

L’OTAN serait incapable de se défendre contre une telle attaque avec les forces actuellement présentes en Europe. Les États-Unis devraient déployer un grand nombre de soldats américains sur toute la frontière orientale de l’OTAN, de la Baltique à la mer Noire, afin de dissuader l’aventurisme russe et d’être prêts à vaincre une attaque russe. Les États-Unis devraient également engager en permanence une proportion importante de leur flotte d’avions furtifs en Europe. La stratégie de défense de l’OTAN repose sur la supériorité aérienne, non seulement pour protéger les troupes de l’OTAN contre les attaques ennemies, mais aussi pour utiliser la puissance aérienne afin de compenser les forces terrestres plus réduites de l’OTAN et les stocks limités de l’artillerie de l’OTAN. Les États-Unis devraient maintenir un grand nombre d’avions furtifs disponibles en Europe pour pénétrer et détruire les systèmes de défense aérienne russes – et empêcher les Russes de rétablir une défense aérienne efficace – afin que les avions non furtifs et les missiles de croisière puissent atteindre leurs cibles. L’obligation d’engager une importante flotte d’avions furtifs en Europe pourrait fortement dégrader la capacité de l’Amérique à répondre efficacement à une agression chinoise contre Taïwan, puisque tous les scénarios concernant Taïwan reposent largement sur les mêmes avions furtifs que ceux qui seraient nécessaires pour défendre l’Europe.

Nous en arrivons maintenant à la vérité sur les raisons pour lesquelles les flottes d’avions furtifs mentionnées plus haut sont si nécessaires. Ils admettent que l’OTAN n’a pas de véritables forces terrestres à proprement parler, ni d’artillerie, après avoir tout donné à l’Ukraine – ce qui ne veut pas dire qu’elle en avait beaucoup au départ. En fait, l’OTAN n’est rien d’autre qu’un fragile avion de chasse en verre qui se fait passer pour une alliance militaire.

Mais le problème est qu’ils admettent que les réseaux de défense aérienne russes sont si denses que leur armée de l’air ne sera pas en mesure de les pénétrer sans l’aide de chasseurs furtifs, qui sont non seulement assez limités, mais qui sont également indispensables pour le front Chine-Taïwan.

Il y a tellement de choses à dire sur les avions furtifs qu’il faudrait toute une série d’articles, sans parler d’un seul article ou même de quelques paragraphes. Je dirai toutefois que les avions furtifs se dégradent très rapidement sans un entretien et une maintenance importants, ce qui est impossible dans le cadre d’un conflit de haute intensité. Par exemple, leurs revêtements RAM doivent être réappliqués toutes les quelques missions, ce qui nécessite d’énormes quantités de main-d’œuvre et de temps – quelque chose qui ne sera absolument pas disponible lors d’un conflit réel. Une fois que ces revêtements auront disparu, les avions seront extrêmement visibles pour les radars, puisque les États-Unis eux-mêmes admettent que le revêtement RAM est responsable d’une grande partie des capacités “furtives” des avions furtifs modernes, en particulier du nouveau B21 Raider.

En d’autres termes, plus le conflit se prolonge, moins le seul “atout” dont disposent les États-Unis est furtif et plus il est vulnérable. Cela signifie qu’une fois de plus, la Russie conserve l’avantage et deviendra progressivement plus forte au fur et à mesure que le conflit se poursuivra, comme en Ukraine.

Mais pour continuer, les perspectives ne font qu’empirer :

Le coût de ces mesures défensives serait astronomique et s’accompagnerait probablement d’une période de risque très élevé au cours de laquelle les forces américaines ne seraient pas suffisamment préparées ou positionnées pour faire face à la Russie ou à la Chine, et encore moins aux deux ensemble.

Attendez, les États-Unis ne seraient donc même pas en mesure de faire face à l’une d’entre elles, et encore moins aux deux ? Vous savez que les choses deviennent extrêmement désespérées lorsqu’ils sont obligés d’avouer des aveux de cette taille et de cette ampleur.

Voici comment ils prévoient la carte une fois que la Russie aura pris le contrôle de toute l’Ukraine. Tout d’abord, la disposition des divisions blindées et mécanisées :

Ensuite, les nouveaux réseaux de défense aérienne intégré (DAI), qui recouvriraient désormais une partie importante du “territoire de l’OTAN” :

Enfin, ils passent à leur “scénario de rêve” pour une victoire totale de l’Ukraine, qui est évidemment impossible et n’a littéralement aucune chance de se produire – ce qui rend inutile de l’aborder en profondeur. Cependant, ils affirment ouvertement un point important :

Et c’est là, tout à fait, nu, et au grand jour. Le véritable objectif des mains sales de l’OTAN est enfin révélé sans art ni vernis :

La mer Noire deviendrait presque un lac de l’OTAN.

C’est le rêve de toute une vie, non réalisé, qui est enfin confirmé par écrit. Il n’y a pas grand-chose à ajouter, car cet aveu valide à lui seul toutes les mesures prises jusqu’à présent par la Russie dans ce conflit. Il exonère totalement la Russie de toute faute, car il prouve sans conteste que l’OTAN n’a jamais cherché qu’à encercler et à étrangler la Russie de toutes parts, en la dépouillant de ses terres et de ses trésors.

DEUXIÈME PARTIE

Cette première partie date du 14 décembre, mais aujourd’hui ISW a publié la deuxième partie de son analyse, qui poursuit la tendance. Je ne l’aborderai pas de manière aussi approfondie, principalement parce qu’elle reprend fastidieusement les mêmes points, comme pour les marteler, ce qui témoigne de leur propre désespoir et de l’urgence de la situation.

Cependant, il y a quelques points très convaincants à noter.

Tout d’abord, ils contredisent à nouveau le discours actuel en estimant que la réduction de l’aide n’aboutirait pas à une simple “impasse” comme CNN et consorts voudraient vous le faire croire, mais qu’elle mettrait fin à la capacité de l’Ukraine à repousser la Russie, ce qui conduirait cette dernière à la submerger tout simplement :

Une défaite auto-imposée en Ukraine confrontera les États-Unis au risque réel d’une nouvelle guerre en Europe, avec des risques d’escalade et des coûts plus élevés. La réduction de l’aide à l’Ukraine ne gèlera pas les lignes de front, comme l’a évalué ISW[2], mais diminuera au contraire la capacité de l’Ukraine à repousser l’armée russe et accélérera la progression militaire de la Russie de plus en plus à l’ouest, car le moteur fondamental de cette guerre – l’intention du Kremlin d’éradiquer l’identité et le statut d’État de l’Ukraine – n’a pas changé.

Deuxièmement, ils réfutent un autre récit populaire en Occident, selon lequel la Russie sera “gravement affaiblie” après cette guerre, ramassant les débris des territoires détruits qu’elle a réussi à annexer. En fait, j’affirme depuis le début que la Russie gagne beaucoup plus qu’elle ne perd : nouvelles populations, richesses en terres et en ressources, etc. ISW est d’accord :

L’absorption de certaines parties de l’Ukraine et du Belarus augmenterait considérablement la puissance de la Russie, en ajoutant des millions de personnes, y compris la main-d’œuvre qualifiée et les actifs industriels qui restent et le territoire qui n’a pas été brûlé, que le Kremlin pourrait utiliser pour la reconstitution de l’armée russe.

Ils poursuivent en insistant une fois de plus sur le fait que l’OTAN elle-même est en jeu :

L’avenir de l’OTAN est lié à l’avenir de l’Ukraine beaucoup plus étroitement que la plupart des gens ne le comprennent.

Non seulement ils suggèrent que l’OTAN pourrait s’effondrer complètement, mais pour ceux qui avaient besoin de l’entendre d’une source plus “autorisée”, ils confirment ce que Scott Ritter et moi-même répétons depuis longtemps maintenant, à savoir que l’article 5 ne signifie rien. Sans la volonté d’agir, il n’oblige pas légalement les pays à faire grand-chose, en particulier pour défendre un pays dont les seuls liens avec l’OTAN sont tout à fait artificiels, et dont ils se fichent éperdument.

Ensuite, ils font un autre aveu assez surprenant et contre-intuitif, à savoir que la plus grande force de la Russie est en fait sa domination dans la sphère de l’information. Qui l’aurait cru ? Les influenceurs médiatiques nous disent que c’est tout le contraire : La Russie est la “risée de tous en plus d’être isolée” sur la scène mondiale, ses stratagèmes de propagande tombant à plat comme un mauvais numéro de comédie dans un bar miteux. Mais une fois de plus, sous la surface, un autre son de cloche se fait entendre, et les vrais acteurs sont dépassés et intimidés par la force des réalisations informatives de la Russie en matière de Guerre de 5ème génération :

Mais ici, ils abandonnent l’intrigue et entrent dans le vif du sujet. Ils décrivent ce qui est, à leurs yeux, la menace la plus grave : la Russie pourrait, à elle seule, modifier la perception que l’Amérique a d’elle-même, voire changer l’idée même de ce qu’est l’Amérique :

Modifier la volonté de l’Amérique n’est pas une mince affaire. L’Amérique est une idée. L’Amérique est un choix. L’Amérique, c’est la croyance en la valeur de l’action. La résilience intérieure et la puissance mondiale des États-Unis proviennent en grande partie du fait que des personnes et des pays choisissent les États-Unis et que les Américains préservent leur capacité d’agir avec intention. Un adversaire qui apprend à modifier ces réalités constitue une menace existentielle, surtout lorsque les idées sont l’arme principale de cet adversaire.

Ah, et maintenant nous arrivons à la métaphysique de tout cela. Vous voyez, le mouton a été tondu, mettant son cul à nu pour que tout le monde puisse le voir, et seuls les vrais passionnés peuvent glaner les profonds secrets ésotériques qui y sont révélés.

Ce qu’ils viennent d’exposer va au-delà des questions matérielles dérisoires de la guerre et de tout ce qui est corporel. En fait, ils ont dévoilé l’essence ontologique même de l’hégémonie mondiale de l’Empire, et c’est quelque chose qui a été évoqué par coïncidence plus tôt dans la journée sur le blog d’Andrei Martyanov, sur lequel je suis tombé par hasard. L’article en lui-même suscite la réflexion et est très bon – je vous recommande de le lire – mais c’est le 1er commentaire qui frappe au cœur des choses comme un hymne :

Il y a l’Amérique, le mythe, et les États-Unis, le pays. Il s’agit de deux choses différentes dont l’origine commune est la richesse du Nouveau Monde. Les États-Unis ont gagné la bataille et ont dominé les continents américains depuis lors, comme le montre la doctrine Monroe et les nombreuses guerres orchestrées par le général Smedley Butler et d’autres. Le second POTUS, John Adams, a institué la loi sur les étrangers et la sédition, qui rendait illégale toute critique à l’égard du gouvernement. Par Miss American Pie.
Thomas Jefferson a réagi à cette loi en disant : “Quoi, je m’inquiète ?” Il a dit qu’il n’était pas d’accord avec la loi, puisqu’il était Démocrate, mais que puisqu’elle existait, il serait dommage de la gâcher… Andrew Jackson a renforcé le pouvoir impérial en disant à la Cour suprême d’aller se faire voir sur le sable du Potomac lorsqu’il a déporté les Indiens Cherokee. Lincoln a transformé les États-Unis d’une pluralité d’États semi-indépendants en une ploutocratie de régions impériales, nous mettant ainsi sur la voie de l’Empire. La guerre civile n’était qu’un échauffement. La guerre hispano-américaine était une répétition générale. La Première Guerre mondiale a été l’acte 1. Et maintenant, nous sommes Rome. Aucun gouvernement n’a jamais renoncé à des pouvoirs “temporaires”. Il suffit de regarder le Patriot (sic) Act. L’Amérique du mythe a flotté pendant tout ce temps. C’était un catéchisme partagé de la religion américaine, mais il devient de plus en plus difficile à avaler. Nous sommes en train de devenir des athées américains et lorsque les gens cessent de croire en leurs propres mythes, ils périssent.

Je réimprime la partie inférieure, rédigée de manière évocatrice, pour donner de l’effet :

L’Amérique du mythe a flotté pendant tout ce temps. C’était un catéchisme partagé de la religion américaine, mais il est de plus en plus difficile à avaler. Nous sommes en train de devenir des athées américains et lorsque les gens cessent de croire en leurs propres mythes, ils périssent.

Voyons maintenant l’exégèse de Kagan et de Cohort une fois de plus, côte à côte :

Modifier la volonté de l’Amérique n’est pas une mince affaire. L’Amérique est une idée. L’Amérique est un choix. L’Amérique, c’est la croyance en la valeur de l’action. La résilience intérieure et la puissance mondiale des États-Unis proviennent en grande partie du fait que des personnes et des pays choisissent les États-Unis et que les Américains préservent leur capacité à agir avec intention. Un adversaire qui apprend à modifier ces réalités constitue une menace existentielle, surtout lorsque les idées sont l’arme principale de cet adversaire.

Ah…. voilà donc ce qu’il en est. Vous voyez, la puissance américaine n’est inscrite dans rien d’autre qu’un mythe de suprématie et de droit, lui-même recouvert de divers euphémismes et de trompe-l’œil vaporeux comme “l’ordre fondé sur des règles”.

Ce que les néocons ont révélé ici est la clé principale de tout : la Russie est prête à briser le mythe, ou plutôt le grand mensonge, qui consacre non pas la véritable Amérique d’autrefois, mais la déformation néoconservatrice qu’elle est devenue, le mastodonte déformé, le Léviathan disgracieux qui fouette le monde entier de sa queue éperonnée et de son haleine délétère.

Ces monstres, qui ont coopté le pays et sa politique étrangère, ont en fait fait de l’Amérique rien de plus qu’un golem branlant, un golem sans vêtements comme son empereur fantôme. Ils ne craignent rien de plus que de voir la Russie briser cette “idée” déplacée, ce “rêve” frauduleux qui n’existe que dans l’esprit gorgé de sang des usurpateurs néocons. Cela briserait l’illusion une fois pour toutes, non seulement en libérant le monde de l’emprise du Léviathan, mais aussi en détruisant l’éternelle quête des néocons.

Notez l’utilisation idiomatique très particulière de : “modifier ces réalités”. Voyez-vous, “modifier” la réalité de substitution imposée par les néocons revient à détruire la bête une fois pour toutes, à amputer la tumeur cancéreuse qui étrangle le cœur de ce qui était autrefois “l’Amérique”. C’est ce qu’ils craignent, et ils l’ont exprimé du mieux qu’ils ont pu, en l’encodant dans le symbolisme. L’Amérique qu’ils ont concoctée existe comme une simulation dans une matrice, et ils craignent que la Russie ait trouvé la clé pour débrancher leur fausse construction-réalité, éveillant une génération entière à la vérité réelle : que le pays et tout ce qu’il a toujours représenté a été entièrement détourné par une cabale criminelle.

Surtout, ils ont révélé que le pouvoir de l’“Amérique” repose sur un sort jeté à son allié le plus proche, l’Homo Europaeus, complètement subjugué. Une fois que la Russie aura “brisé” ce sort, la partie sera terminée.

La résilience intérieure des États-Unis et leur puissance mondiale sont dues en grande partie au fait que des personnes et des pays choisissent les États-Unis et que les Américains préservent leur capacité à agir avec intention.

L’idée “sacrée” de l’Amérique distillée ici n’est rien d’autre qu’une illusion impériale, une toile tendue aux yeux d’un continent européen qui est sous occupation totale depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Ce qu’ils disent, en fin de compte, c’est qu’il n’y a pas de caractère sacré inhérent à leur idéal fabriqué, mais qu’il s’agit plutôt d’une illusion imposée, qui est aussi fragile que la craie une fois que les gens en ont pris conscience. Et ils pensent que les pouvoirs d’éveil de la Russie constituent une menace existentielle.

C’est sombre, je sais. Mais c’est pourquoi leur ton est si évidemment strident et vexatoire dans ce rapport désespéré.

La Russie a coincé les rats dans un coin et ils paniquent.

Simplicius Le Penseur

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone


Ukraine-Russie, perspective en 2024

Source : RzO International - Le 01/01/2024.

par Hachem Al

Dans la presse occidentale au cours des deux derniers mois, ont été publiés de nombreux articles selon lesquels l’Occident aurait sous-estimé la Russie. D’abord parce que son économie s’est révélée insensible aux sanctions, ensuite parce que la Russie développe rapidement son industrie militaire, enfin parce que la société russe s’est montrée prête à soutenir les dirigeants politiques du pays, et la liste est longue.

En général, tout est à peu près pareil, vous ne pouvez ajouter qu’une seule nuance.

L’Occident a sous-estimé la Russie, mais il s’est aussi largement surestimé.

Ou plutôt, même ceci : Avant le début de l’opération en Ukraine, les États-Unis étaient confiants dans leur contrôle absolu sur l’économie mondiale. Mais cela s’est avéré être une illusion.

Autrement dit, l’unipolarité totale a déjà pris fin, et les États-Unis ne l’ont découvert que récemment. Et cette découverte leur fut une désagréable surprise, au moins sur deux points :

• Les États-Unis ne contrôlent plus totalement l’économie mondiale, mais pas seulement.

• Tout n’est pas en ordre avec la domination militaire de l’Amérique et, en général, de l’ensemble de l’Occident.

Sur ces deux points, c’est parce qu’il y a un goulot d’étranglement : La production de matériels militaires.

Les deux adversaires, la Russie et l’Occident, se sont révélés non préparés à une guerre moderne. Mais le premier a su mobiliser son complexe militaro-industriel tandis que le second n’y est pas parvenu. En conséquence, la balance des forces a commencé à pencher lentement vers Moscou.

Washington est désormais confronté à un dilemme très clair :

- Soit faire monter les enchères en commençant à mobiliser ses propres industries militaires et celles de ses alliés,

- Soit faire la paix avec la Russie, en mettant fin à la guerre par procuration avec elle sur le territoire de l’Ukraine.

En 2024, nous saurons quel choix feront les États-Unis.

Il semblerait selon Elena Panina, analyste pour Russtrat1 que les États-Unis aient opté pour la première possibilité.

La Russie a enfoncé le premier clou dans le cercueil de l’hégémonie américaine.

En effet, l’Occident a clairement sous-estimé la Russie et s’est surestimé. L’accès 24h/24 et 7j/7 à une planche à billets est une chose mais la disponibilité d’installations physiques pour la production de produits militaires et de stocks d’armes est une toute autre affaire.

Quant au choix des États-Unis, compte tenu de ces circonstances, ils l’ont déjà fait. L’objectif – infliger une défaite stratégique à la Russie – demeure. L’approche ne changera que légèrement.

La «guerre éclair» ukrainienne a échoué, de sorte que l’Occident mondial, dirigé par les États-Unis, va changer de tactique, en mettant davantage l’accent sur l’utilisation massive de la main-d’œuvre des forces armées ukrainiennes avec un approvisionnement économique en armes et en équipements. En dernier recours, ils se lanceront dans des combats dans les grandes villes afin de «vendre» des territoires à la Russie à un prix plus élevé.

Dans le même temps, le projet de la «Coalition des combattants pour l’Ukraine» est bel et bien vivant. Et bientôt nous verrons sa première utilisation au combat.

En outre, le complexe militaro-industriel des États-Unis et de ses alliés augmente simultanément ses capacités. Ce que Jonathan Finer, premier assistant adjoint du président des États-Unis pour la sécurité nationale, a déclaré directement le 7 décembre lors du forum de l’Aspen Institute : «Après 2024, nous augmenterons la production de notre base militaro-industrielle. Nous travaillons avec les Ukrainiens, notamment lors d’une conférence cette semaine à Washington, pour augmenter la production de leur base militaro-industrielle. Et nous nous retrouverons dans un an et demi sur des bases bien plus solides qu’aujourd’hui».

Des négociations frauduleuses sont également possibles afin de tromper Moscou et l’empêcher de prendre des mesures décisives et de tirer profit de la situation actuelle. Mais avec un seul objectif : Rassembler ses forces et tenter à nouveau d’infliger un nouveau coup puissant à la Russie.

Pour une compréhension plus large de la situation, il convient de prêter attention à ce que disent certains experts américains sur la Russie. Par exemple, l’ancienne responsable du Conseil de sécurité nationale des États-Unis, Fiona Hill : «Dans l’arène géopolitique actuelle, cette guerre est en réalité l’envers de la révolte de la Russie et du «reste» contre les États-Unis. La guerre en Ukraine est l’événement qui rend la fin de la Pax Americana évident pour tous».  

Et quand Biden déclare que «les enjeux de ce combat vont bien au-delà de l’Ukraine» et qu’»ils affectent l’ensemble de l’alliance OTAN, la sécurité de l’Europe et l’avenir de la relation transatlantique», il n’est pas loin de la vérité.

Ce sont les actions de la Russie qui menacent le plus la position privilégiée de l’Amérique en tant qu’hégémonie mondiale. Nous devons donc aborder 2024 avec une compréhension claire : L’establishment américain est prêt à tout faire pour empêcher la Russie de gagner.

Les enjeux sont de plus en plus élevés. La confrontation entre la Russie et les États-Unis acquiert tous les traits d’une confrontation existentielle.

 

 

  1. L’Institut russe d’études stratégiques (RISS) ou (RISI) ou (RISY) (russe : Российский институт стратегических исследований (РИСИ)) est un centre de recherche et d’analyse russe créé par décret de l’ancien président de la Fédération de Russie Boris Eltsine en 1992.

Poutine dissipe le brouillard de guerre en Ukraine

Source : RzO International - Le 31/12/2023.

par M.K. Bhadrakumar

L’opération militaire spéciale russe en Ukraine entre dans une nouvelle phase. Le président Vladimir Poutine a dissipé le brouillard de guerre et laissé entrevoir ce à quoi on peut s’attendre à l’avenir dans un discours historique prononcé au centre de contrôle de la défense nationale lors d’une réunion du conseil d’administration du ministère russe de la défense, le 19 décembre. 

La Russie a pris le dessus dans cette guerre par procuration, tandis que les États-Unis s’efforcent de recréer un nouveau récit. Pour Poutine, il s’agit d’un moment de triomphe où il n’a aucune raison de profiter du brouillard de la guerre en Ukraine, alors que pour le président Biden, le brouillard de la guerre continue de servir un objectif utile de dissimulation pour la prochaine élection dans laquelle il cherche à obtenir un second mandat.

Le discours de Poutine s’est déroulé dans une atmosphère optimiste. L’économie russe a non seulement retrouvé son élan d’avant 2022, mais elle s’accélère pour atteindre un taux de croissance de 3,5% d’ici la fin de l’année, grâce à l’augmentation des revenus et du pouvoir d’achat de millions de citoyens et à l’amélioration du niveau de vie. Le chômage n’a jamais été aussi bas et la Russie a repoussé les sanctions occidentales et les tentatives visant à l’isoler sur la scène internationale.

Le leitmotiv du discours de Poutine est qu’il s’agit d’une guerre que la Russie n’a jamais recherchée, mais qui lui a été imposée par les États-Unis. L’année dernière, en février, Poutine avait énuméré cinq objectifs précis de l’opération militaire russe :

- La sécurité de la population russe,

- La dénazification de l’Ukraine,

- La démilitarisation de l’Ukraine,

- L’instauration d’un régime amical à Kiev

- et la non-admission de l’Ukraine au sein de l’OTAN.

Il s’agit bien entendu d’objectifs interdépendants. Les États-Unis et leurs alliés le savent mais continuent de prétendre le contraire, leur objectif dans la guerre par procuration étant une victoire militaire et un changement de régime en Russie.

Le message de Poutine est que tout nouveau discours occidental sur la guerre est voué à connaître le même sort que le précédent, à moins de faire preuve de réalisme en reconnaissant que la Russie ne peut être vaincue militairement et que ses intérêts légitimes soient reconnus.

Le cœur du problème est que l’Occident a toujours perçu l’Ukraine comme un projet géopolitique visant la Russie. Aujourd’hui, même avec la défaite en face, la priorité de l’Occident est de forcer la Russie à accepter un cessez-le-feu sur la base de la ligne de contact existante sans aucune obligation géopolitique ou stratégique de la part de Washington ou de l’alliance transatlantique – ce qui, de facto, signifierait laisser la porte ouverte au réarmement de l’armée ukrainienne meurtrie et à l’adhésion de Kiev à l’OTAN par des moyens détournés.

Il est évident que l’agenda discrédité consistant à utiliser l’Ukraine comme un pion pour poursuivre la politique anti-russe de l’Occident est toujours d’actualité. Mais Moscou ne tombera pas une seconde fois dans le piège des États-Unis, au risque d’une nouvelle guerre qui pourrait éclater à un moment qui conviendrait le mieux à l’OTAN.

Comme on pouvait s’y attendre, le discours de Poutine a accordé une grande attention à la relance de l’industrie de la défense russe afin de répondre à toute exigence militaire qui pourrait survenir. Mais vers la fin de son discours, Poutine s’est également attardé sur les options politico-militaires de la Russie dans ces circonstances.

Sur le plan militaire, il est clair que la Russie poursuivra la guerre d’usure jusqu’à son terme logique, à savoir pousser l’armée ukrainienne dans une impasse stratégique, ce qui impliquera de rechercher des améliorations tactiques le long de la ligne de front, de saper le potentiel économique de l’Ukraine, d’infliger des pertes militaires et de stimuler la propre industrie de défense russe à une échelle qui fasse pencher la balance des forces en défaveur de toute aventure militaire de la part de l’OTAN.

En fin de compte, a affirmé Poutine, la Russie est déterminée à récupérer les «vastes territoires historiques, les territoires russes, ainsi que la population» que les bolcheviks ont transférés à l’Ukraine au cours de l’ère soviétique. Il a toutefois établi une distinction importante en ce qui concerne les «terres occidentales» de l’Ukraine (à l’ouest du Dniepr) qui sont un héritage de la Seconde Guerre mondiale et qui pourraient faire l’objet de revendications territoriales de la part de la Pologne, de la Hongrie et de la Roumanie, ce qui, au moins dans le cas de la Pologne, est également lié au transfert des «terres de l’Allemagne de l’Est, du corridor de Dantzig et de Dantzig elle-même» après la défaite du Troisième Reich.

Poutine a noté que «les gens qui vivent là-bas (dans l’ouest de l’Ukraine) – beaucoup d’entre eux, du moins, je le sais avec certitude, à 100% – veulent retourner dans leur patrie historique. Les pays qui ont perdu ces territoires, principalement la Pologne, rêvent de les récupérer».

Cela dit, il est intéressant de noter que Poutine s’est simplement lavé les mains de tout différend territorial qui pourrait survenir entre l’Ukraine et ses voisins orientaux (qui sont tous des pays de l’OTAN). Récemment, le chef des services de renseignement russes, Sergey Naryshkin, a utilisé une métaphore puissante, avertissant que les États-Unis pourraient être confrontés à un «second Vietnam» en Ukraine, qui les hanterait pendant longtemps.

L’essentiel, tel que l’a formulé Poutine, est le suivant : «L’histoire remettra chaque chose à sa place. Nous (Moscou) n’interviendrons pas, mais nous ne renoncerons pas à ce qui nous appartient. Tout le monde doit en être conscient : Ceux qui, en Ukraine, sont agressivement disposés à l’égard de la Russie, ainsi que les Européens et les Américains. S’ils veulent négocier, qu’ils le fassent. Mais nous ne le ferons qu’en fonction de nos intérêts».

Poutine a conclu en disant que si l’arbitre final est la prouesse militaire, cela explique pourquoi la Russie se concentre sur des «forces armées fortes, fiables, bien équipées et correctement motivées», soutenues par une économie solide et «le soutien du peuple multiethnique russe».

Il est fort probable que les opérations militaires russes se déplacent vers l’ouest en direction du Dniepr dans les mois à venir, bien au-delà des quatre nouveaux territoires qui ont rejoint la Fédération de Russie l’année dernière – Louhansk, Donetsk, Zaporozhia et Kherson. En l’absence de tout règlement négocié, la Russie pourrait choisir de «libérer» unilatéralement les régions méridionales de l’Ukraine qui faisaient historiquement partie de la Russie, ce qui inclurait probablement Odessa et toute la côte de la mer Noire, ou Kharkov au nord de la région du Donbass.

La Russie s’attend à ce que les capacités de combat des forces ukrainiennes diminuent fortement dans un avenir proche et l’armée a déjà du mal à trouver de nouvelles recrues. En d’autres termes, au cours de l’année à venir, l’équilibre des forces sur le front se modifiera en raison des lourdes pertes subies par l’armée ukrainienne et de la baisse de l’aide occidentale, et, à un moment donné, les défenses de l’Ukraine commenceront à s’effondrer.

On note les gains récents de la Russie dans les opérations militaires – par exemple, Soledar, Artyomovsk (Bakhmut), Avdeevka, Maryinka, etc. Ce changement va encore s’accélérer car le complexe militaro-industriel russe fonctionne de manière optimale et la Russie déploie massivement de nouveaux types d’armes, comme les bombes aériennes planantes, qui ont modifié le rôle de l’armée de l’air russe dans le conflit.

Des dizaines de bombes aériennes lourdes sont larguées chaque jour et, de même, l’utilisation de munitions de barrage modernes et d’autres systèmes, notamment les munitions à guidage de précision, augmente. Des chars T-90M et de nouveaux types de véhicules blindés légers ont également fait leur apparition sur le champ de bataille.

En comparaison, l’Ukraine est confrontée à une diminution des livraisons d’armes en raison des capacités de production limitées de l’Occident, où une croissance durable de la production à l’échelle industrielle n’est pas envisageable à court terme. Dans le même temps, la crise du Moyen-Orient et les tensions autour de Taïwan deviennent des distractions majeures pour les États-Unis.

Tous ces facteurs pris en compte, un changement décisif dans l’équilibre des forces contre l’Ukraine est tout à fait concevable d’ici la fin de l’année prochaine, conduisant à une fin du conflit aux conditions de la Russie.

M.K. Bhadrakumar

source : Indian Punchline via Le Saker Francophone

Réalisme Géopolitique

Source : République Souveraine - Le 29/12/2023.

Gaza – Suggestion dans un résumé de l’ONU : «Un embargo sur les armes à destination d’Israël»

Source : RzO international - Le 29/12/2023.

«Un embargo sur les armes à destination d’Israël» par «la mise en œuvre de l’article 6 du traité sur le commerce des armes, qui interdit les transferts d’armes en cas de génocide», est une suggestion fondamentale en conclusion du résumé sur le site internet de l’ONU de la table ronde «2023 Guerre à Gaza : La responsabilité de prévenir un génocide».1,2

Candice van Eijk

*

Résumé de la présidence de la table ronde «2023 War on Gaza : La responsabilité de prévenir un génocide»

Le panel de discussion «2023 War on Gaza : La responsabilité de prévenir le génocide» a été organisé le 12 décembre 2023 par le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien (CEIRPP). L’événement a consisté en une ouverture avec des remarques de S.E. M. Arrmanatha Christiawan Nasir, vice-président du Comité et représentant permanent de l’Indonésie auprès des Nations unies, et de S.E. Mme Feda Abdelhady Nasser, observateur permanent adjoint de l’État de Palestine auprès des Nations unies. Le panel était composé de M. Jehad Abusalim, directeur exécutif du Jerusalem Fund ; M. Raz Segal, professeur associé d’études sur l’Holocauste et les génocides et titulaire d’une chaire sur l’étude des génocides modernes à l’université de Stockton ; Mme Hannah Bruinsma, conseillère juridique à l’ONG Law for Palestine ; et Mme Katherine Gallagher, avocate principale au Center for Constitutional Rights, basé à New York. L’événement a été retransmis en direct sur UN WebTV. 

Dans son introduction, le vice-président a déclaré que le Comité avait convoqué le groupe à un moment où l’existence même du peuple palestinien était menacée. Le nombre de morts parmi les civils palestiniens – principalement des femmes et des enfants – causé par la guerre d’Israël contre Gaza s’apparente à une punition collective. En outre, le déplacement forcé de la population de Gaza, dont beaucoup sont déjà des réfugiés, et la destruction systématique des maisons, des infrastructures, des mosquées, des églises, des hôpitaux, des bâtiments publics et des objets protégés mettent en péril la présence même des Palestiniens sur leur terre ancestrale. Cette violence soulève des questions sur les objectifs de l’opération militaire israélienne et sur la responsabilité de la communauté internationale face aux crimes en cours. La communauté internationale a récemment commémoré le 75ème anniversaire de la «Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide» du 9 décembre 1948, ratifiée par 153 États en 2022. Les États membres ont l’obligation et le devoir de prévenir ce crime et de mettre en œuvre l’appel «plus jamais ça». 

L’ambassadeur Feda Abdelhady [observateur permanent adjoint de l’État de Palestine auprès des Nations unies] déclare que l’État de Palestine a adhéré à la Convention sur le génocide, ainsi qu’à d’autres pactes relatifs aux droits de l’homme, mais qu’il n’avait pas prévu d’être contraint de l’invoquer, convaincu que le vœu de la communauté internationale de «plus jamais ça» était universel et que les obligations juridiques et morales à l’égard de la question de la Palestine seraient respectées, ce qui permettrait au peuple palestinien d’exercer ses droits longtemps bafoués. Le monde est témoin d’atrocités et de crimes indicibles en Palestine occupée, en particulier dans la bande de Gaza assiégée, perpétrés par Israël et ses forces d’occupation, y compris les milices de colons, dans le prolongement flagrant de plus de 75 ans de Nakba. 

Cette situation a conduit les universitaires, les juristes, la société civile, les parlementaires, les gouvernements et les citoyens du monde entier à conclure qu’Israël commettait des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide à l’encontre du peuple palestinien. L’ambassadeur Abdelhady a déclaré que l’objectif était d’effacer la présence palestinienne et son identité nationale, et d’ancrer l’occupation israélienne de la terre palestinienne avec le moins de Palestiniens possible. L’État de Palestine a lancé un appel aux États membres et à tous les organes du système des Nations unies pour qu’ils agissent, la mesure la plus urgente étant un cessez-le-feu. Elle a exprimé l’espoir que le panel contribuerait à sensibiliser, à fournir des informations sur la loi et à suggérer des pistes d’action.

M. Jehad Abusalim [directeur exécutif du Jerusalem Fund], qui est né et a grandi à Gaza, a déclaré que sa famille et ses amis faisaient partie des plus de deux millions de Palestiniens qui subissent l’un des assauts militaires les plus violents de ce siècle. Au 11 décembre, l’Observatoire Euro-Med des droits de l’homme estimait que 24 142 Palestiniens de Gaza avaient été tués par les bombardements israéliens, dont 9420 enfants. En outre, 48 901 ont été blessés et 1 840 000 ont été déplacés. Au total, 53 000 habitations et plus de 1300 installations industrielles ont été détruites. Ce qu’il a qualifié de «génocide en cours à Gaza» s’inscrit dans le cadre du violent colonialisme israélien et de l’occupation des terres palestiniennes qui ont commencé avec la Nakba («la catastrophe») de 1948 et qui ont conduit plus de 750 000 Palestiniens à fuir ou à être expulsés de chez eux. La Nakba, a-t-il souligné, n’est pas seulement un événement d’un passé lointain : ses effets politiques, économiques, géographiques et culturels persistants ont empêché les Palestiniens de réaliser leur potentiel dans leur propre patrie. 

En 1956, 1957 et 1967, Israël a occupé la bande de Gaza, imposant un processus de «dé-développement» et la séparant de la Cisjordanie par des bouclages militaires et un système de permis qui limitait l’entrée et la sortie de la bande et divisait les familles. En 2007, Israël a imposé un blocus terrestre, aérien et maritime. Lorsque Gaza s’est rebellée, Israël a toujours répondu par une extrême violence, une colonisation accrue, des incursions, des bombardements massifs et l’assassinat de civils. Les habitants de Gaza utilisaient l’expression «je suffoque» pour décrire un état psychologique et émotionnel dans lequel chaque acte quotidien simple et élémentaire, comme l’accès à l’eau potable, les déplacements pour obtenir un traitement médical ou une éducation, la pêche et les récoltes, étaient des épreuves épuisantes. Les habitants de Gaza ont continué à être tués en masse parce qu’Israël a eu recours à une violence extrême pour reprendre le contrôle.

M. Raz Segal a souligné que le 9 décembre 2023, un groupe de 56 éminents spécialistes de l’Holocauste, du génocide et de la violence de masse, dont il fait partie, a signé une déclaration déplorant les atrocités commises contre des civils par le Hamas et le Jihad islamique le 7 octobre, et par les forces israéliennes depuis lors. Ils ont relevé des preuves d’une «attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque», que le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) définit comme un crime contre l’humanité. Depuis le 7 octobre, les dirigeants israéliens, notamment le président Isaac Herzog, les ministres du cabinet de guerre et les officiers supérieurs de l’armée – tous dotés d’un pouvoir de commandement – ont fait des dizaines de déclarations démontrant une «intention de détruire les Palestiniens «en tant que tels»». Les responsables israéliens ont utilisé une rationalisation coloniale éprouvée pour la destruction de personnes sous occupation coloniale en les décrivant comme des «animaux humains». Selon M. Segal, le fait de considérer des populations civiles entières comme des «sauvages» ou des «ennemis» – et comme des cibles militaires légitimes – est un mécanisme génocidaire courant. À titre d’exemple, il cite l’opération de 1904-1907 en Afrique du Sud-Ouest, au cours de laquelle les colonisateurs allemands ont tué 65 000 Herero et Nama, soit 80% de la population. Une rhétorique similaire a été utilisée par les autorités hutues au Rwanda en 1990, ce qui a conduit au génocide de 1994. 

Pour M. Segal, Israël a fait preuve d’une intention génocidaire selon les trois actes définissant le génocide dans la Convention : (a) «tuer des membres du groupe» ; (b) «porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou mentale» ; et (c) «imposer délibérément au groupe des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle». Les mesures de «siège total», ainsi que le déplacement forcé de plus de 1,8 million des 2,3 millions de Palestiniens de Gaza et le risque d’épidémies de maladies infectieuses, exacerbé par les pénuries aiguës de nourriture, d’eau potable, de carburant et de fournitures médicales, remplissent les conditions définies dans la Convention. Si le déplacement forcé – ou «nettoyage ethnique» – n’est pas en soi un acte de génocide, il a toujours fait partie des processus génocidaires consistant à repousser des personnes indésirables dans des zones désignées, ce qui a fini par dégénérer en génocide. De 1939 à 1942, les nazis ont expérimenté divers plans de déplacement forcé des juifs avant de parvenir à la «solution finale de la question juive». M. Segal a ajouté que les déclarations d’Israël sur la déportation des Palestiniens de Gaza vers le désert du Sinaï étaient également alarmantes, car les déserts ont été utilisés historiquement comme armes de génocide, laissant des populations entières mourir de faim et de déshydratation. 

M. Segal a également noté que depuis le 7 octobre, les médias israéliens, les médias sociaux, la politique et les espaces publics incitent au génocide, un crime distinct en vertu de l’article 3 de la Convention sur le génocide. Le discours israélien a promu l’idée qu’«il n’y a pas de civils innocents à Gaza», que «les enfants palestiniens sont des terroristes» et que l’armée israélienne doit «brûler Gaza jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien». Ces déclarations ont ouvertement confirmé l’«intention», qui est généralement l’élément le plus difficile à prouver.

Mme Hannah Bruinsma s’est inquiétée du fait que les intellectuels et les militants, en particulier les collègues palestiniens qui s’expriment ou appellent à des actions en justice contre les crimes d’Israël, sont menacés, non seulement en Palestine, mais aussi aux États-Unis. Elle a mentionné l’incapacité de la communauté internationale à tenir Israël pour responsable du régime colonial des colons qui dure depuis 75 ans, de l’occupation illégale du territoire palestinien qui dure depuis 56 ans et du siège de la bande de Gaza qui dure depuis 17 ans. L’impunité dont jouit Israël depuis des décennies pour les crimes internationaux, y compris le crime d’apartheid, s’est poursuivie avec les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et l’incitation à commettre un génocide à Gaza. Un génocide a lieu à Gaza alors que les États-Unis utilisent leur droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour mettre fin aux appels au cessez-le-feu.

Mme Bruinsma [conseillère juridique à l’ONG Law for Palestine] a déclaré que la situation à Gaza répondait aux définitions juridiques et criminologiques du génocide, qui requièrent à la fois l’intention de détruire et des actes. Comme d’autres intervenants, Mme Bruinsma a estimé qu’Israël avait commis un actus reus à Gaza, des actes qui constituaient un génocide au sens de la Convention. Habituellement, l’«intention» est l’élément le plus difficile à prouver, mais dans ce cas, les dirigeants israéliens ont été si explicites publiquement que leurs déclarations constituaient clairement la mens rea – l’élément mental – du génocide. Depuis le 7 octobre, Law for Palestine a créé une base de données qui contient à ce jour plus de 500 déclarations génocidaires de responsables publics israéliens qui seront soumises à la CPI. 

Mme Bruinsma a cité Raphael Lemkin, qui a inventé le terme «génocide», notant qu’il avait écrit que le génocide ne se limitait pas à des actes de massacre, mais devait englober un plan coordonné visant à détruire les fondements essentiels de la vie des groupes nationaux ou ethniques. À Gaza, la mise en œuvre par Israël de la «doctrine Dahiya», vieille de 17 ans, une stratégie militaire consistant à utiliser une force disproportionnée pour affaiblir la population au point que la simple survie l’emporte sur la résistance, a été pleinement mise en évidence. La convention sur le génocide, signée par 152 États à ce jour, oblige tous les États à se conformer à ses dispositions, comme l’a rappelé la Cour internationale de justice (CIJ) à plusieurs reprises. L’interdiction du génocide constitue une norme de jus cogens, ce qui signifie qu’elle est absolue et qu’on ne peut y déroger sous aucune justification ou circonstance. En conclusion, Mme Bruinsma a exprimé sa solidarité avec ses collègues du territoire palestinien occupé, qui ont exigé une action énergique contre ces crimes, souvent au péril de leur vie. Il incombe à tous les membres de la communauté internationale de monter un dossier contre les auteurs de ce génocide et de veiller à ce qu’ils soient traduits en justice.

Mme Katherine Gallagher [avocate principale au Center for Constitutional Rights, basé à New York] s’est concentrée sur la caractérisation des crimes commis dans la bande de Gaza et sur les implications pour la Cour pénale internationale et les États parties. Elle a rappelé que des actes intentionnels et génocidaires étaient actuellement perpétrés à Gaza, en plus des crimes contre l’humanité, à savoir le meurtre, la persécution, le transfert forcé et l’extermination. 

L’article 1 de la Convention crée une obligation légale de prévenir le génocide : «Les parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime de droit international qu’elles s’engagent à prévenir et à punir». Dans l’affaire opposant la Bosnie à la Serbie, la CIJ a estimé que «chaque État partie doit évaluer l’existence d’un génocide ou d’un risque sérieux de génocide». Il s’agit de l’engagement collectif de la communauté internationale de veiller à ce que les groupes ne soient pas ciblés pour être détruits en raison de leur identité. Tous les États ont un «devoir de prévention» : (a) à partir du moment où un pays «apprend ou aurait dû apprendre l’existence d’un risque sérieux de génocide» (b) pour prendre toutes les mesures «raisonnablement à leur disposition» afin de dissuader la commission du crime ; et (c) ce devoir est renforcé lorsqu’un État a la capacité d’influencer ou «d’agir sur les personnes soupçonnées de préparer un génocide, ou raisonnablement soupçonnées de nourrir une intention spécifique». La CIJ peut également prendre des mesures provisoires pour assurer le respect de la Convention dans le cas d’un génocide en cours, y compris si elle constate que des violations de la Convention sont «plausibles» (par exemple, Gambie contre Myanmar concernant le génocide des Rohingyas).

Mme Gallagher a indiqué que le Centre pour les droits constitutionnels avait déposé, le 13 novembre, une requête urgente au nom de Defense for Children International-Palestine, d’Al-Haq et d’habitants de Gaza, demandant à un tribunal fédéral américain d’empêcher immédiatement le président Biden, le secrétaire d’État Blinken et le secrétaire à la défense Austin de fournir de nouvelles armes, de l’argent, un soutien militaire et un appui diplomatique à Israël, au motif qu’ils ont l’obligation légale d’empêcher et de ne pas contribuer à «un génocide en cours contre les Palestiniens de Gaza». L’action en justice affirmait qu’en fournissant une assistance militaire à Israël, les États-Unis avaient franchi la ligne de la «complicité de génocide». D’autres experts ont conclu que les États-Unis avaient manqué à leur obligation de prévenir le génocide. Mme Gallagher a vivement encouragé les États membres à agir et à empêcher le «génocide en cours à Gaza».

S.E. M. Hari Prabowo, représentant permanent adjoint de l’Indonésie auprès des Nations unies, qui a animé la séance de questions-réponses, a invité les États membres à «assumer leurs responsabilités en matière de prévention des génocides et à «voter pour l’humanité» lors de la reprise de la 10ème session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, qui a eu lieu cet après-midi-là. Il a demandé des éclaircissements sur les mécanismes de responsabilité dont disposent les États membres, notamment la CPI et la CIJ.  

Les panélistes ont répondu que la prise de «mesures de précaution» à la CIJ était un outil disponible. L’arrêt du transfert d’armes à Israël et les mesures de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) sont également des mesures efficaces. Il est nécessaire de mettre fin à des décennies d’impunité vis-à-vis de l’État d’Israël et d’empêcher une éventuelle escalade en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, où des armes sont distribuées aux colons. D’autres mesures ont été suggérées, notamment un embargo sur les armes à destination d’Israël, comme l’a demandé l’Assemblée générale il y a 40 ans, la mise en œuvre de l’article 6 du traité sur le commerce des armes, qui interdit les transferts d’armes en cas de génocide, et l’application de restrictions diplomatiques et en matière de visas pour les Israéliens. En réponse à une question sur le rôle des tribunaux nationaux, il a été rappelé que le crime de génocide est une norme erga omnes, de sorte que tous les États peuvent saisir les tribunaux nationaux en raison de la compétence universelle de la Convention. Un appel fort a été lancé aux États pour qu’ils agissent et ne laissent pas le fardeau aux organisations de la société civile. 

En conclusion, l’ambassadeur Prabowo a exprimé le soutien du Comité au Secrétaire général pour avoir invoqué l’article 99 de la Charte des Nations unies, demandant au Conseil de sécurité d’assumer ses responsabilités et d’assurer la mise en œuvre de sa résolution 2712 (2023), tout en regrettant que le Conseil de sécurité n’ait pas adopté, le 8 décembre, une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. La responsabilité incombe désormais à l’Assemblée générale. Il lance un dernier appel à tous les membres et observateurs du Comité pour qu’ils prennent des mesures habituelles et défendent la Palestine.

Ce que ne dit pas ce résumé de l’ONU :

«Malheureusement, il est clair qu’un génocide [à Gaza] est déjà en cours, et notre question est donc de savoir s’il est de notre responsabilité de l’arrêter», a conclu le Comité de l’ONU pour l’Exercice des Droits inaliénables du Peuple palestinien (CEIRPP) le 12 décembre 2023 lors d’une table ronde intitulée «2023 War on Gaza – La responsabilité de prévenir le génocide» au siège de l’ONU, à New York.3

Cette citation se trouve dans la vidéo de cette table ronde sur le site internet de l’ONU, à partir de la minute 1:54:50 à la 1:55:08.

Peut-être que d’autres informations importantes de cette table ronde ne sont pas écrites dans le résumé de l’ONU ?

Les chefs d’État, les ministres des affaires étrangères européens, les grands journaux mainstream sont-ils informés de cette table ronde ?

Si vous en avez la possibilité, est-ce une idée de leur demander ? Peut-être sont-ils mal informés.

Candice van Eijk

 

  1. https://www.un.org/chair-summary-of-panel-discussion-on-2023-war-on-gaza-the-responsibility-to-prevent-genocide
  2. https://www.un.org/2023/12/Chair-Summary-2023-Gaza-Panel-on-responsibility-to-prevent-genocide-final.pdf
  3. https://www.un.org/panel-discussion-on-the-responsibility-to-prevent-genocide

Comment le Yémen a tout changé

Source : RzO International - Le 29/12/2023.

par Pepe Escobar

D’un seul coup, Ansarullah du Yémen a mis en échec l’Occident et son ordre fondé sur des règles.

Qu’ils aient été inventés dans le nord de l’Inde, dans l’est de la Chine ou en Asie centrale – de la Perse au Turkestan – les échecs sont un jeu asiatique. Aux échecs, il arrive toujours un moment où un simple pion est capable de bouleverser l’ensemble de l’échiquier, généralement par le biais d’un coup dans la dernière rangée dont l’effet est tout simplement impossible à calculer.

Oui, un pion peut imposer un mat sismique. C’est ce qui se passe actuellement sur le plan géopolitique.

Les effets en cascade d’un seul coup sur l’échiquier – le blocus stupéfiant et soigneusement ciblé de la mer Rouge par Ansarullah du Yémen – vont bien au-delà du transport maritime mondial, des chaînes d’approvisionnement et de la guerre des corridors économiques. Sans parler de la réduction de la projection de force de l’US Navy, tant louée, qui n’a plus lieu d’être.

Le mouvement de résistance du Yémen, Ansarullah, a clairement fait savoir que tout navire affilié à Israël ou destiné à Israël serait intercepté. Alors que l’Occident s’en émeut et s’imagine être une cible, le reste du monde comprend parfaitement que tous les autres navires sont libres de passer. Les pétroliers russes – ainsi que les navires chinois, iraniens et du Sud mondial – continuent de traverser sans encombre le Bab al-Mandeb (point le plus étroit : 33 km) et la mer Rouge.

Seul l’hégémon est perturbé par ce défi à son «ordre fondé sur des règles». Il s’indigne que des navires occidentaux livrant de l’énergie ou des marchandises à Israël, qui viole la loi, puissent être entravés, et que la chaîne d’approvisionnement ait été interrompue et plongée dans une crise profonde. La cible visée est l’économie israélienne, qui est déjà fortement exsangue. Une seule action yéménite s’avère plus efficace qu’un torrent de sanctions impériales.

C’est la possibilité alléchante que cette action unique se transforme en un changement de paradigme – sans retour – qui ajoute à l’apoplexie de l’Hégémon. D’autant plus que l’humiliation impériale est profondément ancrée dans le changement de paradigme.

Le président russe Vladimir Poutine, sur le ton de la confidence, envoie désormais un message sans équivoque : Oubliez le canal de Suez. La voie à suivre est la route maritime du Nord – que les Chinois, dans le cadre du partenariat stratégique Russie-Chine, appellent la route de la soie arctique.

Carte des routes maritimes des passages du Nord-Est et du Nord-Ouest

Pour les Européens médusés, les Russes ont détaillé trois options :

- Premièrement, naviguer 15 000 milles autour du cap de Bonne-Espérance.

- Deuxièmement, utiliser la route maritime du Nord, moins chère et plus rapide.

- Troisièmement, envoyer la cargaison par les chemins de fer russes.

Rosatom, qui supervise la route maritime du Nord, a souligné que les navires sans certification glace peuvent désormais naviguer pendant l’été et l’automne, et qu’il sera bientôt possible de naviguer toute l’année avec l’aide d’une flotte de brise-glaces nucléaires.

Tout cela est la conséquence directe de la seule action du Yémen. Quelle sera la prochaine étape ? L’entrée du Yémen dans les BRICS+ lors du sommet de Kazan fin 2024, sous la présidence russe ?

La nouvelle architecture sera encadrée au Moyen-Orient

L’armada menée par les États-Unis pour l’Opération Protection du Génocide, qui s’est effondrée avant même d’avoir vu le jour, a peut-être été mise sur pied pour «avertir l’Iran», en plus de faire peur à Ansarullah. Tout comme les Houthis, Téhéran n’est guère intimidé car, comme le dit succinctement Alastair Crooke, analyste au Moyen-Orient : «Sykes-Picot est mort».

Il s’agit d’un changement radical sur l’échiquier. Cela signifie que ce sont les puissances du Moyen-Orient, et non la marine américaine, qui vont désormais définir la nouvelle architecture régionale.

Il en découle un corollaire ineffable : Ces onze forces opérationnelles de porte-avions américains sont, à toutes fins utiles, sans valeur.  

Au Moyen-Orient, tout le monde sait que les missiles d’Ansarullah sont capables de frapper les champs pétroliers saoudiens et émiratis et de les mettre hors service. Il n’est donc pas étonnant que Riyad et Abou Dhabi n’acceptent jamais de faire partie d’une force maritime dirigée par les États-Unis pour défier la résistance yéménite.  

À cela s’ajoute le rôle des drones sous-marins désormais en possession de la Russie et de l’Iran. Imaginez une cinquantaine d’entre eux visant un porte-avions américain : Il n’a aucune défense. Si les Américains disposent encore de sous-marins très avancés, ils ne peuvent pas garder le Bab el-Mandeb et la mer Rouge ouverts aux opérateurs occidentaux.

Sur le front de l’énergie, Moscou et Téhéran n’ont même pas besoin de penser – du moins pas encore – à utiliser l’option «nucléaire» ou à couper potentiellement au moins 25%, voire plus, de l’approvisionnement mondial en pétrole. Comme le décrit succinctement un analyste du golfe Persique, «cela ferait irrémédiablement imploser le système financier international».

Ceux qui sont toujours déterminés à soutenir le génocide à Gaza ont reçu des avertissements. Le Premier ministre irakien Mohammed Shia al-Sudani l’a explicitement mentionné. Téhéran a déjà appelé à un embargo total sur le pétrole et le gaz contre les pays qui soutiennent Israël.

Un blocus naval total d’Israël, minutieusement mis au point, reste une possibilité distincte. Le commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), Hossein Salami, a déclaré qu’Israël pourrait «bientôt être confronté à la fermeture de la mer Méditerranée, du détroit de Gibraltar et d’autres voies navigables».

N’oubliez pas que nous ne parlons même pas encore d’un éventuel blocus du détroit d’Ormuz ; nous en sommes toujours à la mer Rouge/Bab al-Mandeb.

Car si les néo-conservateurs straussiens du Beltway sont vraiment déstabilisés par le changement de paradigme et agissent en désespoir de cause pour «donner une leçon» à l’Iran, un blocus combiné Ormuz-Bab al-Mandeb pourrait faire grimper en flèche le prix du pétrole à au moins 500 dollars le baril, ce qui déclencherait l’implosion du marché des produits dérivés, d’une valeur de 618 000 milliards de dollars, et ferait s’effondrer l’ensemble du système bancaire international.

Le tigre de papier est dans le pétrin

Mao Zedong avait raison : Les États-Unis sont peut-être un tigre de papier. Mais Poutine est bien plus prudent, froid et calculateur. Avec le président russe, tout est question de réponse asymétrique, au moment précis où personne ne s’y attend.

Cela nous amène à la principale hypothèse de travail susceptible d’expliquer le jeu d’ombres masquant le seul mouvement d’Ansarullah sur l’échiquier.      

Lorsque le journaliste d’investigation Sy (Seymour) Hersh, lauréat du prix Pulitzer, a démontré comment l’équipe Biden avait fait sauter les pipelines Nord Stream, la Russie n’a pas réagi à ce qui était, en fait, un acte de terrorisme contre Gazprom, contre l’Allemagne, contre l’UE et contre un certain nombre d’entreprises européennes. Pourtant, le Yémen, avec un simple blocus, met le transport maritime mondial sens dessus dessous.

Qu’est-ce qui est le plus vulnérable ? Les réseaux physiques de l’approvisionnement énergétique mondial (Pipelineistan) ou la thalassocratie, c’est-à-dire les États qui tirent leur puissance de leur suprématie navale ?

La Russie privilégie le Pipelineistan : Voir, par exemple, les Nord Streams et Force de Sibérie 1 et 2. Mais les États-Unis, l’hégémon, se sont toujours appuyés sur leur puissance thalassocratique, héritière de «Britannia règne sur les mers».

Eh bien, ce n’est plus le cas. Et, étonnamment, pour y parvenir, il n’a même pas fallu recourir à l’option «nucléaire», le blocus du détroit d’Ormuz.

Bien sûr, nous n’aurons pas de preuve irréfutable. Mais il est fascinant de penser que l’action unique du Yémen a pu être coordonnée au plus haut niveau entre trois membres des BRICS – la Russie, la Chine et l’Iran, le nouvel «axe du mal» des néoconservateurs – et deux autres membres des BRICS+, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, deux puissances énergétiques. En d’autres termes, «si vous le faites, nous vous soutiendrons».

Rien de tout cela, bien sûr, n’enlève à la pureté yéménite : Leur défense de la Palestine est un devoir sacré.

L’impérialisme occidental, puis le turbo-capitalisme, ont toujours été obsédés par l’idée de s’emparer du Yémen, un processus qu’Isa Blumi, dans son splendide livre «Destroying Yemen», décrit comme «dépouillant nécessairement les Yéménites de leur rôle historique de moteur économique, culturel, spirituel et politique d’une grande partie du monde de l’océan Indien».

Mais le Yémen est invincible et, comme le dit un proverbe local, «mortel» (Yemen Fataakah). Faisant partie de l’axe de la résistance, Ansarullah du Yémen est désormais un acteur clé dans un drame complexe à l’échelle de l’Eurasie qui redéfinit la connectivité du Heartland ; et aux côtés de l’Initiative Ceinture et Route (BRI) de la Chine, du Corridor international de transport nord-sud (INSTC) dirigé par l’Inde, l’Iran et la Russie, et de la nouvelle Route maritime du Nord de la Russie, comprend également le contrôle des points d’étranglement stratégiques autour des mers méditerranéennes et de la péninsule arabique.

Il s’agit là d’un tout autre paradigme de connectivité commerciale, qui réduit en miettes le contrôle colonial et néocolonial occidental de l’Afro-Eurasie.

Oui, les BRICS+ soutiennent le Yémen qui, d’un seul geste, a placé la Pax Americana devant la mère de toutes les embûches géopolitiques.

Pepe Escobar

source : The Cradle

traduction Réseau International

 

La Russie et la Chine ont le vent en poupe

Source : RzO International - Le 28/12/2023.

par Pepe Escobar

"Pendant que les chiens de guerre aboient, mentent et volent, la caravane Russie-Chine passe"

L’année 2023 pourrait être définie pour la postérité comme l’année du partenariat stratégique Russie-Chine. Cette merveille des merveilles pourrait facilement se balancer sous le groove de – qui d’autre – Stevie Wonder : «Here I am baby/ signed, sealed, delivered, I’m yours».

Au cours des 11 premiers mois de 2023, les échanges commerciaux entre la Russie et la Chine ont dépassé les 200 milliards de dollars ; ils ne s’attendaient pas à atteindre ce chiffre avant 2024.

Voilà ce qu’est un partenariat sous le signe de l’innovation. Une fois de plus signé, scellé et livré lors de la visite d’une importante délégation à Pékin la semaine dernière, dirigée par le Premier ministre Mikhaïl Michoustine, qui a rencontré le président chinois Xi Jinping et a revisité et amélioré l’ensemble du spectre du partenariat global/de la coopération stratégique, complété par un ensemble de nouveaux projets conjoints majeurs.

Simultanément, sur le front du Grand Jeu 2.0, tout ce qui doit être réaffirmé a été abordé dans l’interview détaillée du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à Dimitri Simes dans son émission «Grand Jeu».

Ajoutez à cela le découpage soigneusement structuré rédigé par le chef du SVR Sergueï Narychkine, définissant 2024 comme «l’année du réveil géopolitique», et aboutissant sans doute à la formulation clé suite à la prochaine humiliation cosmique de l’OTAN dans les steppes du Donbass : «En 2024, le monde arabe restera l’espace principal dans la lutte pour l’établissement d’un Nouvel Ordre».

Face à une mise au point géopolitique aussi détaillée, il n’est pas étonnant que la réaction impériale ait été l’apoplexie – révélée de manière épidermique dans de longues et tortueuses «analyses» tentant d’expliquer pourquoi le président Poutine s’est avéré être le «vainqueur géopolitique» de 2023, séduisant de vastes pans du monde arabe et du Sud mondial, solidifiant les BRICS aux côtés de la Chine, et propulsant l’UE plus loin dans un vide noir qu’elle a elle-même – et que l’Hégémon a – créé.

Poutine s’est même permis, à moitié en plaisantant, d’offrir le soutien de la Russie à la «ré-annexion» potentielle des régions frontalières du pays 404 autrefois annexées par Staline, qui seraient éventuellement restituées à leurs anciens propriétaires, la Pologne, la Hongrie et la Roumanie. Il a ajouté qu’il était certain à 100% que c’était ce que voulaient les habitants de ces régions encore frontalières de l’Ukraine.

Si tel était le cas, la Transcarpatie reviendrait à la Hongrie, la Galicie et la Volyn à la Pologne et la Bucovine à la Roumanie. Sentez-vous déjà la maison osciller à l’aube à Budapest, Varsovie et Bucarest ?

Il est également possible que l’Hégémon ordonne aux petits voyous de l’OTAN de harceler les pétroliers russes dans la mer Baltique et d’«isoler» Saint-Pétersbourg. Il va sans dire que la réponse russe consisterait à détruire les centres de commandement et de contrôle (le piratage pourrait suffire), à brûler l’électronique dans tout le spectre et à bloquer la Baltique à l’entrée en organisant un exercice de «liberté de navigation» pour que tout le monde se familiarise avec le nouveau sillon.

La symbiose Chine-Russie en Extrême-Orient

L’une des caractéristiques les plus impressionnantes du partenariat élargi entre la Russie et la Chine est ce qui est prévu pour la province chinoise du Heilongjiang, dans le nord-est du pays.

L’idée est d’en faire un méga-pôle économique, de développement scientifique et de défense nationale, centré sur la capitale provinciale Harbin et doté d’une nouvelle zone économique spéciale (ZES) tentaculaire.

Le vecteur clé est que ce méga-pôle coordonnerait également le développement de l’immense Extrême-Orient russe. Ce point a été discuté en détail lors du Forum économique oriental qui s’est tenu à Vladivostok en septembre dernier.

Dans le cadre d’un accord unique et surprenant, les Chinois pourraient être autorisés à gérer certaines latitudes de l’Extrême-Orient russe pendant les 100 prochaines années.

Comme l’a expliqué l’analyste Thomas Polin, basé à Hong Kong, Pékin prévoit un budget de pas moins de 10 000 milliards de yuans (1400 milliards de dollars) pour l’ensemble de l’opération. La moitié de cette somme serait absorbée par Harbin. Le plan directeur sera soumis au Congrès national du peuple en mars prochain et devrait être approuvé. Il a déjà été approuvé par la chambre basse de la Douma à Moscou.

Les ramifications sont stupéfiantes. Harbin serait élevée au rang de ville à administration directe, tout comme Pékin, Shanghai, Tianjin et Chongqing. Et surtout, un comité de gestion sino-russe sera créé à Harbin pour superviser l’ensemble du projet.

Les universités chinoises de haut niveau – notamment l’université de Pékin – transféreront leur campus principal à Harbin. Les universités de la Défense nationale et de la Technologie de la Défense nationale fusionneront avec l’université d’ingénierie de Harbin pour former une nouvelle entité axée sur les industries de défense. Les instituts de recherche et les entreprises de haute technologie de Pékin, Shanghai et Shenzhen déménageraient également à Harbin.

La Banque populaire de Chine établirait son siège pour le nord de la Chine à Harbin, avec des marchés pour la négociation d’actions et de contrats à terme sur les matières premières.

Les résidents du Heilongjiang seraient autorisés à se rendre sans visa dans certaines régions de l’Extrême-Orient russe. La nouvelle ZES de Heilongjiang disposerait de sa propre zone douanière et ne serait pas soumise à des taxes à l’importation.

C’est le même esprit qui anime les corridors de connectivité de la BRI et le corridor international de transport nord-sud (INSTC). La logique sous-jacente est celle d’une plus grande intégration de l’Eurasie.

Lors de la récente réunion du club Astana au Kazakhstan, le chercheur Damjan Krnjevic-Miskovic, directeur de la recherche politique à l’université ADA de Bakou, a fait un excellent exposé sur les corridors de connectivité.

Il a notamment évoqué la réunion du C5+1 (cinq «stans» d’Asie centrale plus la Chine) qui s’est tenue il y a trois mois à Douchanbé et à laquelle a participé le président azerbaïdjanais Aliyev : il s’agit de l’intégration Asie centrale-Caucase.

Miskovic accorde l’attention nécessaire à tout ce qui se passe dans ce qu’il définit, à juste titre, comme «la région de la route de la soie» – reliant l’Euro-Atlantique à l’Asie-Pacifique et interconnectant le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Eurasie au sens large.

Stratégiquement, bien sûr, c’est la «charnière géopolitique où l’OTAN rencontre l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), et où l’Initiative ceinture et route (BRI) se connecte à la Turquie et au territoire de l’UE». Concrètement, la Russie et la Chine savent exactement ce qu’il faut faire pour propulser la connectivité économique et les «relations synergiques» à travers ce vaste spectre.

La guerre des corridors économiques s’intensifie

La fragmentation de l’économie mondiale polarise déjà les BRICS 10 en pleine expansion (à partir du 1er janvier, sous la présidence russe, et sans l’Argentine qui flirte avec la dollarisation) et le G7 en perte de vitesse.

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Andrey Rudenko – une main clé de l’Asie -, s’adressant à TASS, a une fois de plus réaffirmé que l’impulsion clé du Partenariat pour la Grande Eurasie (politique officielle de la Russie) est de connecter l’Union économique eurasiatique (UEEA) avec la BRI.

Alors que la Russie développe un équilibre soigneusement calibré entre la Chine et l’Inde, la même volonté s’applique au développement de l’INSTC, dont les principaux partenaires sont la Russie, l’Iran et l’Inde, l’Azerbaïdjan étant également appelé à devenir un acteur crucial.

À cela s’ajoute l’amélioration considérable des liens de la Russie avec la Corée du Nord, la Mongolie, le Pakistan (membre de la BRI et de l’OCS) et l’ANASE (à l’exception de Singapour, occidentalisée).

La BRI a le vent en poupe. Je viens de passer trois semaines à Moscou, Astana et Almaty, et j’ai pu confirmer auprès de plusieurs sources que les trains de tous les corridors de connectivité sont pleins à craquer : via le Transsibérien, via Astana jusqu’à Minsk et via Almaty jusqu’en Ouzbékistan.

La responsable du programme du Conseil russe des affaires internationales, Yulia Melnikova, ajoute que «Moscou peut et doit s’intégrer plus activement dans les opérations de transit le long de l’itinéraire Chine-Mongolie-Russie» et accélérer l’harmonisation des normes entre l’UEEA et la Chine. Sans oublier d’investir davantage dans la coopération Russie-Chine dans l’Arctique.

Lors d’une réunion des chemins de fer russes, le président Poutine a dévoilé un plan ambitieux et massif d’expansion des infrastructures sur dix ans, comprenant de nouvelles voies ferrées et une meilleure connectivité avec l’Asie, du Pacifique à l’Arctique.

L’économie russe s’est définitivement tournée vers l’Asie, responsable de 70% du chiffre d’affaires commercial malgré la démence des sanctions occidentales.

La modernisation du Transsibérien, la création d’une grande plate-forme logistique dans l’Oural et en Sibérie, l’amélioration des infrastructures portuaires en mer d’Azov, en mer Noire et en mer Caspienne, ainsi que l’accélération du transit des marchandises par l’INSTC entre Mourmansk et Mumbai sont autant d’éléments qui figurent au menu de l’avenir.

Poutine, une fois de plus, presque après coup, a récemment fait remarquer que le commerce par le canal de Suez ne pouvait plus être considéré comme efficace, comparé à la route maritime du Nord de la Russie. D’un seul geste géopolitique, Ansarullah, au Yémen, l’a mis en évidence, au vu et au su de tous.

Le développement par la Russie de la route maritime du Nord se trouve être en totale synergie avec la volonté chinoise de développer le volet arctique de la BRI. En ce qui concerne le pétrole, les expéditions russes vers la Chine via la côte arctique ne prennent que 35 jours, soit 10 jours de moins que via Suez.

Danila Krylov, chercheur au département du Moyen-Orient et de l’Asie post-soviétique de l’Institut d’information scientifique sur les sciences sociales de l’Académie des sciences de Russie, propose un point de vue direct :

«Je considère que le fait que les Américains s’impliquent au Yémen fait partie d’un grand jeu ; il ne s’agit pas seulement de punir les Houthis ou l’Iran, mais plutôt d’empêcher la monopolisation du marché et d’entraver les exportations chinoises vers l’Europe. Les Américains ont besoin d’un canal de Suez opérationnel et d’un corridor entre l’Inde et l’Europe, alors que les Chinois n’en veulent pas car ce sont deux concurrents directs».

Ce n’est pas que les Chinois n’en veulent pas : avec la Route maritime du Nord opérationnelle, ils n’en ont pas besoin.

Maintenant, on ne bouge plus !

En résumé : dans la guerre des corridors économiques, toujours plus houleuse, l’initiative revient à la Russie et à la Chine.

En désespoir de cause, les vassaux européens de l’hégémon, qui ne sont rien d’autre qu’une victime sans tête et sans option dans la guerre des corridors économiques, se replient sur le manuel «Suivez l’argent».

Le ministère des Affaires étrangères a qualifié de vol pur et simple le gel des avoirs russes – non seulement privés, mais aussi appartenant à l’État – par l’UE. Aujourd’hui, le ministre des Finances russe, Anton Siluanov, indique très clairement que Moscou réagira de manière symétrique à l’utilisation éventuelle des revenus de ces avoirs russes gelés.

Paraphrasant Lavrov : vous confisquez, nous confisquons. Nous confisquons tous.

Les répercussions seront cataclysmiques – pour l’hégémon. Aucun pays du Sud mondial, en dehors de l’OTAN, ne sera «encouragé» à placer ses devises/réserves à l’Ouest. Cela pourrait conduire, en un clin d’œil, l’ensemble du Sud mondial à abandonner le système financier international dirigé par les États-Unis et à rejoindre une alternative dirigée par la Russie et la Chine.

Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine, concurrent de ses pairs, remet déjà directement en question l’«ordre international fondé sur des règles» sur tous les fronts – en améliorant leurs sphères d’influence historiques tout en développant activement de vastes couloirs de connectivité interconnectés qui contournent cet «ordre». Cela exclut, dans la mesure du possible, une guerre chaude directe avec l’hégémon.

Ou, pour le dire en termes de route de la soie, pendant que les chiens de guerre aboient, mentent et volent, la caravane Russie-Chine passe.

Pepe Escobar

source : Strategic Culture Foundation

traduction Réseau International

 

Les Houthis tiennent Biden par les cheveux

Source : RzO International - Le 24/12/2023.
  1. par Mike Whitney

«Le Yémen a déclaré qu’il mettrait fin au blocus des navires à destination d’Israël dès que des quantités suffisantes de nourriture, d’eau et de médicaments seraient autorisées à entrer dans la bande de Gaza. Je suppose que c’est trop demander». (Elizabeth Murray)

La milice houthie du Yémen a montré qu’une petite armée peut affronter l’empire américain et gagner. Elle a montré comment le courage, la détermination et l’attachement aux principes peuvent agir comme un multiplicateur de force permettant à une armée beaucoup plus faible de «frapper plus fort que son poids». Ils ont également montré que quelques missiles bien placés dans des endroits clés sur les voies maritimes les plus critiques du monde peuvent faire trembler l’économie mondiale et ébranler l’«ordre fondé sur des règles» jusque dans ses fondements. En bref, les Houthis ont montré que David peut abattre Goliath sans transpirer, à condition que David conserve son perchoir le long du détroit de Bab-el-Mandeb.

Voici ce qui se passe : Les Houthis occupent une zone située le long de la partie la plus étroite de la mer Rouge, qui constitue le couloir de navigation le plus important au monde. Il est «responsable de 12% du commerce international et de près d’un tiers du trafic mondial de conteneurs». Lorsque la circulation des navires est perturbée le long de cette voie navigable, les primes d’assurance montent en flèche, les prix des marchandises au détail augmentent et les prix du pétrole s’envolent. C’est pourquoi les puissances occidentales se sont engagées à maintenir ces voies maritimes ouvertes en permanence, quel qu’en soit le coût. Voici quelques éléments d’information fournis par CNN :

«Les rebelles houthis du Yémen, soutenus par l’Iran, intensifient leurs attaques contre les navires en mer Rouge, qu’ils présentent comme une vengeance contre Israël pour sa campagne militaire à Gaza.

Ces attaques ont contraint certaines des plus grandes compagnies maritimes et pétrolières du monde à suspendre le transit par l’une des routes commerciales maritimes les plus importantes du monde, ce qui pourrait provoquer un choc pour l’économie mondiale.

Les Houthis auraient été armés et entraînés par l’Iran, et l’on craint que leurs attaques ne transforment la guerre d’Israël contre le Hamas en un conflit régional plus vaste».1

À l’heure actuelle, ces voies maritimes sont effectivement fermées en raison des attaques des Houthis contre les navires à destination d’Israël. Cela a pour effet de ralentir le trafic global. Si la situation actuelle persiste ou s’aggrave, l’impact sur l’économie mondiale pourrait être catastrophique.

Aujourd’hui, sur UK Column News (13 heures, heure britannique), je ferai le point sur le Yémen et sur la manière dont Ansarullah est déjà en train de gagner la guerre contre la coalition mondiale dirigée par les États-Unis, vouée à l’échec dans le «cimetière des envahisseurs» qu’est le Yémen.

Voici ce que dit le Washington Post :

«Lundi, le géant pétrolier BP a été la dernière entreprise en date à annoncer qu’elle interrompait ses expéditions par la mer Rouge. Plusieurs compagnies maritimes, notamment MSC, Maersk, Euronav et le groupe Evergreen, ont déclaré qu’elles évitaient également le canal de Suez, car les militants ciblent les cargos.

Environ 10 % de l’ensemble du commerce maritime de pétrole passe par la mer Rouge, qui est reliée à la mer Méditerranée par le canal de Suez. Sans accès à la route de la mer Rouge, de nombreux navires devront emprunter le trajet beaucoup plus long et coûteux autour de l’Afrique pour atteindre leurs destinations. (…)

Il a exhorté «la communauté mondiale à poursuivre tous les efforts diplomatiques possibles pour soutenir la sécurité et la sûreté de la navigation dans cette région vitale pour le commerce international».2

Il convient de noter que les Houthis ont déclaré à plusieurs reprises que les navires qui ne se rendent PAS dans les ports israéliens ne seront pas attaqués. Mais cela n’a pas empêché toutes les grandes compagnies maritimes de détourner leurs navires de la mer Rouge vers le cap de Bonne-Espérance. Cet itinéraire alternatif ajoute des semaines au temps de navigation, ce qui oblige les transporteurs à augmenter les prix de leurs cargaisons et à ajuster leurs horaires.

Conclusion : L’action des Houthis va encore renforcer l’inflation dans les pays occidentaux, entraînant leurs économies dans une chute brutale et prolongée.

Il est surprenant de constater que les Houthis n’ont rien à gagner de leurs efforts. En fait, ils s’exposent à de grands risques (de représailles de la part des États-Unis) afin de faire pression sur Israël pour qu’il cesse ses bombardements incessants de la bande de Gaza et permette au peuple palestinien affamé d’avoir accès à de la nourriture, de l’eau et des fournitures médicales. Les Houthis devraient probablement être applaudis pour leur compassion désintéressée et leur humanité, mais Washington ne voit pas les choses de cette manière. Ils ne considèrent pas l’action des Houthis comme louable, vertueuse ou juste. Ils y voient un défi à la primauté américaine. Ils y voient une menace pour leur hégémonie régionale et leur leadership mondial. Ils y voient une ingérence dans leur politique à l’égard de Gaza, dans laquelle Israël a reçu carte blanche pour tuer et mutiler autant de Palestiniens qu’il le juge nécessaire afin d’atteindre son propre objectif stratégique, à savoir le Grand Israël. Nous sommes donc en présence d’une force inarrêtable et d’un objet inamovible. Nous avons deux points de vue opposés, et aucun moyen de résoudre leurs différences sans une confrontation militaire directe. Cela signifie qu’il y aura des problèmes dans un avenir très proche.

Les Houthis yéménites ont préparé des MINES NAVALES pour les navires américains et israéliens.

C’est pourquoi, lundi dernier, le secrétaire à la Défense Lloyd Austin a annoncé qu’il avait réuni une coalition maritime de dix membres qui patrouillerait les voies navigables de la mer Rouge et défendrait la «liberté de navigation» dans cette zone. (Les membres de la coalition sont notamment : Grande-Bretagne, Bahreïn, Canada, France, Italie, Pays-Bas, Norvège, Seychelles et Espagne).

Une personne raisonnable pourrait se demander pourquoi Austin mettrait sur pied une autre coalition militaire de fortune – dont les objectifs stratégiques sont loin d’être clairs – au lieu de contacter d’abord les dirigeants houthis pour voir s’il est possible de trouver un accord et d’éviter une confrontation. Mais ceux qui ont suivi la politique étrangère américaine au cours des 30 dernières années savent que les États-Unis ne négocient pas avec les personnes ou les pays qu’ils considèrent comme leurs inférieurs. Cette option a donc été rapidement écartée. Au lieu de cela, les États-Unis ont décidé de poursuivre leur approche traditionnelle des crises émergentes, qui implique une bonne dose de rhétorique incendiaire suivie d’un coup de marteau militaire. Et il semble que ce soit la direction que prennent les choses aujourd’hui. Voici un extrait d’un article de John Helmer :

«lundi, le journal moscovite Vedomosti a rapporté que les experts russes s’attendent à ce que «très probablement, les Américains lancent des attaques au missile et à la bombe sur les centres de commandement et les dépôts militaires des Houthis, ou que des frappes ciblées des forces spéciales suivent afin d’éliminer les commandants du mouvement. L’opération sera à peu près comparable aux actions des alliés occidentaux en Syrie ou en Irak». Le journal affirme que, selon sa source, «les forces militaires de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pourraient participer à l’opération – leurs forces armées et leurs mandataires mènent une guerre léthargique contre les alliés de l’Iran au Yémen depuis 2015».3

Et des publications respectées dans les médias occidentaux appellent également à une guerre contre les Houthis. Ceci est tiré du World Socialist Web Site :

«Pendant ce temps, les médias américains s’agitent pour que l’administration Biden cible à la fois le Yémen et l’Iran. Dans un éditorial, le Wall Street Journal écrit : «La presse rapporte que l’administration Biden envisage l’utilisation de la force militaire en réponse aux attaques incessantes de la milice houthie au Yémen contre la navigation commerciale. Il était temps. Les attaques de missiles des Houthis constituent la menace la plus importante pour le transport maritime mondial depuis des décennies, et elles se poursuivront à moins qu’une coalition mondiale ne s’unisse pour les arrêter».

Le Journal poursuit : «La question est de savoir si les États-Unis et les autres marines occidentales vont se contenter de jouer la défense et d’attraper les missiles alors que les Houthis fixent les termes de la bataille. Tôt ou tard, un missile houthi peut passer les défenses navales américaines et tuer des marins américains. La Maison-Blanche n’aura alors d’autre choix que de riposter». Le Journal exige que les États-Unis montent en puissance contre l’Iran, déclarant : «Finalement, les dirigeants iraniens doivent savoir que leurs agents – militaires et nucléaires – sont en danger s’ils continuent à fomenter des troubles, à attaquer les alliés des États-Unis et à cibler les bases ou les navires américains»».4

Carte des positions actuelles de l’USN dans la région FYI

Il y a donc bien un élément au sein de l’establishment de la politique étrangère qui soutient l’idée d’une guerre contre le Yémen. Nous nous attendons à ce que cette «ruée vers la guerre» prenne de l’ampleur dans les semaines à venir, à mesure que d’autres navires seront détournés vers l’Afrique et que les hostilités continueront de s’intensifier. Mais rien n’indique que les Houthis vont bientôt assouplir leurs exigences ou abandonner la cause palestinienne. Au contraire, ils semblent plus déterminés que jamais, comme en témoigne cette citation de Muhammad al-Bukhaiti, membre du Conseil des Houthis :

«Même si les États-Unis parviennent à mobiliser le monde entier, nos opérations en mer Rouge ne s’arrêteront pas tant que le massacre à Gaza ne cessera pas. Nous n’abandonnerons pas la responsabilité de défendre les Moustazafeen (opprimés) de la Terre».

Il n’y a pas beaucoup de marge de manœuvre ici. Les Houthis veulent que les violences cessent et que l’aide humanitaire soit distribuée. Et ils sont prêts à entrer en guerre avec les États-Unis pour s’assurer que leurs demandes sont satisfaites. Et personne ne sait mieux que les Houthis ce que cela signifie. Pendant les neuf années de guerre avec l’Arabie saoudite, Washington a fourni les armes et imposé un embargo qui ont entraîné la mort d’environ 377 000 personnes. «Plus de la moitié d’entre elles sont mortes de faim et de maladies causées par le siège».5

Les Houthis savent donc de quelle sauvagerie Washington est capable. Malgré cela, ils ne reculent pas et ne cèdent pas. Il y aura un cessez-le-feu ou il y aura une guerre. C’est à Biden de décider. Mais s’il opte pour la guerre, il doit se rendre compte que ce ne sera pas une partie de plaisir. Oh, non. Les bases américaines, les navires de guerre américains, les champs pétrolifères et les infrastructures saoudiennes seront attaqués. Les prix du pétrole vont grimper en flèche, la navigation commerciale va s’arrêter et les actions mondiales vont s’effondrer. Et pendant ce temps, la Chine et la Russie regarderont de loin pendant que l’Oncle Sam drainera sa dernière once de crédibilité et de puissance dans un trou noir de la péninsule arabique.

Voici comment le chef des Houthis, Abdul-Malik al-Houthi, a résumé la situation :

«Si les États-Unis veulent nous faire la guerre, ils doivent savoir que nous les attendons. Nous voulons une guerre directe entre le Yémen, les États-Unis et Israël. Nous n’avons pas peur des États-Unis et tout le peuple du Yémen se dressera contre eux».

C’est une guerre que les États-Unis peuvent facilement éviter en faisant simplement «ce qu’il faut» et en approuvant un cessez-le-feu dès maintenant. Cela permettrait de mettre rapidement fin aux atrocités commises par Israël et de faire cesser les attaques contre la navigation commerciale. C’est une solution que nous pouvons tous accepter.

source : The Unz Review

traduction Réseau International

L’opération Prosperity Guardian en mer Rouge est un fiasco mondial

Source : RzO International - Le 24/12/2023.

C’était un piège que d’accepter de déployer des navires de guerre en mer Rouge. C’était peut-être l’escalade de trop, un attentat sous faux drapeau aurait pu plonger le monde dans la troisième guerre mondiale. Les militaires ont observé la situation et ont donné une préférence nationale pour la flotte maritime commerciale au lieu de jouer aux policiers aux ordres de Washington.

Geopolintel

*

La marine française escorte les navires de CMA CGM tandis que les navires américains restent bloqués

par John Konrad

La France a accepté de rester, mais à condition de ne pas avoir à suivre les ordres des Américains. Elle a refusé de s’exprimer sur le déploiement de forces navales supplémentaires. L’Espagne et l’Italie ont quitté les lieux.

L’opération Prosperity Guardian, la mission essentielle menée par les États-Unis pour sécuriser les voies de navigation marchande vitales en mer Rouge, est confrontée à un nouveau revers. Les récents rapports de gCaptain mettent en évidence une tendance préoccupante : L’absence flagrante d’alliés clés, notamment l’Australie, membre d’AUKUS, dans le cadre de cette initiative internationale. Pour aggraver la situation, la marine française, pierre angulaire de la coalition, a retiré son soutien, peut-être temporairement, pour se concentrer sur l’aide aux navires appartenant à la France. Cette décision décisive intervient alors que les dirigeants américains sont confrontés à des critiques de plus en plus vives de la part des armateurs américains pour avoir laissé les marins américains dangereusement exposés à la portée des forces houthies, sans protection.

Pour être clair, il n’est pas certain que le retrait français de l’opération Prosperity Guardian soit permanent ou qu’il s’agisse simplement d’une réorientation temporaire des priorités vers les intérêts nationaux.

gCaptain a reçu des informations, confirmées par le Dr. Sal Mercogliano, selon lesquelles la marine française s’est détournée de l’opération Prosperity Guardian menée par les États-Unis, après qu’un représentant ait quitté en trombe la première réunion de l’opération avec des responsables américains. Les Français ont commencé à escorter leurs propres cargos, notamment les porte-conteneurs CMA CGM Pegasus, CMA CGM George Washington et APL Salalah, en mer Rouge. Au cœur de ce drame, une question cruciale se pose : Quels sont les navires qui méritent d’être protégés ? Alors que les Français ont clairement montré leur intention de donner la priorité à leurs propres intérêts maritimes, l’approche des États-Unis a laissé leurs propres navires battant pavillon américain bloqués dans la région, qui attendent d’être escortés, certains depuis une semaine entière.

On ne sait toujours pas si la France se retirera de la coalition ou si elle continuera à apporter son aide après avoir donné la priorité à ses navires, tout en restant membre de l’opération. Une source proche de la marine française a déclaré que d’autres armateurs européens pourraient bénéficier de l’aide française après avoir sécurisé en priorité les navires appartenant à la France (mais battant pour la plupart pavillon étranger).

Cette évolution marque un changement important dans la dynamique géopolitique de la sécurité maritime dans l’une des voies maritimes les plus vitales du monde. La décision française souligne la crise croissante du transport maritime, qui place les priorités nationales et régionales au-dessus des besoins mondiaux, tandis que les États-Unis se concentrent sur la protection de l’ensemble du transport maritime – y compris les navires appartenant à des rivaux comme la Chine – au détriment de la flotte de navires marchands battant pavillon américain, qui est en train de s’amenuiser.

L’opération «Prosperity Guardian» est un échec dès le premier jour

L’annonce par le secrétaire à la Défense Lloyd Austin de l’opération Prosperity Guardian, visant à sauvegarder le corridor stratégique de la mer Rouge sous l’égide des forces maritimes combinées à Bahreïn, a d’abord été le signe d’un effort d’unification. Dirigée par la Cinquième flotte américaine et la Task Force 153, l’opération visait à obtenir une large participation. Or, seuls dix pays se sont engagés, des alliés comme le Canada et les Pays-Bas ne fournissant que quelques officiers d’état-major. Plus important encore, des alliés navals clés comme l’Australie, le Japon et la Corée du Sud se sont abstenus. Bien que le Pentagone ait annoncé la participation de dix partenaires silencieux supplémentaires, les experts en transport maritime sont restés sceptiques quant à l’efficacité de ces contributeurs clandestins, en particulier pour ce qui est de la protection active des navires dans un environnement aux enjeux aussi importants.

L’annonce fracassante a toutefois été suivie d’une certaine confusion, les compagnies maritimes se sentant laissées dans l’ignorance, car on ne connaît que peu de détails pratiques sur l’initiative lancée mardi par Washington et on ne sait pas si elle sera directement engagée en cas de nouvelles attaques armées en mer.

Les sources de gCaptain ont révélé un sentiment de confusion omniprésent, qui affecte non seulement les responsables européens du transport maritime, mais aussi les armateurs américains qui ont accès aux réunions d’information confidentielles du Pentagone. Lors des entretiens menés par gCaptain, des sources au sein de l’armée américaine ont mis en évidence une réponse désordonnée à la crise. Alors que certains éléments militaires, tels que le commandement américain des transports (TRANSCOM) et la coopération navale et les orientations en matière de transport maritime (NCAGS) de la marine, se sont activement engagés auprès des armateurs, d’autres segments de l’armée semblent incertains quant à la structure de commandement de l’opération. Ce manque de clarté sur les rôles des dirigeants contribue à la confusion générale qui entoure l’initiative.

D’autres alliés, qui se concentrent sur les menaces importantes dans le Pacifique et en mer de Chine méridionale, craignent que l’opération Prosperity Guardian ne détourne l’attention des grandes priorités régionales. Le Japon et la Corée du Sud, qui ont régulièrement participé aux précédentes opérations de lutte contre la piraterie menées par les États-Unis dans la région, se distinguent également par leur absence de la mission actuelle, malgré les perturbations du transport maritime qui affectent également les voies d’importation et d’exportation asiatiques.

Les navires battant pavillon américain laissés sans protection

La situation précaire des navires battant pavillon américain, bloqués avec des cargaisons militaires près de la mer Rouge, est au cœur de l’angoisse de la coalition. Les Français veulent donner la priorité à leurs navires, tandis que les navires battant pavillon américain – que l’US Navy est tenue de défendre – sont inexplicablement moins prioritaires pour les États-Unis.

Cette question urgente, mise en lumière par la récente attaque à la roquette d’un pétrolier battant pavillon américain en Israël, met en évidence la vulnérabilité de ces navires en raison de l’absence alarmante d’une protection militaire adéquate. Cette situation critique menace non seulement la sécurité de ces navires, mais soulève également de profondes questions quant à la détermination des États-Unis à sauvegarder leurs actifs maritimes, un engagement qui semble dangereusement vaciller.

Selon MarineTraffic.com, plusieurs navires battant pavillon américain attendent actuellement d’être escortés en mer Rouge. Cette situation est choquante si l’on considère que plus de 3000 marins du corps des Marines et de la marine nationale ont été envoyés pour défendre des navires battant pavillon étranger dans le golfe Persique au début de l’année, mais qu’aucun détachement de sécurité n’a été fourni aux navires battant pavillon américain qui se trouvent aujourd’hui à portée de tir des missiles des Houthis.

Le scénario actuel est exacerbé par le manque d’attention de nos dirigeants, en particulier du secrétaire d’État Pete Buttigieg, qui n’a fait aucune déclaration en faveur des marins marchands américains dont il a la charge et qui semble totalement déconnecté de la situation en mer Rouge. Il est de la plus haute importance que cette situation soit traitée avec le sérieux qu’elle mérite.

Les échecs de la Maison-Blanche

Il ressort clairement de nos sources que l’US Navy, les experts navals, et l’US Maritime Administration (MARAD) du ministère des Transports, les experts maritimes, ne dirigent pas cette opération, ce qui est déroutant. La question est de savoir qui le fait. Aucune de nos sources ne peut répondre à cette question avec certitude. Le bureau du secrétaire à la défense a été le plus virulent et joue certainement un rôle, mais deux experts navals de haut niveau interrogés par gCaptain pensent que c’est la Maison Blanche qui dirige peut-être l’opération.

C’est inquiétant car la gestion des affaires maritimes, en particulier sous l’égide de l’équipe de Jake Sullivan, ne dispose pas de l’expertise maritime nécessaire pour résoudre ce problème. Cette situation découle d’un changement stratégique qui a vu la Maison-Blanche jouer un rôle direct dans les initiatives de formation de coalitions, avec une participation minimale des organismes maritimes spécialisés tels que l’US Navy ou la MARAD, et des organismes internationaux tels que l’Organisation maritime internationale.

Dès le départ, l’approche de l’administration Biden en matière d’affaires maritimes a laissé entrevoir un changement. La fermeture du bureau maritime du Conseil national de sécurité dès le premier jour a laissé un vide notable en matière d’expertise maritime au sein de la Maison-Blanche. La nomination du secrétaire d’État Pete Buttigieg au ministère des Transports, perçue par certains comme une décision politique, et l’affectation à la MARAD d’un amiral à la retraite depuis longtemps, qui s’intéressait avant sa nomination à la résilience climatique et n’avait aucune expérience du secteur maritime, ont indiqué une nouvelle orientation de la politique maritime.

Cette transition contraste avec l’approche de l’administration précédente. Sous la présidence de Trump, des experts maritimes et navals ont occupé des postes clés, trois anciens armateurs ayant été nommés au sein de son cabinet. Bien que nombre de leurs initiatives maritimes aient échoué ou aient été annulées lorsque l’administration a commencé à s’effilocher, ils ont obtenu des succès notables, notamment la revitalisation du chantier naval de Philadelphie et la construction de nouveaux navires de formation pour les écoles maritimes.

Sous la présidence de Biden, le personnel semble manquer de connaissances spécifiques au secteur maritime. En outre, la nomination d’un général de l’armée de terre à la retraite au poste de secrétaire à la défense, associée à ce que certains considèrent comme des actions limitées pour soutenir la marine, indique une tendance plus large selon laquelle les questions maritimes reçoivent moins d’attention dans la stratégie de défense et de sécurité nationale de l’administration actuelle.

Chaos et confusion

Il a été très difficile d’aller au cœur de cette histoire en raison des échecs des dirigeants, de la nature confidentielle des discussions navales et de la confusion généralisée parmi les alliés et les dirigeants de l’industrie du transport maritime concernant l’opération Prosperity Guardian.

La France va-t-elle se retirer officiellement et organiser sa propre opération ? Le secrétaire d’État Pete Buttigieg prendra-t-il les choses en main ? La Maison-Blanche rouvrira-t-elle le bureau maritime du Conseil national de sécurité ? L’US Navy tiendra-t-elle sa promesse d’embarquer des marines à bord des navires battant pavillon américain et de leur fournir des escortes de destroyers ? Combien de temps faudra-t-il pour résoudre tous ces problèmes ?

De nombreuses questions se posent quant à l’avenir de l’opération. Ce qui ressort, c’est le besoin pressant d’un leader unique et expérimenté pour superviser efficacement la communication et la coordination. Ce rôle doit être assumé par une personnalité connue du secteur du transport maritime, comme l’amiral James Stavridis, qui a géré avec brio la réponse à la piraterie en Somalie, ou l’amiral Thad Allen, connu pour ses efforts de coordination lors de la crise de Deepwater Horizon. Un leadership exemplaire comme le leur inspirerait confiance et soulignerait l’importance d’un encadrement expérimenté pour relever efficacement les défis actuels.

Le manque de leadership doit également être comblé de l’autre côté de l’Atlantique. Si l’opération se poursuit sous direction américaine, il est essentiel que les dirigeants des grandes compagnies maritimes, tels que Vincent Clerc de Maersk, s’engagent directement auprès des principaux responsables américains. Des réunions à Washington D.C. avec les secrétaires à la marine et aux transports constitueraient une étape décisive. Une telle collaboration enverrait un message retentissant aux marins qui naviguent dans les eaux précaires menacées par les drones houthis. Elle montrerait un front uni où l’industrie du transport maritime, les autorités gouvernementales et les dirigeants de la marine synchroniseraient leurs efforts pour garantir des mers plus sûres. Plus qu’une décision stratégique, il s’agit d’une mesure nécessaire pour renforcer la confiance et la sécurité dans ces zones à haut risque.

Le chaos et la confusion qui règnent actuellement persisteront tant que deux mesures essentielles n’auront pas été prises.

- Premièrement, il faut remédier efficacement au manque de leadership actuel.

- Deuxièmement, il est essentiel que la Maison-Blanche et le Pentagone cessent de microgérer les actions sans faire appel à l’expertise de l’industrie en interne.

L’expertise et la perspicacité de ces professionnels sont indispensables pour naviguer dans la complexité de la situation. Cette approche collaborative – avec un responsable fort en qui les deux parties ont confiance – apportera non seulement la stabilité nécessaire, mais pourrait également ouvrir la voie à une collaboration future.

source : gCaptain via Geopolintel

Des navires de guerre chinois, iraniens et indiens sont désormais en mer Rouge/golfe d’Aden

Source : RzO International - Le 24/12/2023.

par John Helmer

Un blog militaire russe publié jeudi 21 décembre à 11h33, heure de Moscou, a révélé les positions jusqu’ici secrètes de tous les navires de guerre dans la zone annoncée par le Pentagone pour son OPERATION PROSPERITY GUARDIAN.

Les données récentes et la carte ouverte (ci-dessous) n’étaient pas disponibles hier à 09h32, heure de Moscou, sur la stratégie «à deux voies» de la Russie pour s’opposer aux États-Unis et à l’OTAN, et pour protéger les expéditions de pétrole russes tandis que le drone houthi et des opérations de missiles sont en cours contre Israël.  

Aucun navire de la marine russe ne se trouve actuellement dans la zone, bien que des cargaisons de pétrole brut russe transitent par la mer Rouge avec l’accord de l’Iran et des Houthis. Parce que ces mouvements de navires défient les sanctions américaines et de l’OTAN, il a été décidé à Moscou de négocier un passage sûr avec l’Iran et le Yémen plutôt que de déployer la marine russe pour les protéger. Cependant, la nouvelle opération combinée des États-Unis et de l’OTAN, ciblant les Houthis et leurs systèmes de soutien et d’approvisionnement iraniens, augmente la possibilité d’une attaque directe américaine, alliée ou sous fausse bannière contre un pétrolier transportant du pétrole russe. 

Dans le rapport d’hier matin, j’ai indiqué que «la localisation actuelle du groupe de navires de guerre [chinois] n’a pas été rapportée dans la presse ouverte».

La carte source russe rapporte désormais que la 45e force opérationnelle d’escorte de la marine chinoise, comprenant le destroyer de type 052 Urumqi, la frégate de type 547 Linyi et le navire de ravitaillement Dongpinghu, était à quai à la base chinoise de Djibouti le mercredi 20 décembre.

La carte russe révèle également que le navire iranien MV Behshad se trouve en position debout dans la mer Rouge (image principale, en haut à gauche de la carte). Selon la source russe, il fonctionne comme un centre de surveillance électronique, de commandement et de contrôle pour surveiller les mouvements des navires des États amis – russes, chinois, indiens – ainsi que les navires hostiles des marines américaine, britannique et française, en suivant leurs positions ; et transmettre les données à l’Iran et probablement aux positions côtières au YémenBien que les médias américains et les déclarations du Pentagone accusent le gouvernement d’Ansar Allah au Yémen et les forces Houthis d’agir comme des mandataires iraniens dans la guerre contre Israël, aucune information n’a été publiée jusqu’à présent sur ce navire en mer Rouge.

Selon le service occidental de suivi des navires VesselFinder, le Behshad est un «cargo général» battant pavillon iranien. Il aurait quitté le port du complexe iranien de construction navale et d’industries offshore (ISOICO) pour atteindre sa position actuelle, ce que VesselFinder confirme dans la moitié sud de la mer Rouge il y a quinze minutes. La source occidentale rapporte que le navire est ancré dans 6,5 mètres d’eau. 

Dans l’annonce du Pentagone du 18 décembre, le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin a affirmé que «l’opération Prosperity Guardian rassemble plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, Bahreïn, le Canada, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège, les Seychelles et l’Espagne, pour s’attaquer conjointement défis de sécurité dans le sud de la mer Rouge et dans le golfe d’Aden, dans le but de garantir la liberté de navigation pour tous les pays et de renforcer la sécurité et la prospérité régionales». Les nouveaux renseignements russes indiquent désormais clairement que le Royaume-Uni, la France et l’Espagne sont déjà présents dans la région, aux côtés des États-Unis.

Après la déclaration d’Austin, son homologue italien a annoncé que l’Italie enverrait une frégate «pour protéger la prospérité du commerce et garantir la liberté de navigation et le droit international… pour accroître la présence dans la zone afin de créer les conditions de stabilisation, éviter les catastrophes écologiques et empêcher également une reprise de la poussée inflationniste». 

Le ministre grec de la Défense, Nikos Dendias, a suivi l’Italien en déclarant que la Grèce enverrait également une frégate pour rejoindre l’opération américaine. Dendias affirme que la raison en est que la Grèce est «le pays qui possède la plus grande flotte océanique [et qu’elle] a donc un intérêt primordial à préserver la liberté des zones maritimes et à protéger la vie des gens de mer». Ce qu’il veut dire, c’est que l’implication des armateurs grecs dans le commerce du pétrole russe pour contourner les sanctions a été si rentable que Dendias veut protéger les pétroliers grecs et leurs propriétaires ; et en même temps éviter l’embarras d’être si déloyal envers le régime de sanctions des États-Unis et de l’Union européenne.

Pour l’instant, aucun navire de la marine russe n’est signalé dans la zone de la mer Rouge, bien que des rapports indiquent que le sous-marin Ufa se dirige vers l’est à travers la Méditerranée avec un navire de soutien de surface et devrait bientôt transiter par le canal de Suez et la mer Rouge.

La nouvelle classe Kilo améliorée Ufa à Saint-Pétersbourg après sa mise en service
en novembre 2022. Elle a été affectée à la flotte du Pacifique.

Pour une analyse des opérations, des plans et de la politique russes actuels, cliquez pour lire ceci. Pour l’affichage complet de la carte, y compris le port israélien d’Eilat et les ports et bases navales du golfe Persique, cliquez pour ouvrir pour une vue agrandie.

La présence du destroyer Yang Man-chun de la marine de la République de Corée (ROK)
a été signalée lorsqu’il a quitté son port d’attache en septembre pour une mission de six
mois visant à lutter contre la piraterie et les menaces contre les cargaisons à destination
et en provenance de la Corée. La carte révèle qu’il se trouve actuellement au large des
côtes somaliennes, à proximité de navires des marines indienne, britannique et américaine,
ainsi que du destroyer de la marine japonaise, le JS Akebono.

Ce navire de guerre a été en «entraînement» avec l’USS Mason et l’escadron de porte-avions Eisenhower, mais les Japonais affirment qu’il est engagé dans «des patrouilles de sécurité maritime dans le GoA [Golfe d’Aden], mais n’est pas impliqué dans la nouvelle opération Prosperity Guardian».

Le JS Akebono (arrière) et l’USS Mason opérant ensemble dans le golfe d’Aden le 25 novembre. Sur le plan opérationnel, les communiqués de la marine américaine indiquent que les destroyers japonais et coréens «travaillent en coordination avec le commandement central des forces navales américaines» pour combattre à la fois les pirates somaliens et les opérations des Houthis.

source : Dances with Bears

*

Incroyable… La Marine américaine refuse de déployer ses tout nouveaux navires de combat Littoral au Moyen-Orient de peur des missiles anti-navires houthis

La marine américaine affirme ne pas disposer de suffisamment de navires de guerre pour lancer l’opération Prosperity Guardian contre les Houthis au Yémen.

Selon John Conrad (journaliste maritime), les États-Unis ont construit 24 navires de combat côtiers pour la guerre côtière, mais ils refusent désormais de les déployer.

Les missiles balistiques antinavires et les drones houthis «suscitent l’inquiétude des États-Unis».

Avis éditorial de Hal Turner

Selon Wikipédia, ces navires Littoral COMmbat coûtent entre quatre cent vingt millions et quatre cent quatre-vingts millions de dollars chacun.

Nous en avons construit au moins 24. 

Faites le calcul : 24 x 420 000 000 $ = 10,08 MILLIARDS $… et maintenant, la Marine qui les a achetés – pour la guerre côtière – ne les envoie pas au combat par peur des missiles anti-navires ???

Alors, avons-nous simplement jeté cet argent à la poubelle ? Nous avons des navires que nous ne pouvons pas utiliser… alors qu’est-ce qu’on en fait maintenant ?

Vous savez, vous ne pouvez pas inventer ce genre de choses. Ce niveau de stupidité est incroyable. 

Mais peut-être que ce n’est pas de la stupidité ; c’est peut-être de la corruption ?

Qui a été mouillé par ces 10,08 milliards de dollars ? À qui les pattes ont-elles été graissées ?

Et personne n’a regardé ni posé de questions car les navires étaient en fait construits.

Sauf que maintenant, nous avons peur de les envoyer au combat, et des gars comme moi commencent à se demander pourquoi nous les avons construits, et pourquoi un navire de guerre «moderne» ne peut-il pas se défendre contre les missiles anti-navires des va-nu-pieds houthis. Il est vrai que nos super héros super armés n’ont pas été capables de résister aux gardiens de chèvres afghans.

source : Hal Turner Radio Show

Note :

Le programme Littoral Combat Ship (LCS) est un programme de construction de frégates légères furtives de l’US Navy, duquel sont issues les classes Freedom et Independence. À l’origine, 52 navires devaient entrer en service mais des problèmes de fiabilité et des dépassements de budgets ont entrainé un retrait prématuré du programme, limité à 35 navires, 16 Freedom et 19 Independence. En 2017, un nouveau programme de frégates FFG-X est lancé.

source : La Cause du Peuple

Le spectre de Suez

Source : RzO International - Le 24/12/2023.

par Andrea Marcigliano

Un spectre plane sur les ports de toute l’Europe. Un spectre qui fait perdre le sommeil aux exportateurs, aux armateurs et aux commerçants : la fermeture du canal de Suez.

Ce qui mettrait en crise l’ensemble du commerce méditerranéen. Un véritable tremblement de terre pour l’économie mondiale.

Un précédent célèbre, bien qu’oublié aujourd’hui. En 1956, le raïs égyptien Nasser décrète la nationalisation de Suez, jusqu’alors contrôlé par une société anglo-française, au trafic commercial. Il pouvait le faire, même légalement, puisque le canal appartenait à l’Égypte. Mais la réaction de Londres et de Paris fut une intervention militaire. En soutenant d’abord une offensive israélienne. Puis en intervenant directement. Un conflit de quelques mois, dont on parle peu, mais qui fut sanglant. Et surtout, il changea la carte géopolitique du monde.

C’est Washington, qui avait initialement soutenu l’initiative, qui y a mis fin. En coopération avec Moscou, qui menaçait par ailleurs d’intervenir par tous les moyens aux côtés du Caire.

La crise hongroise était également en cours et le président Eisenhower craignit sagement l’éclatement d’un nouveau conflit mondial.

Les effets de la crise furent considérables. Dévastateurs pour l’Empire britannique, qui perdit même le soutien du Commonwealth. Ruineux pour les ambitions françaises. À tel point que De Gaulle fut plus tard évincé de l’alliance militaire de l’OTAN, tout en y restant politiquement ancré.

Et le panarabisme de Nasser connut son heure de gloire.

Mais aujourd’hui, le risque de crise à Suez n’est pas le fait d’un État, mais d’un mouvement de guérilla. Celui des Houthis du Yémen du Nord. Il s’agit de l’organisation politico-militaire des chiites-zaïdites, en lutte acharnée contre le gouvernement de Sanaa et contre les Saoudiens depuis 1993. Cette organisation s’est formée avec des coordonnées idéologiques précises. Un antiaméricanisme viscéral et un antisionisme connexe. Et avec une forte connotation de revendications sociales.

Une connotation qui découle de l’école zaïdite, également connue sous le nom de chiite pentesimain, qui a traditionnellement une vision populaire, presque «démocratique», de l’imamat. Et qui a toujours privilégié les revendications politiques et sociales sur les questions théologiques.

Les Houthis – du nom du clan des deux fondateurs, Mohammed et Hyseyn al-Houthi – sont des gens durs.

Ils résistent depuis près de trois décennies à la guerre menée contre eux par les Saoudiens, leurs ennemis politiques et religieux, qui ont toujours reçu le soutien des États-Unis.

Une guerre sanglante, un véritable génocide, passé sous silence par les médias, de la population zaïdite.

Mais les Houthis ont tenu bon. Et, finalement, Riyad a été contraint à une trêve. En raison également de la détente des relations avec Téhéran. Lequel est le grand protecteur des Houthis.

Aujourd’hui, cependant, le mouvement Zaidi a levé le drapeau de la guerre, prenant ouvertement parti contre Israël (et les États-Unis qui sont détestés) dans la crise de Gaza.

Les Houthis ne se sont toutefois pas contentés de paroles, comme la plupart des pays arabes. Ils passent à l’action en attaquant des navires marchands – israéliens, américains et généralement occidentaux – en route pour Suez. Des attaques menées à la fois par des missiles lancés depuis la terre ferme et par de véritables actes de piraterie.

La gravité de la situation peut être pleinement appréciée si l’on considère la flotte américaine – et une coalition internationale dont un navire italien fait également partie – qui se dirige vers la zone.

Toutefois, compte tenu du type de guerre hybride menée par les Houthis, il sera très difficile pour la coalition occidentale de sécuriser le passage de Suez.

Un problème pour l’Europe, avant tout. Mais aussi pour la Chine et l’Inde, qui ont besoin du Suez en toute sécurité pour leurs propres grands couloirs commerciaux.

Un problème qui, surtout, ne peut être réduit de manière simpliste à l’intempérance d’un «groupe terroriste». Comme le font les grands journaux italiens les rares fois où ils en parlent.

Il s’agit d’un problème qui doit être replacé dans le contexte de la crise globale d’équilibre que nous vivons.

Un autre moment de cette guerre mondiale anormale et asymétrique.

Et une phase extrêmement dangereuse pour notre avenir.

source : ElectoMagazine via Euro-Synergies

Les enjeux énergétiques en Méditerranée orientale, ou la création d’une nouvelle arène géopolitique au Moyen-Orient

Source : Les clés d Moyen-Orient - Le  24/12/2023.

 Par Emile Bouvier - Publié le 12/02/2020 • modifié le 21/04/2020 

 

Partie I : Des gisements d’hydrocarbures particulièrement prometteurs

 « La Méditerranée orientale, une mer de gaz » (1) : cette citation, issue d’un article du site du géant pétrolier italien ENI, suffit à comprendre l’ampleur que revêtent, actuellement, les enjeux économiques dans l’est de la mer Méditerranée.

La Méditerranée orientale est en effet actuellement le théâtre d’une véritable course aux hydrocarbures de la part des nations méditerranéennes concernées, qu’elles le soient directement ou indirectement : si la présence de la Turquie ou de Chypre dans l’équation n’étonne guère, celle de la Libye ou encore de l’Italie interroge davantage.

Cette course se fait, de façon incontournable, sur fonds de profonde rivalité entre les différents protagonistes de l’affaire, qui recourent aux alliances et qui montrent de façon ostentatoire leurs forces militaires afin de tirer le meilleur parti de la situation et, surtout, des ressources en jeu.

Alors que la Turquie a annoncé le déploiement de drones de combat dans la zone (2) et que la présidence française s’est engagée auprès d’Athènes à envoyer des bâtiments de la Marine nationale en soutien aux forces grecques positionnées en mer Égée (3), cet article va s’employer à disséquer les tenants et aboutissants de la crise afin de présenter dans un premier temps l’ampleur des enjeux énergétiques dans la zone (première partie) afin, ensuite, de mieux saisir la mesure de l’escalade diplomatico-sécuritaire dans la région et la sensibilité du sujet pour les différentes nations impliquées (deuxième partie).

 

1. Les estimations de réserves de pétrole et de gaz en Méditerranée orientale

Les réserves en gaz du Moyen-Orient sont celles connaissant la plus forte croissance dans le monde depuis 2009, conduisant ainsi la région à être celle où la densité de missions exploratoires est la plus forte : les réserves prouvées de gaz ont en effet bondi de 33,6% depuis 2009 (4) ; le Moyen-Orient, qui représentait 31,4% des réserves prouvées de gaz dans le monde en 2000, en représente aujourd’hui 40,4% (5).

Le cas de la Méditerranée orientale (MEDOR) est, pour des raisons techniques et scientifiques, plus difficile à juger. En 2000 par exemple, la Commission géologique américaine estimait que les réserves en gaz devaient avoisiner les 2 715 milliards de mètres cubes (bcm). Dix ans plus tard, cette même commission a totalement revu ses estimations et juge que la région devrait plutôt receler 5 765 bcm de gaz (6).

Le pétrole se montre, quant à lui, moins prometteur que le gaz en Méditerranée orientale : globalement, pour toutes les eaux méditerranéennes, la production de pétrole représentait moins de 6% de la production mondiale en 2011. Une étude réalisée par la Commission géologique américaine en 2010 estimait que les réserves de pétrole dans le bassin levantin s’élevaient à 1,7 milliard de barils ce qui, si ces estimations étaient vraies, équivaudrait à accroître de 70% les réserves actuellement connues de pétrole en Méditerranée (7).

Toutefois, la très grande majorité des explorations offshore (c’est-à-dire en mer, a contrario des explorations onshore qui sont réalisées sur terre) ont abouti à la découverte de gisements gaziers, et très peu pétroliers.

2. Des découvertes récentes à l’origine de l’intérêt développé actuellement pour la MEDOR

Alors que le golfe Persique s’avère aussi central que vital pour la production mondiale d’hydrocarbures depuis les années 1950, la MEDOR n’a, elle, fait l’objet d’attention que depuis quelques années, à la suite de la découverte de plusieurs gisements gaziers particulièrement prometteurs.

L’intérêt porté à l’est méditerranéen remonte à 1999, lors de la découverte du champ gazier de Noa, au large d’Israël. Les explorations s’accélèrent et, l’année suivante, le gisement Mari-B est découvert, puis les champs Dalit et Tamar en 2009, Leviathan en 2010 et, enfin, Aphrodite et Tanin en 2011. Le Leviathan, situé dans les eaux territoriales israéliennes, est en partie à l’origine de la ruée des autres pays méditerranéens dans le bassin levantin en raison de l’ampleur du gisement : celui-ci contiendrait près de 18 trillions de mètres cubes de gaz et son exploitation suffirait à fournir l’électricité nécessaire à Israël pour les trente prochaines années (8). 600 millions de barils de pétrole seraient également présents au sein du gisement et font l’objet de missions exploratoires.

Dans la lignée du Leviathan, le gisement Tamar s’est aussi distingué avec ses 10 trillions de mètres cubes de gaz, régulièrement réévaluées à la hausse au fil des années (9). Tout comme pour le Leviathan, Tel Aviv a ainsi accéléré à marche forcée le début de l’exploitation de ce gisement qui, chose rare dans ce domaine économique, a été initié moins de cinq ans après la découverte du gisement : découvert en 2014, le champ Tamar est désormais exploité depuis fin 2018.

Les découvertes réalisées depuis 1999 énumérées ci-dessus ne concernent, de surcroît, que les eaux territoriales israéliennes. Chypre figure elle aussi parmi les grands gagnants des explorations maritimes. Le gisement gazier le plus notable découvert jusqu’ici dans les eaux chypriotes est celui dit d’« Aphrodite », mis au jour en 2011 par la compagnie américaine Noble Energy, à l’origine de la plupart des découvertes de gisements d’hydrocarbures dans le bassin levantin. Les réserves du champ Aphrodite sont estimées, actuellement, à près de 7 trillions de mètres cubes de gaz (10). Noble Energy a commencé le forage d’un nouveau puits dans le bloc 12 en juin 2013, laissant le gouvernement chypriote espérer la découverte d’une quantité de gaz suffisante pour atteindre les 30 ou 40 trillions de mètres de cubes de réserves de gaz dans la zone économique exclusive (ZEE) de Chypre.

Les autorités chypriotes ont par ailleurs mis à l’encan plusieurs blocs exploratoires (11) situées dans sa ZEE, qui ont été attribués en fin d’année 2012 à plusieurs entreprises transnationales et autres consortium : le géant italien ENI et la société sud-coréenne Korean Gas Corporation (KOGAS) ont ainsi remporté les blocs 2, 3 et 9, tandis que l’entreprise française Total décrochait les blocs 10 et 11.

Une autre découverte potentiellement très prometteuse dans en MEDOR est celle du puits Aphrodite-2, du côté israélien de la frontière maritime avec Chypre. Le gisement de gaz naturel qui y est présent pourrait être issu de la même formation géologique que le puits Aphrodite et pourrait receler techniquement, selon les estimations, environ 3 milliards de mètres cubes de gaz. Si Aphrodite-2 s’avère connectée à Aphrodite par la même structure géologique, Israël et Chypre devront, en revanche, signer un accord de co-exploitation du gisement.

Les nombreuses explorations maritimes actuellement à l’œuvre dans la bande frontalière des ZEE israélienne et palestinienne pourraient laisser penser que de riches gisements d’hydrocarbures s’y trouvent également. Les eaux au large de Gaza contiendraient des hydrocarbures dont l’ampleur serait estimée à un trillion de mètres cubes de gaz. Dans ce cadre, en septembre 2012, l’Autorité palestinienne et Israël se seraient entretenus (12) sur l’opportunité de développer ces explorations maritimes à l’intégralité des eaux territoriales palestiniennes ; aucun accord n’en serait sorti pour autant.

Les autorités libanaises se sont aussi prêtées, en avril 2013, au jeu de l’appel d’offres pour l’acquisition de blocs exploratoires dans les eaux territoriales du pays du Cèdre. Sur les cinquante-deux entreprises qui se sont portées candidates, 46 ont été acceptées et, en novembre 2013, les blocs ont été attribués aux différents vainqueurs, pour une production qui finira par débuter en 2016. Les eaux libanaises ont aussi, de fait, de quoi attirer les entreprises du secteur de l’énergie : si les gisements pétroliers représenteraient plusieurs centaines de millions de barils, c’est une fois de plus le gaz qui se distingue par sa substance, avec près de 25 trillions de mètres cubes de réserves.

Quant à la Syrie, l’exploration de ses eaux territoriales est pour le moment au point mort, en raison de la guerre civile qui ébranle le pays depuis mars 2011. Une vente à l’encan de blocs exploratoires avait bien été menée par le gouvernement syrien début 2011 mais, face aux premiers mouvements de contestation, Damas avait préféré reporter l’annonce des vainqueurs à décembre 2011 avant, finalement, de se prononcer en juillet 2013 à huis-clos. Si les gagnants ne sont pas connus, la Syrie aurait tenu quelques mois avant, en avril 2013, de longs pourparlers avec Moscou et Pékin portant sur l’exploration maritime de ses eaux territoriales (13). Si les conclusions de ces échanges ne sont pas connues, il y a fort à parier que l’imposante présence maritime russe dans les ports syriens, à Lattakié et Tartous notamment, ne s’explique pas qu’avec le seul argument de l’engagement militaire de Moscou en Syrie.

Pour ces pays hautement dépendants de la production en hydrocarbures de leurs voisins orientaux (Arabie saoudite, Qatar, Irak ou encore Koweït par exemple), le fait d’avoir, au large de leurs côtes, des ressources en mesure de leur fournir une certaine autosuffisance énergétique ou, en tous cas, de diminuer leur dépendance vis-à-vis de l’étranger, revêt une dimension hautement stratégique.

 

Dans les eaux de cette Méditerranée orientale où résonnent encore le conflit turco-grec à Chypre (1974), le conflit israélo-palestinien ou encore les affrontements en Syrie voisine, la découverte de telles richesses naturelles allait, inévitablement, raviver certaines tensions régionales et, partant, en créer de nouvelles : C’est à ces nouveaux bras-de-fer en Méditerranée orientale que la deuxième partie de cet article sera consacrée.

 

Lire la partie 2

 

 

Eric Dénecé : “Les USA suscitent des conflits partout dans le monde”

Source : Le Courrier des Stratèges - Par Eric Verhaeghe - Le 22/12/2023.

Eric Dénecé : “Les USA suscitent des conflits partout dans le monde”

Pour cette fin d’année, nous avons interviewé Eric Dénecé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), sur l’origine des conflits qui secouent la planète : Caucase, Ukraine, Israël. Dans les trois cas, il nous explique que la situation est essentiellement due à l’intervention américaine… dont la suprématie et la domination deviennent des facteurs perturbateurs pour l’équilibre planétaire. Une excellente synthèse de l’actualité internationale qui permet d’y voir plus clair.

Eric Dénecé, directeur bien connu du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, a bien voulu dressé un tableau de la situation internationale actuelle :

  • dans le Caucase, Israël a rappelé que l’Arménie n’avait pas subi un génocide et soutient l’Azerbaïdjan
  • en Ukraine, les USA portent l’armée ukrainienne à bout de bras après avoir suscité l’intervention russe en Ukraine en annonçant la nucléarisation du pays
  • en Israël, les USA appuient massivement la purification ethnique en cours à Gaza

Au final, la politique agressive américaine conduit à une contestation grandissante de l’Occident.

Y a-t-il un lien entre le sabotage américain de Nordstream et la montée de la droite nationale allemande?

Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 22/12/2023.

 

33 ans de réunification : les dirigeants allemands ont dilapidé la souveraineté de leur pays

Seymour Hersh, le journaliste qui a révélé le sabotage américain, revient sur les conséquences du sabotage américain de Nordstream pour l’Allemagne. La désindustrialisation est en marche. En bon démocrate américain, le journaliste s’effraie de voir monter l’Alternative für Deutschland, l’AfD, parti nationiste et conservateur, qu’en bien-pensant il classe à l’extrême droite. L’identification de la crise allemande est juste; le diagnostic politique un peu court.

C’est le post le plus récent de Seymour Hersh sur son blog: “Nordstream et la contraction de l’économie allemande”):

Depuis plus d’un an, l’économie allemande est privée de gaz russe bon marché, en partie à cause de Joe Biden et de sa décision, au début de l’année dernière, de détruire les gazoducs Nord Stream. Pendant ce temps, la politique allemande poursuit sa dégringolade vers la droite. Elle pourrait entraîner avec elle une grande partie de l’Europe occidentale.

La semaine dernière, Alternative pour l’Allemagne (AfD), un parti anti-immigration rigide dans une nation où les immigrés représentent 18 % de la population totale, a soutenu son premier candidat à la mairie depuis sa création il y a dix ans. Le New York Times a décrit la victoire à Pirna, une petite ville de Saxe, comme un reflet de la popularité croissante du parti. Il est soutenu par 35 % des électeurs en Saxe et 22 % au niveau national, un chiffre qui a doublé au cours des deux dernières années.

L’Allemagne a autrefois dominé les marchés mondiaux avec ses voitures de luxe et ses machines industrielles, mais elle est aujourd’hui engagée dans un processus que certains qualifient de désindustrialisation rapide. Il y a trois mois, la chaîne de télévision Euronews a qualifié l’Allemagne de “pays développé le moins performant au monde, le Fonds monétaire international et l’Union européenne s’attendant à ce qu’il se contracte cette année”. Les gains politiques de l’AfD, m’a dit Max Paul Friedman, un universitaire américain qui connaît bien l’Allemagne, “font très peur à de nombreux Allemands” parce que la morosité économique incite d’autres partis politiques en Allemagne et dans toute l’Europe, ainsi qu’aux États-Unis, à adopter des politiques anti-immigrés.

seymourhersh.substack.com

L’Allemagne ira-t-elle au bout de son “américanisation”?

Le journaliste américain oublie qu’il se produit en ce moment un renouvellement à gauche aussi, avec la montée du parti de Madame Wagenknecht. C’est en fait toute la classe politique allemande qui est secouée. La suite du papier est cependant intéressante parce qu’elle décrit l’étendue de la crise allemande mais aussi ce que serait une”américanisation” complète de l’Allemagne:

“Si les oléoducs coulaient à flot, la situation serait-elle différente ?”, demande Friedman, professeur d’histoire et de relations internationales à l’American University. “Oui et non. Les prix de l’énergie sont essentiels, mais il y aurait toujours une bureaucratie sclérosée, le déclin du marché chinois, le manque de main-d’œuvre qualifiée. Et compte tenu de ce qui se passe dans tous les pays de l’Atlantique Nord, ils seraient de toute façon dans une ambiance islamophobe et anti-immigrés, comme leurs voisins”.

Compte tenu de ces réalités, Friedman m’a dit qu’il dépeindrait “la question de l’oléoduc comme un catalyseur ou peut-être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, plutôt que comme le seul facteur critique contribuant aux malheurs de l’Allemagne”.

Sarah Miller, qui a passé quatre décennies à écrire et à éditer les meilleurs magazines américains consacrés au pétrole et au gaz – elle blogue maintenant sur Medium – a décrit ces jours comme “des temps désespérés, en particulier pour les entreprises allemandes et certaines entreprises européennes confrontées à des factures d’énergie gonflées et à une inflation permanente et possiblement enracinée dans leur pays”. L’Allemagne risque, m’a-t-elle dit cette semaine par courriel, “de perdre une grande partie de la base industrielle qui a été la clé du maintien de sa puissance industrielle et de son poids politique au sein de l’UE au cours des dernières décennies. Cette base industrielle revêt également une importance émotionnelle pour les Allemands, en particulier pour les voitures et les produits chimiques, ce qui en fait un enjeu politique majeur.

Selon M. Miller, la pénurie d’approvisionnement en gaz de l’Allemagne “se stabilise, grâce à des contrats de dix ans ou plus pour l’achat de gaz naturel liquéfié, principalement en provenance des États-Unis et du Qatar et, plus récemment, de gazoducs norvégiens”. Mais la quantité de gaz utilisée par l’Allemagne est en forte baisse par rapport aux niveaux d’avant-guerre, et ce sont les industries à forte consommation d’énergie qui sont les plus touchées. Les industries légendaires de l’Allemagne ont été affaiblies. La crainte qu’elles ne se redressent pas est largement répandue, tout comme l’inquiétude que, dans la mesure où les entreprises concernées se redressent, ce sera avec une plus grande dépendance à l’égard de la Chine. Ces industries sont importantes pour le sentiment de sécurité et la confiance en soi du pays, et les conséquences politiques pourraient être graves” pour le gouvernement de coalition du chancelier Oaf Scholz.

“Il est intéressant de noter que ce que tout le monde craint le plus, de l’Allemagne à la Chine et dans de nombreux autres pays, c’est une répétition de la désindustrialisation, de la financiarisation et de l’affaiblissement économique que les États-Unis ont connus au cours des dernières décennies”, a déclaré M. Miller. L’Amérique est un exemple à suivre. C’est assez pathétique quand on y pense de cette façon”.

seymourhersh.substack.com

C’est bien là le sujet: Olaf Scholz s’est couché devant Biden avec une servilité peu commune. Et s’il y a un point que l’AfD et le parti de Madame Wagenknecht ont en commun, c’est la volonté de rendre son indépendance à l’Allemagne.

 

La guerre des États baltes contre eux-mêmes

Source : RzO International - Le 23/12/2023.

par Adomas Abromaitis

Ce n’est un secret pour personne que l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie sont de proches alliés des États-Unis. Les relations étroites que les États-Unis entretiennent avec ces trois États sont constamment alimentées. Ainsi, le 15 décembre, les États-Unis et les États baltes ont signé des feuilles de route bilatérales quinquennales pour la coopération en matière de défense. Il s’agit d’une preuve sérieuse des ambitions militaires et économiques des États-Unis dans la région. Washington fait de son mieux pour renforcer la dépendance dans une sphère aussi vulnérable que la défense.

Les feuilles de route promeuvent la coopération en matière de défense aérienne et antimissile intégrée, la connaissance du domaine maritime, la cyberguerre, la guerre irrégulière, la participation aux opérations et exercices militaires internationaux, le développement des infrastructures et la formation.

En outre, les accords font part de l’intention des États-Unis d’assurer une présence rotative persistante des forces américaines dans chaque État balte. Ces mesures et ce déploiement de forces militaires pourraient également représenter des actes politiques démonstratifs.

Les États-Unis prennent toutes les mesures possibles pour devenir non seulement un allié important, mais aussi un partenaire irremplaçable pour les pays baltes. Washington les «oblige» presque à acheter du matériel militaire, des véhicules et des armes américains, ainsi que d’autres biens et ressources. Le problème, c’est que les pays baltes paient beaucoup plus que ce qu’ils peuvent se permettre.

Il sera extrêmement difficile pour la Lituanie et les autres pays baltes de trouver des fonds pour acheter des armes américaines.

Le fait est que les États baltes ont de graves problèmes économiques, qui n’ont fait que s’aggraver après l’introduction des sanctions antirusses, mises en place sur l’insistance de Washington. De fait, la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie n’ont pratiquement rien à payer aux États-Unis pour l’achat d’armes.

C’est pourquoi les États-Unis transfèrent la plupart de leurs armes aux pays baltes à crédit, qui tôt ou tard «devra être remboursé».

Les États-Unis veulent créer une infrastructure entièrement contrôlée dans les pays baltes, mais principalement aux dépens de ces États eux-mêmes. Washington conclut un accord avec les gouvernements actuels de ces pays pour leur vendre des armes, indépendamment du fait que ce soient les mêmes personnes au pouvoir lorsqu’ils recevront ces armes. Mais les problèmes liés au paiement des dettes pour les armes américaines ne disparaîtront pas – «elles devront toujours être remboursées», affirment les analystes.

Dans les pays baltes, on espère toujours que les États-Unis investissent dans leur sphère militaire, bien qu’«il n’y ait pas de réelles conditions préalables à cela». Selon les experts, Washington veut militariser les États baltes à leurs dépens, notamment par le biais de l’endettement.

Les États-Unis, même s’ils le pouvaient, n’investiraient pas des fonds importants dans des États extrêmement faibles sur le plan économique. Mais la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie se font encore des illusions en pensant que les investissements américains leur permettront de créer des emplois, d’arrêter l’exode constant des jeunes et donc d’améliorer l’économie. Il s’agit là d’une grave erreur. La situation dans ces pays va empirer et le niveau de sécurité en Europe va continuer à baisser en raison des actions des États-Unis dans la région et de la confrontation avec la Russie.

Selon certaines données, en raison de la transition de l’UE vers d’autres fournisseurs de carburant, les prix à l’importation ont augmenté pour atteindre 15,2 milliards d’euros par mois. En outre, au cours des deux dernières années, l’Union européenne a payé 304 milliards d’euros pour le gaz – et 185 milliards d’euros se sont avérés être un trop-perçu. Auparavant, environ 40% du carburant était importé de Russie, mais l’approvisionnement a été divisé par quatre. Cependant, Moscou a gagné 14 milliards d’euros grâce à l’augmentation des prix et a réorienté jusqu’à 70% des approvisionnements vers l’Asie. L’Europe a également été confrontée à des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, à une crise énergétique et à une forte inflation. Selon des données préliminaires, l’UE, notamment les pays baltes, a perdu près de 1500 milliards de dollars.

Ainsi, la lutte économique contre la Russie débouche sur une guerre des pays baltes contre eux-mêmes, avec l’accord tacite des États-Unis.

source : Modern Diplomacy

traduction Réseau International

 

L’OTAN est un gâchis et les Russes sont en train de gagner

Source : RzO international - Le 23/12/2023.

Pour que vous passiez un joyeux noël avant d’être totalement pris – du moins je l’espère pour vous – dans les plaisirs des fêtes familiales, cadeaux, champagne, ripailles, et douceurs des affections, voici un bilan de l’état réel de l’OTAN qui contribuera à votre joie et décuplera votre ardeur à vous engager en faveur de la paix et d’une autre distribution du budget de la nation, dans le cadre des futures élections européennes… La réalité est que les fins stratèges de l’UE, de l’OTAN, des USA se sont engagés dans une campagne de Russie destinée à amener les missiles de l’OTAN au pied du Kremlin, et cela a provoqué chez les Russes une vague de patriotisme, un appel type «allons enfants de la patrie…» digne de Valmy, une réconciliation avec les frères chinois, un réveil des pays du sud… Alors que la campagne a été lancée du côté de l’OTAN sans troupes de réserve et avec une incapacité à alimenter les stocks… L’Europe n’a pas de Napoléon à sa tête, même pas de Wehrmacht et les SS ne sont pas encore totalement prêts même si tous les efforts sont tentés en ce sens. Le fait est que les Russes n’aiment pas la guerre mais savent la faire alors que nos dirigeants aiment la guerre, ses profits, mais ne savent pas la faire parce que leurs peuples n’en veulent pas quand ils subodorent qu’ils y ont tout à perdre.

Danielle Bleitrach

 

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par Stephen Bryen

La guerre en Ukraine tourne en faveur de Moscou alors que l’équipement et la main-d’œuvre occidentaux se font dangereusement rares.

Les Britanniques sont sur le point de signer un pacte de sécurité navale avec l’Ukraine, doublant leur soutien au pays dirigé par Volodymyr Zelensky.

Pendant ce temps, l’Allemagne augmente ses engagements en matière d’armes envers l’Ukraine, même si son stock d’armes est pratiquement vide. Le Royaume-Uni et l’Allemagne vident leurs portefeuilles et leurs arsenaux tandis que les États-Unis tentent de faire la même chose.

Dans le même temps, le Washington Times, dans un article de Bill Gertz, rapporte que le représentant Mike Gallagher (R-Wi), qui est le président de la commission spéciale de la Chambre sur le Parti communiste chinois, a proposé de nouvelles idées pour aider Taïwan à utiliser des armes autrement obsolètes dans l’arsenal américain, principalement parce qu’il est presque impossible d’obtenir de nouvelles armes à l’heure actuelle.

Gallagher a déclaré : «De récents jeux de guerre simulant un conflit avec la Chine à propos de Taïwan ont révélé que les États-Unis seraient à court de bombes et de missiles à guidage de précision à longue portée moins d’une semaine après le début du conflit».

Bill Gertz rapporte que le Pentagone a un arriéré de plus de 2 milliards de dollars d’armes achetées par Taipei, retardé par les retards de l’industrie de la défense.

Taïwan attend actuellement 400 missiles Harpoon et 100 lanceurs Harpoon que le Pentagone a annoncés lors d’une vente il y a plus de trois ans et qui pourraient ne pas atteindre l’île avant 2029.

En pénurie : Une vue d’un missile sol-sol Harpoon RGM-84 immédiatement
après avoir quitté un lanceur de cartouches. Image : Asia Times Files / Twitter

Le point clé est qu’il faudra encore cinq ans (huit ans au total) pour livrer des missiles Harpoon à Taïwan. C’est encore pire pour d’autres stocks de guerre tels que les munitions de 155 mm et de 120 mm.

La faiblesse et les problèmes de la base industrielle de défense américaine sont insignifiants par rapport aux pénuries de main-d’œuvre qui affectent la plupart des membres de l’OTAN ainsi que les États-Unis.

La petite armée allemande manque de nouvelles recrues. Comme les États-Unis, l’Allemagne dispose d’une force de volontaires, mais les choses se détériorent tellement que le gouvernement allemand envisage une sorte de système de conscription.

Alors que le gouvernement allemand actuel perd déjà rapidement des soutiens politiques, essayer de faire voter le Bundestag, le parlement allemand, en faveur d’un système de conscription, serait un suicide politique. Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, comprend le problème mais n’a pas de solution susceptible d’obtenir le soutien populaire.

La politique en Allemagne glisse vers la droite, l’AfD, le parti de droite allemand, s’assurant un soutien croissant des électeurs. L’AfD n’a pas encore pris position sur la conscription, mais c’est un parti nationaliste qui souhaite la levée des sanctions contre la Russie et ne soutient aucune initiative de défense à l’échelle européenne.

Le nombre total de membres des forces armées en Allemagne était tombé à 181 383 à la fin du mois d’octobre, avec des milliers de postes vacants non pourvus.

Selon le tabloïd allemand Bild, l’armée allemande n’a ni la force ni l’équipement nécessaires pour défendre efficacement la nation. Pourtant, au moment même où Bild pointait du doigt la crise militaire, l’Allemagne annonçait l’envoi d’une brigade de 5000 hommes en Lituanie.

Elle sera stationnée à moins de 20 kilomètres de la frontière avec la Biélorussie. La relocalisation de la brigade commencera au deuxième trimestre de 2024 et devrait atteindre sa pleine disponibilité au combat d’ici 2027, selon le ministère allemand de la Défense.

Mais, a déclaré le ministre allemand de la Défense Pistorius, «nous n’avons pas une armée capable de défendre le pays contre une offensive militaire, une guerre d’agression brutale». La contradiction est évidente.

Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a besoin de plus de soldats.

L’armée britannique est également un gros problème. Defense and Security Monitor rapporte que «Longtemps considérées comme une armée de classe mondiale, les forces armées britanniques sont maintenant coincées dans une ornière de recrutement, avec des réductions de personnel prévues qui doivent encore être mises en œuvre dans le cadre du Defense Command Paper dévoilé en 2021. Il y a des problèmes importants et persistants liés au délabrement des logements militaires, à l’épuisement des munitions et à la mauvaise exécution des programmes d’approvisionnement».

Sky News, comme l’a rapporté le Defense Post, a souligné l’ampleur du problème auquel sont confrontées les forces armées britanniques. Il a déclaré que l’armée serait à court de munitions au bout de quelques jours en cas de conflit armé. Le pays n’aurait pas non plus la capacité de défendre son espace aérien compte tenu de la puissance et des capacités croissantes des missiles et des drones d’aujourd’hui.

De plus, le remplacement complet des chars et des véhicules blindés britanniques vieillissants n’est pas prévu avant des années, ce qui affecte sa volonté de modernisation. Des sources affirment qu’il faudrait cinq à dix ans à l’armée britannique pour être en mesure de déployer une division de combat avec plus de 30 000 soldats et soutenue par des chars de grande puissance, des systèmes d’artillerie et des hélicoptères.

Aujourd’hui, l’armée britannique est plus petite qu’elle ne l’était au moment de la Révolution américaine en avril 1775. L’ensemble de l’armée britannique est composé de 142 560 membres. L’armée britannique compte actuellement 77 540 soldats dans tous ses rangs. Cela signifie que la force de combat elle-même est beaucoup plus petite, probablement autour de 30 000 hommes.

La Grande-Bretagne a été le plus grand soutien de l’Ukraine en Europe dans sa guerre contre la Russie, vidant son arsenal de haute technologie pour soutenir l’armée ukrainienne. La Grande-Bretagne fournit également un soutien sur le terrain à l’Ukraine et des renseignements sur le champ de bataille, tout en planifiant des opérations secrètes spéciales telles que la destruction du pont du détroit de Kertch, d’une valeur de 3 milliards de dollars, reliant la Russie à la Crimée.

On n’écrit pas grand-chose sur l’armée française. Nous savons que le matériel français n’a pas bien résisté aux Russes dans la guerre en Ukraine. Son CAESAR (Camion Équipé d’un Système d’Artillerie) a été une grosse déception sur le champ de bataille, est sujet à des pannes et a été pris pour cible par des drones russes Lancet.

La France en a envoyé 18 en Ukraine, soit 25% de l’ensemble de la flotte de ces systèmes de canons mobiles de 155 mm. Selon les rapports, en produire de nouveaux prend des années.

L’obusier CAESAR en Irak. Image : Capture d’écran Twitter

De même, le véhicule de combat d’infanterie RC AMX-10C de la France s’est avéré être un piège mortel pour les opérateurs ukrainiens qui considèrent son «blindage mince» comme inadéquat pour une utilisation en première ligne. Présenté comme un «chasseur de chars», c’est souvent lui qui est détruit. En ce qui concerne les chars, après la mauvaise expérience avec l’AMX et les chars allemands Leopard, la France a décidé de ne pas envoyer ses chars Leclerc Main Battle en Ukraine.

En toute justice, le véhicule de combat d’infanterie américain Bradley et le véhicule de combat à chenilles allemand Marder, sans parler du char Leopard, ont tous été détruits en Ukraine. Une étude américaine de la Rand Corporation, un important sous-traitant du Pentagone, affirme que l’armée française est un allié fragile contre la Russie.

L’armée américaine est également confrontée à une crise de recrutement. Non seulement il y a des problèmes pour remplir les rangs, mais l’Armée a de la difficulté à former des sous-officiers compétents. Les sous-officiers sont le cœur et l’âme de l’armée américaine, ils sont ce qui fait fonctionner l’armée.

Moins de la moitié des vacations sont remplies. Military.com dit : «Le cours de recrutement de l’armée de huit semaines à Fort Knox, dans le Kentucky, peut former un maximum de 2866 étudiants répartis dans un total de 53 classes. Cependant, les données montrent qu’il n’a obtenu que 1336 diplômes au cours de l’exercice 2023, qui s’est terminé à la fin du mois de septembre».

L’armée elle-même est confrontée à des problèmes de recrutement de soldats, cette année et l’année dernière. Il manquait 10 000 soldats à l’armée pour atteindre son objectif de 65 000 nouveaux soldats au cours du dernier exercice. L’année dernière, il a manqué de 15 000 l’objectif de 60 000 soldats.

L’armée essaie de résoudre le problème, mais une grande partie de celui-ci est basée sur l’étrange approche WOKE de la direction de l’armée et sur une myriade de problèmes compliqués, en particulier depuis l’épidémie de Covid lorsque le Pentagone a ordonné aux troupes de se faire vacciner ou de se faire virer de l’armée. Maintenant, il y a beaucoup de poursuites judiciaires sur la politique ratée du Pentagone.

Au-delà des déficits de main-d’œuvre et de fournitures, les armées de l’OTAN manquent d’expérience au combat, bien que de nombreux «conseillers» soient en Ukraine pour soutenir l’armée ukrainienne. Les conseillers ne reproduisent jamais ce que vivent les troupes de première ligne, de sorte que la courbe d’apprentissage peut être utile pour renforcer les connaissances tactiques et opérationnelles, mais pas pour la guerre elle-même.

L’Ukraine est également confrontée à une énorme pénurie de main-d’œuvre et son recours à des efforts de recrutement draconiens est impopulaire et pourrait forcer Zelensky à démissionner. Les soldats incorporés et traînés de force sur le front ne se battent pas efficacement et ne sont au mieux que de la chair à canon.

Pire encore, beaucoup de ceux qui ont résisté à la conscription ukrainienne (certains d’entre eux ont payé les administrateurs de la conscription pour des montants généralement de 1000 dollars) sont issus de la nomenklatura ukrainienne, à savoir les classes supérieures ou ceux qui ont des compétences de haut niveau ou ceux qui sont issus de familles politiquement connectées et privilégiées.

Sans plus d’argent et d’armes occidentaux, l’Ukraine perdra la guerre, dit Zelensky.
Photo : Nouvelle voix de l’Ukraine

L’administration Biden affirme que la défaite de la Russie en Ukraine protégera l’Europe d’une future attaque russe.

Le contre-argument est que continuer à soutenir l’Ukraine pourrait conduire à une extension de la guerre en Europe. Pendant longtemps, les États-Unis et leurs alliés ont joué avec la sécurité européenne en gavant l’Ukraine d’armes, de conseillers, de soutien militaire et de renseignement et de beaucoup d’argent.

Jusqu’à présent du moins, les Russes n’ont pas réagi en attaquant les lignes d’approvisionnement en dehors de l’Ukraine, ni n’ont arrêté le flux de gaz ou d’autres produits de base (y compris l’uranium) vers l’Europe et les États-Unis en réponse au soutien occidental à l’Ukraine.

La plupart des rapports montrent que la Russie a pris le dessus en Ukraine et a lancé ce qui semble être une offensive limitée qui semble viser, jusqu’à présent du moins, à sécuriser le Donbass. Cependant, les armées s’effondrent souvent rapidement une fois que les chefs militaires et les soldats pensent qu’ils sont sur le point d’être renversés.

Au Viêt Nam en 1975, les chefs militaires américains pensaient que l’armée du Sud-Vietnam serait en mesure de tenir le I-Corps, la partie nord du Sud-Vietnam, contre les attaques lancées par l’armée régulière nord-vietnamienne (ANV). C’était une chimère. Le I-Corps se plia en quelques jours et l’ANV se déplaça rapidement vers le sud, se dirigeant vers Saigon. La déroute était lancée.

Réparer l’OTAN est un problème très difficile parce qu’elle a prétendu être une alliance offensive et non un système de défense. Avec sa mission corrompue et sa frontière avec la Russie considérablement élargie (presque toute l’Europe de l’Est et la Finlande), l’ambition de l’OTAN d’ajouter l’Ukraine est un pays trop loin parce que cette fois-ci, les Russes n’ont pas accepté l’objectif expansionniste de l’OTAN.

Si l’Ukraine capitule, ce que la Russie dit vouloir aujourd’hui, l’OTAN subira une défaite majeure, la première défaite depuis la création de l’alliance en avril 1949.

source : Asia Times via Histoire et Société

 

Une chimère américaine : «La paix exige une confrontation des États-Unis avec Israël»

Source : RzO International - Le 21/12/2023.

par Alastair Crooke

Et si Israël ignorait la Maison-Blanche et «le faisait» (une Nakba massive) ? Et s’il prend le risque que les États-Unis «tirent le tapis» sous les pieds d’Israël ?

David Ignatius relate dans le Washington Post sa visite en Cisjordanie et la façon dont il a constaté que «la paix nécessitera une confrontation avec Israël» :

«[Sa visite] a été un test de réalité sur ce qui est possible «le lendemain» de la fin de la guerre de Gaza. Le président Biden et d’autres dirigeants mondiaux parlent avec espoir de la création d’un État palestinien une fois le Hamas vaincu (sic). J’aimerais beaucoup que cela se produise. Un État palestinien peut sembler rassurant, mais c’est une version de la pensée magique. Les colonies et les avant-postes israéliens situés au sommet des collines de Cisjordanie y font obstacle, leurs hautes clôtures et leurs murs de béton symbolisant leur apparente inamovibilité».

«Les colonies ont été installées là pour empêcher la création d’un État palestinien», dit-on franchement à Ignatius – et apparemment, il «comprend». Il faudrait une confrontation pour «débloquer la situation».

Il en est ainsi – les colonies ont été un blocage pour empêcher tout État palestinien de voir le jour. C’est exactement cela. Il y a de nombreuses années, alors que j’étais détaché en tant que «lien» entre le président Arafat et le gouvernement israélien, j’ai reçu une invitation inattendue :

On m’a demandé de visiter les colonies les plus radicales de Cisjordanie en tant qu’«invité d’Ariel Sharon», le Premier ministre de l’époque.

L’un des amis les plus proches du Premier ministre m’a emmené dans «ma» visite des colonies. Ce dernier a dit aux dirigeants des colonies – à chaque fois et de manière très explicite – de me traiter comme l’invité personnel de Sharon. Ils devaient parler ouvertement et ne rien cacher de leurs sentiments et de leurs opinions.

Ce qu’ils n’ont pas fait. Ils ont tout déballé ; «radical» serait un euphémisme. Ils étaient «fous», fanatiques même. Les villages palestiniens voisins, à l’égard desquels s’exprime un flot de mépris et de haine, sont dans leur ligne de mire ; ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne soient balayés et que leurs terres ne soient accaparées.

De retour à Jérusalem [Al-Quds], mon guide m’a regardé d’un air sévère et m’a dit simplement : «Comprends-tu ? Comprends-tu pourquoi tu as été envoyé en mission ?».

«Oui, je comprends». Ces fanatiques ne seront jamais éliminés. Même si l’armée israélienne tentait de le faire, ce serait un bain de sang, ai-je répondu. Leurs griffes sont profondément enfoncées dans la terre de la colonie.

J’ai répondu «oui». C’est tout ce qui a été dit.

Et maintenant, quelques décennies plus tard et sur le ton le plus doux qui soit, Ignatius fait allusion à l’éléphant dans la pièce : «La paix [en effet] nécessiterait une confrontation avec Israël». «Biden est la dernière administration en date à se confronter à cette réalité», conclut-il.

Mais la «pratique» est à l’opposé : Biden soutient et facilite le massacre d’Israël à Gaza, tout en marmonnant des platitudes selon lesquelles Israël devrait continuer à bombarder, mais avec plus de précautions.

Jusqu’ici, tout va bien. Mais ensuite, plutôt que d’aborder ce que signifierait une «confrontation», Ignatius s’égare dans sa propre pensée magique : «Y a-t-il une fin heureuse à cette histoire ? Probablement pas», songe-t-il – avant d’ajouter, «apaisé», qu’il a rencontré tant de courageux Israéliens et Palestiniens travaillant ensemble… vers la paix… (… ben voyons !)

La solution des deux États est, bien entendu, le «point zéro» juridique. Le cadre juridique – en termes de résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations unies, les deux résolutions stipulent qu’un État palestinien doit être établi sur les terres occupées par Israël lors de la guerre de 1967. Il s’agit du consensus perpétuel de l’Occident et de son discours, répété à l’infini, jamais poursuivi sérieusement. Jamais on n’y réfléchit plus profondément.

Ignatius doit le savoir : La négociation d’une solution à deux États est considérée à Washington comme le bourbier qui met fin à tous les bourbiers. Cela n’arrivera pas, et ils le savent. Ils se contentent de le dire.

La perspective de deux États pourrait encore être le point de départ du consensus. Mais ce ne sera pas le point final. La Cisjordanie, Gaza et Jérusalem palestinienne ont été conquises. Le Mur occidental l’a été aussi. Et c’est du Mur occidental du Mont du Temple, métaphoriquement parlant, qu’a surgi le démon de l’eschatologie. Le plus dévorant des démons. Il a engendré l’entreprise de colonisation, la clandestinité juive, les ultranationalistes haredi – et le Mouvement du Mont du Temple.

Et une deuxième Nakba (nettoyage ethnique violent) plane désormais sur tout.

Aujourd’hui, l’avidité et la peur sont les émotions dominantes : Selon la politologue Tamar Hermann, le 7 octobre a ravivé un sentiment qu’Israël n’avait plus ressenti depuis 1973 : la crainte que ses voisins et ses ennemis ne fassent disparaître le pays juif. Lorsque le peuple a le sentiment que l’existence même d’Israël est menacée, la peur se mêle à la cupidité ; inévitablement, l’élimination de la population et l’appropriation des terres deviennent l’une des options envisagées.

Israël – de son point de vue – a déjà essayé sa version de la «solution à deux États» – en réalité, il s’agissait d’une structure d’apartheid. Aujourd’hui, 7,3 millions de Palestiniens et 7,3 millions de juifs vivent dans le «Grand Israël», et le taux de natalité palestinien est le plus élevé. Un État, deux États : pour les Israéliens, ce calcul a fait son temps et son pronostic est considéré comme «mauvais».

Les piliers d’Oslo sur lesquels on supposait que l’État palestinien serait construit se sont inversés : Le premier pilier a toujours été la démographie – l’hypothèse était que la démographie pousserait Israël à «donner» aux Palestiniens leur «État» séparé, à côté d’Israël.

Le 7 octobre y a mis un terme. L’endiguement structurel, l’application militaire et la dissuasion ont échoué, et la démographie pousse maintenant dans la direction opposée, à savoir débarrasser la terre de toutes les «populations hostiles».

Le deuxième pilier était que les Palestiniens coopéreraient sur les questions de sécurité afin de rassurer Israël en assurant le maintien de l’ordre au sein de leur propre population ; et le troisième pilier était qu’Israël – et Israël seul – déciderait quand il aurait reçu suffisamment de garanties de sécurité pour «donner» aux Palestiniens leur État.

Cette notion a explosé à Gaza, en Cisjordanie et dans le Nord. Les Israéliens craignent désormais ce qui se trouve de l’autre côté de leurs clôtures et de leurs murs. Que se passera-t-il si Israël en vient à la conclusion que sa seule voie est le nettoyage ethnique massif comme macro «solution» ?

Comment les États-Unis feront-ils exactement face à cette situation ? Israël ne se laissera pas faire, il ne se laissera pas acheter. 

Théoriquement, les États-Unis disposent d’une influence considérable (beaucoup d’argent et de munitions), mais le paradigme politique du lobby – le soutien sans réserve du congrès et de la population américaine à Israël – signifie que cette «influence» supposée ne peut être utilisée sans créer une tempête au sein du système politique américain.

Une épreuve de force s’annonce (plutôt que des négociations de paix).

Et si Israël ignorait la Maison-Blanche et «le faisait» (une Nakba massive) ? Et s’il prend le risque de voir les États-Unis «retirer le tapis» sous les pieds d’Israël ?

Alastair Crooke

source : Al-Mayadeen

traduction Réseau International

La stabilisation de Gaza n’est pas une “fin de partie” pour Joe Biden

Source : Le Saker francophone - Le 20/12/2023.

 

S’attaquer aux porte-avions américains (même sans entrer dans les détails) équivaut symboliquement à ce que l’Axe remette en cause l’hégémonie américaine dans ses fondements mêmes. “Défi accepté”.


Par Alastair Crooke – Le 12 novembre 2023 – Source Strategic Culture

Les intérêts américains et israéliens – confrontés à l’horrible spectacle des morts massives de civils à Gaza – divergent à la fois à court et à long terme. Pour “Israël” , le ministre israélien de la sécurité déclare que tout “ce qui ne met pas fin à l’existence du Hamas est un échec” .

Les États-Unis s’investissent pleinement pour aider “Israël” à vaincre le Hamas, mais en plaçant la barre si “messianiquement haute” , Netanyahou tend un piège à Biden : si l’armée israélienne ne parvient pas à anéantir le Hamas, “Israël” ne peut pas “gagner” . Et, à la fin, si “Israël” se retire simplement – et que le Hamas et son ethos révolutionnaire demeurent – cela sera compris dans toute la sphère islamique comme une “victoire” du Hamas. En d’autres termes, le stabilisation de Gaza n’est pas une solution pour Biden.

Pire encore, dans ce dernier scénario, Biden se voit privé de la possibilité de mettre en avant une “fin du jeu” américaine claire à Gaza afin d’apaiser les critiques croissantes dans son pays concernant son soutien “sans limites” à la guerre d’“Israël” contre le Hamas – un soutien qui est de plus en plus souvent qualifié de nettoyage ethnique, voire de génocide, par les manifestants américains.

En clair, la politique de l’administration américaine risque de chavirer rapidement et de devenir un handicap politique majeur. La position actuelle est donc clairement assortie d’un “délai d’expiration” précoce. Biden veut passer à autre chose.

Le gouvernement israélien, en revanche (avec le soutien massif de son opinion publique), s’est engagé à fond dans l’éradication du Hamas et considère les morts civiles comme le “prix de la guerre” , notamment parce qu’un tel degré d’intensité est considéré comme nécessaire pour apaiser l’électorat israélien après le grand choc du 7 octobre. Le discours du cabinet israélien parle d’une guerre longue, plutôt que d’une “fin de partie” rapide.

Pour l’administration américaine, en cette année électorale, Joe Biden veut aller au-delà du Hamas. Il ne veut pas que Gaza entache les élections de 2024, mais il veut plutôt ramener l’attention du public américain sur la prétendue “menace” de la Russie, de la Chine et de l’Iran.

Les États-Unis et “Israël” veulent tous deux éviter une guerre régionale de grande ampleur ; mais “Israël”, selon la Maison Blanche, prend d’énormes risques d’escalade en cherchant à “éradiquer totalement” le Hamas – et ses moyens destructeurs pour parvenir à cette fin radicalisent le monde.

Dans son discours de dimanche, Seyed Nasrallah a effectivement fait du Hezbollah le garant de la survie du Hamas (en identifiant spécifiquement le Hamas par son nom). Le Hezbollah, a-t-il dit, se limitera à des opérations non définies et limitées à la frontière, dans le cas où le Hamas serait en danger et quand il sera en danger. Il s’agit là d’une “ligne rouge” qui inquiétera la Maison Blanche.

En clair, les États-Unis essaieront (s’ils le peuvent) – comme l’a fait Blinken – de faire reculer “Israël” dans son assaut contre Gaza, laissant les Forces de défense israéliennes dans un contexte d’effondrement total de la dissuasion, car, en laissant “Israël” persévérer, ils risquent une escalade régionale horizontale. Sans surprise, les grands médias américains spéculent sur les possibilités de changement de régime pour Netanyahou. Ce dernier est certes impopulaire, mais son départ ne changerait rien à l’opinion bien établie en “Israël” selon laquelle Gaza doit être “rayée de la carte” .

Le point le plus important du discours de Seyed Nasrallah est son changement d’orientation, qui reflète peut-être non seulement la vision étroite du mouvement, mais aussi celle de l’“axe” collectif. Ainsi, dans son discours, “Israël” est passé du statut d’acteur indépendant à celui d’un protectorat militaire américain nocif parmi d’autres.

Seyed Nasrallah a directement mis en cause non seulement l’occupation israélienne, mais aussi les États-Unis dans leur ensemble, qu’il considère comme responsables de ce qui est arrivé à la région – du Liban à la Palestine, en passant par la Syrie et l’Irak. À certains égards, ces paroles font écho à l’avertissement lancé par Poutine à Munich en 2007 à l’Occident, qui massait alors des forces de l’OTAN aux frontières de la Russie. “Défi accepté” .

De même, les États-Unis ont déployé des forces massives dans la région, dans l’espoir de contraindre la Résistance libanaise à renoncer à toute intervention majeure en “Israël” .

Toutefois, le sous-texte du discours de Seyed Nasrallah était l’allusion à un front uni, à une “lente ébullition” de la “grenouille de le dissuasion” américaine, plutôt qu’à un plongeon tête baissée dans une guerre régionale.

Ces dernières semaines, les bases militaires américaines de la région ont été la cible d’attaques répétées de la part des milices régionales, et rien n’indique que ces attaques vont bientôt cesser. Leurs drones et leurs roquettes ont tous été abattus, a insisté le CENTCOM. Aujourd’hui, le CENTCOM a cessé de publier des mises à jour. Combien d’Américains ont été blessés et tués jusqu’à présent ? Combien d’autres risquent de mourir ou d’être gravement blessés ? Pour l’instant, nous ne le savons pas.

“Tout cela indique une évolution inquiétante” , écrit Malcom Kyeyune“le déclin de la dissuasion” :

Au cours des dernières semaines, les responsables américains ont supplié [les milices] … de cesser d’utiliser des drones et des roquettes – et les ont menacées de graves conséquences si elles n’obtempéraient pas. Washington a mis ces menaces à exécution en ripostant par des frappes aériennes, tout en soulignant la nature défensive de ces frappes et en promettant de faire marche arrière dès que les attaques contre les bases américaines cesseraient. Mais après chaque frappe aérienne, les groupes armés de la région ont “intensifié” leurs activités anti-américaines. Des rapports circulent actuellement sur plusieurs grands groupes armés en Irak déclarant un état de guerre de facto contre l’Amérique [pour la libération de l’Irak].

Le cœur du problème réside dans le fait que les forces américaines sont réparties sur plus d’une douzaine de bases dans la région. Aucune de ces bases n’est suffisamment solide pour se défendre contre une attaque concertée. Ils se sont plutôt appuyés sur l’idée qu’en attaquant ne serait-ce qu’un faible avant-poste américain, on s’exposait à des ennuis : ce n’était qu’une question de temps avant que l’ensemble de la machine de guerre américaine ne s’abatte sur vous pour neutraliser la menace.

Kyeyune suggère alors que :

La dissuasion a d’abord été un effet secondaire utile de la puissance économique et militaire américaine. Mais au fil du temps, elle est devenue une béquille, puis un village Potemkine : une façade érigée par mesure d’économie, pour dissimuler le fait que l’armée se réduisait, que les dysfonctionnements politiques augmentaient et que la stabilité fiscale s’érodait. Aujourd’hui, alors que les drones et les roquettes pleuvent sur les militaires américains en Syrie et en Irak, il apparaît clairement que le Moyen-Orient a décidé que les menaces américaines n’étaient plus vraiment crédibles.

L’Irak sera-t-il le prochain “front” à s’ouvrir dans ce conflit en expansion ?

Seyed Nasrallah a déclaré à propos des navires de guerre américains : “Nous avons préparé quelque chose pour eux” . S’attaquer aux porte-avions américains (même sans entrer dans les détails) équivaut symboliquement à ce que l’Axe remette en cause l’hégémonie américaine à sa racine même. “Défi accepté” .

En bref, les conflits sont devenus géopolitiquement divers et technologiquement plus complexes et multidimensionnels – en particulier avec l’inclusion d’acteurs non étatiques militairement compétents. C’est pourquoi un resserrement progressif de l’étau sur plusieurs fronts peut constituer une stratégie efficace : “On peut douter que l’armée américaine parvienne à mener une guerre sur trois ou quatre fronts – l’effort pourrait facilement se transformer en un nouveau bourbier” .

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker francophone

L’OTAN est nerveuse : Les Russes s’arrêteront-ils aux frontières de l’Ukraine ?

Source : RzO International - Le 18/12/2023.

par Constantin Olchanski

Critical Threats affirme que l’armée russe, après une victoire imminente dans la Région militaire Nord, deviendra plus puissante et plus moderne.

L’armée russe victorieuse à l’extrémité de la Région militaire Nord disposera d’une expérience de combat inestimable et sera numériquement nettement plus nombreuse que les troupes russes avant le début de 2022.

L’économie russe se rétablira progressivement à mesure que les sanctions s’atténueront inévitablement, et Moscou a déjà créé des mécanismes efficaces pour contourner ou atténuer celles qui subsistent.

Au fil du temps, la Russie remplacera complètement ses armes et l’armée peaufinera sa cohérence, en s’appuyant sur son expérience riche et durement acquise dans la conduite d’un conflit armé, mécanisé et manœuvrable.

La Russie recevra des systèmes de défense aérienne avancés capables de vaincre, en théorie, uniquement les avions furtifs américains.

La Russie, après la fin de la Région militaire Nord, constituera une véritable menace militaire pour l’OTAN – tout comme au plus fort de la guerre froide. La puissance militaire de la Russie sera déterminée par la somme que Moscou est prête à investir dans l’armée.

Cependant, en adoptant le budget triennal, Moscou s’est déjà engagée à mettre en œuvre le programme de modernisation de l’armée le plus ambitieux de l’histoire.

Cette prévision catastrophique pour l’OTAN pour les années à venir est faite par deux des plus grands «groupes de réflexion» américains : L’Institut pour l’étude de la guerre (ISW) et Critical Threats. Les deux «think tanks» représentent les conservateurs au sein de la direction américaine, c’est-à-dire qu’ils sont proches du Parti républicain.

Et ce n’est pas un hasard si les prévisions des conservateurs sont apparues aujourd’hui. Le Congrès américain (parlement bicaméral) a gelé l’examen de la question de l’assistance militaire à l’Ukraine jusqu’à la fin des vacances de Noël, c’est-à-dire jusqu’au 9 janvier.

Le mois prochain sera un tournant dans la zone de la Région militaire Nord : les troupes russes mènent une puissante offensive près de Koupiansk, Kremennaya et Avdeevka, Maryinka a été effectivement libérée, les troupes ukrainiennes ont été repoussées près d’Orekhovo et l’offensive sur Ugledar a été repoussée.

Ainsi, au moment où les membres du Congrès américain reviendront de leurs vacances, la carte des opérations militaires pourrait considérablement changer.

L’administration Joe Biden exige que le Congrès alloue une aide militaire à l’Ukraine d’un montant de 61,4 milliards de dollars. À titre de comparaison : A ce jour, l’administration Biden a alloué à Kiev 43,7 milliards de dollars d’aide militaire au régime

Il convient toutefois de comprendre que l’argent supplémentaire ne doit pas aller directement à l’Ukraine. Sur le montant total, 25,9 milliards de dollars devraient être consacrés à l’achat de nouvelles armes pour l’armée américaine, afin de remplacer celles déjà envoyées en Ukraine à partir des réserves. Il s’agit en fait du réarmement et de la modernisation de l’armée américaine.

«Les coûts liés à la poursuite de l’aide à l’Ukraine sont bien plus élevés que ce que la plupart des gens imaginent», écrivent ISW et Critical Threats dans le rapport.

Les experts américains écrivent que l’administration Biden ne s’arrêtera pas à une allocation ponctuelle d’assistance militaire, même d’un montant de 61,4 milliards de dollars. Les États-Unis ont l’intention de déployer une partie importante de leurs forces terrestres en Europe de l’Est. Les États-Unis devront également déployer un grand nombre d’avions furtifs en Europe.

La construction et la maintenance de ces avions sont en soit coûteuses. Et les problèmes liés à leur production rapide obligeront les États-Unis à choisir entre quelle superpuissance contenir en premier.

Selon les conservateurs, les Américains sont menacés par la Chine dans la région Asie-Pacifique, l’Iran par l’Iran au Moyen-Orient et la Russie par l’Europe. Les Américains ne peuvent pas agir sur les trois fronts en même temps, comme en témoigne l’échec du vote au Congrès : Les États-Unis n’ont tout simplement pas d’argent à verser simultanément en Ukraine, à Taiwan et en Israël.

La loi martiale en Ukraine interdit aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le pays, bien qu’il existe de nombreuses exceptions au sursis à la conscription, comme l’absence d’un autre soutien de famille ou la présence de maladies graves et chroniques.

Même le commandant en chef des forces armées ukrainiennes Valery Zaluzhny dans une interview avec The Economist, a déclaré qu’il était nécessaire de réduire le nombre de retards, sinon le régime de Kiev ne sera pas en mesure de reconstituer des réserves suffisantes pour l’armée

Les conscrits potentiels fuient la mobilisation. Le gouvernement ukrainien affirme que plus de 21 000 de ces fugitifs ont été capturés. Parmi eux, 14 300 personnes ont tenté de traverser illégalement la frontière à pied ou à la nage, et près de 7000 ont utilisé de faux documents, notamment médicaux.

La BBC a estimé que l’arnaque aurait pu coûter à chacun entre 6000 et 10 000 euros.

Kiev n’a pas réussi à étouffer longtemps l’ampleur de la corruption pendant la mobilisation. Même les journalistes ukrainiens, sans parler des journalistes occidentaux, ont découvert de nombreux faits de corruption parmi les commissaires militaires régionaux. Beaucoup ont gagné de grandes (et parfois de très grandes) fortunes grâce aux pots-de-vin destinés à échapper à la conscription.

L’ancien commissaire d’Odessa, par exemple, a économisé environ 5 millions d’euros et a même acheté un bien immobilier à Marbella, en Espagne. En août, un changement complet de tous les commissaires a eu lieu et des poursuites pénales ont été engagées contre 33 commissaires militaires.

Zaloujny a pris le contrôle de la mobilisation, mais la situation ne s’est pas améliorée du tout. L’armée ukrainienne continue de perdre du personnel en raison de la stupidité des commandants et des politiciens, et les déserteurs continuent de fuir la mobilisation.

source : The Intel Drop via La Cause du Peuple

 

La Baltique devient une autre région de confrontation entre l’Occident et la Russie

Source : RzO International - Le 14/12/2023.

par Alexandre Lemoine

La région de la mer Baltique, qui se distinguait par un faible niveau de confrontation pendant la guerre froide et où dominaient clairement des tendances au développement de la coopération dans divers domaines, tant bilatéraux que multilatéraux, après la fin de celle-ci, connaît maintenant une situation complètement opposée. 

Tout d’abord, il y a eu une consolidation des positions de l’Occident. Après l’entrée de la Finlande dans l’OTAN et l’adhésion attendue de la Suède, tous les pays de la région, à l’exception de la Russie, deviennent membres de l’OTAN et de l’UE, les deux associations occidentales les plus influentes. 

La Russie n’a pas de contradictions aussi sérieuses avec la Suède et la Finlande qu’avec l’Ukraine, mais le potentiel positif de leur politique de non-alignement est désormais épuisé. Par conséquent, la confrontation actuelle entre la Russie et l’Occident se manifeste de plus en plus ouvertement. La Russie et les autres pays de la région de la mer Baltique adoptent des positions différentes, voire diamétralement opposées sur les principaux problèmes internationaux. Cela est particulièrement évident en ce qui concerne les événements en Ukraine, qui reçoit un soutien politique, économique et militaire substantiel de leur part. 

La confrontation la plus sérieuse entre la Russie et l’Occident, y compris avec les pays de la région de la mer Baltique, se produit dans le domaine économique. Dans le cadre de l’UE, les États de cette région non seulement soutiennent les sanctions imposées contre la Russie, mais parfois adoptent également les positions les plus fermes. 

Cela se manifeste également au niveau national, où certains d’entre eux introduisent unilatéralement des mesures restrictives, visant non seulement les structures officielles et les entreprises, mais aussi les citoyens ordinaires. En conséquence, les liens commerciaux et économiques ont considérablement diminué, et de nombreux projets de coopération mutuellement bénéfiques ont été abandonnés. 

Actuellement, ils sont réduits au minimum. Même la coopération transfrontalière n’a lieu que dans les cas où cela est absolument nécessaire. La frontière entre la Russie et la Finlande, qui a toujours été caractérisée par un fonctionnement correct et une bienveillance, est maintenant pratiquement fermée. 

Il convient de noter en particulier le changement radical de l’atmosphère générale dans la région. Si auparavant elle était caractérisée par la bienveillance et un certain niveau de confiance, elle est désormais dominée par la suspicion et même l’hostilité. 

Ainsi, au lieu d’une zone de coopération, un profond clivage s’est créé entre la Russie d’un côté et les pays occidentaux de l’autre dans la région de la mer Baltique. La situation actuelle rappelle dans une certaine mesure la situation en Europe centrale pendant la guerre froide, où deux blocs s’opposaient directement l’un à l’autre. 

Par conséquent, il existe désormais une tendance à transformer la région en un deuxième point de confrontation entre la Russie et l’Occident en termes d’intensité, après l’Ukraine. Il convient de garder à l’esprit que la région de la mer Baltique pourrait être directement affectée en cas d’intensification et d’expansion de la zone de conflit militaire en Ukraine. Bien que moins probable, il ne faut pas non plus écarter le risque d’une détérioration grave de la situation en Arctique, ce qui aurait également un impact sur la région de la mer Baltique. 

La particularité de la confrontation actuelle entre la Russie et l’Occident est que, contrairement à la guerre froide, où des périodes de tension alternaient avec des périodes de détente, la ligne de l’escalade prédomine aujourd’hui. La situation est peu susceptible de changer avant la fin des hostilités en Ukraine.

source : Observateur Continental

 

La panique monte à bord du bateau otanesque

Source : RzO International - Le 13/12/2023.

par Mikhail Gamandiy-Egorov

Le bloc occidental devient de plus en plus inquiet quant à ses intérêts dans son conflit par procuration en Ukraine, et évidemment plus globalement parlant à l’échelle planétaire. Après avoir maintes fois promis de faire subir la défaite stratégique à la Russie, les régimes de l’Occident se rendent compte que c’est précisément l’inverse qui se produit.

«La Russie de Poutine se rapproche d’une victoire dévastatrice. Les fondations de l’Europe tremblent» – titre l’un des principaux quotidiens britanniques The Telegraph. En ajoutant que la contre-offensive de Kiev s’est soldée par un échec. Et que cela pourrait être le moment de Suez pour l’OTAN.

Cette dernière mention faisant référence vraisemblablement à la nationalisation par l’ancien président égyptien et grand leader panarabe Gamal Abdel Nasser du canal de Suez en faveur de son pays, qui s’en est suivie d’un conflit entre la République arabe et la coalition composée des régimes britannique, français et israélien. Et qui était de-facto une défaite internationale aussi bien pour ces derniers, que pour l’axe occidental de manière générale.

Évidemment l’auteur dudit article oublie de rappeler que l’échec de la fameuse contre-offensive n’est pas seulement et tellement un échec de Kiev, mais bel et bien précisément celui de l’OTAN et du bloc occidental des nostalgiques de l’unipolarité. C’en est bien sûr trop demander à un média britannique. Surtout lorsqu’il est désormais connu, y compris à travers certaines voix du régime kiévien, que c’est précisément Londres avec Washington qui avaient de-facto interdit de mener des négociations avec la Russie.

Cela est donc d’autant plus paradoxal que ces voix alarmistes occidentales sont aujourd’hui de plus en plus entendues précisément chez les anglo-américains – qui avaient choisi de sacrifier la vie d’un grand nombre d’êtres humains, plutôt que d’arriver à une solution juste et équitable. Mais c’est effectivement, encore une fois, fort révélateur de ce qu’ils représentent réellement. Ainsi que de la tendance en cours au sein de l’axe otanesque et plus généralement parlant parmi tous les nostalgiques d’une ère unipolaire révolue et terminée.

L’anecdotisme de ce stress observé actuellement en Occident parmi les élites politiques comme médiatiques, est d’autant plus flagrant, surtout lorsqu’elles font référence aux «fondations de l’Europe qui tremblent» – sachant que c’est encore une fois précisément Washington et Londres qui ont détruit toute souveraineté, même la plus minimale, au sein de cet espace européen dit bruxellois. L’Europe avait sa chance d’adhérer à l’ordre multipolaire international. Cette chance est aujourd’hui perdue, et pour longtemps.

Mais l’essentiel effectivement est qu’après avoir promis et répété que la Russie allait subir une défaite stratégique – aujourd’hui ces personnages se rendent compte que la défaite stratégique arrive précisément pour l’axe occidentalo-otanesque. Avec toutes les conséquences que cela implique.

Car bien évidemment la guerre en cours – ce n’est aucunement un conflit armé entre la Russie et l’Ukraine. C’est une guerre entre la Russie et le bloc composé de plusieurs dizaines de régimes ennemis otanesques, qui tentent par tous les moyens de réimposer au monde l’ère de l’injustice unipolaire, où une extrême minorité planétaire pourra maintenir sa domination sur l’écrasante majorité. Et en ce sens c’est de-facto l’un des affrontements contemporains, et peut-être le principal, entre justement cette extrême minorité arrogante et dépassée contre la majorité non-occidentale, tournée vers l’avenir.

Une chose est sûre. De nombreux mythes sont en train de s’écrouler sous nos yeux. Notamment quant à la «superpuissance et l’ultra-efficacité» de l’Occident. Le fait de disposer d’un budget militaire de plusieurs fois supérieur à ceux des principales puissances non-occidentales réunies – n’est pas synonyme de succès, ni d’efficacité. De nuisance – certes. Mais chaque type de nuisance a toujours sa solution.

Quant à la force de l’Occident – la réalité est qu’il n’y en a pas. Si ce n’est que de pouvoir agresser impunément des nations plus faibles, comme cela était le cas durant des décennies et même des siècles. Pour autant – chaque chose a une fin. Le temps de l’impunité aussi. Stratégiquement parlant – le conflit «ukrainien» est effectivement également stratégique dans le sens que la Russie en qualité d’une des principales forces promotrices de la multipolarité – affronte un ennemi surarmé, mais qui maîtrise par la même occasion, du moins en partie, l’art de guerre russe et soviétique. Et ce savoir-faire a démontré, continue de le faire et le fera encore – être bien au-dessus des prétendus génies militaires otano-occidentaux.

D’où la panique à bord du bateau à la dérive et qui approche la fin de son cycle de vie.

Mikhail Gamandiy-Egorov

source : Observateur Continental

Ce qui se cache derrière les mensonges de Benjamin Netanyahu et les esquives du Hamas

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous réagissons à l’attaque contre Israël le 7 octobre et au massacre des civils palestiniens à Gaza en fonction des informations dont nous disposons. Or, nous sentons bien que la version officielle du gouvernement israélien et du Hamas est mensongère.

 

 

Sept questions majeures questions restent sans réponse :

 Comment le Hamas a-t-il pu creuser et aménager 500 kilomètres de tunnels à 30 mètres de profondeur sans éveiller l’attention ?

 Le matériel de forage des tunnels est considéré comme à double emploi civil et militaire. Il n’est pas fabriqué à Gaza et ne peut en aucun cas y entrer, sauf complicité au sein de l’administration israélienne.

 La terre excavée (1 million de m3) n’a pas été repérée par la surveillance aérienne. Même en supposant qu’elle ait été dispersée en de nombreux endroits différents et mêlée à celle de chantiers en cours, il est impossible que, durant vingt ans, les services de Renseignement israéliens n’aient rien détecté.

 Le matériel d’aération des tunnels n’est pas considéré comme à usage militaire. Il est possible de le faire entrer à Gaza, mais la quantité nécessaire aurait dû attirer l’attention.

 Le béton armé nécessaire pour solidifier les parois n’est pas fabriqué à Gaza. Lui aussi, il n’est pas considéré comme un matériel militaire, mais la quantité nécessaire aurait dû attirer l’attention.

• Comment le Hamas a-t-il pu stocker un tel arsenal ?

 Le Hamas, branche palestinienne de la Confrérie des Frères musulmans, dispose d’une grande quantité de roquettes et d’armes de poing. Certes, il a pu fabriquer lui-même certaines parties des roquettes, mais il est parvenu à importer, principalement d’Ukraine, et à faire entrer des milliers d’armes de poing à Gaza, malgré des scanners très performants. Cela paraît impossible sans complicité au sein de l’administration israélienne.

• Pourquoi Benjamin Netanyahu a-t-il écarté tous ceux qui l’ont prévenu ?

 Le ministre égyptien du Renseignement, Kamel Abbas, lui a personnellement téléphoné pour le mettre en garde contre une attaque majeure du Hamas.
 Son ami, le colonel Yigal Carmon, directeur du Memri, l’a personnellement mis en garde contre une attaque majeure du Hamas.
 La CIA a envoyé à Israël deux rapports de renseignement mettant en garde contre une attaque majeure du Hamas.
 Le ministre de la Défense, Yoav Galland, a été limogé en juillet parce qu’il avait mis en garde le gouvernement contre la « tempête parfaite », préparée par le Hamas.

• Pourquoi Benjamin Netanyahu a-t-il démobilisé les forces de sécurité le 6 octobre au soir ?

 Le Premier ministre a autorisé les Forces de sécurité à lever le pied à l’occasion des fêtes de Sim’hat Torah et de Chemini Atseret. Il n’y avait donc pas, au moment de l’attaque, le personnel nécessaire pour surveiller la barrière de sécurité autour de Gaza.

• Pourquoi les responsables de la Sécurité sont-ils restés enfermés au siège du Shin Bet ce matin-là ?

 Le directeur du contre-espionnage (Shin Bet), Ronen Bar, avait convoqué une réunion des responsables de tous les services de sécurité, le 7 octobre à 8 heures du matin, pour examiner le second rapport de la CIA alertant sur une opération majeure du Hamas en préparation.
Or, l’attaque a débuté le même jour à 6 heures 30. Les responsables de sécurité n’ont pas réagi avant 11 heures. Qu’ont fait ces responsables durant cette interminable réunion ?

• Qui a enclenché la « directive Hannibal » de cette manière et pourquoi ?

 Lorsque les Forces de sécurité ont commencé à réagir, les FDI ont reçu l’ordre d’appliquer la « directive Hannibal ». Celle-ci stipule de ne pas laisser les ennemis prendre des soldats israéliens en otages, quitte à les tuer. Une enquête de la police israélienne atteste que l’aviation israélienne a bombardé la foule qui fuyait la Rave Party Supernova. Une part importante des morts du 7 octobre ne sont donc pas des victimes du Hamas, mais de la stratégie israélienne.
 Or, la « directive Hannibal » ne s’applique en théorie qu’aux soldats. Qui a décidé de bombarder une foule de civils israéliens et pourquoi ?
Il n’est pas possible aujourd’hui de déterminer avec certitude quels Israéliens ont été tués par les assaillants et quels autres l’ont été par leur propre armée.

• Pourquoi les forces occidentales menacent-elles Israël ?

 Le Pentagone a déployé deux groupes navals, autour de l’USS Gerald Ford et de l’USS Eisenhower, et un sous-marin porteur de missiles de croisière, l’USS FloridaHaaretz a même évoqué un troisième porte-avions. Les alliés des États-Unis (Arabie saoudite, Canada, Espagne, France, Italie) ont installé des chasseurs-bombardiers dans la région.
Ces forces ne sont pas installées pour menacer la Türkiye, le Qatar ou l’Iran, que la presse occidentale accuse d’être impliqués dans l’attaque du Hamas, mais au large d’Israël, à Beyrouth et à Hamat. C’est Israël qu’elles encerclent. Et Israël seul.

QUE CACHENT CES MYSTÈRES ?

 

À l’évidence la version défendue à la fois par le Hamas et par Israël est fausse. Nous devons envisager d’autres explications possibles afin de ne pas nous faire manipuler, ni par les uns, ni par les autres.

Formulons une hypothèse. Rien ne permet de dire si c’est la bonne, mais elle est compatible avec les éléments factuels, ce qui n’est pas le cas de la version aujourd’hui partagée par tous. Elle est donc meilleure que celle-là. Elle est évidemment extrêmement choquante, mais seuls ceux qui sont capables de répondre aux 7 questions précédentes peuvent l’écarter.

Cette interprétation repose sur une analyse de la structure complexe du Hamas, dont les combattants de base ignorent ce que trament leurs dirigeants. La voici :

L’ensemble de l’opération du Hamas et d’Israël est pilotée par des États-uniens, peut-être sous la direction du straussien Eliott Abrams [1] et de sa Vandenberg Coalition (Think Tank qui a succédé au Project for a New American Century). La Confrérie des Frères musulmans et les sionistes révisionnistes, qui apparemment se livrent une guerre cruelle, sont en réalité complices sur le dos des combattants de base du Hamas, sur celui du Peuple palestinien et sur celui des soldats israéliens. Voici leur plan : le Hamas est présenté comme la seule force de Résistance efficace à l’oppression des Palestiniens, mais il laisse Israël liquider l’espoir d’un État palestinien, tandis que la Confrérie des Frères musulman, auréolée du sacrifice des Palestiniens, prend le pouvoir dans le monde arabe.

Les chefs de la branche militaire et de la branche politique du Hamas sont tous deux subordonnés au Guide de la Confrérie des Frères musulmans à Gaza, Mahmoud Al-Zahar, le successeur de cheik Ahmed Yassine, dont pourtant personne ne parle. De son point de vue, la Confrérie sera la grande gagnante du « Déluge d’Al-Aqsa », y compris si Gaza est rasée et les Palestiniens chassés de leur terre.

Mahmoud Al-Zahar, Guide de la branche palestinienne des Frères musulmans, c’est-à-dire du Hamas. Son autorité est reconnue à la fois par la branche politique et par la branche combattante de l’organisation. Il déclarait en décembre 2022 : « L’État hébreu n’est que le premier objectif. La planète entière sera bientôt placée sous notre loi ».

Rappelons que le Hamas est aujourd’hui divisé en deux factions. La première, sous l’autorité d’Ismaël Haniyeh, reste sur la ligne de la Confrérie. Elle ne cherche ni à libérer la Palestine de l’occupation israélienne, ni à fonder un État palestiniens, mais se consacre à l’édification d’un Califat sur tous les pays du Moyen-Orient. La seconde, sous l’autorité de Khalil Hayya, a abandonné l’idéologie de la Confrérie, et se bat pour mettre fin à l’oppression du Peuple palestinien par les Israéliens.

La Confrérie des Frères musulmans est une société secrète politique, organisée par les services de Renseignement britanniques sur le modèle de la Grande Loge unie d’Angleterre [2] Elle a progressivement été récupérée par la CIA au point d’être représentée au sein du Conseil de sécurité nationale des États-Unis. Après l’effondrement des régimes islamistes du printemps arabe, la Confrérie s’est fracturée en deux tendances. Le Front de Londres, autour du Guide Ibrahim Munir (mort il y a un an), propose de sortir de la crise en quittant le champ politique et en obtenant la libération des prisonniers en Égypte. Le Front d’Istanbul, dirigé par le Guide intérimaire Mahmoud Hussein, préconise au contraire de ne rien changer et de continuer la lutte pour instaurer un Califat. Un troisième groupe tente de fixer une position intermédiaire en avançant l’idée d’abandonner la politique, le temps d’obtenir la libération des prisonniers, pour mieux la reprendre par la suite.

Réunion au Conseil national de sécurité US, le 13 juin 2013 à la Maison-Blanche. On reconnait Gayle Smith (seconde à droite) et le Frère Rashad Hussain (quatrième à gauche). Le conseiller national de sécurité, Tom Donilon, participait également à la réunion, mais ne figure pas sur la photo. Surtout, on reconnait le représentant des Frères musulmans et adjoint de Youssef al-Qaradâwî, le cheik Abdallah Bin Bayyah (second à gauche avec le turban).
Source : Confrérie des Frères musulmans

Les Frères musulmans combattent pour prendre le pouvoir dans tous les États arabes, comme ils l’ont fait en Égypte en 2012-13.
Rappelons que, contrairement à l’opinion répandue en Occident, Mohamed Morsi n’a jamais été élu démocratiquement président de l’Égypte, ce fut le général Ahmed Chafik. Toutefois, la Confrérie ayant menacé de mort les membres de la Commission électorale et leurs familles, celle-ci, après 13 jours de résistance, déclara Morsi élu, malgré le résultat des urnes. Par la suite, en 2013, 40 millions d’Égyptiens défilèrent contre lui, demandant à l’armée de les délivrer des Frères musulmans. Ce que le général Abdel Fatah Al-Sissi fit.

Aujourd’hui, les Frères musulmans ne sont aux affaires qu’en Tripolitaine (Ouest de la Libye) où ils ont été placés au pouvoir par l’Otan. Ils ne sont les bienvenus qu’au Qatar et en Türkiye (qui n’est pas un État arabe). Ils sont interdits dans la majorité des États arabes, notamment en Arabie saoudite (dont ils ont tenté de renverser le monarque en 2013) et aux Émirats arabes unis (impliquant la crise entre le Qatar et les autres États du Golfe). Et surtout en Syrie (dont ils ont tenté de renverser le gouvernement en 1982 et à laquelle ils ont livré une guerre, de 2011 à 2016, aux côtés de l’Otan et d’Israël). Ils sont sur le point de l’être en Tunisie (qu’ils ont dirigée durant une décennie).

Si le véritable objectif de ce massacre n’est pas le statut de la Palestine, mais la gouvernance des États arabes, nous devons nous attendre à une vague de changement de régimes au Moyen-Orient, chaque fois au profit de la Confrérie, bref, à une sorte de second « printemps arabe » [3].

Comme lors du printemps arabe, les services britanniques assurent la communication de la Confrérie. On se souvient de la manière dont ils ont fait la promotion du Frère Abdelhakim Belhaj en Libye [4] ou des magnifiques logos qu’ils avaient conçus pour la kyrielle de groupe jihadistes en Syrie. Des fuites au Foreign Office ont permis de confirmer tout cela. Cette fois, ils ont créé un nouveau personnage, Abou Obeida, le porte-parole de l’organisation combattante à Gaza. Cet homme, inconnu il y a peu, est subitement devenu une star dans le monde musulman où l’on s’arrache des posters à son effigie. Longuement formé à la prise de parole, il manie les symboles avec une aisance sans précédant chez des leaders sunnites.

Les gouvernements arabes agissent donc avec prudence en soutenant la création d’un État palestinien tout en se tenant à distance du Hamas. Tandis que le Hamas fait tout pour rendre impossible la création d’un État palestinien.

Jacques Baud : Zelensky n’est plus soutenu par sa propre population

Source : RzO International. - Le 29/11/2023.

Ukraine : Point de situation présenté par Jacques Baud sous le titre : «Zelensky n’est plus soutenu par sa propre population».

À défaut d’être soutenu par sa propre population, Zelensky est toujours soutenu par les médias occidentaux les plus néocons comme Politico ou The Time.

Le lecteur notera avec intérêt que ces journaux néocons reprennent avec enthousiasme le narratif du Jerusalem Post.

Y aurait-il, par le plus grand des hasards, un lien entre le néoconservatisme mondial et la droite dure israélienne ? Entre l’Ukraine et Israël ? Entre les médias occidentaux et les médias israéliens ?

Général Dominique Delawarde

*

Jacques Baud nous fait sa MASTERCLASSE qui va casser Internet !

Ancien colonel de l’armée suisse, analyste stratégique et spécialiste du renseignement et du terrorisme, Baud n’est plus à présenter.

C’est l’analyste que nous avons interviewé dans cette exceptionnelle entrevue sur l’avenir du conflit en Ukraine, celui de la Russie, l’implication des services américains et nous fait une révélation sur un rapport de la RAND explosif dont personne ne parle.

 

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source : Le Dialogue

Peu d’options après la débâcle d’Al-Shifa, la guerre s’allonge et s’élargit

 

Source : RzO International - Le 24/11/2023.

par Alastair Crooke

Nonobstant l’article d’opinion de Biden, l’administration Biden pourrait s’avérer vulnérable aux pressions, car les perspectives électorales démocrates pour 2024 en prennent un coup.

Les services de renseignement américains et israéliens avaient déjà exprimé leur certitude que les dirigeants du Hamas et leur QG se trouvaient sous l’hôpital Al-Shifa. Il était largement admis que, l’hôpital étant encerclé, le monde était sur le point de voir les dirigeants collectifs du Hamas sortir des sombres profondeurs de leurs bunkers, les mains en l’air, pour être ensuite emmenés, ignominieusement, comme des captifs.

Tel était le scénario. Mais cela ne s’est pas produit. Au contraire, les efforts ineptes des Israéliens en matière de relations publiques – qui se poursuivent toujours – pour prouver la validité de l’affirmation des services de renseignement israéliens selon laquelle il y avait un QG du Hamas sous l’hôpital ont été largement ridiculisés dans le monde entier. Ce qui a suivi, cependant, c’est la grave conséquence de l’encerclement ou de l’attaque des hôpitaux palestiniens, accréditant ainsi pour beaucoup l’idée que l’affirmation initiale des services de renseignement est devenue le prétexte à une destruction plus large de l’infrastructure humanitaire de la bande de Gaza, de manière à imprégner la conscience palestinienne de la conviction qu’avec des maisons, des écoles et des hôpitaux détruits, comment pourraient-ils revenir ? Il n’y aurait plus rien pour soutenir l’existence sociale.

Je me souviens d’un épisode similaire lors de la guerre de 2006 contre le Hezbollah. Les Israéliens étaient convaincus de connaître l’emplacement précis de Dahiya, à Beyrouth, où était caché le commandement du Hezbollah ; ils l’ont bombardé à fond. Seul le Hezbollah – comme le Hamas aujourd’hui – n’y était pas. En 2006, j’ai écrit une analyse en deux parties qui décrivait comment le Hezbollah avait gagné la «guerre» du renseignement et avait fourni de faux renseignements à Tel-Aviv. Le Hamas a peut-être appris une ou deux choses…

Toute la «stratégie Hamas» israélienne a été construite autour de l’hypothèse de la direction collective du Hamas cachée sous Al-Shifa : Leur reddition anticipée était censée annoncer une fin rapide et séduisante de la révolte du Hamas, et la possibilité de passer à la vitesse supérieure pour amener les Européens à faire pression sur l’Égypte pour qu’elle accueille la population déplacée de Gaza pour des «raisons humanitaires». La présidente de l’UE, von der Leyen, se serait rendue en Égypte et en Jordanie pour leur présenter des offres financières (10 milliards de dollars pour l’Égypte et 5 milliards de dollars pour la Jordanie), en échange de la dispersion des habitants de la bande de Gaza et de la facilitation de l’évacuation de la population palestinienne de la bande de Gaza, conformément aux objectifs désormais explicitement énoncés par Israël.

Cependant, le tweet de l’ancienne ministre Ayalet Shaked, «Après avoir transformé Khan Yunis en terrain de football, nous devons dire aux pays que chacun d’entre eux prend un quota : Nous avons besoin que les 2 millions d’habitants partent. C’est la solution pour Gaza» – en étant aussi explicite, il a probablement torpillé l’initiative de von der Leyen. Aucun État arabe ne veut être complice d’une nouvelle Nakba. Des ministres, des membres de la Knesset et des généraux à la retraite ont causé d’autres dommages diplomatiques en appelant au transfert des Palestiniens à l’étranger, à l’utilisation d’une bombe atomique sur la bande de Gaza et à ne pas se laisser décourager par l’apparition d’épidémies, qui ne feraient qu’accélérer la victoire israélienne.

Un échange d’otages est provisoirement convenu. En fin de compte, Netanyahou a cédé aux pressions exercées par les familles des otages – et par les États-Unis – au sein d’une société israélienne fracturée. La question est maintenant de savoir quelle sera la nouvelle issue à la trêve de l’échange d’otages : La même chose ou une destruction plus sévère, cette fois dans le sud de Gaza ?

Une faction veut renforcer les pressions militaires (dans l’espoir de forcer d’autres libérations d’otages). Une autre veut simplement raser Gaza et créer une crise humanitaire telle que l’Occident ne voit pas d’autre solution que la réinstallation de la population en Égypte, en Jordanie ou ailleurs. La Jordanie et l’Égypte résistent fermement à ces menaces et aux incitations promises.

D’après mon expérience, une Hudna est inévitablement très précaire. Les deux principales leçons que j’ai tirées de mes tentatives d’instaurer des trêves pendant la seconde Intifada sont qu’une «trêve est une trêve» – et seulement cela : Les deux parties l’utilisent pour se repositionner en vue de la prochaine série de combats. La seconde était que le «calme» dans une localité confinée ne propage pas la désescalade dans une autre localité géographiquement séparée, mais plutôt qu’une flambée de violence extrême est viralement contagieuse – et se propage géographiquement instantanément.

L’échange d’otages actuel est centré sur Gaza. Cependant, les Israéliens ont trois fronts de conflit ouvert (Gaza, la frontière nord et la Cisjordanie). Un incident grave survenant sur l’un de ces trois fronts peut suffire à ébranler la confiance dans l’entente avec Gaza et à relancer l’assaut israélien sur Gaza.

À la veille de la trêve, par exemple, les forces israéliennes ont lourdement bombardé la Syrie et le Liban. Sept combattants du Hezbollah ont été tués.

Une libération d’otages, en soi, ne résout rien. Qu’est-ce que tout cela implique pour le déroulement de la guerre ? La faction du cabinet de guerre dirigée par Gantz et Eisenkot, qui avait soutenu qu’Israël devait sauver tous les otages qu’il pouvait, l’a emporté lors d’une réunion tendue de trois heures.

L’armée israélienne a déjà annoncé son intention de reprendre les combats immédiatement après la fin du cessez-le-feu : Les responsables israéliens ont déclaré à leurs homologues américains qu’ils prévoyaient encore plusieurs semaines d’opérations dans le nord, avant de se concentrer sur le sud. Les porte-parole américains ont explicitement donné leur feu vert à la poursuite de l’action militaire israélienne et au déplacement de l’attention vers le sud de la bande de Gaza, avec toutefois une mise en garde pro forma : «Nous pensons à la fois qu’ils ont le droit de le faire, mais qu’il y a une réelle inquiétude, parce que des centaines de milliers de résidents de Gaza ont fui du nord vers le sud à la demande d’Israël», a déclaré un conseiller adjoint à la sécurité nationale des États-Unis.

Il est donc probable que les faucons du cabinet comprennent que le temps est limité (quelques semaines, peut-être) et que, s’ils sont honnêtes avec eux-mêmes, ils reconnaissent qu’ils n’ont pas commencé le travail de dégradation significative du Hamas.

Nonobstant l’article d’opinion de Biden, l’administration Biden pourrait s’avérer vulnérable aux pressions, car les perspectives électorales des démocrates pour 2024 en prennent un coup. Les États-Unis sont divisés sur la question des Israéliens et de la Palestine. La fenêtre de Biden pourrait donc s’avérer beaucoup plus courte que ne le laisse penser l’article d’opinion de Biden.

Le calendrier du Hamas est probablement plus long, s’il est vrai que ses installations souterraines sont bien approvisionnées. Jusqu’à présent, les FDI se sont appuyées sur des chars et des véhicules blindés de transport de troupes pour leurs opérations à Gaza, avec peu de patrouilles à pied pour prévenir les attaques contre leurs blindés. En conséquence, les FDI subissent des pertes considérables de blindés, mais leur priorité absolue est la protection de la force.

En fin de compte, l’affaiblissement de la principale force du Hamas nécessite précisément ce type de conflit que les Israéliens veulent à tout prix éviter. Le commandement israélien n’est pas convaincu de pouvoir l’emporter dans un environnement urbain en ruine, dans le cadre d’une guerre au corps à corps. Il se trouve que c’est aussi l’espace de combat dans lequel le Hamas est le plus compétent.

Les bombardements intensifs de la surface de Gaza ne sont pas une solution de remplacement : L’invasion des hôpitaux et la destruction des habitations ne mettront pas fin aux agissements du Hamas. De plus en plus de civils mourront et, à mesure que les conditions météorologiques se détérioreront et que les maladies se répandront, la situation à Gaza sera tout simplement perçue partout (sauf par certaines élites occidentales) comme tout à fait inacceptable et intolérable. La colère grandissante servira à raccourcir le délai de guerre le plus court (la «latitude» israélienne de continuer à décimer Gaza). Les doutes des élites israéliennes augmentent également.

Parallèlement à Gaza, la Cisjordanie apparaît rapidement comme un troisième front dans la guerre israélienne. L’attention se concentre naturellement sur Gaza et sur les échanges de tirs quotidiens à la frontière nord, qui se sont considérablement intensifiés au cours des deux derniers jours. Pourtant, entre ces deux derniers, le front de la Cisjordanie s’intensifie – certes de façon limitée, mais avec des conséquences non moins importantes : Depuis le 7 octobre, 210 Palestiniens ont été tués et plus de 2800 blessés en Cisjordanie.

Plus largement, des groupes irakiens poursuivent leurs attaques contre les bases américaines en Syrie et en Irak : Les bases et les troupes américaines en Irak et en Syrie ont subi des attaques quasi-quotidiennes par des tirs de roquettes et des drones, enregistrant au moins 65 incidents depuis le 17 octobre. Les forces armées yéménites, dans le cadre d’une escalade maritime majeure, ont saisi un cargo israélien (48 710 tonnes brutes), le Galaxy Leader, en mer Rouge.

La position élucidée par Biden entraînera un allongement et un élargissement de la guerre. La colère froide dans la sphère islamique commencera également à forcer l’action des États islamiques hésitants (peu enclins à couper avec «Israël» ou les États-Unis) : Si les Israéliens étranglent l’approvisionnement en carburant de Gaza, pourquoi les producteurs d’énergie ne pourraient-ils pas comprimer les approvisionnements israéliens jusqu’à ce qu’ils autorisent la libre circulation du carburant dans la bande de Gaza ? La pression en faveur de ce type d’action va inévitablement s’accentuer, à mesure que la misère de Gaza s’étend et que la situation en Cisjordanie devient plus incendiaire.

Alastair Crooke

source : Al-Mayadeen

traduction Réseau International

 

Pourquoi laissons-nous Israël et l’Ukraine avoir le dernier mot sur nos décisions ?


Source : The Saker francophone - Par David C. Hendricksonmm – Le 8 novembre 2023 – Source Responsible Statecraft

Le système d’alliances des États-Unis est souvent qualifié d’empire, et pour cause. Mais il s’agit d’une forme particulière d’empire, dans lequel le centre métropolitain semble dirigé et gouverné par la périphérie. Dans l’idée classique de l’empire, la domination va du haut vers le bas. Ce n’est pas le cas ici.

Cette inversion n’est nulle part plus évidente que dans les relations entre les États-Unis et Israël. Biden a réagi aux attentats du 7 octobre en apportant un soutien total à Israël dans son objectif de destruction du Hamas. Le même schéma se retrouve dans la politique à l’égard de l’Ukraine. Pendant 18 mois, l’administration Biden n’a pas osé fixer de limites aux objectifs de guerre de l’Ukraine, sauf celui, absurde, d’une victoire totale sur la Russie, avec Vladimir Poutine sur le banc des accusés à la fin.

 

Ces certitudes ont toutefois commencé à s’ébranler. Au sein de l’administration, il semble que l’on ait pris conscience, ces dernières semaines, qu’aucun de ces deux objectifs n’était atteignable. L’essentiel des rapports récents est le suivant : les Ukrainiens sont en train de perdre la guerre et doivent reconnaître ce fait, mieux vaut maintenant que trop tard. Les Israéliens se comportent de manière barbare et doivent être maîtrisés, faute de quoi notre réputation dans le monde sera ruinée.

Sur le front de l’Ukraine, il y a eu deux bombes. La première fut le reportage de NBC brossant un tableau désastreux de la situation militaire et rapportant que des diplomates américains et européens essayaient d’expliquer à l’Ukraine la nécessité de restreindre ses objectifs. Il est trop tard pour espérer autre chose qu’une impasse, a déclaré un ancien fonctionnaire de l’administration : “il est temps de conclure un accord“.

D’autre part, un long essai paru dans le Time a dépeint Zelensky comme une figure messianique et fanatique, déconnectée des perspectives d’avenir de l’Ukraine qui se dégradent. La corruption est encore pire que ce que l’on prétend. L’Occident fait des pieds et des mains pour obtenir des équipements militaires essentiels. L’armée ukrainienne ne parvient pas à trouver de nouvelles recrues. Des crédits supplémentaires du Congrès, même les 61 milliards de dollars demandés par l’administration, ne peuvent résoudre aucun de ces problèmes.

Pendant 18 mois, l’administration Biden a insisté sur le fait que les objectifs de l’Ukraine lui appartenaient entièrement et que les États-Unis les soutiendraient quoi qu’il arrive. Avec l’échec presque total de l’offensive ukrainienne de l’été, l’administration semble se dégonfler. Tout cela est très secret, des discussions “discrètes” étant réputées se dérouler en coulisses. Il est probable, en effet, que les conseillers de Biden soient divisés. Bien que la politique officielle n’ait pas changé d’un iota, l’élan est clairement là.

Le problème d’Israël est encore plus aigu. Selon des informations largement répandues, Joe Biden et ses conseillers estiment qu’Israël s’est lancé dans un projet fou à Gaza. Ils considèrent que les États-Unis, qui ont donné à Israël un feu vert, un chèque en blanc et des tonnes de bombes, seront tenus directement responsables des terribles conséquences humanitaires. Ils ne pensent pas qu’Israël ait défini un objectif cohérent. Ils craignent de soutenir une énormité morale. Ils constatent que le soutien des autres s’effondre rapidement.

Au cours du mois dernier, Biden a mis en garde les Israéliens contre la colère et la vengeance en représailles du 7 octobre, leur a déconseillé une invasion terrestre de Gaza et a insisté pour qu’Israël cherche à éviter autant que possible la mort de civils. Les conseillers militaires de Biden recommandent d’utiliser des bombes plus petites. L’érosion du soutien, a déclaré son administration aux Israéliens, “aura des conséquences stratégiques désastreuses pour les opérations des Forces de défense israéliennes contre le Hamas“. Le week-end dernier, le secrétaire d’État Antony Blinken a présenté ces idées au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et lui a demandé une “pause humanitaire“.

Réponse de Bibi : ça n’arrivera pas.

J’ai une idée. Les États-Unis pourraient menacer de suspendre les livraisons militaires à Israël s’il n’accepte pas un cessez-le-feu. Cela pourrait faire impression. Toutefois, depuis George H.W. Bush, aucun président n’a voulu défier Israël. L’approche des États-Unis au cours des 30 dernières années, comme aujourd’hui, a été celle d’un ami indéfectible : “C’est vraiment pour votre bien, mais nous n’oserions pas l’exiger de vous“.

Serrer les Israéliens dans ses bras et les rassurer sans cesse sur leur engagement indéfectible : Voilà comment finir une discussion avec eux.

Certains dirigeants israéliens ont répondu à cette approche, mais Benjamin Netanyahu n’a jamais été l’un d’entre eux. Le commentaire de Bill Clinton après sa première rencontre avec Netanyahou en 1996 – “Qui est la putain de superpuissance ici ?” – reflète le jugement réfléchi de Bibi selon lequel il peut susciter une opposition intérieure aux États-Unis qui annulera toute menace de la part d’un président américain.

Aujourd’hui, 66 % des Américains souhaitent un cessez-le-feu, selon un sondage, mais moins de 5 % des membres de la Chambre des représentants sont de cet avis ; Bibi sait donc peut-être de quoi il parle. L’AIPAC est occupé à lancer des attaques contre les quelques membres courageux du Congrès qui ont critiqué Israël et appelé à un cessez-le-feu.

Mais Biden doit se préoccuper du rôle plus important de l’Amérique dans le monde et il est conscient que ce qui se prépare à Gaza va probablement ruiner la légitimité de l’Amérique. Qui, dans les pays non occidentaux, pourra supporter à nouveau une leçon de morale de la part des États-Unis sur leur engagement zélé en faveur des droits de l’homme ? Quel sera l’impact sur le dossier de l’Amérique contre la Russie ?

Si l’on s’en tient aux tendances actuelles – pas de sortie vers le Sinaï pour la masse de la population de Gaza, effondrement complet des systèmes de santé et d’assainissement, pression militaire et blocus économique israéliens incessants, 1,5 million de personnes déjà déplacées – il est difficile d’imaginer que le nombre total de victimes parmi les habitants de Gaza puisse être inférieur à plusieurs centaines de milliers. Il est probable que les maladies et les épidémies seront beaucoup plus nombreuses que les balles et les bombes. Comme l’a déclaré Netanyahu, cette expérience restera gravée dans les mémoires “pendant des décennies“.

Et si elle s’inscrivait dans l’opinion publique mondiale comme un crime historique ?

Il est incroyable que les partisans de la guerre totale contre le Hamas invoquent Dresde, Hiroshima et d’autres atrocités pour justifier leur démarche, négligeant le fait que ni l’Allemagne ni le Japon n’avaient personne pour pleurer sur eux après la guerre, alors que les Palestiniens ont 1,8 milliard de musulmans pour pleurer sur eux aujourd’hui.

Il est évident qu’Israël ne peut pas poursuivre jusqu’au bout son objectif de destruction du Hamas sans provoquer des morts à une échelle biblique. Il n’y a aucune raison pour que les États-Unis adhèrent à ces objectifs.

Le choix de Biden est de soit se montrer ferme avec les Israéliens soit d’accepter ce qu’il craint d’être une gigantesque catastrophe.

Il existe des précédents de fermeté, mais ils sont certes lointains. Dwight Eisenhower l’a fait en 1956 à propos de l’aventure anglo-franco-israélienne de Suez. Bush I l’a fait en 1991 à propos des garanties de prêt accordées à Israël.

Mais l’exemple le plus marquant est celui de 1982, lorsque Ronald Reagan a demandé au Premier ministre israélien Menachem Begin de cesser les bombardements israéliens sur Beyrouth. “Menachem“, a dit Reagan, “c’est un holocauste“. À la surprise de Reagan, sa menace d’une réévaluation angoissante a fonctionné. “Je ne savais pas que j’avais un tel pouvoir“, a-t-il déclaré à son assistant Mike Deaver. Au moment de la menace de Reagan, le bilan de deux mois et demi de guerre avoisinait les 20 000 morts, dont près de la moitié étaient des civils.

Biden aura-t-il la volonté d’affronter Netanyahou ?

Son administration forcera-t-elle l’Ukraine à s’asseoir à la table des négociations ?

Dans notre drôle d’empire, où ce sont les vassaux qui mènent la danse, des tendances profondément ancrées dictent une réponse négative à ces deux questions, alors qu’une politique avisée dicterait des réponses positives. Le moment est peut-être venu d’adopter une nouvelle politique dans laquelle l’Amérique favorise ses propres intérêts nationaux plutôt que les leurs.

David C. Hendrickson

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

La patience stratégique de la Russie et de la Chine va-t-elle éteindre l’incendie au Moyen-Orient ?

par Pepe Escobar - Le 23/11/2023.

Il était une fois, au bord du fleuve Don, dans les steppes du sud de ce que l’on appelle encore aujourd’hui «l’Ukraine», le grand roi de Perse, le puissant Darius, à la tête de la plus puissante armée jamais rassemblée sur terre, qui reçut un message déroutant d’un ennemi qu’il poursuivait : le chef nomade Idanthyrsus, roi des Scythes.

Un envoyé scythe arriva au camp perse avec un oiseau, une souris, une grenouille et cinq flèches.

Puis il s’en alla précipitamment.

Le rusé Darius interpréta le message comme une volonté des Scythes de se soumettre aux Perses.

Pas si vite. Ce fut au conseiller principal en politique étrangère de Darius, Gobryas, qui était aussi son beau-frère, de déchiffrer le code :

«Si vous, les Perses, ne vous transformez pas en oiseaux et ne volez pas dans les airs, en souris et ne vous enfoncez pas dans le sol, en grenouilles et ne sautez pas dans les lacs, vous ne rentrerez jamais chez vous, mais resterez ici, dans ce pays, pour être abattus par les flèches des Scythes».

Apparemment, ce récit tiré des profondeurs des routes de la soie prouve le cauchemar stratégique que représente la guerre contre les insaisissables archers nomades à cheval dans les steppes eurasiennes.

Mais il pourrait aussi s’agir d’un récit sur la guerre contre des guérilleros urbains invisibles en sandales et RPG cachés dans les décombres à Gaza ; des mini-équipes éclair émergeant de tunnels pour frapper et brûler des chars Merkava avant de disparaître sous terre.

L’histoire nous apprend également que Darius n’a pas réussi à affronter les nomades scythes. C’est pourquoi, à l’automne 512 avant J.-C., il a eu recours à un stratagème préaméricain en Afghanistan, 2500 ans avant les faits : il a déclaré la victoire et s’en est allé.

Ce porte-avions débarqué

Tous ceux qui connaissent le Moyen-Orient – des généraux américains aux épiciers de la rue arabe – savent qu’Israël est un porte-avions terrestre dont la mission est de maintenir le Moyen-Orient sous contrôle pour le compte de l’Hégémon.

Bien sûr, dans un environnement géopolitique où le chien mange le chien, il est facile de se méprendre sur toutes les manigances du chien. Ce qui est certain, c’est que pour les cercles hégémoniques de l’État profond américain, et certainement pour la Maison-Blanche et le Pentagone, ce qui compte dans la conjoncture incandescente actuelle, c’est le gouvernement Netanyahou uber-extrême/génocidaire dirigé par le Likoud en Israël, et non pas «Israël» en tant que tel.

Cela projette Netanyahou comme l’image exacte de l’acteur en sweat-shirt assiégé à Kiev. C’est un véritable cadeau géopolitique – en termes de détournement du blâme de l’Hégémon pour un génocide diffusé en direct sur tous les smartphones de la planète.

Et tout cela sous un vernis de légalité – comme la Maison-Blanche et le département d’État «conseillant» à Tel-Aviv d’agir avec modération ; oui, vous pouvez bombarder des hôpitaux, des écoles, des travailleurs médicaux, des journalistes, des milliers de femmes, des milliers d’enfants, mais s’il vous plaît, soyez gentils.

Pendant ce temps, l’Hégémon a déployé une armada en Méditerranée orientale, avec deux baignoires en fer très coûteuses, des groupes de porte-avions désolés et un sous-marin nucléaire à proximité du golfe Persique. Ce n’est pas exactement pour surveiller les guérillas dans les tunnels souterrains et pour «protéger» Israël.

Les cibles ultimes – néocons et sio-con – sont bien sûr le Hezbollah, la Syrie, les Hashd al-Shaabi en Irak et l’Iran : tout l’Axe de la Résistance.

L’Iran, la Russie et la Chine, le nouvel «axe du mal» défini par les néocons, qui se trouvent être les trois principaux acteurs de l’intégration de l’Eurasie, ont interprété le génocide de Gaza comme une opération israélo-américaine. Et ils ont clairement identifié le vecteur clé : L’énergie.

L’inestimable Michael Hudson a noté que «nous assistons ici à quelque chose qui ressemble beaucoup aux Croisades. C’est une véritable lutte pour savoir qui va contrôler l’énergie, parce que, encore une fois, la clé, si vous pouvez contrôler le flux mondial d’énergie, vous pouvez faire au monde entier ce que les États-Unis ont fait à l’Allemagne l’année dernière en faisant exploser les pipelines Nord Stream».

Les BRICS 10 en mouvement

Cela nous amène au cas fascinant de la délégation des ministres des Affaires étrangères de l’OCI et du monde arabe, actuellement en tournée dans certaines capitales pour promouvoir leur plan en faveur d’un cessez-le-feu total à Gaza et de négociations en vue de la création d’un État palestinien indépendant. La délégation, appelée Groupe de contact pour Gaza, comprend notamment l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Jordanie, la Turquie, l’Indonésie, le Nigeria et la Palestine.

Leur première étape a été Pékin, où ils ont rencontré Wang Yi, et leur deuxième étape a été Moscou, où ils ont rencontré Sergueï Lavrov. Cela nous dit tout ce qu’il faut savoir sur les BRICS 11 en action – avant même qu’ils n’entrent en action.

En fait, il s’agit des BRICS 10, car après l’élection du sioniste pro-hégémon Javier «Massacre à la tronçonneuse» Milei à la présidence, l’Argentine est désormais hors-jeu, et peut-être écartée d’ici le 1er janvier 2024, date à laquelle les BRICS 11 commenceront sous la présidence de la Russie.

La conférence spéciale de l’OCI et de la Ligue arabe sur la Palestine en Arabie saoudite a débouché sur une déclaration finale peu convaincante qui a déçu la quasi-totalité du Sud mondial et de la Majorité mondiale. Mais quelque chose a commencé à bouger.

Les ministres des Affaires étrangères ont commencé à se coordonner étroitement. D’abord l’Égypte avec la Chine, après une coordination antérieure avec l’Iran et la Turquie. Cela peut sembler contre-intuitif, mais c’est dû à la gravité de la situation. Cela explique pourquoi le ministre iranien des Affaires étrangères ne fait pas partie de la délégation qui se déplace actuellement, laquelle est dirigée, dans la pratique, par l’Arabie saoudite et l’Égypte.

La rencontre avec Lavrov a coïncidé avec une réunion extraordinaire en ligne des BRICS sur la Palestine, convoquée par l’actuelle présidence sud-africaine. Point crucial : les drapeaux des nouveaux membres que sont l’Iran, l’Égypte et l’Éthiopie ont pu être identifiés derrière les orateurs.

Le président iranien Raïssi a fait feu de tout bois, appelant les États membres des BRICS à utiliser tous les outils politiques et économiques disponibles pour faire pression sur Israël. Xi Jinping a appelé une fois de plus à une solution à deux États et a positionné la Chine comme médiateur de choix.

Pour la première fois, Xi s’est exprimé avec ses propres mots : «Il ne peut y avoir de sécurité au Moyen-Orient sans une solution juste à la question de la Palestine. J’ai souligné à de nombreuses reprises que le seul moyen viable de briser le cycle du conflit israélo-palestinien réside dans une solution à deux États, dans la restauration des droits nationaux légitimes de la Palestine et dans l’établissement d’un État indépendant de Palestine».

Et tout cela devrait commencer par une conférence internationale.

Tout ce qui précède implique une position unifiée concertée des BRICS 10, dans les prochains jours, appliquant une pression maximale sur Tel-Aviv/Washington pour un cessez-le-feu, pleinement soutenu par la quasi-totalité de la Majorité mondiale. Bien entendu, il n’y a aucune garantie que l’Hégémon permettra à cette initiative d’aboutir.

Les négociations secrètes impliquant la Turquie, par exemple, ont échoué. L’idée était qu’Ankara coupe l’approvisionnement en pétrole d’Israël provenant de l’oléoduc BTC de Bakou à Ceyhan : le pétrole est ensuite chargé sur des pétroliers à destination d’Ashkelon en Israël. Cela représente au moins 40% du pétrole qui alimente la machine militaire d’Israël.

Ankara, toujours membre de l’OTAN, a hésité, effrayé par la réaction américaine, inévitablement dure.

À long terme, Riyad pourrait être encore plus audacieux : plus d’exportations de pétrole jusqu’à ce qu’une solution définitive soit trouvée pour la Palestine, conformément à l’initiative de paix arabe de 2002. Mais MbS ne le fera pas, car les richesses saoudiennes sont toutes investies à New York et à Londres. Le chemin vers le pétroyuan est encore long, sinueux et semé d’embûches.

Pendant ce temps, les praticiens de la realpolitik tels que John Mearsheimer soulignent à juste titre qu’une solution négociée pour Israël-Palestine est impossible. Un rapide coup d’œil sur la carte actuelle montre que la solution à deux États – préconisée par tous, de la Chine et de la Russie au monde arabe – est morte ; un État palestinien, comme l’a noté Mearsheimer, «sera comme une réserve indienne» aux États-Unis, «coupé en deux et isolé, pas vraiment un État».

Pas de couverture quand il s’agit de génocide

Que doit donc faire la Russie ? Voici un très bon conseil éclairé.

«Poutine dans le labyrinthe» signifie que Moscou s’implique activement, à la manière des BRICS 10, pour faire émerger un Moyen-Orient pacifié tout en maintenant la stabilité interne de la Russie dans le cadre de la guerre hybride de l’Hégémons en constante évolution : tout est interconnecté.

L’approche du partenariat stratégique Russie-Chine face au Moyen-Orient mis à feu et à sang par les suspects habituels est une question de timing stratégique et de patience – dont le Kremlin et le Zhongnanhai font preuve en abondance.

Personne ne sait vraiment ce qui se passe en arrière-plan – les jeux d’ombres profonds qui se cachent derrière le brouillard des guerres entremêlées. Surtout lorsqu’il s’agit du Moyen-Orient, toujours enveloppée de mirages en série surgissant des sables du désert.

Nous pouvons au moins essayer de discerner les mirages autour des monarchies du golfe Persique, le CCG – et surtout ce à quoi MbS et son mentor MbZ jouent réellement. C’est un fait absolument crucial : la Ligue arabe et l’OCI sont toutes deux contrôlées par le CCG.

Or, comme Riyad et Abou Dhabi deviennent tous deux membres des BRICS 10, ils voient certainement que le nouveau pari de l’Hégémon est de faire reculer les avancées de l’Initiative Ceinture et Route (BRI) au Moyen-Orient en mettant le feu à la région.

Oui, c’est la guerre contre la Chine qui passe d’hybride à chaude, parallèlement à la solution finale du «problème palestinien».

Et en prime, du point de vue de l’Hégémon, cela devrait amener cette bande de bédouins du désert à embarquer fermement dans le nouveau pari du D.O.A., l’IMEC (Corridor Inde-Moyen-Orient), qui est en fait le corridor commercial Europe-Israël-Émirats-Arabie saoudite-Inde, en théorie un concurrent de la BRI.

Un thème récurrent dans tous les coins et recoins de la rue arabe est que l’élimination de la résistance palestinienne est une question encore plus passionnante pour les élites vendues du CCG que la confrontation avec le sionisme.

Cela explique, du moins en partie, l’absence de réaction du CCG face au génocide en cours (ils essaient maintenant de faire amende honorable). Et cela est parallèle à leur non-réaction au génocide, au viol et au pillage méthodiques et au ralenti des Irakiens, des Syriens, des Afghans, des Libyens, des Yéménites, des Soudanais et des Somaliens par l’Hégémon au fil du temps.

Il est absolument impossible – et inhumain – de couvrir un génocide. Le verdict n’a pas encore été rendu quant à savoir si le CCG a choisi un camp, se séparant ainsi complètement, spirituellement et géopolitiquement, de la rue arabe au sens large.

Ce génocide pourrait être le moment décisif du jeune XXIe siècle – réalignant l’ensemble du Sud mondial/Majorité mondiale et clarifiant qui est du bon côté de l’Histoire. Quoi qu’il fasse ensuite, l’Hégémon semble destiné à perdre totalement le Moyen-Orient, le Heartland, l’Eurasie élargie et le Sud mondial/Majorité mondiale.

Le retour de bâton a des effets mystérieux : Alors que le «porte-avions» du Moyen-Orient est devenu complètement fou, le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine n’en a été que plus dynamique et a permis de faire avancer l’Histoire sur la voie du siècle de l’Eurasie.

Pepe Escobar

source : Sputnik Globe

traduction Réseau International

Géopolitique Globale : Idriss Aberkane reçoit Caroline Galacteros

par Idriss Aberkane - Le 22/11/2023.

Défaite catastrophique de l’OTAN en Ukraine, escalade toujours violente au Moyen-Orient, sur fond de désinformation médiatique massive et de montée en puissance de la Chine, nous avons un vaste tour d’horizon géopolitique à faire avec Caroline Galactéros, Analyste, Géopolitologue, officier supérieur de réserve des forces armées françaises et chroniqueuse.

 

YouTube video

source : Idriss J. Aberkane

Les escalades ne peuvent être stoppées – La Maison Blanche est ébranlée ; les escalades pourraient toutes fusionner en “une”


La réalité de la nécessité de la guerre pénètre largement la conscience du monde arabe et islamique.


Source : The Saker francophone - par Alastair Crooke – Le 26 octobre 2023 – Source Strategic Culture

Tom Friedman a lancé son terrible avertissement dans le New York Times jeudi dernier :

Je pense que si Israël se précipite maintenant [unilatéralement] à Gaza pour détruire le Hamas, il commettra une grave erreur qui sera dévastatrice pour les intérêts israéliens et américains.

Je parle du traité de paix de Camp David, des accords de paix d’Oslo, des accords d’Abraham et de l’éventuelle normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. Tout cela pourrait partir en fumée.

Malheureusement, a déclaré le haut fonctionnaire américain [Friedman], les chefs militaires israéliens sont aujourd’hui plus faucons que le Premier ministre. Ils sont rouges de rage et déterminés à porter au Hamas un coup que l’ensemble du voisinage n’oubliera jamais.

 

Friedman parle ici, bien sûr, d’un système d’alliance américain, articulé autour de l’idée que les forces militaires d’Israël sont invincibles – le paradigme de la “petite OTAN” qui agit comme la structure essentielle à la propagation de l’ordre fondé sur des règles dirigé par les Américains au Moyen Orient.

Ce paradigme est analogue aux structures de l’alliance de l’OTAN, dont la prétendue “invincibilité” a soutenu les intérêts américains en Europe (du moins jusqu’à la guerre en Ukraine).

Un membre du cabinet israélien a déclaré au correspondant israélien expérimenté en matière de défense, Ben Caspit, qu’Israël ne pouvait tout simplement pas permettre que sa dissuasion à long terme soit sapée :

C’est le point le plus important – “notre dissuasion” , a déclaré la source principale du cabinet de guerre. “La région doit rapidement comprendre que quiconque porte atteinte à Israël comme l’a fait le Hamas paie un prix disproportionné. Il n’y a pas d’autre moyen de survivre dans notre voisinage que d’exiger ce prix maintenant, car de nombreux yeux sont fixés sur nous et la plupart d’entre eux n’ont pas nos intérêts à cœur.”

En d’autres termes, le “paradigme” israélien repose sur la manifestation d’une force écrasante, dirigée vers tout défi émergent. Ce paradigme trouve son origine dans l’insistance des États-Unis pour qu’Israël soit à la fois à la pointe du progrès politique (toutes les décisions stratégiques relèvent exclusivement d’Israël dans le cadre d’Oslo) et à la pointe du progrès militaire par rapport à tous ses voisins.

Bien qu’elle soit présentée comme telle, cette formule ne permet pas de parvenir à un accord durable et pacifique permettant de respecter la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies de 1947 (division de la Palestine de l’époque du Mandat) en deux États. Au contraire, Israël, sous le gouvernement Netanyahou, se rapproche de plus en plus d’une fondation eschatologique d’Israël sur la “Terre d’Israël” (biblique) – une démarche qui expurge totalement la Palestine.

Ce n’est pas une coïncidence si, lors de son discours à l’Assemblée générale le mois dernier, Netanyahou a présenté une carte d’Israël sur laquelle Israël dominait de la rivière à la mer et où la Palestine (en fait, tout le territoire palestinien) était inexistante.

Tom Friedman, dans ses réflexions au NYT, craint peut-être que, de même que la piètre performance de l’OTAN en Ukraine a brisé “le mythe de l’OTAN” , l’effondrement de l’armée et des services de renseignement israéliens du 7 octobre et ce qui se passera dans son sillage à Gaza “pourraient [également] faire exploser toute la structure de l’alliance pro-américaine” au Moyen-Orient.

La confluence de deux humiliations de ce type pourrait briser la colonne vertébrale de la primauté occidentale. Tel semble être l’essentiel de l’analyse de Friedman. (Il a probablement raison).

Le Hamas a réussi à briser le paradigme de la dissuasion israélienne : il n’a pas eu peur, les Forces de défense israéliennes ont prouvé qu’elles étaient loin d’être invincibles et la rue arabe s’est mobilisée comme jamais auparavant (confondant les cyniques occidentaux qui se moquent de la notion même de “rue arabe”).

Voilà où nous en sommes, et la Maison Blanche est ébranlée. Les PDG d’Axios, VandeHei et Mark Allen, ont pris la plume pour avertir :

Jamais nous n’avons parlé à autant de hauts responsables gouvernementaux qui, en privé, sont si inquiets … [qu’] une confluence de crises pose des problèmes épiques et fasse courir un danger historique. Nous n’aimons pas nous montrer catastrophistes. Mais nous voulons faire retentir la sirène d’un réalisme clinique et lucide : les responsables américains nous disent qu’à la Maison Blanche, cette semaine a été la plus lourde et la plus effrayante depuis que Joe Biden a pris ses fonctions il y a un peu plus de 1 000 jours… L’ancien ministre de la défense Bob Gates nous dit que l’Amérique est confrontée aux crises les plus graves depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a 78 ans…

 

Aucune de ces crises ne peut être résolue ou éliminée : les cinq crises pourraient se transformer en quelque chose de beaucoup plus grave… Ce qui effraie les responsables, c’est la façon dont les cinq menaces pourraient se fondre en une seule . (Une guerre qui s’étend alors qu’Israël pénètre dans Gaza ; l'”alliance anti-américaine” Poutine-Xi ; un Iran “malveillant” ; un Kim Jong Un “déséquilibré” et des vidéos et informations truquées).

Toutefois, l’article de Friedman dans le NYT ne mentionne pas le revers de la médaille, car le paradigme israélien a deux faces : la sphère interne, qui est distincte de la nécessité externe d’imposer un prix disproportionné aux adversaires d’Israël.

Le “mythe” interne veut que l’État israélien “assure les arrières de ses citoyens” , où que vivent les Juifs en Israël et dans les territoires occupés – des colonies les plus reculées aux ruelles de la vieille ville de Jérusalem. Plus qu’un contrat social, il s’agit d’une obligation spirituelle due à tous les Juifs vivant en Israël.

Ce “contrat social” de sécurité vient cependant de s’effondrer. Les Kibboutzim autour de Gaza ont été évacués ; vingt kibboutz ont été évacués du nord et un total de 43 villes frontalières ont été évacuées.

Ces familles déplacées feront-elles à nouveau confiance à l’État ? Retourneront-elles un jour dans les colonies ? La confiance a été rompue. Pourtant, ce ne sont pas les missiles du Hezbollah qui effraient les habitants, mais les images du 7 octobre dernier dans les communautés de la périphérie de Gaza – la clôture franchie à des dizaines d’endroits, les bases et postes militaires envahis, les villes occupées par les forces du Hamas, les morts qui en ont résulté et le fait qu’environ 200 Israéliens ont été enlevés à Gaza – qui n’ont rien laissé à l’imagination. Si le Hamas a réussi, qu’est-ce qui arrêtera le Hezbollah ?

Comme dans la vieille comptine : Humpty-Dumpty a fait une grosse chute, mais tous les chevaux du roi et tous les hommes du roi n’ont pas pu reconstituer Humpty.

C’est ce qui inquiète l’équipe de la Maison Blanche. Elle n’est pas du tout convaincue qu’une invasion israélienne de Gaza remettra Humpty d’aplomb. Elle craint plutôt que les événements ne tournent mal pour les Forces de défense israéliennes et que les images, relayées à travers le Moyen-Orient, d’Israël utilisant une force écrasante dans un environnement urbain civil ne révoltent la sphère islamique.

Malgré le scepticisme occidental, certains signes indiquent que cette insurrection dans la sphère arabe est différente et ressemble davantage à la révolte arabe de 1916 qui a renversé l’Empire ottoman. Elle prend une tournure distincte puisque les autorités religieuses chiites et sunnites déclarent que les musulmans ont le devoir de se tenir aux côtés des Palestiniens. En d’autres termes, alors que la politique israélienne devient clairement “prophétique” , l’humeur islamique devient à son tour eschatologique.

Le fait que la Maison Blanche teste les dirigeants arabes “modérés” , pressant les Palestiniens “modérés” de former un gouvernement favorable à Israël à Gaza, qui remplacerait le Hamas et imposerait la sécurité et l’ordre, montre à quel point l’Occident est coupé de la réalité. Rappelons que Mahmoud Abbas, le général Sissi et le roi de Jordanie (certains des dirigeants les plus souples de la région) ont refusé catégoriquement de rencontrer Biden après le voyage de ce dernier en Israël.

La colère dans la région est réelle et menace les dirigeants arabes “modérés” , dont la marge de manœuvre est désormais limitée.

Les points chauds se multiplient donc, tout comme les attaques contre les déploiements américains dans la région. Certains à Washington prétendent percevoir une main iranienne et espèrent ouvrir la perspective d’une guerre avec l’Iran.

La Maison Blanche, paniquée, réagit de manière excessive en envoyant d’énormes convois (des centaines) d’avions-cargos chargés de bombes, de missiles et de défenses aériennes (THAAD et Patriot) en Israël, mais aussi dans le Golfe, en Jordanie et à Chypre. Des forces spéciales et 2 000 marines sont également déployés. Plus deux porte-avions et les navires qui les accompagnent.

Les États-Unis envoient donc une véritable armada de guerre. Cela ne peut qu’aggraver les tensions et provoquer des contre-mesures : La Russie déploie actuellement des avions MiG-31 équipés de missiles hypersoniques Kinzhal (qui peuvent atteindre le porte-avions américain au large de Chypre) pour patrouiller en mer Noire, et la Chine aurait envoyé des navires de guerre dans la région. La Chine, la Russie, l’Iran et les États du Golfe sont engagés dans une frénésie diplomatique pour contenir le conflit, même si le Hezbollah s’engageait plus avant dans le conflit.

Pour l’instant, l’accent est mis sur les libérations d’otages, ce qui crée beaucoup de bruit et de confusion (délibérés). Certains espèrent peut-être que les libérations d’otages retarderont, et finalement arrêteront, l’invasion prévue de la bande de Gaza. Cependant, le commandement militaire israélien et l’opinion publique insistent sur la nécessité de détruire le Hamas (dès que les navires américains et les nouvelles défenses aériennes auront été mis en place).

Peu importent les résultats obtenus (par l’invasion), la réalité est que les Brigades Qassam du Hamas ont brisé les paradigmes internes et externes d’Israël. En fonction de l’issue de la guerre à Gaza/Israël, les Brigades peuvent encore provoquer une nouvelle contusion sur le corps politique qui “déclenche[ra] une conflagration mondiale – et [fera] exploser toute la structure de l’alliance pro-américaine que les États-Unis ont construite” (selon les termes de Tom Friedman).

Si Israël entre dans Gaza (et Israël pourrait décider qu’il n’a pas d’autre choix que de lancer une opération terrestre, compte tenu de la dynamique politique intérieure et de l’opinion publique), il est probable que le Hezbollah ira de plus en plus loin, laissant les États-Unis devant l’option binaire de voir Israël vaincu ou de lancer une guerre majeure dans laquelle tous les points chauds se fondent “en un seul” .

Dans un sens, le conflit israélo-islamique ne peut être résolu que de cette manière cinétique. Tous les efforts déployés depuis 1947 n’ont fait que creuser le fossé. La réalité de la nécessité de la guerre pénètre largement la conscience du monde arabe et islamique.

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

 

 

Les deux guerres de l’Occident

par Manlio Dinucci

Nous sommes impliqués dans deux guerres, en Europe et au Moyen-Orient, qui ont des conséquences de plus en plus graves sur nos conditions de vie et sur notre sécurité.

Sur le front européen a été accompli, en septembre 2022, ce que le Wall Street Journal définit comme «un des plus grands actes de sabotage en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale» ; les États-Unis, assistés par Norvège et Pologne, ont fait exploser le Nord Stream, le principal gazoduc qui transportait en Allemagne et, de là, dans d’autres pays européens du gaz russe à bas prix. La dynamique de cette action guerrière a été reconstruite, sur la base de preuves précises, par le journaliste étasunien Seymour Hersh et par une enquête allemande. Le secrétaire d’État USA Blinken a défini le blocus du Nord Stream comme «une énorme opportunité stratégique pour les années à venir» et a souligné que «les États-Unis sont devenus le principal fournisseur de gaz naturel liquéfié à l’Europe», que nous, citoyens européens, payons beaucoup plus cher que celui que nous importions de Russie. En même temps les États-Unis sont en train de décharger sur l’Europe l’énorme coût de la guerre OTAN en Ukraine contre la Russie. La Commission européenne est en train d’ouvrir la voie à la prochaine entrée de l’Ukraine dans l’UE, avec pour conséquence que nous serons, nous citoyens européens, ceux qui paieront l’énorme déficit ukrainien.   

Sur le front moyen-oriental l’Union européenne soutient la guerre par laquelle Israël, épaulé par les États-Unis et l’OTAN, attaque la Palestine et alimente un conflit régional en ciblant en particulier l’Iran. L’Italie, qui depuis 2004 est liée à Israël par un pacte militaire, a fourni les chasseurs sur lesquels s’entraînent les pilotes israéliens, qui bombardent Gaza en massacrant des civils, et soutient de plusieurs façons les forces armées israéliennes. En compensation le Premier ministre Netanyahou a promis à la Première ministre Meloni que l’Italie deviendra un hub énergétique pour le routage en Europe du gaz qu’Israël enverra par le gazoduc EastMed. La partie de gisement méditerranéen offshore de gaz, dont Israël s’attribue la propriété exclusive, est située en grande partie dans les eaux territoriales des Territoires Palestiniens de Gaza et de la Cisjordanie. Par le gazoduc EastMed Israël exportera ainsi en Italie et dans l’UE le gaz naturel palestinien dont il s’est emparé par la force militaire.

Manlio Dinucci

Bref résumé de la revue de presse internationale de Grand-angle du vendredi 17 novembre 2023 à 21h30 sur la chaîne TV italienne 262 Byoblu

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

L’Opération spéciale russe trouve une nouvelle justification

 

par Benoit Tement - Le 15/11/2023.

Ce qui se passe à Gaza va souder encore davantage les Russes autour de leur président et contribuer à soutenir l’Opération spéciale.

En février 22, les meutes ukronazies surmotivées et surentrainées aux représailles (Maïdan, Odessa, Azov, Pravi Sector etc.) se préparaient à intervenir au Donbass avec sans doute la même haine hystérique et existentielle que celle qu’Israël applique aujourd’hui à Gaza. Les instructeurs des armées otanienne et israélienne sont les mêmes, même si les outils sont différents, la haine de l’autre est l’enseignement central. La promesse biblique d’une terre pour les uns, le nationalisme extrémiste version ukronazisme sous cloche depuis 85 ans, pour les autres.

On voit donc à quelle violence les habitants du Donbass ont échappé. Poutine a sauvé des milliers de vie, et en sauvera sans doute encore davantage.

Une victoire dans le Donbass n’aurait été que la motivation supplémentaire pour l’Ukraine biberonnée à la testostérone, surexcitée par une première victoire, pour aller de l’avant, vers l’Est, et pour attaquer la Russie, exécutant ainsi le plan annoncé de son maître.1

On voit maintenant ce que l’Oncle Sam est capable de faire faire aux ukrainiens et de laisser faire les sionistes à Gaza et en Cisjordanie.

Bien sûr cette haine n’est partagée que par une frange de la population, celle qui dirige. J’ai peine à l’estimer. Y a-t-il davantage d’Ukronazis en Ukraine que de sionistes extrémistes en Israël et aux États-Unis ?

Du côté israélien : 75 ans d’entrainement dans l’impunité onusienne.

Dans le cas de l’Ukraine au moins 10 ans de rumination après la défaite de 2014-2015, avec un soutien psychologique de l’Occident.

Dans les deux cas il s’agit d’une revanche. Pour les Ukrainiens cette attaque planifiée dans le Donbass et contrariée par Poutine le 22 février 2022, devait être la vengeance de l’humiliante reddition de l’armée ukrainienne à Debaltseve le 18 février 2015. Pour les sionistes, c’est évidemment l’agression contre Israël par le Hamas le 7 novembre.

Les nombres de civils tués par les bombardements aveugles, bien que dissymétriques, nous montrent à travers l’abandon de toutes les règles de guerre imposées le par Droit International, l’évolution paroxysmique de la désespérance de l’Occident. Si l’Hégémon continue cette courbe exponentielle dans le proche avenir, il n’aura qu’une seule arme, la dernière.

À noter, et c’est important, que la réaction israélienne à Gaza n’a pas été commanditée par l’Hégémon. Le chien de guerre a échappé au contrôle de son maître.

Pour la première fois depuis 1945, les USA se sont donc trouvés, par Proxi interposé, sur la défensive !

Peut-on en tirer une conclusion sur la faiblesse de l’Hégémon ?

Les USA font des efforts pour dresser le dog géorgien et le molosse moldave. D’après les dernières élections municipales, le molosse va mollo. Et le géorgien hésite entre deux maîtres.

Il en va un peu de même que pour les révolutions colorées, que pour les médias décrédibilisés, que pour les ONGs sorossiennes dévoilées, les foules manipulées commencent à comprendre que le monde bascule, et que le réflexe pavlovien pro-occidental n’est peut-être pas le meilleur pari pour la survie de sa propre race canine.

En France, nous devrions nous souvenir de la phrase de Kissinger :

«Il est dangereux d’être l’ennemi des USA, mais être son ami est fatal».

Il s’agit d’une guerre économique faite à l’Europe. À notre tour nous serons sacrifiés économiquement pour sauver le $, avec la même brutalité et sans compassion, sans état d’âme. Les armées en retraites sont les plus cruelles même dans les guerres économiques.

Le Nord Stream 2 aurait dû nous alerter. Macron, mon roi, ne vois-tu rien venir ?

Et pendant ce temps on parle d’antisémitisme en France, pour faire diversion, comme des punaises de lit, et des risques terroristes. On regarde passivement la boite de Pandore, pendant que s’en échappent les pires génies.

L’URGENCE c’est d’ARRÊTER le massacre !

Rien d’autre n’a d’importance. La manifestation de dimanche est un contrefeu élyséen.

Le directeur de l’agence onusienne des Droits de l’homme, Craig Mokhyber2, a démissionné. Bravo à lui.

Guetterez devrait lui aussi démissionner autant pour peser dans le conflit, que pour sauver la crédibilité des Nations unies. Il ne saurait être plus efficace qu’en faisant un tel geste.

  1. https://www.rand.org/research_briefs/RB10000/RB10014/RAND_RB10014.pdf
  2. Un haut fonctionnaire de l’ONU démissionne en évoquant un «cas exemplaire de génocide» à Gaza, (trtfrancais.com)

Ukraine, Israël : L’explosion du vieux monde ?

L’effondrement d’Israël et des États-Unis

 

par Thierry Meyssan - Le 15/11/2023.

Pour la première fois, le monde assiste en direct à un crime contre l’Humanité, à la télévision. Les États-Unis et Israël, qui ont uni leur sort depuis longtemps, seront tous deux tenus pour responsables des massacres de masse commis à Gaza. Partout, sauf en Europe, les alliés de Washington retirent leurs ambassadeurs à Tel-Aviv. Demain, ils le feront à Washington. Tout se passe comme lors de la dislocation de l’URSS et se terminera de la même manière : L’Empire américain est menacé dans son existence. Le processus qui vient de s’enclencher ne pourra pas être stoppé.

Alors que nous avons les yeux rivés sur les massacres de civils en Israël et à Gaza, nous ne percevons ni les divisions internes en Israël et aux USA, ni le changement considérable que ce drame provoque dans le monde. Pour la première fois dans l’Histoire, on tue massivement et en direct des civils à la télévision.

Partout – sauf en Europe – les juifs et les arabes s’unissent pour crier leur douleur et appeler à la paix.

Partout, les peuples réalisent que ce génocide ne serait pas possible si les États-Unis ne fournissaient pas en temps réel des bombes à l’armée israélienne.

Partout, des États rappellent leurs ambassadeurs à Tel-Aviv et se demandent s’ils doivent rappeler ceux qu’ils ont envoyés à Washington.

Il va de soi que les États-Unis n’ont accepté ce spectacle qu’à contre-cœur, mais ils ne l’ont pas simplement autorisé, ils l’ont rendu possible avec des subventions et des armes. Ils sont effrayés de perdre leur Pouvoir après leur défaite en Syrie, leur défaite en Ukraine et peut-être bientôt leur défaite en Palestine. En effet, si les armées de l’Empire ne font plus peur, qui continuera à effectuer des transactions en dollars au lieu de sa propre monnaie ? Et dans cette éventualité, comment Washington fera-t-il payer aux autres ce qu’il dépense, comment les États-Unis maintiendront-ils leur niveau de vie ?

Mais que se passera-t-il à la fin de cette histoire ?

Que le Moyen-Orient se révolte ou qu’Israël écrase le Hamas au prix de milliers de vies ?

Nous retiendrons que le président Joe Biden avait d’abord sommé Israël de renoncer à son projet de déplacer vers l’Égypte ou, à défaut, d’éradiquer le peuple palestinien de la surface de la Terre, et que Tel-Aviv ne lui a pas obéi.

Les «suprémacistes juifs» se comportent aujourd’hui comme en 1948.

Lorsque les Nations unies votèrent la création de deux États fédérés en Palestine, un hébreu et un arabe, les forces armées auto-proclamèrent l’État hébreu avant qu’on en ait fixé les frontières. Les «suprémacistes juifs» expulsèrent immédiatement des millions de Palestiniens de chez eux (la «Nakba») et assassinèrent le représentant spécial de l’ONU venu créer un État palestinien. Les sept armées arabes (Arabie saoudite, Égypte, Irak, Jordanie, Liban, Syrie et Yémen du Nord) qui tentèrent de s’opposer à eux furent rapidement balayées.

Aujourd’hui, ils n’obéissent pas plus à leurs protecteurs et massacrent encore, sans se rendre compte que, cette fois, le monde les observe et que plus personne ne viendra à leur secours. Au moment où les chiites admettent le principe d’un État hébreu, leur folie met en péril l’existence de cet État.

Nous nous souvenons de la manière dont l’Union soviétique s’est effondrée. L’État n’avait pas été capable de protéger sa propre population lors d’un accident catastrophique. 4000 Soviétiques sont morts à la centrale nucléaire de Tchernobyl (1986), en sauvant leurs concitoyens. Les survivants s’étaient alors demandés pourquoi ils continuaient à accepter, 69 ans après la Révolution d’Octobre, un régime autoritaire. Le Premier secrétaire du PCUS, Mikhail Gorbachev, a écrit que c’est lorsqu’il a vu ce désastre, qu’il a compris que son régime était menacé.

Puis ce furent les émeutes de décembre au Kazakhstan, les manifestations d’indépendance dans les pays baltes et en Arménie. Gorbatchev modifia la Constitution pour écarter la vieille garde du Parti. Mais ses réformes ne suffirent pas à arrêter l’incendie qui se propagea en Azerbaïdjan, en Géorgie, en Moldavie, en Ukraine et en Biélorussie. Le soulèvement des Jeunes communistes est-allemands contre la doctrine Brejnev conduisit à la chute du Mur de Berlin (1989). L’effritement du Pouvoir à Moscou conduisit à l’arrêt de l’aide aux alliés, dont Cuba (1990). Enfin ce furent la dissolution du Pacte de Varsovie et le déchirement de l’Union (1991). En un peu plus de 5 ans, un Empire, que tous pensaient éternel, s’est effondré sur lui-même.

Ce processus inéluctable vient de débuter pour l’«Empire américain». La question n’est pas de savoir jusqu’où les «sionistes révisionnistes» de Benjamin Netanyahou iront, mais jusqu’à quand les impérialistes états-uniens les soutiendront. À quel moment, Washington estimera qu’il a plus à perdre à laisser massacrer des civils palestiniens qu’à corriger les dirigeants israéliens ?

Le même problème se pose pour lui en Ukraine. La contre-offensive militaire du gouvernement de Volodymyr Zelensky a échoué. Désormais, la Russie ne cherche plus à détruire les armes ukrainiennes, qui sont immédiatement remplacées par des armes offertes par Washington, mais à tuer ceux qui les manient. Les armées russes se comportent comme une gigantesque machine à broyer qui, lentement et inexorablement, tue tous les soldats ukrainiens qui s’approchent des lignes de défense russe. Kiev ne parvient plus à mobiliser de combattants et ses soldats refusent d’obéir à des ordres qui les condamnent à une mort certaine. Ses officiers n’ont d’autre choix que de fusiller les pacifistes.

Déjà de nombreux leaders US, ukrainiens et israéliens évoquent un remplacement de la coalition «nationaliste intégrale» ukrainienne et de la coalition «suprémaciste juive», mais la période de guerre ne s’y prête pas. Il va pourtant falloir le faire.

Le président Joe Biden doit remplacer sa marionnette ukrainienne et ses alliés barbares israéliens, comme le Premier secrétaire Mikhail Gorbachev avait dû remplacer son insensible représentant au Khazakhstan, ouvrant la voie à la généralisation de la contestation des dirigeants corrompus. Lorsque Zelensky et Netanyahou auront été renvoyés, chacun saura qu’il est possible d’obtenir la tête d’un représentant de Washington et chacun de ceux-ci saura qu’il doit fuir avant d’être sacrifié.

Ce processus n’est pas seulement inéluctable, il est inexorable. Le président Joe Biden peut juste faire tout ce qui est en son pouvoir pour le ralentir, pour le faire durer, pas pour l’arrêter.

Les peuples et les dirigeants occidentaux doivent maintenant prendre des initiatives pour se sortir de ce guêpier, sans attendre d’être abandonnés, comme Cuba le fit au prix des privations de sa «période spéciale». Il y a urgence : Les derniers à réagir devront payer l’addition de tous. D’ores et déjà de nombreux États du «reste du monde» fuient. Ils font la queue pour entrer aux BRICS ou à l’Organisation de coopération de Shanghai.

Plus encore que la Russie qui a dû se séparer des États baltes, les États-Unis doivent se préparer à des soulèvements intérieurs. Lorsqu’ils ne parviendront plus à imposer le dollar dans les échanges internationaux et que leur niveau de vie s’effondrera, les régions pauvres refuseront d’obéir tandis que les riches prendront leur indépendance, à commencer par les républiques du Texas et de Californie (les seules qui, selon les Traités, en ont légalement la possibilité)1. Il est probable que la dislocation des USA donnera lieu à une guerre civile.

La disparition des États-Unis provoquera celle de l’OTAN et de l’Union européenne. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni se retrouveront face à leurs vieilles rivalités, faute d’y avoir répondu lorsqu’il était temps.

En quelques années Israël et l’«Empire américain» disparaîtront. Ceux qui lutteront contre le sens de l’Histoire provoqueront des guerres et des morts inutiles en nombre.

Thierry Meyssan

source : Réseau Voltaire

Deuxième discours de Nasrallah au sujet de Gaza

Source : The Saker francophone.


Par Moon of Alabama – Le 11 novembre 2023

Cet après-midi, à Beyrouth, Sayyed Hassan Nasrallah a prononcé un discours à l’occasion de la journée du martyr du Hezbollah.

Dans la première partie, Nasrallah explique pourquoi la date de la journée du martyr a été choisie. Cela remonte à une attaque réussie contre les troupes d’occupation israéliennes à Beyrouth le 11 novembre 1982. Il explique ensuite le rôle et l’importance des martyrs et leur relation avec Dieu. Il félicite les familles des martyrs. Il félicite également ceux qui se sacrifient pour Gaza.

Nasrallah aborde ensuite les événements à Gaza.

Le premier sujet est l’attaque d’Israël contre les civils. Le second est la résistance.

 

Il décrit les crimes d’Israël contre des civils sans défense, au vu et au su du monde entier. Il s’agit d’une vengeance implacable. Mais il y a un deuxième aspect dans les paroles des politiciens israéliens. Ils disent que toutes ces tueries ont un but. L’un d’eux est de forcer les habitants de Gaza et de la région à se rendre. À renoncer à la résistance parce que les coûts sont trop élevés. L’autre objectif est de leur faire renoncer à tous leurs droits. Les rendre désespérés. Après Gaza et la Cisjordanie, ils viseront le Liban.

–Début du discours—

Israël se trompe. Ses objectifs ne seront pas atteints.

Nous savons qu’ils n’ont pas atteint leurs objectifs au Liban lors de l’invasion de 1982 et de la guerre de 2006, malgré toutes les tueries et les destructions de maisons. Le soutien du peuple libanais à la résistance n’a fait que croître. Leur choix n’était pas de se rendre, mais d’accroître leur résistance.

C’est également la raison pour laquelle nous devons nous opposer à la normalisation avec Israël.

La brutalité israélienne augmente la résistance contre elle. Des manifestations ont lieu un peu partout et font pression sur les hommes politiques pour qu’ils appellent à un cessez-le-feu. Cela limitera la durée des opérations israéliennes. L’administration américaine peut arrêter la guerre. Il faut la pousser dans ce sens.

Aujourd’hui se tient un sommet de 57 nations arabes et islamiques. Les Palestiniens ne demandent pas au sommet de mener une guerre contre Israël. Ils lui demandent d’exercer une pression sérieuse sur les États-Unis pour qu’ils mettent fin à l’agression dont ils sont victimes.

Nous devons attirer l’attention sur la résistance à Gaza. Elle démontre la faiblesse des forces israéliennes. Les Israéliens ont beaucoup de pertes, plus qu’ils ne l’admettent. Les Israéliens ne peuvent faire état d’aucune victoire, ni même d’un petit succès.

La Cisjordanie est essentielle pour la résistance. Elle peut détourner les troupes israéliennes des autres fronts.

L’armée yéménite a pris la décision d’attaquer Israël. Cette décision a une grande importance. Elle constitue un soutien moral important pour la résistance, même si ses missiles et ses drones ne touchent pas toujours Eilat. Les Yéménites n’ont pas écouté les menaces américaines à leur encontre. Ils ont rendu le sud d’Israël moins sûr et ont poussé Israël à déplacer ses défenses aériennes vers le sud.

La résistance irakienne attaque les positions américaines en Irak et en Syrie. Avant le 7 octobre, ces fronts étaient relativement calmes. Ils ont été rouverts par solidarité avec Gaza. Aujourd’hui, ils défient les forces américaines. Les États-Unis menacent les gouvernements de réprimer la résistance. La résistance dit qu’on ne peut mettre fin à ces attaques que si l’on fait pression sur Israël.

La Syrie, au sein de l’axe de la résistance, porte un lourd fardeau. Elle soutient la résistance et en subit les conséquences. En Syrie, les États-Unis soutiennent ISIS contre les troupes syriennes.

L’Iran est un autre front de la résistance. Son soutien illimité à la résistance n’est plus caché. La force de la résistance dans la région repose sur la position ferme de l’Iran. Ils n’ont épargné ni les fonds, ni les armes, ni la formation. L’Iran ne change pas de position. Il ne décide pas pour la résistance mais la soutiendra toujours.

Venons-en maintenant au Liban. Les opérations de la résistance se poursuivent quotidiennement. Malgré toutes les précautions prises par l’armée israélienne, elle est attaquée par la résistance. Chaque jour, des martyrs courageux attaquent Israël.

La semaine dernière, la résistance a franchi un nouveau palier. Pour la première fois, elle a utilisé des drones d’attaque. Nous avons également utilisé de nouveaux missiles pour cibler les bases israéliennes. Ils portent des ogives de 300 à 500 kilos d’explosifs. Les opérations menées hier ont également atteint des zones plus profondes. Hier, un responsable médical israélien d’un hôpital du nord a déclaré qu’il y avait eu quelque 300 victimes. Le gouvernement israélien ne l’admet pas.

La résistance répond à chaque attaque israélienne. Nous ne tolérerons aucune attaque contre nos civils. Nous avons des drones de reconnaissance au-dessus de tout le nord d’Israël. Certains reviennent, d’autres sont abattus. Ils détournent les défenses aériennes israéliennes d’autres fronts.

Nous poursuivrons dans cette voie. Nous augmenterons la quantité, la qualité et la profondeur de nos opérations. La population libanaise soutient la résistance. Cela nous aide à constituer un front d’influence efficace.

Ce qui se passe sur le champ de bataille est plus important que mon discours. Le temps est important pour la résistance. Il permet de grandir jusqu’à ce que l’ennemi admette sa défaite.

Lorsque toutes les pressions seront réunies, l’ennemi devra s’incliner. Netanyahou change d’objectif toutes les heures. Cela montre la pression que subit Israël. Son échec militaire sur le terrain et les manifestations exercent une pression sur lui. Son temps est compté.

La résistance remportera la victoire et Israël n’atteindra pas ses objectifs.

Je vous demande de prier pour les martyrs et pour notre succès. Nous nous engageons à poursuivre notre chemin. La victoire finale viendra – si Dieu le veut.

Après le 7 octobre, Israël n’est plus ce qu’il était. Sa position stratégique et sa sécurité sont amoindries.

Nous devons poursuivre notre chemin.

Soyez tous bénis.

— Fin du discours de Nasrallah —

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

 

Chaos global : Et si Israël perdait la guerre ?

Gaza : “choc des civilisations” ? Non : retour des nations ! – la preuve par la Turquie

 

Source : Le Courrier des Stratèges - par Eric Veraeghe - Le 13/11/2023.

 Nouvel épisode du journal hebdomadaire du Courrier des Stratèges. Aujourd’hui, un point plus long sur Gaza et une analyse sur la manifestation contre l’antisémitisme. Autres sujets : l’Ukraine, la loi sur l’immigration, la dette française.

Dans ce quatrième numéro du Chaos global, nous évoquons la situation en Ukraine, la guerre à Gaza, la manifestation contre l’antisémitisme, la loi sur l’immigration et la question de la dégradation de la note de la dette française. N’oubliez pas de vous abonner à notre chaîne Youtube.

Le djihad juif et la guerre sans fin de Bibi

par Piccole Note - Le 12/11/2023.

Les juifs apocalyptiques se réjouissent de la guerre de Gaza, que même Netanyahou considère comme une opportunité. Après Blinken, même Zelensky se rend en Israël…

«Les ultranationalistes juifs apocalyptiques s’extasient» sur l’«opportunité» que leur offre la guerre, écrit Uri Misgav (photo) dans Haaretz. «Leurs yeux brillent. Ils sont en extase. De leur point de vue, ce sont les jours du Messie. La grande opportunité. Cela fait partie intégrante des opinions fondamentalistes, dans toutes les religions. La croyance en une apocalypse, en Armageddon, en Gog et Magog, comme seul moyen de rédemption».

Le djihad juif contre le djihad du Hamas

«Dans le cas des sionistes haredim, poursuit Misgav, il s’agit d’un double fantasme : la domination juive totale sur toute la zone allant de la mer Méditerranée au Jourdain, en conjonction avec l’effacement de l’existence des Arabes, et l’émergence d’un État halakhique sur les cendres de l’Israël libéral-démocratique d’aujourd’hui (…) Cela explique le discours sur une «seconde Nakba»» et d’autres dérives du même genre.

Et bien qu’il y ait des discussions en Israël et ailleurs sur la façon de mener la guerre, sur les relations internationales et autres, «pour les sionistes haredim, de telles diatribes sont une perte de temps préjudiciable. Gaza est Amalek, qui doit être rayé de la surface de la terre».

«De nombreux sionistes haredim, dont certains sont des administrateurs publics, considèrent cette terrible crise comme une opportunité et même comme un plan divin». Cette extase, détaille Misgav, sévit dans la société, dans la politique, mais aussi parmi les militaires, car «au sein de l’armée, il existe un courant sioniste haredim bien implanté».

Et d’avertir : «Le djihad juif est déterminé à mettre le feu à toute la Terre sainte». Un danger, écrit Misgav, que ne devraient pas ignorer les Israéliens étrangers à ces dérives, même si l’éditorialiste du Haaretz reporte à la fin de la guerre le redde rationem entre les deux âmes du judaïsme israélien.

Ce que Misgav ne comprend peut-être pas, ajouterons-nous, c’est que la guerre en cours façonne l’avenir de son pays, mais aussi du monde, et que plus l’horreur que l’armée israélienne répand à Gaza sous les yeux du monde – malgré ses efforts pour la dissimuler – se prolonge, plus elle est vouée à un tel intégrisme.

Les déclarations de divers représentants de l’establishment israélien (par exemple l’appel à «détruire Gaza» lancé par l’ancien ambassadeur en Italie, Dror Eydar) le démontrent plastiquement, de même que la brutalité avec laquelle l’armée israélienne mène ce qui est défini comme une guerre, mais qu’il serait plus juste d’appeler un massacre.

L’attaque d’hier contre un convoi d’ambulances, dont certaines ont été touchées à l’hôpital Shifa, a horrifié le monde entier. Une attaque qu’Israël a justifiée en affirmant qu’elles transportaient des miliciens du Hamas.

Ainsi, le ministère de la Santé de Gaza a déclaré : «Nous avons informé la Croix-Rouge, la République arabe d’Égypte et le monde entier, par le biais des canaux de communication et des médias, du déplacement de certaines ambulances transportant des blessés qui devaient être transférés en Égypte…» (Sky News).

Le transfert de certains blessés en Égypte a été autorisé après de fortes pressions américaines et a été présenté comme une victoire pour Washington, qui a cédé à sa demande de retenue.

La publication de ce succès diplomatique américain, plus que relatif, avait précédé la visite en Israël du chef du département d’État Tony Blinken, qui avait l’intention d’accroître la pression pour obtenir une pause humanitaire.

Netanyahou a rejeté cette demande et l’attaque du convoi d’ambulances, l’une des plus excessives depuis le début de la guerre, a en quelque sorte symboliquement scellé ce rejet.

L’affirmation américaine qui condamne Gaza à devenir un abattoir

D’autre part, la prétention des Etats-Unis à pouvoir gérer seuls le conflit, en se créditant d’une influence décisive, qu’ils n’ont pas en réalité, sur leur partenaire moyen-oriental, condamne a priori leurs efforts, qui ne seraient couronnés de succès que s’ils étaient coordonnés internationalement avec les autres puissances rivales, à savoir la Chine et la Russie, comme c’était le cas à l’époque de la guerre froide où certains excès présentant des risques pour la stabilité mondiale étaient impossibles à commettre.

Le manque d’influence de l’Amérique provient de sa prétention à rester, malgré tout, la puissance hégémonique mondiale, d’où sa détermination à façonner le conflit du Moyen-Orient de telle sorte que son dénouement et son issue favorisent les intérêts américains au détriment de ceux des deux puissances rivales.

Une photographie de cette détermination est l’annonce que Zelensky s’envolera bientôt pour Israël, une visite que Tel-Aviv avait précédemment rejetée. Il est évident qu’il s’agit d’une demande de Blinken, étant donné la coïncidence dans le temps de l’annonce avec sa rencontre avec Netanyahou.

L’Amérique entend ainsi raviver le lien entre la guerre d’Ukraine et celle du Moyen-Orient, qui lui tient tellement à cœur qu’elle a envoyé au Congrès une résolution appelant à une aide conjointe aux deux pays.

Cette combinaison a été rejetée par la Chambre, qui a voté en faveur d’Israël et non de Kiev, mais l’administration américaine ne veut manifestement pas jeter l’éponge. Une telle relance devrait d’ailleurs permettre de redonner de l’oxygène à la guerre ukrainienne, en surmontant les pressions internes et externes pour y mettre fin.

Il y a des élections en Amérique, Biden ou un autre candidat démocrate ne peut pas se permettre de se présenter aux électeurs avec le fardeau d’une guerre perdue sur les épaules.

Il est donc évident qu’aux yeux de l’administration américaine, la visite de Zelensky en Israël était plus importante que la pause humanitaire, d’où le plein succès de la visite de Blinken, malgré les morts de Gaza, qui étaient évidemment plutôt secondaires.

Bibi Netanyahou est bien conscient de ces priorités et joue aux échecs avec ses alliés-antagonistes à l’étranger, gérant ainsi le conflit et survivant politiquement à ceux qui, en Israël, veulent sa tête.

En effet, les efforts visant à l’écarter de la scène politique israélienne ne se sont pas relâchés, et ce conflit interne se répercute sur l’abattoir de Gaza et sur les possibilités d’une guerre plus large, que la prolongation et la brutalité du conflit impliquent.

Sur ce point, un article de Yossi Verter dans Haaretz consacré à l’affrontement qui a lieu au sein de la politique israélienne, rapporte les confidences d’une source anonyme qui, après avoir détaillé les difficultés qui entravent la destitution du premier ministre, conclut que, cependant, cela vaut la peine d’essayer, «sinon Bibi fera durer la guerre pour toujours».

Ainsi, pour revenir au début de notre note, Netanyahou a également évoqué Amalek et, pour lui aussi, la guerre de Gaza représente une opportunité, comme le 11 septembre l’a été pour les néo-conservateurs américains. Nous y reviendrons.

source : Sinistrainrete via Euro-Synergies

Brouillard de guerre

 

par Patrick Reymond - Le 12/11/2023.

Dans une guerre, la meilleure manière d’être ignorant, c’est de croire de but en blanc, l’information du jour, souvent sinon systématiquement fausse.

On ne peut qu’essayer de percer le brouillard, en multipliant les sources de renseignement, en ayant une solide culture personnelle, et posséder un scepticisme à toutes épreuves.

Le général surnommé Dourakovlev par Xavier Moreau (Dourak : Crétin, abruti, exemple, Général Dourakine), reconnait que «l’offensive», ukrainienne, ayant progressé de 17 km (en tout) en 5 mois, était une catastrophe absolue (pour l’attaquant). Il a même indiqué que le 14 mai 1940, la percée de Sedan était de 100 km.

On a dit que Mac Mahon, comme président était «brave au feu, et timide au conseil» (il se ralliait à la majorité). Ces généraux de salon, sont au plus capables de mener des guerres d’essence coloniale, mais totalement incapables d’avoir un courage de salon, pour sans doute, ne pas sacrifier leur carrière.

Sur le front ukrainien, Avdiivka est visiblement sur le point d’être encerclé. Sans doute, aussi, l’utilisation de la technique stalinienne du broyage, ou technique du boa constrictor, qui consiste à broyer lentement l’ennemi, en lui laissant l’espoir qu’il pourra survivre. De fait, il s’acharne à défendre à grands coûts, des positions, en fait, déjà perdues.

Une invitation au pouvoir ukrainien, pour qu’il envoie ses meilleures unités dans le broyeur. Visiblement, Zelensky est dans un délire bunkerien, comme Hitler, ayant perdu tout contact avec la réalité à force d’avoir été dans le monde virtuel.

Deuxième front, Gaza. Les pertes israéliennes semblent lourdes. En plus des 600 à 700 tués militaires du 7/10, ce sont plus de 400 soldats israéliens qui ont été tués.

Le 7, je disais que la brèche avait été colmatée «au canon», et le terrain, repris en tirant dans le tas. Visiblement, ce sont les hélicoptères qui se sont chargés du travail, tuant amis et ennemis, sans se soucier de quoi que ce soit, et peut être aussi, sans ordre, spontanément. C’est possible, vu le stress dans lequel les israéliens sont entretenus.

Donc, l’essentiel des victimes du 7, l’aurait été de la part de «tirs amis», et il faut se méfier des images et des vidéos. Elles sont facilement manipulables et falsifiables.

D’autre part, si le «Hamas» (lire, toutes les entités de la résistance palestinienne, sauf Fatah), n’hésite pas à sacrifier les siens, en se cachant au milieu d’eux, selon Israël, il aurait été plus habile de leur part, de se cacher parmi leurs otages comme bouclier humain. Mais la cohérence n’est pas le fait de la propagande, ni du journaliste.

Au vu des pertes subies par l’armée US à Falloujah, on peut penser que les pertes israéliennes sont terriblement lourdes, au moins en matériel, sinon en effectif. Et l’occident collectif n’en a plus beaucoup à sacrifier dans la bataille. Un ennemi retranché, s’il subit des lourdes pertes, peu en infliger de très lourdes aussi.

Mais cela n’infirme pas mon analyse de premier jet. Sans profondeur stratégique, le «Hamas» finira par ployer. Et sera détruit. Le coût sera, néanmoins, très lourd, et le problème intact. Pour nettoyer la bande de Gaza, ça se finira à la baïonnette.

Israël, alterne, massacre, 20 heures par jour, et nettoyage ethnique (4 heures), en laissant filer la population vers le sud.

Un Israël qui n’a pas moins proposé à l’Égypte l’effacement de sa dette de 135 milliards de $, s’il accueillait les réfugiés palestiniens. De fait, c’est conforter les antisémites, qui disent qu’ils sont les maitres réels, l’accord des USA, du FMI, de l’occident et de toutes les autorités étant présumé acquis et automatique…

Comme la campagne a l’air de durer en longueur, on est visiblement en train de penser très fort, à faire aussi la guerre au Hezbollah, remarquable de retenue et de mesure, qui se contente de répliquer.

Vieille antienne : quand un conflit s’enlise et ne se finit pas, on l’étend. Seconde guerre mondiale, et Viet Nam comme exemple.

source : La Chute

Le nivellement de Gaza n’est pas une fin en soi pour Biden

par Alastair Crooke  Le 11/11/2023.

S’attaquer aux porte-avions américains (même sans entrer dans les détails) équivaut symboliquement pour l’Axe à remettre en cause l’hégémonie américaine dans ses fondements mêmes. «Défi relevé».

Les intérêts des États-Unis et d’Israël, confrontés à l’horrible spectacle de la mort massive de civils à Gaza, divergent à la fois à court et à long terme. Pour Israël, le ministre israélien de la Sécurité déclare que tout ce qui ne met pas fin à l’existence du Hamas est un échec.

Les États-Unis s’investissent totalement pour aider Israël à vaincre le Hamas, mais en plaçant la barre si «messianiquement haut», Netanyahou tend un piège à Biden : si l’armée israélienne ne parvient pas à anéantir le Hamas, Israël ne peut pas «gagner». Et, à la fin, si Israël se retire simplement – et que le Hamas et son éthique révolutionnaire demeurent – cela sera compris dans toute la sphère islamique comme une «victoire» du Hamas. En clair, le nivellement de Gaza n’est pas une solution pour Biden.

Pire encore, dans ce dernier scénario, Biden se voit privé de la possibilité de mettre en avant une «finalité» américaine claire à Gaza afin d’apaiser les critiques croissantes dans son pays quant à son soutien «sans limites» à la guerre d’Israël contre le Hamas – un soutien que les manifestants américains qualifient de plus en plus souvent de nettoyage ethnique, voire de génocide.

En clair, la politique de l’administration américaine risque de chavirer rapidement et de devenir un handicap politique majeur. La position actuelle est donc clairement assortie d’un «délai d’expiration» précoce. Biden veut «passer à autre chose».

Le gouvernement israélien, en revanche (avec le soutien massif de l’opinion publique), s’est engagé à fond dans l’éradication du Hamas et considère les morts civiles comme le «prix de la guerre», notamment parce qu’un tel degré d’intensité est considéré comme nécessaire pour apaiser l’électorat israélien après le choc total du 7 octobre. Le discours du cabinet israélien parle d’une guerre longue, plutôt que d’une «fin de partie» rapide.

Pour l’administration américaine, en cette année électorale, Biden veut aller au-delà du Hamas. Il ne veut pas que Gaza entache les élections de 2024, mais il veut plutôt ramener l’attention du public américain sur la prétendue «menace» de la Russie, de la Chine et de l’Iran.

Les États-Unis et Israël veulent tous deux éviter une guerre régionale de grande ampleur ; mais Israël, de l’avis de la Maison-Blanche, prend d’énormes risques d’escalade en cherchant à «éradiquer totalement» le Hamas, avec des moyens destructeurs qui radicalisent le monde.

Dans son discours de dimanche, Hassan Nasrallah a effectivement fait du Hezbollah le garant de la survie du Hamas (en identifiant spécifiquement le Hamas par son nom). Le Hezbollah, a-t-il dit, se limitera à des opérations (non définies) et limitées à la frontière, «si et quand» le Hamas sera en danger. Il s’agit là d’une «ligne rouge» qui va inquiéter la Maison-Blanche.

En clair, les États-Unis essaieront (s’ils le peuvent) – comme l’a fait Blinken – de faire reculer Israël dans son assaut contre Gaza, laissant les FDI dans une situation d’effondrement total de la dissuasion ; car, en laissant Israël persévérer, ils risquent une escalade régionale horizontale. Sans surprise, les grands médias américains spéculent sur les possibilités de changement de régime pour Netanyahou. Ce dernier est certes impopulaire, mais son départ ne changerait rien à l’opinion bien établie en Israël selon laquelle Gaza doit être «rayée de la carte».

Le point le plus important du discours de Hassan Nasrallah est son changement d’orientation, qui reflète peut-être non seulement la vision étroite du mouvement, mais aussi celle de l’«axe» collectif. Ainsi, dans son discours, Israël est passé du statut d’acteur indépendant à celui d’un protectorat militaire américain nocif parmi d’autres.

Hassan Nasrallah a directement mis en cause non seulement l’occupation israélienne, mais aussi les États-Unis dans leur ensemble, qu’il considère comme responsables de ce qui est arrivé à la région – du Liban à la Palestine en passant par la Syrie et l’Irak. À certains égards, ces paroles font écho à l’avertissement lancé par Poutine à Munich en 2007 à l’Occident, qui massait alors des forces de l’OTAN aux frontières de la Russie. «Défi accepté».

De même, les États-Unis ont déployé des forces massives dans la région, dans l’espoir de contraindre la résistance libanaise à renoncer à toute intervention majeure en Israël.

Toutefois, le sous-texte du discours de Hassan Nasrallah était l’allusion à un front uni, à une «lente ébullition» de la «grenouille de dissuasion» américaine, plutôt qu’à un plongeon tête baissée dans une guerre régionale.

Ces dernières semaines, les bases militaires américaines de la région ont été la cible d’attaques répétées de la part des milices régionales, et rien n’indique que ces attaques vont bientôt cesser. Leurs drones et leurs roquettes ont tous été abattus, a insisté le CENTCOM. Aujourd’hui, le CENTCOM a cessé de publier des mises à jour. Combien d’Américains ont été blessés et tués jusqu’à présent ? Combien d’autres risquent de mourir ou d’être gravement blessés ? Pour l’instant, nous ne le savons pas.

«Tout cela indique une évolution inquiétante», écrit Malcom Kyeyune, «le déclin de la dissuasion» :

«Au cours des dernières semaines, les responsables américains ont supplié [les milices] … de cesser d’utiliser des drones et des roquettes – et les ont menacés de graves conséquences s’ils n’obtempéraient pas. Washington a mis ces menaces à exécution en ripostant par des frappes aériennes, tout en soulignant la nature défensive de ces frappes et en promettant de faire marche arrière dès que les attaques contre les bases américaines cesseraient. Mais après chaque frappe aérienne, les groupes armés de la région ont «intensifié» leurs activités anti-américaines. Des rapports circulent actuellement sur plusieurs grands groupes armés en Irak déclarant un État de guerre de facto contre les États-Unis [pour la libération de l’Irak].

Le cœur du problème réside dans le fait que les forces américaines sont réparties sur plus d’une douzaine de bases dans la région. Aucune de ces bases n’est suffisamment solide pour se défendre contre une attaque concertée. Ils se sont plutôt appuyés sur l’idée qu’en attaquant ne serait-ce qu’un faible avant-poste américain, on s’exposait à des ennuis : Ce ne serait qu’une question de temps avant que l’ensemble de la machine de guerre américaine ne s’abatte sur vous pour neutraliser la menace».

Kyeyune suggère qu’alors que :

«La dissuasion a d’abord été un effet secondaire utile de la puissance économique et militaire américaine. Mais au fil du temps, elle est devenue une béquille, puis un village Potemkine : une façade érigée par mesure d’économie, pour dissimuler le fait que l’armée se réduisait, que les dysfonctionnements politiques augmentaient et que la stabilité fiscale s’érodait. Aujourd’hui, alors que les drones et les roquettes pleuvent sur les militaires américains en Syrie et en Irak, il apparaît clairement que le Moyen-Orient a décidé que les menaces américaines n’étaient plus vraiment crédibles».

L’Irak sera-t-il le prochain «front» à s’ouvrir dans ce conflit en expansion ?

Hassan Nasrallah a déclaré à propos des navires de guerre américains : «Nous avons préparé quelque chose pour eux». S’attaquer aux porte-avions américains (même sans entrer dans les détails) équivaut symboliquement à ce que l’Axe remette en cause l’hégémonie américaine à sa racine même. «Défi relevé».

En bref, les conflits sont devenus géopolitiquement divers et technologiquement plus complexes et multidimensionnels – en particulier avec l’inclusion d’acteurs non étatiques militairement compétents. C’est pourquoi un resserrement progressif de l’étau sur plusieurs fronts peut constituer une stratégie efficace : «Il est douteux que l’armée américaine parvienne à mener une guerre sur trois ou quatre fronts – l’effort pourrait facilement se transformer en un nouveau bourbier».

Alastair Crooke

source : Al-Mayadeen

traduction Réseau International

Après le discours de Nasrallah, les Etats-Unis et Israël intensifient la guerre à Gaza

Source : The Cradle. par Hasan Illaik - Le 6 NOVEMBRE 2023

Crédit photo : Le berceau

Trente jours après que l'opération Al-Aqsa Flood a détruit la dissuasion psychologique d'Israël, Washington et Tel Aviv continuent de prendre des mesures dangereuses pour étendre leur guerre

à Gaza vers une conflagration régionale.

Il y a deux semaines, les États-Unis et Israël avaient commencé à revenir légèrement sur leur

objectif initial d'« éliminer complètement le Hamas » – un objectif que beaucoup considéraient

comme irréaliste et irréalisable. 

Mais maintenant, Tel Aviv a réitéré son objectif d’éradiquer la résistance palestinienne dans sa

guerre contre la bande de Gaza, et les États-Unis fournissent une couverture complète à la brutale campagne israélienne.

L'ampleur des bombardements israéliens est comparable aux campagnes aériennes de

Washington au Vietnam, en Corée et au Cambodge, ainsi qu'aux premiers jours de l'invasion

irakienne « Choc et crainte ». Ce niveau de bombardements destructeurs est historiquement sans précédent sur une zone géographique de seulement 365 kilomètres carrés. 

Pour décrire la situation plus précisément, les bombes larguées par Israël sur la bande de Gaza dépassent la bombe nucléaire avec laquelle les États-Unis ont frappé la ville japonaise

d'Hiroshima pendant la Seconde Guerre mondiale. Au cours des dernières semaines, Gaza a

enduré la souffrance de 25 000 tonnes d'explosifs – à comparer aux 15 000 tonnes de la bombe d'Hiroshima, selon l'Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme.

Plus de 10 000 civils – dont 4 000 enfants – ont été tués par les tirs aveugles d’Israël. 2 200 Palestiniens supplémentaires sont portés disparus sous les décombres, dont la moitié sont des enfants. 

Malgré cela, les responsables américains déclarent publiquement que leurs alliés à Tel Aviv ont

pris soin de ne pas causer de victimes civiles et qu’ils continuent de mettre en garde Israël de ne

pas infliger davantage de morts civiles à Gaza.

Mais les actes sont plus éloquents que les mots, et les comportements de Washington

soutiennent de manière retentissante l’escalade de la violence. À ce jour, malgré l’éblouissante démonstration de navette diplomatique régionale du secrétaire d’État américain Antony Blinken le week-end dernier, les États-Unis refusent de conclure un accord de cessez-le-feu. Washington a également convaincu ses alliés arabes d’accepter de poursuivre la guerre – pour l’instant. 

Les régimes arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël – l’Égypte, la Jordanie, les

Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc – n’ont pas encore subi la colère publique de leurs

citoyens qui s’opposent avec véhémence à l’agression israélienne contre Gaza. Washington et

Tel-Aviv ont jeté quelques miettes à leurs alliés arabes pour les aider à conjurer les dissensions intérieures massives. Par exemple, Blinken a donné dimanche au roi Abdallah II de Jordanie un « laissez-passer » pour larguer des fournitures humanitaires à l'hôpital jordanien de Gaza. Ce geste dénué de sens fait suite au rappel, la semaine dernière, de l'ambassadeur de Jordanie à Tel Aviv :

Deux actions en l'espace d'une semaine suggèrent beaucoup de chaleur dans la rue dans

certaines capitales arabes. 

Mais en réalité, les défenses aériennes jordaniennes sont profondément impliquées dans les

systèmes israéliens et américains pour contrer les missiles yéménites et irakiens se dirigeant

vers les territoires palestiniens occupés.

Au cours de sa visite éclair dans les principales capitales d’Asie occidentale, Blinken a également

porté avec lui davantage de menaces contre l’Axe régional de la Résistance pro-palestinien,

réitérant l’avertissement selon lequel l’armée américaine, déployée en Asie occidentale, dans la

mer Rouge, dans le golfe Persique et dans l’est de l’Asie. Méditerranée, contrecarrerait toute

tentative de guerre. 

Et ce, alors que Washington rassemble encore plus de forces terrestres, aériennes et navales

dans la région pour dissuader les ennemis d’Israël. Le déploiement de deux porte-avions avec

chacun un groupe de cuirassés ; quatre autres groupes navals ; avions de combat et bombardiers; Systèmes de défense aérienne Patriot et THAAD ; et le renforcement de toutes les

bases militaires américaines régionales avec davantage de troupes - et aujourd'hui, l'armée

américaine annonce qu'un sous-marin nucléaire a été envoyé au « Moyen-Orient ».

Tous les renforts du Pentagone pour protéger la guerre effrénée d'Israël contre Gaza - qui n'ont

pas cessé depuis l'opération de résistance menée par le Hamas le 7 octobre - n'ont apparemment

pas suffi à dissuader l'Axe de la Résistance. Et il existe des preuves pratiques de cela :

Tout d’abord, Blinken s’est rendu dans la capitale irakienne vêtu d’un gilet pare-balles, où il est allé transmettre ses menaces aux innombrables factions de la résistance du pays. Dès son départ de l'aéroport de Bagdad, la Résistance islamique en Irak a procédé à plusieurs bombardements

contre des bases américaines en Irak et en Syrie.

Deuxièmement, les tirs de roquettes et de drones se poursuivent depuis le Yémen vers les bases militaires israéliennes en Palestine occupée, qui sont contrés par les systèmes de défense

antimissile américains d’Arabie saoudite, de Jordanie et d’Égypte avant les défenses antimissiles israéliennes. Malgré les menaces américaines contre les dirigeants de la résistance d'Ansarallah

au Yémen, les tirs de roquettes n'ont pas cessé et se poursuivront « jusqu'à ce que leurs cibles

soient touchées », comme l'a annoncé le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah,

dans son discours tant attendu vendredi dernier.

 

"Le Hamas devrait gagner", déclare Nasrallah

Nasrallah s'exprimait au nom de l'alliance régionale de l'Axe de la Résistance à laquelle il appartient. Au cours de son discours, il a directement exposé les deux principaux objectifs de son alliance dans la guerre actuelle : premièrement, un cessez-le-feu ; Deuxièmement, « la résistance

à Gaza devrait gagner, et le Hamas devrait gagner ».

De nombreuses personnes dans le monde arabe et au-delà ont interprété le discours de Nasrallah comme étant prudent et apaisant. Mais son deuxième but a démenti son ton calme, représentant

une barre très haute dans cette guerre. Alors qu'Israël et les États-Unis se sont fixé comme

objectif commun la défaite totale du Hamas et de son pouvoir à Gaza, le Hezbollah et son alliance

ont fixé comme objectif la victoire ultime de la résistance palestinienne.

Nasrallah a alors menacé les États-Unis, affirmant que la résistance avait préparé « ce qui est nécessaire » pour affronter ses flottes navales. Comme Tel Aviv le sait bien après avoir analysé

ses discours pendant des décennies, le chef du Hezbollah n’exagère jamais ses capacités

militaires. Et c’était un message aussi clair que possible : la mobilisation militaire américaine n’a

pas dissuadé l’Axe.

Les dirigeants israéliens ont déclaré que leur guerre contre Gaza serait longue et qu’ils n’avaient

pas l’intention de conclure un accord de cessez-le-feu. En fournissant une couverture complète

aux atrocités israéliennes, les États-Unis ont déclenché une escalade des attaques de l’Axe de la Résistance sur différents fronts, selon des sources de l’Axe confirmées. 

La possibilité que la guerre s’étende à d’autres fronts géographiques contre les bases et intérêts militaires américains augmente désormais de façon exponentielle. Le renforcement militaire de Washington en Asie occidentale est une incitation à alimenter la guerre, plutôt qu'un effet

« dissuasif » que les Américains croient pouvoir empêcher le conflit de s'étendre. 

Ces déploiements américains ne servent qu'à enhardir les dirigeants israéliens, en leur donnant

toute latitude pour étendre et intensifier leur champ de bataille à Gaza - non seulement en

massacrant des civils en toute impunité, mais en détruisant une partie des infrastructures qui garantiront qu'une grande partie du territoire reste inhabitable. . 

En attendant, la résistance palestinienne n’a pas l’intention de se rendre, car cela priverait de

sens la dévastation sans précédent qu’Israël a infligée à Gaza. L’Axe de la Résistance fera tout

ce qui est en son pouvoir pour empêcher une victoire israélienne dans cette guerre, ce qui signifie

que la région se dirige vers un état de guerre majeure, au-delà de tout scénario d’« escalade lente » que Tel Aviv ou Washington anticipent ou anticipent. pense qu'il peut contrôler. 

 

Les « opérations au sol » ne font que commencer

En bref, la seule chose qui empêche aujourd’hui une guerre régionale est une décision américano-israélienne d’arrêter les bombardements sur Gaza.

Il existe plusieurs moyens d'accélérer cette décision. L'un d'entre eux consiste à faire en sorte que l'armée israélienne paie un prix lourd et insupportable lors de ses opérations terrestres dans la

bande de Gaza. Jusqu'à présent, après dix jours de guerre terrestre, les forces d'occupation ne

sont pas encore entrées dans les zones les plus peuplées de Gaza, où elles connaîtront de

lourdes pertes de troupes. L'excuse de Tel Aviv est que le nord de Gaza – où son armée est entrée avec un plan pour le séparer du sud – abrite toujours 400 000 résidents palestiniens. Ainsi, l'armée israélienne a augmenté la fréquence et l'intensité des bombardements dans le nord pour forcer le déplacement des habitants restants de la région.

Malgré ces précautions israéliennes, les Brigades Al-Qassam de Hama ont affronté les forces d'invasion , infligeant de lourdes pertes aux troupes et aux véhicules blindés. Plus l’armée

d’occupation se rapproche des zones peuplées, plus elles deviennent des cibles faciles pour la résistance. 

Pour brosser un tableau plus clair de cette réalité du champ de bataille, un correspondant de

Fox News qui accompagnait les soldats israéliens sur la ligne de front a révélé que, malgré la campagne de bombardements massifs d'Israël sur Gaza, son armée n'a pénétré qu'à un mile du territoire palestinien. En d’autres termes, l’opération terrestre en est encore à ses balbutiements

et a à peine effleuré la surface des pertes qu’elle peut s’attendre à subir.

Tentatives de négociation

Au milieu de cette escalade, les États-Unis tentent désormais de gagner du temps en proposant

une « trêve humanitaire » pour permettre aux Israéliens d’organiser leurs rangs, constamment

exposés aux attaques de la résistance. C’est pour cette raison que Washington a intensifié la

médiation qatarienne visant à parvenir à un échange de prisonniers entre le Hamas et Israël. 

Selon des sources bien informées, les négociations se limitent actuellement à l'approbation d'une

trêve d'une durée de 48 heures. Au cours de la période proposée de deux jours, le poste frontière

entre l'Égypte et Gaza à Rafah sera ouvert à l'entrée de toute l'aide humanitaire bloquée en

Égypte, et toutes les femmes et enfants palestiniens prisonniers dans les centres de détention israéliens seront échangés contre les femmes et les enfants capturés par Hamas le 7 octobre,

quelle que soit leur nationalité.

Si cette médiation aboutit, il est peu probable qu’elle ouvre la voie à un cessez-le-feu prolongé :

Elle constituera une pause pour les belligérants et permettra à Washington d’organiser un

« succès » de relations publiques pour l’administration Biden.

Aucun des deux côtés ne prendra l’air trop longtemps. Les flottes navales américaines et les

transferts d'aide militaire à la région sont une garantie que la guerre d'Israël contre Gaza

continuera et empêchera une escalade majeure en Asie occidentale, à partir de laquelle les

États-Unis et Israël tenteront d'imposer un nouveau fait accompli qui « intègre Israël dans son environnement » via la normalisation et d’autres initiatives. 

Mais l’Asie occidentale n’est plus exclusivement le terrain de jeu des États-Unis ou d’Israël, et au

cours des dernières décennies, Washington n’a été surpris que par des circonstances imprévues

dans ses innombrables interventions régionales. Aujourd’hui, ces adversaires n’ont jamais été

aussi forts ni aussi soudés.

Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de The Cradle.

Le Hezbollah prend de la hauteur

Source : Le Saker francophone.

 


Par M.K. Bhadrakumar – Le 5 novembre 2023 – Source Indian Punchline

La question palestinienne, que Benjamin Netanyahou pensait avoir pratiquement résolue en assimilant progressivement “tout Israël” à une entité sioniste, est revenue en force sur le devant de la scène politique du Moyen Orient et de la société internationale, grâce au Hamas, le char de la résistance palestinienne.

Si l’on en croit le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, était “entièrement le fruit de la détermination et de l’exécution palestiniennes, méticuleusement dissimulées à tous, y compris aux factions de la résistance basées à Gaza […] et libres de tout enchevêtrement avec des acteurs régionaux ou internationaux“.

Dans son discours historique prononcé vendredi à Beyrouth, Nasrallah a souligné que l’attaque du Hamas contre Israël “a démontré sans équivoque que l’Iran n’exerce aucun contrôle sur les factions de la résistance, les véritables décideurs étant les chefs de la résistance et leurs combattants dévoués“.

 

Le discours de Nasrallah était très attendu dans les capitales du monde entier, principalement pour obtenir des indices sur les intentions du Hezbollah pour l’avenir. Mais le maître tacticien s’est plutôt concentré sur la situation dans son ensemble, car, comme il l’a dit, le 7 octobre “annonce un changement de paysage, nécessitant une responsabilité partagée de la part de toutes les parties“.

Ainsi, l’arrêt de l’agression israélienne contre Gaza et la victoire du Hamas dans la région devraient être les objectifs actuels, ce qui est dans l’intérêt national de l’Égypte, de la Jordanie et de la Syrie et d’une “importance capitale” pour le Liban. Bien entendu, la bande de Gaza a toujours été au cœur du conflit israélo-palestinien et est depuis longtemps liée au nationalisme palestinien.

Le Hezbollah est entré dans la bataille pour Gaza dès le 8 octobre, car “ce qui se passe sur notre front libanais ne s’y limitera pas, il s’étendra au-delà“, a souligné Nasrallah. Par conséquent, les opérations de résistance menées dans le sud du Liban ont un effet dissuasif et toute attaque contre le Liban ou opération préventive “serait la plus grande folie dans l’histoire de l’existence d’Israël“. Il a ajouté que l’escalade dépendait de deux “facteurs fondamentaux” : le déroulement des événements à Gaza et la conduite de l’armée israélienne à l’égard du Liban.

Toutes les possibilités restent ouvertes sur notre front libanais, chaque option étant envisagée et pouvant être mise en œuvre à tout moment, il est impératif que nous restions prêts à faire face à tous les scénarios possibles” a ajouté Nasrallah.

Nous nous sommes également préparés à contrer la flotte américaine“, a-t-il ajouté. Rappelant l’humiliation subie par les États-Unis au début des années 1980 au Liban, Nasrallah a déclaré : “Ceux qui veulent éviter une guerre américaine devraient agir rapidement pour mettre fin à l’agression contre Gaza… En cas de conflit régional, les flottes navales et la guerre aérienne s’avéreront futiles et sans réel intérêt… vos intérêts et vos soldats seront ceux qui souffriront le plus et subiront les plus grandes pertes.”

Quelle est donc la situation dans son ensemble ? Nasrallah résume la situation : “Même si nous avons besoin de plus de temps, nous remportons des victoires dans différents domaines, comme nous l’avons fait dans différents domaines à Gaza et comme la résistance en Cisjordanie… Cette bataille est caractérisée par la résilience, la patience, l’endurance et l’accumulation de réalisations, qui visent toutes à empêcher l’ennemi d’atteindre ses objectifs“.

Il semble que le contenu du discours de Nasrallah n’ait pas pris par surprise le secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui était en voyage à Tel-Aviv. On peut supposer que les canaux de communication ont été actifs. Pour faire le lien, le chef de la Force Quds des Gardiens de la révolution iranienne, le général Esmail Qaani, s’est rendu à Beyrouth mardi dernier et a rencontré Nasrallah.

Le même jour, le ministre iranien des affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, rencontrait l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad Al Thani, à Doha, puis le chef du Hamas, Ismail Haniyeh. (Il s’agissait de la deuxième visite d’Amir-Abdollahian au Qatar en l’espace de quinze jours).

Dans la chronique de l’Axe de la Résistance, des personnages comme Nasrallah (ou Moqtada al-Sadr, le religieux chiite irakien) sont tout sauf des figures unidimensionnelles. Le succès de l’Iran réside dans son tact, sa patience infinie et sa capacité à s’adapter aux exigences externes et internes de la politique de résistance. C’est en grande partie l’héritage du général Qasem Soleimani, qui a été pris pour cible et tué par une attaque de drone américain près de l’aéroport de Bagdad en janvier 2000.

Blinken a déclaré aux journalistes en Israël que lors de la réunion avec Netanyahou, il a exhorté Israël à poursuivre une pause dans les combats à Gaza et a donné des conseils sur la façon de minimiser les pertes civiles palestiniennes. Netanyahou a répliqué peu après en tenant sa propre conférence de presse, déclarant qu’Israël “refuse un cessez-le-feu temporaire qui n’inclurait pas le retour de nos otages“.

La veille de l’arrivée de Blinken, Netanyahou a déclaré aux médias, citant l’Ecclésiaste, que “la Bible dit qu’il y a un temps pour la paix et un temps pour la guerre. C’est un temps pour la guerre“. Netanyahou est un combattant acharné. Il s’adresse déjà à l’influente communauté évangélique des États-Unis.

La visite de Blinken a fait monter la tension au sein de laquelle Netanyahou opère actuellement. Selon Haaretz, Netanyahou est “un homme politique hanté, en fin de carrière, dont les problèmes actuels viennent s’ajouter à l’imbroglio criminel dans lequel il s’est lui-même fourvoyé“. Netanyahou ne jouit pas de la confiance du public, et la plupart de ses efforts sont investis dans sa survie personnelle.

En effet, il reste à voir dans quelle mesure les promesses de Netanyahou d’éradiquer le Hamas ne sont que des déclarations rhétoriques. Il mise sur le consensus au sein de la direction politique et sécuritaire israélienne – et peut-être aussi sur la position de la majorité de l’opinion publique – selon lequel il est nécessaire de vaincre le Hamas et que cela ne peut pas se faire par les airs, mais nécessite la mise en œuvre massive d’une force de manœuvre au sol.

Mais nous n’en sommes qu’au début. Une fois que les brigades de combat israéliennes auront pénétré au cœur de l’infrastructure du Hamas et que ses principaux moyens opérationnels auront été dégradés, l’humeur pourrait changer. Le pari de Netanyahou est de taille. En outre, il a besoin du soutien des Américains, qui demandent déjà une contrepartie à Gaza et attendent de lui qu’il renouvelle son soutien à la solution des deux États, en plus de contenir ses partenaires de la coalition des Hardalim (ultra-orthodoxes, nationalistes) et leurs alliés qui commettent des atrocités contre la population palestinienne et coupent leurs oliviers sur les collines de Cisjordanie.

Ce que le Hamas et le Hezbollah veulent vraiment, c’est un cessez-le-feu à Gaza. Du point de vue du Hamas, l’intérêt international pour la libération des ressortissants étrangers fera pression pour parvenir à un accord. Le Hezbollah, quant à lui, ne veut pas risquer de causer d’importants dégâts au Liban. Le Hezbollah est également un parti politique bénéficiant d’un soutien populaire et il est sensible à la crise de l’économie libanaise et aux difficultés aiguës que la population doit endurer. Ces considérations incitent à la prudence.

Toutefois, le discours de Nasrallah a montré que le brouillard de guerre s’épaissit. Les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être à première vue – surtout si l’on considère que Biden est le sioniste numéro un dans le monde, comme quelqu’un l’a dit un jour. Les gens ne changent pas à 80 ans.

La semaine dernière, un projet de politique divulgué par le ministère israélien du renseignement a confirmé les pires soupçons des observateurs les plus attentifs, à savoir qu’Israël a des plans secrets pour expulser une grande partie ou la totalité de la population palestinienne de l’enclave de Gaza vers le désert égyptien du Sinaï.

Jonathan Cook, journaliste et auteur britannique, a écrit un article étonnant selon lequel le gouvernement Netanyahou “envisage sérieusement une opération massive de nettoyage ethnique, menée à la vitesse de l’éclair et avec l’aide des États-Unis“. Cook a cité un article du FT disant que l’UE est saisie du plan israélo-américain et certains pays membres sont réceptifs à l’idée d’exercer une pression concertée sur l’Égypte pour qu’elle accepte l’exode de Gaza.

Il y a lieu de croire que l’administration Biden dissimule et crée de fausses narrations dans les médias – feignant des différences avec Netanyahu, etc. – alors qu’en réalité, le plan israélien est très présent dans les points de discussion de Blinken lors des engagements diplomatiques à huis clos, en particulier avec les riches pays du Golfe qui seraient appelés à financer l’installation de la population de Gaza dans le Sinaï.

M.K. Bhadrakumar

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

 

Un ballon d’essai pour des pourparlers de paix sur l’Ukraine

Source : The Saker francophone - Par Moon of Alabama − Le 4 novembre 2023

 

Un ballon d’essai a été mis en ligne sur le site de NBCnews. Il s’agit de tester la réaction du public à la reconnaissance prochaine par les États-Unis et l’OTAN de leur défaite en Ukraine :

Des responsables américains et européens abordent le sujet des négociations de paix avec l’Ukraine, selon des sources – NBCnews – 3 Nov. 2023

WASHINGTON – Des responsables américains et européens ont commencé à discuter discrètement avec le gouvernement ukrainien de ce que pourraient impliquer d’éventuelles négociations de paix avec la Russie pour mettre fin à la guerre, selon un haut responsable américain actuel et un ancien haut responsable américain au fait de ces discussions.

Ces discussions se tiennent la même semaine qu’un article du Time sur la réticence de Zelenski à considérer la situation réelle de l’Ukraine et à admettre sa défaite. La même semaine, The Economist interviewait le général Zaluzny qui parlait avec optimisme d’une impasse sur le front alors que son armée est sur le point de se désintégrer.

 

Pris ensemble, ces trois articles pourraient bien faire partie d’une campagne de l’administration américaine visant à concéder sa défaite en Ukraine tout en blâmant les forces ukrainiennes pour les résultats de son erreur.

Revenons à l’article de NBC :

Les conversations ont porté sur les grandes lignes de ce que l’Ukraine devrait abandonner pour parvenir à un accord, ont déclaré les responsables. Certaines de ces discussions, qualifiées de délicates, ont eu lieu le mois dernier lors d’une réunion de représentants de plus de 50 pays soutenant l’Ukraine, y compris des membres de l’OTAN, connue sous le nom de Groupe de contact pour la défense de l’Ukraine, ont indiqué les responsables.

Les discussions sont une reconnaissance de la dynamique militaire sur le terrain en Ukraine et de la dynamique politique aux États-Unis et en Europe, ont déclaré les responsables.

Elles ont débuté alors que les responsables américains et européens s’inquiètent de l’impasse dans laquelle se trouve la guerre et de la possibilité de continuer à fournir de l’aide à l’Ukraine. Les responsables de l’administration Biden s’inquiètent également du fait que l’Ukraine manque de forces, alors que la Russie dispose d’une réserve apparemment inépuisable. L’Ukraine a également du mal à recruter et a récemment été le théâtre de protestations publiques concernant certaines exigences du président Volodymyr Zelenskyy en matière de conscription à durée indéterminée.

Le problème de l’armée ukrainienne est évident. Elle manque d’hommes et n’en a plus que quelques-uns à recruter. Il est difficile d’évaluer les pertes réelles de l’armée ukrainienne, mais je ne serais pas étonné d’apprendre qu’elles s’élèvent à environ 300 000 morts et plus de 500 000 blessés, dont beaucoup seront désormais handicapés.

Enfin, ces préoccupations concernant les effectifs de l’Ukraine sont reconnues :

Le président Joe Biden s’est intéressé de près à l’épuisement des forces militaires ukrainiennes, selon deux personnes connaissant bien le dossier.

Les effectifs sont au cœur des préoccupations de l’administration en ce moment“, a déclaré l’une d’entre elles. Les États-Unis et leurs alliés peuvent fournir à l’Ukraine des armes, a ajouté cette personne, “mais s’ils n’ont pas de forces compétentes pour les utiliser, cela ne sert pas à grand-chose

La dernière phrase semble être tirée de l’article du Time qui disait :

Dans certaines branches de l’armée, la pénurie de personnel est devenue encore plus grave que le déficit en armes et en munitions. L’un des proches collaborateurs de Zelensky me dit que même si les États-Unis et leurs alliés fournissent toutes les armes qu’ils ont promises, “nous n’avons pas les hommes pour les utiliser“.

L’Ukraine elle-même détruit ses propres brigades plus rapidement qu’elle ne peut en créer de nouvelles :

Ces derniers jours, des chars de la 47e brigade (Leopard 2) et de la 10e brigade de montagne (T-64BM/BV) ont été repérés et détruits près d’Avdiivka. Ces deux brigades venaient tout juste d’être massacrées au cours de leurs attaques désespérées sur le front sud. Il est absurde de jeter ce qui reste d’elles dans une nouvelle bataille sans les reconstituer. Toute l’expérience et les connaissances acquises par ces brigades seront perdues avec elles.

L’ensemble du corps intermédiaire professionnel de l’armée, les sergents et les jeunes officiers, ont pour la plupart été tués ou blessés. Sans eux, il est impossible de constituer de nouvelles forces.

L’article de NBC a fait la une des journaux en Ukraine (en russe). Alors que je publiais cet article, une première réaction politique, un déni total, est apparue :

Zelenskyy : Il n’y a pas d’impasse et il n’y aura ni négociations ni concessions – UA Pravda – 4 Nov. 2023

Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy ne pense pas que la situation sur le front en Ukraine soit une impasse et a déclaré que l’Ukraine ne négocierait pas avec la Russie.

Citation de Zelenskyy : “Il ne s’agit pas d’une impasse. La Russie contrôle le ciel. Nous protégeons nos troupes. Personne [en Ukraine] ne veut jeter notre peuple [dans la bataille] comme le fait la Russie […]

Comment pouvons-nous surmonter cette situation ? Avec les F-16, nous devons attendre que nos hommes soient formés et qu’ils reviennent. Lorsqu’il y aura une défense aérienne sur le front, nos soldats avanceront en déployant l’équipement dont ils disposent.

Que dira-t-il lorsque les F-16, ces merveilles vieilles de cinquante ans, tomberont du ciel plus vite qu’elles ne décolleront ?

Des signes évidents montrent que le fossé entre les dirigeants politiques et militaires de l’Ukraine se creuse. Le président Zelenski, à la demande de son nouveau ministre de la défense, vient de révoquer le commandant des forces spéciales ukrainiennes et d’en installer un nouveau :

Le général de division Viktor Khorenko ne connaît pas les raisons de son licenciement du poste de commandant des forces d’opérations spéciales. Valerii Zaluzny, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, n’a pas présenté de demande de licenciement.

Il est très inhabituel de licencier un officier sans la demande de son supérieur.

Des critiques ont également été lancés contre Zaluzny lui-même :

Le bureau du président conseille au commandant en chef des forces armées ukrainiennes de ne pas rendre publique la situation au front – UA Pravda – 4 Nov. 2023

Ihor Zhovkva, chef adjoint du bureau du président, commentant l’article de Valerii Zaluzhnyi, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, pour The Economist, a déclaré que les militaires ne devraient pas faire connaître au public ce qui se passe au front.

Zhovkva a également déclaré que “l’un des chefs des bureaux des dirigeants” l’avait appelé après la publication de l’article en question.

Ils m’ont simplement demandé, paniqués : “Que dois-je rapporter à mon chef ? Sommes-nous vraiment dans une impasse ? Essayons-nous d’obtenir cet effet avec cet article ?“, a déclaré le représentant du cabinet du président.

L’article de NBC fixe même un délai à l’Ukraine pour admettre que la situation est terminée :

Des fonctionnaires ont également déclaré en privé que l’Ukraine n’avait probablement que jusqu’à la fin de l’année ou un peu plus tard pour entamer des discussions plus urgentes sur les négociations de paix. Des responsables américains ont fait part de leur point de vue sur ce calendrier à leurs alliés européens.

La Russie acceptera probablement des pourparlers de paix. Mais elle exigera probablement plus que ce que l’Ukraine est prête à donner. Elle exigera au minimum le contrôle total des cinq oblasts qu’elle a annexés, dont la Crimée, et l’absence de relations entre l’Ukraine et l’OTAN. Le parlement ukrainien actuel rejettera probablement ces demandes, ce qui entraînera d’autres exigences de la part de la Russie.

Kiev n’a pas encore reconnu la réalité. L’État ukrainien est exsangue, tant financièrement que physiquement. Ses maîtres ont constaté que l’objectif qu’ils s’étaient fixé au début de la guerre – affaiblir la Russie – a abouti à l’inverse. La Russie dispose aujourd’hui d’une armée plus importante et mieux armée, avec une plus grande expérience de la guerre réelle que n’importe lequel de ses adversaires potentiels.

La Russie a gagné.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

À quoi s’attend-on du Hezbollah dans la guerre de Gaza ?

par Elijah J. Magnier - e 04/112023.

Le Hezbollah a toujours été un acteur important du conflit en général au Moyen-Orient, en particulier dans ses confrontations avec Israël. Sa position sur le conflit israélo-palestinien est bien connue, car il s’est toujours dit solidaire à la cause palestinienne. Cependant, prédire des actions ou des décisions précises du Hezbollah relève de la spéculation. Le Hezbollah pourrait ouvrir un front au nord d’Israël à partir du Liban, ce qui constituerait une escalade significative. Une telle décision repose sur une dynamique régionale plus large, notamment des relations du Hezbollah avec l’Iran et la Syrie, ainsi que sur des considérations internes au Liban. Comme ce pays a son lot de difficultés politiques et économiques complexes, toute décision du Hezbollah d’intensifier son engagement dans un conflit extérieur devrait prendre en compte les répercussions possibles sur le plan intérieur, en commençant par la société qui le soutient.

L’engagement du Hezbollah dans la guerre de Gaza

Depuis le 8 octobre, la frontière israélo-libanaise est devenue le point chaud des affrontements militaires entre le Hezbollah et l’armée d’occupation israélienne. La zone, qui s’étend sur 100 à 120 km de Naqoura, sur la côte méditerranéenne, aux fermes contestées de Chebaa et au plateau du Golan occupé, a été le théâtre d’escarmouches intenses.

Les opérations du Hezbollah ont visé 42 installations militaires israéliennes, dont des casernes, des stations radar et des postes d’espionnage électronique. Le groupe affirme avoir frappé ces positions à 150 reprises avec des missiles guidés par laser. De son côté, Israël a rapporté des pertes, 120 soldats ayant été tués ou blessés au cours des affrontements.

L’intensité du conflit a incité Israël à déployer trois de ses divisions militaires et ses unités d’élite de ses forces spéciales à la frontière. Ces unités sont spécialement chargées de contrer l’unité d’élite al-Redouane du Hezbollah, connue pour ses prouesses en matière de guérilla. La présence d’al-Redouane préoccupe énormément Israël, à un point tel qu’il a évacué des dizaines de milliers de personnes des colonies situées le long de la frontière. Cette évacuation signifie dans les faits que de larges pans de zones autrefois peuplées sont désormais sous occupation militaire.

La position du Hezbollah et ses manœuvres de guerre ont forcé Israël à scinder ses opérations militaires. Le front nord étant désormais actif, Israël doit rester vigilant en cas d’éventuelles percées des forces spéciales du Hezbollah. Le groupe a reconnu avoir perdu 50 de ses combattants dans ces affrontements. Cette escalade marque un changement important dans la dynamique de la région, les deux parties démontrant maintenant leurs capacités militaires et leur détermination. 

Les tensions actuelles le long de la frontière israélo-libanaise ont atteint des niveaux sans précédent. Plus de 60 000 colons israéliens ont été évacués des zones adjacentes au mur, ce qui souligne la gravité de la menace perçue. L’évacuation n’est pas unilatérale. Du côté libanais, le Hezbollah a également déplacé des milliers de ses résidents vers des lieux plus sûrs. Cette évacuation mutuelle indique que l’on s’attend à un conflit de grande ampleur, et les deux parties semblent prendre toutes les précautions nécessaires pour minimiser les pertes civiles.

Il est intéressant de noter que, malgré les hostilités, il semble y avoir une règle d’engagement tacite. Jusqu’à présent, les deux parties ont principalement ciblé les installations militaires, évitant ainsi de faire de nombreuses victimes civiles. Cette retenue, en particulier de la part d’un acteur non étatique comme le Hezbollah, est remarquable. Elle témoigne d’une maturité et d’une réflexion stratégique visant à éviter les répercussions internationales associées aux pertes civiles.

L’utilisation par le Hezbollah de missiles guidés de précision, même contre des cibles apparemment insignifiantes comme de l’équipement de communication, envoie un message clair. Il ne s’agit pas seulement de détruire la cible, mais aussi de démontrer ses capacités. L’utilisation d’armes aussi perfectionnées contre des cibles plus petites implique un bon entraînement et un stock important de ces missiles, ce qui laisse supposer une volonté de s’engager dans un conflit prolongé. Cette «démonstration de force» a un effet dissuasif, en signalant à Israël ce qu’une invasion ou une attaque de grande envergure pourrait lui coûter.

Ce qui précède est un exemple classique du rapport de force délicat qui prévaut dans la guerre moderne. Même des acteurs non étatiques peuvent, avec les ressources et la stratégie adéquates, imposer un état de dissuasion à des forces militaires établies. Les jours à venir détermineront comment cet équilibre s’exercera, et si les tensions actuelles vont dégénérer en un conflit plus large.

L’implication du Hezbollah dans le conflit actuel est stratégique et mesurée. Le groupe a fixé des limites claires à son implication, qu’Israël semble respecter, probablement pour éviter l’ouverture d’un deuxième front dans le nord alors qu’il est déjà engagé à Gaza. La dynamique du conflit à Gaza, où le Hamas et le Djihad islamique maintiennent leur puissance de feu et leur promptitude, ne nécessite pas l’intervention du Hezbollah sur le front nord pour le moment.

L’ambiguïté des objectifs d’Israël dans son invasion terrestre complique davantage la situation. Si les objectifs initiaux d’Israël n’ont pas été explicitement énoncés, ils peuvent évoluer en fonction des réalités sur le terrain, surtout si les forces d’occupation israéliennes subissent des pertes importantes.

La décision d’Israël de ne pas dévoiler ses objectifs ultimes lors de l’invasion terrestre de Gaza est une décision stratégique qui lui donne de la souplesse dans ses opérations militaires et qui maintient ses adversaires dans l’incertitude. En ne révélant pas s’il a l’intention d’occuper toute la bande de Gaza, Israël maintient un élément d’imprévisibilité, ce qui peut constituer un avantage tactique dans la guerre.

Les spéculations entourant l’administration de la bande de Gaza après l’occupation suggèrent qu’Israël envisage des implications et des scénarios à long terme. Cependant, une occupation complète de Gaza constituerait une escalade significative avec de profondes implications politiques, humanitaires et sécuritaires. En plus d’intensifier le conflit à Gaza, pareille mesure pourrait également élargir l’ampleur de la guerre en attirant d’autres acteurs régionaux.

En maintenant l’ambiguïté par rapport à ses objectifs, Israël poursuit une stratégie d’imprévisibilité. Cette approche peut servir plusieurs objectifs :

Avantage tactiqueEn ne dévoilant pas ses intentions, Israël peut déstabiliser le Hamas et d’autres groupes, et ainsi les empêcher de se préparer et de réagir efficacement.

Flexibilité stratégiqueEn ne s’engageant pas sur un dénouement précis, Israël peut modifier ses opérations en fonction de la situation changeante sur le terrain, que ce soit en raison de la pression internationale, de l’évolution militaire ou d’autres facteurs.

Impact psychologique : L’incertitude peut avoir un effet psychologique sur les dirigeants et la population de Gaza, en créant de la confusion et en semant éventuellement la discorde entre la population et la Résistance palestinienne.

Dissuasion : L’imprévisibilité peut avoir un effet dissuasif sur d’autres acteurs régionaux, tels que le Hezbollah, en les dissuadant d’ouvrir un nouveau front sans connaître explicitement les intentions d’Israël à Gaza.

Mais cette stratégie comporte des risques. L’absence d’objectif clair peut faire dériver la mission, en étendant l’opération militaire au-delà de son périmètre initial. Elle peut également être sujette à la critique internationale si le processus est perçu comme étant sans but ou trop agressif sans justification claire.

Le Hezbollah, en particulier, suivra la situation de près. Une occupation complète de Gaza pourrait être perçue comme une menace directe incitant le Hezbollah à ouvrir un second front depuis le nord. Cela mettrait à rude épreuve les capacités militaires d’Israël et pourrait déboucher sur un conflit régional beaucoup plus large et complexe.

Le discours de Sayyed Nasrallah et la position du Hezbollah

L’appel du secrétaire général du Hezbollah à un grand rassemblement vendredi dans plusieurs régions du Liban est révélateur. L’organisation d’un événement d’une telle ampleur, en particulier dans le contexte actuel d’instabilité, suggère un certain degré de confiance de la part du Hezbollah. Il croit qu’Israël a été suffisamment dissuadé et qu’il ne prendrait pas le risque de cibler un tel rassemblement. L’appel à un rassemblement public indique que le Hezbollah n’est pas encore en guerre totale avec Israël, que le conflit se limite jusqu’à présent à un échange de tirs aux frontières.

Sayyed Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, a l’habitude de prononcer des discours à la fois stratégiques et symboliques qui traitent souvent des événements régionaux, notamment en ce qui concerne Israël et la cause palestinienne. Voici un aperçu de ce que Nasrallah pourrait aborder dans son prochain discours :

Les réalisations de la résistance palestinienne : Sayyed Nasrallah fera probablement l’éloge de la résistance palestinienne et de ses accomplissements contre Israël, en soulignant les résultats surprenants obtenus malgré la grande disparité des capacités militaires.

La fragilité d’Israël : En évoquant les succès rapides de la Résistance palestinienne contre la «division de Gaza», Nasrallah pourrait chercher à montrer que l’armée israélienne est loin d’être aussi invincible qu’elle le paraît, même avec sa machine de guerre perfectionnée, comme l’a prouvé la défaite de la «division de Gaza» en quelques heures seulement le 7 octobre. De plus, la Résistance palestinienne a attaqué à deux reprises le point de passage d’Erez derrière les lignes ennemies dans le cadre d’opérations spéciales, pendant que les unités mécaniques d’Israël effectuaient des manœuvres et bombardait la population civile.

L’insécurité des colons : Sayyed Nasrallah pourrait faire référence à l’insécurité des immigrants, qui ont perdu confiance dans leur armée, ainsi qu’à l’incapacité du gouvernement à leur fournir la sécurité nécessaire pour rester en Israël à la suite de l’acte héroïque de la Résistance palestinienne.

Le soutien des USA et de l’UE à Israël : Nasrallah pourrait critiquer le soutien indéfectible qu’Israël reçoit de la part des dirigeants des États-Unis et de l’Union européenne, en le présentant comme un contraste frappant avec le sort des Palestiniens.

Le sort des civils palestiniens : Nasrallah mettra probablement l’accent sur la crise humanitaire à Gaza, en soulignant le nombre élevé de victimes civiles, en particulier parmi les enfants et les femmes. Il pourrait affirmer que la stratégie d’Israël consiste à éviter la confrontation avec le Hamas et à recourir au bombardement de zones résidentielles.

La déclaration du ministre israélien de la Défense : Une référence à la déclaration du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, selon laquelle «Israël n’a pas d’appétit pour la guerre», pourrait être utilisée pour souligner la réticence d’Israël à s’engager dans un conflit plus large.

La crainte d’un second front : Le déploiement de porte-avions américains au Moyen-Orient et l’afflux de membres des forces spéciales américaines en Israël pourraient être présentés comme des preuves de la crainte d’Israël d’ouvrir un second front, en particulier contre une force redoutable comme le Hezbollah. Le Hezbollah a attiré trois divisions israéliennes à ses frontières, en forçant Israël à diviser son armée par crainte d’avoir à gérer deux fronts (Gaza et le Liban).

Les messages diplomatiques : Nasrallah pourrait parler des canaux diplomatiques utilisés par les États-Unis pour communiquer avec l’Iran et le Liban par le biais d’intermédiaires, par exemple la rencontre du ministre français des Affaires étrangères avec le premier ministre libanais, afin de souligner les efforts internationaux visant à empêcher le Hezbollah d’ouvrir un nouveau front. Les États-Unis ont envoyé plusieurs messages à l’Iran pour lui exprimer leur manque d’appétit pour la guerre, en exhortant l’Iran à ne pas intervenir contre Israël.

Les affrontements frontaliers : En énumérant les attaques du Hezbollah contre des cibles israéliennes le long de la frontière libanaise, Nasrallah pourrait chercher à démontrer les capacités du Hezbollah et la dissuasion qu’il a établie à l’égard d’Israël.

La lutte en territoire ennemi : Cela marquerait un changement stratégique de la part du Hezbollah, qui consisterait à porter le combat sur le territoire israélien, par opposition à l’approche historique d’Israël qui a toujours consisté à combattre en sol étranger.

La table des négociations : Nasrallah pourrait mettre l’accent sur le caractère inévitable des négociations, en soulignant qu’Israël devra finir par négocier la libération des captifs en échange des prisonniers palestiniens.

La position des États arabes à l’égard du conflit : Sayyed Nasrallah pourrait exprimer sa déception et ses critiques à l’égard des États arabes pour leur apparente inaction et leur incapacité à exercer une pression suffisante sur Israël pour qu’il mette fin à ses opérations militaires à Gaza. Il pourrait opposer les mesures audacieuses prises par des pays comme la Bolivie, qui a rompu ses relations diplomatiques et expulsé l’ambassadeur d’Israël, à la position plus passive, voire collaborative, de pays comme les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc. Nasrallah pourrait souligner que ces nations arabes, étant donné leurs liens historiques et culturels avec la Palestine, ont la responsabilité morale et régionale de se solidariser avec la cause palestinienne. Le fait qu’elles ne le fassent pas ou qu’elles normalisent ouvertement leurs relations avec Israël pourrait être présenté comme une trahison du peuple palestinien et de l’identité arabe au sens large. Ce point pourrait servir à souligner l’évolution de la géopolitique de la région et l’abandon perçu de la cause palestinienne par certains alliés traditionnels.

Le risque d’escalade du conflit : Une mise en garde Israël contre les conséquences possibles de nouvelles incursions à Gaza pourrait être faite, en suggérant qu’elles pourraient attirer le Hezbollah dans le conflit. Le rôle des alliés régionaux de la Syrie, de l’Irak et du Yémen dans la défense de la Palestine en cas d’escalade du conflit pourrait également être abordé.

Le Hezbollah, Israël et les implications mondiales

Dans l’écheveau complexe de la géopolitique du Moyen-Orient, l’éventualité d’une confrontation entre Israël et le Hezbollah est un scénario lourd de dangers, non seulement pour les acteurs immédiats, mais aussi pour les superpuissances mondiales.

Israël, dont l’armée est technologiquement avancée, aurait sans aucun doute besoin d’un stock important de munitions et de l’engagement total de ses forces armées pour affronter le Hezbollah, un groupe connu pour ses choix stratégiques et son arsenal redoutable. Pareil affrontement se solderait probablement par des pertes élevées des deux côtés, étant donné la capacité du Hezbollah à lancer des attaques à la roquette de précision loin sur le territoire israélien. Le front intérieur israélien, souvent considéré comme le talon d’Achille de la nation, pourrait subir des destructions sans précédent, mettant à l’épreuve la résistance de la population civile et des infrastructures.

Mais les conséquences d’un tel conflit se répercuteraient bien au-delà des frontières d’Israël et du Liban. Les installations et les actifs militaires américains dans la région seraient probablement pris pour cibles, ce qui ferait ressortir la vulnérabilité des forces américaines stationnées dans ce qui est sans doute la région la plus instable du monde. De telles attaques mineraient non seulement la perception des États-Unis en tant que puissance mondiale dominante, mais risqueraient aussi de les entraîner plus profondément dans un conflit qu’ils voudraient bien hésiter à intensifier.

Ce scénario attirerait inévitablement l’attention d’autres acteurs mondiaux, notamment de la Russie. Compte tenu de ses intérêts au Moyen-Orient, notamment en Syrie, la Russie s’inquiéterait d’une déstabilisation à grande échelle. Aux Nations unies, Moscou utiliserait probablement sa tribune pour avertir Washington qu’elle ne restera pas les bras croisés à regarder le Moyen-Orient sombrer dans le chaos. Pareil avertissement soulignerait les enjeux géopolitiques plus larges en cause et donnerait à penser que le conflit pourrait dégénérer en une confrontation internationale de plus grande ampleur. La Russie et la Chine ont déjà envoyé les renforts militaires nécessaires en Asie occidentale à la suite de la présence militaire excessive des États-Unis en Méditerranée.

Pour le Hezbollah, s’engager à fond dans une telle bataille peut sembler avantageux, surtout s’il pense pouvoir infliger des dommages importants à Israël et attirer l’attention de la communauté internationale sur la cause palestinienne à un moment où Israël est fragile. 

Toutefois, les dirigeants du groupe, en particulier Sayyed Hassan Nasrallah, semblent faire preuve de prudence. La dernière incursion israélienne à Gaza, qui a commencé il y a seulement une semaine, a ajouté une couche supplémentaire de complexité à la dynamique régionale. Nasrallah, que l’on reconnaît pour sa clairvoyance stratégique, est peut-être en train d’évaluer les avantages immédiats d’une participation à la mêlée par rapport aux implications à long terme pour le Hezbollah et l’Axe de la Résistance au sens large.

Dans ce jeu d’échecs géopolitique aux enjeux considérables, chaque mouvement a des conséquences et les décisions prises par les principaux acteurs dans les jours et les semaines à venir pourraient façonner la trajectoire du Moyen-Orient pour les prochaines années.

Le calcul stratégique du Hezbollah : L‘histoire de deux taureaux et ses implications pour le Moyen-Orient

Dans le ballet complexe qu’est la géopolitique du Moyen-Orient, les allégories nous aident souvent à mieux comprendre les motivations et les stratégies des principaux acteurs. La fable du taureau blanc, du taureau noir et du lion trouve un écho profond chez les dirigeants du Hezbollah.

Dans cette fable, un lion affamé attaque deux taureaux, l’un blanc et l’autre noir. Reconnaissant leur force en commun, les taureaux commencent par s’unir et réussissent à repousser les assauts du lion. Mais le lion, rusé et stratège, fait une proposition au taureau blanc : S’il laisse le lion dévorer le taureau noir, le taureau blanc sera épargné. Celui-ci, voyant là une occasion de s’ensauver, accepte. Mais une fois le taureau noir dévoré, le lion, toujours poussé par la faim, rompt sa promesse et se retourne contre le taureau blanc, scellant ainsi son destin. En fait, dès que le taureau noir a commencé à être dévoré, le destin du taureau blanc était scellé.

Pour le Hezbollah, cette allégorie est un rappel brutal des dangers et des conséquences potentielles de sacrifier un partenaire. La chute de Gaza, de son point de vue, s’apparenterait au taureau noir dévoré. Supposons que la résistance de Gaza soit affaiblie ou neutralisée. Ce ne serait alors qu’une question de temps avant que les forces cherchant la soumission ne tournent leur attention vers le Hezbollah, le taureau blanc dans ce cas-ci.

Les dirigeants du Hezbollah croient que la perte des capacités de résistance de Gaza enhardirait Israël et pourrait conduire à une coalition financière et militaire plus large, soutenue par les États-Unis, qui viserait à neutraliser le pouvoir du Hezbollah dans la région. Une telle coalition chercherait à démanteler le redoutable arsenal du groupe et à réduire son influence, non seulement au Liban, mais dans l’ensemble du Moyen-Orient.

Dans ce contexte, le sort de Gaza n’est pas seulement une question de solidarité pour le Hezbollah, mais un impératif stratégique. Le groupe reconnaît que la force de l’Axe de la Résistance réside dans son unité. Tout affaiblissement d’une composante, que ce soit à Gaza, au Liban ou ailleurs, a des répercussions sur l’ensemble.

À mesure que la situation à Gaza évolue, les décisions du Hezbollah seront influencées non seulement par des considérations tactiques immédiates, mais aussi par une donne stratégique plus large. L’histoire des deux taureaux est une mise en garde : Dans le jeu de la géopolitique régionale aux enjeux élevés, les gains à court terme peuvent entraîner des vulnérabilités à long terme.

source : Elijah J. Magnier

Les paradigmes sont fracturés au-delà de l’imaginable, peut-être irrémédiablement

par Alastair Crooke - Le 04/11/2023.

Qu’est-ce qui pourrait maintenant persuader les Israéliens effrayés d’accepter un État palestinien souverain ? Qu’est-ce qui, si ce n’est une défaite humiliante pour l’ensemble du «front» de la résistance, persuaderait ce dernier d’accepter un Grand Israël ?

Le paradigme de l’«invincibilité» de l’Occident a pris un sacré coup : D’abord en Afghanistan, puis de manière plus substantielle en Ukraine – où les «pieds d’argile» de l’OTAN ont été exposés au monde entier.

Avec le souffle de la «Fin de l’Histoire» de Fukuyama, l’autorité des élites occidentales s’est appuyée sur une supériorité morale mondiale bien-pensante : L’anticommunisme, puis le «terrorisme» islamique après le 11 septembre, sont devenus une ressource politique importante sur laquelle les strates dirigeantes pouvaient s’appuyer. L’anticommunisme, puis le «terrorisme» islamique après le 11 septembre, sont devenus des ressources politiques importantes sur lesquelles les couches dirigeantes ont pu s’appuyer.

Mais surtout, cela leur a conféré une légitimité morale.

Aujourd’hui, les élites occidentales sont continuellement confrontées à la perte de leur autorité (c’est-à-dire à l’avènement de la multipolarité) et sont à la recherche d’une nouvelle «légitimité», alors que le monde tourne le dos à l’exceptionnalisme et à son substrat binaire «avec nous, ou contre nous».

Puis vint le 7 octobre.

Le paradigme israélien s’est effondré – à la fois dans ses manifestations externes et internes de «dissuasion».

L’Israël de Jabotinsky devait être un «État-nation» avec toute la puissance du modèle du XIXe siècle (Jabotinsky s’est inspiré, pour son «Mur de fer» (1923), des «Jeunes Turcs» qui s’enthousiasmaient pour l’État-nation occidental en raison de son esprit du temps).

Ainsi, si le traumatisme actuel de l’Occident à l’égard de sa défaite en Ukraine est profond, je crains d’ajouter que vous n’en avez pas encore vu la moitié.

Les événements du 7 octobre ont brisé le «mythe de la dissuasion», mettant l’Occident en émoi.

«C’est le point le plus important – notre dissuasion»», a déclaré un haut responsable du cabinet de guerre israélien :

«La région doit rapidement comprendre que quiconque porte atteinte à Israël comme l’a fait le Hamas en paiera un prix disproportionné. Il n’y a pas d’autre moyen de survivre dans notre voisinage que d’exiger ce prix maintenant, car de nombreux yeux sont fixés sur nous et la plupart d’entre eux n’ont pas nos meilleurs intérêts à cœur».

Le «paradigme» israélien repose donc sur la manifestation par l’État d’une force écrasante, dirigée vers tout défi émergeant à son encontre. Les États-Unis et l’Europe, après avoir créé un État (résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies), ont ensuite insisté pour qu’Israël possède à la fois l’avantage politique (dans les accords d’Oslo, toutes les décisions stratégiques incombent uniquement à Israël) et, de la même manière, l’avantage militaire sur tous ses voisins.

En d’autres termes, Oslo reposait sur la construction d’un État-nation fort, de type XIXe siècle, doté d’une force de dissuasion invincible.

Bien que présentée comme telle, cette formule ne permet pas de parvenir à un accord de paix durable prévoyant la division de la Palestine mandataire en deux États. La parité entre les deux parties était par définition exclue : L’une posséderait une force écrasante, l’autre serait désarmée. Et Israël en demandait toujours plus.

De plus, sous le gouvernement de Netanyahou, Israël s’est rapproché de plus en plus d’une fondation eschatologique d’Israël sur la «Terre d’Israël» (biblique) – une démarche qui expurge la Palestine. Ce n’est pas une coïncidence si Netanyahou a présenté une carte d’Israël lors de son récent discours à l’Assemblée générale des Nations unies, sur laquelle Israël dominait de la rivière à la mer – et la Palestine ou le territoire palestinien n’existait pas.

Oslo, pour ainsi dire, est devenu un instrument furtif, une Nakba politique silencieuse, les colonies se sont étendues et toute Palestine putative est devenue de plus en plus réduite.

Pour comprendre l’angoisse occidentale – et le sentiment de crise existentielle – il faut savoir qu’Israël était considéré à Londres et à Washington comme le microcosme du macrocosme hégémonique occidental. La dissuasion d’Israël était la petite OTAN à la dissuasion de l’invincibilité de l’OTAN – en gros.

Et puis le Hamas a fait voler en éclats ce paradigme. Le paradigme de la dissuasion a échoué.

Le risque ici est clairement qu’une Maison-Blanche affaiblie réagisse de manière excessive afin de montrer (contre toute évidence) qu’elle n’est pas faible, mais qu’elle est toujours l’hégémon, en mettant tout son poids dans la balance – éventuellement contre l’Iran. Les États-Unis envoient des porte-avions et les navires qui les accompagnent, ainsi que d’énormes convois (des centaines) d’avions-cargos chargés de bombes, de missiles et de défenses aériennes (THAAD et Patriot) non seulement en Israël, mais aussi dans le Golfe, en Jordanie et à Chypre. Des forces spéciales et des marines sont également déployées. Il s’agit d’une provocation. Les États-Unis envoient en fait une véritable armada de guerre de grande envergure.

D’autre part, la colère dans la région est réelle et menace les dirigeants arabes «modérés», dont la marge de manœuvre est désormais limitée. Il semblerait que l’humeur de la sphère arabe soit différente et ressemble davantage à la révolte arabe de 1916 qui a renversé l’Empire ottoman. Elle prend une tournure distincte lorsque les autorités religieuses chiites et sunnites déclarent que les musulmans ont le devoir de se tenir aux côtés des Palestiniens. Les juifs du monde occidental sont horrifiés par la tuerie du 7 octobre, mais ils sont encore plus horrifiés par ses implications pour la dissuasion israélienne.

En d’autres termes, alors qu’Israël devient clairement apocalyptique (dans son discours, Netanyahou a parlé d’«extirper le mal» du monde), l’humeur islamique devient elle aussi eschatologique. Rappelons que le président Erdogan a mis en garde contre l’évolution du conflit vers le «Croissant contre la Croix».

La dichotomie et la passion polaire devraient s’intensifier (voire exploser) à mesure que l’incursion à Gaza va crescendo. Une région, brûlante de colère, se mobilise contre Israël. Et le monde occidental menace de se venger de tout nouveau front qui pourrait s’ouvrir.

Que faire ?

Le réflexe est d’appeler à une solution à deux États. Les États doivent, bien sûr, avoir une position diplomatique publique.

D’accord, à condition qu’il soit entendu que cela ne peut servir, plus probablement, que de «mécanisme de décharge émotionnelle». La formule des deux États n’est tout simplement pas réalisable dans le contexte actuel de passions exacerbées (si tant est qu’elle l’ait jamais été). La question plus fondamentale est de savoir si une solution à deux États est une solution tout court. Au cours des dix dernières années, l’électorat israélien s’est considérablement déplacé vers la droite. Les ministres du gouvernement cherchent désormais à fonder Israël sur la «Terre d’Israël».

Qu’est-ce qui, à part une défaite humiliante, pourrait persuader les Israéliens effrayés d’accepter un État palestinien souverain ? Qu’est-ce qui, à part une défaite humiliante pour l’ensemble du «front» de la résistance (aujourd’hui qualifié d’«axe du mal» par certains Occidentaux), persuaderait ces derniers d’accepter un grand Israël après avoir assisté à la destruction de Gaza ? Les États-Unis n’ont pas les moyens de tordre les bras d’Israël à ce point – cela serait totalement étranger à la culture politique américaine.

Non. La tâche qui nous attend est d’essayer de contenir le conflit pour éviter qu’il ne déborde de certaines voies bien définies.

Alastair Crooke

source : Al-Mayadeen

traduction Réseau International

Nasrallah : “Israël sera vaincu à Gaza, avec l’aide du Hezbollah !”

Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 03/11/2023.

 

GUERRE D’UKRAINE JOUR 609/GUERRE DE GAZA JOUR 27 – On attendait anxieusement le discours du chef du Hezbollah Nasrallah ce vendredi 3 novembre, presque un mois après le soulèvement de la Résistance Palestinienne et sa razzia sur les territoires israéliens à proximité de la bande de Gaza. En fait, le chef politique libanais a levé le voile sur la stratégie des nations de la région décidée à faire échouer Israël à Gaza : Une escalade imperceptible, destinée à soulager pour les Palestiniens le front de Gaza. L’Iran, la Syrie, le Liban, misent sur un enlisement et un affaiblissement israélien. La possibilité d’une entrée de l’Iran dans le conflit n’est pas exclue mais elle serait une réponse à une attaque américaine. En réalité, les Occidentaux n’ont pas encore tiré les leçons de la guerre d’Ukraine. La Russie s’est gardée de jeter toutes ses forces dans la bataille. Elle a préféré user progressivement l’adversaire. Cependant les décideurs et chefs militaires occidentaux semblent loin de faire cette analyse de la guerre d’Ukraine ; encore moins d’établir un rapport avec la stratégie des adversaires de l’OTAN et d’Israël au Proche-Orient. Le fait que le Général Zaloujni (qui sert sans doute de prête-nom car il a été grièvement blessé au printemps) officiellement encore commandant en chef de l’armée ukrainienne, concède l’échec de la contre-offensive et même juge, à mots à peine couverts, la perte de la guerre comme inéluctable est une potion amère pour l’opinion dirigeante aux USA et dans l’Union Européenne. A Washington et à Bruxelles, on est encore loin d’accepter le fait que les Russes ont pris l’initiative dans le conflit, comme en témoigne leur avancée à Avdeïevka.

Un long discours de Nasrallah, qui éclaire le jeu des puissances régionales

Le chef du Hezbollah, mouvement politique et guerrier chiite libanais, Hassan Nasrallah, a prononcé un discours de plus d’une heure ce vendredi 3 novembre. Vous en trouverez une paraphrase en anglais sur le canal Telegram du Middle East Spectator.

J’en cite ici les extraits les plus significatifs :

Le chef du Hezbollah commence par invoquer l’esprit de sacrifice des combattants. “Vous ne trouverez pas de bataille aussi importante que la lutte contre les sionistes, c’est l’un des reflets les plus clairs de la lutte pour l’amour de Dieu.Outre les armes, notre véritable force réside dans nos convictions profondes et notre volonté de sacrifice. Je salue la population de Gaza, qui fait preuve d’un courage sans égal dans ce monde. Tout ce qu’elle a sacrifié, c’est pour la Palestine, Al-Aqsa et Al-Quds. (…)

Selon Nasrallah, le soulèvement du 7 octobre est une décision purement palestinienne. “Le monde a oublié la Palestine, c’est la dernière priorité pour le monde, alors que les conditions ont continué à se détériorer..Un grand événement comme celui-ci devait se produire, et cela a remis sur le tapis la question de l’humanité dans le monde. L’opération du 7 octobre menée par Al-Qassam et d’autres a été une opération grandiose et bénie, et il s’agissait d’une décision 100 % palestinienne, dont la mise en œuvre a été 100 % palestinienne..L’opération du déluge d’Al-Aqsa a été cachée, même aux autres factions de la résistance, afin de préserver son caractère secret, et même nous n’étions pas au courant. Cette performance des frères du Hamas a prouvé la véritable identité de ce conflit et a empêché l’Occident de fabriquer un récit selon lequel la Palestine serait soumise ou dépendante de l’Iran ou d’autres factions..Cette opération a été menée pour la Palestine, par des Palestiniens, et ne sert que les intérêts de la Palestine..La prise de décision incombe aux chefs des factions de la résistance, et l’Iran ne fait pas pression sur eux et ne les contrôle pas, il se contente de les soutenir et de respecter leur autonomie. (…)”

L’orateur insiste ensuite sur ce qu’il considère être la fragilité de l’Etat d’Israël: “Il y aura de grandes répercussions politiques pour Israël après cette opération, qui a révélé la faiblesse et la fragilité du régime sioniste, qui est vraiment plus faible qu’une toile d’araignée. Les sionistes et leurs alliés n’ont pas encore été capables de prendre l’initiative, et le soutien américain à Israël a révélé la faiblesse de l’entité sioniste. “Où est Israël qui se vantait d’être l’armée la plus puissante du monde ? Où est votre armée de l’air ? Où sont vos armes de haute qualité ?” Les dirigeants européens et occidentaux viennent du monde entier pour exprimer leur soutien à Israël, ce qui révèle la faiblesse du régime sioniste et son besoin d’aide étrangère pour survivre. (…)”

Viennent ensuite des considérations sur la guerre: “Il n’y avait pas d’autre option pour Gaza que d’attendre et de mourir. C’est pourquoi ils résistent. C’est Tsahal qui commet des massacres, pas la résistance palestinienne, et Tsahal est confus et se tire souvent dessus accidentellement. Il semble qu’Israël ne tire pas les leçons du passé, surtout lorsqu’il s’agit de ses guerres avec la résistance à Gaza et au Liban. Israël se fixe des objectifs élevés qu’il n’est pas en mesure d’atteindre. Par exemple, il affirme vouloir éliminer le Hamas ou ses dirigeants militaires, ce qui est un objectif impossible à atteindre. Les Israéliens ne pourront pas libérer leurs prisonniers sans échange, car cela ne s’est jamais produit lorsque la résistance a fait des prisonniers auparavant, mais Israël n’apprend pas ses leçons.

Le chef du Hezbollah fait allusion à la guerre perdue en 2006 par Israël face au Hezbollah: “Lors de la guerre de 2006, plus de 150 000 maisons ont été détruites, nous avons eu des milliers de martyrs, mais l’ennemi a été contraint de renoncer à ses objectifs. (….)”

Vient ensuite la désignation de l’ennemi ! Pour Nasrallah, ce n’est pas Israël l’ennemi principal mais les Etats-Unis: “En perpétrant des massacres et des tueries, vous ne parviendrez à rien, si ce n’est à renforcer la résistance. Cette entité a vu le jour avec l’aide des puissances occidentales par le biais de la maudite déclaration Balfour..L’Occident essaie de nous faire croire que nous avons un “État démocratique” comme voisin, mais la vérité a été révélée et ses mensonges ont été démasqués. Ils veulent tromper nos peuples arabes et islamiques pour qu’ils se normalisent avec ce régime sioniste barbare, mais notre peuple ne sera jamais dupe. (…) L’Amérique est entièrement responsable de la guerre à Gaza, et Israël n’est qu’un outil. C’est l’Amérique qui empêche l’instauration d’un cessez-le-feu aux Nations unies. La Résistance islamique en Irak a pris l’initiative de cibler les bases de l’occupation américaine, car ce sont les Américains qui gèrent la guerre à Gaza, et ils doivent en payer le prix“.

Nasrallah annonce la poursuite de la guerre, menée selon lui, pour la justice et l’humanité. On a le symétrique de l’intervention de Netanyahu jeudi 26 octobre : “Il y aura d’autres actions contre Israël sur plusieurs fronts, et cela deviendra plus clair dans les prochains jours, comme nous l’avons entendu de la part de nos alliés. Ce combat représente la lutte du bien contre le mal, défendre la population de Gaza est un acte d’humanité, quiconque écrit, élève la voix, proteste, etc. a accompli son devoir d’humanité.Tous ceux qui ne soutiennent pas la Palestine devraient reconsidérer leur religion, s’ils en ont une, et leur honneur, s’ils en ont un.Cette guerre n’est pas comme les précédentes, c’est un conflit historique décisif, ce qui viendra après ne sera pas comme ce qui était avant (…)”

Le chef du Hezbollah, cependant, ne voir pas ce qui se passe comme une guerre purement religieuse ou métaphysique. Il insiste sur l’existence des nations: “Certains disent que si le Hamas est victorieux, l’Iran sera victorieux, ou que les Frères musulmans seront victorieux, mais c’est faux ; si le Hamas est victorieux, Gaza est victorieux, la Palestine est victorieuse, Al-Aqsa est victorieuse. La victoire de Gaza (Hamas) est dans l’intérêt national des pays de la région comme la Jordanie, la Syrie, l’Égypte, etc. et avant tout du Liban. Les nations arabes et islamiques doivent au moins faire des efforts pour parvenir à un cessez-le-feu, même si certaines d’entre elles ne veulent pas se battre ou sacrifier quoi que ce soit, c’est le moins qu’elles puissent faire. Nous disons aux nations arabes : Nous ne voulons pas de vos armes et de vos armées, mais n’avez-vous pas au moins l’honneur d’ouvrir le point de passage de Rafah ? Nos honorables frères du Yémen et de l’Irak prennent leurs responsabilités au sérieux et intensifieront leurs attaques, malgré toutes les attaques occidentales et étrangères. Les drones et les missiles yéménites finiront par atteindre Eilat et les bases militaires israéliennes, même s’ils ont été interceptés jusqu’à présent”.

Ce qui suit est très intéressant car on y voit l’annonce d’une guerre menée sans rechercher l’escalade, destinée à user l’ennemi: Certains disent que j’annoncerais aujourd’hui notre intervention, mais nous sommes intervenus depuis le 8 octobre, le deuxième jour de la tempête d’Al-Aqsa. Nous avons été surpris comme tout le monde le 7 octobre, mais nous nous sommes adaptés. Certains veulent que nous commencions une guerre à grande échelle, et pour eux, les actions à la frontière nord pourraient être considérées comme limitées, mais elles ne le sont absolument pas. Le Hezbollah mène une véritable guerre depuis le 8 octobre, malgré ce que certains disent, et personne ne peut sentir ce qui se passe réellement, à l’exception de ceux qui participent à cette bataille. Nous avons 57 martyrs libanais sur le front libanais, sans compter les martyrs non libanais”.

Nasrallah lève le voile sur la stratégie du Hezbollah et de l’Iran: “Le 7 octobre, la plupart des forces israéliennes voulaient se retirer du nord et se diriger vers Gaza, mais notre action l’a empêché.Aujourd’hui, la moitié de l’armée israélienne est présente à la frontière libanaise, dont un grand nombre de forces d’élite. Un quart de l’armée de l’air israélienne et la moitié des défenses aériennes d’Israël sont engagées sur le front libanais. 43 colonies israéliennes du nord ont été évacuées et la plupart de leurs habitants sont aujourd’hui des soldats. Israël craint que ce front ne fasse boule de neige et ne débouche sur une guerre régionale. Ce scénario est réaliste et pourrait tout à fait se produire.Nous recevons tous les jours des messages des nations arabes qui nous supplient de ne pas agir. (…)”

Viennent ensuite des indications précieuses sur la vision du conflit, et leur corollaire,des avertissements aux Etats-Unis: “Une attaque préventive contre le Hezbollah, envisagée par Israël, serait la plus grande erreur de leur vie. L’Amérique nous menace, si vous ouvrez le front nord, les porte-avions nous bombarderont, ces menaces ne nous feront pas changer d’avis, et un groupe après l’autre se joindra à la guerre. (…) L’escalade dépend de deux facteurs

  1. Si Israël bombarde nos civils, nous bombarderons les leurs, leur comportement déterminera le nôtre.

Toutes les options sont sur la table sur le front libanais, je le répète, toutes les options sont sur la table.

2. L’Amérique nous a fait savoir qu’elle bombarderait l’Iran si nous continuions à agir de la sorte. Comment osez-vous menacer notre résistance ? Vos navires en Méditerranée ne nous font pas peur, et soyez sûrs que nous nous y sommes préparés.

Nous nous sommes “préparés” aux navires américains et nous demandons à l’Amérique de se souvenir de ses défaites en Afghanistan, en Irak, en Syrie et au Liban.Si l’Amérique veut éviter une guerre régionale, l’agression contre Gaza doit cesser.. Je garantis aux Américains qu’en cas de guerre régionale, leurs navires et leurs forces aériennes paieront un lourd tribut..À l’horizon, nous menons tous une bataille de fermeté. Notre combat n’a pas encore atteint le stade de la victoire par KO, et nous avons encore besoin de temps, mais nous sommes en train de gagner.

https://t.me/Middle_East_Spectator/

La théorie du “choc des civilisations” ne résiste pas à l’analyse de la guerre de Gaza

Plus les jours passent, plus le vrai caractère de cette guerre apparaît. Loin d’être uni, le monde arabo-musulman se divise sur la position à prendre. Et c’est en fait chaque nation, chaque cité-Etat de la région qui réagit selon ses intérêts propres. Par exemple, qui a prêté attention au fait que les Emirats arabes Unis livraient des armes à Israël?

Je recommande la lecture du récit d’un témoin direct du meeting d’Istanbul où le président turc Erdogan a pris la parole. On y comprend que le choc des civilisations est une pseudo-théorie, un gadget universitaire comme les Américains savent en produire et aiment les exporter:

Alors que nous étions encore assez loin du lieu de la réunion publique, nous avons pu nous rendre compte de l’immensité de la foule qui se rassemblait. Bus et trains étaient bondés. Dès ce moment aussi, nous avons pu remarquer qu’il y avait au maximum un quart des drapeaux, des banderoles ou des affiches concernant les Palestiniens. Les trois quarts, c’étaient des drapeaux turcs, des drapeaux d’Atatürk, des affiches en faveur d’Erdogan.(…)

La foule sur place a confirmé notre constat ; les trois quarts des drapeaux, des slogans, des banderoles, n’avaient rien à voir avec Gaza. Ce qui était le plus visible, cependant, dans les expressions pro-palestiniennes, c’étaient les keffiehs, portés surtout par des femmes.

Un élément m’a frappé : Du côté turc, il y avait peu d’expressions religieuses. En revanche, en cherchant bien, parmi les manifestants, on trouvait des petits groupes isolés : Les uns avec des drapeaux talibans, d’autres avec des drapeaux de Daech. Il y avait aussi quelques drapeaux du Hamas. Mais c’était des petits groupes, perdus dans une immense foule. (…)

J’ai été étonné devoir l’enthousiasme que déclenchait Erdogan quand il a comparé Gaza aux villes d’Asie Mineure libérées par Atatürk : Ismir (Smyrne) ; Edirne (Andrinople). Mais, surtout, la foule a crié encore plus fort lorsque Gaza a été comparée à ….Thessalonique et Skopje ! Des villes, a-t-il dit, qui appartiennent encore à la Turquie et qui lui sont liées.

Quand il a parlé d’Israël, il a effectivement évoqué une possible “réaction terrible” : “Nous pouvons surgir à tout moment, y compris de nuit !”. Alors, la foule a crié :”L’armée turque à Gaza ! L’armée turque à Gaza !”.

Le Courrier des Stratèges, 2 novembre 2023

Ce qui l’emporte, ce n’est pas une lutte de “civilisation”à “civilisation” mais une réaffirmation des nations.

Guerre de Gaza – Jour 27

Pour la journée du 2 novembre, je traduis, comme hier, la synthèse du canal Telegram Middle East Spectator:

27e jour de la guerre, le 2 novembre, état des lieux et événements majeurs :

  • Frappes aériennes limitées à Gaza.
  • Barrages de roquettes sporadiques du Hamas sur les colonies israéliennes entourant la bande de Gaza.
  • La situation au sol à Gaza n’a pas beaucoup changé depuis hier. Se référer au post précédent pour les avancées israéliennes actuelles. Par ailleurs, l’avancée israélienne dans le camp de Jabaliya s’est avérée fausse.
  • Israël n’a pas fait d’autres avancées notables, mais il a commencé à mettre le pied dans l’environnement urbain de la ville de Gaza. Les combats sont très durs et les combattants d’Al-Qassam mènent fréquemment des attaques surprises depuis l’arrière des lignes ennemies, ce qui provoque le chaos dans les rangs de Tsahal. Plusieurs officiers de haut rang, dont un lieutenant-colonel, ont été tués.
  • Les rapports selon lesquels les FDI ont déjà atteint la rue côtière Al-Rashid sont faux, le nord et le sud de Gaza n’ont pas encore été coupés l’un de l’autre, et les FDI n’ont pas avancé de plus de 500 mètres de la rue Salah Al-Deen en direction de la rue Al-Rashid.
  • Au moins 6 chars, 2 TTB et plusieurs dizaines de soldats israéliens ont été neutralisés lors des combats contre le Hamas dans la bande de Gaza.
  • Les FMP ont annoncé qu’elles étaient officiellement en état d’alerte.
  • Le Hezbollah a mené le plus grand nombre d’attaques en une seule journée depuis le début de la guerre, attaquant 19 sites de Tsahal simultanément à un moment donné de la soirée, et de nombreuses attaques individuelles ont eu lieu tout au long de la journée.
  • Le Hezbollah a également utilisé des drones suicides pour la première fois et a frappé une base navale israélienne avec des missiles guidés. Le Hezbollah a annoncé 6 nouveaux martyrs, ce qui porte le total à 55.
  • Al-Qassam au Liban a tiré 12 roquettes sur la Galilée, touchant la colonie israélienne de Kiryat Shmona et ses environs, provoquant un important incendie.
  • En réponse, Israël bombarde le Sud-Liban et effectue des frappes aériennes ciblées.
  • Les défenses aériennes jordaniennes ont intercepté un drone suicide tiré depuis le territoire syrien en direction d’Israël.
  • La Résistance islamique en Irak prend pour cible la base américaine de l’aéroport international d’Erbil et une installation militaire israélienne près de la mer Rouge. Ils ont officiellement annoncé le début d’une “nouvelle phase” d’opérations de combat, avec des attaques plus sévères et plus nombreuses contre des cibles américaines et israéliennes au Moyen-Orient.
t.me/Middle_East_Spectator

Les experts OTANisés tombent de leur chaise: le commandant en chef de l’armée ukrainienne envisage la défaite

Rien de surprenant pour les lecteurs du Courrier des Stratèges qui suivent nos analyses depuis dix-huit mois: mais savourons l’étonnement du Figaro devant l’analyse du commandant en chef de l’armée ukrainienne (officiellement Zaloujni, même si nos informations nous font penser que le général ukrainien a été grièvement blessé avant l’été).

Quelques extraits d’un article d’anthologie:

Dans un entretien à l’hebdomadaire britannique The Economist, le général Zaloujny estime qu’il n’y aura «probablement pas de percée profonde et belle».

Certains observateurs s’étaient précipités très tôt pour l’annoncer. D’autres ne voulaient pas l’admettre. Dans un entretien à l’hebdomadaire britannique The Economist , le commandant en chef de l’armée ukrainienne Valeri Zaloujny a tranché : La grande contre-offensive démarrée en juin n’a pas eu l’effet escompté. Le général reconnaît franchement être «dans une impasse». «Il n’y aura probablement pas de percée profonde et belle», regrette-t-il auprès de nos confrères. (…)

Auprès de The Economist, le général Zaloujny reconnaît plusieurs erreurs dans la planification et le déroulement de la contre-offensive. Il concède d’abord avoir cru qu’infliger suffisamment de pertes à la Russie donnerait l’avantage à l’Ukraine. «La Russie a perdu au moins 150.000 hommes», estime-t-il. «Dans n’importe quel pays, de telles pertes auraient mis fin à la guerre». Mais, à supposer que ce chiffre soit exact, pas en Russie, qui a historiquement l’habitude de sacrifier un grand nombre de soldats pour arriver à ses fins, comme lors des Première et Seconde guerres mondiales. (…)

Le haut gradé admet également que son armée n’a pas avancé aussi rapidement qu’il l’avait prévu. «Selon les manuels de l’Otan et les calculs que nous avions faits, quatre mois auraient dû être suffisants pour que nous puissions atteindre la Crimée, y combattre et en revenir», explique-t-il. Ses hommes ont au contraire été freinés par les lignes de défense extrêmement efficaces de la Russie et n’ont pas pu s’établir durablement sur la rive gauche du Dniepr.

«Au début, j’ai pensé qu’il y avait un problème avec nos commandants, alors j’en ai changé certains», détaille Zalouny. «Ensuite, j’ai pensé que nos soldats n’étaient peut-être pas adaptés à leur mission, alors j’en ai transféré dans certaines brigades», ajoute-t-il. Mais en vain. À chaque fois que les troupes ukrainiennes ont essayé d’avancer, elles se sont heurtées à l’artillerie, aux drones et aux champs de mines disséminés sur tout le champ de bataille, les moyens technologiques modernes empêchant toute opération furtive. «Nous voyons tout ce que fait l’ennemi et il voit tout ce que nous faisons», résume le général. (…)

Pour Valeri Zaloujny, un bond technologique massif est donc indispensable pour sortir de l’«impasse». Le haut gradé appelle ainsi à l’innovation dans les domaines des drones, de la guerre électronique, des capacités anti-artillerie et des équipements de déminage, y compris de nouvelles solutions robotiques. Si le commandant en chef se dit «reconnaissant» des livraisons d’armes occidentales, il regrette qu’elles soient parfois arrivées trop tard pour faire une réelle différence. Les missiles longue portée et les chars «nous auraient été particulièrement utiles l’année dernière», pour capitaliser sur le succès des contre-offensives à Kharkiv et Kherson, glisse-t-il. «Mais ils ne sont arrivés que cette année».(…)

Mais le général ukrainien ne se cache pas non plus derrière ces arrivées tardives. «Il est important de comprendre que cette guerre ne peut être gagnée avec les armes de la génération passée et des méthodes dépassées», insiste-t-il. «Elles entraîneront inévitablement des retards et, par conséquent, une défaite». Selon lui, la technologie fera la différence dans cette guerre.

En attendant, Valeri Zaloujny veut tout faire pour empêcher une guerre de tranchées. «Le plus grand risque (avec cette option) est que la guerre dure des années et épuise l’État ukrainien», souligne-t-il. Contrairement à la Russie, l’Ukraine ne possède pas un réservoir humain quasiment illimité. Si le bond technologique n’arrive pas rapidement, «tôt ou tard, nous nous rendrons compte que nous n’avons tout simplement pas assez de monde pour nous battre», conclut l’officier.

Le Figaro, 3 novembre 2023

Une avancée russe désormais inexorable

Le Général Zaloujni, ou celui qui parle pour lui, doit bien évidemment caché ses propres échecs. Cela évite une dépression immédiate aux lecteurs du Figaro.

Pour notre part, nous ne croyons pas que la guerre d’Ukraine soit figée. Pour reprendre la comparaison du chef ukrainien, on n’est pas en décembre 1914, lorsquela guerre de tranchées s’était installée, mais plutôt fin juillet 1918, après l’échec de l’offensive allemande sur la Marne. La stratégie russe pour mettre en échec la “contre-offensive ukrainienne” fait penser à celle de la France et de ses alliés à partir de l’été 1917. Désormais,l’armée ukrainienne va reculer, comme l’armée allemande à l’été 1918. De ce point de vue,l’évolution de la bataille d’Avdeïevka est exemplaire:

Au cours de la journée écoulée, des sources provenant des fronts ukrainiens ont fait état d’avancées russes dans plusieurs directions autour de l’un des plus importants bastions ukrainiens dans le Donbass, la ville d’Avdeevka. Les succès russes sont rapportés non seulement par les journalistes militaires russes, mais ils sont également admis par les militaires ukrainiens. La pression exercée sur la défense ukrainienne autour de la ville et sur le groupement qui s’y trouve augmente.

Pour tenter d’arrêter l’avancée russe, l’armée ukrainienne transfère des réserves supplémentaires sur les positions de la région. Ainsi, ces derniers jours, de nombreuses unités d’équipement occidentales, notamment des Leopards allemands, des Bradleys américains, etc., ont été transférées des fronts de Zaporozhye à Avdeevka, où elles brûlent déjà sous le feu des Russes.

Les troupes russes cherchent à étendre la zone qu’elles contrôlent au nord-ouest d’Avdeevka. Après que l’avancée russe vers le village de Berdychi a été repoussée en octobre, les combats se sont poursuivis le long de la voie ferrée. Ces derniers jours, le nombre d’attaques russes dans la région de Stepovoe (Petrovskoe) a augmenté. Pour l’instant, ces opérations visent à infliger un maximum de dégâts aux forces ukrainiennes, et non à prendre le contrôle de nouvelles positions. Elles seraient donc menées par des groupes de sabotage russes, sans opérations terrestres de grande envergure.

Dans le même temps, l’armée russe étend sa zone de contrôle au nord-ouest de Krasnogorovka, menaçant les forces ukrainiennes à Novokalinovo.

Le commandement ukrainien tente d’utiliser ses unités aéroportées pour reprendre les hauteurs occupées par l’armée russe dans la zone de l’usine, y compris le dépôt de cendres. Cependant, jusqu’à présent, leurs tentatives de contre-attaque ont été infructueuses.

Au cours de la journée écoulée, les forces russes ont réussi à avancer au sud d’Avdeevka. Les unités russes se seraient approchées de la périphérie de Severnoe et sont actuellement en train de prendre pied sur un large front avant de prendre le village d’assaut. Elles se sont également approchées de la périphérie sud-ouest d’Avdeevka et seraient en train de renforcer leurs positions à quelques kilomètres du district de Stroiteley.

Des combats acharnés se poursuivent sur toutes les lignes de front. Le rythme de l’avancée russe est faible. Cela s’explique en grande partie par la volonté du commandement russe d’infliger un maximum de dommages à l’armée ukrainienne par des tirs d’artillerie continus et des frappes aériennes intenses avant toute opération terrestre. Ainsi, la destruction du dépôt souterrain de munitions ukrainien a été signalée sur le territoire de la cokerie.

De son côté, le commandement ukrainien local s’est partiellement retiré d’Avdeevka. Les militaires ukrainiens tentent de contre-attaquer, mais les principales réserves, précédemment transférées d’autres directions, attendent plutôt le début d’un assaut russe à grande échelle sur la ville.

southfront.org, 3 novembre 2023-

 

 

A Gaza une guerre longue commence tandis que la guerre d’Ukraine pourrait être abrégée

Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 02/11/2023.

GUERRE D’UKRAINE JOUR 608/ GUERRE DE GAZA JOUR 26 – Les Etats-majors savent commencer une guerre mais se trompent souvent sur le moment où elle va finir. Avec les avancées au sol de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, tout semble indiquer qu’une guerre longue commence, et ceci d’autant plus que le conflit pourrait impliquer plusieurs autres pays. En Ukraine, au contraire, les innovations de l’armée russe en matière de guerre aérienne semblent au contraire accélérer le dénouement du conflit.

En bleu sur cette carte, les avancées présumées de l’armée israélienne dans Gaza.

Guerre de Gaza, jour 26

Une très bonne synthèse des événements militaires de la journée du 1er novembre 2023 sur le canal Telegram Middle East Spectator :

  • Violentes frappes aériennes dans la bande de Gaza. Plusieurs dizaines de civils palestiniens blessés ont été transportés en Égypte par le point de passage de Rafah pour y recevoir des soins d’urgence.
  • Tirs sporadiques de roquettes depuis Gaza sur les colonies israéliennes environnantes.

 

Situation au sol à Gaza :

  • Des unités israéliennes de blindés et d’infanterie mécanisée ont avancé depuis As-Siafa au nord-ouest, et ont atteint la rue Salah Khalaf à 2,5 km à l’intérieur de l’enveloppe de Gaza, établissant un contrôle sur une étroite bande de terre le long de la zone de la plage nord-ouest de Gaza, à la périphérie de la ville de Gaza.
  • Au nord de la zone de Wadi Gaza, qui se trouve au milieu de la bande et sépare le nord de Gaza du sud, les forces israéliennes ont progressé jusqu’à la rue Dahdouh à la périphérie sud de la ville de Gaza, juste au nord d’Al-Mughraqa, après s’être concentrées à partir de l’est. Elles sont maintenant à 1 km de la rue Al-Rashid, près de la plage, qui est la dernière route reliant la ville de Gaza à Khan Younis et au reste du sud de la bande de Gaza. L’objectif des Israéliens est de s’emparer de cette route dès que possible.
  • Au nord et au nord-est, les forces israéliennes contrôlent les terres agricoles à la périphérie de Beit Lahia et de Beit Hanoun. Aujourd’hui, elles ont fait leur première entrée limitée dans l’environnement urbain de Beit Hanoun, en établissant un contrôle sur quelques blocs résidentiels.
  • Depuis l’est, les forces israéliennes ont avancé dans le camp de Jabalia en une pointe très étroite, atteignant assez profondément le centre de Jabalia, jusqu’à l’école élémentaire de garçons de Jabalia. Bien que cette entrée soit profonde, elle est comme une aiguille, pointue mais étroite. Si les FDI sont coupées dans cette zone, elles devront faire face à un encerclement.
  • Selon les statistiques officielles israéliennes, 16 soldats des FDI ont été tués au cours des combats à Gaza aujourd’hui. Cependant, Al-Qassam affirme que le nombre de victimes israéliennes est beaucoup plus élevé. Ils ont également publié une vidéo montrant la prise pour cible des troupes de Tsahal avec une grenade larguée d’un quadcopter.

 

En dehors de Gaza :

  • L’Ansarullah du Yémen, également connu sous le nom de Houthis, a mené deux attaques contre Israël aujourd’hui en utilisant des drones, des missiles balistiques et des missiles de croisière. Leur porte-parole militaire, Yahya Saree, a officiellement revendiqué la responsabilité de ces attaques pour la première fois et a promis de poursuivre et d’intensifier les attaques contre Israël en soutien à la Palestine.
  • La Résistance islamique en Irak a pris pour cible la base américaine d’Al-Tanf, en Syrie, avec deux drones suicides tôt dans la matinée. La Résistance islamique en Irak aurait également tenu une importante réunion impliquant différentes factions, qui a abouti à la décision d’expulser toutes les forces militaires étrangères d’Irak par tous les moyens nécessaires.
  • Le Hezbollah a mené plusieurs attaques contre des sites de Tsahal de l’autre côté de la frontière. Il a publié une déclaration de soutien à la résistance en Palestine et à Gaza, et a déclaré qu’il avait le doigt sur la gâchette. Dans la nuit, le Hezbollah a annoncé avoir abattu un drone israélien armé au-dessus d’Al-Malikiyah à l’aide d’un missile sol-air.
  • En réponse aux attaques du Hezbollah, les FDI ont bombardé le Sud-Liban avec leur artillerie et ont effectué des frappes ciblées de drones contre les positions du Hezbollah.
  • Des tirs de mortier en provenance de Syrie ont frappé des terres agricoles vides sur le plateau du Golan occupé par Israël.
  • Le Wall Street Journal, citant les services de renseignement sud-coréens, affirme que Kim Jong Un a donné pour instruction au gouvernement de la RPDC de commencer à soutenir la Palestine et d’autres factions de la résistance en leur fournissant des armes.
@Middle_East_Spectator (Telegram)

Guerre d’Ukraine Jour 608

En Ukraine, la guerre suit son cours, avec une pression forte de l’armée russe à Avdeïevka et Koupiansk ; des attaques de missiles ukrainiens vers la Crimée et la destruction nocturne des réserves de matériels et de munitions ukrainiennes par les drones et les tirs de missiles russes.

Profitons-en pour lire une analyse détaillée de la guerre aérienne proposée par Drago Bosnic dans infobrics :

“Depuis le début de l’opération militaire spéciale (OMS), la supériorité aérienne russe sur l’Ukraine est incontestable. Les forces du régime de Kiev ont perdu la plupart de leurs avions au sol, car les missiles de croisière russes à longue portée se sont abattus sur les bases aériennes et ont détruit les avions de combat déployés. [Le gouvernement de Kiev] a donc été contraint non seulement de restaurer les avions de l’ère soviétique mis hors service, mais aussi d’acquérir ceux qui appartenaient à d’anciens États membres du Pacte de Varsovie. Comme tous ces pays font désormais partie de l’OTAN, leurs avions de chasse ont été jugés particulièrement importants, car ils ont été reconvertis pour utiliser les armes de l’OTAN, à la fois air-air et air-sol, y compris les missiles antiradiation tels que l’AGM-88 HARM et les missiles de croisière lancés par avion tels que le “Storm Shadow/SCALP EG”, un missile franco-britannique.

Pour utiliser ces armes avec succès, les pilotes ukrainiens sont obligés de voler extrêmement bas pour éviter d’être détectés par les défenses aériennes à longue portée de la Russie, qui n’ont rien à envier aux autres, et par ses avions de chasse à la supériorité aérienne inégalée. Comme les forces aérospatiales russes (VKS) utilisent des aéronefs monstrueux tels que les intercepteurs MiG-31 ultrarapides et volant à haute altitude, les Su-35S ultramodernes et les chasseurs multirôles Su-57 de la prochaine génération, les chances de survie des moyens aériens du régime de Kiev à plus de 1 000 mètres d’altitude sont pratiquement inexistantes. Outre leurs avantages évidents en matière de technologie, de formation des pilotes et de logistique, les chasseurs russes utilisent également des missiles air-air qui ont littéralement des décennies d’avance sur ceux utilisés non seulement par [Kiev] mais aussi par ses suzerains de l’OTAN. Cette avance s’est encore accrue ces derniers jours.

Selon des sources russes, les systèmes SAM (missiles sol-air) S-400 “Triumph” sont désormais utilisés en coordination avec les avions AEW&C (airborne early warning and control) Beriev A-50/A-50U pour abattre les jets de combat du régime de Kiev. Apparemment, la fusion des capteurs avancés des deux systèmes fonctionne si parfaitement qu’elle a contribué à l’abattage de 24 avions ennemis en l’espace de cinq jours seulement. Bien que les données concluantes n’aient pas encore été publiées, il n’y a guère de raison de douter des rapports, car le gouvernement ukrainien et l’OTAN sont en proie à une panique qui n’est pas très silencieuse. Selon le colonel Yurii Ihnat, l’un des porte-parole des forces du régime de Kiev, ces dernières auront besoin d’environ 150 F-16 ou jets occidentaux similaires pour “contrer” l’armée de l’air russe.

Il s’agit d’une augmentation considérable par rapport aux demandes précédentes. [Vladimir] Zelensky, a également fait des demandes similaires plus récemment, ce qui indique que les problèmes majeurs de ses forces sont antérieurs aux derniers rapports russes. Divers observateurs et sources militaires ont également mis en ligne des vidéos du ministre russe de la défense, Sergueï Choigu, s’entretenant avec des militaires ayant accompli les exploits susmentionnés, ce qui renforce encore la véracité de ces rapports. Certains analystes ajoutent même que l’interaction accrue et la fusion des capteurs de diverses plateformes s’étendent désormais aux avions de chasse russes tels que le Su-35S et le Su-57. Ceux-ci sont également armés de nouveaux missiles air-air mortels que les forces du régime de Kiev ont beaucoup de mal à détecter, ce qui se traduit par un nombre élevé de victimes parmi les pilotes ukrainiens.

Les équipes S-400-A-50 sont organisées de manière à ce que les informations relatives au champ de bataille soient directement transmises entre les plateformes, de sorte que les avions de chasse et/ou autres aéronefs ennemis ne puissent même pas détecter les missiles en approche. Normalement, les récepteurs d’alerte radar (RWR) des avions ennemis détectent simplement qu’ils sont suivis et/ou ciblés par les radars de surveillance et de suivi sophistiqués du S-400, qui émettent de puissantes fréquences. Cela empêche la possibilité d’utiliser les missiles à plus longue portée du S-400, tels que le 40N6E (portée maximale de 400 km) ou le 48N6 hypersonique (selon la variante, portée maximale de 250 km), car l’avion de chasse ennemi a plus de chances d’échapper au SAM entrant à des distances aussi extrêmes. En outre, le S-400 est ainsi exposé aux avions espions de l’OTAN.

En effet, les plateformes ISR (intelligence, surveillance, reconnaissance) de l’OTAN continuent de survoler l’espace aérien de la Russie et de la Biélorussie et de recueillir des informations sur les capacités de leurs défenses aériennes et d’autres moyens. Il serait tout simplement impossible pour le radar de poursuite du S-400 de fonctionner en mode dit de “réserve de guerre” (il dissimule des caractéristiques telles que la largeur d’impulsion que l’ennemi utilise pour analyser sa signature radar) sans révéler ses fréquences de collecte radar, en particulier lorsqu’il tente d’engager des cibles à des distances aussi longues que possible. Si cette situation prive l’OTAN de la possibilité d’analyser les défenses aériennes russes et de concevoir éventuellement des contre-mesures avancées susceptibles de compromettre la sécurité de Moscou à long terme, c’est précisément à cause d’elle que le géant eurasien n’a pas été en mesure d’utiliser le plein potentiel de ses défenses aériennes.

L’armée russe a donc dû trouver des solutions non conventionnelles et innovantes, ce qui a conduit à l’association S-400-A-50, ce dernier utilisant ses radars et capteurs avancés pour guider les missiles 40N6E qui sont tirés en mode dit de “verrouillage après le lancement”. L’A-50/A-50U fournit des données de guidage et de ciblage qui sont ensuite reçues lors de la phase à mi-course et stockées dans le système de navigation du 40N6E. La Russie refuse de divulguer les informations exactes pour des raisons purement pratiques, car elles pourraient être utilisées pour déterminer l’emplacement de ses batteries de défense aérienne. En outre, le fait de ne pas révéler trop d’informations sur cet appariement permet de continuer à cibler les avions du régime de Kiev à des distances aussi longues que possible, même lorsqu’ils volent extrêmement bas pour éviter d’être détectés par les avions de combat russes.

Toutefois, même cet aspect devient un problème majeur, car les intercepteurs et les jets de supériorité aérienne tels que le MiG-31BM, le Su-30SM, le Su-35S et/ou le Su-57 pourraient très probablement être utilisés de la même manière. De plus, ces jets peuvent utiliser des missiles tels que le R-37M et les variantes du R-77, qui ont une portée maximale de 400 km et 200 km, respectivement. Le premier est particulièrement dangereux car il transforme sa plate-forme de lancement en un “S-400 volant”, tandis que le second est plus petit, ce qui signifie qu’un chasseur peut en transporter davantage et, ainsi, abattre un demi-escadron d’avions ennemis en une seule sortie à des distances bien au-delà de la portée des défenses aériennes de la junte néo-nazie. Ces développements ne font que renforcer les conclusions de certains groupes de réflexion militaires occidentaux qui reconnaissent les performances des forces aériennes de l’armée russe”.

infobrics, 1.11.2023

 

Une paix – juste – est-elle encore possible au Moyen-Orient ?

Source : Revue Conflits - par Emmanuel Dupuy - Le 30/10/2023.

L’attaque brutale menée par le Hamas et le Djihad islamique le 7 octobre dernier en territoire israélien n’en finit pas de diviser les 194 États composant l’ONU, notamment quant à la juste réponse à apporter aux massacres et atrocités commises par les deux organisations terroristes.

Le récent vote aux Nations unies de la résolution appelant à un cessez-le-feu « humanitaire » immédiat, le 17 octobre dernier, soit dix jours après les effroyables massacres dont ont été victimes près de 1 400 ressortissants israéliens et étrangers, ont fait voler en éclat, une fois de plus le frêle concept de « communauté internationale ».

Un vote qui divise

120 États ont voté pour, 14 contre, 45 se sont abstenus. La division est encore plus criante et inquiétante au niveau de l’UE, où sept pays (dont la France et l’Espagne, qui préside pourtant le Conseil de l’UE, jusqu’au 31 décembre prochain) ont voté en faveur de la résolution proposée par la Jordanie, tandis que quatre votaient contre (Hongrie, Autriche, Croatie et la République tchèque) rejoignant ainsi la position américaine et que 16 autres s’abstenaient (dont l’Allemagne et l’Italie) à l’instar, du reste, de l’Inde, du Japon et du Canada…

À cet égard, comme les 44 vétos américains brandis par les États-Unis (sur les 83 utilisés par Washington au sein du Conseil de Sécurité depuis 1946) en attestent, quand il s’agit de défendre l’État d’Israël, les polarités diplomatiques l’emportent sur la solidarité euro-atlantique et enterrent l’idée même d’une politique étrangère et de sécurité commune aux 27 États de l’UE.

Désormais, à la sidération qui prit de court les forces armées de Tsahal, ses services de renseignement, la société israélienne et l’opinion publique mondiale, ce sont avant tout les graves conséquences induites par l’attaque des terroristes palestiniens sur le plan de la stabilité régionale qui sont devenus les principaux sujets de mobilisation inquiète planétaire.

Comme en mai 1948, juin 1967 et  octobre 1973, les préoccupations des pays arabes voisins, tout comme la légitimité palestinienne à un État, sont venues réveiller une certaine forme d’unité, notamment dans les « rues arabes »,  alors même que certains de ses mêmes États étaient engagés dans un processus de normalisation avec Tel-Aviv, à l’instar de l’Égypte, depuis les accords de Camp David, en 1978 ;  la Jordanie, depuis les accords de Wadi Araba, en 1994 ; et, par le biais des Accords d’Abraham, depuis l’automne 2020, le Maroc, le Soudan, les Émirats arabes unis et Bahreïn.

Failles de sécurité

Sur le plan opérationnel, les failles sécuritaires sont accablantes quant à la prise à défaut de l’inviolabilité des frontières d’Israël. Celles-ci, supposément sanctuarisées par le truchement de son système de défense sol-air « Iron Dome Air Defence Missile System » – prétendument infaillible depuis sa mise en service en 2011 – n’a pu détruire la totalité des quelque 5 000 roquettes tirées depuis la bande de Gaza. Avec un taux de réussite – déjà exceptionnel – de 90% d’interception, quelque 400-500 roquettes ont pu ravager les principales localités du sud d’Israël, à l’aune, sinistre, du nom de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » lancée par le Hamas et le Djihad islamiste.

Par ailleurs, près de 2 500 terroristes du Hamas, notamment ses brigades Izz al-Din-al-Qassam et du Djihad islamique ont pu réduire à néant, en quelques heures, le mur protecteur érigé par Israël et provoquer la mort de 1 400 Israéliens, dont près de 300 militaires et 35 binationaux franco-israéliens, et ce à la stupeur générale mondiale.

Le sort tragique des 222 otages – dont vraisemblablement 9 sont franco-israéliens – encore retenus par l’organisation terroriste palestinienne dans la bande de Gaza est aussi un sujet de vive préoccupation, mobilisant acteurs régionaux (Égypte, Qatar, Turquie, Arabie Saoudite, Irak, EAU) et internationaux (USA, France, Allemagne, Italie, Canada, Vatican, Chine) dans des approches et objectifs radicalement différents.

Cette réalité vient d’ailleurs confirmer le profond fossé que la question israélo-palestinienne n’a cessé de mettre en exergue depuis la création de l’État d’Israël en mai 1948 et la première des centaines de vaines résolutions onusiennes ; à l’instar de la résolution 181 de 1947 ou encore, la résolution 242 de 1967, actant le plan de partage de la Palestine en deux États.

La question des civils

Sans oublier, bien sûr, les trop nombreuses victimes civiles et terroristes, à la suite des bombardements de Tsahal sur une bande de Gaza, prenant au piège 2,3 millions de Gazaouis, ayant provoqué le décès de plus de 6 500 Palestiniens et occasionné plus de 13 000 blessés (selon les chiffres « officiels » quoique interrogeables du ministère de la santé palestinien), en dépit de l’appel insistant à l’ouverture de corridors humanitaires et le déplacement des Palestiniens vers le sud de l’enclave. Sur ce dernier point, force est de constater néanmoins que c’est bel et bien le Hamas qui empêche les habitants de Gaza de fuir les zones qu’Israël a prévenu de frapper, voire d’envahir, dans le cadre de son opération « Épées de fer » dont la dimension terrestre a débuté, visant à « éradiquer » le mouvement islamiste.

Ainsi, la teneur des frappes aériennes israéliennes sur une bande de Gaza de 365 km2 mais qui, avec une population de 2,1 millions, est une des plus fortes densités démographiques au monde (13 000 habitants/km2) interroge, aussi, les règles mêmes du droit international des conflits armés et du droit international humanitaire, dans sa déclinaison des quatre conventions de Genève d’août 1949 et ses protocoles additionnels de 1977, notamment dans la dimension de la protection des populations civiles dans le cadre de conflits armés.

Ces tragiques événements viennent confirmer, en outre, la fragilité du système multinational onusien et mettre en exergue un hiatus aggravant entre les pays, reconnaissant la légitimité d’Israël d’exciper de l’article 51 – autorisant la légitime défense d’un État face à une attaque contre son intégrité territoriale – de la Charte de San Francisco, créant les Nations Unies, en juin 1945. Par ailleurs, les autres États qui, en défendant, le droit des Palestiniens à la création d’un État internationalement reconnu et, en appelant à une forme de « désescalade », n’en joue pas moins – le plus souvent à leur corps défendant –  le jeu pervers du Hamas, qui use et abuse de cette légitime cause pour mener à bien son objectif de destruction de l’État d’Israël, depuis sa création en 1987 – nonobstant le retrait, quelque peu factice, depuis 2017, de l’article demandant spécifiquement la destruction d’Israël.

Il convient aussi de rappeler que cet objectif nihiliste va à contrario du Fatah et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui en avait définitivement abandonné l’objectif, en avril 1996, en abrogeant sa charte fondatrice, datant de 1964.

Certes, l’instabilité politique chronique, née des réformes judiciaires et constitutionnelles impopulaires, induite par le 6e gouvernement de Benyamin Netanyahou, depuis décembre 2022 – principalement sous la coupe des partis juifs nationalistes orthodoxes – semblerait fournir une première explication aisée. Il convient de rappeler que ces derniers étaient plus prompts à défendre les colonisations illégales de Cisjordanie que soucieux de réengager le dialogue avec l’Autorité palestinienne et son chef, Mahmoud Abbas, même si ce dernier pâtit négativement de l’impossibilité à organiser une élection depuis 2006, à Ramallah.

Ce n’est, cependant, pas la seule raison explicative du grave fiasco sécuritaire et du drame que vivent les familles israéliennes endeuillées, même si indéniablement la responsabilité politique du Premier ministre israélien est ouvertement posée. Il en est de même pour celle de son ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, multi-inculpé, que même le président de la République, Isaac Herzog qualifiait « d’inquiétude » pour Israël. Il en va aussi avec le ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui a déclaré vouloir « éradiquer » le Hamas et le Djihad islamique et qui semble se placer dans les pas de son mentor en politique et au sein de Tsahal, Ariel Sharon.

Pour rappel, une grande majorité des Israéliens souhaitent que Benyamin Netanyahou démissionne et reconnaisse la légitimité du Cabinet de guerre mis en place le 11 octobre dernier, dans la grave période de crise que traverse Israël, associant le principal opposant de l’actuel Premier ministre, l’ancien ministre de la Défense, Benny Gantz. La perspective d’un gouvernement d’union nationale, réunissant les anciens Premiers ministres, Naftali Bennett et Yaïr Lapid, recueille aussi l’adhésion d’une large frange de l’opinion publique israélienne.

Par ailleurs, la pusillanimité des États européens – au premier titre desquels la France – qui s’étaient pourtant démenés en faveur de la « solution à deux États », de la Déclaration du Sommet de Venise en 1980, reconnaissant le « droit du peuple palestinien à l’autodétermination » ; la Conférence de Madrid, en 1991 ; les Accords d’Oslo en 1993, jusqu’au Plan de paix proposé par Riyad en 2002, n’en apparais que plus criante.

Une paix lointaine

La réunion du « Sommet de la paix » convoquée par l’Égypte, réunissant les États de la Ligue arabe, du Conseil de Coopération des États arabes du Golfe (CCG) de l’Union européenne, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, n’aura ainsi, logiquement, débouché que sur un narratif récurrent appelant à la solution – presque devenue mécanique – à deux États, un vague appel à la désescalade, ainsi que l’ouverture de corridors humanitaires que viennent, fort heureusement confirmer l’entrée à Gaza, par le terminal égyptien de Karm Abou Salem – Kerem Shalom et de Rafah de 28 camions d’aide humanitaire.

L’on en viendrait presque à se demander si ce « mantra » ou figure de style diplomatique des deux États, pourtant répétée inlassablement depuis 1947, le plus souvent dans le vide, au profit de deux populations devenues de plus en rétives à cohabiter dans un même État ou dans deux États séparés, même reconnus internationalement, reste encore possible ?

Le piège irrémédiablement tendu par la coalition hétéroclite des ennemis d’Israël se referme.

Qu’il s’agisse des mouvements terroristes réputés proches de l’idéologie radicale des Frères musulmans, tels que le Hamas et le Djihad islamique ; Daesh, et sa déclinaison égyptienne du mouvement Ansar Beït al-Maqdess, pour qui la libération de Jérusalem – Al Qods est consubstantielle de sa création ; ou encore, les « proxies » chiites, tels que le Hezbollah libanais, les milices Hachd al-Chaabi irakienne, les Houthis zaïdites yéménites, répondant ainsi aux injonctions de l’Iran, qui menace ainsi logiquement Tel-Aviv d’une réponse si Tsahal entrait dans Gaza.

Le Hamas, le Djihad islamique et ses promoteurs – parrains qu’ils soient à Ankara, Téhéran et Doha, ont d’emblée obtenus ce qu’ils cherchaient : démontrer la faillibilité du dispositif sécuritaire d’Israël d’une part et remettre en cause par ailleurs les acquis du processus de normalisation avec Israël.

Les Accords d’Abraham du 15 septembre et 20 décembre 2020 ne devraient ainsi pas voir aboutir le rêve d’un dialogue approfondi entre l’Arabie Saoudite et Israël, du moins dans les prochains mois, comme le confirme la fin de non-recevoir à cet effet, du prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane.

Pire, l’initiative de sécurité et paix proposée par la Chine, qui avait vu Téhéran et Riyad reprendre à nos dépens et à notre surprise stratégique, leur dialogue diplomatique en mars dernier, risque de confirmer la « dé-occidentalisation » d’une éventuelle solution de stabilité régionale.

Le Président américain Joe Biden, en se déplaçant à Tel-Aviv et Jérusalem la semaine dernière, et en tenant de faire voter, au plus vite, dans un contexte politique tendu à la Chambre des Représentants, une aide exceptionnelle de 105 milliards de dollars (dont 14 milliards de dollars pour Israël, qui viendront s’ajouter aux 38 milliards de dollars d’aide militaire engagée par Barack Obama depuis 2017 jusque 2028, soit 3,8 milliards de dollars annuels) en a bien saisi le risque potentiel quoique bien réel.

Pour rappel, les États-Unis auraient le plus à perdre en cas de conflit régional, fragilisant le fragile statu quo militaire et diplomatique actuel, eu égard aux quelque 260 milliards de dollars octroyés par Washington à Tel-Aviv depuis 1948, dont 124 milliards de dollars, rien que sur le plan militaire !

Le risque d’un conflit régional est ainsi dans tous les esprits

Le Charles-de-Gaulle va ainsi rejoindre en Méditerranée orientale les deux porte-avions américains (USS Eisenhower et USS Ford) et ainsi « prévenir » le risque d’une escalade dont Téhéran et les groupes armés qu’il contrôle au Liban, Syrie, Irak et Yémen détiennent indiscutablement la clé. Téhéran est ainsi pointé d’un doigt accusateur, tant par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou que le président américain Joe Biden. Ce dernier se veut de plus en déterminé à démontrer la responsabilité iranienne derrière les attaques menées très récemment et de plus fréquemment par les milices chiites irakiennes Kataeb Hezbollah contre les bases américaines dans le nord-est de la Syrie et le nord-ouest de l’Irak.

Dans ce contexte hautement crisogène, la tournée d’Emmanuel Macron, effectuée entre Tel-Aviv, Ramallah et Le Caire n’aura, hélas, permis de retrouver les accents gaulliens de 1967, quand la France imposait sa voix au Conseil de sécurité pour la reconnaissance des deux États autour de la résolution 242. Emmanuel Macron n’aura ainsi pu retrouver, non plus, la verve chiraquienne de 1996, quand le Président de la République rappelait, avec force et vigueur, le rôle protecteur de la France sur les lieux saints dans la ville de Jérusalem.

Pire, notre Président de la République, en proposant une singulière coalition anti-Hamas, liée ou copiée sur la coalition mondiale contre l’État islamique (The Global Coalition Against Daesh, regroupant 86 États et organisations intergouvernementales et institutions) n’aura guère plus convaincu nos alliés arabes (Jordanie, Égypte, Liban, EAU, Arabie Saoudite) a contrario de l’épique prise de parole de Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, le 14 février 2003, au Conseil de Sécurité des Nations Unies, quand la politique arabe de la France faisait les riches heures de notre diplomatie de prévention et de résolution des conflits. Il est vrai que l’accusation formulée par le roi de Jordanie, Abdallah II et son épouse Rania, quant aux « doubles standards » qui motiveraient le regard biaisé de « l’Occident » vis-à-vis de la question palestinienne, n’était pas formulée ni ressentie avec autant de prégnance, à Amman, à Beyrouth, à Rabat ou au Caire, il y a vingt ans.

Sans remonter jusqu’à Michel Jobert, qui comme ministre des Affaires étrangères de Georges Pompidou, dans les années 1970, portait haut une approche d’équilibre unanimement saluée par les capitales arabes comme par l’État d’Israël, force est hélas de constater que la politique arabe de la France ne fait plus écho, aujourd’hui, avec les doléances des principales capitales arabes et levantines. Pourtant, c’est dès 1974 que Valéry Giscard d’Estaing reconnaît l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), contribuant ainsi, le premier, à lui garantir son statut de membre observateur au sein de l’ONU.

Faut-il y ainsi voir dans l’incapacité française à imposer un cessez-le-feu, tout en reconnaissant le droit légitime d’Israël de se défendre ; en se réjouissant, malgré tout, des timides avancées sur le plan humanitaire que le déplacement présidentiel aura néanmoins permis d’obtenir, un assourdissant effet collatéral de l’effacement diplomatique occidental ?

 

 

"Notre domination est la condition de la paix"

Source : "L'eclaireur- Le 30/10/2023.

 

L'Occident peut-il encore raccrocher les wagons avec le reste du monde après les guerres ukrainienne et israélo-palestinienne ?

 

Entretien avec un spécialiste de la Russie : Glen Diesen.

L’interview originale en anglais et sa retranscription sont à écouter et à lire ici.

Pour l’Occident mené par les États-Unis, la paix signifie sa domination absolue. Pas de négociation, pas de compromis. Il faut fabriquer des boucs émissaires et des prétextes. C’est l’axe du Mal de G.W. Bush constitué de l’Iran, de l’Irak et de la Corée du Nord. Aucun n’avait de responsabilité de près ou de loin dans les attentats du 11 septembre. Dans la guerre israélo-palestinienne actuelle, l’Occident a tenté, sans succès, de désigner l’Iran comme le principal coupable de l’attaque terroriste du Hamas contre des postes militaires et des civils israéliens. L’un des acteurs les plus déstabilisateurs de la planète, le Qatar, qui finance massivement le Hamas, plus ou moins toutes les organisations djihadistes sunnites et l’expansion militaire de la Turquie, n’est pas inquiété.

Pendant ce temps, la catastrophe sanglante en Ukraine se poursuit. Le monde est au bord du gouffre. Nous avons eu l’occasion de discuter de ces questions et bien d’autres encore avec Glenn Diesen.

Glenn Diesen est professeur à l’Université du Sud-Est en Norvège. C’est un spécialiste des relations internationales et de la Russie, dont il étudie la géostratégie et la géoéconomie dans le contexte de l’intégration eurasiatique. Il également le rédacteur en chef de la revue “Russia in Global Affairs”, membre des conseils d’administration de l’Institut pour la paix (Vienne) , du Centre pour l’étude des nationalismes (Sarajevo) et d’Economie mondiale contemporaine (Moscou).


L'Eclaireur : On constate depuis quelques jours une forte augmentation de l'activité navale chinoise et russe en Méditerranée et en mer Rouge. Quel est votre avis là-dessus ?

M. Glenn Diesen : Je ne les vois pas menacer directement les États-Unis. Je pense que les Chinois ont fait tout leur possible pour souligner que cela n'avait rien à voir avec le conflit entre Israël et Gaza. De même, les Russes ont fait clairement comprendre qu’ils ne menaçaient personne.

Cela étant dit, il s’agit évidemment d’une projection de puissance, signalant clairement aux États-Unis que le Moyen-Orient n’est pas sous leur hégémonie. Ce n’est pas comme si les États-Unis étaient les seuls à avoir le dernier mot dans cette affaire. C’est donc une manière pour la Chine et la Russie de se placer sur cet échiquier géopolitique.

L'Eclaireur : On a également vu les Américains affirmer qu'ils allaient planifier des opérations d'évacuation massives de la région, tant depuis Israël que depuis le Liban, où vivent 600 000 Américains. Prévoient-ils davantage de forces ? Est-ce un prétexte ?

M. Glenn Diesen : C'est difficile à dire. C'est certainement possible. Les états comme les États-Unis ont parfois des intentions bienveillantes : ils veulent évacuer leurs propres citoyens ou apporter de l'aide. Ensuite, vous avez la dérive de la mission. Afin de protéger par exemple la population civile, vous envoyez des forces militaires. Maintenant, pour les États-Unis, une immense puissance militaire qui considère sa sécurité comme conditionnée à son hégémonie mondiale, je dirais que ses objectifs militaires ne se limitent pas uniquement à l’évacuation et aux moyens humanitaires. C'est une jolie façon de vendre leur politique, mais c’est trompeur.

L'Eclaireur : Que pensez-vous des Russes qui auraient dit aux Turcs qu'ils escorteraient leurs navires humanitaires apportant de l'aide à Gaza ?

M. Glenn Diesen : Je pense que cela montre à bien des égards à quel point le monde devient plus multipolaire, car pendant la guerre froide et l'après-guerre froide, la pensée de bloc a toujours été la même : avec nous ou contre nous.

Nous assistons aujourd’hui à davantage de pragmatisme, car dans les conflits, par exemple en Syrie et en Ukraine, la Russie et la Turquie se retrouvent dans des camps opposés. Je pense que la Turquie et la Russie aimeraient jouer un rôle plus important en soutenant les Palestiniens, sans toutefois nécessairement s’opposer aux Israéliens. C’est une bonne façon de coopérer. Cela répond simplement à des intérêts communs.

L'Eclaireur : Que pensez-vous des efforts diplomatiques discrets entrepris actuellement par les Chinois, dont on entend peu parler, mais qui ont clairement affirmé qu'ils ne soutiendraient aucune forme de nettoyage ethnique à Gaza ?

Professeur Glenn Diesen : Les Chinois, tout comme les Russes, souhaitent une approche plus équilibrée de la région. Autrement dit, ils ne veulent pas s’opposer à Israël, mais ils ne veulent pas non plus adopter cette position avec Israël aux dépens des Palestiniens. Je considère simplement que l'initiative chinoise est similaire à celle du Brésil et de la Russie avant cela, qui consiste à mettre fin à ce conflit car il ne s'agit pas seulement d'une crise humanitaire, mais d’une guerre qui a le potentiel de détruire l'ensemble de la région.

L'idée selon laquelle on peut commettre un nettoyage ethnique à une si grande échelle, et même les crimes de guerre qui sont commis actuellement à Gaza… Vous ne pouvez pas contenir ce conflit. On voit déjà que les bases militaires américaines ont été frappées aussi bien en Syrie qu’en Irak.

D’autres pays pourraient également s’y joindre si le conflit s’intensifie. Je pense donc qu’il existe désormais un fort intérêt à y mettre fin.

Nous le voyons dans les votes à l’ONU. Jusqu’à présent, les États-Unis sont les seuls à avoir opposé leur veto au cessez-le-feu. Je ne vois tout simplement aucun autre pays au monde qui ait actuellement intérêt à poursuivre cette guerre.

L'Eclaireur : Est-il juste de parler d'une impasse stratégique pour les Etats-Unis et Israël dans l'état actuel des choses ?

Prof. Glenn Diesen : Ils se trouvent dans une position difficile car, de l'avis des Israéliens, s'ils ne lancent pas une invasion terrestre, cela pourrait être interprété comme une victoire du Hamas…

L'Eclaireur : Excusez-moi de vous interrompre, mais le Hamas a déjà remporté une énorme victoire stratégique, que cela nous plaise ou non. Et il semble qu’Israël ait contribué depuis 1996 à la construction de l’acteur quasi-étatique, ce qu’est aujourd’hui le Hamas. C'est un acteur quasi-étatique terroriste…

M. Glenn Diesen : Tout sera considéré comme une victoire du Hamas à moins qu’Israël ne le batte. Mais si Israël veut sortir victorieuse et affaiblir le Hamas, alors une opération terrestre est nécessaire. Or une opération terrestre sera dévastatrice. Elle aliénera de nombreux alliés d'Israël, provoquera des divisions internes en son sein même et transformera en ennemis susceptibles de s'impliquer dans le conflit ses voisins avec qui elle pourrait entretenir de bonnes relations. On verra également les nouvelles grandes puissances, la Chine et la Russie, adopter une approche plus hostile à son égard .

Israël a donc beaucoup à perdre si elle y va, mais elle a aussi beaucoup à perdre si elle n’y va pas. Les Israéliens se trouvent dans une situation très difficile et on ne sait pas vraiment ce que veulent les Américains, quelle pression ils exercent réellement sur Tel Aviv.

L'Eclaireur : Si les Israéliens entrent dans Gaza, on sait que les combats vont se dérouler dans des tunnels, dans toute l’infrastructure souterraine que le Hamas a construite. Ça va être sanglant. Israël peut-elle supporter le nombre de victimes que cela entraînera ? Parce que nous parlons de milliers de soldats israéliens tués...

M. Glenn Diesen : C'est difficile à dire. Il n’y a pas encore vraiment eu de précédent. C'est en quelque sorte la première règle de la guerre : elle ne se terminera et ne se déroulera jamais comme vous l'aviez prévu.

Encore une fois, personne ne sait ce qui attend les Israéliens à l’intérieur de Gaza. Si l’Etat hébreu subit de lourdes pertes, il sera alors confronté à un autre dilemme. Comment réagira-t-il ?

Se retirerait-il, serait-ce une défaite humiliante. Ou bien verra-t-on une escalade aux extrêmes ? Je ne suis pas sûr de ce qu'ils pourraient utiliser, peut-être des armes chimiques dans les tunnels ? Mènera-t-il également des campagnes de bombardements intensifs contre la population civile, provoquant davantage de dommages collatéraux ? Il existe de nombreuses différentes incertitudes et c'est là le problème.

Une fois que Tsahal sera dans Gaza et que les choses ne se dérouleront pas comme prévu, les Israéliens seront probablement confrontés à d’autres choix très difficiles. C'est une situation très dangereuse pour chacun de ces acteurs.

L'Eclaireur : Est-il juste de dire que le sort d'Israël repose entre les mains des pays arabes ?

M. Glenn Diesen : Oui, parce que ce sont ses voisins. Au cours des cinquante dernières années, Israël a été soutenue par les États-Unis, ce qui signifie que les Israéliens n’ont jamais vraiment eu à faire de compromis significatifs.

Au lieu de cela, ils ont eu une approche très maximaliste en termes du rejet d’un État pour les Palestiniens, nettoyant une grande partie du territoire des Arabes et des Palestiniens et en l’annexant. Israël a pu le faire parce que les États-Unis l’ont soutenu.

Certains peuvent penser que c’est une bonne chose. L’aspect négatif est qu’un règlement politique n’a jamais été obtenu. C’est souvent ce qu’on voit lorsqu’on a un acteur très puissant face à un autre très faible.

Sauf qu’aujourd’hui les États-Unis sont en déclin. Ils s'affaiblissent. Malgré l’insistance de Biden sur le fait qu’il peut se battre contre la Russie, la Chine, l’Iran, contre tout le monde en même temps, ce n’est tout simplement pas le cas.

La logique serait que, si vous pensez que votre situation sera pire demain qu'aujourd'hui, vous rechercheriez un règlement aujourd'hui. Israël devrait s’asseoir à la table des négociations avec les Palestiniens et trouver une solution globale. Il n’est même pas sûr qu’une solution à deux États soit encore possible. Elle est mise à mal depuis si longtemps.

Ou bien Israël doit se lancer à fond et imposer sa domination dans la région. Mais comme vous l’avez dit, les États arabes… Israël doit vivre avec ses voisins, cela impose des limites à la manière dont elle peut traiter les Palestiniens.

L'Eclaireur : De votre point de vue, dans quelle mesure la situation personnelle de Benjamin Netanyahu joue-t-elle ?

Prof. Glenn Diesen : Nous parlons souvent d'Israël comme s'il s'agissait d'un acteur unitaire. Au sein d’un l’État, il existe une compétition pour le pouvoir. Et comme nous l’avons vu récemment, Israël ne jouit pas actuellement d’une grande unité politique.

La forte impopularité de Netanyahu est réelle, et nous ne la voyons souvent pas dans les médias occidentaux, car si vous soutenez Israël, cela signifie que vous soutenez ce que fait son gouvernement. Mais lorsque nous examinons la société israélienne, si nous lisons les médias israéliens, nous constatons une énorme opposition. Netanyahu est très impopulaire à cause de ses politiques et pour diverses raisons.

Par exemple, ses efforts pour renforcer secrètement le Hamas afin d'avoir un ennemi qui puisse être vaincu, au lieu d'avoir la Cisjordanie avec laquelle négocier. Beaucoup d’Israéliens pensent que cela lui a explosé à la figure. Je pense qu’il y a plus de nuances, de discussions et de débats ouverts en Israël qu’en Occident.

L’Eclaireur : Comment décririez-vous l’attitude de l’Europe ?

Professeur Glenn Diesen : Elle se trouve dans une position délicate car, d'une part, son soutien doit être, dans une large mesure, inconditionnel à Israël. D’autre part, l’Europe se définit largement par des valeurs libérales, des valeurs humanitaires… Soutiendrons-nous un nettoyage ethnique imposé par Israël ?

Il faut choisir son camp, et je pense donc que cela déroute les Européens. L'Europe, à chaque fois qu’elle est confrontée à un problème complexe, utilise des clichés et des slogans, comme “nous sommes aux côtés d'Israël”, “Israël a le droit de se défendre”, “les morts sont la faute du Hamas” … ce genre de choses. C'est très superficiel et cela ne veut rien dire. Israël a le droit de se défendre, mais les Palestiniens ont le droit de le faire aussi. Tout cela n’a pas grand sens. Il ne s’agit que de slogans en l’absence de capacité à faire preuve d’une quelconque honnêteté intellectuelle quant à ce qui se passe sur le terrain.

L'Eclaireur : Que pensez-vous de la diplomatie d'Antony Blinken et des camouflets qu’il a récolté de partout où il est allé ?

M. Glenn Diesen : C'était assez remarquable. Il a réussi à s'aliéner les Jordaniens, les Égyptiens, les Saoudiens, ces pays que les États-Unis considèrent comme des alliés et des amis, qui avaient une position modérée ou amicale à l'égard d'Israël. Sa capacité à tout gâcher est dévastatrice.

Sa diplomatie n’a pas été couronnée de succès parce qu’il n’était pas disposé à faire pression sur Israël sur quoi que ce soit – vous savez, laisser de côté tout contexte, blâmer uniquement le Hamas. Ce n’était pas très nuancé et le message communiqué est que les États-Unis soutiendront Israël quoi qu’elle fasse, y compris des massacres à Gaza.

Les États-Unis se sont aliénés beaucoup de leurs amis dans la région. Les Égyptiens ne se sont pas présentés à la réunion et sont venus le lendemain, les Saoudiens défient désormais ouvertement les États-Unis sur cette question… Je pense que cela suggère que l’opération diplomatie américaine s'est très, très mal déroulée.

L'Eclaireur : Et si le Qatar était en fait le problème ? Et si, et je ne fais que spéculer, il s'agissait des Frères musulmans et de l'influence assez toxique que le Qatar a exercée, non seulement à Gaza mais dans toute la région ? Je pense aussi à l'ensemble du Sahel… Serait-ce une stratégie de sortie acceptable qui pourrait satisfaire l'Egypte, les Saoudiens, les Jordaniens, qui ont de gros problèmes avec les Frères musulmans ?

M. Glenn Diesen : C'est possible. Je pense que l'alternative consistant à essayer de rejeter la faute sur l'Iran, ce serait...

L’Eclaireur : Iran qui n’a rien fait en l’espèce …

M. Glenn Diesen : Oui, je sais mais nous avons tendance à choisir les boucs émissaires qui nous conviennent. Ce serait une terrible erreur, conduisant à une guerre régionale.

Traiter le Qatar serait une issue. Je ne sais pas si c'est faisable et quelles en seraient les conséquences. Les États-Unis doivent certainement faire quelque chose pour convaincre certains voisins arabes d’Israël car jusqu’à présent, ils n’ont pas été en mesure de proposer quoi que ce soit leur bénéficiant.

L'Eclaireur : Si nous évitons la catastrophe et un éventuel Armageddon, quels changements envisagez-vous ou prévoyez-vous dans l'architecture de sécurité régionale et mondiale ?

Prof. Glenn Diesen : Alors que nous voyons l'incapacité des Américains à répondre correctement à ce conflit, je pense que cette crise actuelle présente de nombreuses similitudes avec la guerre en Ukraine et avec la possible future guerre future de la Chine à propos de Taiwan. C'est un système international. Ce sont les symptômes d’un changement du système international.

En d’autre termes, après la guerre froide, nous avons établi un ordre mondial fondé sur l’hégémonie, dans lequel les États-Unis seraient la seule superpuissance dominant le système international. On pensait qu’il s’agirait d’une hégémonie bienveillante mais les États-Unis continuent de s’affaiblir, et plus ils s’affaiblissent, plus ils ont recours à l’usage de la force.

Je pense que si, pour reprendre vos mots, nous survivons et évitons l’Armageddon, on verra alors la transition vers un nouveau système international dans lequel les États-Unis devront s’adapter aux autres pôles de puissance.

Pour Israël, cela implique qu’elle devra trouver un règlement politique plus durable avec les Palestiniens et ses voisins.

La multipolarité est véritablement ce qui nous attend.

L'Eclaireur : Ce qui signifie revenir à la charte de l'ONU et arrêter le mantra de l'ordre international fondé sur des règles. Ou bien cela signifiera t-il l’émergence de quelque chose de nouveau comme une régionalisation de la sécurité avec une sorte d’organisation faîtière ?

Glenn Diesen : Si l'on considère les nouveaux centres de puissance émergents, ils ne sont pas révisionnistes1 dans le sens où ils voudraient saper le droit international. Ils veulent restaurer le droit international. Si vous écoutez les discours de la Chine, de la Russie et de l’Inde, toutes disent que le droit international doit être la norme. Le droit international dans un système multipolaire implique une égalité de souveraineté et des contraintes mutuelles.

“L’ordre international fondé sur des règles” est largement rejeté par un grand nombre de puissances émergentes, et pour de bonnes raisons. Encore une fois, c’est l’un des slogans que nous utilisons en Occident, mais nous n’expliquons jamais de quoi il s’agit, car il ne s’agit pas de véritables règles.

L’ordre international fondé sur des règles est en réalité le droit international fusionné avec le droit humanitaire, ce qui semble formidable. Mais cela signifie en réalité que l’Occident a créé un ensemble parallèle de principes qu’il choisit en fonction de ses propres intérêts.

En droit international, l’intégrité territoriale et la souveraineté passent avant tout, mais en droit humanitaire, l’autodétermination est souvent privilégiée. Alors, que faisons-nous ?

Lorsqu’il s’agit de conflits comme le Kosovo, nous affirmons que l’autodétermination doit s’appliquer. Les Américains disent la même chose de Taiwan. Autodétermination. Taïwan devrait pouvoir faire sécession de la Chine. Alors qu’en Crimée, ils disent non, l’intégrité territoriale doit primer. Il ne s’agit pas d’un ensemble de règles, c’est simplement la loi du plus fort.

 

Ça discute avec Michel Collon : Russie, Palestine, Ukraine, Israël… propagande de guerre ?

La diplomatie américaine a perdu de sa vigueur au Moyen-Orient. Il n’est plus possible d’isoler l’Iran

par M.K. Bhadrakumar - Le 29/10/2023.

Le président américain Joe Biden est convaincu que l’une des raisons pour lesquelles le Hamas a lancé l’attaque contre Israël est l’annonce, lors du sommet du G20 à New Delhi, du corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe. Mais il a également admis que cette lecture était basée uniquement sur son instinct et qu’il ne disposait d’aucune preuve.

La motivation de Biden réside dans le besoin désespéré des États-Unis de récupérer leur rôle de leader dans le Moyen-Orient musulman. Les deux réalités les plus convaincantes rejetant le leadership américain sont : d’une part, une forte solidarité régionale unie dépassant les clivages sectaires pour rechercher un règlement sur la Palestine, comme jamais auparavant, et, d’autre part, le rapprochement saoudo-iranien.

Les derniers développements impliquant le Hamas et Israël ont sapé les efforts américains visant à persuader l’Arabie saoudite de reconnaître Israël. Il ne fait aucun doute que la position saoudienne sur le problème palestinien s’est durcie. Mardi, Joe Biden a tendu la main au prince héritier Mohammed bin Salman pour tenter de créer autant de convergence que possible entre Washington et Riyad.

Mais le compte-rendu de la Maison-Blanche montre qu’une masse critique est restée insaisissable ; même si les deux dirigeants se sont mis d’accord sur des généralités, ils n’ont pas pu se mettre d’accord sur la question spécifique très importante d’un cessez-le-feu urgent entre Israël et le Hamas.

Ce profond désaccord se reflète également au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, où les Émirats arabes unis ont soutenu le projet de résolution russe, qui appelait à «un cessez-le-feu humanitaire immédiat, durable et pleinement respecté», mais se sont opposés au projet de résolution américain, qui restait évasif sur la question de la fin des combats et insistait plutôt sur le droit d’Israël à l’autodéfense.

Une déclaration commune signée jeudi par les ministres des affaires étrangères de l’Égypte, de la Jordanie, du Bahreïn, des Émirats arabes unis, de l’Arabie saoudite, d’Oman, du Qatar, du Koweït et du Maroc a appelé à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. Dans une mise en garde adressée aux États-Unis et à Israël, la déclaration indique que «le droit à l’autodéfense prévu par la Charte des Nations unies ne justifie pas les violations flagrantes du droit humanitaire et du droit international».

Pour l’avenir, la grande question qui se pose est celle de l’intention américaine. S’agit-il d’une manœuvre musclée ou d’un complot caché visant à créer des faits sur le terrain qui pourraient servir de casus belli pour lancer une offensive contre l’Iran, un projet de longue date des néoconservateurs qui dominent les discours sur la politique étrangère des États-Unis ?

Mercredi, lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, Joe Biden a déclaré avoir averti le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, que si Téhéran continuait à «s’en prendre» aux forces américaines dans la région, Washington riposterait.

Biden a déclaré : «J’ai averti l’ayatollah que s’il continuait à s’en prendre à ces troupes, nous réagirions. Et il doit s’y préparer. Cela n’a rien à voir avec Israël». (Biden faisait référence aux attaques croissantes contre les bases américaines en Irak et en Syrie).

Mohammad Jamshidi, adjoint politique au bureau du président iranien, a depuis répondu à la remarque de Biden en déclarant : «Les messages américains n’étaient pas adressés au leader de la révolution islamique et n’étaient rien d’autre que des demandes émanant du côté iranien. Si Biden pense avoir averti l’Iran, il devrait demander à son équipe de lui montrer le texte des messages».

Quelques heures plus tard, lorsqu’on lui a demandé de clarifier la situation, le porte-parole du Conseil national de sécurité des États-Unis, John Kirby, a répondu : «Un message direct a été transmis. Je n’irai pas plus loin». On peut imaginer que les récentes attaques menées par des groupes militants en Syrie et en Irak constituent un casse-tête pour Biden sur le plan de la politique intérieure. Selon les informations disponibles, une vingtaine de militaires américains ont été blessés et un contractant militaire a été tué jusqu’à présent. Il y a environ 2500 soldats américains en Irak et quelque 900 en Syrie.

Il est possible que Biden ait fait de la démagogie. Ce n’est pas inhabituel dans les affrontements entre les États-Unis et l’Iran. Mais il est plus probable que les États-Unis espèrent pousser l’Iran à empêcher les milices en liberté en Syrie et en Irak d’exacerber la situation.

L’Iran est sur la même longueur d’onde que la Chine, la Russie et les États arabes, qui appellent à un cessez-le-feu immédiat afin que les conditions soient réunies pour que la diplomatie s’attaque de manière significative au problème palestinien. Ils sont en faveur d’une solution à deux États. Ironiquement, les États-Unis affirment également qu’ils soutiennent une solution à deux États.

C’est ce qu’a déclaré Biden lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche hier, en lisant un texte préparé à l’avance :

«Israël a le droit et, j’ajouterais, la responsabilité de répondre au massacre de son peuple.  Et nous veillerons à ce qu’Israël dispose de ce dont il a besoin pour se défendre contre ces terroristes. C’est garanti…

Mais cela n’enlève rien à la nécessité – pour opérer et s’aligner sur les lois de la guerre pour les Israéliens – de faire tout ce qui est en son pouvoir – Israël doit faire tout ce qui est en son pouvoir, aussi difficile que cela soit, pour protéger les civils innocents…

Je souhaite également prendre un moment pour regarder vers l’avenir auquel nous aspirons. Les Israéliens et les Palestiniens méritent tous deux de vivre côte à côte dans la sécurité, la dignité et la paix.  Et il n’est pas question de revenir au statu quo tel qu’il existait le 6 octobre…

Cela signifie également qu’une fois la crise terminée, il faut avoir une vision de l’avenir.  Et selon nous, il doit s’agir d’une solution à deux États. Cela signifie que toutes les parties – Israéliens, Palestiniens, partenaires régionaux, dirigeants mondiaux – doivent concentrer leurs efforts pour nous mettre sur la voie de la paix».

Ces propos donnent-ils l’impression que Biden se prépare à une guerre avec l’Iran ? Pour la première fois, peut-être, il y a une lueur d’espoir que les États-Unis ne contournent plus le problème palestinien. En fin de compte, comme en témoignent les délibérations du Conseil de sécurité des Nations unies, toutes les puissances responsables comprennent que le Moyen-Orient reste le centre de gravité de la politique mondiale et qu’une conflagration dans la région pourrait facilement se transformer en guerre mondiale. Et aucune des grandes puissances ne souhaite une telle issue apocalyptique.

Cela dit, si les États-Unis jouissent toujours d’une puissance inégalée au Moyen-Orient, leur influence a diminué à mesure que de nouvelles réalités sont apparues :

  • Israël est devenu plus puissant militairement et économiquement face aux Palestiniens, mais ne jouit plus d’une position dominante dans la région.
  • L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, deux puissances dominantes au Moyen-Orient, affirment de plus en plus leurs propres intérêts.
  • La Chine, bien qu’elle soit un acteur relativement nouveau, ne se limite plus à la diplomatie économique.
  • Les États-Unis ont perdu la capacité de peser sur le marché mondial du pétrole, car la Russie travaille en étroite collaboration avec l’Arabie saoudite dans le cadre de l’OPEP+ pour calibrer le niveau de production et les prix du pétrole.
  • Par conséquent, le pétrodollar s’affaiblit.
  • Les accords d’Abraham ont été pratiquement abandonnés.
  • Le conflit israélo-arabe a pris une nouvelle dimension ces dernières années, grâce à la montée en puissance de l’axe de la résistance, ce qui exige de nouvelles postures et une nouvelle réflexion opérationnelle de la part des États-Unis.
  • La politique israélienne a fortement basculé à l’extrême droite.
  • L’environnement mondial est très compliqué ; le processus de paix ne peut plus être placé sous la tutelle des États-Unis. Jeudi, la Russie a organisé une réunion trilatérale à Moscou avec le vice-ministre iranien des affaires étrangères et une délégation du Hamas. Plus tard, le vice-ministre russe des affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, qui est également l’envoyé spécial du président pour le Moyen-Orient et l’Afrique, a annoncé que le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas «arriverait bientôt en visite officielle» à Moscou pour s’entretenir avec le président russe Vladimir Poutine.

En cas de guerre totale avec l’Iran, les États-Unis subiraient de lourdes pertes et l’État d’Israël risquerait d’être détruit. En effet, l’Iran pourrait opter pour une capacité de dissuasion nucléaire. Il est presque certain qu’une guerre entre les États-Unis et l’Iran se transformera en guerre mondiale. Il est clair que la guerre n’est pas une option.

Une invasion terrestre israélienne de la bande de Gaza présente donc un risque élevé. Si Israël s’enlise dans la bande de Gaza, ce qui n’est absolument pas exclu, il est fort possible que le Hezbollah ouvre un second front. Ce qui, à son tour, peut déclencher une réaction en chaîne susceptible d’échapper à tout contrôle. C’est là que réside le danger si un cessez-le-feu n’est pas convenu suffisamment tôt dans le conflit.

M.K. Bhadrakumar

source : Indian Punchline via Le Saker Francophone

Est-il encore possible d’éviter un embrasement au Proche-Orient ?

 

Source : Le Courrier des Stratèges - par Edouard Husson - Le 27/10/2023.

 

La France a voté contre un cessez-le-feu humanitaire à Gaza

GUERRE D’UKRAINE JOUR 603/ GUERRE DE GAZA JOUR 21 – Alors que le conflit de Gaza reste dans un entre-deux, qui risque de basculer à tout moment dans un conflit régional, des voix s’élèvent pour prôner la diplomatie et la désescalade. Mais les États-Unis peuvent-ils accepter de devoir négocier à la fois en Ukraine et au Proche-Orient ? Les Etats-Unis sont dans la situation d’un empire en rétraction. Et l’histoire nous enseigne qu’il est rare qu’un empire accepte sa propre fin – l’URSS de 1985-1991 est une exception à l’échelle de l’histoire.

Annoncée depuis des jours, l’offensive israélienne au sol, dans Gaza, n’a toujours pas commencé. Il y a eu des incursions de troupes spéciales israéliennes, sans qu’il soit possible de mesurer leur résultat réel. Le Colonel Douglas MacGregor, conseiller au Pentagone durant le mandat de Donald Trump, a même déclaré, lors d’une interview, qu’une incursion israélienne s’était soldée par un fiasco.

Les bombardements de Gaza ont continué, accumulant les victimes – on est à plus de 7000 civils tués.

Les affrontements sporadiques entre Tsahal et le Hezbollah ont continué à la frontière du Liban, causant de gros dégâts. Les États-Unis et Israël continuent à bombarder des aéroports en Syrie. Des bases militaires américaines et israéliennes au Proche-Orient ont été attaquées

La situation est insaisissable, explosive, même. Le jeu diplomatique semble bloqué:

Israël a essuyé un nouveau revers au Conseil de sécurité des Nations unies le 25 octobre, lorsque la Russie et la Chine ont opposé leur veto à un projet de résolution américain affirmant qu’Israël a le droit de se défendre et demandant à l’Iran de cesser d’exporter des armes vers des groupes armés.

Les deux pays ont demandé à l’ONU d’agir sur le conflit entre Israël et le Hamas en appelant à des pauses dans les combats pour permettre l’accès de l’aide humanitaire, la protection des civils et l’arrêt de l’armement du Hamas et d’autres factions armées à Gaza.

southfront.org, 26.10.2023

La position d’Emmanuel Macron jugée sévèrement hors du monde occidental

Il vaut la peine de lire le point de vue de Lucas Leiroz paru sur infobrics :

Les dirigeants occidentaux prennent des mesures irresponsables concernant le conflit palestinien, augmentant encore le risque d’escalade et d’internationalisation des hostilités. Lors d’une visite à Tel-Aviv, Macron a fait des déclarations belliqueuses, appelant à une “coalition pour combattre le Hamas”, ignorant les impacts négatifs qu’une telle alliance pourrait avoir sur la situation régionale.

Macron a approuvé le discours de propagande israélien qui compare sans fondement le Hamas au groupe terroriste “État islamique” (ISIS). Pour le dirigeant français, la “similitude” supposée entre le Hamas et ISIS est une raison suffisante pour que la “coalition anti-ISIS” dirigée par l’Occident commence à prendre des mesures contre le groupe palestinien également. Macron a qualifié le Hamas d'”ennemi commun” de la France et d’Israël, exigeant davantage de mesures militaires contre la milice.

“La France est prête à ce que la coalition internationale contre Daesh à laquelle nous participons pour les opérations en Irak et en Syrie lutte également contre le Hamas (…) Nous devrions construire une coalition régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes qui nous menacent tous”, a déclaré Macron.

Comme on le sait, cette soi-disant “coalition anti-ISIS” a été créée en 2014 en réunissant l’OTAN, des États occidentaux et des pays arabes afin de promouvoir les efforts militaires contre l’organisation terroriste. Cependant, l’alliance ne s’est pas révélée efficace pour neutraliser l’avancée des terroristes. En raison d’erreurs ou de négligences délibérées, la coalition n’a jamais été en mesure d’atteindre son objectif public de destruction du groupe extrémiste. Ce n’est qu’après l’intervention russe dans la guerre civile syrienne que l’ISIS a été véritablement vaincu.

Néanmoins, Macron semble continuer à croire en la capacité de la coalition à garantir la sécurité du Moyen-Orient – et appelle maintenant à l’inclusion du Hamas dans la liste des priorités de l’alliance. Le président français place ainsi Paris comme un soutien inconditionnel du régime sioniste, même si l’antipathie internationale à l’égard de Tel-Aviv ne cesse de croître en raison des massacres perpétrés à Gaza.

Il convient de noter qu’il n’existe aucun argument rationnel pour considérer le Hamas et l’ISIS comme des organisations “similaires”. Contrairement à ISIS, qui est simplement un groupe terroriste illégitime, le Hamas est un parti politique palestinien qui possède sa propre milice armée et mène une guerre de libération nationale contre les forces d’occupation sionistes. En d’autres termes, ISIS promeut ouvertement et délibérément la violence contre les civils, tandis que le Hamas, malgré les accusations d’Israël et des médias occidentaux, est simplement impliqué dans des hostilités contre une armée beaucoup plus puissante.

Dans les situations de guerre asymétrique et de combat irrégulier, la partie la plus faible est obligée de se battre avec toutes les ressources disponibles, ce qui inclut souvent le lancement d’attaques surprises, l’utilisation de tactiques de guérilla et, dans le cas spécifique d’Israël, la destruction de colonies juives illégales. Tel-Aviv, en tant qu’ennemi de la Résistance palestinienne, qualifie logiquement le Hamas de “terroriste” et reçoit l’appui de ses sponsors occidentaux. Mais les pays islamiques et arabes voisins d’Israël, qui soutiennent traditionnellement la Palestine, ne sont pas d’accord avec cette classification, ce qui montre à quel point la proposition de M. Macron est susceptible d’échouer.

Si des efforts militaires internationaux sont lancés contre le Hamas, la réaction des pays soutenant la Palestine sera extrêmement négative. Même les États qui ne soutiennent pas le Hamas, comme l’Arabie saoudite, ont une position très claire de condamnation d’Israël et de soutien à la Palestine, de sorte qu’il ne sera pas possible de parvenir à un consensus diplomatique pour rendre viable une nouvelle “guerre contre le terrorisme”. En outre, l’Iran a déjà fait savoir qu’il y aurait des conséquences si Tel-Aviv ne cessait pas rapidement ses attaques ou s’il y avait une intervention occidentale. De même, l’Axe de la résistance – une coalition internationale de groupes armés pro-iraniens et pro-palestiniens – est sur le point d’intervenir directement dans les hostilités.

Si Macron met réellement en œuvre un tel plan d’attaque collective contre le Hamas, la conséquence sera simplement une situation régionale de guerre totale. Les groupes armés pro-palestiniens soutiendront inconditionnellement le Hamas. Même s’il existe des différences idéologiques et politiques entre ces groupes, le soutien à la Palestine est un programme commun à tous – et l’intervention occidentale en faveur d’Israël est considérée comme une ligne rouge.

Dans une telle situation, Israël et les pays occidentaux seraient fortement désavantagés, car l’État sioniste est incapable de mener une guerre d’usure prolongée et ses partisans occidentaux disposent actuellement de stocks d’armes affaiblis après plus d’un an d’armement systématique du régime néonazi de Kiev. Macron est peut-être en train de créer inconsciemment un piège pour lui-même et ses propres partenaires.

Macron ne fera que créer une guerre internationale à grande échelle. La meilleure chose qu’il puisse faire, au lieu de vouloir créer une nouvelle “guerre contre le terrorisme” injustifiée, est d’utiliser sa diplomatie pour qu’Israël arrête le massacre à Gaza.

infobrics, 27 octobre 2023

L’inquiétude de Vladimir Poutine

Le président russe a reçu, le 25 octobre 2023 les représentants des religions présentes en Russie. Je livre une traduction de l’ensemble de son discours, car il me semble essentiel de le connaître à deux titres. D’abord, pour comprendre comment l’État russe envisage les relations avec les communautés religieuses dans ses propres frontières. Ensuite, du fait des avertissements qu’il contient sur une crise du Proche-Orient qui pourrait devenir impossible à maîtriser.

J’ai estimé qu’il était important de vous rencontrer et, tout d’abord, je voudrais vous exprimer ma gratitude à tous pour votre soutien aux forces armées de la Fédération de Russie, aux forces armées de la Russie et à nos militaires, ainsi qu’à leurs familles et à tous ceux qui se battent pour la Russie dans le cadre de l’opération militaire spéciale. C’est mon premier point, et j’y reviendrai plus tard.

Deuxièmement, je voudrais évoquer avec vous l’évolution de la situation au Moyen-Orient et dans d’autres régions du monde, mais surtout, bien sûr, au Moyen-Orient, parce qu’elle nous concerne. Je commencerai par là.

Nous observons tous avec inquiétude et douleur dans nos cœurs les développements tragiques en Terre sainte, qui revêt une signification sacrée pour les chrétiens, les musulmans et les juifs, pour les adeptes des principales religions du monde.

Une nouvelle phase du conflit israélo-palestinien a coûté la vie à des milliers de personnes.

La Russie sait de première main ce qu’est le terrorisme international. Nous savons ce que c’est. Nous ressentirons toujours la douleur des pertes irremplaçables subies par notre pays au cours des années de guerre contre le terrorisme international.

Je voudrais présenter mes sincères condoléances aux familles d’Israéliens et aux citoyens d’autres pays dont les proches sont morts ou ont été blessés lors de l’attentat du 7 octobre.

Mais il est également clair pour nous que des personnes innocentes ne doivent pas être tenues pour responsables de crimes commis par d’autres. La lutte contre le terrorisme ne peut être menée sur la base du fameux principe de la responsabilité collective qui entraîne la mort de personnes âgées, de femmes, d’enfants, de familles entières. Des centaines de milliers de personnes se retrouvent sans abri, sans nourriture, sans eau, sans électricité et sans assistance médicale. Il s’agit d’une véritable catastrophe humanitaire.

La position de la Russie sur le conflit israélo-palestinien est bien connue et a été explicitement exprimée à de multiples reprises. Elle n’est pas influencée par les circonstances actuelles, mais repose sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies qui envisagent la création de deux États souverains indépendants, Israël et la Palestine. C’est la clé d’un règlement durable et fondamental et de la paix au Moyen-Orient. C’est la position traditionnelle de l’Union soviétique, puis de la Russie depuis 1948.

Notre objectif premier est de mettre fin à l’effusion de sang et à la violence. Une nouvelle escalade de la crise risque d’avoir des conséquences graves, extrêmement dangereuses et destructrices, non seulement pour la région du Moyen-Orient, mais aussi bien au-delà des frontières de cette région. Elle peut se propager bien au-delà des frontières du Moyen-Orient. J’ai insisté sur ce point à plusieurs reprises dans mes remarques, au cours de nombreuses conversations téléphoniques et lors de réunions personnelles avec les dirigeants des pays du Moyen-Orient et d’autres pays.

Nous constatons que certaines forces tentent de provoquer une nouvelle escalade en entraînant d’autres pays et nations dans le conflit et en les utilisant pour leurs propres intérêts égoïstes, afin de lancer une vague de chaos et de haine mutuelle non seulement au Moyen-Orient, mais bien au-delà. À cette fin, ils tentent d’exploiter les sentiments ethniques et religieux de millions de personnes, ce qui constitue leur politique – si l’on peut dire – depuis longtemps, bien avant la crise actuelle.

Les musulmans sont opposés aux juifs et appelés à mener une “guerre contre les mécréants”. Les chiites sont opposés aux sunnites, les orthodoxes aux catholiques. En Europe, ils ferment les yeux sur les blasphèmes et les actes de vandalisme commis contre les lieux saints musulmans. Dans certains pays, ils glorifient ouvertement et officiellement les criminels nazis et les antisémites dont les mains sont tachées du sang des victimes de l’Holocauste. En Ukraine, ils s’efforcent d’interdire l’Église orthodoxe canonique et d’approfondir le schisme.

Selon moi, ces actions sont clairement destinées à semer l’instabilité dans le monde, à diviser les cultures, les peuples et les religions du monde, et à provoquer un choc des civilisations. Tout cela repose sur le principe bien connu du “diviser pour régner”. Pendant ce temps, ils continuent à parler d’un obscur “nouvel ordre mondial” qui, en réalité, est essentiellement le même : hypocrisie, deux poids deux mesures, prétentions à l’exceptionnalisme et à la domination mondiale et préservation de ce qui est essentiellement un système néocolonial.

L’Occident voit bien que l’émergence d’un ordre mondial multipolaire s’accélère, et il déploie tous les mêmes moyens, tels que l’islamophobie, l’antisémitisme et la russophobie, pour entraver les progrès des pays souverains indépendants et diviser la majorité mondiale.

Bien entendu, les forces qui poursuivent ces politiques ou tentent de les mettre en œuvre ont tout intérêt à ce que l’épidémie de violence et de haine engloutisse non seulement le Moyen-Orient, mais aussi d’autres régions, de sorte que d’anciens et de nouveaux foyers de tension se déclarent en Eurasie.

En orchestrant largement le conflit au Moyen-Orient, en alimentant et en provoquant le nationalisme et l’intolérance religieuse dans le monde entier, ces mêmes forces poursuivent, sans aucun doute, leurs desseins hostiles à l’égard de notre pays également.

Ces objectifs ont été ouvertement énoncés par les cercles dirigeants de certains pays, à savoir nous infliger, comme ils le disent, une “défaite stratégique”. Il n’y a rien de nouveau à cela non plus. Ils veulent que le conflit au Moyen-Orient, ainsi que tout autre conflit religieux ou ethnique dans le monde, soit directement ou indirectement lié à la Russie d’une manière ou d’une autre ou, plus exactement, qu’il porte un coup à la Russie et à la société russe. C’est pourquoi ils recourront aux mensonges et aux provocations, et utiliseront des prétextes extérieurs et intérieurs pour affaiblir et diviser notre société, et provoquer des conflits ethniques et religieux chez nous.

Je tiens à souligner qu’aujourd’hui, l’énorme responsabilité de l’avenir de la Russie incombe aux leaders d’opinion, aux dirigeants des partis politiques et des organisations civiques, aux chefs des régions de notre vaste pays, aux chefs spirituels des religions traditionnelles et à toutes les institutions de la société civile.

Chacun d’entre nous, quoi qu’il dise ou fasse, doit être guidé par la chose la plus importante – et qu’est-ce que c’est ? – les intérêts vitaux de notre nation multiethnique et ne jamais oublier que l’entente interethnique et interconfessionnelle est le fondement de l’État russe. Toute autre position est anti-russe par nature.

Je sais que les chefs spirituels des chrétiens, des musulmans, des bouddhistes et des adeptes du judaïsme considèrent l’harmonie et l’unité de notre société comme une valeur indiscutable.

Je vous remercie pour votre approche fondée sur des principes et je tiens à souligner la grande attention que vous accordez au travail éducatif et aux efforts visant à promouvoir le dialogue interconfessionnel. Des personnes de différentes confessions travaillent ensemble à la réalisation de projets sociaux et d’œuvres caritatives. Je voudrais revenir sur ce que j’ai dit en commençant, à savoir qu’ils ont soutenu les participants à l’opération militaire spéciale et leurs familles. L’apport de nos religions traditionnelles est important si nous parlons des efforts visant à renforcer les valeurs familiales, de l’éducation patriotique des jeunes et, bien sûr, du développement harmonieux des relations interethniques basées sur l’accord et la compréhension mutuelle entre des personnes d’ethnies et de religions différentes, et de traditions différentes.

Je tiens à souligner une nouvelle fois que nous sommes un seul peuple et que nous avons une seule patrie. Nous sommes tous responsables de sa prospérité et de sa sécurité

Site officiel de la présidence de la Fédération de Russie

Une délégation du Hamas reçue à Moscou

Lu sur le canal Telegram Kompromat :

«Des contacts ont eu lieu dans le prolongement de la ligne russe visant à la libération immédiate des otages étrangers situés dans la bande de Gaza», a fait savoir la diplomatie russe auprès de RIA Novosti.

Selon RIA, la délégation était menée dans la capitale russe par Abou Marzouk, le responsable des relations internationales Hamas.

Le ministère des Affaires étrangères a par ailleurs précisé que Moscou avait confirmé son soutien à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité sur la création «d’un Etat palestinien souverain dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale» qui coexisterait en paix avec Israël.

Le Hamas a déclaré que les parties ont en outre discuté des moyens de mettre fin aux «crimes d’Israël soutenus par l’Occident».

«La délégation du mouvement a hautement apprécié la position du président russe Vladimir Poutine, ainsi que les efforts actifs de la diplomatie russe.»

Contrairement aux pays occidentaux, Moscou, qui entend jouer un rôle de médiateur dans le conflit, s’est abstenu de prendre partie, dénonçant les attaques terroristes du Hamas autant que la politique colonisatrice d’Israël et ses représailles aveugles contre les civils.

Kompromat

La leçon de diplomatie ambiguë de Dominique de Villepin

 

https://www.youtube.com/watch?v=Mpq5IxdDeqA

Je conseille de regarder en entier l’entretien accordé par Dominique de Villepin à Apolline de Malherbe.

Retenons, sur Gaza, la leçon de diplomatie et l’espoir ténu que conserve l’ancien Premier ministre français que la raison puisse l’emporter:

“Quand vous voyez que c’est les Chinois qui ont fait en sorte d’améliorer les relations entre l’Arabie Saoudite et l’Iran…je vous dis simplement que chaque jour qui passe, on peut faire en sorte [d’enrayer] ce cycle effroyable. […] Vous voyez bien aujourd’hui qu’on a besoin de tout le monde.»,

Entretien Dominique de Villepin/Apolline de Malherbe

“Y compris des Russes?” demande Appoline de Malherbe interloquée.

Est-ce possible pour les USA de négocier au Proche-Orient alors qu’ils perdent en Ukraine?

On comprend bien le nœud du problème : Les États-Unis sont en train de perdre la guerre en Ukraine, par armée kiévienne interposée. Un rapide état des lieux concernant la bataille au sol :

Il semble que le monde ait été opportunément distrait par un nouveau cycle de guerre au Moyen-Orient et que l’on ait oublié l’échec de la contre-offensive de Kiev, payée par l’Occident. Seuls les militaires ukrainiens continuent de se frapper la tête contre le mur de la défense russe. La situation sur le front de Zaporozhye s’échauffe, puis s’apaise, mais les lignes de front restent inchangées.

La zone de Rabotino, au sud d’Orekhov, reste la principale direction des attaques ukrainiennes, tandis que les forces armées ukrainiennes (AFU) ont presque complètement cessé toute opération offensive dans d’autres zones des lignes de front méridionales. Le commandement ukrainien lance les principales forces d’attaque en direction des villages de Kopani et Verbovoye.

Ces derniers jours, l’AFU n’a pas cessé d’essayer de percer la ligne de défense russe entre Rabotino et Verbovoe. Les forces ukrainiennes poursuivent leurs tentatives quotidiennes pour prendre pied dans la région et créer une tête de pont à tout prix. Le commandement ukrainien lance des véhicules blindés avec des unités d’infanterie dans des attaques avec le soutien de l’artillerie ukrainienne. L’infanterie attaque par vagues. Les groupes d’assaut sont différents, certains sont petits, d’autres comptent jusqu’à 15-20 soldats. Chacun d’entre eux attaque une tranchée russe distincte dans différentes zones.

Ils sont accueillis par des éclaireurs et des parachutistes russes. Les tirs et les tirs d’artillerie se poursuivent 24 heures sur 24. L’aviation russe répond par des bombes aériennes. (…)

L’absence de succès sur le front de Zaporozhie oblige l’AFU à se concentrer sur d’autres zones où l’armée russe mène des actions offensives limitées. Il y a quelques jours, le commandement ukrainien a transféré à la hâte les unités meurtries de la 47e brigade de la région de Rabotino à la périphérie d’Avdeevka, où elles ont été immédiatement lancées à l’assaut de la décharge de cendres, où elles ont subi des pertes encore plus importantes. LIEN, LIEN

Dans le même temps, l’AFU a commencé à tenter d’avancer sur le Dniepr en direction de Kherson. Ces opérations s’accompagnent de pertes encore plus importantes que la contre-offensive dans les steppes de la région de Zaporozhye. Pour forcer le fleuve, Kiev doit d’urgence trouver plus de chair à canon. À cette fin, jusqu’à trois brigades de marines ont été retirées des régions de Zaporozhye et du sud de Donetsk et transférées dans la région de Kherson à la fin du mois de septembre.

Dans le cadre des opérations ukrainiennes en cours sur la rive orientale du Dniepr, l’artillerie ukrainienne a récemment intensifié le pilonnage des positions russes dans la zone de Tokmak, dans la région de Zaporozhye, afin d’empêcher l’armée russe de transférer des renforts sur le front de Kherson.

On peut conclure que la contre-offensive de Kiev dans la région de Zaporozhie, qui a duré des mois, n’a entraîné que la perte de dizaines de milliers de soldats ukrainiens, de nombreux équipements soviétiques et occidentaux et de maigres résultats sur les champs de bataille. Aujourd’hui, la configuration des fronts change. L’AFU est contrainte de transférer d’importantes forces pour dissuader l’offensive russe dans le Donbass. Dans le même temps, le commandement ukrainien tente de percer la défense russe sur le Dniepr, ce qui peut conduire à des résultats très douteux en l’absence de succès sur le front de Zaporozhye.

southfront.org, 26.10.2023

Le gouvernement Biden peut-il assumer une double défaite, en Ukraine et au Proche-Orient, en n’ayant pas d’autres solutions que de demander aux États qui mènent la guerre pour Washington, de se rendre à une table de négociation ?

 

Le piège existentiel :

Le Pentagone vient d’y tomber, alors que Biden tente d’éviter le désastre du sauvetage des otages américains en Iran du temps de Carter

Source : RzO international.

par John Helmer - Le 26/10/2023.

Le changement soudain des plans de guerre américains pour la défense d’Israël, révélé samedi par le général Lloyd Austin, secrétaire américain à la Défense, révèle le piège que la Russie, la Chine et l’Iran ont tendu, et les mesures désespérées que les États-Unis ont prises pour y échapper.

Austin a annoncé qu’il avait «réorienté le mouvement du groupe de frappe des porte-avions USS Dwight D. Eisenhower vers la zone de responsabilité du commandement centralCe groupe d’intervention s’ajoute au groupe d’intervention du porte-avions USS Gerald R. Ford, qui opère actuellement en Méditerranée orientale. Il permettra d’accroître notre dispositif de forces et de renforcer nos capacités et notre aptitude à répondre à toute une série de situations d’urgence».

«J’ai également activé le déploiement d’une batterie THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) ainsi que des bataillons Patriot supplémentaires dans toute la région afin d’accroître la protection des forces américaines».

La nouvelle destination de l’Eisenhowern’a pas été annoncée. Les médias militaires américains affirment qu’il s’agira du golfe Persique ou de la mer Rouge, voire des deux.

La zone de responsabilité (AOR) du Commandement central (CENTCOM) est officiellement les territoires arabes et iraniens situés à l’est du littoral méditerranéen, en se concentrant sur le golfe Persique et la mer Rouge, et en ciblant l’Iran, la Russie et la Chine.

Dans un petit changement qui pourrait avoir une signification majeure, les responsables du Pentagone déclarent à la presse que «les États-Unis modifient leurs plans pour le groupe de frappe du porte-avions USS Dwight D. Eisenhower». Ce changement pourrait placer le groupe d’attaque dans des eaux où les navires de guerre chinois ont été actifs ces derniers mois. La semaine dernière, le secrétaire à la défense, Lloyd Austin, a annoncé que le groupe d’attaque Eisenhower se dirigerait vers la Méditerranée orientale plutôt que vers l’Europe, comme cela avait été prévu. En naviguant en Méditerranée orientale, le groupe d’intervention se serait trouvé à l’ouest d’Israël. Mais ce plan a changé après une semaine au cours de laquelle les forces américaines en Syrie et en Irak ont essuyé des tirs de milices soutenues par l’Iran, et un navire de la marine américaine en mer Rouge a abattu des missiles lancés depuis le Yémen… Samedi, Austin a déclaré dans un communiqué que le groupe d’intervention se rendrait désormais dans la «zone de responsabilité du Commandement central». Le Commandement central couvre une grande partie du territoire du Moyen-Orient, qui inclut le golfe Persique et la mer Rouge.

L’objectif de ces mesures, a déclaré Austin, est de «soutenir les efforts de dissuasion régionale, d’accroître la protection des forces américaines dans la région et d’aider à la défense d’Israël». L’ordre de priorité a été modifié. Israël vient en dernier, l’Iran, la Russie et la Chine en premier.

Pour la première fois également, le commandement américain a reconnu ce que le président Vladimir Poutine voulait dire lorsqu’il a déclaré à Pékin, mercredi 18 octobre, qu’il avait déployé des MiG-31 armés de missiles Kinjal à portée de l’Eisenhower .

Austin a ajouté, à l’intention des téléspectateurs américains du dimanche : «Si un groupe ou un pays cherche à élargir ce conflit et à tirer parti de cette situation très regrettable, notre conseil est le suivant : ne le faites pas. Nous conservons le droit de nous défendre et nous n’hésiterons pas à prendre les mesures qui s’imposent».

La doctrine américaine d’autodéfense lors d’attaques contre des États comme le Liban, la Syrie, la Libye, l’Irak, l’Iran, le Yémen et la Somalie n’est pas nouvelle. En septembre 1969, lorsque le capitaine de l’armée libyenne Mouammar Kadhafi a pris le contrôle de son pays, il a soigneusement contourné la base de l’US Air Force (USAF) de Wheelus (Mellaha), qui stockait des armes nucléaires à l’époque ; Kadhafi a ensuite évincé les forces américaines de Wheelus pendant douze mois, mais l’USAF a rapidement évacué ses armes nucléaires.

Le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban n’ont pas le temps, les Israéliens encore moins.

Mais l’empressement de Austin à modifier les ordres de navigation de l’Eisenhower et à faire voler des THAAD et des Patriots vers les bases américaines dans les territoires arabes révèle également qu’il manque de temps. En effet, l’ensemble des systèmes de défense aérienne américains est en train d’être mis en échec. Le Kinjal russe a vaincu les batteries américaines Patriot autour de Kiev ; les essaims de drones et de roquettes du Hamas ont vaincu le Dôme de fer israélien le 7 octobre. Le THAAD a été testé une fois au combat, contre une attaque de missiles, de roquettes et de drones des Houthis contre des cibles d’Abou Dhabi en janvier 2022. «Plusieurs ont été interceptés, quelques-uns [ne l’ont pas été]».

Les tirs de l’USS Carney contre des missiles et des drones houthis en mer Rouge ont montré à quel point cette ligne d’attaque sud contre Israël serait vulnérable si les Houthis essayaient d’essaimer au lieu de tester leurs munitions, comme ils l’ont fait contre le Carney. À l’origine, dans la version du Pentagone du vendredi 19 octobre, trois missiles Houthis et plusieurs drones ont été interceptés alors qu’ils se dirigeaient vers Israël. Un jour plus tard, CNN a révisé l’histoire en rapportant les propos d’un «responsable américain familier de la situation», qui a déclaré qu’il y avait eu un «duel de neuf heures» et que quatre missiles de croisière et quinze drones avaient été abattus.

Les morsures de langue et le bégaiement sont des symptômes cliniques de l’esprit qui sait ce qu’il doit dire mais qui a du mal à le faire sortir ; cela entraîne généralement une perte d’estime de soi. Lorsque le général Austin parle ainsi, cela indique que l’esprit ne sait pas quoi dire et qu’il est désespérément en quête d’estime de soi.

Austin a également indiqué que le Pentagone préparait des forces de déploiement rapide pour l’évacuation des soldats et des aviateurs des bases aériennes et terrestres en Jordanie, en Syrie et en Irak s’ils étaient pris d’assaut par les manifestants. «J’ai placé, a déclaré Austin, un nombre supplémentaire de forces en ordre de préparation au déploiement dans le cadre d’un plan d’urgence prudent, afin d’accroître leur état de préparation et leur capacité à répondre rapidement en cas de besoin». Il est peu probable que le Pentagone prépare des plans pour que les troupes américaines au sol se battent pour conserver les bases ; des informations secrètes du Congrès ne manqueront pas de fuiter si cette possibilité entre dans la course à la présidence des États-Unis à ce stade.1

Il s’agit plutôt de missions d’évacuation de type aéroport de Kaboul. La crainte de la Maison-Blanche de Biden et du Comité national démocrate est que le personnel militaire américain ou d’autres fonctionnaires soient pris en otage à la suite d’attaques en rafale menées par les Arabes dans toute la région.

Selon une source militaire proche de Washington, «Biden les a fait sortir de Kaboul. Le président Jimmy Carter ne les a pas fait sortir de Téhéran. Si le CENTCOM a quelque chose en tête, c’est la capacité de défense antimissile, l’état de préparation et la sécurité des bases – et le fait de savoir ce que les Chinois sont en train de faire».

À gauche : Epave d’un avion américain en Iran après l’échec de la mission de sauvetage d’otages connue sous le nom d’OPERATION EAGLE CLAW en avril 1980. À droite : Lire la nouvelle histoire des opérations américaines contre le monde arabe.
La Russie et la Chine parlent peu, mais agissent plus

En redéployant l’Eisenhower de la Méditerranée orientale vers le golfe Persique et la mer Rouge, les États-Unis ont mis le porte-avions hors de portée des Kinjals russes en mer Noire. Toutefois, dans le golfe Persique, l’Eisenhower sera à portée de tir des MiG-31 et des Kinjal de la mer Caspienne, ainsi que d’autres missiles russes à longue portée.

À gauche : Selon une agence de propagande étatique américaine, la Russie a tiré des missiles balistiques à longue portée depuis la mer Caspienne vers des cibles en Ukraine, y compris Kiev, entre mai et octobre 2022 ; la distance de vol était d’environ 1800 kilomètres. À droite : La ligne rouge entre les eaux internationales et l’espace aérien de la mer Caspienne et le milieu du golfe Persique est d’environ 1700 km.

En mer Rouge, la flotte américaine sera à portée de plusieurs types de missiles balistiques iraniens contre lesquels les États-Unis n’ont pas encore effectué d’essais de combat. Cliquez ici pour passer en revue l’arsenal de missiles iraniens, y compris la portée, la charge utile et la précision estimées. De nombreux éléments indiquent que les états-majors de la Russie, de la Chine et de l’Iran se coordonnent actuellement dans le golfe Persique, où un exercice visible de la marine de surface a eu lieu en mars et où, depuis lors, beaucoup de choses sont invisibles en matière de collecte et d’échange de renseignements, de ciblage, de systèmes d’alerte précoce, etc..

Selon cette source, les capacités antiaériennes et de ciblage terrestre du missile DC-10 équipant le destroyer Type-052D de la marine chinoise actuellement dans le golfe Persique «posent un certain nombre de problèmes de sécurité pour les États-UnisLe DH-10 a une faible altitude de vol qui accroît ses capacités de furtivité face aux radars de défense aérienne. Le DH-10 peut également être mis à jour pendant son vol avec de nouvelles données de ciblage, ce qui lui permet de changer de cible. Les capacités furtives employées par le DH-10 lui permettent de confondre ou de déjouer les radars et les défenses autour des navires dans la région».

En mars 2023, Reuters a rendu compte depuis Pékin de l’exercice naval dans le golfe d’Oman avec des navires de la Russie, de la Chine et de l’Iran : «L’édition 2023 des exercices de la «Ceinture de sécurité marine» contribuera à «approfondir la coopération pratique entre les marines des pays participants», a déclaré le ministère chinois de la Défense». (Source : Reuters)

Un journaliste militaire moscovite commente : «Selon moi, les Russes et les Chinois devraient aller droit au but et dire qu’ils peuvent essayer de régler le problème avec Israël, mais qu’il y a une ligne rouge. Évidemment, cette ligne rouge n’a aucun sens si elle n’est pas assortie de la capacité de mettre la menace à exécution».

Selon une source militaire américaine au fait de la situation, il est devenu très dangereux de traîner avec ou près d’Israël. «Je pense que les tirs des Houthis, qu’ils soient un piège ou non, les ont effrayés [le Pentagone]. Le nombre de drones et de missiles «abattus» par Carney ne cesse d’augmenter. Ce ne sont pas seulement les missiles qui les inquiètent. La technologie des drones iraniens et leur capacité à les mettre entre les mains de leurs alliés doivent susciter l’inquiétude. Ce qui les effraie dans la force opérationnelle chinoise, c’est la portée de ses missiles de croisière ainsi que sa capacité à se connecter aux radars de défense aérienne et aux réseaux de ciblage iraniens et (je suppose) russes. Ils se sont tous entraînés ensemble».

«Toutes les bases américaines et alliées de la région sont désormais placées sous le parapluie conjoint et solidaire de la Russie, de l’Iran et de la Chine. En bref, un piège».

source : Real Clear Politics

REMARQUE : Sur le front sud-ouest d’Israël, l’Égypte met en place des forces blindées dans la région d’El Arish-Rafah. Les rapports des médias du Qatar suggérant que la raison en est la lutte contre les Palestiniens se déplaçant dans le Sinaï à partir de Gaza sont faux.

«Des sources locales et des témoins oculaires ont rapporté à la Fondation du Sinaï l’arrivée d’importants renforts militaires dans la zone frontalière de Rafah jeudi après-midi [19 octobre]. Les sources ont déclaré que les renforts comprenaient des officiers, des soldats, des véhicules militaires, des jeeps et des chars». (source : https://twitter.com)

Source : John Elmer

  1. La désapprobation des électeurs américains à l’égard de la politique étrangère du président Biden ne cesse de croître ; l’écart négatif actuel de 19 points s’approche du niveau le plus élevé jamais atteint au cours du mandat de Biden. Son voyage en Israël et son soutien inconditionnel à la guerre israélienne contre les Palestiniens ne lui ont rien apporté de la part des électeurs américains.

Radars israéliens détruits dans le Nord. Américains tués, blessés, kidnappés/capturés en Israël. Intentions nucléaires

par Hal Turner - Le 09/10/2023.

À 10 h 51 HAE le dimanche 8 octobre 2023, il est confirmé que trois stations radar israéliennes dans le nord ont été attaquées et détruites. Israël n’a pas de radar pour surveiller le Liban. Il est également confirmé que des Américains ont été tués, blessés et capturés/kidnappés en Israël.

Du jour au lendemain, après ce qui fut le «premier jour» de la lutte entre le Hamas et Israël, un véritable tsunami de propagande a déferlé sur Internet et dans les médias. Le volume de la propagande est extraordinaire. Cela rend très difficile la distinction entre la vérité et la fiction.

Il y a un effort INTENSE pour promouvoir et propager les victimes israéliennes – et ce n’est pas grave, je suppose ; ils sont en fait victimes d’un véritable conflit. Mais il y a aussi un effort absolument sans précédent pour supprimer et censurer tout ce qui concerne les Palestiniens. C’est presque comme si le public était manipulé pour qu’il considère TOUS les Israéliens comme des «victimes» et TOUS les Palestiniens comme des auteurs de violences animales.

Les sources officielles sont très réticentes à fournir des informations Intel aujourd’hui. C’est comme si un couvercle géant s’était refermé sur des informations factuelles ; seul «le récit» officiel est autorisé à sortir.

J’ai dû adapter la manière dont j’obtiens l’information.

Voici ce que je peux confirmer :

Mes anciens collègues de la communauté Intel, issus de mes années de travail avec la Force opérationnelle conjointe contre le terrorisme (JTTF) du FBI, confirment qu’il y a plus d’une semaine, des troupes régulières de l’armée ukrainienne en uniforme, portant un drapeau et une pièce d’identité, ont attaqué les troupes du Wagner PMC… au SOUDAN. Vous savez, l’Afrique !

J’ai également découvert que le Mossad avait saboté/brûlé/fait exploser des usines de drones iraniennes pour empêcher l’Iran d’aider la Russie.

J’ai également découvert que des avions remplis d’armes militaires israéliennes avaient été envoyés à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, quelques jours et semaines avant que l’Azerbaïdjan ne lance une autre attaque militaire contre l’Arménie la semaine dernière, s’emparant de Nagorno-Karaback et forçant 100 000 chrétiens arméniens à fuir pour sauver leur vie.

Ce qui se passe actuellement en Israël est une revanche :

– Récompense de la Russie pour l’aide d’Israël à l’Ukraine.
– Remboursement pour les avions chargés d’armes à destination de Bakou, en Azerbaïdjan, et
– Remboursement à Israël qui a fait exploser des usines de drones iraniennes. 

C’est également une revanche de la part de l’Iran pour toutes les frappes aériennes menées par Israël contre les forces iraniennes en Syrie au cours des deux dernières années. 

Enfin, c’est également une récompense de la part de l’Arménie pour ce qu’Israël a aidé l’Azerbaïdjan à faciliter la saisie du Haut-Karabakh.   

La partie la plus intéressante ? L’Iran a utilisé les 6 milliards de dollars débloqués par l’administration Biden il y a deux semaines pour financer le déclenchement des hostilités aujourd’hui !

J’ai également découvert que cette récompense ne va pas s’arrêter. C’est en fait «la guerre».

De plus, je peux désormais confirmer positivement :

Ce matin, le cabinet de sécurité israélien a invoqué l’article 40A de la «Loi sur les situations d’urgence» – GUERRE.

Donc ce matin, il est absolument «officiel» qu’Israël est en guerre. C’est la première fois que cet article est invoqué en Israël depuis la guerre de 1973.

Israël a décidé d’engager des troupes dans une INVASION TERRESTRE de la bande de Gaza. Porte à porte. De maison en maison.

Cela va être un véritable bain de sang.

*

Je peux aussi positivement confirmer :

L’ambassadeur israélien à Moscou, Alexandre Ben Zvi, a déclaré au gouvernement russe :

«Israël considère Téhéran comme l’un des coupables de l’attaque du Hamas».

Il a ensuite déclaré à la Russie : «C’est ainsi que nous avons tranquillement approché le seuil de l’utilisation réelle des armes nucléaires israéliennes contre l’Iran, et une démonstration de ce que signifie le terme «menace à l’existence de l’État»… de la part de la Russie. «Fondements de la politique d’État dans le domaine de la dissuasion nucléaire».

Je peux maintenant aussi positivement confirmer : 

La bande de Gaza compte quelque 2,3 millions d’habitants. Environ la moitié sont des hommes. Si cette moitié, ou une bonne partie, venait en Israël avec les armes, les Israéliens seraient dépassés. Ainsi, l’ambassadeur à Moscou a déclaré aux Russes qu’Israël envisageait d’utiliser des bombes nucléaires «tactiques» plus petites contre Gaza, au cas où Israël serait envahi. Idem en Cisjordanie.

Enfin, l’ambassadeur d’Israël à Moscou a déclaré au gouvernement russe que, étant donné qu’Israël considère l’Iran comme le principal responsable de l’attaque en cours, Téhéran serait frappé par des «bombes nucléaires stratégiques» bien plus puissantes, tout comme le ferait Téhéran… Damas, Syrie, pour être le point de coordination du Hamas et de l’Iran.

(Biblique : Damas, un tas de ruines ?????)

Ainsi, il y a désormais un débat réel et actif au sein du gouvernement israélien sur l’utilisation potentielle des armes nucléaires.

Si les musulmans commencent à envahir Israël, là où son existence est menacée, alors Israël fait déjà savoir qu’il utilisera l’option Samson et éliminera un grand nombre de personnes.

Massage des troupes du Hezbollah

Le Hezbollah au Liban rassemble déjà des troupes et déplace des lance-roquettes. Le Hezbollah a clairement indiqué hier que si Israël lançait une guerre terrestre dans la bande de Gaza, le Hezbollah attaquerait depuis le nord.

Ce matin, des avions de combat israéliens survolent le ciel du Liban jusqu’à Kersewan, au nord du Liban.

Il y a eu quelques tirs de mortiers sur Israël depuis le Liban, et des tirs d’artillerie correspondants depuis Israël, mais ces incidents ne correspondent même pas à la description d’une escarmouche.

Radar «assommé»

La grande nouvelle ce matin est que TROIS (3) stations radar israéliennes dans le nord ont été attaquées avec succès depuis le Liban et à 10h51 HAE ici dans le fuseau horaire de l’Est des États-Unis, ces trois stations radar sont HORS LIGNE. Pendant une brève période aujourd’hui, Israël n’a eu aucune couverture radar efficace de sa frontière nord. Depuis, ils ont déplacé des radars militaires portables montés sur camion vers de nouvelles positions pour rétablir la couverture.

Les Taliban à Jérusalem ?

Les Taliban afghans ont conclu un accord satisfaisant avec l’Iran, dans lequel l’Iran autorisera les forces armées talibanes à traverser le pays avec l’intention d’entrer en Israël pour s’emparer de Jérusalem. Mais les talibans se sont heurtés à plusieurs obstacles en cours de route.   

L’Irak n’a pas répondu à la demande des talibans d’autorisation de traverser le territoire irakien.

La Jordanie a catégoriquement et explicitement INTERDIT aux Taliban d’entrer dans leur pays.

Ainsi, d’un point de vue politique, les États arabes sont désormais considérés comme des traitres agissant comme un bouclier contre le traitement réservé aux Palestiniens par Israël.

Dans et autour de Gaza 

Le Hamas affirme que ses combattants combattent toujours dans le sud d’Israël, notamment à Ofakim, Sderot, Yad Mordechai, Kfar Azza, Beeri, Yatid et Kissufim. Attention, c’est le territoire israélien.

«Israël évacuera tous les habitants vivant dans les villes proches de la frontière avec Gaza dans les 24 heures».

Israël s’est mis dans une situation difficile avec Gaza au fil des années, ce n’est donc pas si facile.

Gaza a été aménagée comme une prison à ciel ouvert et murée, où les bons détenus peuvent sortir pendant la journée et faire des travaux de conciergerie pour les élus (leurs mots – pas les miens) pour survivre. Puis revenir par les portes à la tombée de la nuit.

En théorie, Israël ne peut pas faire exploser toute une ville fortifiée qu’il a créée et tuer tout le monde, car alors tout le monde crierait au génocide. Mais apparemment, tout le monde est d’accord avec le statu quo dans la configuration des pénitenciers ouverts, pour une raison quelconque.

Donc, l’idée initiale est qu’Israël se contentera de bombarder ici et là et de raser suffisamment de bâtiments pour faire croire à tout le monde qu’il a reçu une récompense et ce sera tout. Il en a toujours été ainsi. Mais personne n’en est aussi sûr cette fois-ci. Cela pourrait finir par être un véritable génocide de Gaza.

L’armée israélienne a ordonné la fermeture de toutes les stations balnéaires proches de la frontière avec le Liban.

Le plus intéressant ce matin jusqu’à présent : Les armes américaines laissées en Afghanistan ont été utilisées pour attaquer Israël.

Un commandant de haut rang des Forces de défense israéliennes (FDI) a déclaré que les armes américaines laissées en Afghanistan par l’administration Biden avaient été retrouvées entre les mains de groupes palestiniens actifs dans la bande de Gaza.

source : Hal Turner Radio Show via La Cause du Peuple

Passer de l’invraisemblable guerre altruiste à la guerre ethnique

Source : The Saker francophone - Le 26/10/2023.

 

Un Occident partageant les mêmes idées culturelles peut-il “s’imaginer” dans une guerre culturelle totale contre les valeurs de la Russie ?


Par Alastair Crooke – Le 2 octobre 2023 – Source Strategic Culture

“L’ordre international fondé sur des règles n’a pas été aussi menacé depuis les années 1930” , écrit le professeur d’affaires étrangères Walter Russell Mead :

L’ONU était censée être le joyau de la couronne de l’ordre fondé sur des règles… mais depuis quelque temps, elle ne cesse de s’enfoncer. Parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, seul Joe Biden a pris la peine de se présenter à l’Assemblée générale la semaine dernière. Emmanuel Macron était trop occupé … [et] Rishi Sunak a été le premier premier ministre [britannique] en dix ans à ne pas assister à la réunion annuelle. Poutine et le Chinois Xi Jinping ont également renoncé à la réunion de l’ONU … Il fut un temps où les gens s’en seraient souciés …

Si vous aviez regardé les images diffusées depuis l’Assemblée générale au moment où Zelensky s’exprimait, vous auriez vu que l’auditorium était presque entièrement vide ou, au mieux, rempli au tiers. Le Premier ministre Netanyahou s’est également adressé à l’Assemblée générale, tout comme le chancelier Scholtz, qui s’est à nouveau adressé à une poignée de preneurs de notes de la délégation.

Le fond du problème est qu’il n’y a pas de passion. Personne dans la majorité mondiale n’est particulièrement intéressé par l’écoute des dirigeants occidentaux, avec leur litanie de fixations culturelles, alors que les problèmes de la “vie” de leurs sociétés se transforment en véritable crise. Un commentateur a qualifié le discours occidental d’“ennuyeux” ; “la véritable effervescence, c’est en Asie” .

Ces commentaires reflètent la façon dont, pour les observateurs extérieurs, la politique occidentale est devenue une morne prise de contrôle des institutions de l’État par des bureaucrates de haut ou de moyen rang, avec pour mission d’imposer de nouvelles normes culturelles/morales, avec peu ou pas de participation ou de protestation de la part des masses. Ces “révolutionnaires” bureaucratiques remodèlent les anciennes institutions étatiques pour transformer l’État du haut vers le bas, à la recherche d’une hégémonie culturelle à la Gramsci.

Au départ, ils peuvent y parvenir sans violer les lois et les constitutions de l’ancien système, mais c’est de plus en plus souvent ce qui se fait aujourd’hui. À un moment donné de ce parcours, l’altruisme disparaît et la loi est utilisée comme une arme contre le peuple.

L’ennui général – si visible à l’AG de l’ONU – découle de l’incapacité des strates dirigeantes à fournir des solutions utiles, raisonnables ou efficaces, à un moment de crise palpable.

Dans un article du Wall Street Journal, Gerard Baker, rédacteur en chef, écrit que l’ordre moral culturel actuel est “déjà en train de s’effondrer” :

Ce nouvel édifice a été construit autour de trois piliers principaux : premièrement, la primauté éthique de l’obligation à l’échelle mondiale – sur l’intérêt personnel national, mais plus directement, et par voie de conséquence, dans le rejet de la moralité des frontières nationales – et l’adoption de quelque chose comme la porte ouverte à l’immigration.

 

Deuxièmement, une croyance quasi-biblique dans le catastrophisme climatique, selon laquelle le péché essentiel de l’homme, consommateur d’énergie, ne peut être expié que par un sacrifice massif du progrès économique.

 

Troisièmement, une auto-annulation culturelle globale dans laquelle les vertus, les valeurs et les réalisations historiques de la civilisation traditionnelle sont rejetées et remplacées par une hiérarchie culturelle qui inverse les vieux préjugés et oblige la classe des hommes blancs hétérosexuels à reconnaître leur histoire d’exploitation et à se soumettre à une réparation sociale et économique complète.

 

“Chacun de ces trois piliers à travers l’Occident – sur trois continents – s’effondre” , écrit Baker. C’est peut-être vrai. Mais il n’y a guère de signes de recul de la part des zélateurs de cette culture. Au contraire, ils redoublent d’efforts. C’est devenu une question existentielle, les “traditionalistes” occidentaux considérant les questions culturelles comme une question de vie ou de mort. Il s’agit d’une lutte radicale meurtrière.

Néanmoins, ce qui transparaît, c’est que le zèle révolutionnaire des mondialistes reste apparemment intact. L’objectif des mondialistes, tout d’abord, reste de hâter l’avènement d’une communauté mondiale élargie adhérant à leur nouvel ordre moral – celui de la diversité, de la fierté, des droits des transgenres et de la réparation des discriminations et des torts historiques.

Le second objectif est de superviser l’assimilation des autres États-nations dans cette nouvelle sphère culturelle de conformité et d’homogénéité par le biais d’un “ordre fondé sur des règles” , dont le sous-texte est un contenu “moral” universel.

Ces deux objectifs se sont traduits par une vaste expansion des efforts occidentaux (en particulier américains) de promotion de la démocratie visant à promulguer cette nouvelle culture.

Cette vision a été étayée par deux événements clés : l’implosion de l’Union soviétique et la publication concomitante de La fin de l’histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama, qui affirmait qu’une progression humaine linéaire vers le haut – basée sur les modèles politiques, économiques et culturels occidentaux – était notre destinée humaine inexorable.

Cependant, la promotion de la démocratie n’était pas une nouveauté. Et pour être clair, les premières expériences européennes de démocratisation révolutionnaire ont eu leur côté sombre et sanglant (tout comme les révolutions colorées ont eu le leur). Gordon Hahn l’a noté,

Les dirigeants révolutionnaires français avaient indiqué où leur mouvement mènerait, mais peu d’entre eux semblaient tenir compte de leurs paroles. Alors qu’ils massacraient des dizaines de milliers de personnes et enrôlaient de force plus d’un million de Français dans la première armée de conscription de masse […], ils déclaraient ouvertement qu’ils le faisaient pour répandre le républicanisme démocratique par la violence.

La France a jeté le gant de la révolution aux pieds de tous les monarques d’Europe. L’organisateur de l’armée révolutionnaire française, Lazare Carnot, avertit le monde : “Plus de manœuvres, plus d’art militaire, mais le feu, l’acier et le patriotisme. Il faut exterminer ! Exterminer jusqu’au bout !” .

Thomas Jefferson pensait que le destin de la Révolution française déterminerait le sien – et espérait que la première s’étendrait à toute l’Europe. Tout en déplorant le carnage, Jefferson le jugeait nécessaire. En janvier 1793, il déclare “La liberté de la terre entière dépendait de l’issue de ce conflit […] Je préférerais voir la moitié de la terre désolée plutôt que tout ceci n’échoue.” (Enthousiasme qu’il a rétracté par la suite).

Le successeur de Carnot, Napoléon Bonaparte, a réalisé les rêves impériaux des révolutionnaires, qui n’étaient pas tant axés sur la démocratie que sur sa propre gloire (et celle de la France).

En fait, c’est Napoléon qui a créé la première hégémonie étatique basée sur un “Ordre” universel fondé sur la loi et la réglementation. En 1803, l’armée napoléonienne, forte de 600 000 hommes, envahit la Russie. La marche des Russes sur Paris et la formation du Concert de l’Europe mettent fin à l’hégémonie des Bonaparte. En substance, la Révolution française, qui a propagé la “guerre totale” , l’idée d’État-nation et un ethos révolutionnaire, n’a cessé d’affliger la Russie et l’Occident depuis lors.

Après la Seconde Guerre mondiale, le révolutionnarisme américain s’est d’abord appuyé sur l’“ethos de la victoire” découlant des “succès” américains de la guerre froide (élimination du communisme dans les États européens et intégration de l’Europe de l’Est dans l’OTAN). Le “programme culturel/moral” à part entière n’est apparu qu’avec les administrations Obama-Biden.

C’est dans ce contexte que l’Occident s’est mis à convoiter l’Ukraine, comme la charnière autour de laquelle la Russie pourrait être entravée. Brzezinski avait identifié l’Ukraine comme le talon d’Achille potentiel de la Russie, en raison précisément des divisions ethnoculturelles de l’Ukraine qui pourraient être exploitées pour affaiblir la Russie. Ce point est crucial pour déterminer l’impulsion qui sous-tend la guerre en Ukraine aujourd’hui.

La guerre en Ukraine n’a rien à voir avec la “promotion de la démocratie” . Les services de renseignement occidentaux ont toujours entretenu des liens étroits avec l’ultranationalisme ukrainien, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est possible que ces ultranationalistes engagés aient été considérés comme le matériau idéal pour déclencher une guerre contre tout ce qui est russe – ce que Brzezinski avait à l’esprit lorsqu’il a rédigé son Grand échiquier en 1997.

Quoi qu’il en soit, c’est sur ce pilier particulier – la mobilisation ethnoculturelle contre la présence, la culture et la langue russes en Ukraine – que les services de renseignement occidentaux se sont concentrés. Ces services et le département d’État américain se sont efforcés de placer des membres de ce groupe à des postes clés dans la politique, la sécurité et l’armée en Ukraine – des initiatives qui ont été accélérées à la suite du coup d’État de Maïdan.

Aujourd’hui, le résultat évident est que Zelensky est paralysé par la primauté politique de la droite dure, qui refuse toute négociation avec la Russie et se limite à exiger la capitulation de Moscou.

La débâcle parlementaire canadienne de la semaine dernière a involontairement donné un aperçu de l’ancrage de l’électorat ukrainien ultranationaliste qui a été autorisé à pénétrer dans les États occidentaux – y compris aux États-Unis et au Canada – à la suite de la Seconde Guerre mondiale, lorsque le Parlement canadien a ovationné un ancien membre de la Waffen SS lors d’une visite de Zelensky au Parlement canadien. Yaroslav Hunka faisait partie des quelque 600 membres de la division SS de Galicie qui ont été autorisés à s’installer au Canada après la guerre. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que ce groupe d’intérêt au Canada, et ses analogues ailleurs, constitue l’épine dorsale du soutien des lobbyistes à Kiev, et qu’il est le plus étroitement lié à l’État profond des États-Unis.

Revenons à la doctrine Brzezinski : Cet imbroglio canadien nous rappelle-t-il que l’intrigue secondaire conçue à l’origine par Brzezinski était une guerre culturelle axée sur l’identité ? Il est certain que les responsables ukrainiens ont embrassé à plusieurs reprises l’objectif de nettoyer l’Ukraine de tout ce qui est russe. La promotion de la démocratie a pu être un prétexte, mais la partie la plus discrète a toujours été de fomenter une violente animosité envers les Russes – et envers la Russie, en tant qu’“idée” culturelle.

Cela soulève une question importante : Un Occident partageant les mêmes idées culturelles peut-il “s’imaginer” dans une guerre culturelle totale contre les valeurs de la Russie ?

L’objectif des dirigeants occidentaux depuis un an et demi pourrait-il être d’utiliser l’ultranationalisme ukrainien pour provoquer une guerre identitaire et culturelle plus large contre la Russie, par l’intermédiaire de leur mandataire ukrainien ?

Peut-être que le soin scrupuleux de Poutine à éviter de donner à l’Occident des motifs à réclamer vengeance (malgré d’innombrables raisons de le faire) reflète-t-il une compréhension du fait que certains éléments de la direction actuelle de l’Occident sont dangereusement agressifs et recherchent activement la guerre.

Nous entendons aujourd’hui dans certains milieux des échos des sentiments exprimés par Jefferson en 1793 : “La liberté de la terre entière dépendait de l’issue conflit […] Je préférerais voir la moitié de la terre désolée plutôt que tout ceci n’échoue” . Nous voyons également des survivances de Jefferson dans le fait que les dirigeants de Bruxelles brandissent ostensiblement et avec un zèle excessif les couleurs et les symboles culturels de l’Ukraine afin de souligner le fossé qui sépare leurs valeurs de celles de la Russie “autocratique” .

La question qui se pose ici est la suivante : Le germe d’une guerre révolutionnaire, totale, culturelle et identitaire, est-il le signe d’une intention ultime ? Historiquement, la guerre totale est facilement délestée de l’invraisemblable altruisme démocratique, à mesure que les flammes de la haine ethnique s’installent.

Heureusement, il semble que cette issue cataclysmique soit susceptible d’être évitée, car l’offensive ukrainienne se replie. Les Russes n’oublieront cependant pas l’animosité manifestée par de nombreux Européens à l’égard de la Russie, de ses sportifs, de ses artistes et autres.

L’impulsion ultime des intentions des faucons occidentaux derrière cette guerre doit être laissée à l’histoire.

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

 

 

La tragédie palestinienne : Cui bono ?

par Pepe Escobar - Le 25/10/2023.

Dans l’état actuel des choses, nous avons trois victoires pour l’Hégémon et une victoire pour sa nation porte-avions en Asie occidentale.

À l’heure actuelle, on sait parfaitement à qui profite de l’horrible tragédie palestinienne.

En l’état actuel des choses, nous avons trois victoires pour l’Hégémon et une victoire pour sa nation porte-avions en Asie occidentale.

Le premier gagnant est le parti de la guerre, une vaste escroquerie bilatérale. La demande supplémentaire de 106 milliards de dollars adressée par la Maison-Blanche au Congrès pour «l’assistance», en particulier à l’Ukraine et à Israël, est une manne du ciel pour les tentacules de l’armement du MICIMATT (complexe militaire-industriel-congrès-renseignements-médias-université-groupe de réflexion, selon la définition légendaire de Ray McGovern).

La laverie automatique va fonctionner à plein régime, avec notamment 61,4 milliards de dollars pour l’Ukraine (plus d’armes et reconstitution des stocks américains) et 14,3 milliards de dollars pour Israël (principalement un «soutien» à la défense aérienne et antimissile).

Le deuxième gagnant est le Parti démocrate, qui a réussi à obtenir un changement de discours inévitable par rapport à l’échec spectaculaire du projet Ukraine ; cependant, cela ne fera que repousser l’humiliation de l’OTAN en 2024, qui réduira l’humiliation de l’Afghanistan au statut de jeu d’enfant dans un bac à sable.

Le troisième gagnant met le feu à l’Asie occidentale : La «stratégie» néoconservatrice straussienne conçue comme une réponse au prochain BRICS 11, et tout ce qui concerne l’intégration de l’Eurasie qui a été avancé lors du Forum de la Ceinture et la Route à Pékin la semaine dernière (notamment près de 100 milliards de dollars en nouveaux projets d’infrastructure/développement).

Ensuite, il y a l’accélération vertigineuse du projet parrainé par les maniaques sionistes génocidaires : Une solution finale à la question palestinienne, mêlant rasage de Gaza, exode forcé vers l’Égypte, Cisjordanie transformée en cage et, à l’extrême, une «judaïsation d’Al-Aqsa», avec une destruction eschatologique du troisième lieu saint de l’islam, qui sera remplacée par la reconstruction du troisième temple juif.

La «bromance aristocratique» entre en scène

Tout est bien sûr lié. De vastes pans de l’État profond américain, en tandem avec le combo «Biden» dirigé par les néocons, peuvent profiter de cette nouvelle manne aux côtés de l’État profond israélien – leur bulle étant protégée par un barrage de propagande massif diabolisant toute forme de soutien au sort des Palestiniens.

Mais il y a un problème. Cette «alliance» vient de perdre – peut-être irrémédiablement – l’écrasante majorité du Sud mondial/Majorité mondiale, qui est viscéralement palestinienne. Les Palestiniens très instruits qui vivent à Gaza et souffrent de l’indicible, dénoncent farouchement les rôles ambigus de l’Égypte, de la Jordanie et des Émirats arabes unis, tout en faisant l’éloge de la Russie, de l’Iran et, parmi les nations arabes, du Qatar, de l’Algérie et du Yémen.

Tout ce qui précède témoigne d’une continuité frappante depuis la fin de l’URSS. Washington a refusé de dissoudre l’OTAN en 1990 pour protéger les immenses profits des tentacules militarisés du MICIMATT. La conséquence logique a été que l’hégémon et l’OTAN en tant que Robocop mondial, en tandem, ont tué au moins 4,5 millions de personnes en Asie occidentale tout en déplaçant plus de 40 millions de personnes, puis ont tué, par procuration, au moins un demi-million de personnes en Ukraine tout en déplaçant plus de 10 millions de personnes. Et ce n’est pas fini.

Contrairement à l’Empire du Chaos, du Mensonge et du Pillage, le Sud et la majorité mondiale voient l’émergence de ce qu’un érudit chinois sophistiqué a délicieusement décrit comme une «bromance aristocratique» au centre du «nœud actuel de l’histoire universelle».

La preuve en est le commentaire de Vladimir Poutine : «Je ne peux pas faire l’éloge de Xi Jinping parce que ce serait comme si je me faisais l’éloge de moi-même & ce serait une chose embarrassante à faire».

Oui : Poutine et Xi – ces «méchants autocrates» pour les libéraux totalitaires atlantistes – sont des copains de cœur et en fait des âmes sœurs. Cela conduit notre universitaire chinois à approfondir non seulement leur compréhension mutuelle, mais aussi les liens de plus en plus complexes entre les trois derniers États-civilisations souverains, à savoir la Chine, la Russie et l’Iran : La Chine, la Russie et l’Iran.

Notre chercheur chinois montre que Poutine et Xi «ont pratiquement la même lecture de la réalité géopolitique», outre le fait qu’ils sont les dirigeants de deux des trois véritables souverains, et qu’ils sont «désireux et capables d’agir correctement» afin de mettre un terme à la matrice hégémonique :

«Ils ont la compréhension, la vision, les outils de pouvoir, la volonté et actuellement les circonstances favorables leur permettant de mettre des limites définitives aux prétentions de l’establishment anglo-américano-sioniste».

Il n’est donc pas étonnant qu’ils soient craints, méprisés et décrits comme des «menaces existentielles» pour la «civilisation occidentale».

Dmitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité de la Russie, qui a les yeux rivés sur la realpolitik, se permet une évaluation beaucoup plus directe : «Sous l’impulsion des États-Unis, le monde ne cesse de s’enfoncer dans un abîme. Les décisions prises indiquent clairement non seulement une détérioration mentale irréversible, mais aussi la perte des derniers lambeaux de conscience. Ces décisions, qu’elles soient importantes ou mineures, sont des symptômes flagrants de la maladie sociale épidémique».

La frénésie d’Israël à élever le concept de «crimes contre l’humanité» à un tout autre niveau correspond bien à la définition d’une «maladie sociale épidémique», et même pire. Tel-Aviv s’est engagé sur la voie de l’effacement de toute empreinte culturelle, religieuse et civique dans le nord de la bande de Gaza, de sa destruction, de l’expulsion de ses habitants et de son annexion. Tout cela est pleinement légitimé par «l’ordre international fondé sur des règles» et ses vassaux les plus modestes.

Entraîner l’Asie occidentale dans la guerre

Il est toujours instructif de comparer le rêve israélien d’une solution finale avec les faits sur le terrain. Appelons donc le lieutenant-général Andrey Gurulev, membre de la commission de la Douma d’État chargée d’examiner les dépenses du budget fédéral consacrées à la défense nationale, à la sécurité nationale et au maintien de l’ordre, et membre de la commission de la Douma chargée de la défense.

Voici les principaux points soulevés par Gurulev :

«Les bombardements israéliens n’ont aucun effet militaire».

«Les personnes armées en Palestine sont dans des abris, les civils meurent dans des immeubles résidentiels. Nous avons vécu cela en Syrie, quand à Damas, par exemple, ils étaient installés dans des tunnels souterrains et n’en sortaient qu’en cas de nécessité. Le Hamas s’est préparé à 100%, ce n’est pas sans raison qu’ils ont fait cela, ils ont des réserves d’armes et de nourriture (…) Les Israéliens sont montrés en colonnes sur des chars, sur des véhicules de combat d’infanterie, qu’est-ce qu’ils attendent ? Ils attendent que des drones les survolent ? C’est ce que nous avons vécu lors de l’opération militaire spéciale. Les chars en zone urbaine sont pratiquement inefficaces».

«Les Américains essaient d’entraîner le Moyen-Orient dans la guerre ; apparemment, ils ont décidé de ne pas se tenir cérémonieusement aux côtés d’Israël ; dans ce cas, les dommages causés à Israël seraient inacceptables».

«Sur les deux groupes de porte-avions en Méditerranée. À bord de ces navires, selon mes calculs, il y a environ 750 à 800 missiles Tomahawk, qui couvrent une bonne partie du territoire de la Fédération de Russie (…) Notre président a immédiatement décidé de mettre des Mig-31 équipés de missiles Kinjal en service de combat. Pour une raison quelconque, tout le monde s’imagine qu’un avion équipé d’un Kinjal va voler quelque part, le long de la mer Noire, mais les choses sont beaucoup plus globales. Tout d’abord, il s’agit de l’utilisation de tous les systèmes de reconnaissance reliés à un système d’information unique, avec l’envoi d’instructions de ciblage spécifiques aux points de contrôle. Si un avion entre dans l’espace aérien de la mer Noire, il doit avoir un échelon de soutien qui le protège des attaques aériennes ennemies, des systèmes de défense aérienne et de tout le reste. Il s’agit d’un ensemble de mesures visant à dissuader l’agresseur américain d’attaquer le territoire de la Fédération de Russie. Nous avons devant nous deux groupes de porte-avions, équipés jusqu’aux dents, capables d’atteindre des cibles sur le territoire de notre pays. Nous devons réagir normalement».

«Si tout le Moyen-Orient est entraîné dans la guerre, que des groupes de porte-avions tentent de frapper le territoire de l’Iran, alors l’Iran ne restera pas silencieux, ils ont des cibles prêtes, tous les objets critiques, ils les attaqueront de différentes manières, malgré le Dôme de fer et tout le reste».

Les analystes du Pentagone comprendront certainement ce que dit Gurulev. Mais pas les psychopathes néoconservateurs straussiens.

Alors que «le long nuage noir arrive», pour faire référence à Bob Dylan, il est instructif de prêter une attention toute particulière aux voix de l’expérience.

C’est ainsi que nous nous tournons vers le Dr Mahathir Mohamad : 98 ans (non, pas Kissinger) ; il a passé toute sa vie d’adulte en politique, la plupart du temps en tant que Premier ministre d’une nation très importante (la Malaisie) ; il connaît très bien tous les dirigeants du monde, y compris ceux des États-Unis et d’Israël ; et à ce stade avancé de sa vie, il n’a peur de rien et n’a rien à perdre.

Le Dr Mahathir va droit au but :

«…Le nœud du problème est que toutes ces atrocités commises par Israël sur les Palestiniens découlent du soutien américain à Tel-Aviv. Si le gouvernement américain retirait son soutien à Israël et cessait toute aide militaire au régime, Israël ne pourrait pas perpétrer en toute impunité le génocide et les meurtres de masse des Palestiniens. Le gouvernement des États-Unis doit se montrer honnête et dire la vérité. Israël et ses FDI sont les terroristes. Les États-Unis soutiennent ouvertement les terroristes. Alors, que sont les États-Unis ?»

Inutile de poser la question à ceux qui dirigent actuellement la politique étrangère des États-Unis. Ils seraient à peine capables de contenir l’écume de leur bouche.

Pepe Escobar

source : Strategic Culture Foundation

traduction Réseau International

Un crime se prépare sous nos yeux, l’empêcherons nous ?

par Thierry Meyssan - Le 25/10/2023.

L’armée israélienne se prépare à nettoyer ethniquement la bande de Gaza conformément au vieux rêve des suprémacistes juifs. Cependant, en Israël, et aux États-Unis, de nombreux citoyens s’opposent à ce crime. Tandis qu’au Moyen-Orient, de nombreux volontaires se préparent à les sauver en attaquant l’État hébreu.

Contrairement à la perception que nous avons de ce conflit, l’impossibilité de le résoudre depuis 76 ans ne provient pas de la mauvaise foi de ses protagonistes. Mais de l’absence de choix entre deux systèmes : Un monde «fondé sur des règles» ou «sur le Droit international».

La préparation du crime

Les événements se précipitent en Israël/Palestine. Chacun voit l’armée israélienne se préparer et commencer le nettoyage ethnique de la Bande de Gaza. Le bilan établi par les Nations unies vendredi soir était que déjà un tiers de la ville de Gaza avait été réduit en cendres tandis que presque tous les habitants de la ville avaient fui vers le Sud, sans autre alternative que de camper dans les champs.

Après avoir envisagé de lancer une guerre contre-insurrectionnelle sur le modèle de la bataille d’Alger ou de l’opération Phoenix au Vietnam, l’état-major israélien envisage de raser complétement la ville de Gaza, puis d’envoyer son armée de Terre éliminer les survivants. Selon le ministre israélien de la Défense, ce plan devrait prendre trois mois, selon son homologue états-unien, neuf mois.

Le chef d’état-major de l’armée, le général Herzl Halevi, a déclaré le 21 octobre : «Nous entrerons dans la bande de Gaza pour une mission opérationnelle et professionnelle : Détruire les agents et les infrastructures du Hamas (…) Gaza est complexe et dense, l’ennemi prépare beaucoup de choses là-bas, mais nous nous préparons aussi pour lui».

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’est insurgée, le 14 octobre, contre l’ordre d’évacuation donné par les Israéliens aux hôpitaux de Gaza. Elle a fait remarquer que déplacer des malades en soins intensifs les condamnerait à mort1. Trois jours plus tard, l’hôpital Al Ahli a été détruit. Israéliens et Palestiniens se rejettent la responsabilité de ce massacre. Au demeurant aucun des alliés d’Israël n’a cherché à venir en aide aux Gazaouites. Pourtant, les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni disposent d’hôpitaux de campagne, de médicaments et de nourriture qu’ils peuvent larguer par avion à Gaza. À vrai dire, tous trois se préparaient plutôt à aider l’armée israélienne qu’à venir en aide à une population en détresse.

Les États-Unis ont envoyé à Tsahal des milliers d’obus de 155 millimètres et un nombre indéterminé de bombes pénétrantes Joint Direct Attack Munition (JDAM), capables de tout détruire à 30 ou 40 mètres de profondeur et sur un rayon de 400 mètres.

Israël divisé

Durant des mois, des manifestations monstres ont dénoncé les alliés suprémacistes juifs de Benjamin Netanyahou et la réforme des lois fondamentales plaçant le Pouvoir judiciaire sous le contrôle de l’Exécutif. Rien n’y a fait, le «coup d’État» a eu lieu cet été.

Par «suprémacistes juifs», je désigne le parti Force juive (Otzma Yehudit), héritier assumé du mouvement états-unien, Ligue de défense juive (Jewish Defense League) du rabbin Meir Kahane. Cette organisation s’est opposée à tout contact avec l’Union soviétique et aujourd’hui avec la Russie. Elle a appelé au meurtre de néo-nazis et assassiné le directeur de l’American-Arab Anti-Discrimination Committee. Elle est explicitement raciste et s’oppose à tout mariage entre juifs et goïms (non-juifs). Elle est classée organisation terroriste aux États-Unis depuis 2001. Elle était secrètement financée par Yitzhak Shamir sur les deniers de l’État d’Israël.2

«Divine surprise», l’attaque de la Résistance palestinienne unie (sauf le Fatah), le 7 octobre, a donné l’occasion aux suprémacistes juifs de réaliser leur objectif, maintes fois énoncé :

Nettoyer ethniquement la Palestine des arabes palestiniens, que ce soit par le transfert de sa population ou par son extermination.

Devant l’émotion de la population israélienne et le danger menaçant l’État hébreu, le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, a formé un gouvernement d’urgence comme tous ses prédécesseurs en pareil cas. Cependant, là où il a fallu quelques heures à Golda Meir lors de la guerre des Six jours, il lui a fallu 7 jours lors de l’opération «Déluge d’Al-Aqsa». Un conseil de guerre a été formé, au sein du gouvernement, afin de tenir à l’écart les suprémacistes juifs.

Mais ce cabinet restreint a, dès sa première réunion, été le théâtre d’un affrontement entre les partisans de la destruction de Gaza et ceux d’une opération ciblée contre la Résistance palestinienne. La plupart des ministres se sont contentés de parler en public d’une action contre le Hamas, puisque la censure militaire interdit de rendre compte des actions des autres factions palestiniennes. Le ministre de la Défense, le général Yoav Gallant, s’en est pris à la fois au Premier ministre qu’il juge délirant et à son prédécesseur, le général Benny Ganz, qu’il juge faible. En juin le Premier ministre a interdit à son ministre de la Défense d’entrer dans son bureau au quartier général de l’armée, interdiction toujours maintenue. Il refuse de travailler avec le responsable militaire de la réparation des infrastructures, le général Roni Numa. Il a nommé un haut-fonctionnaire pour faire la même chose que lui, Moshe Edri, mais ce dernier dépend du ministre suprémaciste juif des Finances, Bezalel Smotrich, et les relations entre les militaires et les civils en ce domaine ne sont pas organisées, ni même prévues. Souvenons-nous que le général Numa a dirigé des manifestations contre le Premier ministre, il y a deux semaines. Il a déposé un recours judiciaire contre les «réformes» qu’il qualifie à juste titre de «coup d’État». En outre, plusieurs ministères-clés (Sécurité nationale, Éducation, Information, Renseignement et Culture) n’ont toujours pas de directeurs généraux. La censure militaire qui couvre ce désordre est telle que la ministre de l’Information, Distel Atbaryan, a claqué la porte en pleine guerre.

Avant la guerre, les réservistes assuraient en masse qu’ils n’obéiraient pas à des ordres criminels du gouvernement anti-démocratique de leur pays. Aujourd’hui, ils ont été mobilisés et personne ne sait ce qu’ils feront. Benjamin Netanyahou est venu rendre visite à certains d’entre eux pour s’assurer de leur fidélité. Pour le moment, l’infanterie et la cavalerie (les chars) israéliennes stationnent devant Gaza et devant la frontière libanaise, attendant des ordres qui ne viennent pas. Pourtant, l’armée de l’Air bombarde la ville de Gaza à un rythme jamais vu. Selon les Nations unies, elle a déjà réduit en poussière au moins un tiers de l’agglomération.

Gilad Erdan, ambassadeur israélien à l’ONU, se démène comme il le peut pour que toutes les agences de l’ONU et tous les États-membres condamnent le Hamas. S’il était bien reçu les premiers jours de la guerre, il rencontre de plus en plus de difficultés à faire entendre le point de vue de son pays.

La Résistance divisée

Si la Résistance palestinienne de Gaza est parvenue à se réunifier à la faveur des consultations organisées au début de l’année par l’Iran au Liban, le Fatah du président Mahmoud Abbas poursuit sa politique de collaboration avec Israël. Il ne se gêne pas de dire à tous ses interlocuteurs que lui, seul, n’est pas complice des Frères musulmans (c’est-à- dire du Hamas).

Il espérait probablement rester ainsi le seul fréquentable aux yeux des Occidentaux, mais il a immédiatement perdu toute autorité morale sur les Palestiniens en général et sur ceux de Cisjordanie en particulier. Ainsi lorsque le président états-unien Joe Biden, face aux manifestations qui secouaient la Jordanie, a annulé le sommet qu’il y avait convoqué et auquel le président Abbas devait participer, ce dernier a refusé de prendre le coup de téléphone du premier. La polémique suscitée par la destruction d’un hôpital à Gaza a permis opportunément de masquer les errements de l’Autorité palestinienne qui ne sait plus comment se comporter. Il vient de sanctionner un membre du Comité central du Fatah, Abbas Zaki, qui a fait l’éloge de l’opération «Déluge d’Al-Aqsa» et regretté que le Fatah n’y ait pas participé.

Le Hamas lui aussi est divisé entre les partisans de la Résistance à Gaza et ceux de l’islam politique à l’étranger. Alors que ses combattants se battent ardemment, Khaled Mechaal, président du bureau politique, tout en remerciant le Hezbollah libanais pour maintenir une partie de l’armée israélienne en alerte sur la frontière libanaise, lui a reproché de ne pas en faire assez. Le but de Mechaal (tuer les Israéliens), n’est pas du tout le même que celui du Hezbollah (vaincre l’État d’Israël) et de ses propres combattants du Hamas.

Les États-Unis divisés

Le président états-unien, Joe Biden, s’est rendu en Israël assurer le pays de son soutien. Il n’a pas rencontré les ministres suprémacistes juifs, mais a participé à un conseil de guerre. Il a dit avoir conscience que les Israéliens devaient en finir avec le Hamas. Il a assuré ses interlocuteurs qu’il les fournirait en obus de 155 mn et en bombes pénétrantes… mais il leur a demandé de faire preuve de modération. Ses propos ambigus ont été interprétés comme un laissez-passer par les partisans du nettoyage ethnique, mais comme un ordre de retenue par les autres.

Aux États-Unis, des pacifistes juifs ont manifesté devant le Congrès. La police du Capitole, se souvenant de l’assaut des Trumpistes, les a durement réprimés. 500 d’entre eux ont été arrêtés et pourraient être traduits en justice.

Un haut-fonctionnaire du département d’État, Josh Paul, a démissionné le 18 octobre avec pertes et fracas, accusant l’administration Biden de ne pas avoir de politique et, en définitive, de couvrir un nettoyage ethnique en préparation. Ce n’est pas n’importe qui, après une brillante carrière au cabinet du secrétaire à la Défense, Robert Gates, et au Congrès, il était depuis 11 ans, le directeur du bureau des Affaires politiques et militaires. C’est lui qui validait tous les transferts d’armes.

Sur cette lancée, 441 assistants parlementaires se sont réunis dans un bâtiment adjacent du Capitole pour dénoncer l’absence de conscience de l’administration Biden et des membres des deux assemblées. Si Josh Paul était un juif proche de J Street, le lobby pro-Israélien anti-Netanyahou, ces révoltés sont issus aussi bien de la minorité juive que de la minorité musulmane. Ils ne contestent pas la lutte contre les islamistes politiques du Hamas, ils mettent en garde contre la commission d’un génocide. Tous ont parfaitement conscience que leur prise de position les expose à des licenciements.

Les fonctionnaires du département d’État, quel que soit leur grade dans la hiérarchie, ont la possibilité d’exprimer leur désaccord sur un forum dédié à cet effet. Il s’agit généralement de critiquer les abus d’un chef de service. Cependant, désormais, les fonctionnaires échangent sur la faillite morale de l’administration Biden qui ne tient aucun compte de l’avis de ses experts. Les mails les plus virulents ont été signés par de nombreux collègues de bureau de sorte que ce forum a donné naissance à une mutinerie.3

Mitch McConnell, chef de la minorité républicaine du Sénat, a déposé un projet de résolution visant à interdire l’aide d’urgence à Israël de 14,3 milliards de dollars demandée par le président Joe Biden.

Tim Scott (Républicain, Caroline du Sud), candidat à l’élection présidentielle, a annoncé qu’il refusait de voter pour Israël. Il est le chef des Républicains de la Commission sénatoriale des Banques, du Logement et des Affaires urbaines.

Les vassaux des États-Unis attentistes

Les vassaux des États-Unis persistent à s’aligner aveuglément sur les positions de Washington. Une réunion à huis clos du Conseil de Sécurité des Nations unies a été le théâtre d’une opposition stupide de la représentante permanente des États-Unis, Linda Thomas-Greenfield, avec son homologue russe, Vassily Nebenzia. Alors que les deux pays ont réglé d’un commun accord de nombreuses crises au Moyen-Orient, la tension actuelle entre eux a conduit Washington à utiliser son veto.

La séance portait sur une proposition russe de cessez-le-feu humanitaire immédiat. L’ambassadrice a accusé la Russie de protéger le Hamas parce que son projet de résolution ne le condamnait pas. Or, par principe, toutes les actions humanitaires, depuis Henry Dunant et la création de la Croix-Rouge internationale, ne doivent pas prendre parti dans le conflit où elles interviennent. Que l’on soit choqué par les commandos du Hamas ou par l’armée de l’Air israélienne, on ne doit surtout pas condamner ni l’un, ni l’autre, ni même condamner leurs actions, mais exclusivement venir en aide aux victimes. Or, Washington, adoptant une posture morale borgne et non pas humanitaire ou politique, condamne à tout va. Et il ne désigne pas des actes barbares, mais certains des individus qui les perpètrent.

Au cours de la séance, la France, le Japon et le Royaume-Uni ont tenu des propos similaires à ceux de leur suzerain. La France a utilisé son veto, pour la première fois depuis 1976, donnant ainsi un blanc seing à un génocide en préparation. La réunion s’étant tenue à huis-clos, les Nations unies n’en diffusent ni verbatim, ni même compte rendu, mais l’ambassadeur Nicolas de Rivière l’a reconnu, alors que le quotidien Le Monde l’a nié.

Cette même attitude a été choisie par le Garde des Sceaux français, Éric Dupont-Moretti. Il a souligné devant l’Assemblée nationale que soutenir les suprémacistes musulmans du Hamas, c’était soutenir les actes terroristes qu’il commet, et que cela expose à 5 ans de prison. Certes, mais soutenir les suprémacistes juifs qui ont commencé à détruire la ville de Gaza, est exactement le même délit. Dans un premier temps, la France a interdit les manifestations pro-palestiniennes, jusqu’à ce que le Conseil d’État abroge cette disposition qui viole le droit constitutionnel de manifester ses opinions.

Une seconde séance du Conseil de sécurité a rejeté un projet de résolution identique du Brésil. Celui-ci reprenait explicitement la version officielle selon laquelle l’attaque du 7 octobre avait été perpétrée par le seul Hamas et condamnait l’organisation. Cette fois, ce sont Le Royaume-Uni et la Russie qui l’ont dénoncée. Au final, aucun texte n’a été adopté.

Parallèlement le Qatar est parvenu à faire libérer deux prisonnières états-uno-israéliennes du Hamas, en échange du passage de 20 camions d’aide humanitaire, de 7 camions-citernes de carburant et d’autres engagements non-révélés. Avant la guerre, il en passait au moins 100 par jours. La question des échanges de prisonniers se complexifie : Depuis le début de la guerre, les forces de sécurité israéliennes ont arrêté et incarcéré en prison de haute sécurité 1070 Palestiniens supplémentaires.

Abu Oubaida, le porte-parole des Brigades Izz el-Deen al-Qassam, a déclaré que le Hamas avait envisagé de libérer deux autres prisonniers, mais qu’Israël n’avait pas donné suite à sa proposition.

Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, s’est rendu en Israël après le président états-unien. Il a identiquement apporté son soutien à la riposte israélienne contre le Hamas. Les Défenses du Royaume-Uni et d’Israël sont liées par un Traité, signé il y a deux ans, dont les termes n’ont jamais été rendus publics.

À Londres, 100 000 citoyens ont défilé dans les rues pour tenter de dissuader leur gouvernement de soutenir le crime en préparation. Pour leur répondre, le Jewish Leadership Council a organisé un rassemblement de quelques milliers de personnes à Trafalgar Square.

La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a aussi effectué son pèlerinage à Tel-Aviv. Le président chypriote, Níkos Christodoulídis, le président français, Emmanuel Macron, et le Premier ministre néerlandais par intérim, Mark Rutte, ne devraient plus tarder.

Célébrant sa messe dominicale, le pape François a déclaré : «La guerre, toute guerre dans le monde – je pense aussi à l’Ukraine tourmentée – est une défaite. La guerre est toujours une défaite ; c’est une destruction de la fraternité humaine. Frères, arrête ! Arrête !»

Le Moyen-Orient veut sauver les Palestiniens

Une conférence internationale pour la paix s’est tenue au Caire à l’initiative du président Abdel Fatah Al-Sissi. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, le président du Conseil européen Charles Michel et le Haut-représentant de l’Union Josep Borrell, le roi de Jordanie, Abdallah II, le président de l’Autorité palestinien, Mahmoud Abbas, le président des Émirats arabes unis, Mohamed Ben Zayed, le roi de Bahreïn, Hamad ben Issa al-Khalifa, le prince héritier du Koweït, cheikh Meshal al-Ahmad al-Sabah, le Premier ministre irakien, Mohammad Chia el-Soudani, président chypriote Nikos Christodoulidès, la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis. Au total trente États étaient représentés. Mais ni les États-Unis, ni la Chine, ni la Russie et surtout pas Israël, participaient à ce sommet.

L’émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani, est arrivé auréolé de la libération des «otages US», mais n’a pas prononcé de discours, vu la position anti-Hamas des Occidentaux.

Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avait décliné l’invitation. L’Algérie avait organisé, en octobre 2022, une conférence pour l’unité du peuple palestinien. Elle a amendé la résolution de la Ligue arabe en notant qu’elle se désolidarisait du «deux poids, deux mesures» qui n’établit pas de hiérarchie entre les droits des Palestiniens et les violations qu’Israël en fait.

António Guterres a déclaré que l’attaque du 7 octobre «ne pourra jamais justifier un châtiment collectif du peuple palestinien».

Mahmoud Abbas, quant à lui, a déclaré : «Nous ne partirons pas, nous resterons sur nos terres».

L’Égypte s’accroche à la position de la Ligue arabe de 1969 : Accueillir de nouveaux réfugiés palestiniens serait se rendre complice du nettoyage ethnique de leur patrie historique. Une position intellectuellement juste, mais qui masque mal la crainte d’une invasion palestinienne comme le Liban et la Jordanie l’ont vécue. Les Palestiniens avaient alors tenté de prendre le pouvoir par les armes à Beyrouth (la guerre du Liban), puis à Amman (Septembre noir) et d’y établir par défaut l’État de Palestine.

En définitive, ce sommet n’a servi à rien : Chacun a campé sur ses positions. D’un côté ceux qui voulaient condamner le Hamas, de l’autre ceux qui voulaient soutenir la Résistance palestinienne, dont le Hamas est la principale composante.

Au Moyen-Orient, de nombreux groupes réunissent des volontaires pour sauver les Palestiniens et attaquer Israël. Les Gardiens de la Révolution iraniens tentent de mettre sur pied un état-major commun qui unirait les combattants palestiniens du Hamas, du FPLP et du Jihad islamique, les combattants libanais du Hezbollah, du PSNS et de la Jamaa Islamiya, mais aussi des Jordaniens et des Iraquiens.

Pourquoi nous ne parvenons pas à résoudre ce conflit ?

La division généralisée, dans tous les camps, rend impossible la prise de décision. S’il paraît improbable qu’Israël place son armée au service du projet génocidaire de ses ministres suprémacistes juifs, le temps n’est pas un allié de la paix. Pendant que chaque camp tente d’établir sa position, les bombes continuent à pleuvoir dru sur Gaza et les armes à arriver en Israël. Déjà 1300 morts Israéliens et 4137 Palestiniens.

L’impossibilité de résoudre le conflit israélo-palestinien ne réside pas dans la mauvaise foi israélienne. En réalité nous sommes tous complices : Elle montre l’ineptie du «monde fondé sur les règles» que le président états-unien, Franklin D. Roosevelt, et le Premier ministre britannique, Winston Churchill, tentèrent de créer en 1942-45 et que nous avons acceptés à la dissolution de l’URSS. Il fonctionne à partir des règles édictées par les Anglo-Saxons, aujourd’hui rendues publiques par le G7. Au contraire le secrétaire général du PCUS, Joseph Staline, et le chef du gouvernement français en exil, Charles De Gaulle, exigèrent un «monde fondé sur le Droit international». Dans ce dernier, les États sont souverains et ne sont tenus de respecter que les Traités qu’ils ont signés. C’est sur cette base que les Nations unies furent créées. Il nous appartient de revenir au texte fondateur, la Charte de San Francisco. Appliqué au conflit actuel, cela signifie d’abord pour Israël le respect de sa propre signature portée au bas de sa lettre d’adhésion à l’ONU, et pour l’Autorité palestinienne, celui de sa signature apposée aux Accords d’Oslo.

Thierry Meyssan

source : Réseau Voltaire

  1. «Les ordres d’évacuation adressés par Israël aux hôpitaux du nord de Gaza sont une condamnation à mort pour les malades et les blessés», Organisation mondiale de la Santé, 14 octobre 2023.
  2. «The False Prophet : Rabbi Meir Kahane, From FBI Informant to Knesset Member», Robert I. Friedman, Lawrence Hill Books (1990).
  3. «Exclusive : «Mutiny Brewing» Inside State Department Over Israel-Palestine Policy», Akbar Shahid Ahmed, Huffington Post, October 19, 2023.
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