Liberté stratégique de l'impotence condamnée

 ...par Stratediplo - le 31/01/2017.

 

  De formation militaire, financière et diplomatique, s'appuie sur une trentaine d'années d'investigations en sciences sociales et relations internationales.



 

Un éléphant, ça schtroumpfe énormément.

Le nouveau président états-unien, que la presse française en espérance d'interruption de processus démocratique a qualifié pendant deux mois de "président élu" pour éviter de le nommer "futur président", peut être appelé à jouer un rôle historique.

 

Comme il l'a dit, cette fois il ne s'agissait pas d'une alternance formelle entre les deux étiquettes de la nomenklatura politico-financière, mais d'une véritable passation de responsabilité au peuple. La nomenklatura a eu le génie de se retirer maintenant, et le peuple a accepté d'assumer la responsabilité de la conduite passée. Les Etats-Unis sont un bolide sans frein ni direction lancé à toute allure vers un mur, et à quelques mètres de ce mur, alors qu'il ne reste que le temps de décider très vite si on va consacrer la dernière seconde et demie à se signer ou à éjecter le bébé par la fenêtre, le gouvernement réel a, préméditamment ou pas, passé le volant. Si le gouvernement fédéral a vraiment un pouvoir, c'est désormais à peine celui du choix des détails ultimes de l'effondrement économique.

 

On s'interroge néanmoins sur la possibilité d'un retournement de la politique internationale des Etats-Unis face à l'islam, en l'occurrence d'un renversement de la politique de soutien et promotion de l'islam qu'ils ont pratiquée depuis un tiers de siècle en Asie, Europe, Afrique et Océanie. Ce revirement-là n'est pas impossible. En vérité ce choix stratégique de l'islam était arbitraire et n'était déterminé par aucune fatalité ou contingence incontournable. Qu'il s'agisse de soumettre leurs ennemis ou de miner leurs rivaux, les Etats-Unis auraient très bien pu choisir un autre vecteur ou une autre idéologie, voire conclure simplement des alliances de circonstance. De toute évidence lorsque le futur président Donald Trump a commencé à parler de se donner les moyens de gagner les guerres que l'on entreprend, et de résoudre la question syrienne, il n'appartenait pas encore au cénacle et ignorait de quel côté se battent les Etats-Unis en Syrie (et ailleurs) et quelle est la question syrienne, n'en connaissant alors que le discours paravent.

 

Mais il semble maintenant avoir été informé de la véritable stratégie et de l'engagement du pays qu'il dirige, et après avoir rapidement pensé à changer de bord et combattre désormais les milices islamistes supplétives des Etats-Unis, il pense peut-être maintenant à tout simplement retirer les troupes états-uniennes et cesser de soutenir la guérilla, ce qui suffirait à l'asphyxier et permettrait à la Russie d'aider la Syrie à achever le nettoyage et commencer la reconstruction. Ce grand retournement stratégique serait inattendu, mais il n'est pas impossible puisqu'il ne coûterait rien aux Etats-Unis.

 

De même le nouveau gouvernement peut interrompre les préparatifs de guerre contre la Russie. Il ne pourra pas éviter la guerre, mais il peut en changer la cible, comme le gouvernement précédent l'a fait il y a quelques années en remplaçant l'Iran par la Russie, pour les raisons stratégiques que l'on a déjà évoquées, liées au dollar par deux facteurs. D'une part part ils connaissent l'état des réserves pétrolières de l'Arabie Séoudite et savent à quel moment celle-ci ne jouera plus qu'un rôle mineur (puis nul) dans la détermination du prix du pétrole et de la devise de fixation de ce prix.

Pour mémoire, après la défaite des pays arabes face à Israël les Etats-Unis ont conclu des accords militaires avec l'Arabie (et ses dépendances du Golfe) à la condition qu'elle vende son pétrole en dollars et oblige l'OPEP à fixer le prix dans cette devise, puis ils ont mis fin à la convertibilité du dollar en or ce qui a poussé les pays arabes à relever drastiquement leurs prix et a ainsi fait exploser la demande mondiale de dollars (et accessoirement handicapé les économies européennes alors rivales de l'économie états-unienne), donc le besoin du monde d'exporter massivement aux Etats-Unis pour obtenir ces dollars à peine secs de l'imprimante débridée.

D'autre part les Etats-Unis se sont mordus les doigts d'avoir inconsidérément interdit à l'Iran de commercer en dollars, ce qui l'a amené à se faire payer en euros, en or et surtout en yuans, propulsant ce dernier au rang de monnaie d'échange internationale dont les détenteurs ont désormais d'autres utilisations que chinoises, et ils ont donc fini par prier l'Iran d'accepter la levée des "sanctions" (contraires au droit international) qu'ils lui avaient imposées, en suppliant même si lourdement que l'Iran a fait monter les enchères et n'a rien eu à abandonner. C'est la raison pour laquelle les Etats-Unis ont soudain changé de camp, soutenant maintenant les Perses contre les Arabes et pouvant même changer d'alliés dans la confrontation chiite-sunnite qu'ils ont encouragée depuis les années 90. Et c'est pour cela aussi qu'ils se sont trouvés un nouvel ennemi, la Russie, avant même de contribuer au coup d'état uniopéen de février 2014 en Ukraine.

 

Les Etats-Unis, n'étant menacés par personne, ont le privilège de pouvoir choisir les ennemis qu'ils se désignent. On ne dit pas là que si les Etats-Unis déclaraient la paix à la Russie l'Union Européenne et l'OTAN leur emboîteraient le pas, car ces deux agglomérats d'acteurs ont des intérêts et des phobies distincts de ceux des Etats-Unis.

De toute façon la paix n'est pas une option durable à long terme. Lorsque le pouvoir financier états-unien démontrera au président que le seul moyen d'imposer au monde l'effacement total des dettes est la force majeure d'une guerre mondiale, ou lorsqu'il lui expliquera que sans l'assertion suprême d'une nouvelle utilisation des armes nucléaires le monde est prêt à renvoyer le dollar à sa vraie valeur, le président oubliera ses convictions personnelles pour assumer son devoir politique.

 

Et l'ultima ratio des Etats-Unis, c'est la B62 (version 11 ou 12), quel que soit leur président.

 


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