Les États-Unis, Israël et la Russie sur l’échiquier géopolitique

...proposé par le Gal. Dominique Delawarde - le 28/06/2019.

Bonjour à tous,

Dans deux articles successifs de 3 pages, remarquablement documentés,
étayés et sourcés, Youssef Hindi, écrivain, chercheur indépendant et historien d'origine marocaine décortique pour nous les dessous des affaires proche et moyen-orientales.

Sous le titre "Les États-Unis, Israël et la Russie sur l’échiquier géopolitique", il nous rappelle et analyse avec une grande précision "les faits" qui ont émaillé l'actualité des dernières années pour en arriver à la situation géopolitique que nous connaissons tous. 

La première partie porte fort bien son titre :

Partie I : Guerre à la Maison Blanche et crise iranienne

L'auteur nous y décrit la guerre entre faucons (pro-israéliens) et colombes qui s'opposent aux fauteurs de guerre.

http://www.geopolintel.fr/article2115.html


La deuxième partie entre dans les détails de la relation russo-israélienne et de son évolution.

Partie II : Décryptage des relations russo-israéliennes

http://www.geopolintel.fr/article2116.html

Je recommande particulièrement la lecture de ces deux articles à tous ceux qui s'intéressent au grand jeu qui se déroule sous nos yeux entre les USA, la Russie, l'Iran et Israël.

Après lecture, je ne peux qu'apporter ma caution à la totalité de ce qui est écrit dans ces deux articles, qui restent d'ailleurs très "factuels".

Bonne lecture

DD


Partie I : Guerre à la Maison Blanche et crise iranienne

 

Le représentant de l’aile juive sioniste à la Maison Blanche n’est autre que le gendre de Donald Trump, Jared Kushner ; quant à l’aile non-juive, elle était représentée par Steve Bannon – d’origine irlandaise et de confession catholique – qui a été écarté du Conseil à la sécurité nationale (en avril 2017) par le président, suite aux pressions du Parti républicain et du Parti démocrate [2]
Quelques mois plus tard, en août 2017, Bannon a été poussé à la démission de son poste de conseiller en chef du président [3], au profit de Jared Kushner, qui devint l’homme le plus influent à la Maison Blanche : le bras droit et le principal conseiller de Donald Trump.

Pour les partisans de Steve Bannon, « les kushneriens sont une espèce invasive de démocrates au sein du gouvernement républicain, qui empêchent le président de concrétiser ses promesses aux classes populaires » [4]

D’après la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Huckabee Sanders, la présence de Michael Wolff – auteur du brûlot anti-Trump – était du fait de Steve [5].. Le New York Magazine a expliqué que le livre de Wolff « Fire and Fury : Inside the Trump White House » (Feu et furie : à l’intérieur de la Maison Blanche de Trump) est le résultat de dix-huit mois d’entretiens avec des membres du staff de Donald Trump et avec le président lui-même. Pour les besoin de son enquête, Michael Wolff aurait pris ses quartiers dans la Maison Blanche rapidement après l’investiture de Donald Trump et aurait conduit plus de 200 interviews. L’auteur affirme avoir occupé « quelque chose comme une place semi-permanente sur un canapé de l’aile ouest de la Maison Blanche » [6].

En bannissant Steve Bannon de la Maison Blanche, Donald Trump a contenté son aile juive sioniste et a perdu un conseiller de poids – après avoir été délesté de Michael Flynn qui a été neutralisé et contraint de collaborer avec le procureur Mueller dans le cadre de l’enquête sur la collusion avec les Russes.
À propos de l’affaire russe, Bannon s’était exprimé en ces termes dans le livre de Michael Wolff :

« Les trois personnes les plus importantes de la campagne ont pensé que c’était une bonne idée de rencontrer un gouvernement étranger dans la Trump Tower, dans la salle de conférence du 25e étage, sans avocats. » [7]

En réaction, Donald Trump a déclaré que Bannon avait « perdu la raison » et a immédiatement entamé une procédure judiciaire, et lui a adressé une mise en demeure écrite, l’accusant d’avoir rompu un accord de confidentialité et d’avoir tenu des propos diffamatoires « à l’encontre de Monsieur Trump et de membres de sa famille ».

Jared Kushner, représentant de l’aile juive sioniste à la Maison Blanche

Jared est le fils de Charles Kushner, fils de juifs de Biélorussie immigrés aux Etats-Unis en 1949, né en 1954. Charles Kushner est un promoteur immobilier véreux qui sévit dans le New Jersey, reconnu coupable à plusieurs reprises de fraude fiscale et de manipulation de témoins ; ce qui l’a mené en prison. Parmi ses faits d’arme figure cette affaire où il engagea une prostituée pour séduire son beau-frère et fit filmer leurs ébats avant d’envoyer la cassette à sa sœur [8]
Charles Kushner est le fondateur de « Kushner Companies », groupe immobilier dont Jared est actionnaire. Le père Kushner est en outre un multimillionnaire et un des plus importants donateurs au Parti Démocrate aux Etats-Unis.

Jared Kushner est une des courroies de transmission entre les milieux judéo-sionistes, Israël et la Maison Blanche. C’est lui qui, par ailleurs, avait écrit le discours (bien accueilli par l’auditoire) que Donald Trump a prononcé en mars 2016 devant le lobby pro-israélien AIPAC. 
Comme le rapportait le spécialiste de la politique américaine, Jean-Eric Branaa, Donald Trump a, à partir de ce moment, prêté une oreille de plus en plus attentive à ce jeune juif proche de la communauté orthodoxe loubavitch. Après la victoire de Trump il fut nommé haut conseiller.

Il serait, d’après Jean-Eric Branaa, à l’origine du renvoi de deux importants proches conseillers de Trump : Paul Manafort et Corey Lewandowsky. Il aurait aussi conseillé à son beau-père de prendre Mike Pence comme colistier à la place de certains fidèles de la première heure. Et il fut à la manœuvre pour évincer Steve Bannon. D’ailleurs, Steve Bannon – ainsi que je l’ai rapporté dans mon article L’Europe face à son destin [9] (25/09/18) – a, depuis son éviction, tenté de se recycler politiquement en Europe en tentant de ramener dans le giron israélien la vague populiste européenne.

À partir du 8 novembre 2016 le clan de Jared Kushner s’est fortement renforcé avec l’arrivée dans l’entourage du président de l’avocat David Friedman qui a été nommé ambassadeur en Israël ; de Jason Greenblatt qui a pris la direction des affaires Juridiques ; de Steven Mnuchin qui a hérité du portefeuille du trésor ; de Steven Miller ; de Carl Icahn (régulation) ; de Gary Cohn (affaires économiques) ou encore de Reed Cordish (grand ami de Kushner qui a été nommé à l’innovation technologique).

Jean-Eric Branaa expliquait que « Jared Kushner, qui a grandi à Livingstone, dans le New Jersey, dans une famille aisée et démocrate (proche de plusieurs responsables politiques à qui sa famille a fait de larges dons financiers), a œuvré pour que Donald Trump s’apaise et tende davantage vers le centre politique. Les événements lui sont venu en aide, puisque les plus radicaux au Parti républicain sont entrés en conflit avec le président, lui reprochant de ne pas aller assez vite et, surtout de ne pas allez assez loin… Bannon a été incapable de calmer ce groupe de radicaux et Jared Kushner a conseillé un recentrage, qui seul permettra de tendre la main aux démocrates avec l’espoir que certains d’entre eux suivront la tradition républicaine américaine et accepteront de travailler avec la nouvelle administration…  » [10]

Contre-offensive pour réduire l’influence de Jared Kushner et ses réseaux

Mais durant le premier trimestre 2018, Jared Kushner a perdu ses accréditations pour accéder aux informations confidentielles de la Maison Blanche, et n’est plus autorisé à assister aux réunions les plus sensibles. Le président l’a purement et simplement rétrogradé [11]. Suite à cela, rapporte la lettre d’informations Faits & Documents [12], deux des proches de Jared Kushner, Reed Cordish et Josh Raffel, ont été renvoyés.

La décision de rétrograder Kushner aurait été prise alors que des membres de l’Administration Trump s’inquiétaient de la possible manipulation du gendre de Donald Trump par des puissances étrangères (ont été notamment cités Israël et les Émirats arabes unis). 
Décision intervenue quelques jours avant la visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (proche de Jared Kushner [13] ) et du congrès du lobby pro-israélien AIPAC au cours duquel le vice-président Mike Pence s’est exprimé (le 25 mars 2018).

Par ailleurs, le Department of Financial Services (Département des services financiers) a demandé à plusieurs banques des précisions à propos d’arrangements financiers accordés ou demandés par la Kushner Companies (la société fondée par le père de Jared, Charles Kushner), notamment des prêts pour plusieurs centaines de millions de dollars du fonds Apollo Global Management, dont l’un des fondateurs, Jushua Harris, avait espéré en vain une nomination à la Maison Blanche [14].

C’est dans ce contexte que le National Economic Council (Conseil économique national) – structure réactivée par Donald Trump pour mener sa politique économique – a vu, le 6 mars 2018, la démission de son directeur Gary Cohn, ancien numéro 2 de la banque judéo-américaine Goldman Sachs. Il a été remplacé par Larry Kudlow. 
Dans la fournée des départs, se trouve également Dina Powell, membre du CFR (Council on Foreign Relations) et ancienne de Goldman Sachs, faucon de l’Administration de George W. Bush, qui occupait jusque là un poste de conseillère en politique étrangère.

La mise à l’écart de ceux qui ont fait limoger Steve Bannon renforce, comme l’a souligné Faits & Documents, la position des militaires, principalement le chef de cabinet de Donald Trump, le général catholique d’origine irlandaise John Kelly, ainsi que le conseiller à la sécurité nationale Herbert Raymond McMaster, régulièrement accusé d’être « secrètement anti-israélien ».

Renforcement des réseaux israéliens avec la nomination de John Bolton au poste de conseiller à la sécurité national

Mais l’Administration Trump ne s’est pas subitement transformée en gouvernement antisioniste. Ce nettoyage, qui pourrait apparaître suspect aux yeux du lobby pro-israélien, a été équilibré par la nomination, le 22 mars 2018, de John Bolton, au poste de conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche. John Bolton fut un des faucons au sein de l’Administration de George W. Bush et son ambassadeur aux Nations unies. 
Le journal libanais L’Orient le jour [15] a rapporté que plusieurs ministres israéliens ont salué la nomination de Bolton, un « ami », tandis qu’une dirigeante palestinienne s’est alarmée du choix d’un vieil adversaire de la cause palestinienne pour ce poste influent. 
Ayelet Shaked (ministre de la Justice israélienne de 2015 à 2019) – qui s’est distinguée en juillet 2014, durant le bombardement de Gaza, en appelant à « tuer toutes les mères palestiniennes » [16] – a indiqué dans un communiqué que « le président Trump continue de nommer de véritables amis d’Israël aux postes les plus hauts placés. John Bolton fait partie des plus éminents d’entre eux », et d’ajouter « l’administration Trump s’avère être la plus amicale qu’Israël ait jamais connue ».

Naftali Bennet, ministre israélien de l’Education (de 2015 à 2019) et chef du parti Le Foyer juif, a qualifié sur Twitter de « formidable » la nomination de John Bolton, « un spécialiste extraordinaire des questions de sécurité, un diplomate expérimenté et un ami fidèle d’Israël ». Le ministre de l’Environnement Zeev Elkin (membre du Likoud) n’a pas non plus tari d’éloges : « il est sans conteste possible l’ami d’Israël depuis des années, il l’a montré au poste d’ambassadeur américain auprès des Nations unies ».

Pour John Bolton, la solution dite de deux Etats, un État palestinien coexistant avec Israël, était « morte » ou « plus viable ». Mais il ne propose pas la solution de la création d’un seul État où vivraient les Palestiniens et les Israéliens. Cela irait à l’encontre du séparatisme juif… [17]
Bolton affirma en 2014 que « la seule logique sous-tendant la demande d’un État palestinien, c’est l’impératif politique des adversaires d’Israël d’affaiblir et d’encercler l’état juif », préconisant une « solution à trois États » dans laquelle la Cisjordanie serait rattachée à la Jordanie et la bande de Gaza à l’Égypte.

Les commentateurs israéliens mettent en exergue les positions intransigeantes de Bolton vis-à-vis de l’Iran, et en particulier son opposition farouche à l’accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 par l’Administration Obama.

Et Bolton, l’homme des Israéliens à ce poste important, pousse aujourd’hui à la guerre contre l’Iran.

Le rôle de John Bolton et des Israéliens dans la nouvelle crise iranienne

En réponse à la dénonciation américaine de l’accord sur le nucléaire iranien, Téhéran a décidé, en mai 2019, de ne plus respecter certaines restrictions de l’accord sur le stockage d’uranium enrichi. Toutefois, l’Iran ne se retire pas totalement de l’accord sur le nucléaire, signé en 2015 avec les puissances occidentales. 
Le Conseil suprême de la sécurité nationale iranien a déclaré :

« La République islamique ne se considère pas à ce stade engagée à respecter les restrictions concernant le stockage d’uranium enrichi et d’eau lourde. » [18]

L’Iran est dans son droit (les articles 26 et 36 prévoient cette mesure prise par Téhéran), puisqu’il n’a eu aucune contrepartie ; les sanctions n’ont pas été levées, le pays se trouve toujours soumis à un embargo qui le fait suffoquer. Par ailleurs, la Russie et la Chine ont apporté leur soutien à l’Iran dans sa décision.

Comme l’a souligné l’analyste Pepe Escobar :

« L’Administration Trump a unilatéralement triché sur la résolution de l’ONU sur le nucléaire iranien (2015). Imposant un blocus financier mondial illégal empêchant toutes formes de commerce avec l’Iran – du pétrole et du gaz à l’export au fer, acier, aluminium et cuivre. Dans n’importe quel scénario géopolitique, c’est une déclaration de guerre. » [19]

Cette pression exercée sur l’Iran a pour objectif de pousser Téhéran à la faute. Bien que les Iraniens ne soient pas sortis de l’Accord (contrairement aux États-Unis) et que leur décision de ne plus respecter certaines clauses soit légale, les Américains, John Bolton au premier chef, ont sauté sur l’occasion pour battre les tambours de la guerre.

Les États-Unis ont, sans tarder, positionné le porte-avions Abraham Lincoln dans le Golfe persique, et lors d’une réunion, le Secrétaire d’état à la Défense, Patrick Shanahan, a présenté un plan militaire actualisé prévoyant l’envoie de 120 000 soldats au Proche-Orient au cas où l’Iran attaque les forces américaines ou accélérerait le développement d’armes nucléaires, ont déclaré des responsables de l’Administration américaine.

Un plan militaire ordonné par le conseiller à la sécurité nationale John Bolton [20], l’homme des Israéliens.

Les Israéliens et leur lobby ont toujours été derrière la politique anti iranienne des États-Unis, y compris sous l’Administration Trump [21].
C’est d’ailleurs devant le lobby pro-israélien, l’AIPAC, le 21 mars 2016, en pleine campagne présidentielle, que Donald Trump avait tenu les propos les plus agressifs envers l’Iran et qu’il avait promis de jeter à la poubelle l’accord sur le nucléaire iranien [22] .

Et aujourd’hui encore, derrière la nouvelle crise américano-iranienne, l’on retrouve les Israéliens à la manœuvre.

Pour justifier une éventuelle guerre contre l’Iran, un des prétextes avancés est que Téhéran préparerait une attaque contre les intérêts américains dans le Golfe. Une « information » transmise au conseiller à la Sécurité nationale des États-Unis, John Bolton, par le Mossad, lors d’une rencontre à la Maison Blanche, entre Bolton et le conseiller à la sécurité nationale israélien Meir Ben Shabbat [23].

Un officiel israélien a déclaré à propos de cette « menace » iranienne :

« Ce qu’essayent de faire les Iraniens et comment ils planifient de le faire n’est pas encore clair pour nous, mais il est clair pour nous que la température iranienne augmente et qu’elle résulte de la campagne de pression américaine contre eux, et ils envisagent des représailles contre les intérêts américains dans le Golfe. » [24]

Or, nous avons toute la documentation prouvant que les Israéliens et leur lobby sont, depuis de nombreuses années, derrière la campagne de pression américaine sur l’Iran [25].

Des officiels américains opposés aux fauteurs de guerres israéliens

Plus d’une demi-douzaine d’officiels de la sécurité nationale américaine se sont exprimés (sous couvert d’anonymat) en mai 2019 à la demande du New York Times. Commentant la taille des forces impliquées dans le déploiement dans le Golfe, ils se sont dits choqués. Le nombre de 120 000 soldats approche celui des forces américaines qui ont envahit l’Irak en 2003 (une guerre déclenchée à la suite des pressions exercées par les Israéliens et leur lobby sur l’Administration américaine [26]). Les hauts fonctionnaires américains ont ajouté :

« Déployer autant de forces aériennes, navales et terrestres, donnerait plus de cible à frapper à Téhéran, et potentiellement plus de raisons de le faire, risquant d’entraîner les États-Unis dans un conflit de longue haleine. Cela inverserait également des années de retranchement par l’armée américaine au Proche-Orient, qui a commencé avec le retrait des troupes d’Irak en 2011 sous le président Barack Obama. » [27] 
Trois responsables gouvernementaux américains ont rapporté au Daily Beast que des chefs de plusieurs agences de renseignement américaines avaient estimé que « la nouvelle activité menaçante de l’Iran », évoquée par l’Administration Trump pour justifier sa présence militaire dans le Golfe Persique, « répondait au comportement agressif adopté par l’Administration américaine au cours des deux derniers mois ».
D’autre part, plusieurs législateurs de Capitol Hill ont déclaré au Daily Beast (qui a rapporté leurs propos le 22 mai 2019) que :
« Les décisions agressives prises par Téhéran… semblent être une réponse aux actions de Washington, qui fait pression sur la République islamique et sur ses dirigeants. » [28]
Les décisions de l’Administration Trump de renforcer les sanctions pétrolières et de désigner le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI) comme un groupe terroriste ont été particulièrement provocantes, ont ainsi souligné les législateurs américains.

« Sans vouloir révéler d’informations confidentielles, je dois dire qu’il n’y a rien qui nous montre que nous devons envoyer nos bombardiers B-52 et nos Marines dans la région. Nos positions ne sont pas fondées sur des données provenant des agences de renseignement », a indiqué au Daily Beast un membre du Congrès américain qui a souhaité garder l’anonymat.

Ce sont effectivement des manœuvres fondées sur des données provenant, non des agences de renseignement étasuniennes, mais du Mossad. 
De même que l’argument sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein, a été fourni aux Américains par des sources israéliennes ; le 3 mai 2002 (un an avant la guerre d’Irak), le porte-parole d’Ariel Sharon (alors premier ministre), Ra’anan Gissen, disait à un journaliste : « Si on n’arrête pas Saddam Hussein maintenant, nous devrons faire face, dans cinq ou six ans, à un Irak disposant d’armes nucléaires, à un Irak disposant de systèmes de lancement pour des armes de destruction massive » [29].

Israël alimentait Washington en rapports alarmistes concernant les pseudo-programmes irakiens d’armes de destruction massive à un moment où, selon les termes mêmes d’Ariel Sharon « la coordination stratégique entre Israël et les États-Unis avait atteint un niveau sans précédent » [30]. Une coordination qui n’est pas sans faille… Après la guerre du printemps 2003 et après qu’on eut appris qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive, le comité du Sénat en charge des Relations avec les Services de renseignement (Senate Intelligence Committee) et la Knesset (parlement israélien), ont publié des rapports séparés révélant que l’essentiel des informations transmises à l’administration Bush par Israël sur les armes de destructions massives étaient fausses [31].
En 2003, lorsque l’Administration Bush commençait à préparer son offensive contre Bagdad, les dirigeants israéliens essayaient déjà d’entrainer les États-Unis dans une guerre contre l’Iran, expliquant aux officiers américains que l’Iran était une menace plus importante que l’Irak [32].

Incident des pétroliers dans le Golfe d’Oman : provocation des fauteurs de guerre ?

Il y a un an, en juin 2018, j’expliquais lors de l’émission Chroniques de la paix universelle (épisode 6) [33], que, compte tenu du désengagement des États-Unis au Proche-Orient et du refroidissement des relations russo-israéliennes (et ce trois mois avant l’incident aérien ayant conduit à la mort de 15 militaires russes causée par une manœuvre de la chasse israélienne), il y avait un risque d’attaque sous faux drapeau pour débloquer la situation dans laquelle se trouvaient les Israéliens, et ainsi relancer le projet sioniste.

C’est sous cette perspective qu’il faut analyser l’incident des pétroliers frappés dans le Golfe d’Oman.

Le jeudi 13 juin 2019, deux pétroliers, le Front Altair et le Kokula Courageous, respectivement sous pavillon des îles Marshal et du Panama, ont été attaqués en mer d’Oman, près du détroit d’Ormuz. 44 membres d’équipage ont été repêchés par des secouristes iraniens puis débarqués dans un port de la République islamique d’Iran, selon l’agence de presse officielle Irna.
Les États-Unis ont immédiatement attribué la responsabilité de l’incident à l’Iran, qui a rejeté ces accusations en les qualifiants de non fondées. 
La Navy étasunienne a publié, le jeudi 13 juin (le jour même de l’incident), une vidéo très floue, où selon les responsables américains, on peut voir un équipage iranien retirer après coup une mine « limpet » (mine marine posée sur une cible par des aimants) qui était posée sur la coque mais n’a pas explosé. De son côté, l’Iran a assuré que son équipage était là pour porter secours au pétrolier.

Le vendredi 14 juin 2019, un officiel américain a affirmé sur CNN que l’Iran a tiré un missile sol-air visant un drone américain (qu’il a manqué) quelques heures avant l’attaque contre les pétroliers. L’officiel américain a précisé que le drone américain MQ-9 Reaper aurait identifié des navires iraniens approchant des pétroliers, sans toutefois indiquer si le drone avait repéré les navires en train de mener l’attaque [34].

Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Abbas Mousavi, a répondu que « Ces accusations sont alarmantes » et d’ajouter « Ces attaques (contre les pétroliers) arrangent bien les officiels américains ».

Yutaka Katada, PDG de la société japonaise qui exploite le pétrolier Kokuka Gorgeous, touché par l’explosion, a réfuté la version américaine des événements, déclarant que l’équipage du bateau avait vu un tir peu avant l’explosion. Yutaka Katada a ainsi déclaré :

« On nous a signalé que quelque chose a volé vers le navire. L’endroit où le projectile a frappé était nettement au-dessus de la ligne de flottaison, donc nous sommes absolument sûrs qu’il ne s’agissait pas d’une torpille. Je ne pense pas qu’il y avait une bombe à retardement ou un objet posé sur le côté du navire. Une mine n’endommage pas le navire au-dessus du niveau de la mer. Nous ne savons pas exactement ce qui a frappé, mais quelque chose a volé vers le navire. » [35]

Il y a eu des précédents historiques qui nous mènent à déduire qu’il s’agit là d’une attaque sous-faux drapeau pour déclencher une guerre contre un ennemi désigné d’Israël.

Quelques exemples historiques d’attaques sous faux drapeau

Alors que les Anglais avaient, à l’issue de la Première Guerre mondiale créé le Foyer national juif au profit des sionistes, l’Irgoun (l’Irgoun, et la Hagana dont il est issu, sont des organisations terroristes du Foyer national juif, le Yishouv, qui ont donné naissance à Tsahal et qui avaient pour rôle de soutenir et d’étendre les colonies en Palestine) mena dans les années 1940 des actions violentes contre l’Empire britannique finissant, pour le chasser de Palestine [36], notamment avec l’attentat à la bombe ayant frappé les bureaux du mandataire britannique dans l’Hôtel King David le 22 juillet 1946. Détail qui a son importance : les terroristes de l’Irgoun s’étaient habillés pour l’occasion en arabes pour faire porter le chapeau aux Palestiniens. [37]

Nous avons là un bel exemple d’attaque sous faux drapeau ; actions déguisées que les Israéliens mèneront à plusieurs reprises contre leurs alliés pour les entraîner dans des conflits armés. Par exemple :

  • En 1954, des agents israéliens tentaient de faire sauter plusieurs cibles de leur allié américain en Égypte, dans le but de pousser ce dernier contre les Égyptiens.
  • En 1967, les Américains ont évité de se mêler de la guerre de 6 jours, du fait de la menace de l’Union Soviétique alliée de la Syrie et de l’Égypte. Les Israéliens tentèrent alors d’attirer les États-Unis dans la guerre en frappant leur navire de reconnaissance USS liberty ; attaque que les Israéliens voulurent faire passer pour une agression égyptienne, comme en 1954. [38]

Rappelons qu’un mois seulement avant cet incident dans le Golfe d’Oman, les États-Unis affirmaient que les Iraniens préparaient une attaque contre les intérêts américains dans le Golfe ; affirmation fondée sur une « information » transmise au conseiller à la Sécurité nationale des États-Unis, John Bolton, par le Mossad israélien.

Youssef Hindi

 

NB : Michael Wolff, journaliste au Hollywood Reporter, a publié un livre – paru le 5 janvier 2018 aux États-Unis – dans lequel il narre les coulisses de la Maison Blanche sous l’ère Trump.

Il y rapporte, entre autres choses, les propos de Henri Kissinger qui confirme tous nos écrits sur la politique américaine :

 

« À la Maison Blanche, c’est la guerre entre juifs et non-juifs » [1]

 

Lire aussi : "Il est dangereux de laisser un président hors jeux"

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Notes

[12Faits & Documents, N° 448, du 1er au 15 mars 2018.

[14Faits & Documents, p. 8.

[16Press TV, Mothers of all Palestinians must be killed : israeli MP, 16/07/2014.

[17Sur l’origine biblique du séparatisme juif, lire : Youssef Hindi, Occident & Islam – Tome II : Le paradoxe théologique du judaïsme. Comment Yahvé usurpa la place de Dieu, Sigest, 2018.

[21Lire sur le sujet : Youssef Hindi, « Vers une nouvelle donne géopolitique au Proche-Orient », 18/06/2017, Geopolintel : https://www.geopolintel.fr/article19…

[25Voir : Stephen Walt et John Mearsheimer, Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, 2009, La Découverte.

[26Stephen Walt et John Mearsheimer, op. cit.

[29Elizabeth Sullivan, « Sharon Aide Expects United States to Attack Iraq ; He Says Saddam Must be Stopped from Making Nuclear Arms », Cleveland Plain Dealer, 3 mai 2002.

[30Stephen Walt et John Mearsheimer, op. cit. p. 258.

[31Stephen Walt et John Mearsheimer, op. cit. p. 258.

[32Seymour Hersh, « The Iran Game », New Yorker, le 3 décembre 2001, pp. 42-49 ; Peter Hirschberg, « Background : Peres Raises Iranian Threat », Haaretz, 5 février ; David Hirst, « Israel Thrusts Iran in Line of U.S. Fire », Guardian, 2 février 2002 ; « Israel Once Again Sees Iran as A Cause for Concern », Haaretz, 7 mai 2001 ; Alan Sipress, « Israel Emphasizes Iranian Threat », Washington Post, 7 février 2002.

[36Henry Laurens, L’Orient arabe, Arabisme et islamisme de 1798 à 1945, éd. Armand Colin, 1993, p. 353.

[37Au sujet des espions juifs déguisés en arabes, lire cet article du New York Times : httpss://www.nytimes.com/2019/03/22/…

[38Voir les autres exemples rapportés dans : Youssef Hindi, [Occident & Islam – Tome I : Sources et genèse messianiques du sionisme, Sigest, 2015

source:https://www.geopolintel.fr/article2115.html


Partie II : Décryptage des relations russo-israéliennes

 

Une certaine incompréhension et une confusion demeurent dans les esprits quant à la nature et l’évolution des relations entre la Russie et Israël. Raison pour laquelle je m’efforce, depuis 2015 (à travers des articles et conférences), d’en faire un décryptage et des analyses prospectivistes. Les événements des deux années écoulées ont confirmé mes prévisions concernant les rapports entre ces deux pays. 
Le présent texte offre une mise en perspective et un éclairage sur les événements clés qui ont élargi la fracture entre la Russie et Israël.

 

Février 2018 : les Russes perdent patience

 

Depuis le début de la guerre contre la Syrie, Israël frappe à intervalles plus ou moins réguliers le pays d’Assad (plus de 200 frappes depuis 2011 [1] ), en soutien, notamment, des groupes terroristes. Ces derniers ayant été quasiment éradiqués par la Russie, l’Iran et l’armée syrienne – au grand dam d’Israël.

 

Le samedi 10 février 2018, la DCA syrienne a répliqué en abattant un F-16 de l’armée israélienne. 


Le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, Ali Shamkhani, avait à cette occasion déclaré :

« La nation syrienne a prouvé cette fois-ci qu’elle contrerait tout acte d’agression et que l’époque du hit and run (frapper et courir) était révolue. »

Et il en a profité pour démentir les rapports israéliens sur des dommages infligés aux bases iraniennes en territoire syrien.


Selon Tsahal, un drone iranien a pénétré dans l’espace aérien israélien où il a été abattu. En représailles à cette « violation très sévère de la souveraineté », l’aviation israélienne a attaqué la base « iranienne » en Syrie d’où était parti le drone, selon le porte-parole de l’armée israélienne, Jonathan Conricus [2] .

 

D’après le journal libanais L’Orient Le Jour les Syriens voulaient depuis longtemps riposter aux raids répétés des Israéliens, mais jusque-là les Russes leur conseillaient la retenue. Mais suite à ce raid israélien de février 2018, les Russes, les Iraniens et les Syriens se sont mis d’accord pour mener une action contre l’aviation israélienne afin d’établir de nouvelles règles à la confrontation qui se déroule sur le sol syrien. En outre, ajoute le journal levantin :

« C’est les Russes qui ont poussé, après l’incident du F-16, à la retenue, évitant que les développements n’aillent trop loin. Pour eux, il n’est pas question de déclencher une nouvelle guerre, mais plutôt d’en fixer les limites selon leur vision géopolitique, qui coïncide dans certains cas avec celle des Iraniens. » [3]

 

L’alliance russo-iranienne maintenue face à Israël

 

La contagion terroriste et l’affaiblissement de l’État syrien sous la poussée daechienne ont contraint la Russie à s’impliquer directement sur le terrain à partir d’octobre/novembre 2015.

L’aggravation de la guerre contre le terrorisme et la pression occidentaliste contre la Russie ont affermi la diplomatie de la Fédération de Russie vis-à-vis de l’Occident ; parallèlement, la nouvelle donne géopolitique a renforcé l’alliance stratégique entre la Russie et l’Iran.

 

Comme je l’annonçais dans un article du 4 septembre 2015 [4], la situation géopolitique proche-orientale et les priorités stratégiques des Russes, ont fait échouer la stratégie d’Henri Kissinger consistant à découpler la Russie et l’Iran en proposant aux Russes de les intégrer au système international.
De même que j’anticipais, pour les mêmes raisons, dans un article du 11 mars 2017 [5], que Benjamin Netanyahou ne parviendrait pas à convaincre Vladimir Poutine de chasser l’Iran de Syrie (le 9 mars 2017 le premier ministre israélien s’est rendu à Moscou pour demander au président russe d’empêcher une présence militaire iranienne permanente en Syrie [6]). Depuis, les développements sur le terrain témoignent plutôt d’un refroidissement des rapports entre le Kremlin et l’État hébreu.

 

Fin janvier 2018, Netanyahou s’est entretenu avec le président Vladimir Poutine, s’inquiétant à nouveau de l’influence grandissante de l’Iran en Syrie et appelant encore Moscou à en limiter la présence près des frontières israéliennes.

Si les intérêts géopolitiques russes et iraniens convergent pour maintenir leur alliance, les intérêts des Israéliens et des Russes au Proche-Orient sont diamétralement opposés. En témoigne d’ailleurs la déclaration officielle de la Russie, via son ministère des Affaires étrangères qui a appelé, suite aux frappes israéliennes de février 2018 en Syrie, à la « retenue », et a considéré comme « absolument inacceptable de créer des menaces contre la vie et la sécurité des soldats russes » qui se trouvent en Syrie [7].

 

Le 12 février 2018, le New York Times rapportait qu’immédiatement après le bombardement israélien, le président russe Vladimir Poutine, furieux, a appelé par téléphone le premier ministre Benjamin Netanyahou, ce qui a mis un arrêt net aux plans d’attaque de l’armée israélienne. Un haut gradé israélien a en outre révélé au journal américain que :

« Même publiquement, les Russes ont pris partie pour l’autre camp, contre nous, et pas seulement en privé… Ils auraient pu empêcher le lancement du drone (iranien), mais ils n’ont rien fait. Nous avons entendu le message russe, très fortement et clairement. » [8]

La Russie a toujours fait tout son possible pour ne pas apparaître partisane dans le conflit opposant Israël d’un côté et la Syrie et l’Iran de l’autre – en autorisant l’armée israélienne à frapper des cibles du Hezbollah et de l’Iran sur le territoire syrien, et en permettant au drone iranien de traverser la Syrie pour entrer dans l’espace aérien israélien [9]. Mais son intérêt est de contenir les velléités expansionnistes et le bellicisme de l’État hébreu pour préserver l’intégrité de l’État syrien.

Les États-Unis, alliés historiques d’Israël, étaient restés quant à eux à l’écart. Lorsque, en août 2017, une délégation israélienne – composée notamment du directeur du Mossad, Yossi Cohen, et du chef du renseignement militaire israélien, Herzl Halevi – s’est rendu à Washington pour demander que l’accord de paix en Syrie inclue l’expulsion du Hezbollah et des troupes des Gardiens de la Révolution iranienne du pays, les Américains ont refusé. Un des participants israéliens à la réunion rapporte :

« Nous ne comprenons pas les objectifs de cette administration… Et pour dire la vérité, nous ne sommes pas sûrs que nos interlocuteurs américains savent ce qu’ils veulent ou ce que le président leur a demandé de faire. Le ressenti général est la confusion et le chaos. » [10]

 

Deux jours avant l’incident du F-16, le 7 février 2018, l’organisation internationale de prévention et de résolution de conflits, Crisis Group, a publié un rapport dans lequel elle annonçait un conflit à venir. Le rapport explique :

« La guerre syrienne est entrée dans un nouveau stade avec le Régime de Bashar el-Assad ayant la haute main. Israël ne se contente plus de rester spectateur tandis que les positions de Damas se raffermissent, mais entre en mouvement pour mettre fin à la détérioration de ses positions stratégiques. Dans cette entreprise, Israël a de formidables obstacles à surmonter : le régime (syrien) dépend plus que jamais de l’Iran, qu’Israël considère comme son ennemi le plus implacable ; d’autres ennemis, en particulier le Hezbollah et les milices chiites soutenues par l’Iran, sont retranchés en Syrie avec la bénédiction de la Russie ; et les États-Unis, malgré la rhétorique stridente de l’Administration Trump, ont peu fait pour repousser les positions acquises par l’Iran… 
La préoccupation initiale d’Israël était le sud-ouest de la Syrie, où il est déterminé à empêcher le Hezbollah ou les milices chiites d’approcher de la ligne d’armistice de 1974 et de mettre en place une infrastructure offensive dans ses environs. Le faire, selon Israël, pourrait signifier un nouveau front contre lui et mettre le Hezbollah en position de lancer des attaques dans une zone où ses circonscriptions civiles libanaises n’auraient pas à subir les contre-attaques israéliennes. Les stratèges de l’armée israélienne craignent que celle-ci soit laissée à la portée du Liban, de Damas et de Téhéran, avec le risque de provoquer une guerre régionale.
 » [11]

 

La réalité, que ne souligne pas le rapport, est qu’Israël est l’agresseur, et le fauteur de guerre dans la région depuis la création du Foyer national juif [12]. Dès le début de la guerre contre la Syrie en 2011, Israël a soutenu les groupes terroristes, par des soins et par un appuie aérien quand ces derniers étaient en difficulté. Or, le rapport, nous présente un Israël dans une position défensive, qui ne fait que répliquer à une violation de son espace aérien par un drone – violation dont l’État hébreu est coutumier.

 

Stratégiquement, Israël est perdant sur toute la ligne. Les groupes terroristes, idiots utiles du sionisme, ayant été mis en pièce, il ne reste plus aucune force s’interposant entre Israël et ses ennemis. La destruction de l’Irak et la guerre déclenchée contre la Syrie ont ouvert la voie aux forces armées iraniennes et au Hezbollah, qui sont désormais plus proches que jamais de l’État hébreu. 


Les Israéliens sont tombés dans leur propre piège, et il ne leur reste entre les mains qu’une carte à jouer : entraîner les États-Unis et leurs alliés dans une guerre contre l’Iran (ce que j’ai démontré dans la partie I de cette série d’articles). 
La politique anti iranienne des Américains, guidée par les Israéliens, aura eu pour conséquence que de renforcer les Gardiens de la Révolution ainsi que l’unité nationale iranienne, et de lui permettre d’avancer plus encore ses pions dans la Région.

 

Vladimir Poutine déclaré antisémite

 

Les événements décrits plus haut se sont déroulés en février 2018, et il n’a pas fallu attendre plus d’un mois pour que Vladimir Poutine soit accusé d’antisémitisme par des organisations juives aux États-Unis et en Israël.

 

Dans une interview accordée à NBC News le 10 mars 2018, le président russe a été interrogé sur les Russes arrêtés pour ingérence électorale américaine. M. Poutine a répondu :

« Je m’en fiche, car ils ne représentent pas le gouvernement… Peut-être qu’ils ne sont même pas Russes, mais Ukrainiens, Tatars, ou Juifs, mais avec la citoyenneté russe, ce qui devrait aussi être vérifié ; peut-être qu’ils ont une double citoyenneté ou une carte verte ; peut-être que les États-Unis les ont payés pour cela… »

Vladimir Poutine, qui choisi toujours méticuleusement les mots qu’il emploie, n’a certainement pas parlé de « juifs » par hasard ; il sous-entend peut-être par là que des agents juifs, liés à Israël (des sayanim), auraient, durant la campagne présidentielle américaine, agit dans le but de nuire aux intérêts de la Russie en lui faisant porter le chapeau.

 

La réaction ne s’est pas faite attendre. Un des principaux organismes juifs américains a affirmé que les remarques de Poutine « rappelaient étrangement les Protocoles des Sages de Sion ». Le Comité juif américain (AJC) a demandé au président russe de « clarifier ses propos au plus vite ».

 

La députée de l’Union sioniste Ksenia Svetlova, qui a émigré en Israël depuis la Russie, a tweeté :

« Nous connaissons assez bien ces vieilles rengaines : ‘Peut-être que les Juifs dirigent le monde, peut-être que les Juifs utilisent du sang pour leurs rituels, peut-être que les Juifs ont massacré des Juifs en Pologne (NDA : référence aux déclarations du président polonais)’. Maintenant voici le dernier tube ‘peut-être que les Juifs se sont mêlés des élections américaines’. » [13]

Elle a aussi appelé le gouvernement israélien à condamner fermement les propos de Vladimir Poutine, et son confrère de l’Union sioniste, le député Nahman Shai, a également condamné les propos du Maître du Kremlin comme étant « De l’antisémitisme classique », et d’ajouter « ses déclarations montrent que rien n’a changé dans le fait de considérer les Juifs comme responsables de tout le mal du monde… Nous avons besoin d’une réaction forte de la part du gouvernement israélien ».

 

Israël arme et finance des groupes terroristes contre la Syrie

 

Le journal israélien Haaretz a rapporté le 21 février 2018 [14], une enquête (publiée le 14 février 2018) [15] menée sur le terrain par Elizabeth Tsurkov, universitaire et membre du think tank Israeli Forum for Regional Thinking, et qui a révélé le soutien apporté par l’État hébreu à sept groupes terroristes affiliés à l’Armée syrienne libre (ASL), qui est une émanation des Frères musulmans.

 

Après avoir mené dans le sud de la Syrie des dizaines d’interviews de combattants, d’activistes et de civils, Elizabeth Tsurkov rapporte :

« Certains de ces groupes qui ont commencé à recevoir de l’aide d’Israël fin 2017 était jusque-là financés par le Military Operations Command, un centre opérationnel géré par la CIA… Jusqu’en 2018, ce centre a versé les salaires de dizaines de milliers de membres du ‘‘front sud’’ de l’ASL en leur fournissant armes et munitions », et elle précise que la décision de Donald Trump en juillet 2017 de mettre un terme à ces aides les avaient laissés dans un état de « besoin désespéré de sources de financement alternatives ».

 

En outre, en janvier 2018, l’Administration Trump a mis fin aux opérations du centre de la CIA basé à Amman, dans la capitale jordanienne. Ce centre coordonnait l’aide aux organisations rebelles au sud de la Syrie. En conséquence, les dizaines de milliers de terroristes qui recevaient une aide financière de façon régulière de la part des États-Unis, ont été privés de ces ressources du jour au lendemain [16].

Les Israéliens se sont retrouvés par conséquent contraints de financer eux-mêmes les groupes terroristes. Et c’est ce que rapporte Elizabeth Tsurkov :

« Toutes mes sources ont confirmé l’identité d’au moins sept groupes (rebelles syriens) qui perçoivent un soutien israélien, à la condition que les groupes ne soient pas nommés. »

Mais elle précise tout de même qu’il s’agit de formations affiliées à l’Armée syrienne libre.


Son enquête prouve que ces organisations terroristes opérant en Syrie reçoivent de la part d’Israël des armes, des munitions et de l’argent pour acheter des armes supplémentaires.

 

Cette initiative des Israéliens – qui préfèrent habituellement faire accomplir ces basses besognes par les puissances occidentales, et tout particulièrement les États-Unis – s’explique par la situation extrêmement difficile dans laquelle s’est mis l’État hébreu. 


À ce propos, le journal israélien The Times of Israel a, en décembre 2017, bien résumé le point de vue de l’État hébreu :

« Israël, qui s’inquiète de voir l’Iran augmenter sa portée en Syrie via ses milices et le puissant mouvement terroriste chiite libanais du Hezbollah en particulier, a entrepris des démarches diplomatiques et, selon certaines informations, des initiatives militaires. » [17]

Israël a désormais à sa porte, dans le Golan, le Hezbollah, les forces iraniennes et l’armée syrienne. La Syrie est d’ailleurs en droit de récupérer ce qui lui a été volé par l’État hébreu en 1967, le Golan. Et c’est bien ce que craignent les Israéliens, comme l’a écrit Haaretz (en date du 21/02/2018) :

« Il y a environ un mois, le régime syrien a repris aux rebelles l’enclave de Beit Jin au nord du Golan qui est localisé à moins de 15 kilomètres de la frontière israélienne. Les officiers des Forces de Défense israéliennes croient que tôt ou tard, Assad tentera de reprendre le contrôle du reste du Golan syrien, en partie pour l’importance symbolique de la souveraineté au-delà de la frontière israélienne. Les membres du cabinet de sécurité, qui ont visité le Golan avec des officiers de Tsahal il y a près de deux semaines, pensent la même chose. » [18]

 

D’où l’intérêt pour les Israéliens d’armer et de financer les groupes terroristes installés dans le Golan. Ces groupes, que l’Establishment de la défense israélienne appelle des « locaux », se répartissent en deux zones : au nord du Golan, près de la zone qui est contrôlée par l’armée de l’État syrien, et le sud du Golan contrôlé par une branche de Daech, appelée Jaysh Khalid ibn al-Walid


D’après Tsurkov, Israël soutiendrait les groupes affiliés à l’Armée syrienne libre contre cette branche de Daech. Les « rebelles » ont affirmé à Elizabeth Tsurkov qu’Israël les avait aidés à lancer des attaques de drones et des missiles antichars contre les positions de Daech durant ces batailles. Mais il faudrait aussi se questionner sur la source d’approvisionnement de cette branche de Daech. D’autant plus que l’ennemi commun de l’ASL, de Daech et d’Israël est et a toujours été l’État syrien.

 

Un remake géopolitique

 

Depuis 2013 se répète l’histoire des armes chimiques prétendument utilisées par le gouvernement syrien contre sa population ; prétexte à des bombardements contre le pays d’Assad pour le destituer.

 

J’analyserai ici le rôle d’Israël dans chacun des trois épisodes – en 2013, 2017 et 2018 – où on nous a joué et rejoué le scénario des armes chimiques dans ce remake géopolitique.

  • Épisode 1 : août 2013

Israël, via son lobby aux États-Unis [19], utilise, en particulier depuis le tournant du 11 septembre 2001, l’armée américaine et l’OTAN comme un outil de destruction des alliés historiques de la Russie au Proche-Orient et au Maghreb, opposant toujours plus Russes et Américains. Dans le contexte de la guerre contre la Syrie, les dirigeants sionistes ont tenté, via des intermédiaires, de négocier avec la Russie afin qu’elle abandonne ses alliés syriens et iraniens. 


En juillet 2013, le prince Bandar ben Sultan (responsable des services de renseignements saoudiens de 2012 à 2014), en qualité de représentant de l’Arabie saoudite (alliée d’Israël), a rencontré Vladimir Poutine. Bandar aurait, au cours de l’entretien, proposé un accord économique, pétrolier et gazier au président russe, en échange de quoi, celui-ci devrait lâcher l’Iran, abandonner le président syrien et livrer la Syrie aux terroristes [20]. Proposition qu’a repoussée Vladimir Poutine.


Un mois après cette tentative de négociation avec la Russie, les médias et les gouvernements occidentaux nous racontaient que le 21 août 2013 l’armée syrienne a utilisé des armes chimiques contre sa population dans les faubourgs de Damas [21] . Dans la foulée, fin août 2013, des navires de guerre américains et français se sont dirigés vers les côtes syriennes ; les navires russes (et chinois) s’interposent alors, et Barak Obama est contraint, le 31 août 2013, de faire volte-face, prétextant, qu’il lui fallait l’accord du congrès. Obama dira au président François Hollande (qui a envoyé la France en première ligne) au téléphone : 
« Il n’y a pas de coalition internationale pour une intervention en Syrie, pas de majorité au Conseil de sécurité, pas de soutien dans l’opinion, il faut au moins que j’ai l’aval du Congrès, car je ne suis pas George W. Bush. » [22] 


C’est évidemment la force de dissuasion russe qui a fait avorter ce projet de bombardement. Et comme nous le verrons plus bas, aux épisodes 2 et 3, les Israéliens tenteront, avant chacune des fausses attaques chimiques précédent les mouvements militaires contre la Syrie, de rallier à leur cause Vladimir Poutine.

  • Épisode 2 : mars/avril 2017

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qui s’apprêtait à se rendre à Moscou le jeudi 9 mars 2017, avait alors déclaré qu’il allait tenter de convaincre Vladimir Poutine d’empêcher une présence militaire iranienne permanente en Syrie :

« L’Iran tente de s’établir de façon permanente en Syrie au travers d’une présence militaire terrestre et maritime et d’ouvrir progressivement un front sur le plateau du Golan », et il ajouta « Je ferai part au président Poutine de l’opposition ferme d’Israël à une telle possibilité. J’espère que nous parviendrons à trouver des arrangements pour éviter des frictions possibles entre nos forces, comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant. » [23]

 

Lors de sa visite à Moscou le 9 mars 2017, le Premier ministre israélien se lança une nouvelle fois dans une représentation théâtrale. Netanyahou a évoqué devant le président russe, se référant au livre d’Esther, la volonté ancestrale des Perses et de leurs « héritiers » iraniens de « détruire le peuple juif » :

« Il y a 2 500 ans, il y a eu une tentative en Perse de détruire le peuple juif. Cette tentative a été échoué et c’est ce que nous célébrons à travers la fête de Pourim… Voilà qu’aujourd’hui l’Iran, héritier de la Perse, poursuit cette tentative de détruire l’État juif. Ils le disent de la façon la plus claire, ils l’écrivent sur leurs missiles. »

 

Vladimir Poutine rétorqua : « Oui, enfin, c’était au Ve siècle avant notre ère. Aujourd’hui nous vivons dans un monde différent. Alors parlons-en. » [24]

 

Quelques jours plus tard, le 17 mars 2017, l’armée israélienne a envoyé quatre chasseurs contre une base militaire de l’État syrien dans la périphérie de Palmyre. La DCA syrienne a abattu l’un des appareils, qui s’est écrasé en territoire israélien. Un deuxième chasseur a été atteint et les deux autres ont pris la fuite.

La presse iranienne a rapporté que « le ministère russe des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur israélien en poste à Moscou pour lui signifier la protestation de son pays… La riposte cinglante de la DCA syrienne a provoqué une onde de choc en Israël : alors que Netanyahou s’était rendu la semaine dernière à Moscou pour convaincre le président russe de la nécessité de bouter l’Iran et le Hezbollah de la Syrie ».

Mikhaïl Bougdanov, le vice-ministre russe des Affaire étrangères s’était entretenu avec l’ambassadeur israélien Gary Koren, exigeant des explications autour des frappes qui ont eu lieu vendredi [25].

 

La réponse de la DCA syrienne puis la convocation par Moscou de l’ambassadeur israélien, démontraient l’échec total de la mission de Netanyahou.

 

De son côté, le ministre des Affaires étrangères syrien a adressé deux lettres séparées à l’ONU et au Conseil de sécurité. Il affirma, ce qui est évident depuis le début de la guerre en Syrie, à savoir que :

« Israël cherche à remonter le moral des terroristes aux abois et à endiguer les avancées de l’armée syrienne. Or les prétextes invoqués par Tel-Aviv ne sont que des manœuvres de diversion destinées à justifier la poursuite de l’occupation du Golan et des territoires libanais et palestiniens. » 

 

Le texte exige que le Conseil de sécurité « contraigne Israël de cesser son soutien aux terroristes takfiristes tout en mettant en application la résolution 2253. » [26]

L’ambassadeur syrien à l’ONU, Bachar al-Jafari, interrogé par la télévision syrienne sur les frappes d’Israël en Syrie, expliqua que :

« Israël s’est directement engagé dans la guerre en Syrie car il a senti que notre combat contre le terrorisme de Daech a porté ses fruits et que l’armée syrienne est à deux pas d’une grande victoire dont les effets se sentent à Palmyre et à Alep. »

 

Revenant sur le « mécontentement de Moscou » après les raids israéliens, l’ambassadeur syrien avait affirmé :

« Je n’écarte pas la possibilité d’un face-à-face Russie/Israël, si ce dernier tient à reconduire ses frappes aériennes en territoire syrien. » [27]

 

Il faut donc connecter cette affaire d’armes chimiques et les bombardements américains en réaction avec le refus que Poutine a opposé à Netanyahou lorsque ce dernier lui a grossièrement demandé de lâcher la Syrie et l’Iran. Et peut-être même que l’attentat en Russie (Saint-Petersbourg) du 3 avril 2017 est lié à ce refus…

En 2018, nous avons assisté au déroulement d’événements similaires, suivant exactement le même scénario.

  • Épisode 3 : janvier/mars/avril 2018

Je l’ai écrit plus haut, Netanyahou s’est entretenu avec le président Vladimir Poutine en janvier 2018, comme il l’avait fait en mars 2017, s’inquiétant à nouveau de l’influence grandissante de l’Iran en Syrie et appelant encore Moscou à en limiter la présence iranienne près des frontières israéliennes. 


Poutine n’y a pas donné suite, alors le 10 février 2018 Israël a lancé, comme en mars 2017, un raid aérien en Syrie, et la DCA syrienne a répliqué en abattant un F-16 de l’armée israélienne.


Le mois suivant, en mars 2018, Vladimir Poutine était accusé d’antisémitisme par des organisations juives en Amérique (le Comité juif américain) et en Israël (l’Union sioniste).

 

Un mois plus tard, en avril 2018, une nouvelle attaque chimique attribuée au gouvernement syrien survient… Dès le surlendemain de l’attaque chimique présumée, et avant même que les Américains ne décident de bombarder (des bâtiments vides en Syrie), plusieurs missiles ont frappé une importante base syrienne, le lundi 9 avril 2018 au matin. La Russie et la Syrie accusent l’État hébreu.

 

Selon le communiqué de la Défense russe, des avions israéliens ont frappé la base aérienne de Tiyas (T-4), située entre Homs et Palmyre, le lundi 9 avril 2018.  

« Le 9 avril entre 03h25 et 03h53 heure de Syrie (02h25 heure de Paris), deux avions F-15 de l’aviation israélienne, sans entrer dans l’espace aérien syrien, ont attaqué avec huit missiles téléguidés l’aérodrome de Tiyas depuis le territoire libanais. La défense aérienne des forces armées syriennes a détruit cinq missiles téléguidés au cours d’une bataille dans l’air », déclare le communiqué de la Défense russe.

 

La Russie « a déjà demandé à Israël des explications sur les raisons de la frappe via ses ministères de la Défense et des Affaires étrangères », a déclaré le sénateur Vladimir Jabarov [28].

 

Selon les experts militaires israéliens, ce site hébergeait une usine où sont fabriqués des missiles de précision. Le 10 février 2018, l’État hébreu y a aussi détruit un poste de commandement d’où des militaires iraniens sont accusés d’avoir piloté le fameux drone entré dans son espace aérien [29].

 

Et après les frappes théâtrales menées par l’armée américaine le 14 avril 2018, Israël, bien sûr insatisfait, a continué les bombardements. La DCA syrienne a intercepté une dizaine de missiles au-dessus de Homs, visant des avions militaires dans l’aéroport de Shayrat. D’après l’armée syrienne, les missiles (qui ont tous été interceptés) ont été envoyés par Israël [30].

 

L’erreur impardonnable d’Israël

 

Le 17 septembre 2018, vers 23h, tout contact a été perdu avec l’équipage de l’avion russe Il-20. L’avion s’est crashé et les 15 membres de l’équipage sont morts.
L’appareil se dirigeait vers la base aérienne de Hmeimim, à 35 km des côtes syriennes, avait annoncé le ministère russe de la Défense, et d’ajouter que l’avion a été abattu par des systèmes syriens S-200 en raison des actions « irresponsables » et « provocatrices » d’Israël. Menant des frappes en Syrie, des pilotes israéliens se sont abrités derrière l’avion russe Il-20 qui s’est retrouvé exposé au feu des systèmes de défense aérienne syrien S-200, a déclaré le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor [31].

 

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a eu une conversation téléphonique avec Avigdor Lieberman (ministre israélien de la Défense de 2016 à 2018). M. Choïgou a déclaré dans un communiqué :

« La responsabilité du crash d’avion russe et de la mort de l’équipage repose entièrement sur la partie israélienne. »

Et d’ajouter que le ministère russe de la Défense avait déjà à plusieurs reprises appelé la partie israélienne à s’abstenir de mener des frappes sur le territoire syrien créant un danger pour la sécurité des militaires russes. Et le communiqué du ministère russe de la Défense a précisé :

« En dépit des accords existants sur la prévention des incidents dangereux avec Israël, le commandement du groupe des forces russe a été prévenu seulement une minute avant la frappe des F-16 israéliens. »

Après cette manœuvre israélienne qui a causé la mort de 15 russes, V. Poutine avait annoncé que les contre-mesures « viseront avant tout à renforcer la sécurité de nos militaires et de nos sites en Syrie. Ce seront des démarches que tout le monde remarquera. » [32]

 

Opposition au sein de l’appareil d’État russe : patriotes versus pro-israéliens

 

Au sommet de l’État russe il y a deux pouvoirs qui s’affrontent, au milieu desquels Vladimir Poutine joue le rôle d’équilibreur. D’un côté, un pouvoir libéral capitaliste pro-américain et pro-israélien, qui joue contre les intérêts de la Russie ; et de l’autre, le pouvoir patriotique, représenté par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, respectivement Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou [33].

 

Les forces libérales et pro-israéliennes en Russie ont contraint Vladimir Poutine a être excessivement conciliant avec les Israéliens, tout particulièrement sur le théâtre d’opérations syrien, où l’armée israélienne a mené plus de 200 raids aériens depuis le début de la guerre. Mais l’avion russe abattu le 17 septembre 2018 à cause des actions d’Israël, a mis un terme à cette extrême indulgence des Russes. Et c’est le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou, qui y a mis un terme. 


Alors que Vladimir Poutine tentait de calmer le jeu, en parlant « d’une série d’événements tragiques », Choïgou, qui a appelé le ministre de la Défense israélienne Avigdor Lieberman pour le menacer, avait déclaré dans un communiqué que « La responsabilité du crash d’avion russe et de la mort de l’équipage repose entièrement sur la partie israélienne » [34].


C’est manifestement à cette occasion que Sergueï Choïgou a repris la main, notamment avec la livraison des missiles S-300 à la Syrie.

Une livraison vertement critiquée par le Grand Rabbin de Russie, Berel Lazare, proche de Vladimir Poutine. Le Grand Rabbin, qui apparaît ici comme un défenseur d’Israël, a déclaré (au journaliste israélien Eli Mandelbaum) :

« Je pense que c’est une erreur qui ne fera qu’aggraver les problèmes de la région. »

Et Berel Lazare s’est totalement révélé lorsqu’il a rapporté que, lui-même et son organisation :

« Ont parlé du problème des S-300 au président Poutine. Nous avons expliqué, je dirais, notre sensibilité à propos de nos frères en Israël, à Sion, et nous espérons qu’Israël et la Russie pourront continuer à coopérer pour stopper le terrorisme, stopper l’Iran, et qu’Israël va continuer à protéger ses frontières et neutraliser toute menace avant qu’elle n’atteigne le seuil de sa porte. » [35]

Jusqu’à la présente crise, les Russes s’étaient abstenus de livrer les S-300 à la Syrie, en raison du lobbying des Israéliens qui arguaient que cela limiterait la capacité de l’État hébreu à neutraliser les « menaces terroristes », incluant le Hezbollah.

 

Cette crise a mis en évidence l’existence d’un cabinet de guerre qui aurait désormais les manettes du pouvoir en Russie.

 

Le 4 mai 2018, Pepe Escobar annonçait : « Le Président russe Vladimir Poutine s’apprête a nommer un nouveau gouvernement. Et une bombe est sur le point d’exploser. Le nouveau cabinet devrait être une Stavka, c’est-à-dire un cabinet de guerre. » [36]

 

Michael J. Glennon (professeur de droit international à la Fletcher School of Law and Diplomacy à la Tufts University, et ancien conseiller du comité des relations étrangères du sénat des États-Unis), commentant ces nominations qui sont passées inaperçues, explique que les changements de personnes ont été minimes dans le nouveau gouvernement, mais le fait que les premières déclarations officielles durant l’affaire du Il-20 soient venues de Sergueï Choïgou, confirme son rôle accru et la réduction de la marge de manœuvre de Vladimir Poutine. Et Michael J. Glennon d’ajouter :

« La faction militaro-industrielle qui se tient derrière Poutine insistera, dans sa marche en avant, sur moins de parties d’échecs et plus de marteau-pilon. En bref, l’approche de l’homme d’État a cédé du terrain, de gré ou de force, au cabinet de guerre. Nombreux sont ceux qui ont remarqué aussi l’émergence d’un cabinet de guerre dans l’Administration Trump, particulièrement depuis l’arrivée du conseiller en sécurité nationale John Bolton, en avril…
Poutine vient-il d’accepter un partage du pouvoir ou lui a-t-il été imposé ? Nous ne le saurons probablement jamais. Vient-il d’être relégué à un statut d’adjoint dans les affaires militaires ? Hautement improbable. Appelons cela une réaction collective aux provocations futures.
 » [37]

 

Nous avons eu la confirmation de la montée en puissance du ministre de la Défense Sergueï Choïgou. Le 19 octobre 2018, il s’est rendu en Chine pour une rencontre officielle avec le président XI Jinping, dans le cadre du développement des relations militaires entre la Russie et la Chine.
Durant cette rencontre avec le président chinois, S. Choïgou a fait une déclaration témoignant de préparatifs avancés pour une guerre à venir :

« La Russie souhaite renforcer le partenariat stratégique et notre niveau de coopération militaire avec la Chine. Elle désire également que l’on puisse faire face ensemble aux différents défis sécuritaires, que l’on protège les intérêts de nos deux pays et que l’on mène aussi des actions positives en vue de ramener la stabilité au niveau de la région ou du monde. » [38]

 

Dans la même période, en Syrie, la Russie a déployé de nombreux radars de défense antiaériens pour limiter la marge de manœuvre des chasseurs israéliens. 
Le journal Haaretz a fait état de plusieurs avertissements lancés à l’encontre des chasseurs israéliens durant le mois d’octobre 2018 quand ils se sont rapprochés des frontières syriennes depuis le nord des territoires palestiniens occupés [39].

 

Le 29 janvier 2019, Benjamin Netanyahou a rencontré à Jérusalem l’émissaire du Kremlin pour la Syrie, Alexandre Lavrentiev, et le vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Verchinine, afin, d’après le bureau de Netanyahou, de « renforcer la coordination militaire » entre Israël et la Russie en Syrie et « éviter les frictions ». 
D’après le communiqué du bureau du premier ministre israélien, Alexandre Lavrentiev et Sergueï Verchinine ont « réaffirmé l’engagement de la Russie pour le maintien de la sécurité nationale d’Israël » [40]

 

Mais selon l’agence de presse ISNA (Iranian Students News Agency) qui cite le journal Jerusalem Post, le vice-ministre russe des Affaires étrangères a évoqué les allégations d’après lesquelles les forces iraniennes seraient présentes au Golan occupé. Il a précisé que la présence iranienne en Syrie s’effectuait à l’appel et à la demande du gouvernement syrien, qui voulait que l’Iran contribue à la lutte contre le terrorisme en Syrie. Il a également qualifié d’illégales les frappes de l’aviation israélienne contre la Syrie, et a précisé :

« La sécurité d’Israël est importante pour la Russie, ce n’est pas pour autant que nous approuvons les frappes d’Israël contre le sol syrien », avant de déplorer des frappes « illégales » et « injustifiables » [41].

Sergueï Riabkov, autre vice-ministre des Affaires étrangères russes, a déclaré :

« Nous considérons que les raids aériens de l’aviation israélienne contre des cibles en Syrie sont illégaux et en aucun cas excusables. Nous les condamnons et Israël devra assumer les conséquences de ses actes. »

 

Une hostilité grandissante des officiels russes à l’égard d’Israël

 

Le 6 mai 2019, un proche conseiller de Vladimir Poutine, Sergey Glazyev, a publié un texte dans lequel il expliquait que le président ukrainien nouvellement élu, Vlodymyr Zelinski, de confession juive (le premier ministre d’Ukraine, Volodymyr Groysman, est également juif), est une marionnette américaine qui fait le travail de la droite israélienne. Le conseiller du président russe publiait ce texte le jour où Zelinski rencontrait les grands rabbins, chefs de la communauté juive hassidique [42].

« L’Ukraine est le seul pays au monde, à part Israël, où le président et le Premier ministre sont juifs », s’est félicité sur Twitter Eduard Dolinsky, un des leaders de la communauté juive ukrainienne. Sa victoire « est un miracle », s’exclama Moshe Reuven Azman, rabbin en chef de Kiev [43].

 

Le premier rendez-vous officiel du président élu fut avec un ministre israélien. Le 7 mai 2019, Zelinsky a rencontré le ministre israélien de l’Environnement Zeev Elkin, d’origine ukrainienne. Les responsables israéliens ont évoqué une rencontre positive et ont affirmé que Zelinksy était très bien disposé à l’égard de l’État hébreu [44] .

Dans son texte remarqué, Glazyev explique :

« Je n’exclus pas, par exemple, la possibilité d’un mouvement de masse dans le sud-est de l’Ukraine, une terre ‘nettoyée’ de la population russe par les habitants de la Terre promise fatigués de la guerre permanente au Moyen-Orient. »

Dès le lendemain, les Israéliens ont réagit, qualifiant le conseiller de V. Poutine de « conspirationniste et antisémite ». Le gouvernement israélien a été « consterné » par l’article de Sergey Glazyev, a déclaré Emmanuel Nahshon, porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien au Times of Israel, et d’ajouter : « L’aspect conspirationniste et antisémite de ces lignes est déplacé, et ne reflète pas la nature positive de la relation entre la Russie et Israël ».

 

En avril 2019, mois où Zelinsky fut élu président de l’Ukraine, Vladimir Poutine accordait des passeports russes aux résidents russes de cette région, tandis que les Américains livraient au gouvernement ukrainien des lance-missiles antichars (Javelin).


La fourniture de lance-missiles stimule l’agressivité des autorités ukrainiennes, a déclaré Rouslan Balbek, député à la Douma (chambre basse du parlement russe) :

« La livraison des Javelin stimule l’agressivité ukrainienne. Des armes américaines modernes pourraient involontairement inciter l’Ukraine à des actions agressives absolument imprévisibles contre les républiques du Donbass, ainsi que contre la péninsule (de Crimée) » [45]

La situation conflictuelle entre la Russie et l’Ukraine (conflit notamment alimenté ces dernières années par l’État d’Israëlv et ses agents, à l’instar de BHL), dont le gouvernement est désormais sous pilotage israélien, n’augure pas une amélioration des relations russo-israéliennes.

 

Youssef Hindi

 

 

 

 

Source : httpsss://www.geopolintel.fr/article2116.html

 

Notes

[4Youssef Hindi, « La Russie, l’Europe et l’Orient », Geopolintel, 04/09/2015 : httpsss://www.geopolintel.fr/article97...

[5Youssef Hindi, « Etat des lieux de la géopolitique mondiale – Russie, Iran, États-Unis », Arrêt sur Info, 11/03/2019 : httpssss://arretsurinfo.ch/etat-des-li...

[6Le Figaro, Netanyahou veut convaincre Poutine de contrer l’axe Iran-Syrie, 5 mars 2017.

[7Agence France-Presse, « Mettre en danger la vie des soldats russes en Syrie est « inacceptable », Moscou, 10/02/2018.

[8Information rapportée par le New York Times : httpssss://www.nytimes.com/2018/02/12/...

[11Crisis Group, « Israel, Hizbollah and Iran : Preventing Another War in Syria », Report N° 182/Middle East & North Africa, 07/02/18 : httpssss://www.crisisgroup.org/middle-...

[12Voir : Youssef Hindi, Occident et Islam – Sources et genèse messianiques du sionisme, Sigest, 2015.

[13Rapporté par Times of Israël : httpssss://fr.timesofisrael.com/les-pr...

[19John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, La Découverte, 2009.

[20Al Manar, « Ce qui n’a pas été révélé de la rencontre orageuse Bandar-Poutine », 21/08/2013.

[23Le Figaro, « Netanyahou veut convaincre Poutine de contrer l’axe Iran-Syrie », 5 mars 2017.

[26Press TV, op. cit.

[45Cf. Youssef Hindi, « La Russie, l’Europe et l’Orient », Geopolintel, 04/09/2015. httpsss://www.geopolintel.fr/article97...

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