"Le terrorisme islamiste n’est pas soluble dans le bien-être matériel"
Le Figaro - Que penser de l’identité du terroriste présumé, un Tunisien vivant à Nice, délinquant de droit commun mais inconnu, semble-t-il, des services de
renseignements ?
La nationalité n’est plus une donnée suffisante, ni même pertinente, pour comprendre ce qui se produit. Ce même individu aurait pu être tout aussi bien
franco-tunisien, ou franco-ce-que-l’on-veut, ou même français de souche récemment converti puis radicalisé sous l’effet d’un prosélytisme soutenu. Le virage amorcé par les principaux pays sources
de l’immigration en vue de renouer avec leurs fondamentaux religieux aussi bien que l’évolution géopolitique des dernières décennies incitaient à la plus grande prudence. Or, partout en Europe,
ce n’est pas cette option qui a été choisie. Les sociétés occidentales, devenues temples de la consommation, se sont laissé convaincre par les faiseurs d’opinion que le bien-être matériel était
la clé de tous les problèmes ou presque. Nice, après d’autres terrifiants événements, y apporte un cinglant démenti.
Quelles politiques de fond vous semblent urgentes ?
Vaste programme ! Il faut déployer, simultanément, l’ensemble des actions qui s’imposent. Dès 1981, Georges Marchais réclamait de "stopper
l’immigration officielle et clandestine". C’est une nécessité. En effet, l’importance des flux migratoires a fini par rendre quasi impossible l’intégration culturelle d’une partie
de ceux qui se trouvaient déjà sur le sol européen et entraîné la régression du niveau d’intégration d’une partie des enfants de l’immigration. Par ailleurs, une
réforme du Code de la nationalité doit être menée pour que les élites ne puissent plus s’affranchir du Code civil, qui ordonne que "nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie
de son assimilation à la communauté française". L’octroi de la nationalité française doit être une mesure individuelle, en aucun cas groupée et encore moins automatique. Affubler un
être humain d’une identité qu’il n’a pas pleinement faite sienne peut engendrer souffrance et, en cas de dissonance identitaire, violence retournée contre soi ou les autres. Le droit du sol doit être aboli,ainsi que l’acquisition de la nationalité française par mariage. La carte d’identité française,
rappelons-le, outre qu’elle confère le statut d’architecte du projet de société, constitue également un titre de propriété sur une terre.
Est-ce un état d’esprit qu’il faut changer ?
Oui. En dépit des moyens considérables que la France consacrait au volet immigration-intégration, les élites, plutôt que d’en faire état, ont persisté dans la
politique de la culpabilisation-repentance et de la "lutte contre les discriminations", qui aboutit à faire passer chaque Français pour un raciste potentiel. Comment espérer une
cohabitation harmonieuse après avoir semé tant de graines de ressentiment ? Il doit être mis un terme à toutes les actions politiques qui ont pour fondement ces idéologies, à commencer par
la discrimination positive que les élites s’appliquent à déguiser sous de nobles appellations.
Faire tomber les masques est le chemin obligé pour restaurer notre démocratie. L’éducation des jeunes générations est le nerf de la
guerre. Une partie de ce qui a été fait devra être repensée, et parfois défait, à commencer par la dernière réforme du collège ou l’introduction des langues d’origine à l’école primaire.
La langue est un enjeu décisif. Enfin, il faut restaurer et sanctuariser la liberté d’expression. Seul un langage de vérité permettra une large prise de conscience de la vulnérabilité de la
France.
Peut-on prendre des mesures plus contraignantes que celles qui existent déjà sans que le Conseil constitutionnel les déclare contraires à la
Constitution ?
Le défi que les Français doivent relever est celui de la continuité historique de la France et de son peuple. Le général de Gaulle, qui "était d’un réalisme
froid", selon l’expression de l’historien François Kersaudy, serait-il resté passif ou aurait-il brisé ses fers pour prévenir l’irrémédiable ? Pour de Gaulle, "un homme peut avoir
des amis ; une nation, jamais". Un homme d’État ne perd jamais de vue l’intérêt supérieur de la nation. Par la gravité extrême de la situation dans
laquelle elle se trouve, la France a besoin d’hommes et de femmes de cette trempe. Les autres pourront revenir amuser la galerie quand la paix sera revenue.
Si nous sommes en "guerre", comme l’assure le premier ministre, doit-on renoncer à certaines activités du temps de paix comme les rassemblements de masse,
cibles de choix pour des carnages ?
Le président aussi dit que nous sommes en guerre, et tous deux répètent en boucle qu’il nous faut rester unis. Unis sans condition ? Pour ce qui est des
rassemblements de masse, à moins de considérer que notre pays doit cesser de vivre, nous ne pouvons pas tout interdire. Les annulations ou interdictions ne doivent être prononcées qu’au cas par
cas, sur la foi de renseignements faisant état de menaces précises ou de suspicions fortes. Une interdiction globale n’écarterait pas la menace. C’est le fond du sujet qui doit être traité. Nous
payons ici le prix de l’impéritie de notre classe politique, dont le renouvellement ne se fait plus qu’à la marge.
Les Français ont accepté ce qu’ils n’auraient jamais dû : être dépossédés de leur liberté d’être français. Ils auront à cœur de reconquérir ce
droit.
Paru dans Le Figaro, 18 juillet 2016
PROPOS RECUEILLIS PAR GUILLAUME PERRAULT
Et en réaction, le gouvernement propose :
La Charte de fonctionnement des Centres d'accueil et d'orientation des migrants
Un communiqué du ministère de l'Intérieur et du Logement nie de fait la distinction entre immigration régulière et
immigration illégale.
Alexis Théas redoute l'appel d'air que pourrait susciter cette évolutions de la politique d'immigration française.
Le 1er août 2016, les ministres de l'Intérieur et du Logement ont publié un communiqué passé totalement inaperçu dans la torpeur de l'été mais d'une importance
capitale sur le plan de l'évolution des mentalités et de l'idéologie politique française. Ce texte marque une inflexion de la conception française de l'immigration. Jusqu'alors,
celle-ci était fondée sur la distinction entre l'immigration régulière et l'immigration illégale. La première, conforme à la loi, était destinée par exemple à accueillir des travailleurs
dont la France peut avoir besoin, à former des étudiants dans l'intérêt de la France ou du pays d'origine, ou bien à assurer le principe d'unité familiale. Elle était évaluée à environ 200 000
personnes par an. En revanche, les migrants en situation irrégulière, entrés ou séjournant en infraction avec la loi, devaient impérativement repartir dans leur pays, volontairement ou par la
contrainte. Tel était le principe. Cette différence, pour la première fois depuis que l'immigration est devenue un sujet politique au début des années 1980, semble désormais ni par l'Etat. Le
migrant en situation irrégulière n'a plus vocation à être reconduit dans son pays, mais à être accueilli en France et pris en charge par la puissance publique, au même titre qu'un étranger en
situation régulière ou qu'un citoyen français en difficulté.
La distinction fondamentale entre l'immigration régulière et l'immigration illégale semble désormais niée par l'Etat.
Communiqué du 1er août 2016 : «Créé le 25 février dernier à l'initiative de Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, et d'Emmanuelle
Cosse, ministre du Logement et de l'Habitat durable, le comité de suivi du plan de mise à l'abri des migrants sans-abri s'est à nouveau réuni mardi 26 juillet 2016. Présidée par Emmanuelle
Cosse, en présence de représentants du Ministère de l'Intérieur, du Ministère de la Famille, de l'Enfance et des Droits des Femmes et de la Préfecture du Pas- de-Calais, cette séance a
rassemblé une trentaine d'associations engagées dans l'accompagnement des migrants. Les pouvoirs publics ont tenu à saluer leur travail et leur mobilisation pour faire face à cette crise
migratoire sans précédent. A cette occasion, le ministère de l'Intérieur et le ministère du Logement et de l'Habitat durable ont présenté aux associations la Charte de fonctionnement des
Centres d'Accueil et d'Orientation (CAO).
Répondant à un souhait partagé de l'Etat et des acteurs associatifs, et rédigée au terme de plusieurs semaines de dialogue avec les opérateurs des CAO, cette
charte édicte des règles claires de fonctionnement et décrit les principales prestations délivrées aux migrants sans-abri qui y sont accueillis: conditions d'accueil et de localisation, taux
d'encadrement, restauration, évaluation - juridique, sociale et médicale - de la situation des personnes accueillies et accompagnement adapté, sécurité, etc. La prise en charge en CAO doit
ainsi permettre aux personnes migrantes sans-abri de bénéficier d'un temps de répit et d'engager, si elles le souhaitent, une démarche de demande d'asile. Elle leur permet également d'avoir
accès à une offre de soins adaptée et d'être orientées rapidement vers des structures qui correspondent à leur situation (CADA pour les demandeurs d'asile, etc.). Depuis le 27 octobre dernier,
148 Centres d'accueil et d'orientation ont été ouverts sur l'ensemble du territoire national pour un total de près de 2000 places qui ont permis de mettre l'abri plus de 4700 personnes dans des
délais très resserrés.»
Le principe abroge l'idée d'immigration illégale. Les associations humanitaires, les idéologues, les partisans de la liberté totale d'immigrer en
rêvaient depuis au moins quarante ans.
Ce communiqué enterre donc de fait toute notion d'immigration irrégulière. Il abolit le clivage entre légalité et illégalité en matière d'immigration.
Il va dans le sens de la loi du 7 mars 2016, dont les dispositions reviennent à rendre très difficiles l'application des mesures d'éloignement.
Il proclame que la France a le devoir d'accueillir et de prendre en charge tout étranger sur son territoire, qu'il soit autorisé à entrer et à séjourner ou qu'il ne
le soit pas. De facto, le principe ainsi proclamé abroge l'idée de frontière ou de respect du droit de l'entrée et de séjour. Les associations humanitaires, les idéologues, les partisans de la
liberté totale d'immigrer en rêvaient depuis au moins quarante ans.
M. Cazeneuve et Mme Cosse l'ont fait.
La question est de savoir quel sera l'ampleur de l'appel d'air que cette transformation profonde de tous les fondements de la politique d'immigration française est
susceptible provoquer à terme.
Le communiqué annonce une France ouverte, qui n'éloigne plus ses migrants illégaux mais au contraire les accueille. Le potentiel d'émigration est élevé: des
centaines de millions de personnes déshéritées et désœuvrées, dans ce monde en ébullition, ne songent qu'à trouver un point d'accueil. Reste à savoir si la France, qui compte cinq millions de
chômeurs, de gigantesques problèmes de logement, des centaines de milliers de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, un millier de cités sensibles dévastées par la violence, l'exclusion, le
communautarisme, l'islamisme radical, si cette France a les moyens d'accueillir une immigration supplémentaire.
Mais pour M. Cazeneuve et Mme Cosse, c'est une autre affaire. Et ce n'est visiblement pas la leur.
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