Trois vérités historiques à ne pas évoquer au bac

par Jean-Batiste NOE - le 19/06/2016.


Jean-Baptiste Noé est  professeur d'histoire et écrivain, spécialiste de l'histoire alimentaire et de l'histoire de l'Eglise. 

 

Il est rédacteur dans les revues Conflits et Contrepoints. 

 

Il anime une émission hebdomadaire consacrée à l'histoire sur Radio Espérance. 

 

Egalement diplômé en œnologie, il participe, comme membre du jury, à de nombreux concours de dégustation de vins.



Voici trois faits historiques, certifiés et confirmés par la plupart des grands historiens étudiant le sujet, dont il ne faut absolument pas parler dans un devoir du bac.

 

1/ Le nazisme est un socialisme

Les Terminales se voient proposer un chapitre intitulé « Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875. » S’il s’agit d’étudier le passage à la social-démocratie et l’acceptation de l’économie de marché par le SPD, se pose toutefois la question du nazisme. Que faire du Parti des Travailleurs Allemands (DAP), devenu Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands (NSDAP) ? On nous explique que même si le terme socialiste apparait dans le nom de ce parti, cela n’a rien à voir avec le socialisme du SPD. D’ailleurs, les nazis ayant interdit le SPD et le KPD, et ayant forcé les ouvriers à adhérer à leur syndicat unique, c’est bien la preuve qu’il n’y a pas de lien entre ces deux systèmes de pensée.

Rien n’est plus faux. De la brochure de Goebbels, Pourquoi nous sommes socialistes, aux discours de Hitler et à son programme économique, le nazisme est bien évidemment une idéologie socialiste, raison pour laquelle, notamment, elle lutte contre ses opposants les plus proches, c’est-à-dire les autres socialistes, qui sont à ses yeux des sociaux traitres. Classer le nazisme parmi les idéologies d’extrême droite n’a aucun sens ; ce qui est en plus confondre la stratégie politique électorale avec l’idéologique politique.

 

2/ La révolution culturelle a été l’un des plus grands génocides du XXe siècle

Un autre chapitre du programme d’histoire de Terminale porte sur la Chine de 1949 à nos jours. On pense spontanément qu’il faudra évoquer le Grand bond en avant et la révolution culturelle menés par Mao et les communistes, ainsi que leurs douloureuses conséquences pour les Chinois. Événements tragiques pour la Chine, ces deux mouvements ont fait plusieurs dizaines de millions de morts et ont démembré l’économie et le lien social du pays.

Et pourtant, dans les manuels scolaires les événements sont presque passés sous silence. À eux deux ils totalisent à peine une quinzaine de lignes et le nombre de morts, quand il est évoqué, est minoré par rapport aux recherches les plus récentes des historiens. Les faits ne sont jamais présentés en un seul tenant : il y a une évocation ici et des indications ailleurs, comme pour empêcher les lycéens de mettre les causes et les conséquences en rapport. Et bien sûr ni le communisme ni Mao ne sont incriminés. S’il y a eu des morts, c’est à cause des famines. Les auteurs ne se demandent pas qui, ni quelle idéologie ont provoqué ces famines, et pourquoi. Est-ce une amnésie volontaire ou un oubli fortuit ?

Le maoïsme n’a pas le droit au même souci de vérité et de présentation critique que les autres systèmes totalitaires. 

Rappelons donc que le Grand bond en avant (1958-1961) avait pour finalité de faire entrer la Chine sur la voie du développement économique. L’absurdité des mesures et le fanatisme des fonctionnaires œuvrant à leur application ont conduit à la mort d’au moins 30 millions de personnes. La plupart sont mortes de faim, d’autres d’épuisement à cause de travaux forcés. À la suite de ce désastre, Mao a été écarté du pouvoir par la direction du parti, sans que celui-ci puisse totalement l’éliminer. Le grand timonier tente de revenir en organisant une purge sanglante du parti et des cadres ; c’est la révolution culturelle, menée de 1966 à 1968.

S’appuyant sur les étudiants et la jeunesse il fait arrêter, déporter et assassiner les têtes pensantes du parti et du pays. Les universités et les écoles sont fermées, les intellectuels sont envoyés dans des bagnes portant le doux nom de camp de rééducation. L’objectif est de purger le pays et de rompre avec l’histoire et la tradition de la Chine en bâtissant un homme neuf, dans le plus pur esprit communiste. Difficile, là aussi, de connaître le nombre de morts avec exactitude, car les archives manquent, mais il est estimé entre un et quatre millions. Moins meurtrière que le Grand bond en avant, elle fut plus violente dans les destructions culturelles et intellectuelles qu’elle a infligées au pays et dans ses conséquences à long terme pour la Chine.

La liberté d’expression étant faible, on ne peut pas évoquer ces faits librement dans la Chine actuelle. Mais on voit aussi que la restriction mentale se poursuit en France, à l’image de ce que furent les combats idéologiques des années 1960-1970. Le laogaï et les gardes rouges sont passés sous silence. On n’évoque pas le système répressif d’État ni les tenants idéologiques qui ont conduit à de tels massacres, ce qui laisse penser que cela est un accident ou une conséquence malheureuse des mesures adoptées.

 

3/ La mondialisation réduit les inégalités et enrichi les peuples

Tout le programme de géographie porte sur la mondialisation, étudie soit sous l’angle de questions générales (un produit dans la mondialisation, une ville mondialisée), soit à travers des études régionales (Asie du Sud-Est, Brésil, Sahara).

Les élèves auront rapidement compris qu’il y a des réflexes pavloviens à appliquer quand on parle de mondialisation : celle-ci engendre des inégalités et accroit la pauvreté. Il ne faut surtout pas s’interroger sur le fait que les inégalités puissent être, parfois, une bonne chose, ou du moins ne pas être le fruit de l’exploitation.

Le chapitre sur l’Amérique latine reprend tous les poncifs antilibéraux des penseurs néomarxistes. On n’évoque pas, bien évidemment, l’admirable réussite du Venezuela de Chavez Maduro, ni la faillite de l’Argentine engendrée par le péronisme. La réforme agraire et la redistribution des terres, présentes dans les manuels des années 1990-2000 ont toutefois disparu. Les auteurs ont dû finir par se rendre compte que cela n’était pas la solution. Exit les études d’Hernando de Soto sur le mystère du capital. Il demeure cette idée lancinante que les riches le sont parce qu’ils exploitent les pauvres, sans que les critères de pauvreté et de richesse ne soient clairement définis.

 


Partager : 

Écrire commentaire

Commentaires: 0