La bataille de Dunkerque

21 mai-26 mai 1940

...par Henri Saint-Amand - Le 26/05/2020.

C’est la terrible conséquence de la course à la mer. À l’aube du 21 mai, les armées allemandes encerclent un million de soldats français et alliés (belges et britanniques), même si ces derniers parviennent à mettre en place une ligne d’arrêt assez solide sur l’Escaut et à lancer une contre-attaque pour protéger Arras[1]. Le 22 mai, un conseil de guerre interallié se tient au château de Vincennes. Y assistent notamment Winston Churchill, Paul Reynaud, le général Weygand et des officiers d’état-major. Le plan exposé et retenu, c’est-à-dire attaquer simultanément de la région de Cambrai vers le sud, et de la Somme vers le nord, de manière à ressouder vers Bapaume les deux branches de la ligne de bataille, séparées depuis la rupture du front à Sedan, est mort-né. Les Allemands ont déjà renforcé leurs positions. Le communiqué officiel du soir est aussi succinct que trompeur. Il se veut rassurant : « Au cours de la journée, les combats ont continué dans le Nord et en Belgique. Rien d’important à signaler sur le reste du front. »

Le jeudi 23 mai, les divisions de Panzer du général Ewald von Keist (1885-1954) gagnent du terrain. Boulogne menacé ne va pas tarder à succomber. Calais est isolé. Erwin Rommel contourne les faubourgs ouest d’Arras, menaçant les arrières des troupes anglaises qui y sont engagées. Aussi bien les communiqués français qu’anglais relayés par la presse se veulent tranquillisants.

Le vendredi 24 mai, les canons de la Wehr­macht et les Stukas de la Luftwaffe font pleuvoir l’enfer sur Dunkerque, la cité qui a vu naître Jean Bart (1650-1702), l’un des célèbres corsaires de Louis XIV. La ville voit converger les 230.000 hommes du corps expéditionnaire britannique, ultime planche de salut pour l’Angleterre.

Le même jour, le Führer convoque d’urgence ses conseillers militaires à son GQG de Charleville. À l’issue de ce conseil de guerre, ordre est donné d’arrêter la marche en avant de toutes les forces mécanisées et blindées. Incompréhension et consternation s’emparent des généraux. Le colonel Rudolph Schmundt (1896-1944), aide de camp d’Hitler, rapporte : « Ils ressemblaient à une meute de chiens de chasse, arrêtés en plein élan juste avant la curée et qui voient échapper leur proie. » Les historiens s’écharpent encore pour connaître les vraies motivations de cette décision : volonté de ménager les Anglais en vue d’un rapprochement futur selon le souhait du Führer ? Ce dernier a-t-il suivi le conseil du maréchal von Rundstedt (1875-1953) qui voulait repositionner ses troupes pour éviter une contre-attaque sur le flanc est ? Hitler voulait-il faire plaisir à Herman Göring pour mettre en valeur la Luftwaffe contre la Royal Air Force en détruisant cette dernière ?

Quoi qu’il en soit, les Alliés profitent de cette « pause » dans les combats pour se réorganiser et préparer l’évacuation de leurs soldats. Ainsi, les Panzerdivisionen qui avaient parcouru 380 kilomètres en deux semaines (environ 27 km/jour) vont mettre 12 jours pour effectuer les 20 km séparant l’Aa de Dunkerque.

Le samedi 25 mai, malgré une résistance acharnée, Boulogne tombe entre les mains ennemies. Calais subit les assauts de l’aviation et de l’artillerie allemandes. En début d’après-midi, le QG britannique apprend que le front belge vient d’être enfoncé à Courtrai. À 19 heures, une réunion du Comité de guerre a lieu à l’Élysée, sous la présidence d’Albert Lebrun. « Tous considéraient que la défaite était inévitable, mais nul n’osait encore exprimer cette pensée », écrit William L. Langer[2].

[1] Yves Le Maner. L’Invasion de 1940 dans le Nord-Pas-de-Calaisin Revue du Nord, tome 76, n° 306, juillet-septembre 1994. p. 467-486

[2] Ancien combattant de la Première Guerre mondiale, William Leonard Langer (1896-1977) est chef adjoint puis chef de la Direction de la recherche et de l’analyse à l’OSS (Office of Strategic Service) de 1940 à 1945. Il est identifié comme le véritable OSS 117. Il devient ensuite titulaire de la chaire d’histoire à Harvard.

 

Source : https://www.bvoltaire.fr/21-mai-26-mai-1940-la-bataille-de-dunkerque/


26 mai – 4 juin 1940

 

Le 26 mai, tout s’accélère. L’état-major reçoit l’ordre de réduire les dernières poches de résistance. Au même moment, John Vereker (1886-1946), 6e vicomte Gort, reçoit l’ordre d’évacuer ses soldats coincés à Dunkerque. L’opération Dynamo commence réellement, sans concertation avec les autorités françaises. Elle doit son nom à la salle où elle a été conçue par l’amiral Bertram Ramsay (1883-1945) : la salle Dynamo, située sous le château de Douvres, qui contenait la dynamo alimentant le bâtiment en électricité pendant la guerre. Les Britanniques ont l’espoir de sauver jusqu’à 45.000 hommes. Il y a tout de même 60 kilomètres, au plus proche, entre Dunkerque et les côtes anglaises (Douvres). La Royal Navy réquisitionne les plus gros navires possible, destroyers, ferries et paquebots, pour faire des navettes efficaces entre les deux ports. Deux autres itinéraires sont également utilisés pour permettre d’échapper à l’artillerie allemande, mais ils sont bien plus longs (80 et 130 kilomètres).

Quand il a connaissance du plan anglais, le vice-amiral Jean-Marie Charles Abrial (1879-1962), qui commande les troupes françaises engagées au nord, comprend vite qu’il va devoir se battre seul. Il se résout au sacrifice : « Nous, Français, sommes liés à une mission impérative qui est de résister jusqu’à la mort pour sauver tout le personnel possible de la tête de pont de Dunkerque. Tant que ce but n’aura pas été atteint, nous resterons sur place », déclare-t-il à son alter ego anglais. Le rapport de forces est très défavorable, parfois impensable : 1 contre 10 et parfois 1 contre 30, dans certains secteurs.

Le 27 mai, la Luftwaffe commence à pilonner le port et la ville. Le soir, 400.000 hommes, qui représentent le tiers de la 1re armée française et la quasi-totalité du corps expéditionnaire britannique (BEF), attendent leur évacuation sur les plages dunkerquoises. Le 28 mai, le roi des Belges, Léopold III, capitule, permettant l’avancée des Panzers de Rommel et von Bock qui finissent par isoler sept divisions françaises à Lille. Elles capituleront le 1er juin.

Aux 41 destroyers de la Royal Navy se joignent 800 autres navires de tout genre : péniches, ferries, caboteurs, chalutiers. La Marine française mobilise, quant à elle, 350 bâtiments de guerre, de pêche, de commerce… Les opérations d’évacuation de nuit sont privilégiées pour éviter trop de pertes en hommes et en matériel naviguant. Cependant, les Allemands réussissent à couler 250 navires, entre le 26 mai et le 4 juin.

Aux abords de la ville, les soldats de la 12e division d’infanterie motorisée (12e DIM), des 21e, 32e, 60e et 68e divisions d’infanterie (DI) et du 8e régiment de zouaves protègent l’évacuation de leurs camarades français et britanniques jusqu’au tout dernier moment. Le dernier navire anglais, le destroyer Shikari, appareille le 4 juin à 3 h 40 du matin. Quelques heures plus tard, les 40.000 soldats encore présents sur place sont fait prisonniers.

L’évacuation de Dunkerque reste un exploit : en moins de 10 jours, plus de 330.000 soldats alliés sont ramenés à Douvres.

Sur les 18.000 soldats tués dans la bataille de Dunkerque, 16.000 étaient français. Dans un ouvrage retraçant cet épisode de la Seconde Guerre mondiale, l’historien Dominique Lormier remarque : « Si les troupes terrestres anglaises ont faiblement coopéré à la défense de la poche, il est juste de souligner que la flotte britannique, appuyée par la RAF (air), a joué un rôle déterminant dans l’évacuation de la plus grande partie des soldats alliés. »

 

Source : https://www.bvoltaire.fr/26-mai-4-juin-1940-la-bataille-de-dunkerque/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=26-mai-4-juin-1940-la-bataille-de-dunkerque&utm_source=La+Gazette+de+Boulevard+Voltaire&utm_campaign=583f997ccb-MAILCHIMP_NL&utm_medium=email&utm_term=0_71d6b02183-583f997ccb-31040957&mc_cid=583f997ccb&mc_eid=c2875309d7

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