L’architecture politique du nouveau Moyen-Orient

...par Thierry Meyssan - Le 07/09/2021.

Consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaire. Dernier ouvrage en français : Sous nos yeux - Du 11-Septembre à Donald Trump (2017).

Le Moyen-Orient de l’après-guerre contre la Syrie se profile. Tout devrait changer : la Syrie adhérerait à la Coalition militaire conduite par la Russie et serait de facto protégée par elle. Le Liban serait placé sous tutelle conjointe russo-US, mais occupé militairement par la France. L’Iraq remplacerait le Liban en tant que médiateur régional. L’Iran serait admise en Méditerranée.

 

Source : RzO Voltaire

 

Cet article fait suite à
 « Pourquoi un Yalta II ? », 15 juin 2021.
 « Biden-Poutine, un Yalta II plutôt qu’un nouveau Berlin », 22 juin 2021.

Moscou et Washington préparent la réorganisation du Levant qu’ils ont dessinée lors de la rencontre de Genève (dite « Yalta 2 »), le 16 juin dernier. Il s’agit de tirer les conclusions de la terrible défaire militaire occidentale en Syrie sans pour autant humilier les États-Unis.

Selon cet accord de paix, la Syrie serait placée en zone russe, tandis que la Liban serait partagé entre Occidentaux et Russes.

Le sommet du Caire, le 31 août 2021.

LES SOMMETS DE BAGDAD ET DU CAIRE

 

On se dirige vers un retrait prochain des armées états-uniennes d’Iraq de sorte que ce pays devienne un médiateur, une zone neutre, en lieu et place du Liban. L’Iraq a donc convoqué un sommet à Bagdad avec sept de ses voisins (Arabie saoudite, Égypte, Émirats, Iran, Jordanie, Koweït, Turquie). La France est parvenue à se joindre aux participants à la fois en tant que représentante des Occidentaux et qu’ancienne puissance coloniale.

L’ancien directeur des services secrets iraquiens et désormais Premier ministre, Moustafa al-Kazimi, a montré sa grande connaissance des dossiers régionaux et sa faculté à maintenir l’équilibre entre l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite. Malgré plusieurs contacts au cours de l’année écoulée et une rhétorique plus conciliante, ces deux puissances ne savent comment régler leurs multiples contentieux, notamment au Yémen.

La réunion de Bagdad a été l’occasion d’afficher une alliance entre le président Abdel Fattah al-Sissi (Égypte) et le roi Abdallah II (Jordanie) pour gérer (et non pas résoudre) le problème Palestinien. Elle a immédiatement été suivie d’une rencontre au Caire des deux chefs d’État avec leur homologue palestinien, le président Mahmoud Abbas. Celui-ci s’est montré d’autant plus conciliant qu’il a conscience que, désormais, aucun pays arabe ne viendra plus au secours de son peuple. Il n’est pas possible de réclamer justice pendant 70 ans tout en trahissant soi-même tous ceux qui vous apportent de l’aide.

La présence française a été interprétée comme l’annonce d’une intervention militaire de Paris après le retrait états-unien. Le président Emmanuel Macron ambitionnerait de déployer des troupes au Liban pour y défendre les intérêts occidentaux alors que le pays passe sous tutelle conjointe des USA et de la Russie.

La Turquie trainait la patte durant tout le sommet. Elle n’entend pas quitter les régions d’Iraq et de Syrie qu’elle a envahies sans encaisser de contrepartie occidentale. Mais elle ne souhaite pas que les mercenaires kurdes, eux aussi alliés des États-Unis, soient traités comme elle. Pourtant, la France continue de penser que les Turkmènes et les Kurdes du Nord de la Syrie pourraient chacun obtenir une forme d’autonomie au sein de la République arabe syrienne. Il semble que la Russie y soit favorable, elle qui est une fédération d’ethnies, mais que Damas ne veuille toujours pas en entendre parler car sa population est intimement mélangée. Avant la guerre, les Turkmènes et les Kurdes n’étaient majoritaires à aucun endroit. Le Rojava, territoire « auto-administré » par les Kurdes de Syrie, n’est qu’une façade masquant la présence militaire états-unienne. Les États-Unis craignent que leur retrait militaire d’Iraq ne signifie la même panique pour leurs Collaborateurs kurdes de Syrie que leur retrait d’Afghanistan pour leurs Collaborateurs pachtouns.

La Syrie était la grande absente du sommet qui bruissait de rumeurs. On aurait vu une délégation syrienne secrète à Washington. Moscou envisagerait de faire adhérer la Syrie à l’Organisation du Traité de Sécurité collective (OSTC) ; l’équivalent russe de l’Otan.

En pointillé, le sommet de Bagdad a été hanté par la question des hydrocarbures en Méditerranée. On a identifié maintenant les champs pétroliers et gaziers. Leur exploitation reste largement impossible car il faut fixer les frontières qui ne l’ont pas été, puis accorder des autorisations à des sociétés capables de forer en profondeur sous une grande quantité d’eau et enfin sécuriser les installations. La répartition entre les pro-USA et les pro-Russie n’est toujours pas clairement établie. Elle dépendra de la docilité de chacun à se fondre dans le moule politique qu’on lui propose.

Le sommet intergouvernemental libano-syrien.

L’IMPOSSIBLE CAS DU LIBAN

 

L’avenir du Liban n’a pas été évoqué à Bagdad, mais il se précise. En théorie, ce pays qui a participé à la guerre contre la Syrie côté occidental, sera le seul où le Pentagone n’appliquera pas la doctrine Rumsfeld/Cebrowski de « guerre sans fin ».

Il semble impossible de réformer la loi électorale actuelle qui divise le pays en multiples circonscriptions liées à chacune des 17 communautés religieuses entre lesquelles le territoire est divisé. Pourtant ce système est à bout de souffle et a montré son inanité. Mais si l’on devait adopter un système démocratique de représentation politique, il ne fait aucun doute qu’Hassan Nasrallah serait élu président de la République et que le Hezbollah serait majoritaire au Parlement. Cela nul ne le veut.

Peut-être pourrait-on cependant toucher au partage du pouvoir entre le président de la République (chrétien), le président du gouvernement (sunnite) et le président de l’Assemblée (chiite). Dans cette optique, le Conseil européen a adopté le 30 juillet un cadre de sanctions contre les leaders politiques libanais qui refuseraient tout changement structurel. Pour le moment, aucune personnalité n’a été désignée, mais cette arme est prête à servir.

La chose est d’autant plus compliquée que, dans l’administration, la division du pouvoir est entre trois super-communautés, mais pas à égalité : 50 % pour les chrétiens, 30 % pour les chiites et 20 % pour les sunnites. Or, la composition de la population n’a cessée d’évoluer depuis la guerre civile des années 80. Aujourd’hui, autant qu’on le sache, les chrétiens ne sont plus que 20 %, les sunnites 35 % et les chiites 45 %. Le président de la République, le général chrétien Michel Aoun, défend ses « prérogatives » bec et ongles, c’est-à-dire la domination historique de sa communauté sur les autres.

La France envisage d’envoyer un contingent à l’occasion des élections législatives que l’on envisage le 8 mai (juste après l’élection présidentielle française). Ses soldats garantiront la sécurité des bureaux de vote. Nul ne doute qu’ils y parviendront, si rien ne change. Mais à la première réforme, ceux qui seront arrivés sous les applaudissements deviendront des occupants et seront chassés. Quelle idée bizarre que des élections législatives sécurisées par l’ancienne puissance coloniale ! Chacun se souvient qu’en 1983, deux terribles explosions détruisirent simultanément les quartiers généraux des Forces françaises et états-uniennes à Beyrouth —alors que les responsables régionaux de la CIA s’y réunissaient— ; deux actes de guerre qui firent 299 morts. Optimiste, Bernard Émié, le directeur de la DGSE également en charge du Liban pour l’Élysée, assure que la Guerre froide est finie et que ce genre d’événement ne se reproduira jamais ; la Guerre froide est certes finie, mais la volonté d’indépendance des peuples persiste.

L’attentat contre le Drakkar, siège des Forces françaises au Liban, le 23 ocotbre 1983.

Sans s’en rendre compte, la France pose les jalons de son prochain fiasco : le président Macron ne cesse pas de répéter la rhétorique du président Biden : il n’aidera aucun État à se construire, mais tous à lutter contre le terrorisme. C’est le slogan de la Coalition internationale en Irak et en Syrie qui n’a cessé depuis 7 ans de massacrer des civils et d’orienter les jihadistes. C’était aussi le discours du président Biden pour justifier la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan et la résurgence de Daesh. Bref, c’est toujours la manière dont on parle quand on veut ravager des États.

Les Libanais ont construit un système de corruption sans aucun rapport avec ce qui existe ailleurs. Les différents leaders des 17 communautés confessionnelles s’entendent à merveille pour extorquer collectivement le plus d’argent possible à leurs protecteurs respectifs. Puis, ils redistribuent plus ou moins cet argent à leur base. Par exemple, si l’on veut construire une grosse infrastructure, on doit généralement verser des pots de vins pour dédommager les gens dont on viole les droits ou les fonctionnaires chargés de vérifier le respect des lois locales. Pas au Liban. Dans ce pays, pour pouvoir aider une communauté, on doit dédommager les 16 autres pour ne pas les avoir aidées. Chaque aide doit être payée deux fois : une à son destinataire, et une autre aux 16 leaders des autres communautés confessionnelles. Cela fonctionne tant que les puissances extérieures sont embourbées dans leurs rivalités, mais devient tragique si elles s’entendent elles aussi entre elles. Tout d’un coup, il n’y a plus d’argent du tout.

Espérant que l’accord entre les États-Unis et la Russie perdurera, la France entend reconstruire le Liban. Elle s’attribue le port de Beyrouth et octroie celui de Tripoli (et ses raffineries) à la Russie. Moscou avait proposé de tout reconstruire en leasing, mais quelques Libanais ne veulent pas des Russes et ceux-ci refusent de payer deux fois. Alors pourquoi pas la proposition française ? Mais, les Israéliens pensaient que le port d’Haïfa remplacerait celui de Beyrouth. Eux aussi demanderont leur dime.

Quoi qu’il en soit, on ne peut rien construire tant que le Liban n’a pas de gouvernement. Or celui d’Hassan Diab est démissionnaire depuis… le 10 août 2020. L’ancien Premier ministre Saad Hariri, pressenti pour lui succéder, a fini par jeter l’éponge. Un autre ancien Premier ministre, Najib Mikati, pressenti depuis, risque de jeter lui aussi l’éponge. Tous deux affrontent le Président de la République, le général Michel Aoun, qui entend non seulement conserver une minorité de blocage au sein du gouvernement, mais détenir aussi les ministères de l’Intérieur et de la Justice pour que ses hommes ne puissent pas être jugés, et ceux des Affaires sociales et de l’Économie pour contrôler les négociations avec le FMI. Les sunnites entendent quant à eux rééquilibrer les institutions, et également protéger leurs hommes et avoir accès à la poule aux œufs d’or du FMI. Les chiites idem.

Bien qu’il ait été la coqueluche des milieux financiers globaux, Riad Salamé dont on découvre tous les jours des détails sur ses maîtresses et leurs invraisemblables trains de vie, ferait un bouc-émissaire idéal pour la classe dirigeante libanaise.

Le seul déblocage possible serait de sacrifier un bouc-émissaire, Riad Salamé, le directeur de la Banque centrale, un chrétien qui s’est mis au service de la famille sunnite Hariri. On lui ferait porter la responsabilité des crimes collectifs et de la faillite du pays en échange du maintien des privilèges de la communauté chrétienne.

Seule personnalité au dessus du lot, le secrétaire général du Hezbollah (mais apparemment pas les autres leaders de son parti) tente de sauver son pays. Hassan Nasrallah a fait acheter du pétrole iranien, malgré les sanctions US, pour que ses concitoyens puissent alimenter leurs voitures, se chauffer et travailler. 82 % des Libanais vivent aujourd’hui au-dessous du seuil de pauvreté selon les Nations Unies, alors que leur pays était riche au point d’être surnommé la « Suisse du Moyen-Orient ». Levée immédiate de bouclier des 16 autres communautés qui ne seront pas payées des dessous de table exigés par le système.

Deux pétroliers iraniens sont actuellement en Méditerranée. Les États-Unis ne les ont pas saisis, ni coulés, comme ils le font d’habitude sans que personne ne proteste, ni de l’acte de guerre, ni de ses conséquences environnementales. Une délégation de sénateurs états-uniens, qui visitait le Liban la semaine dernière, a condamné mollement cette violation de l’embargo US et loué l’initiative de l’ambassadrice US. Celle-ci a proposé d’importer du gaz égyptien. Une délégation ministérielle libanaise s’est rendue à Damas ; la première depuis le début de la guerre en 2011. Elle a discuté ce projet dans la mesure où le gaz égyptien devrait transiter par la Syrie. Elle a aussi abordé un projet d’achat d’électricité à la Jordanie, toujours via la Syrie. Et peut-être, mais il ne faut pas le dire, le débarquement des pétroliers iraniens au port de Banias plutôt qu’au Liban.

En réalité, il n’est pas possible de réformer le fonctionnement du Liban tant que chaque communauté vivra dans le souvenir de la Guerre civile et craindra d’être massacrée. La seule solution est de garantir la paix civile, puis de changer d’un coup tout le système. C’est peut-être ce qu’ambitionne la France, mais elle ne le pourra pas en raison de son passé.

Une autre solution serait d’organiser un régime militaire dans la mesure où l’armée est la seule institution appréciée de tous les Libanais. Or, les militaires sont tout en bas de l’échelle sociale, plus bas encore que les immigrées employées de maison. Les soldats touchent 60 $ par mois contre 200 $ pour des femmes corvéables à merci.

Quoi qu’il en soit, leur chef, le général Joseph Aoun (sans lien de parenté avec le Président) a été formé aux USA. Il se tient prêt.


Syrie: Le rapprochement des Etats arabes avec Damas

...par Mikhail Gamandiy-Egorov - Le 21/10/2021..

Source : RzO International

 

La République arabe syrienne observe les manœuvres de nombre de pays arabes souhaitant normaliser leurs relations avec le leadership syrien. Cette réalité confirme le succès de la résistance syrienne et du soutien stratégique de ses alliés, mais également l’énième échec de l’establishment occidental.

«Rapprochement éclair avec la Jordanie, rôle majeur dans la crise énergétique libanaise, réintégration au sein d’Interpol, les signes ne trompent pas: la Syrie est en train de rompre partiellement son isolement en dépit du maintien de lourdes sanctions internationales», écrit France 24 – l’un des principaux porte-voix médiatiques des intérêts de l’establishment hexagonal à l’international. Faisant notamment référence au récent entretien téléphonique entre le président syrien Bachar al-Assad et le roi Abdallah II de Jordanie.

Le même article parle même d’une «approche plus pragmatique» du côté étasunien, notamment «le feu vert exceptionnel accordé en août au projet d’acheminement de gaz égyptien via la Syrie vers le Liban en crise, malgré les lourdes sanctions du Caesar Act, adopté en 2019 et qui interdit toute transaction avec les autorités syriennes».

Par ailleurs, l’analyste Aaron Lund, cité par France 24 indique que «les pays les plus influents au sein de la Ligue arabe, excepté l’Arabie saoudite, sont favorables à une réintégration de la Syrie» au sein de l’organisation… Evidemment et malgré tous ces éléments parmi d’autres que ledit groupe médiatique mentionne – il reste trop difficile pour le mainstream médiatique de passer sincèrement à une approche raisonnable dans le traitement de l’information internationale. Notamment lorsqu’on lit dans la même publication, que «le régime syrien est toujours considéré comme un paria par la communauté internationale».

Cette ligne mérite évidemment quelques commentaires et mises au point. Tout d’abord, de quelle communauté internationale parle-t-on d’une infime minorité planétaire nommée l’Occident? Ou encore plus particulièrement de l’establishment occidental? Si c’est le cas, alors il est tout sauf question, une fois de plus, de communauté internationale. Un groupe de régimes représentant tout au plus 10% de la population terrestre ne pourra jamais prétendre à être la communauté internationale. A moins de changer radicalement de mentalité et de rhétorique, et devenir un acteur responsable dans les affaires internationales – on en est si loin.

D’autre part, lorsqu’on connait les principaux soutiens de la République arabe syrienne, notamment les grandes puissances internationales comme la Russie, l’Iran, mais également la Chine, superpuissance économique mondiale, il est pour le moins ridicule de pouvoir encore prétendre à parler d’une quelconque isolation de la Syrie. Rajoutons à cela ces manœuvres de nombre de voisins arabes de Damas dans la voie de normalisation des relations, souvent même sur leur propre initiative, et on arrive au summum du ridicule dans la rhétorique politico-médiatique de l’Ouest. Bien que ce ridicule ne surprenne plus grand monde aujourd’hui.

Dans un article de novembre de l’année dernière, Observateur Continental avait abordé le fait que la Syrie de l’après-guerre n’a pas besoin de l’Occident. Cette mise en perspective semble plus que jamais d’actualité aujourd’hui, à l’heure où plusieurs acteurs régionaux et internationaux se bousculent pour le rétablissement des relations avec le leadership syrien. Fait intéressant: même les représentants turcs qui maintiennent une animosité peu voilée envers le gouvernement syrien, reconnaissent depuis peu de façon officielle les contacts existants entre leurs services de renseignement et ceux de Damas.

Une question légitime se pose donc: l’Occident ne serait-il pas tout simplement le seul et véritable paria contemporain de la communauté internationale? Nous sommes en droit de nous poser cette question.

source:https://www.observateurcontinental.fr/

Le déclin de l’influence des États-Unis au Moyen-Orient entraîne l’unité régionale.

par Robert Inlakesh - Le 09/05/2023.

L’importance du tiers du territoire syrien, sous l’occupation de facto des États-Unis, est due au fait qu’il s’agit du territoire où se trouvent les terres agricoles les plus fertiles de la Syrie et 90% de leurs ressources pétrolières.

Depuis les années 1940, le gouvernement des États-Unis s’est opposé et a finalement contrecarré toutes les tentatives des nations du Moyen-Orient de s’unir dans l’intérêt de la région. Malgré les déclarations de Washington selon lesquelles l’intention derrière son influence hégémonique était de promouvoir la démocratie, le déclin de son pouvoir a inauguré une nouvelle vague de paix et de compromis.

Avec l’éruption de la guerre en Ukraine, en février 2022, et l’imposition de sanctions contre Moscou, ce qu’on considérait autrefois comme la puissance inégalable du régime américain a commencé à s’effondrer aux yeux du monde. Non seulement les sanctions américaines n’ont pas réussi à paralyser la Russie, mais elles ont infligé un grand revers à l’Europe, en plus d’ouvrir de nouvelles opportunités d’alliances économiques qui ne relèvent pas du domaine de Washington.

L’échec catastrophique des États-Unis, lors de son évacuation précipitée des forces d’Afghanistan, a fourni des perspectives équivalentes à celles présentes lors de son retrait de 1975 de Saigon, au Vietnam. À l’époque, le message adressé au Sud global était que la victoire contre la machine de guerre américaine était possible ; cependant, la leçon primordiale qui émanait du retrait de l’Afghanistan en 2021 était que Washington avait été débordé et cela marquait un changement d’ère.

Une vague d’unité au Moyen-Orient

Ce qui est apparu comme le choc du rétablissement des liens de la République islamique d’Iran avec l’Arabie saoudite, négocié par la Chine, a apparemment donné naissance à une vague de compromis, de négociations de paix et de renouveau des liens entre d’anciens ennemis régionaux. Le fait que Pékin ait été celui qui a facilité le rapprochement Téhéran-Riyad en dit long sur le rôle en déclin de Washington au Moyen-Orient, une région considérée pendant des décennies comme faisant partie de sa propre arrière-cour.

Les Saoudiens avaient bénéficié de la protection militaire américaine, comme on l’appelait, depuis la première guerre en Irak en 1990, leur permettant de se retrancher en Arabie saoudite et dans d’autres pays voisins, le tout sous prétexte de combattre Saddam Hussein à l’époque. Le rôle des États-Unis à travers le Moyen-Orient était de semer la division et de placer la région sous leur coupe. Le fait qu’ils aient occupé pendant si longtemps la position de seule puissance mondiale a semble-t-il poussé de nombreux États à décider de suivre leurs ordres ; car ceux qui refusaient étaient généralement envahis ou soumis à un coup d’État et à une guerre économique.

La paix irano-saoudienne a ensuite été suivie de négociations saoudiennes avec le gouvernement yéménite d’Ansarallah, pour mettre fin à la guerre qui a éclaté en 2015 et a coûté la vie à environ 400 000 Yéménites. Aujourd’hui, la Syrie est réintégrée dans le monde arabe, la Tunisie étant la dernière à rétablir officiellement les relations diplomatiques. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan Al Saud, est également arrivé à Damas pour rencontrer le président syrien Bachar al-Assad.

Nous avons ensuite la réouverture des relations entre le Qatar et Bahreïn, suivie d’une annonce à Doha selon laquelle le Qatar s’apprêtait à rétablir les relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis (EAU) et à rouvrir les ambassades, après une longue et âpre dispute.

Le développement le plus important pourrait être la possibilité d’un rapprochement entre la Turquie et la Syrie. Dans le cas où Damas normaliserait officiellement ses relations avec Ankara, cela offrirait bien plus que des opportunités de relance économique à l’intérieur de la Syrie. Bien que la guerre en Syrie soit quelque peu au point mort, la présence des troupes turques dans le nord-ouest est un tampon pour que le gouvernement syrien reprenne le territoire sans règlement de paix définitif. Le plus important, cependant, est l’effet que la normalisation pourrait avoir sur le nord-est de la Syrie, où les États-Unis occupent illégalement environ un tiers du territoire syrien, avec l’aide des Forces démocratiques syriennes (SDF) dirigées par les Kurdes.

Si les relations entre la Turquie et la Syrie se rétablissent et que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, décide de mener une autre opération militaire contre les FDS dans le nord-est de la Syrie, il est probable que les forces américaines stationnées sur ce territoire le quittent à nouveau. En 2018 et 2019, lorsque les forces turques ont envahi le territoire syrien pour combattre les groupes armés des FDS, l’armée américaine a abandonné ses alliés kurdes, craignant probablement une escalade avec son allié de l’OTAN, la Turquie. En 2019, l’incursion militaire turque a permis la capture d’une petite poche au nord de la Syrie, au cours de laquelle l’armée américaine a retiré ses militaires de Syrie avant de les renvoyer une fois l’escalade terminée. À cette époque, le gouvernement syrien avait tenté la diplomatie et envoyé ses propres troupes pour trouver une solution, mais n’avait lancé d’offensive contre aucune partie.

L’importance du tiers du territoire syrien, sous l’occupation de facto des États-Unis, est due au fait qu’il s’agit du territoire où se trouvent les terres agricoles les plus fertiles de la Syrie et 90% de leurs ressources pétrolières. Si la Turquie et la Syrie normalisent leurs relations, alors la Turquie attaquera à nouveau les FDS, et la possibilité d’un retrait ou d’une retraite des troupes américaines sera élevée ; selon ce scénario, Damas et Ankara pourraient communiquer directement. Cela donnerait l’occasion à une offensive de l’armée arabe syrienne de reprendre ses champs pétrolifères, à un moment où toute résistance américaine serait affaiblie et probablement limitée à des frappes à distance. Après la reprise des champs pétrolifères, il n’y a aucune raison pour que les États-Unis reviennent en Syrie et organiser une guerre à grande échelle serait trop coûteux, en plus d’être impopulaire au niveau national.

L’avenir au Moyen-Orient, où la puissance américaine peut être limitée, semble s’avérer meilleur pour la stabilité et la productivité régionales en ce moment. Bien que le gouvernement de Washington se présente constamment comme le porteur de la paix, à la seconde où son pouvoir commence à reculer, il devient évident qu’il a été le plus grand obstacle à la paix au Moyen-Orient.

source : Al-Mayadeen via France-Irak Actualité

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