Un rapport du Sénat met en garde contre les effets possibles de la future réforme des retraites sur les Armées

...par Laurent  Lagneau - le 13/07/2019.

Actuellement, le système de retraite des militaires est pensé pour répondre aux nécessités opérationnelles des armées.

En effet, il s’agit de permettre au ministère des Armées d’avoir une gestion dite « de flux » afin de pouvoir disposer en permanence d’une « ressource humaine jeune ».

 

Aussi, des règles particulières du régime des pensions de l’État s’appliquent aux seuls militaires [qui relèvent du Statut général des militaires]. Ce dispositif repose notamment sur le principe de la « retraite à jouissance immédiate » en cas de départ après 17 ans de service pour les sous-officiers et les militaires du rang, après 20 ans pour les officiers sous contrat et après 27 ans pour les officiers de carrière.

 

Les militaires ayant quitté l’armée peuvent, pour certains d’entre-eux, ensuite cumuler cette pension à « jouissance immédiate » avec un revenu d’activité du secteur privé ou public. Ce qui, dans ce cas leur ouvre un nouveau droit à retraite puisqu’ils côtisent à nouveau dans le cadre de leur nouvel emploi.

 

En outre, rappelle le sénateur Dominique de Legge, dans un rapport publié cette semaine au sujet de la politique des ressources humaines du ministère des Armées, les militaires bénéficient aussi de la « bonification du cinquième du temps, qui majore d’un an chaque tranche de 5 années de services [autrement dit, 5 ans de services équivaut à 6 ans pris en compte pour le calcul de la pension] pendant les 25 premières années de service [puis plus rien au-delà, la bonification étant dite ‘plafonnée’] et de bonifications spécifiques [bénéfices de campagne et bonifications pour services aériens ou sous-marins] qui compensent des risques aggravés et des sujétions fortes. Ces bonifications augmentent aussi les services pris en compte pour le calcul de la pension. »

 

Le niveau moyen du montant brut de la pension d’un militaire ayant quitté le service en 2017 s’élève à 2.989 euros pour les officiers [pour une durée de service moyenne de 32,7 ans], à 1.903 euros pour les sous-officiers [pour une durée de service moyenne de 28,1 ans] et à 810 euros pour les militaires du rang [pour une durée de service moyenne de 14 ans].

 

Ce système va-t-il survivre à la prochaine réforme des retraites, dont les modalités seront dévoilées le 18 juillet par Jean-Paul Delevoye ? Le 13 juillet 2018, le président Macron avait assuré qu’il veillerait « à ce que les spécificités du métier militaire et cette exigence du modèle [d’armée] soient en prises en compte. Pour rappel, il s’agit de mettre en place un système par points, dans lequel chaque euro cotisé donne accès aux mêmes droits, et d’unifier les 42 caisses de retraite actuellement en place.

 

 

Pour autant, le sénateur de Legge nourrit quelques doutes, estimant que, s’agissant de cette énième réforme des retraites, les « préoccupations des militaires sont justifiées, et ce d’autant plus qu’aucune concertation n’a été directement menée avec ces derniers. »

 

En outre, les propos de M. Delevoye peuvent nourrir cette inquiétude, ce dernier ayant par exemple déclaré, en octobre 2018, qu’il allait « simplement regarder quelles dérogations nous pouvons défendre dans des cas bien particuliers, comme pour les militaires ou les policiers », sans plus de précisions.

 

Plus tôt, rappelle M. de Legge, le haut-commissaire à la réforme des retraites avait déclaré, devant la commission des affaires sociales du Sénat, le 19 avril 2018, que « l’intérêt du système universel, fondé sur des principes simples et opposables à tous (convergence des taux de cotisation, des rendements, etc.), [était] de prendre en compte les différences acceptables, par exemple, l’octroi de droits aux militaires engagés sur des opérations extérieures. » Et d’ajouter : « En revanche, la diminution de certaines assiettes et taux de cotisations n’est pas justifiée par la solidarité nationale. Certains avantages n’ont plus de raison d’exister. Nous serons intransigeants sur ce sujet. »

 

Or, le sénateur conteste l’argumentation développée par M. Delevoye. « Contrairement à ce qu’indique le haut-commissaire à la réforme des retraites, la spécificité du régime militaire ne saurait se limiter à l’octroi de ‘droits aux militaires engagés sur des opérations extérieures’, mais repose fondamentalement sur trois types de dispositif », dont des « limites d’âge et de durée de services basses », une « pension à liquidation immédiate, pour permettre un départ anticipé du militaire, conformément au principe de jeunesse » et des « bonifications opérationnelles compensatrices des spécificités militaires et favorisant un départ anticipé en cours de carrière, également témoignage de la reconnaissance de la Nation à son armée. »

 

Certes, pour M. de Legge, un système universel ne serait pas forcément négatif pour les militaires dans la mesure où « il intégrerait, par exemple, les primes dans le calcul de la retraite. » Cependant, dans son ensemble, poursuit le sénateur, il serait « de nature à remettre en cause l’équilibre actuel, qui permet la prise en compte des sujétions et risques spécifiques des militaires avec les mécanismes de bonification, et de garantir la viabilité du modèle RH des armées. »

 

En outre, rappelle le parlementaire, une « pension liquidée par anticipation ne correspond pas à une pension de vieillesse, contrairement à celle qui est servie en fin normale de carrière [à la limite d’âge], mais à une allocation, compensatrice et proportionnelle aux services accomplis, servie au titre de la reconnaissance que la Nation s’est engagée à manifester envers les militaires. »

 

Et d’estimer que la « pension militaire constitue une rémunération différée visant à compenser la disponibilité totale des militaires, en ‘tout temps et en tout lieu’, et l’absence de limitation dans la durée du temps de travail, qui constituent des dérogations exorbitantes du droit commun. »

 

Aussi, afin d’éviter une « confusion sémantique », M. de Legge suggère « d’affirmer la différence entre la retraite à jouissance immédiate et une ‘retraite anticipée », en envisageant une « nouvelle appellation des pensions militaires [comme ‘reconnaissance de la Nation’]. »

 

 

Plus généralement, le sénateur redoute que la prochaine réforme des retraites « fragilise » la politique menée par le ministère des Armées en matière de ressources humaines…

 

« Sa fragilisation serait donc susceptible de mettre ce modèle d’armée, reposant sur des effectifs jeunes, en péril, alors même que le nombre de militaires quittant le service sans droit à pension a d’ores et déjà augmenté ces dernières années », souligne-t-il.

 

« Au total, les pensions militaires relèvent davantage d’un système de gestion des ressources humaines, unique dans la fonction publique, et du choix d’un modèle d’armée jeune que d’une pure logique d’assurance-vieillesse », conclut-il.

 

Source : https://www.opex360.com/2019/07/13/un-rapport-du-senat-met-en-garde-contre-les-effets-possibles-de-la-future-reforme-des-retraites-sur-les-armees/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+ZoneMilitaire+%28Zone+Militaire%29

 

Lire aussi : "La hausse des inaptitudes médicales et des antécédents judiciaires réduit le vivier de recrutement des armées"

http://www.opex360.com/2019/07/13/la-hausse-des-inaptitudes-medicales-et-des-antecedents-judiciaires-reduit-le-vivier-de-recrutement-des-armees/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+ZoneMilitaire+%28Zone+Militaire%29

 

..."on attrape pas les mouches avec du vinaigre...." : ATTENTION aux conséquences à long terme. JMR

 

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