Ce qui se cache derrière les mensonges de Benjamin Netanyahu et les esquives du Hamas
par Thierry Meyssan
La version officielle de la guerre Hamas-Israël pose plus de questions qu’elle ne permet d’y répondre. L’auteur souligne ici sept contradictions majeures. À la réflexion, le Hamas et
Benjamin Netanyahu, loin d’être des ennemis, agissent de concert sans égard pour la vie des Palestiniens et des Israéliens. Derrière eux les États-Unis et le Royaume-Uni tirent les
ficelles.
Le 22 septembre 2023, 16 jours avant l’attaque de la Résistance palestinienne, Benjamin Netanyahu, s’exprime à la tribune
des Nations unies à New York. Il brandit une carte du « Nouveau Moyen-Orient » sur laquelle Israël a absorbé les Territoires palestiniens.
Nous réagissons à l’attaque contre Israël le 7 octobre et au massacre des civils palestiniens à Gaza en fonction des informations dont nous disposons. Or, nous
sentons bien que la version officielle du gouvernement israélien et du Hamas est mensongère.
Sept questions majeures questions restent sans réponse :
• Comment le Hamas a-t-il pu creuser et aménager 500 kilomètres de tunnels à 30 mètres de profondeur sans éveiller
l’attention ?
Le matériel de forage des tunnels est considéré comme à double emploi civil et militaire. Il n’est pas fabriqué à Gaza et ne peut en aucun cas y entrer, sauf
complicité au sein de l’administration israélienne.
La terre excavée (1 million de m3) n’a pas été repérée par la surveillance aérienne. Même en supposant qu’elle ait été dispersée en de nombreux endroits
différents et mêlée à celle de chantiers en cours, il est impossible que, durant vingt ans, les services de Renseignement israéliens n’aient rien détecté.
Le matériel d’aération des tunnels n’est pas considéré comme à usage militaire. Il est possible de le faire entrer à Gaza, mais la quantité nécessaire aurait
dû attirer l’attention.
Le béton armé nécessaire pour solidifier les parois n’est pas fabriqué à Gaza. Lui aussi, il n’est pas considéré comme un matériel militaire, mais la quantité
nécessaire aurait dû attirer l’attention.
• Comment le Hamas a-t-il pu stocker un tel arsenal ?
Le Hamas, branche palestinienne de la Confrérie des Frères musulmans, dispose d’une grande quantité de roquettes et d’armes de poing. Certes, il a pu
fabriquer lui-même certaines parties des roquettes, mais il est parvenu à importer, principalement d’Ukraine, et à faire entrer des milliers d’armes de poing à Gaza, malgré des scanners très
performants. Cela paraît impossible sans complicité au sein de l’administration israélienne.
• Pourquoi Benjamin Netanyahu a-t-il écarté tous ceux qui l’ont prévenu ?
Le ministre égyptien du Renseignement, Kamel Abbas, lui a personnellement téléphoné pour le mettre en garde contre une attaque majeure du
Hamas. Son ami, le colonel Yigal Carmon, directeur du Memri, l’a personnellement mis en garde contre une attaque majeure du Hamas. La CIA a envoyé à Israël deux rapports de renseignement mettant en garde contre une attaque majeure du Hamas. Le ministre de la Défense, Yoav Galland, a été limogé en juillet parce qu’il avait mis en garde le gouvernement contre la « tempête parfaite »,
préparée par le Hamas.
• Pourquoi Benjamin Netanyahu a-t-il démobilisé les forces de sécurité le 6 octobre au soir ?
Le Premier ministre a autorisé les Forces de sécurité à lever le pied à l’occasion des fêtes de Sim’hat Torah et de Chemini Atseret. Il n’y avait donc pas, au
moment de l’attaque, le personnel nécessaire pour surveiller la barrière de sécurité autour de Gaza.
• Pourquoi les responsables de la Sécurité sont-ils restés enfermés au siège du Shin Bet ce
matin-là ?
Le directeur du contre-espionnage (Shin Bet), Ronen Bar, avait convoqué une réunion des responsables de tous les services de sécurité, le 7 octobre à 8 heures
du matin, pour examiner le second rapport de la CIA alertant sur une opération majeure du Hamas en préparation. Or, l’attaque a débuté le même jour à 6 heures 30. Les responsables de sécurité n’ont pas réagi avant 11 heures. Qu’ont fait ces responsables durant cette
interminable réunion ?
• Qui a enclenché la « directive Hannibal » de cette manière et pourquoi ?
Lorsque les Forces de sécurité ont commencé à réagir, les FDI ont reçu l’ordre d’appliquer la « directive Hannibal ». Celle-ci stipule de ne pas
laisser les ennemis prendre des soldats israéliens en otages, quitte à les tuer. Une enquête de la police israélienne atteste que l’aviation israélienne a bombardé la foule qui fuyait la Rave
Party Supernova. Une part importante des morts du 7 octobre ne sont donc pas des victimes du Hamas, mais de la stratégie israélienne. Or, la « directive Hannibal » ne s’applique en théorie qu’aux soldats. Qui a décidé de bombarder une foule de civils israéliens et
pourquoi ? Il n’est pas possible aujourd’hui de déterminer avec certitude quels Israéliens ont été tués par les assaillants et quels autres l’ont été par leur propre
armée.
• Pourquoi les forces occidentales menacent-elles Israël ?
Le Pentagone a déployé deux groupes navals, autour de l’USS Gerald Ford et de l’USS Eisenhower, et un sous-marin porteur de missiles de croisière, l’USS Florida. Haaretz a même évoqué un troisième porte-avions. Les alliés des États-Unis (Arabie saoudite, Canada, Espagne, France, Italie) ont installé des
chasseurs-bombardiers dans la région. Ces forces ne sont pas installées pour menacer la Türkiye, le Qatar ou l’Iran, que la presse occidentale accuse d’être impliqués dans l’attaque du Hamas, mais au
large d’Israël, à Beyrouth et à Hamat. C’est Israël qu’elles encerclent. Et Israël seul.
QUE CACHENT CES MYSTÈRES ?
À l’évidence la version défendue à la fois par le Hamas et par Israël est fausse. Nous devons envisager d’autres explications possibles afin de ne pas nous faire
manipuler, ni par les uns, ni par les autres.
Formulons une hypothèse. Rien ne permet de dire si c’est la bonne, mais elle est compatible avec les éléments factuels, ce qui n’est pas le cas de la version
aujourd’hui partagée par tous. Elle est donc meilleure que celle-là. Elle est évidemment extrêmement choquante, mais seuls ceux qui sont capables de répondre aux 7 questions précédentes peuvent
l’écarter.
Cette interprétation repose sur une analyse de la structure complexe du Hamas, dont les combattants de base ignorent ce que trament leurs dirigeants. La
voici :
L’ensemble de l’opération du Hamas et d’Israël est pilotée par des États-uniens, peut-être sous la direction du straussien Eliott Abrams [1] et de sa Vandenberg Coalition (Think Tank qui a succédé au Project for a New American Century). La Confrérie des Frères
musulmans et les sionistes révisionnistes, qui apparemment se livrent une guerre cruelle, sont en réalité complices sur le dos des combattants de base du Hamas, sur celui du Peuple palestinien et
sur celui des soldats israéliens. Voici leur plan : le Hamas est présenté comme la seule force de Résistance efficace à l’oppression des Palestiniens, mais il laisse Israël liquider l’espoir
d’un État palestinien, tandis que la Confrérie des Frères musulman, auréolée du sacrifice des Palestiniens, prend le pouvoir dans le monde arabe.
Les chefs de la branche militaire et de la branche politique du Hamas sont tous deux subordonnés au Guide de la Confrérie des Frères musulmans à Gaza, Mahmoud
Al-Zahar, le successeur de cheik Ahmed Yassine, dont pourtant personne ne parle. De son point de vue, la Confrérie sera la grande gagnante du « Déluge d’Al-Aqsa », y compris si Gaza est
rasée et les Palestiniens chassés de leur terre.
Mahmoud Al-Zahar, Guide de la branche palestinienne des Frères musulmans, c’est-à-dire du Hamas. Son autorité
est reconnue à la fois par la branche politique et par la branche combattante de l’organisation. Il déclarait en décembre 2022 : « L’État hébreu n’est que le premier
objectif. La planète entière sera bientôt placée sous notre loi ».
Rappelons que le Hamas est aujourd’hui divisé en deux factions. La première, sous l’autorité d’Ismaël Haniyeh, reste sur la ligne de la Confrérie. Elle ne cherche
ni à libérer la Palestine de l’occupation israélienne, ni à fonder un État palestiniens, mais se consacre à l’édification d’un Califat sur tous les pays du Moyen-Orient. La seconde, sous
l’autorité de Khalil Hayya, a abandonné l’idéologie de la Confrérie, et se bat pour mettre fin à l’oppression du Peuple palestinien par les Israéliens.
La Confrérie des Frères musulmans est une société secrète politique, organisée par les services de Renseignement britanniques sur le modèle de la Grande Loge unie
d’Angleterre [2] Elle a progressivement été récupérée par la
CIA au point d’être représentée au sein du Conseil de sécurité nationale des États-Unis. Après l’effondrement des régimes islamistes du printemps arabe, la Confrérie s’est fracturée en deux
tendances. Le Front de Londres, autour du Guide Ibrahim Munir (mort il y a un an), propose de sortir de la crise en quittant le champ politique et en obtenant la libération des prisonniers en
Égypte. Le Front d’Istanbul, dirigé par le Guide intérimaire Mahmoud Hussein, préconise au contraire de ne rien changer et de continuer la lutte pour instaurer un Califat. Un troisième groupe
tente de fixer une position intermédiaire en avançant l’idée d’abandonner la politique, le temps d’obtenir la libération des prisonniers, pour mieux la reprendre par la suite.
Réunion au Conseil national de sécurité US, le 13 juin 2013 à la Maison-Blanche. On reconnait Gayle Smith
(seconde à droite) et le Frère Rashad Hussain (quatrième à gauche). Le conseiller national de sécurité, Tom Donilon, participait également à la réunion, mais ne figure pas sur la
photo. Surtout, on reconnait le représentant des Frères musulmans et adjoint de Youssef al-Qaradâwî, le cheik Abdallah Bin Bayyah (second à gauche avec le turban).
Source : Confrérie des Frères musulmans
Les Frères musulmans combattent pour prendre le pouvoir dans tous les États arabes, comme ils l’ont fait en Égypte en 2012-13. Rappelons que, contrairement à l’opinion répandue en Occident, Mohamed Morsi n’a jamais été élu démocratiquement président de l’Égypte, ce fut le général Ahmed
Chafik. Toutefois, la Confrérie ayant menacé de mort les membres de la Commission électorale et leurs familles, celle-ci, après 13 jours de résistance, déclara Morsi élu, malgré le résultat des
urnes. Par la suite, en 2013, 40 millions d’Égyptiens défilèrent contre lui, demandant à l’armée de les délivrer des Frères musulmans. Ce que le général Abdel Fatah Al-Sissi fit.
Aujourd’hui, les Frères musulmans ne sont aux affaires qu’en Tripolitaine (Ouest de la Libye) où ils ont été placés au pouvoir par l’Otan. Ils ne sont les
bienvenus qu’au Qatar et en Türkiye (qui n’est pas un État arabe). Ils sont interdits dans la majorité des États arabes, notamment en Arabie saoudite (dont ils ont tenté de renverser le
monarque en 2013) et aux Émirats arabes unis (impliquant la crise entre le Qatar et les autres États du Golfe). Et surtout en Syrie (dont ils ont tenté de renverser le gouvernement en 1982 et
à laquelle ils ont livré une guerre, de 2011 à 2016, aux côtés de l’Otan et d’Israël). Ils sont sur le point de l’être en Tunisie (qu’ils ont dirigée durant une décennie).
Si le véritable objectif de ce massacre n’est pas le statut de la Palestine, mais la gouvernance des États arabes, nous devons nous attendre à une vague de
changement de régimes au Moyen-Orient, chaque fois au profit de la Confrérie, bref, à une sorte de second « printemps arabe » [3].
Comme lors du printemps arabe, les services britanniques assurent la communication de la Confrérie. On se souvient de la manière dont ils ont fait la promotion
du Frère Abdelhakim Belhaj en Libye [4] ou des magnifiques logos qu’ils avaient
conçus pour la kyrielle de groupe jihadistes en Syrie. Des fuites au Foreign Office ont permis de confirmer tout cela. Cette fois, ils ont créé un nouveau personnage, Abou Obeida, le
porte-parole de l’organisation combattante à Gaza. Cet homme, inconnu il y a peu, est subitement devenu une star dans le monde musulman où l’on s’arrache des posters à son effigie. Longuement
formé à la prise de parole, il manie les symboles avec une aisance sans précédant chez des leaders sunnites.
Les gouvernements arabes agissent donc avec prudence en soutenant la création d’un État palestinien tout en se tenant à distance du Hamas. Tandis que le
Hamas fait tout pour rendre impossible la création d’un État palestinien.
Ukraine : Point de
situation présenté par Jacques Baud sous le titre : «Zelensky n’est plus soutenu par sa
propre population».
À défaut d’être soutenu par sa propre population, Zelensky est toujours soutenu par les médias occidentaux les plus néocons comme Politico ou The
Time.
Le lecteur notera avec intérêt que ces journaux néocons reprennent avec enthousiasme le narratif
du Jerusalem
Post.
Y aurait-il, par le plus grand des hasards, un lien entre le néoconservatisme mondial et la droite dure israélienne ? Entre l’Ukraine et Israël ? Entre
les médias occidentaux et les médias israéliens ?
Jacques Baud nous fait sa MASTERCLASSE qui va casser Internet !
Ancien colonel de l’armée suisse, analyste stratégique et spécialiste du renseignement et du terrorisme, Baud n’est plus à présenter.
C’est l’analyste que nous avons interviewé dans cette exceptionnelle entrevue sur l’avenir du conflit en Ukraine, celui de la Russie, l’implication des
services américains et nous fait une révélation sur un rapport de la RAND explosif dont personne ne parle.
Nonobstant l’article d’opinion de
Biden, l’administration Biden pourrait s’avérer vulnérable aux pressions, car les perspectives électorales démocrates pour 2024 en prennent un coup.
Les services de renseignement américains
et israéliens avaient déjà exprimé leur certitude que les dirigeants du Hamas et leur QG se trouvaient sous l’hôpital Al-Shifa. Il était largement admis que, l’hôpital étant
encerclé, le monde était sur le point de voir les dirigeants collectifs du Hamas sortir des sombres profondeurs de leurs bunkers, les mains en l’air, pour être ensuite emmenés,
ignominieusement, comme des captifs.
Tel était le scénario.
Mais cela ne s’est pas produit. Au contraire, les efforts ineptes des Israéliens en matière de relations publiques – qui se poursuivent toujours – pour prouver la validité de
l’affirmation des services de renseignement israéliens selon laquelle il y avait un QG du Hamas sous l’hôpital ont été largement ridiculisés dans le monde entier. Ce qui a suivi,
cependant, c’est la grave conséquence de l’encerclement ou de l’attaque des hôpitaux palestiniens, accréditant ainsi pour beaucoup l’idée que l’affirmation initiale des services de
renseignement est devenue le prétexte à une destruction plus large de l’infrastructure humanitaire de la bande de Gaza, de manière à imprégner la conscience palestinienne de la
conviction qu’avec des maisons, des écoles et des hôpitaux détruits, comment pourraient-ils revenir ? Il n’y aurait plus rien pour soutenir l’existence sociale.
Je me souviens d’un épisode similaire lors de la guerre de 2006 contre le Hezbollah. Les Israéliens étaient convaincus de connaître l’emplacement précis
de Dahiya, à Beyrouth, où était caché le commandement du Hezbollah ; ils l’ont bombardé à fond. Seul le Hezbollah – comme le Hamas aujourd’hui – n’y était pas. En 2006, j’ai écrit une
analyse en deux parties qui décrivait comment le Hezbollah avait gagné la «guerre» du renseignement et avait fourni de faux renseignements à Tel-Aviv. Le Hamas a peut-être appris une
ou deux choses…
Toute la «stratégie Hamas» israélienne a été construite autour de l’hypothèse de la direction collective du Hamas cachée sous Al-Shifa : Leur reddition
anticipée était censée annoncer une fin rapide et séduisante de la révolte du Hamas, et la possibilité de passer à la vitesse supérieure pour amener les Européens à faire pression sur
l’Égypte pour qu’elle accueille la population
déplacée de Gaza pour des «raisons humanitaires». La présidente de l’UE, von der Leyen, se serait rendue en Égypte et en Jordanie pour leur présenter des offres
financières (10 milliards de dollars pour l’Égypte et 5 milliards de dollars pour la Jordanie), en échange de la dispersion des habitants de la bande de Gaza et de la
facilitation de l’évacuation de la population palestinienne de la bande de Gaza, conformément aux objectifs désormais explicitement énoncés par Israël.
Cependant, le tweet de l’ancienne ministre Ayalet Shaked, «Après avoir
transformé Khan Yunis en terrain de football, nous devons dire aux pays que chacun d’entre eux prend un quota : Nous avons besoin que les 2 millions d’habitants partent. C’est la
solution pour Gaza» – en étant aussi explicite, il a probablement torpillé l’initiative de von der Leyen. Aucun État arabe ne veut être complice d’une nouvelle Nakba.
Des ministres, des membres de la Knesset et des généraux à la retraite ont causé d’autres dommages diplomatiques en appelant au transfert des Palestiniens à l’étranger, à
l’utilisation d’une bombe atomique sur la bande de Gaza et à ne pas se laisser décourager par l’apparition d’épidémies, qui ne feraient qu’accélérer la victoire israélienne.
Un échange d’otages est provisoirement convenu. En fin de compte, Netanyahou a cédé aux pressions exercées par les familles des otages – et par les
États-Unis – au sein d’une société israélienne fracturée. La question est maintenant de savoir quelle sera la nouvelle issue à la trêve de l’échange d’otages : La même chose ou une
destruction plus sévère, cette fois dans le sud de Gaza ?
Une faction veut renforcer les pressions militaires (dans l’espoir de forcer d’autres libérations d’otages). Une autre veut simplement raser Gaza et
créer une crise humanitaire telle que l’Occident ne voit pas d’autre solution que la réinstallation de la population en Égypte, en Jordanie ou ailleurs. La Jordanie et l’Égypte
résistent fermement à ces menaces et aux incitations promises.
D’après mon expérience, une Hudna est inévitablement très précaire. Les deux principales leçons que j’ai tirées de mes tentatives d’instaurer des trêves
pendant la seconde Intifada sont qu’une «trêve est une trêve» – et seulement cela : Les deux parties l’utilisent pour se repositionner en vue de la prochaine série de combats. La
seconde était que le «calme» dans une localité confinée ne propage pas la désescalade dans une autre localité géographiquement séparée, mais plutôt qu’une flambée de violence extrême
est viralement contagieuse – et se propage géographiquement instantanément.
L’échange d’otages actuel est centré sur Gaza. Cependant, les Israéliens ont trois fronts de conflit ouvert (Gaza, la frontière nord et la Cisjordanie).
Un incident grave survenant sur l’un de ces trois fronts peut suffire à ébranler la confiance dans l’entente avec Gaza et à relancer l’assaut israélien sur Gaza.
À la veille de la trêve, par exemple, les forces israéliennes ont lourdement bombardé la Syrie et le Liban. Sept combattants du Hezbollah ont été
tués.
Une libération d’otages, en soi, ne résout rien. Qu’est-ce que tout cela implique pour le déroulement de la guerre ? La faction du cabinet de guerre
dirigée par Gantz et Eisenkot, qui avait soutenu qu’Israël devait sauver tous les otages qu’il pouvait, l’a emporté lors d’une réunion tendue de trois heures.
L’armée israélienne a déjà annoncé son intention de reprendre les combats immédiatement après la fin du cessez-le-feu : Les responsables israéliens ont
déclaré à leurs homologues américains qu’ils prévoyaient encore plusieurs semaines d’opérations dans le nord, avant de se concentrer sur le sud. Les porte-parole américains ont
explicitement donné leur feu vert à la poursuite de l’action militaire israélienne et au déplacement de l’attention vers le sud de la bande de Gaza, avec toutefois une mise en garde
pro forma : «Nous pensons à la
fois qu’ils ont le droit de le faire, mais qu’il y a une réelle inquiétude, parce que des centaines de milliers de résidents de Gaza ont fui du nord vers le sud à la demande
d’Israël», a déclaré un conseiller adjoint à la sécurité nationale des États-Unis.
Il est donc probable que les faucons du cabinet comprennent que le temps est limité (quelques semaines, peut-être) et que, s’ils sont honnêtes avec
eux-mêmes, ils reconnaissent qu’ils n’ont pas commencé le travail de dégradation significative du Hamas.
Nonobstant l’article d’opinion de Biden, l’administration Biden pourrait s’avérer vulnérable aux pressions, car les perspectives électorales des
démocrates pour 2024 en prennent
un coup. Les États-Unis sont divisés sur la question des Israéliens et de la Palestine. La fenêtre de Biden pourrait donc s’avérer beaucoup plus courte que ne le laisse penser
l’article d’opinion de Biden.
Le calendrier du Hamas est probablement plus long, s’il est vrai que ses installations souterraines sont bien approvisionnées. Jusqu’à présent, les FDI
se sont appuyées sur des chars et des véhicules blindés de transport de troupes pour leurs opérations à Gaza, avec peu de patrouilles à pied pour prévenir les attaques contre leurs
blindés. En conséquence, les FDI subissent des pertes considérables de blindés, mais leur priorité absolue est la protection de la force.
En fin de compte, l’affaiblissement de la principale force du Hamas nécessite précisément ce type de conflit que les Israéliens veulent à tout prix
éviter. Le commandement israélien n’est pas convaincu de pouvoir l’emporter dans un environnement urbain en ruine, dans le cadre d’une guerre au corps à corps. Il se trouve que c’est
aussi l’espace de combat dans lequel le Hamas est le plus compétent.
Les bombardements intensifs de la surface de Gaza ne sont pas une solution de remplacement : L’invasion des hôpitaux et la destruction des habitations
ne mettront pas fin aux agissements du Hamas. De plus en plus de civils mourront et, à mesure que les conditions météorologiques se détérioreront et que les maladies se répandront, la
situation à Gaza sera tout simplement perçue partout (sauf par certaines élites occidentales) comme tout à fait inacceptable et intolérable. La colère grandissante servira à
raccourcir le délai de guerre le plus court (la «latitude» israélienne de continuer à décimer Gaza). Les doutes des élites israéliennes augmentent également.
Parallèlement à Gaza, la Cisjordanie apparaît rapidement comme un troisième front dans la guerre israélienne. L’attention se concentre naturellement sur
Gaza et sur les échanges de tirs quotidiens à la frontière nord, qui se sont considérablement intensifiés au cours des deux derniers jours. Pourtant, entre ces deux derniers, le front
de la Cisjordanie s’intensifie – certes de façon limitée, mais avec des conséquences non moins importantes : Depuis le 7 octobre, 210 Palestiniens ont été tués et plus de 2800 blessés
en Cisjordanie.
Plus largement, des groupes irakiens poursuivent leurs attaques contre les bases américaines en Syrie et en Irak : Les bases et les troupes américaines
en Irak et en Syrie ont subi des attaques quasi-quotidiennes par des tirs de roquettes et des drones, enregistrant au moins 65 incidents depuis le 17 octobre. Les forces armées
yéménites, dans le cadre d’une escalade maritime majeure, ont saisi un cargo israélien (48 710 tonnes brutes), le Galaxy Leader, en mer Rouge.
La position élucidée par Biden entraînera un allongement et un élargissement de la guerre. La colère froide dans la sphère islamique commencera
également à forcer l’action des États islamiques hésitants (peu enclins à couper avec «Israël» ou les États-Unis) : Si les Israéliens étranglent l’approvisionnement en carburant de
Gaza, pourquoi les producteurs d’énergie ne pourraient-ils pas comprimer les approvisionnements israéliens jusqu’à ce qu’ils autorisent la libre circulation du carburant dans la bande
de Gaza ? La pression en faveur de ce type d’action va inévitablement s’accentuer, à mesure que la misère de Gaza s’étend et que la situation en Cisjordanie devient plus
incendiaire.
Le système d’alliances des États-Unis est souvent qualifié d’empire,
et pour cause. Mais il s’agit d’une forme particulière d’empire, dans lequel le centre métropolitain semble dirigé et gouverné par la périphérie. Dans l’idée classique de l’empire, la domination
va du haut vers le bas. Ce n’est pas le cas ici.
Cette inversion n’est
nulle part plus évidente que dans les relations entre les États-Unis et Israël. Biden a réagi aux attentats du 7 octobre en apportant un soutien total à Israël dans son objectif de destruction du
Hamas. Le même schéma se retrouve dans la politique à l’égard de l’Ukraine. Pendant 18 mois, l’administration Biden n’a pas osé fixer de limites aux objectifs de guerre de l’Ukraine, sauf celui,
absurde, d’une victoire totale sur la Russie, avec Vladimir Poutine sur le banc des accusés à la fin.
Ces certitudes ont toutefois commencé à s’ébranler. Au sein de l’administration, il semble que l’on ait pris conscience, ces dernières semaines, qu’aucun de ces
deux objectifs n’était atteignable. L’essentiel des rapports récents est le suivant : les Ukrainiens sont en train de perdre la guerre et doivent reconnaître ce fait, mieux vaut maintenant que
trop tard. Les Israéliens se comportent de manière barbare et doivent être maîtrisés, faute de quoi notre réputation dans le monde sera ruinée.
Sur le front de l’Ukraine, il y a eu deux bombes. La première fut le reportage de NBC brossant un tableau désastreux de la situation
militaire et rapportant que des diplomates américains et européens essayaient d’expliquer à l’Ukraine la nécessité de restreindre ses objectifs. Il est trop tard pour espérer autre chose qu’une
impasse, a déclaré un ancien fonctionnaire de l’administration : “il est temps de conclure un accord“.
D’autre part, un long essai paru dans le Time a dépeint Zelensky comme une figure messianique et
fanatique, déconnectée des perspectives d’avenir de l’Ukraine qui se dégradent. La corruption est encore pire que ce que l’on prétend. L’Occident fait des pieds et des mains pour obtenir des
équipements militaires essentiels. L’armée ukrainienne ne parvient pas à trouver de nouvelles recrues. Des crédits supplémentaires du Congrès, même les 61 milliards de dollars demandés par l’administration, ne peuvent résoudre aucun de ces problèmes.
Pendant 18 mois, l’administration Biden a insisté sur le fait que les objectifs de l’Ukraine lui appartenaient entièrement et que les États-Unis les soutiendraient
quoi qu’il arrive. Avec l’échec presque total de l’offensive ukrainienne de l’été, l’administration semble se dégonfler. Tout cela est très secret, des discussions “discrètes” étant réputées se dérouler en coulisses. Il est
probable, en effet, que les conseillers de Biden soient divisés. Bien que la politique officielle n’ait pas changé d’un iota, l’élan est clairement là.
Le problème d’Israël est encore plus aigu. Selon des informations largement répandues, Joe Biden et ses conseillers estiment qu’Israël s’est lancé dans un projet fou à Gaza. Ils considèrent que les États-Unis, qui ont donné à Israël un feu vert, un
chèque en blanc et des tonnes de bombes, seront tenus directement responsables des terribles conséquences humanitaires. Ils ne pensent pas qu’Israël ait défini un objectif cohérent. Ils craignent de soutenir une énormité morale. Ils constatent que le soutien des autres s’effondre rapidement.
Au cours du mois dernier, Biden a mis en garde les Israéliens contre la colère et la vengeance en représailles du 7 octobre, leur a déconseillé une invasion
terrestre de Gaza et a insisté pour qu’Israël cherche à éviter autant que possible la mort de civils. Les conseillers militaires de Biden recommandent d’utiliser des bombes plus petites. L’érosion du soutien, a déclaré son administration aux Israéliens, “aura des conséquences stratégiques désastreuses pour les opérations
des Forces de défense israéliennes contre le Hamas“. Le week-end dernier, le secrétaire d’État Antony Blinken a présenté ces idées au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et lui a
demandé une “pause humanitaire“.
J’ai une idée. Les États-Unis pourraient menacer de suspendre les livraisons militaires à Israël s’il n’accepte pas un cessez-le-feu. Cela pourrait faire
impression. Toutefois, depuis George H.W. Bush, aucun président n’a voulu défier Israël. L’approche des États-Unis au cours des 30 dernières années, comme aujourd’hui, a été celle d’un ami
indéfectible : “C’est vraiment pour votre bien, mais nous
n’oserions pas l’exiger de vous“.
Serrer les Israéliens dans ses bras et les rassurer sans cesse sur leur engagement indéfectible : Voilà comment finir une discussion avec eux.
Certains dirigeants israéliens ont répondu à cette approche, mais Benjamin Netanyahu n’a jamais été l’un d’entre eux. Le commentaire de Bill Clinton après sa première rencontre avec Netanyahou en 1996 – “Qui est la putain de superpuissance ici ?” – reflète le jugement
réfléchi de Bibi selon lequel il peut susciter une opposition intérieure aux États-Unis qui annulera toute menace de la part d’un président américain.
Aujourd’hui, 66 % des Américains souhaitent un cessez-le-feu, selon un sondage, mais moins de 5 % des membres de la Chambre des représentants sont de cet avis ; Bibi sait donc peut-être de quoi il parle. L’AIPAC est occupé à lancer des attaques contre les quelques membres courageux du Congrès qui ont critiqué Israël et appelé à un cessez-le-feu.
Mais Biden doit se préoccuper du rôle plus important de l’Amérique dans le monde et il est conscient que ce qui se prépare à Gaza va probablement ruiner la
légitimité de l’Amérique. Qui, dans les pays non occidentaux, pourra supporter à nouveau une leçon de morale de la part des États-Unis sur leur engagement zélé en faveur des droits de l’homme ?
Quel sera l’impact sur le dossier de l’Amérique contre la Russie ?
Si l’on s’en tient aux tendances actuelles – pas de sortie vers le Sinaï pour la masse de la population de Gaza, effondrement complet des systèmes de santé et d’assainissement, pression militaire et blocus économique israéliens incessants, 1,5 million de personnes déjà déplacées – il
est difficile d’imaginer que le nombre total de victimes parmi les habitants de Gaza puisse être inférieur à plusieurs centaines de milliers. Il est probable que les maladies et les épidémies
seront beaucoup plus nombreuses que les balles et les bombes. Comme l’a déclaré Netanyahu, cette expérience restera gravée dans les mémoires “pendant
des décennies“.
Et si elle s’inscrivait dans l’opinion publique mondiale comme un crime historique ?
Il est incroyable que les partisans de la guerre totale contre le Hamas invoquent Dresde, Hiroshima et d’autres atrocités pour justifier leur démarche, négligeant le fait que ni l’Allemagne ni le Japon n’avaient personne pour pleurer sur eux
après la guerre, alors que les Palestiniens ont 1,8 milliard de musulmans pour pleurer sur eux aujourd’hui.
Il est évident qu’Israël ne peut pas poursuivre jusqu’au bout son objectif de destruction du Hamas sans provoquer des morts à une échelle biblique. Il n’y a aucune
raison pour que les États-Unis adhèrent à ces objectifs.
Le choix de Biden est de soit se montrer ferme avec les Israéliens soit d’accepter ce qu’il craint d’être une gigantesque catastrophe.
Il existe des précédents de fermeté, mais ils sont certes lointains. Dwight Eisenhower l’a fait en 1956 à propos de l’aventure anglo-franco-israélienne de Suez.
Bush I l’a fait en 1991 à propos des garanties de prêt accordées à Israël.
Mais l’exemple le plus marquant est celui de 1982, lorsque Ronald Reagan a demandé au Premier ministre israélien Menachem Begin de cesser les bombardements
israéliens sur Beyrouth. “Menachem“, a dit Reagan,
“c’est un holocauste“. À la surprise de Reagan, sa
menace d’une réévaluation angoissante a fonctionné. “Je ne
savais pas que j’avais un tel pouvoir“, a-t-il déclaré à son assistant Mike Deaver. Au moment de la menace de Reagan, le bilan de deux mois et demi de guerre avoisinait les 20 000 morts, dont près de la moitié étaient des civils.
Biden aura-t-il la volonté d’affronter Netanyahou ?
Son administration forcera-t-elle l’Ukraine à s’asseoir à la table des négociations ?
Dans notre drôle d’empire, où ce sont les vassaux qui mènent la danse, des tendances profondément ancrées dictent une réponse négative à ces deux questions, alors
qu’une politique avisée dicterait des réponses positives. Le moment est peut-être venu d’adopter une nouvelle politique dans laquelle l’Amérique favorise ses propres intérêts nationaux plutôt que
les leurs.
David C.
Hendrickson
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
La patience stratégique de la Russie et de la Chine va-t-elle éteindre l’incendie au Moyen-Orient ?
Il était une fois, au bord du fleuve Don, dans les steppes du sud de ce que l’on appelle encore aujourd’hui «l’Ukraine», le grand roi de Perse, le
puissant Darius, à la tête de la plus puissante armée jamais rassemblée sur terre, qui reçut un message déroutant d’un ennemi qu’il poursuivait : le chef nomade Idanthyrsus, roi des
Scythes.
Un envoyé scythe arriva au camp perse avec un oiseau, une souris, une grenouille et cinq flèches.
Puis il s’en alla précipitamment.
Le rusé Darius interpréta le message comme une volonté des Scythes de se soumettre aux Perses.
Pas si vite. Ce fut au conseiller principal en politique étrangère de Darius, Gobryas, qui était aussi son beau-frère, de déchiffrer le code :
«Si vous, les
Perses, ne vous transformez pas en oiseaux et ne volez pas dans les airs, en souris et ne vous enfoncez pas dans le sol, en grenouilles et ne sautez pas dans les lacs, vous ne
rentrerez jamais chez vous, mais resterez ici, dans ce pays, pour être abattus par les flèches des Scythes».
Apparemment, ce récit tiré des profondeurs des routes de la soie prouve le cauchemar stratégique que représente la guerre contre les insaisissables
archers nomades à cheval dans les steppes eurasiennes.
Mais il pourrait aussi s’agir d’un récit sur la guerre contre des guérilleros urbains invisibles en sandales et RPG cachés dans les décombres à Gaza ;
des mini-équipes éclair émergeant de tunnels pour frapper et brûler des chars Merkava avant de disparaître sous terre.
L’histoire nous apprend également que Darius n’a pas réussi à affronter les nomades scythes. C’est pourquoi, à l’automne 512 avant J.-C., il a eu
recours à un stratagème préaméricain en Afghanistan, 2500 ans avant les faits : il a déclaré la victoire et s’en est allé.
Ce porte-avions
débarqué
Tous ceux qui connaissent le Moyen-Orient – des généraux américains aux épiciers de la rue arabe – savent qu’Israël est un porte-avions terrestre dont
la mission est de maintenir le Moyen-Orient sous contrôle pour le compte de l’Hégémon.
Bien sûr, dans un environnement géopolitique où le chien mange le chien, il est facile de se méprendre sur toutes les manigances du chien. Ce qui est
certain, c’est que pour les cercles hégémoniques de l’État profond américain, et certainement pour la Maison-Blanche et le Pentagone, ce qui compte dans la conjoncture incandescente
actuelle, c’est le gouvernement Netanyahou uber-extrême/génocidaire dirigé par le Likoud en Israël, et non pas «Israël» en tant que tel.
Cela projette Netanyahou comme l’image exacte de l’acteur en sweat-shirt assiégé à Kiev. C’est un véritable cadeau géopolitique – en termes de
détournement du blâme de l’Hégémon pour un génocide diffusé en direct sur tous les smartphones de la planète.
Et tout cela sous un vernis de légalité – comme la Maison-Blanche et le département d’État «conseillant» à Tel-Aviv d’agir avec modération ; oui, vous
pouvez bombarder des hôpitaux, des écoles, des travailleurs médicaux, des journalistes, des milliers de femmes, des milliers d’enfants, mais s’il vous plaît, soyez gentils.
Pendant ce temps, l’Hégémon a déployé une armada en Méditerranée orientale, avec deux baignoires en fer très coûteuses, des groupes de porte-avions
désolés et un sous-marin nucléaire à proximité du golfe Persique. Ce n’est pas exactement pour surveiller les guérillas dans les tunnels souterrains et pour «protéger» Israël.
Les cibles ultimes – néocons et sio-con – sont bien sûr le Hezbollah, la Syrie, les Hashd al-Shaabi en Irak et l’Iran : tout l’Axe de la
Résistance.
L’Iran, la Russie et la Chine, le nouvel «axe du mal» défini par les néocons, qui se trouvent être les trois principaux acteurs de l’intégration de
l’Eurasie, ont interprété le génocide de Gaza comme une opération israélo-américaine. Et ils ont clairement identifié le vecteur clé : L’énergie.
L’inestimable Michael Hudson a noté que «nous assistons
ici à quelque chose qui ressemble beaucoup aux Croisades. C’est une véritable lutte pour savoir qui va contrôler l’énergie, parce que, encore une fois, la clé, si vous pouvez
contrôler le flux mondial d’énergie, vous pouvez faire au monde entier ce que les États-Unis ont fait à l’Allemagne l’année dernière en faisant exploser les pipelines Nord
Stream».
Les BRICS 10 en
mouvement
Cela nous amène au cas fascinant de la délégation des ministres des Affaires étrangères de l’OCI et du monde arabe, actuellement en tournée dans
certaines capitales pour promouvoir leur plan en faveur d’un cessez-le-feu total à Gaza et de négociations en vue de la création d’un État palestinien indépendant. La délégation,
appelée Groupe de contact pour Gaza, comprend notamment l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Jordanie, la Turquie, l’Indonésie, le Nigeria et la Palestine.
Leur première étape a été Pékin, où ils ont rencontré Wang Yi, et leur deuxième étape a été Moscou, où ils ont rencontré Sergueï Lavrov. Cela nous dit
tout ce qu’il faut savoir sur les BRICS 11 en action – avant même qu’ils n’entrent en action.
En fait, il s’agit des BRICS 10, car après l’élection du sioniste pro-hégémon Javier «Massacre à la tronçonneuse» Milei à la présidence, l’Argentine est
désormais hors-jeu, et peut-être écartée d’ici le 1er janvier 2024, date à laquelle les BRICS 11 commenceront sous la présidence de la Russie.
La conférence spéciale de l’OCI et de la Ligue arabe sur la Palestine en Arabie saoudite a débouché sur une déclaration finale peu convaincante qui a
déçu la quasi-totalité du Sud mondial et de la Majorité mondiale. Mais quelque chose a commencé à bouger.
Les ministres des Affaires étrangères ont commencé à se coordonner étroitement. D’abord l’Égypte avec la Chine, après une coordination antérieure avec
l’Iran et la Turquie. Cela peut sembler contre-intuitif, mais c’est dû à la gravité de la situation. Cela explique pourquoi le ministre iranien des Affaires étrangères ne fait pas
partie de la délégation qui se déplace actuellement, laquelle est dirigée, dans la pratique, par l’Arabie saoudite et l’Égypte.
La rencontre avec Lavrov a coïncidé avec une réunion extraordinaire en ligne des BRICS sur la Palestine, convoquée par l’actuelle présidence
sud-africaine. Point crucial : les drapeaux des nouveaux membres que sont l’Iran, l’Égypte et l’Éthiopie ont pu être identifiés derrière les orateurs.
Le président iranien Raïssi a fait feu de tout bois, appelant les États membres des BRICS à utiliser tous les outils politiques et économiques
disponibles pour faire pression sur Israël. Xi Jinping a appelé une fois de plus à une solution à deux États et a positionné la Chine comme médiateur de choix.
Pour la première fois, Xi s’est exprimé avec ses propres mots : «Il ne peut y
avoir de sécurité au Moyen-Orient sans une solution juste à la question de la Palestine. J’ai souligné à de nombreuses reprises que le seul moyen viable de briser le cycle du conflit
israélo-palestinien réside dans une solution à deux États, dans la restauration des droits nationaux légitimes de la Palestine et dans l’établissement d’un État indépendant de
Palestine».
Et tout cela devrait commencer par une conférence internationale.
Tout ce qui précède implique une position unifiée concertée des BRICS 10, dans les prochains jours, appliquant une pression maximale sur
Tel-Aviv/Washington pour un cessez-le-feu, pleinement soutenu par la quasi-totalité de la Majorité mondiale. Bien entendu, il n’y a aucune garantie que l’Hégémon permettra à cette
initiative d’aboutir.
Les négociations secrètes impliquant la Turquie, par exemple, ont échoué. L’idée était qu’Ankara coupe l’approvisionnement en pétrole d’Israël provenant
de l’oléoduc BTC de Bakou à Ceyhan : le pétrole est ensuite chargé sur des pétroliers à destination d’Ashkelon en Israël. Cela représente au moins 40% du pétrole qui alimente la
machine militaire d’Israël.
Ankara, toujours membre de l’OTAN, a hésité, effrayé par la réaction américaine, inévitablement dure.
À long terme, Riyad pourrait être encore plus audacieux : plus d’exportations de pétrole jusqu’à ce qu’une solution définitive soit trouvée pour la
Palestine, conformément à l’initiative de paix arabe de 2002. Mais MbS ne le fera pas, car les richesses saoudiennes sont toutes investies à New York et à Londres. Le chemin vers le
pétroyuan est encore long, sinueux et semé d’embûches.
Pendant ce temps, les praticiens de la realpolitik tels que John Mearsheimer soulignent à juste titre qu’une solution négociée pour Israël-Palestine est
impossible. Un rapide coup d’œil sur la carte actuelle montre que la solution à deux États – préconisée par tous, de la Chine et de la Russie au monde arabe – est morte ; un État
palestinien, comme l’a noté Mearsheimer, «sera comme une
réserve indienne» aux États-Unis, «coupé en deux et
isolé, pas vraiment un État».
«Poutine dans le labyrinthe» signifie que Moscou s’implique activement, à la manière des BRICS 10, pour faire émerger un Moyen-Orient pacifié tout en
maintenant la stabilité interne de la Russie dans le cadre de la guerre hybride de l’Hégémons en constante évolution : tout est interconnecté.
L’approche du partenariat stratégique Russie-Chine face au Moyen-Orient mis à feu et à sang par les suspects habituels est une question de timing
stratégique et de patience – dont le Kremlin et le Zhongnanhai font preuve en abondance.
Personne ne sait vraiment ce qui se passe en arrière-plan – les jeux d’ombres profonds qui se cachent derrière le brouillard des guerres entremêlées.
Surtout lorsqu’il s’agit du Moyen-Orient, toujours enveloppée de mirages en série surgissant des sables du désert.
Nous pouvons au moins essayer de discerner les mirages autour des monarchies du golfe Persique, le CCG – et surtout ce à quoi MbS et son mentor MbZ
jouent réellement. C’est un fait absolument crucial : la Ligue arabe et l’OCI sont toutes deux contrôlées par le CCG.
Or, comme Riyad et Abou Dhabi deviennent tous deux membres des BRICS 10, ils voient certainement que le nouveau pari de l’Hégémon est de faire reculer
les avancées de l’Initiative Ceinture et Route (BRI) au Moyen-Orient en mettant le feu à la région.
Oui, c’est la guerre contre la Chine qui passe d’hybride à chaude, parallèlement à la solution finale du «problème palestinien».
Et en prime, du point de vue de l’Hégémon, cela devrait amener cette bande de bédouins du désert à embarquer fermement dans le nouveau pari du D.O.A.,
l’IMEC (Corridor Inde-Moyen-Orient), qui est en fait le corridor commercial Europe-Israël-Émirats-Arabie saoudite-Inde, en théorie un concurrent de la BRI.
Un thème récurrent dans tous les coins et recoins de la rue arabe est que l’élimination de la résistance palestinienne est une question encore plus
passionnante pour les élites vendues du CCG que la confrontation avec le sionisme.
Cela explique, du moins en partie, l’absence de réaction du CCG face au génocide en cours (ils essaient maintenant de faire amende honorable). Et cela
est parallèle à leur non-réaction au génocide, au viol et au pillage méthodiques et au ralenti des Irakiens, des Syriens, des Afghans, des Libyens, des Yéménites, des Soudanais et des
Somaliens par l’Hégémon au fil du temps.
Il est absolument impossible – et inhumain – de couvrir un génocide. Le verdict n’a pas encore été rendu quant à savoir si le CCG a choisi un camp, se
séparant ainsi complètement, spirituellement et géopolitiquement, de la rue arabe au sens large.
Ce génocide pourrait être le moment décisif du jeune XXIe siècle – réalignant l’ensemble du Sud mondial/Majorité mondiale et clarifiant qui est du bon
côté de l’Histoire. Quoi qu’il fasse ensuite, l’Hégémon semble destiné à perdre totalement le Moyen-Orient, le Heartland, l’Eurasie élargie et le Sud mondial/Majorité mondiale.
Le retour de bâton a des effets mystérieux : Alors que le «porte-avions» du Moyen-Orient est devenu complètement fou, le partenariat stratégique
entre la Russie et la Chine n’en a été que plus dynamique et a permis de faire avancer l’Histoire sur la voie du siècle de l’Eurasie.
Défaite catastrophique de l’OTAN en Ukraine, escalade toujours violente au Moyen-Orient, sur fond de désinformation médiatique massive et de montée en
puissance de la Chine, nous avons un vaste tour d’horizon géopolitique à faire avec Caroline Galactéros, Analyste, Géopolitologue, officier supérieur de réserve des forces armées
françaises et chroniqueuse.
Tom Friedman a lancé son terrible avertissement
dans le New York Times jeudi dernier
:
Je pense que si
Israël se précipite maintenant [unilatéralement] à Gaza pour détruire le Hamas, il commettra une grave erreur qui sera dévastatrice pour les intérêts israéliens et américains.
Je parle du traité de
paix de Camp David, des accords de paix d’Oslo, des accords d’Abraham et de l’éventuelle normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. Tout cela pourrait partir en
fumée.
Malheureusement, a
déclaré le haut fonctionnaire américain [Friedman], les chefs militaires israéliens sont aujourd’hui plus faucons que le Premier ministre. Ils sont rouges de rage et déterminés à porter au
Hamas un coup que l’ensemble du voisinage n’oubliera jamais.
Friedman parle ici, bien sûr, d’un système d’alliance américain, articulé autour de l’idée que les forces militaires d’Israël sont invincibles – le paradigme de
la “petite OTAN” qui agit comme la structure
essentielle à la propagation de l’ordre fondé sur des règles dirigé par les Américains au Moyen Orient.
Ce paradigme est analogue aux structures de l’alliance de l’OTAN, dont la prétendue “invincibilité” a soutenu les intérêts américains en Europe
(du moins jusqu’à la guerre en Ukraine).
Un membre du cabinet israélien a déclaré au correspondant israélien expérimenté en matière de défense, Ben Caspit, qu’Israël ne pouvait tout simplement pas permettre que sa dissuasion à long terme
soit sapée :
C’est le point le plus important – “notre dissuasion” , a déclaré la source principale du cabinet de guerre. “La région doit rapidement comprendre que quiconque
porte atteinte à Israël comme l’a fait le Hamas paie un prix disproportionné. Il n’y a pas d’autre moyen de survivre dans notre voisinage que d’exiger ce prix maintenant, car de nombreux yeux
sont fixés sur nous et la plupart d’entre eux n’ont pas nos intérêts à cœur.”
En d’autres termes, le “paradigme” israélien repose sur la manifestation
d’une force écrasante, dirigée vers tout défi émergent. Ce paradigme trouve son origine dans l’insistance des États-Unis pour qu’Israël soit à la fois à la pointe du progrès politique (toutes les
décisions stratégiques relèvent exclusivement d’Israël dans le cadre d’Oslo) et à la pointe du progrès militaire par rapport à tous ses voisins.
Bien qu’elle soit présentée comme telle, cette formule ne permet pas de parvenir à un accord durable et pacifique permettant de respecter la résolution 181 de
l’Assemblée générale des Nations unies de 1947 (division de la Palestine de l’époque du Mandat) en deux États. Au contraire, Israël, sous le gouvernement Netanyahou, se rapproche de plus en plus
d’une fondation eschatologique d’Israël sur la “Terre
d’Israël” (biblique) – une démarche qui expurge totalement la Palestine.
Ce n’est pas une coïncidence si, lors de son discours à l’Assemblée générale le mois dernier, Netanyahou a présenté une carte d’Israël sur laquelle Israël dominait
de la rivière à la mer et où la Palestine (en fait, tout le territoire palestinien) était inexistante.
Tom Friedman, dans ses réflexions au NYT, craint peut-être que, de même que la piètre
performance de l’OTAN en Ukraine a brisé “le mythe de
l’OTAN” , l’effondrement de l’armée et des services de renseignement israéliens du 7 octobre et ce qui se passera dans son sillage à Gaza “pourraient [également] faire exploser toute la structure de
l’alliance pro-américaine” au Moyen-Orient.
La confluence de deux humiliations de ce type pourrait briser la colonne vertébrale de la primauté occidentale. Tel semble être l’essentiel de l’analyse de
Friedman. (Il a probablement raison).
Le Hamas a réussi à briser le paradigme de la dissuasion israélienne : il n’a pas eu peur, les Forces de défense israéliennes ont prouvé qu’elles étaient loin
d’être invincibles et la rue arabe s’est mobilisée comme jamais auparavant (confondant les cyniques occidentaux qui se moquent de la notion même de “rue arabe”).
Voilà où nous en sommes, et la Maison Blanche est ébranlée. Les PDG d’Axios, VandeHei et Mark Allen, ont pris la plume pour avertir :
Jamais nous n’avons parlé à autant de hauts responsables gouvernementaux qui, en privé, sont si inquiets … [qu’] une confluence de crises pose des problèmes
épiques et fasse courir un danger historique. Nous n’aimons pas nous montrer catastrophistes. Mais nous voulons faire retentir la sirène d’un réalisme clinique et lucide : les responsables
américains nous disent qu’à la Maison Blanche, cette semaine a été la plus lourde et la plus effrayante depuis que Joe Biden a pris ses fonctions il y a un peu plus de 1 000 jours… L’ancien
ministre de la défense Bob Gates nous dit que l’Amérique est confrontée aux crises les plus graves depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a 78 ans…
Aucune de ces crises ne peut être résolue ou éliminée : les cinq crises pourraient se transformer en quelque chose de beaucoup plus grave… Ce qui effraie les
responsables, c’est la façon dont les cinq menaces pourraient se fondre en une seule . (Une guerre qui s’étend alors qu’Israël pénètre dans Gaza ; l'”alliance anti-américaine” Poutine-Xi ; un
Iran “malveillant” ; un Kim Jong Un “déséquilibré” et des vidéos et informations truquées).
Toutefois, l’article de Friedman dans le NYT ne mentionne pas le revers de la médaille, car le
paradigme israélien a deux faces : la sphère interne, qui est distincte de la nécessité externe
d’imposer un prix disproportionné aux adversaires d’Israël.
Le “mythe” interne veut que l’État israélien “assure les arrières de ses citoyens” , où que vivent les
Juifs en Israël et dans les territoires occupés – des colonies les plus reculées aux ruelles de la vieille ville de Jérusalem. Plus qu’un contrat social, il s’agit d’une obligation spirituelle
due à tous les Juifs vivant en Israël.
Ce “contrat
social” de sécurité vient cependant de s’effondrer. Les Kibboutzim autour de Gaza ont été évacués ; vingt kibboutz ont été évacués du nord et un total de 43 villes frontalières ont
été évacuées.
Ces familles déplacées feront-elles à nouveau confiance à l’État ? Retourneront-elles un jour dans les colonies ? La confiance a été rompue. Pourtant, ce ne sont
pas les missiles du Hezbollah qui effraient les habitants, mais les images du 7 octobre dernier dans les communautés de la périphérie de Gaza – la clôture franchie à des dizaines d’endroits, les
bases et postes militaires envahis, les villes occupées par les forces du Hamas, les morts qui en ont résulté et le fait qu’environ 200 Israéliens ont été enlevés à Gaza – qui n’ont rien laissé à
l’imagination. Si le Hamas a réussi, qu’est-ce qui arrêtera le Hezbollah ?
Comme dans la vieille comptine : Humpty-Dumpty a fait une grosse chute, mais tous les chevaux du roi et tous les hommes du roi n’ont pas pu reconstituer Humpty.
C’est ce qui inquiète l’équipe de la Maison Blanche. Elle n’est pas du tout convaincue qu’une invasion israélienne de Gaza
remettra Humpty d’aplomb. Elle craint plutôt que les événements ne tournent mal pour les Forces de défense israéliennes et que les images, relayées à travers le Moyen-Orient, d’Israël utilisant
une force écrasante dans un environnement urbain civil ne révoltent la sphère islamique.
Malgré le scepticisme occidental, certains signes indiquent que cette insurrection dans la sphère arabe est différente et ressemble davantage à la révolte arabe de
1916 qui a renversé l’Empire ottoman. Elle prend une tournure distincte puisque les autorités religieuses chiites et sunnites déclarent que les musulmans ont le devoir de se tenir aux côtés des
Palestiniens. En d’autres termes, alors que la politique israélienne devient clairement “prophétique” , l’humeur islamique devient à son tour
eschatologique.
Le fait que la Maison Blanche teste les dirigeants arabes “modérés” , pressant les Palestiniens “modérés” de former un gouvernement favorable à
Israël à Gaza, qui remplacerait le Hamas et imposerait la sécurité et l’ordre, montre à quel point l’Occident est coupé de la réalité. Rappelons que Mahmoud Abbas, le général Sissi et le roi de
Jordanie (certains des dirigeants les plus souples de la région) ont refusé catégoriquement de rencontrer Biden après le voyage de ce dernier en Israël.
La colère dans la région est réelle et menace les dirigeants arabes “modérés” , dont la marge de manœuvre est désormais
limitée.
Les points chauds se multiplient donc, tout comme les attaques contre les déploiements américains dans la région. Certains à Washington prétendent percevoir une
main iranienne et espèrent ouvrir la perspective d’une guerre avec l’Iran.
La Maison Blanche, paniquée, réagit de manière excessive en envoyant d’énormes convois (des centaines) d’avions-cargos chargés de bombes, de missiles et de défenses
aériennes (THAAD et Patriot) en Israël, mais aussi dans le Golfe, en Jordanie et à Chypre. Des forces spéciales et 2 000 marines sont également déployés. Plus deux porte-avions et les navires qui
les accompagnent.
Les États-Unis envoient donc une véritable armada de guerre. Cela ne peut qu’aggraver les tensions et provoquer des contre-mesures : La Russie déploie actuellement
des avions MiG-31 équipés de missiles hypersoniques Kinzhal (qui peuvent atteindre le porte-avions américain au large de Chypre) pour patrouiller en mer Noire, et la Chine aurait envoyé des
navires de guerre dans la région. La Chine, la Russie, l’Iran et les États du Golfe sont engagés dans une frénésie diplomatique pour contenir le conflit, même si le Hezbollah s’engageait plus
avant dans le conflit.
Pour l’instant, l’accent est mis sur les libérations d’otages, ce qui crée beaucoup de bruit et de confusion (délibérés). Certains espèrent peut-être que les
libérations d’otages retarderont, et finalement arrêteront, l’invasion prévue de la bande de Gaza. Cependant, le commandement militaire israélien et l’opinion publique insistent sur la nécessité
de détruire le Hamas (dès que les navires américains et les nouvelles défenses aériennes auront été mis en place).
Peu importent les résultats obtenus (par l’invasion), la réalité est que les Brigades Qassam du Hamas ont brisé les paradigmes internes et externes d’Israël. En
fonction de l’issue de la guerre à Gaza/Israël, les Brigades peuvent encore provoquer une nouvelle contusion sur le corps politique qui “déclenche[ra] une conflagration mondiale – et [fera] exploser toute
la structure de l’alliance pro-américaine que les États-Unis ont construite” (selon les termes de Tom Friedman).
Si Israël entre dans Gaza (et Israël pourrait décider qu’il n’a pas d’autre choix que de lancer une opération
terrestre, compte tenu de la dynamique politique intérieure et de l’opinion publique), il est probable que le Hezbollah ira de plus en plus loin, laissant les États-Unis devant l’option binaire
de voir Israël vaincu ou de lancer une guerre majeure dans laquelle tous les points chauds se fondent “en un seul” .
Dans un sens, le conflit israélo-islamique ne peut être résolu que de cette manière cinétique. Tous les efforts déployés depuis 1947 n’ont fait que creuser le
fossé. La réalité de la nécessité de la guerre pénètre largement la conscience du monde arabe et islamique.
Alastair
Crooke
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Nous sommes impliqués dans deux guerres, en Europe et au Moyen-Orient, qui ont des conséquences de plus en plus graves sur nos conditions de vie et sur
notre sécurité.
Sur le front européen a été accompli, en septembre 2022, ce que le Wall Street
Journal définit comme «un des plus
grands actes de sabotage en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale» ; les États-Unis, assistés par Norvège et Pologne, ont fait exploser le Nord Stream, le principal gazoduc
qui transportait en Allemagne et, de là, dans d’autres pays européens du gaz russe à bas prix. La dynamique de cette action guerrière a été reconstruite, sur la base de preuves
précises, par le journaliste étasunien Seymour Hersh et par une enquête allemande. Le secrétaire d’État USA Blinken a défini le blocus du Nord Stream comme «une énorme
opportunité stratégique pour les années à venir» et a souligné que «les États-Unis
sont devenus le principal fournisseur de gaz naturel liquéfié à l’Europe», que nous, citoyens européens, payons beaucoup plus cher que celui que nous importions de Russie. En
même temps les États-Unis sont en train de décharger sur l’Europe l’énorme coût de la guerre OTAN en Ukraine contre la Russie. La Commission européenne est en train d’ouvrir la voie à
la prochaine entrée de l’Ukraine dans l’UE, avec pour conséquence que nous serons, nous citoyens européens, ceux qui paieront l’énorme déficit ukrainien.
Sur le front moyen-oriental l’Union européenne soutient la guerre par laquelle Israël, épaulé par les États-Unis et l’OTAN, attaque la Palestine et
alimente un conflit régional en ciblant en particulier l’Iran. L’Italie, qui depuis 2004 est liée à Israël par un pacte militaire, a fourni les chasseurs sur lesquels s’entraînent les
pilotes israéliens, qui bombardent Gaza en massacrant des civils, et soutient de plusieurs façons les forces armées israéliennes. En compensation le Premier ministre Netanyahou a
promis à la Première ministre Meloni que l’Italie deviendra un hub énergétique pour le routage en Europe du gaz qu’Israël enverra par le gazoduc EastMed. La partie de gisement
méditerranéen offshore de gaz, dont Israël s’attribue la propriété exclusive, est située en grande partie dans les eaux territoriales des Territoires Palestiniens de Gaza et de la
Cisjordanie. Par le gazoduc EastMed Israël exportera ainsi en Italie et dans l’UE le gaz naturel palestinien dont il s’est emparé par la force militaire.
Ce qui se passe à Gaza va souder encore davantage les Russes
autour de leur président et contribuer à soutenir l’Opération spéciale.
En février 22, les meutes ukronazies surmotivées et surentrainées aux représailles (Maïdan, Odessa, Azov, Pravi Sector etc.) se préparaient à intervenir
au Donbass avec sans doute la même haine hystérique et existentielle que celle qu’Israël applique aujourd’hui à Gaza. Les instructeurs des armées otanienne et israélienne sont les
mêmes, même si les outils sont
différents, la haine de l’autre est l’enseignement central. La promesse biblique d’une terre pour les uns, le nationalisme extrémiste version ukronazisme sous cloche depuis
85 ans, pour les autres.
On voit donc à quelle violence les habitants du Donbass ont échappé. Poutine a sauvé des milliers de vie, et en sauvera sans doute encore
davantage.
Une victoire dans le Donbass n’aurait été que la motivation supplémentaire pour l’Ukraine biberonnée à la testostérone, surexcitée par une première
victoire, pour aller de l’avant, vers l’Est, et pour attaquer la Russie, exécutant ainsi le plan annoncé de son maître.1
On voit maintenant ce que l’Oncle Sam est capable de faire faire aux ukrainiens et de laisser faire les sionistes
à Gaza et en Cisjordanie.
Bien sûr cette haine n’est partagée que par une frange de la population, celle qui dirige. J’ai peine à l’estimer. Y a-t-il davantage d’Ukronazis en
Ukraine que de sionistes extrémistes en Israël et aux États-Unis ?
Du côté israélien : 75 ans d’entrainement dans l’impunité onusienne.
Dans le cas de l’Ukraine au moins 10 ans de rumination après la défaite de 2014-2015, avec un soutien psychologique de l’Occident.
Dans les deux cas il s’agit d’une revanche. Pour les Ukrainiens cette attaque planifiée dans le Donbass et contrariée par Poutine le 22 février 2022,
devait être la vengeance de l’humiliante reddition de l’armée ukrainienne à Debaltseve le 18 février 2015. Pour les sionistes, c’est évidemment l’agression contre Israël par le Hamas
le 7 novembre.
Les nombres de civils tués par les bombardements aveugles, bien que dissymétriques, nous montrent à travers l’abandon de toutes les règles de guerre
imposées le par Droit International, l’évolution paroxysmique de la désespérance de l’Occident. Si l’Hégémon continue cette courbe exponentielle dans le proche avenir, il n’aura
qu’une seule arme, la dernière.
À noter, et c’est important, que la réaction israélienne à Gaza n’a pas été commanditée par l’Hégémon. Le chien de guerre a échappé au contrôle de son
maître.
Pour la première fois depuis 1945, les USA se sont donc trouvés, par
Proxi interposé, sur la défensive !
Peut-on en tirer une conclusion sur la faiblesse de l’Hégémon ?
Les USA font des efforts pour dresser le dog géorgien et le molosse moldave. D’après les dernières élections municipales, le molosse va mollo. Et le
géorgien hésite entre deux maîtres.
Il en va un peu de même que pour les révolutions colorées, que pour les médias décrédibilisés, que pour les ONGs sorossiennes dévoilées, les foules
manipulées commencent à comprendre que le monde bascule, et que le réflexe pavlovien pro-occidental n’est peut-être pas le meilleur pari pour la survie de sa propre race
canine.
En France, nous devrions nous souvenir de la phrase de Kissinger :
«Il est dangereux
d’être l’ennemi des USA, mais être son ami est fatal».
Il s’agit d’une guerre économique faite à l’Europe. À notre tour nous serons sacrifiés
économiquement pour sauver le $, avec la même brutalité et sans compassion, sans état d’âme. Les armées en retraites sont les plus cruelles même dans les guerres
économiques.
Le Nord Stream 2 aurait dû nous alerter. Macron, mon roi, ne vois-tu rien venir ?
Et pendant ce temps on parle d’antisémitisme en France, pour faire diversion, comme des punaises de lit, et des risques terroristes. On regarde
passivement la boite de Pandore, pendant que s’en échappent les pires génies.
L’URGENCE c’est d’ARRÊTER le massacre !
Rien d’autre n’a d’importance. La manifestation de dimanche est un contrefeu élyséen.
Le directeur de l’agence onusienne des Droits de l’homme, Craig Mokhyber2, a démissionné. Bravo à lui.
Guetterez devrait lui aussi démissionner autant pour peser dans le conflit, que pour sauver la crédibilité des Nations unies. Il ne saurait être plus
efficace qu’en faisant un tel geste.
Pour la première fois,
le monde assiste en direct à un crime contre l’Humanité, à la télévision. Les États-Unis et Israël, qui ont uni leur sort depuis longtemps, seront
tous deux tenus pour responsables des massacres de masse commis à Gaza. Partout, sauf en Europe, les alliés de Washington retirent leurs ambassadeurs à Tel-Aviv. Demain, ils le feront
à Washington. Tout se passe comme lors de la dislocation de l’URSS et se terminera de la même manière : L’Empire américain est menacé dans son existence. Le processus qui vient de
s’enclencher ne pourra pas être stoppé.
Alors que nous avons les yeux rivés sur les massacres de civils en Israël et à Gaza, nous ne percevons ni les divisions internes en Israël et aux USA,
ni le changement considérable que ce drame provoque dans le monde. Pour la première fois dans l’Histoire, on tue massivement et en direct des civils à la télévision.
Partout – sauf en Europe – les juifs et les arabes s’unissent pour crier leur douleur et appeler à la paix.
Partout, les peuples réalisent que ce génocide ne serait pas possible si les États-Unis ne fournissaient pas en temps réel des bombes à l’armée
israélienne.
Partout, des États rappellent leurs ambassadeurs à Tel-Aviv et se demandent s’ils doivent rappeler ceux qu’ils ont envoyés à Washington.
Il va de soi que les États-Unis n’ont accepté ce spectacle qu’à contre-cœur, mais ils ne l’ont pas simplement autorisé, ils l’ont rendu possible avec
des subventions et des armes. Ils sont effrayés de perdre leur Pouvoir après leur défaite en Syrie, leur défaite en Ukraine et peut-être bientôt leur défaite en Palestine. En effet,
si les armées de l’Empire ne font plus peur, qui continuera à effectuer des transactions en dollars au lieu de sa propre monnaie ? Et dans cette éventualité, comment Washington
fera-t-il payer aux autres ce qu’il dépense, comment les États-Unis maintiendront-ils leur niveau de vie ?
Mais que se passera-t-il à la fin de cette histoire ?
Que le Moyen-Orient se révolte ou qu’Israël écrase le Hamas au prix de milliers de vies ?
Nous retiendrons que le président Joe Biden avait d’abord sommé Israël de renoncer à son projet de déplacer vers l’Égypte ou, à défaut, d’éradiquer le
peuple palestinien de la surface de la Terre, et que Tel-Aviv ne lui a pas obéi.
Les «suprémacistes juifs» se comportent aujourd’hui comme en 1948.
Lorsque les Nations unies votèrent la création de deux États fédérés en Palestine, un hébreu et un arabe, les forces armées auto-proclamèrent l’État
hébreu avant qu’on en ait fixé les frontières. Les «suprémacistes juifs» expulsèrent immédiatement des millions de Palestiniens de chez eux (la «Nakba») et assassinèrent le
représentant spécial de l’ONU venu créer un État palestinien. Les sept armées arabes (Arabie saoudite, Égypte, Irak, Jordanie, Liban, Syrie et Yémen du Nord) qui tentèrent de
s’opposer à eux furent rapidement balayées.
Aujourd’hui, ils n’obéissent pas plus à leurs protecteurs et massacrent encore, sans se rendre compte que, cette fois, le monde les observe et que plus personne ne viendra à leur secours. Au moment où les chiites admettent le principe d’un État hébreu, leur
folie met en péril l’existence de cet État.
Nous nous souvenons de la manière dont l’Union soviétique s’est effondrée. L’État n’avait pas été capable de protéger sa propre population lors d’un
accident catastrophique. 4000 Soviétiques sont morts à la centrale nucléaire de Tchernobyl (1986), en sauvant leurs concitoyens. Les survivants s’étaient alors demandés pourquoi ils
continuaient à accepter, 69 ans après la Révolution d’Octobre, un régime autoritaire. Le Premier secrétaire du PCUS, Mikhail Gorbachev, a écrit que c’est lorsqu’il a vu ce désastre,
qu’il a compris que son régime était menacé.
Puis ce furent les émeutes de décembre au Kazakhstan, les manifestations d’indépendance dans les pays baltes et en Arménie. Gorbatchev modifia la
Constitution pour écarter la vieille garde du Parti. Mais ses réformes ne suffirent pas à arrêter l’incendie qui se propagea en Azerbaïdjan, en Géorgie, en Moldavie, en Ukraine et en
Biélorussie. Le soulèvement des Jeunes communistes est-allemands contre la doctrine Brejnev conduisit à la chute du Mur de Berlin (1989). L’effritement du Pouvoir à Moscou conduisit à
l’arrêt de l’aide aux alliés, dont Cuba (1990). Enfin ce furent la dissolution du Pacte de Varsovie et le déchirement de l’Union (1991). En un peu plus de 5 ans, un Empire, que tous
pensaient éternel, s’est effondré sur lui-même.
Ce processus inéluctable vient de débuter pour l’«Empire américain». La question n’est pas de savoir jusqu’où les «sionistes révisionnistes» de Benjamin
Netanyahou iront, mais jusqu’à quand les impérialistes états-uniens les soutiendront. À quel moment, Washington estimera qu’il a plus à perdre à laisser massacrer des
civils palestiniens qu’à corriger les dirigeants israéliens ?
Le même problème se pose pour lui en Ukraine. La contre-offensive militaire du gouvernement de Volodymyr Zelensky a échoué. Désormais, la Russie ne
cherche plus à détruire les armes ukrainiennes, qui sont immédiatement remplacées par des armes offertes par Washington, mais à tuer ceux qui les manient. Les armées russes se
comportent comme une gigantesque machine à broyer qui, lentement et inexorablement, tue tous les soldats ukrainiens qui s’approchent des lignes de défense russe. Kiev ne parvient plus
à mobiliser de combattants et ses soldats refusent d’obéir à des ordres qui les condamnent à une mort certaine. Ses officiers n’ont d’autre choix que de fusiller les
pacifistes.
Déjà de nombreux leaders US, ukrainiens et israéliens évoquent un remplacement de la coalition «nationaliste intégrale» ukrainienne et de la
coalition «suprémaciste juive», mais la période de guerre ne s’y prête pas. Il va pourtant falloir le faire.
Le président Joe Biden doit remplacer sa marionnette ukrainienne et ses alliés barbares israéliens, comme le Premier secrétaire Mikhail Gorbachev avait
dû remplacer son insensible représentant au Khazakhstan, ouvrant la voie à la généralisation de la contestation des dirigeants corrompus. Lorsque Zelensky et Netanyahou auront été
renvoyés, chacun saura qu’il est possible d’obtenir la tête d’un représentant de Washington et chacun de ceux-ci saura qu’il doit fuir avant d’être sacrifié.
Ce processus n’est pas seulement inéluctable, il est inexorable. Le président Joe Biden peut juste faire tout ce qui est en son pouvoir
pour le ralentir, pour le faire durer, pas pour l’arrêter.
Les peuples et les dirigeants occidentaux doivent maintenant prendre des initiatives pour se sortir de ce guêpier, sans attendre d’être abandonnés,
comme Cuba le fit au prix des privations de sa «période spéciale». Il y a urgence : Les derniers à réagir devront payer l’addition de tous. D’ores et déjà de nombreux États du «reste
du monde» fuient. Ils font la queue pour entrer aux BRICS ou à l’Organisation de coopération de Shanghai.
Plus encore que la Russie qui a dû se séparer des États baltes, les États-Unis doivent se préparer à des soulèvements intérieurs. Lorsqu’ils ne
parviendront plus à imposer le dollar dans les échanges internationaux et que leur niveau de vie s’effondrera, les régions pauvres refuseront d’obéir tandis que les riches prendront
leur indépendance, à commencer par les républiques du Texas et de Californie (les seules qui, selon les Traités, en ont légalement la possibilité)1.
Il est probable que la dislocation des USA donnera lieu à une guerre civile.
La disparition des États-Unis provoquera celle de l’OTAN et de l’Union européenne. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni se
retrouveront face à leurs vieilles rivalités, faute d’y avoir répondu lorsqu’il était temps.
En quelques années Israël et l’«Empire américain» disparaîtront. Ceux qui lutteront contre le sens de l’Histoire provoqueront des guerres et des
morts inutiles en nombre.
Cet après-midi, à
Beyrouth, Sayyed Hassan Nasrallah a prononcé un discours à l’occasion de la journée du martyr du Hezbollah.
Dans la première partie,
Nasrallah explique pourquoi la date de la journée du martyr a été choisie. Cela remonte à une attaque réussie contre les troupes d’occupation israéliennes à Beyrouth le 11 novembre 1982. Il
explique ensuite le rôle et l’importance des martyrs et leur relation avec Dieu. Il félicite les familles des martyrs. Il félicite également ceux qui se sacrifient pour Gaza.
Nasrallah aborde ensuite
les événements à Gaza.
Le premier sujet est
l’attaque d’Israël contre les civils. Le second est la résistance.
Il décrit les crimes d’Israël contre des civils sans défense, au vu et au su du monde entier. Il s’agit d’une vengeance implacable. Mais il y a un deuxième aspect
dans les paroles des politiciens israéliens. Ils disent que toutes ces tueries ont un but. L’un d’eux est de forcer les habitants de Gaza et de la région à se rendre. À renoncer à la résistance
parce que les coûts sont trop élevés. L’autre objectif est de leur faire renoncer à tous leurs droits. Les rendre désespérés. Après Gaza et la Cisjordanie, ils viseront le Liban.
–Début du discours—
Israël se trompe. Ses
objectifs ne seront pas atteints.
Nous savons qu’ils n’ont pas
atteint leurs objectifs au Liban lors de l’invasion de 1982 et de la guerre de 2006, malgré toutes les tueries et les destructions de maisons. Le soutien du peuple libanais à la résistance n’a
fait que croître. Leur choix n’était pas de se rendre, mais d’accroître leur résistance.
C’est également la raison
pour laquelle nous devons nous opposer à la normalisation avec Israël.
La brutalité israélienne
augmente la résistance contre elle. Des manifestations ont lieu un peu partout et font pression sur les hommes politiques pour qu’ils appellent à un cessez-le-feu. Cela limitera la durée des
opérations israéliennes. L’administration américaine peut arrêter la guerre. Il faut la pousser dans ce sens.
Aujourd’hui se tient un
sommet de 57 nations arabes et islamiques. Les Palestiniens ne demandent pas au sommet de mener une guerre contre Israël. Ils lui demandent d’exercer une pression sérieuse sur les États-Unis pour
qu’ils mettent fin à l’agression dont ils sont victimes.
Nous devons attirer
l’attention sur la résistance à Gaza. Elle démontre la faiblesse des forces israéliennes. Les Israéliens ont beaucoup de pertes, plus qu’ils ne l’admettent. Les Israéliens ne peuvent faire état
d’aucune victoire, ni même d’un petit succès.
La Cisjordanie est
essentielle pour la résistance. Elle peut détourner les troupes israéliennes des autres fronts.
L’armée yéménite a pris la
décision d’attaquer Israël. Cette décision a une grande importance. Elle constitue un soutien moral important pour la résistance, même si ses missiles et ses drones ne touchent pas toujours
Eilat. Les Yéménites n’ont pas écouté les menaces américaines à leur encontre. Ils ont rendu le sud d’Israël moins sûr et ont poussé Israël à déplacer ses défenses aériennes vers le
sud.
La résistance irakienne
attaque les positions américaines en Irak et en Syrie. Avant le 7 octobre, ces fronts étaient relativement calmes. Ils ont été rouverts par solidarité avec Gaza. Aujourd’hui, ils défient les
forces américaines. Les États-Unis menacent les gouvernements de réprimer la résistance. La résistance dit qu’on ne peut mettre fin à ces attaques que si l’on fait pression sur
Israël.
La Syrie, au sein de l’axe
de la résistance, porte un lourd fardeau. Elle soutient la résistance et en subit les conséquences. En Syrie, les États-Unis soutiennent ISIS contre les troupes syriennes.
L’Iran est un autre front de
la résistance. Son soutien illimité à la résistance n’est plus caché. La force de la résistance dans la région repose sur la position ferme de l’Iran. Ils n’ont épargné ni les fonds, ni les
armes, ni la formation. L’Iran ne change pas de position. Il ne décide pas pour la résistance mais la soutiendra toujours.
Venons-en maintenant au
Liban. Les opérations de la résistance se poursuivent quotidiennement. Malgré toutes les précautions prises par l’armée israélienne, elle est attaquée par la résistance. Chaque jour, des martyrs
courageux attaquent Israël.
La semaine dernière, la
résistance a franchi un nouveau palier. Pour la première fois, elle a utilisé des drones d’attaque. Nous avons également utilisé de nouveaux missiles pour cibler les bases israéliennes. Ils
portent des ogives de 300 à 500 kilos d’explosifs. Les opérations menées hier ont également atteint des zones plus profondes. Hier, un responsable médical israélien d’un hôpital du nord a déclaré
qu’il y avait eu quelque 300 victimes. Le gouvernement israélien ne l’admet pas.
La résistance répond à
chaque attaque israélienne. Nous ne tolérerons aucune attaque contre nos civils. Nous avons des drones de reconnaissance au-dessus de tout le nord d’Israël. Certains reviennent, d’autres sont
abattus. Ils détournent les défenses aériennes israéliennes d’autres fronts.
Nous poursuivrons dans cette
voie. Nous augmenterons la quantité, la qualité et la profondeur de nos opérations. La population libanaise soutient la résistance. Cela nous aide à constituer un front d’influence
efficace.
Ce qui se passe sur le champ
de bataille est plus important que mon discours. Le temps est important pour la résistance. Il permet de grandir jusqu’à ce que l’ennemi admette sa défaite.
Lorsque toutes les pressions
seront réunies, l’ennemi devra s’incliner. Netanyahou change d’objectif toutes les heures. Cela montre la pression que subit Israël. Son échec militaire sur le terrain et les manifestations
exercent une pression sur lui. Son temps est compté.
La résistance remportera la
victoire et Israël n’atteindra pas ses objectifs.
Je vous demande de prier
pour les martyrs et pour notre succès. Nous nous engageons à poursuivre notre chemin. La victoire finale viendra – si Dieu le veut.
Après le 7 octobre, Israël
n’est plus ce qu’il était. Sa position stratégique et sa sécurité sont amoindries.
Nous devons poursuivre notre
chemin.
Soyez tous
bénis.
— Fin du discours de Nasrallah —
Moon of
Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Nouvel épisode du journal hebdomadaire du Courrier des Stratèges. Aujourd’hui, un point plus long sur Gaza et une analyse sur la manifestation contre l’antisémitisme. Autres sujets :
l’Ukraine, la loi sur l’immigration, la dette française.
Dans ce quatrième numéro du Chaos global, nous évoquons la situation en
Ukraine, la guerre à Gaza, la manifestation contre l’antisémitisme, la loi sur l’immigration et la question de la dégradation de la note de la dette française. N’oubliez pas de vous abonner
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Les juifs apocalyptiques se
réjouissent de la guerre de Gaza, que même Netanyahou considère comme une opportunité. Après Blinken, même Zelensky se rend en Israël…
«Les
ultranationalistes juifs apocalyptiques s’extasient» sur l’«opportunité»
que leur offre la guerre, écrit Uri Misgav (photo) dans Haaretz.
«Leurs
yeux brillent. Ils sont en extase. De leur point de vue, ce sont les jours du Messie. La grande opportunité. Cela fait partie intégrante des opinions fondamentalistes, dans toutes les
religions. La croyance en une apocalypse, en Armageddon, en Gog et Magog, comme seul moyen de rédemption».
Le djihad juif contre le djihad du
Hamas
«Dans le cas des
sionistes haredim, poursuit Misgav, il s’agit d’un double fantasme : la domination juive totale sur toute la zone allant de la mer Méditerranée au Jourdain, en conjonction avec
l’effacement de l’existence des Arabes, et l’émergence d’un État halakhique sur les cendres de l’Israël libéral-démocratique d’aujourd’hui (…) Cela explique le discours sur une
«seconde Nakba»» et d’autres dérives du même genre.
Et bien qu’il y ait des discussions en Israël et ailleurs sur la façon de mener la guerre, sur les relations internationales et autres, «pour les
sionistes haredim, de telles diatribes sont une perte de temps préjudiciable. Gaza est Amalek, qui doit être rayé de la surface de la terre».
«De nombreux
sionistes haredim, dont certains sont des administrateurs publics, considèrent cette terrible crise comme une opportunité et même comme un plan divin». Cette extase, détaille
Misgav, sévit dans la société, dans la politique, mais aussi parmi les militaires, car «au sein de
l’armée, il existe un courant sioniste haredim bien implanté».
Et d’avertir : «Le djihad juif
est déterminé à mettre le feu à toute la Terre sainte». Un danger, écrit Misgav, que ne devraient pas ignorer les Israéliens étrangers à ces dérives, même si l’éditorialiste du
Haaretz reporte à la fin de la guerre le redde rationem entre les deux âmes du judaïsme israélien.
Ce que Misgav ne comprend peut-être pas, ajouterons-nous, c’est que la guerre en cours façonne l’avenir de son pays, mais aussi du monde, et que plus
l’horreur que l’armée israélienne répand à Gaza sous les yeux du monde – malgré ses efforts pour la dissimuler – se prolonge, plus elle est vouée à un tel intégrisme.
Les déclarations de divers représentants de l’establishment israélien (par exemple l’appel à «détruire Gaza» lancé par l’ancien ambassadeur en Italie,
Dror Eydar) le démontrent plastiquement, de même que la brutalité avec laquelle l’armée israélienne mène ce qui est défini comme une guerre, mais qu’il serait plus juste d’appeler un
massacre.
L’attaque d’hier contre un convoi d’ambulances, dont certaines ont été touchées à l’hôpital Shifa, a horrifié le monde entier. Une attaque qu’Israël a
justifiée en affirmant qu’elles transportaient des miliciens du Hamas.
Ainsi, le ministère de la Santé de Gaza a déclaré : «Nous avons
informé la Croix-Rouge, la République arabe d’Égypte et le monde entier, par le biais des canaux de communication et des médias, du déplacement de certaines ambulances transportant
des blessés qui devaient être transférés en Égypte…» (Sky
News).
Le transfert de certains blessés en Égypte a été autorisé après de fortes pressions américaines et a été présenté comme une victoire pour Washington,
qui a cédé à sa demande de retenue.
La publication de ce succès diplomatique américain, plus que relatif, avait précédé la visite en Israël du chef du département d’État Tony Blinken, qui
avait l’intention d’accroître la pression pour obtenir une pause humanitaire.
Netanyahou a rejeté cette demande et l’attaque du convoi d’ambulances, l’une des plus excessives depuis le début de la guerre, a en quelque sorte
symboliquement scellé ce rejet.
L’affirmation américaine qui
condamne Gaza à devenir un abattoir
D’autre part, la prétention des Etats-Unis à pouvoir gérer seuls le conflit, en se créditant d’une influence décisive, qu’ils n’ont pas en réalité, sur
leur partenaire moyen-oriental, condamne a priori leurs efforts, qui ne seraient couronnés de succès que s’ils étaient coordonnés internationalement avec les autres puissances
rivales, à savoir la Chine et la Russie, comme c’était le cas à l’époque de la guerre froide où certains excès présentant des risques pour la stabilité mondiale étaient impossibles à
commettre.
Le manque d’influence de l’Amérique provient de sa prétention à rester, malgré tout, la puissance hégémonique mondiale, d’où sa détermination à façonner
le conflit du Moyen-Orient de telle sorte que son dénouement et son issue favorisent les intérêts américains au détriment de ceux des deux puissances rivales.
Une photographie de cette détermination est l’annonce que Zelensky s’envolera bientôt pour Israël, une visite que Tel-Aviv avait précédemment rejetée.
Il est évident qu’il s’agit d’une demande de Blinken, étant donné la coïncidence dans le temps de l’annonce avec sa rencontre avec Netanyahou.
L’Amérique entend ainsi raviver le lien entre la guerre d’Ukraine et celle du Moyen-Orient, qui lui tient tellement à cœur qu’elle a envoyé au Congrès
une résolution appelant à une aide conjointe aux deux pays.
Cette combinaison a été rejetée par la Chambre, qui a voté en faveur d’Israël et non de Kiev, mais l’administration américaine ne veut manifestement pas
jeter l’éponge. Une telle relance devrait d’ailleurs permettre de redonner de l’oxygène à la guerre ukrainienne, en surmontant les pressions internes et externes pour y mettre
fin.
Il y a des élections en Amérique, Biden ou un autre candidat démocrate ne peut pas se permettre de se présenter aux électeurs avec le fardeau d’une
guerre perdue sur les épaules.
Il est donc évident qu’aux yeux de l’administration américaine, la visite de Zelensky en Israël était plus importante que la pause humanitaire, d’où le
plein succès de la visite de Blinken, malgré les morts de Gaza, qui étaient évidemment plutôt secondaires.
Bibi Netanyahou est bien conscient de ces priorités et joue aux échecs avec ses alliés-antagonistes à l’étranger, gérant ainsi le conflit et survivant
politiquement à ceux qui, en Israël, veulent sa tête.
En effet, les efforts visant à l’écarter de la scène politique israélienne ne se sont pas relâchés, et ce conflit interne se répercute sur l’abattoir de
Gaza et sur les possibilités d’une guerre plus large, que la prolongation et la brutalité du conflit impliquent.
Sur ce point, un article de Yossi Verter dans Haaretz consacré
à l’affrontement qui a lieu au sein de la politique israélienne, rapporte les confidences d’une source anonyme qui, après avoir détaillé les difficultés qui entravent la destitution
du premier ministre, conclut que, cependant, cela vaut la peine d’essayer, «sinon Bibi fera
durer la guerre pour toujours».
Ainsi, pour revenir au début de notre note, Netanyahou a également évoqué Amalek et, pour lui aussi, la guerre de Gaza représente une opportunité, comme
le 11 septembre l’a été pour les néo-conservateurs américains. Nous y reviendrons.
Dans une guerre, la meilleure manière d’être ignorant, c’est de croire de but en blanc, l’information du jour, souvent sinon
systématiquement fausse.
On ne peut qu’essayer de percer le brouillard, en multipliant les sources de renseignement, en ayant une solide culture personnelle, et posséder un
scepticisme à toutes épreuves.
Le général surnommé Dourakovlev par Xavier Moreau (Dourak : Crétin, abruti, exemple, Général Dourakine), reconnait que «l’offensive», ukrainienne, ayant
progressé de 17 km (en tout) en 5 mois, était une catastrophe absolue (pour l’attaquant). Il a même indiqué que le 14 mai 1940, la percée de Sedan était de 100 km.
On a dit que Mac Mahon, comme président était «brave au feu, et
timide au conseil» (il se ralliait à la majorité). Ces généraux de salon, sont au plus capables de mener des guerres d’essence coloniale, mais totalement incapables d’avoir un
courage de salon, pour sans doute, ne pas sacrifier leur carrière.
Sur le front ukrainien, Avdiivka est visiblement sur le point d’être encerclé. Sans doute, aussi, l’utilisation de la technique stalinienne du broyage, ou technique du boa constrictor,
qui consiste à broyer lentement l’ennemi, en lui laissant l’espoir qu’il pourra survivre. De fait, il s’acharne à défendre à grands coûts, des positions, en fait, déjà perdues.
Une invitation au pouvoir ukrainien, pour qu’il envoie ses meilleures unités dans le broyeur. Visiblement, Zelensky est dans un délire bunkerien, comme
Hitler, ayant perdu tout contact avec la réalité à force d’avoir été dans le monde virtuel.
Deuxième front, Gaza. Les pertes israéliennes semblent lourdes. En plus des 600 à 700 tués militaires du 7/10, ce
sont plus de 400 soldats israéliens qui ont été tués.
Le 7, je disais que la brèche avait été colmatée «au canon», et le terrain, repris en tirant dans le tas. Visiblement, ce sont les hélicoptères qui se
sont chargés du travail, tuant amis et ennemis, sans se soucier de quoi que ce soit, et peut être aussi, sans ordre, spontanément. C’est possible, vu le stress dans lequel les
israéliens sont entretenus.
Donc, l’essentiel des victimes du 7, l’aurait été de la part de «tirs amis», et il faut se méfier des images et
des vidéos. Elles sont facilement manipulables et falsifiables.
D’autre part, si le «Hamas» (lire, toutes les entités de la résistance palestinienne, sauf Fatah), n’hésite pas à sacrifier les siens, en se cachant au
milieu d’eux, selon Israël, il aurait été plus habile de leur part, de se cacher parmi leurs otages comme bouclier humain. Mais la cohérence n’est pas le fait de la propagande, ni
du journaliste.
Au vu des pertes subies par l’armée US à Falloujah, on peut penser que les pertes israéliennes sont terriblement lourdes, au moins en matériel, sinon en
effectif. Et l’occident collectif n’en a plus beaucoup à sacrifier dans la bataille. Un ennemi retranché, s’il subit des lourdes pertes, peu en infliger de très lourdes aussi.
Mais cela n’infirme pas mon analyse de premier jet. Sans profondeur stratégique, le «Hamas» finira par ployer. Et sera détruit. Le coût sera, néanmoins,
très lourd, et le problème intact. Pour nettoyer la bande de Gaza, ça se finira à la baïonnette.
Israël, alterne, massacre, 20 heures par jour, et nettoyage ethnique (4 heures), en laissant filer la population vers le sud.
Un Israël qui n’a pas moins proposé à l’Égypte l’effacement de sa dette de 135 milliards de $, s’il accueillait les réfugiés palestiniens. De fait,
c’est conforter les antisémites, qui disent qu’ils sont les maitres réels, l’accord des USA, du FMI, de l’occident et de toutes les autorités étant présumé acquis et
automatique…
S’attaquer aux porte-avions
américains (même sans entrer dans les détails) équivaut symboliquement pour l’Axe à remettre en cause l’hégémonie américaine dans ses fondements mêmes. «Défi relevé».
Les intérêts des États-Unis et d’Israël, confrontés à l’horrible spectacle de la mort massive de civils à Gaza, divergent à
la fois à court et à long terme. Pour Israël, le ministre israélien de la Sécurité déclare que tout ce qui ne met pas fin à l’existence du Hamas est un échec.
Les États-Unis s’investissent totalement pour aider Israël à vaincre le Hamas, mais en plaçant la barre si «messianiquement haut», Netanyahou tend un
piège à Biden : si l’armée israélienne ne parvient pas à anéantir le Hamas, Israël ne peut pas «gagner». Et, à la fin, si Israël se retire simplement – et que le Hamas et son éthique
révolutionnaire demeurent – cela sera compris dans toute la sphère islamique comme une «victoire» du Hamas. En clair, le nivellement de Gaza n’est pas une solution pour Biden.
Pire encore, dans ce dernier scénario, Biden se voit privé de la possibilité de mettre en avant une «finalité» américaine claire à Gaza afin d’apaiser
les critiques croissantes dans son pays quant à son soutien «sans limites» à la guerre d’Israël contre le Hamas – un soutien que les manifestants américains qualifient de plus en plus
souvent de nettoyage ethnique, voire de génocide.
En clair, la politique de l’administration américaine risque de chavirer rapidement et de devenir un handicap politique majeur. La position actuelle est
donc clairement assortie d’un «délai d’expiration» précoce. Biden veut «passer à autre chose».
Le gouvernement israélien, en revanche (avec le soutien massif de l’opinion publique), s’est engagé à fond dans l’éradication du Hamas et considère les
morts civiles comme le «prix de la guerre», notamment parce qu’un tel degré d’intensité est considéré comme nécessaire pour apaiser l’électorat israélien après le choc total du 7
octobre. Le discours du cabinet israélien parle d’une guerre longue, plutôt que d’une «fin de partie» rapide.
Pour l’administration américaine, en cette année électorale, Biden veut aller au-delà du Hamas. Il ne veut pas que Gaza entache les élections de 2024,
mais il veut plutôt ramener l’attention du public américain sur la prétendue «menace» de la Russie, de la Chine et de l’Iran.
Les États-Unis et Israël veulent tous deux éviter une guerre régionale de grande ampleur ; mais Israël, de l’avis de la Maison-Blanche, prend
d’énormes risques d’escalade en cherchant à «éradiquer totalement» le Hamas, avec des moyens destructeurs qui radicalisent le monde.
Dans son discours de dimanche, Hassan Nasrallah a effectivement fait du Hezbollah le garant de la survie du Hamas (en identifiant spécifiquement le
Hamas par son nom). Le Hezbollah, a-t-il dit, se limitera à des opérations (non définies) et limitées à la frontière, «si et quand» le Hamas sera en danger. Il s’agit là d’une «ligne
rouge» qui va inquiéter la Maison-Blanche.
En clair, les États-Unis essaieront (s’ils le peuvent) – comme l’a fait Blinken – de faire reculer Israël dans son assaut contre Gaza, laissant les FDI
dans une situation d’effondrement total de la dissuasion ; car, en laissant Israël persévérer, ils risquent une escalade régionale horizontale. Sans surprise, les grands médias
américains spéculent sur les possibilités de changement
de régime pour Netanyahou. Ce dernier est certes impopulaire, mais son départ ne changerait rien à l’opinion bien établie en Israël selon laquelle Gaza doit être
«rayée de la carte».
Le point le plus important du discours de Hassan Nasrallah est son changement d’orientation, qui reflète peut-être non seulement la vision étroite du
mouvement, mais aussi celle de l’«axe» collectif. Ainsi, dans son discours, Israël est passé du statut d’acteur indépendant à celui d’un protectorat militaire américain nocif parmi
d’autres.
Hassan Nasrallah a directement mis en cause non seulement l’occupation israélienne, mais aussi les États-Unis dans leur ensemble, qu’il considère comme
responsables de ce qui est arrivé à la région – du Liban à la Palestine en passant par la Syrie et l’Irak. À certains égards, ces paroles font écho à l’avertissement lancé par Poutine
à Munich en 2007 à l’Occident, qui massait alors des forces de l’OTAN aux frontières de la Russie. «Défi accepté».
De même, les États-Unis ont déployé des forces massives dans la région, dans l’espoir de contraindre la résistance libanaise à renoncer à toute
intervention majeure en Israël.
Toutefois, le sous-texte du discours de Hassan Nasrallah était l’allusion à un front uni, à une «lente ébullition» de la «grenouille de dissuasion»
américaine, plutôt qu’à un plongeon tête baissée dans une guerre régionale.
Ces dernières semaines, les bases militaires américaines de la région ont été la cible d’attaques répétées de la part des milices régionales, et rien
n’indique que ces attaques vont bientôt cesser. Leurs drones et leurs roquettes ont tous été abattus, a insisté le CENTCOM. Aujourd’hui, le CENTCOM a cessé de publier des mises à
jour. Combien d’Américains ont été blessés et tués jusqu’à présent ? Combien d’autres risquent de mourir ou d’être gravement blessés ? Pour l’instant, nous ne le savons pas.
«Tout cela indique
une évolution inquiétante», écrit Malcom
Kyeyune, «le déclin de la
dissuasion» :
«Au cours des
dernières semaines, les responsables américains ont supplié [les milices] … de cesser d’utiliser des drones et des roquettes – et les ont menacés de graves conséquences s’ils
n’obtempéraient pas. Washington a mis ces menaces à exécution en ripostant par des frappes aériennes, tout en soulignant la nature défensive de ces frappes et en promettant de faire
marche arrière dès que les attaques contre les bases américaines cesseraient. Mais après chaque frappe aérienne, les groupes armés de la région ont «intensifié» leurs activités
anti-américaines. Des rapports circulent actuellement sur plusieurs grands groupes armés en Irak déclarant un État de guerre de facto contre les États-Unis [pour la libération de
l’Irak].
Le cœur du
problème réside dans le fait que les forces américaines sont réparties sur plus d’une douzaine de bases dans la région. Aucune de ces bases n’est suffisamment solide pour se défendre
contre une attaque concertée. Ils se sont plutôt appuyés sur l’idée qu’en attaquant ne serait-ce qu’un faible avant-poste américain, on s’exposait à des ennuis : Ce ne serait qu’une
question de temps avant que l’ensemble de la machine de guerre américaine ne s’abatte sur vous pour neutraliser la menace».
Kyeyune suggère qu’alors que :
«La dissuasion a
d’abord été un effet secondaire utile de la puissance économique et militaire américaine. Mais au fil du temps, elle est devenue une béquille, puis un village Potemkine : une façade
érigée par mesure d’économie, pour dissimuler le fait que l’armée se réduisait, que les dysfonctionnements politiques augmentaient et que la stabilité fiscale s’érodait. Aujourd’hui,
alors que les drones et les roquettes pleuvent sur les militaires américains en Syrie et en Irak, il apparaît clairement que le Moyen-Orient a décidé que les menaces
américaines n’étaient plus vraiment crédibles».
L’Irak sera-t-il le prochain «front» à s’ouvrir dans ce conflit en expansion ?
Hassan Nasrallah a déclaré à propos des navires de guerre américains : «Nous avons
préparé quelque chose pour eux». S’attaquer aux porte-avions américains (même sans entrer dans les détails) équivaut symboliquement à ce que l’Axe remette en cause l’hégémonie
américaine à sa racine même. «Défi relevé».
En bref, les conflits sont devenus géopolitiquement divers et technologiquement plus complexes et multidimensionnels – en particulier avec l’inclusion
d’acteurs non étatiques militairement compétents. C’est pourquoi un resserrement progressif de l’étau sur plusieurs fronts peut constituer une stratégie efficace : «Il est douteux
que l’armée américaine parvienne à mener une guerre sur trois ou quatre fronts – l’effort pourrait facilement se transformer en un nouveau bourbier».
Trente jours après que l'opération Al-Aqsa Flood a détruit la dissuasion psychologique
d'Israël, Washington et Tel Aviv continuent de prendre des mesures dangereuses pour étendre leur guerre
à Gaza vers une conflagration régionale.
Il y a deux semaines, les États-Unis et Israël avaient commencé à revenir légèrement sur
leur
objectif initial d'« éliminer complètement le Hamas » – un objectif que beaucoup
considéraient
comme irréaliste et irréalisable.
Mais maintenant, Tel Aviv a réitéré son objectif d’éradiquer la résistance palestinienne
dans sa
guerre contre la bande de Gaza, et les États-Unis fournissent une couverture complète à la
brutale campagne israélienne.
L'ampleur des bombardements israéliens est comparable aux campagnes aériennes
de
Washington au Vietnam, en Corée et au Cambodge, ainsi qu'aux premiers jours de
l'invasion
irakienne « Choc et crainte ». Ce niveau de bombardements destructeurs est historiquement sans précédent sur une zone
géographique de seulement 365 kilomètres carrés.
Pour décrire la situation plus précisément, les bombes larguées par Israël sur la bande de
Gaza dépassent la bombe nucléaire avec laquelle les États-Unis ont frappé la ville japonaise
d'Hiroshima pendant la Seconde Guerre mondiale. Au cours des dernières semaines, Gaza a
enduré la souffrance de 25 000 tonnes d'explosifs – à comparer aux 15 000 tonnes de la
bombe d'Hiroshima, selon l'Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme.
Plus de 10 000 civils – dont 4 000 enfants – ont été tués par les tirs aveugles
d’Israël. 2 200 Palestiniens supplémentaires sont portés disparus
sous les décombres, dont la moitié sont des enfants.
Malgré cela, les responsables américains déclarent publiquement que leurs alliés à Tel Aviv
ont
pris soin de ne pas causer de victimes civiles et qu’ils continuent de mettre en garde
Israël de ne
pas infliger davantage de morts civiles à Gaza.
Mais les actes sont plus éloquents que les mots, et les comportements de
Washington
soutiennent de manière retentissante l’escalade de la violence. À ce jour, malgré l’éblouissante démonstration de navette diplomatique régionale du
secrétaire d’État américain Antony Blinken le week-end dernier, les États-Unis refusent de conclure un accord de cessez-le-feu. Washington a également convaincu ses alliés arabes d’accepter de poursuivre la guerre –
pour l’instant.
Les régimes arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël – l’Égypte, la Jordanie,
les
Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc – n’ont pas encore subi la colère publique de
leurs
citoyens qui s’opposent avec véhémence à l’agression israélienne contre
Gaza. Washington et
Tel-Aviv ont jeté quelques miettes à leurs alliés arabes pour les aider à conjurer les
dissensions intérieures massives. Par exemple, Blinken a donné
dimanche au roi Abdallah II de Jordanie un « laissez-passer » pour larguer des fournitures humanitaires à l'hôpital jordanien de Gaza. Ce geste dénué de sens fait suite au rappel, la semaine dernière, de l'ambassadeur de
Jordanie à Tel Aviv :
Deux actions en l'espace d'une semaine suggèrent beaucoup de chaleur dans la rue
dans
certaines capitales arabes.
Mais en réalité, les défenses aériennes jordaniennes sont profondément impliquées dans
les
systèmes israéliens et américains pour contrer les
missiles yéménites et irakiens se dirigeant
vers les territoires palestiniens
occupés.
Au cours de sa visite éclair dans les principales capitales d’Asie occidentale, Blinken a
également
porté avec lui davantage de menaces contre l’Axe régional de la Résistance
pro-palestinien,
réitérant l’avertissement selon lequel l’armée américaine, déployée en Asie occidentale,
dans la
mer Rouge, dans le golfe Persique et dans l’est de l’Asie. Méditerranée, contrecarrerait
toute
tentative de guerre.
Et ce, alors que Washington rassemble encore plus de forces terrestres, aériennes et
navales
dans la région pour dissuader les ennemis d’Israël. Le déploiement de deux porte-avions avec
chacun un groupe de cuirassés ; quatre autres groupes navals ; avions de combat et bombardiers; Systèmes de défense aérienne Patriot et THAAD ; et le renforcement de toutes les
bases militaires américaines régionales avec davantage de troupes - et aujourd'hui,
l'armée
Tous les renforts du Pentagone pour protéger la guerre effrénée d'Israël contre Gaza - qui
n'ont
pas cessé depuis l'opération de résistance menée par le Hamas le 7 octobre - n'ont
apparemment
pas suffi à dissuader l'Axe de la Résistance. Et il existe des preuves pratiques de cela :
Tout d’abord, Blinken s’est rendu dans la capitale irakienne vêtu d’un gilet pare-balles,
où il est allé transmettre ses menaces aux innombrables factions de la résistance du pays. Dès son départ de l'aéroport de Bagdad, la Résistance islamique en Irak a procédé à
plusieurs bombardements
contre des bases américaines en Irak et en Syrie.
Deuxièmement, les tirs de roquettes et de drones se poursuivent depuis le Yémen vers les
bases militaires israéliennes en Palestine occupée, qui sont contrés par les systèmes de défense
antimissile américains d’Arabie saoudite, de Jordanie et d’Égypte avant les défenses
antimissiles israéliennes. Malgré les menaces américaines contre les dirigeants de la résistance
d'Ansarallah