Entretien sur la Crise de la Gouvernance mondiale

Le 12/10/2020.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

 Messieurs les Ministres Conseillers, 

 Mesdames et Messieurs les membres du personnel diplomatique des ambassades sises à Paris,

 Chers Adhérents,  

Chers Lecteurs,  

GEOPRAGMA a le plaisir de vous présenter aujourd’hui les premières réponses apportées au Questionnaire sur la « Crise de la Gouvernance mondiale ». Les lignes géopolitiques du monde en effet n’ont jamais bougé aussi vite. Multilatéralisme, bipolarité, cynisme et moralisme s’entremêlent pour contribuer à une confusion dangereuse où chacun interprète et projette sur les autres, consciemment ou non, ses attentes et ses travers.  

Dans ce cadre, GEOPRAGMA a lancé une enquête inédite auprès d’une cinquantaine de pays sur leur perception de la crise de la gouvernance mondiale, sur leur vision et leurs espérances concernant l’avenir des relations internationales, ainsi que sur le rôle que la France pourrait et devrait, selon eux, y jouer, y compris à leurs côtés.  

Notre souhait était d’offrir la possibilité à ces États ou à leurs diplomates de haut niveau de s’exprimer sur le sujet sans filtre ni biais d’interprétation. Par conséquent, tout ce qui est publié l’a été avec l’accord exprès des ambassades.  

Afin que les entretiens soient conduits de manière la plus homogène possible, un questionnaire servant de base a été élaboré. D’autres questions ont cependant été posées, au gré des discussions.   

Questionnaire 

  1. Comment analysez-vous l’état actuel des relations internationales à l’échelle mondiale et les modes de coopération ou confrontation entre Etats ou groupes d’Etats ? Comment pensez-vous que cette situation va évoluer à court, moyen et long terme ? 
  2. Comment la politique étrangère de votre nation s’inscrit-elle dans cette réalité ?
    Comment vos relations évolueront-elles dans les prochaines années avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, ou encore l’Union Européenne ? Qu’attendez-vous d’eux ?
  3. Quels sont pour vous les axes d’alliance(s) à venir ? Et quid de vos « adversaires », « concurrents » ou « partenaires » ? 
  4. Quels sont vos principaux enjeux énergétiques, économiques, environnementaux et numériques à court et moyen termes ? 
  5. Peut-on encore parler de « choc des civilisations » ou la mondialisation a-t-elle rendu ce concept obsolète ? 
  6. Quel(s) rôle(s) souhaitez-vous que la France joue au niveau mondial et estimez-vous qu’elle joue ce rôle actuellement ? Sinon à quelles conditions ?
  7. Verriez-vous votre pays s’associer à la France sur une initiative ou un dossier international d’envergure ? Lequel ? Quel rôle jouerait la France aux côtés de votre pays pour régler ce dossier ou mettre en œuvre cette initiative ?
  8. Quel(s) rôle(s) souhaitez-vous que l’Union européenne joue au niveau mondial et estimez-vous qu’elle joue ce rôle actuellement ?
  9. Pensez-vous que la souveraineté soit une notion dépassée ou moderne ? Et celle de peuple ?   Quels sont pour vous les conditions de la cohésion nationale et ses facteurs de dilution ?
  10. Selon vous, quels sont les fondements de l’influence internationale de demain ?
  11. Que pensez-vous de l’invocation de valeurs et de principes moraux en matière internationale ?
  12. Sujet libre  

À ce jour, sept ambassades se sont prêtées à la totalité de l’exercice qui est aujourd’hui publié.  

D’autres entretiens le seront dans les semaines à venir.  

Geopragma adresse ses remerciements les plus vifs à l’ensemble des ambassadeurs et des diplomates qui ont accepté de nous répondre. Leur contribution fut à tous égards passionnante.  

Les perceptions sur la crise de la gouvernance mondiale étant bien évidemment évolutives, l’idée selon laquelle cet exercice devait devenir permanent s’est imposée à nous.  

Certains Etats nous ont indiqué leur souhait d’y participer à terme mais ne pouvaient le faire pour diverses raisons sur cette première publication. Par conséquent, si certaines ambassades souhaitent actualiser leur contribution ou que d’autres souhaitent participer à l’exercice, elles peuvent toujours se rapprocher du secrétariat de Geopragma (desk@geopragma.fr). 

En espérant que ce recueil constituera pour chacun d’entre vous une source d’informations intéressantes pour mieux comprendre la richesse des perceptions et des attentes de ces Etats, et que cela permettra à terme, de contribuer à définir des orientations et des propositions concrètes pour une coexistence plus favorable aux intérêts communs des acteurs du monde, nous vous souhaitons à tous une très bonne lecture. 

Geopragma  

Vous pouvez retrouver l’intégralité des entretiens sur la Crise de la Gouvernance mondiale en cliquant sur ce lien : Panorama de la Gouvernance mondiale

 

 


Iran

 

Le 15 octobre 2019 

Ambassade de la République islamique d’Iran en France 

 

Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Bahram Qasemi, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire auprès de la République française 

Interprétation et traduction par Monsieur Alireza Khalili, Directeur de Cabinet de S.E.M Bahram Qasemi 

L’ambassade, compte tenu de l’évolution du contexte international depuis l’entretien initial, a souhaité modifier récemment certaines parties de l’entretien et de ses déclarations.  

Geopragma : Comment analysez-vous l’état actuel des relations internationales à l’échelle mondiale et les modes de coopération ou confrontation entre Etats ou groupes d’Etats ? Comment pensez-vous que cette situation va évoluer à court, moyen et long terme ? 

Ambassade de la République islamique d’Iran : Présenter une image et une vision précise des évolutions mondiales et de ce à quoi le monde fait face au cours des dernières années, n’a jamais été aussi délicat qu’aujourd’hui, et notre époque souffre de confusion, de perturbations, voire d’anarchie involontaire mais aussi parfois voulue. 

 Même au cours des dernières décennies, et peut-être pour être plus précis, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la période de la Guerre froide où deux superpuissances ainsi que la totalité de leurs sous-ensembles économiques, militaires, et idéologiques œuvraient pour la domination des parties du monde (et même au-delà de notre planète, pour la domination de l’espace), la situation globale n’avait pas été aussi confuse.  

Les théoriciens qui se sont donné la mission de proposer une définition du monde actuel n’ont pas été en mesure de décrire les réalités qui le dominent aujourd’hui, et tout ce qui est ou doit être. Chacun a décrit le monde actuel à sa façon et avec son propre langage, selon sa propre pensée, et en fonction de ses idéaux propres, et de la nécessité d’aboutir à un compromis sur la base de la sagesse et du pragmatisme, tout en optant pour une parole admissible par tous et apportant une plus-value par rapport aux autres idées.   

Nombreux sont ceux qui préfèrent décrire uniquement « ce qui est », dans la mesure où décrire « ce qui sera » ou « ce qui doit être » ne peut se conjuguer que de manière logique et dans un « environnement » basé sur les réalités et la connaissance. Pour proposer le traitement adéquat, faut-il encore connaître la maladie, et il s’agit là d’un premier pas indispensable. Cependant, la connaissance des traitements adéquats n’ouvre pas nécessairement la voie vers « ce qui sera ». 

Il est souvent dit que le monde actuel est en transition et qu’un monde en transition se caractérise par ses probabilités propres. Pour décrire un tel monde, de multiples descriptions et spécificités peuvent être énumérées, autant que tout ce qui se passe dans notre monde actuel : « impensable », « nouveau », et surtout « étonnant ». 

Cependant, dès le début, il serait peut-être possible d’aboutir à un compromis équitable par le biais de quelques caractéristiques et d’indices, et en faire des critères pour marcher sur le chemin de la découverte et de la connaissance : un monde en transition signifie un monde dans lequel les évolutions et les événements se produisent de manière complètement imprévisible et à une vitesse incroyable ; Un monde où les évènements semblent pour la plupart imprévisibles et incroyables, surtout dans une telle période et dans un tel laps de temps. 

Est-ce que le sens et la direction des évolutions et de ce processus en voie de transition, est porteur d’espoir quant à la naissance d’un monde meilleur ? Est-ce que grâce à toutes les découvertes et nouveautés technologiques et scientifiques, ce nouveau monde laisse présager un avenir agréable, de paix et de bonheur, marqué par le développement et la justice ? Ou est-ce que ce monde de demain sera, même en comparaison avec les décennies passées pleines de mutations, un monde encore plus pauvre et inéquitable, où aucune attention ne sera prêtée ni à la justice, ni aux droits de l’homme ? Certes, on peut trouver la réponse dans notre imagination. On peut, grâce à une compréhension précise de l’évolution des sociétés humaines, dessiner une image optimiste et idyllique de l’avenir ou, au contraire, en s’inspirant des exemples actuels aux quatre coins de la planète, proposer une image pessimiste, mais réaliste, d’un monde en recul.       

Conformément à l’Histoire, aux documents et preuves existant, à aucun stade de l’histoire de la civilisation humaine, nous n’avons été témoins d’un tel niveau de l’évolution de la science, des technologies, ainsi que des acquis humains sans précédents. De tels acquis étaient tout simplement impensables pour les générations précédentes. À la lumière des sciences, des technologies et de la connaissance, la vitesse des mutations et des communications représente en soi l’un des acquis les plus importants de l’être humain, au-delà de l’esprit et de la curiosité des intellectuels et savants qui ont consacré leur vie au perfectionnement de ce processus, de notre monde ; en dépit de ses complexités et caractéristiques apparentes ou cachées, ce dernier est dans une large mesure dans l’incapacité d’appréhender de manière précise et maximale ce qu’il aura en face de lui. 

Dans le monde bipolaire ou la période de la guerre froide voire même après cette période, la plupart des processus mondiaux étaient parfaitement connus et prévisibles et admissibles. Il suffisait d’avoir une connaissance approfondie par rapport aux grandes puissances mondiales et une connaissance normale des idéologies en cours, régnant sur le monde. Dès lors, de nombreuses actions et réactions au niveau mondial pouvaient être analysées et devenaient prévisibles. Or, dans le monde d’aujourd’hui, dont le multilatéralisme demeure l’une des caractéristiques, les évènements s’enchaînent de manière non approfondie et même pas de manière unilatérale, mais de façon complètement illogique et la vitesse des évolutions et les changements de forme des politiques et des attitudes des néo-politiciens qui dominent sur un grand nombre de pays du monde, l’arrivée en force de spécialistes et d’experts avec leurs instruments scientifiques, ainsi que la société civile et les médias – dont chacun considérant son essence particulière peut-être soit de nature multilatérale, ou au contraire influencée par les puissances totalitaires, prendre une direction unilatérale et aller dans le sens de la domination et du pouvoir. Tous ces facteurs ont entraîné dans l’ensemble des dimensions, une forme d’anarchie intellectuelle et pratique, comme si tous ces éléments étaient alignés les uns contre les autres, parfois de manière pacifique, pour une lutte sans répit dans une grande bataille. 

Sans aucun préjugé ou jugement émotif lié à l’environnement, observez l’Amérique d’aujourd’hui et son Président et tout ce qui est évoqué chaque jour comme politique, ou action, ou ordonnance. Regardez la situation d’aujourd’hui dans l’Amérique du Président Trump, et la situation de ses prédécesseurs. Observez les luttes sans cesse et sans fin, les destitutions et nominations successives au niveau des responsables et autorités américains, ainsi que l’absence d’un système administratif à l’instar de ce qui était envisagé au cours d’un passé pas si lointain. Regardons les violations successives des engagements d’une Amérique qui agit seule sur la scène internationale dans la confrontation avec les organisations internationales, qui pourtant symbolisent des exemples du processus de perfectionnement et de l’évolution des sociétés humaines en vue de trouver des bases communes au niveau des fondements humains et civilisationnels, pour faire éloigner les spectres de la guerre, de la famine, de la pauvreté, et de l’injustice.  

Regardons d’abord « ce qui est » (et qui d’ailleurs « pourrait demeurer ») à savoir la pandémie de Coronavirus. Peut-être dans la période actuelle, l’on aurait pu penser que l’apparition d’une telle épidémie et ses dégâts humains et le nombre de décès qu’elle a engendré, allaient surtout toucher les sociétés peuplées et pauvres à travers le monde, or voilà que l’on voit les USA – qui se prétendent supérieurs au sein d’un monde qu’ils souhaitent unilatéral – sont eux-mêmes gravement touchés par ce virus inconnu et sont dans l’observation. Les exemples sont multiples, les antagonismes et les désordres beaucoup plus nombreux que ce qu’on pourrait imaginer. 

L’Europe, quant à elle, a ses propres potentiels, capacités et soutiens, ainsi que ses propres difficultés et faiblesses. Le Moyen-Orient, la Russie, l’Afrique, le Golfe persique, l’Asie du Sud, la Chine, les Balkans, le Caucase, et l’Asie ; chacun avec des milliers de facteurs identiques, ou contradictoires, ou opposés, se trouve aligné l’un contre l’autre, mettant le temps et l’espace au défi. Voilà qui était tout simplement impossible à imaginer à l’époque de l’effondrement de l’Union soviétique, ou de la convergence européenne, ou de l’annihilation de l’Armée rouge et de la sortie de l’Union soviétique de l’Europe de l’Est, ou d’autres points du globe. Le monde avance à une grande vitesse. Vers où ? De quelle manière ? Vers quelle destination ? Soyons encore patients. Nous avons encore du temps. 

Geopragma : Comment la politique étrangère de votre nation s’inscrit-elle dans cette réalité ? Comment vos relations évolueront-elles dans les prochaines années avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, ou encore l’Union européenne ? Qu’attendez-vous d’eux ? 

Ambassade de la République islamique d’Iran : L’Iran d’aujourd’hui est issu d’une histoire, d’une civilisation et d’une culture anciennes. Il est impossible de vouloir analyser l’Iran d’aujourd’hui en faisant abstraction de son passé et tout ce par quoi ce pays est passé. Celui qui voudrait porter un jugement sur l’Iran en dehors d’une telle démarche, ou souhaiterait imaginer ce que sera le lendemain de ce pays, commettrait une faute irréparable. Certes, cela n’est nullement propre à l’Iran. En effet, dans le cas de nombreuses sociétés à travers le monde qui sont les héritières d’une culture, civilisation, histoire ou géographie spécifiques, il est impossible de dessiner les évènements d’aujourd’hui ou de demain de manière distincte sans regarder vers leur passé.  

En Iran, avec la Révolution de 1979 – qui a été la continuation de la Révolution constitutionnelle de 1906 et de l’instauration d’un Parlement et l’obtention d’une Constitution (en tant que premier pays de sa région à s’en doter) – dont l’objectif était d’instaurer une société démocratique tout en préservant ses valeurs historiques et domestiques, ce pays est entré dans un nouvel espace en particulier dans la région du Moyen-Orient qui, loin de la démocratie et de la liberté, souffre de l’existence de dictatures. 

Le slogan de la Révolution fut « Liberté et Indépendance », puis la détermination du type de gouvernement et sa transformation de Royauté en République furent le résultat du vote populaire. Les USA en tant que premier soutien du pouvoir en place avant la Révolution, ont commencé à ne pas admettre la nouvelle situation en Iran et ont cherché à détruire la Révolution qui bénéficiait du soutien de la société iranienne. L’intensité des animosités et les sentiments anti-américains des Iraniens et la violence du gouvernement américain de l’époque qui voulait retrouver l’Iran comme l’un de ses satellites importants dans la région sensible du Moyen-Orient, ont rendu les antagonismes et les animosités durables et finalement avec les réactions populaires, les relations diplomatiques entre les deux pays ont été interrompues et les tensions se sont aggravées. 

L’animosité du Président Reagan ne s‘est pas seulement limitée à des tentatives de coups d’Etat mais elle a incité Saddam Hussein, en tant que dictateur ambitieux rêvant de devenir le héros du monde arabe, à imposer une guerre de 8 ans à l’Iran. Lors de cette guerre, l’Iran fut d’un côté et les pays de l’ouest ainsi que ceux de l’Est furent de l’autre côté. Ainsi le monde, qui dans l’ombre de la propagande américaine n’avait pas correctement saisi la Révolution iranienne et ses objectifs, a transformé l’Irak en une collection d’armes les plus perfectionnées en provenance de tous les pays et de toutes les grandes puissances militaires, contre l’Iran sans défense. 

L’Iran devait résister, y compris du point de vue politique, culturel et historique car dans le passé, les guerres entre l’Iran et la Russie avaient privé l’Iran d’une partie importante de son territoire (près de 17 villes) conformément aux traités de Golestan et de Turkmanchaï. L’Iran devait demeurer, sans perdre ne serait-ce qu’un centimètre de son territoire au profit de l’agresseur. La guerre s’est enfin achevée avec la reconnaissance de Saddam Hussein comme l’agresseur, conformément à la résolution 598 du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations-Unies. Or, ce dictateur surarmé et ivre de pouvoir et du soutien d’un certain nombre de pays, n’avait pas d’autres options que d’emprunter un autre chemin. Aussi il s’est dirigé vers le Koweït et l’a envahi en 24 heures. Il vida ainsi la trésorerie koweïtienne et prenant possession des richesses du peuple et des émirs du Koweït. A la suite de cette agression, une grande partie du monde a enfin ouvert ses yeux fermés. Dès lors, ceux qui ne « savaient pas », ont commencé à savoir et ceux qui savaient, se sont rendu compte qu’il n’était plus possible d’apporter leur soutien. C’est ainsi que la Ière Guerre du Golfe persique a été déclenchée. 

Saddam a emprunté un chemin qui finalement a fait de lui, de son peuple et de la région, les victimes des griffes militaires et politiques des USA. Les USA qui, depuis leur invasion de l’Afghanistan, ont étendu leur présence dans cette région sensible du monde, ont ainsi privé, et ce jusqu’à aujourd’hui, la région de la paix, de la stabilité, du développement économique, et le monde de la sécurité. L’extrémisme et la violence se sont développés et tous les pays, chacun d’une certaine façon, a gouté au goût amer du terrorisme aveugle et des extrémistes provoqués et leurs affiliés. Ainsi le monde a été plongé dans les souffrances et les inquiétudes.  

L’Iran est un pays avec une culture et une civilisation anciennes, avec une population de plus de 80 millions d’habitants et un niveau d’éducation élevé de sa population, tout en continuant sa croissance et son développement. C’est un pays avec une expérience parlementaire et électorale ancienne qui a été le berceau de nombreux savants et intellectuels qui à différentes périodes ont eu une grande influence sur la scène mondiale. Du point de vue historique et géographique, en particulier au cours des deux derniers siècles, l’Iran n’a jamais attaqué aucun autre pays mais a été souvent l’objet d’attaques de la part d’autres pays. La position géostratégique de l’Iran est exceptionnelle dans cette région sensible et stratégique du golfe Persique. Entre l’Asie et l’Europe, il se situe au niveau d’un passage vital pour le monde, et avec des richesses gigantesques dans son sous-sol. Les Iraniens ont été et seront toujours un peuple pacifique. 

La politique étrangère de l’Iran après la Révolution était basée sur l’éloignement des puissances de l’Ouest et de l’Est. L’absence de dépendance envers l’Union soviétique ou les Etats-Unis n’a jamais signifié l’absence de relations. Ce message signifiait le désir d’indépendance de l’Iran. Dès le départ, l’Iran a intégré le mouvement des non-alignés, mouvement qui, en dépit de son existence, a perdu de son efficacité et sa capacité premières et internationales dans le cadre des évolutions du monde pour des raisons internationales.   

L’Iran n’a jamais eu et n’aura jamais d’animosité spécifique avec aucun peuple ou pays. Le problème entre l’Iran et les USA, réside uniquement dans le problème de l’Iran avec la politique étrangère des dirigeants américains. Une telle situation peut également exister en France, en Allemagne, en Inde, en Chine, en Italie et en Espagne. L’Iran demande l’indépendance, la liberté et le respect de son intégrité territoriale et de sa souveraineté nationale par les autres pays. Conformément à la Constitution iranienne, l’Iran n’a pas le droit d’intervenir dans la politique intérieure d’autres pays et ne permet pas non plus à d’autres pays de s’ingérer dans ses affaires intérieures. 

 À condition que l’indépendance iranienne ainsi que sa souveraineté nationale soient reconnues par les USA et que ce pays ne s’ingère plus dans nos affaires intérieures, l’Iran pourrait également entretenir une relation équilibrée avec ce pays. Néanmoins pour les USA et leurs dirigeants, en particulier pour le Président Trump, ce phénomène que vous connaissez mieux que nous en Europe, cela ne sera pas aisé.

 Les USA devront renoncer à leur expansionnisme, leur militarisme, et l’utilisation de la guerre et de la violence. Ils devront favoriser le terrain pour établir la confiance. Cette confiance disparue et ce mur d’absence de confiance qui se rehausse de jour en jour. Or, cela relève de la volonté américaine. L’Iran souhaite la paix, la sécurité et la stabilité dans l’ensemble de la région et dans le monde. Une région libérée de la violence, de la guerre, de l’extrémisme et du terrorisme serait un univers agréable pour les Iraniens qui doivent penser à leur développement économique et au confort du peuple.

 Les relations entre l’Iran et la Chine, la Russie, les pays asiatiques, les pays d’Amérique latine et les pays européens, représentent des relations conventionnelles. Du point de vue historique politique, économique, technologique et commercial, l’Europe pourrait être un pôle très important aux yeux de l’Iran. Les élites iraniennes sont venues en France il y a plus d’un siècle et après avoir suivi des enseignements scientifiques, sont rentrées en Iran et ont été à l’origine de grands services rendus à l’Iran.

 A la suite de l’effondrement de l’Union soviétique, et à une époque où l’on parlait d’un monde multipolaire, où l’Europe aurait pu, en tant que puissance économique, voire même politique, représenter un nouvel axe sur la scène mondiale, l’Iran a investi dans l’Europe. Or, à la suite de l’effondrement de l’Union soviétique, ce qui avait été imaginé ne s’est pas concrétisé. Le désir américain de réclamer toujours plus, les leviers de pression que représentent les banques, l’argent et les monopoles américains, ont toujours empêché une coopération étendue entre l’Iran et l’Europe. De plus, les USA ont toujours considéré l’Europe comme leur sérieux concurrent.

 Après les négociations nucléaires entre l’Iran et le groupe de pays dit du 5+1, les efforts de la troïka européenne et l’obtention d’un compromis international (JCPOA) basé sur la résolution 2231, l’arrivée au pouvoir du Président Trump a signé le début d’une action américaine sur la scène internationale marqué par l’unilatéralisme. Les efforts américains sont faits dans le but d’une domination totale : leur sortie du JCPOA et la remise en place par les USA de leurs sanctions unilatérales et injustes contre l’Iran, et leur contrôle des leviers financiers et bancaires, ainsi que leurs monopoles et contrôles des communications. Ils ont imposé à l’Europe leurs sanctions contre l’Iran. Malheureusement le monde n’était pas en mesure de s’y opposer et l’Europe non plus n’a pas réussi à résister face à ce phénomène et au fait que les USA en demandent toujours plus. L’Iran estime qu’en regardant la géographie du Moyen-Orient, de l’Asie de l’Ouest et du continent européen, et avec une meilleure compréhension de la région du Moyen-Orient par l’Europe, une Europe indépendante et puissante pourrait représenter une région de gravité et une puissance régionale en vue d’assurer l’équilibre et préserver la paix et la sécurité mondiales sur la base de l’histoire et de la géographie de ces deux coins du monde. Or malheureusement les expériences passées prouvent que nous sommes très éloignés d’un tel idéal.

 Les relations actuelles de l’Iran avec la Russie, en tant que voisin au niveau de la Mer Caspienne, et avec la Chine, bénéficient d’un développement croissant dans l’ensemble des domaines, et possèdent le potentiel nécessaire pour davantage de développement stratégique, que ce soit dans le domaine des coopérations bilatérales ou que ce soit au niveau régional et mondial. Et nous avancerons dans cette direction. L’Iran représente également un pays important et stratégique pour ces deux puissances.

 Avec l’Union européenne, et en particulier l’ancienne Europe, il existe des potentiels développés d’ordre économique, commercial, scientifique et technologique. Certes avec la nouvelle Europe, il existe également de bonnes relations. Un pays tel que la France, avec son histoire, sa culture ancienne, les hauts et les bas que ce pays a subis au cours des derniers siècles et de ses effets collatéraux en Europe et dans des parties du monde, pouvait, peut et doit être l’un des partenaires de l’Iran sur le chemin du développement futur. Le poids et la place historique de la France implique que ce pays parvienne à des décisions stratégiques, dans un environnement réaliste et loin des inductions des opposants traditionnels aux relations franco-iraniennes. Sans aucun doute, et surtout sur le moyen et long terme, un Iran puissant, qui recherche la paix, la stabilité et la sécurité au niveau régional et international, en compagnie de la France, qui a eu une présence ancienne dans certains pays de la région, pourront s’approcher d’une coopération commune dans l’ensemble des domaines. Sans doute, que ce soit dans le passé, aujourd’hui ou demain, il y en a qui ne souhaitent pas ce type de relation équilibrée, fondée sur le respect et la coopération réciproque. Les intérêts communs bilatéraux issus de l’histoire, des points communs, de la civilisation et de la géographie particulière des deux pays, rendront tôt ou tard une telle coopération indispensable. Bien évidemment les relations sont toujours à double sens et jamais aucune voie en sens unique ne peut apporter le développement.           

 Geopragma : Quels sont pour vous des axes d’alliance(s) à venir ? Et quid de vos « adversaires », « concurrents » ou « partenaires » ?

 Ambassade de la République islamique d’Iran : Au cours de la guerre imposée pendant 8 années par Saddam Hussein à l’Iran, la Syrie fut l’un des rares pays à soutenir l’Iran dans la mesure de ses capacités. Après la présence de Daech et des terroristes extrémistes (terroristes extrémistes créés et exportés par procuration sous la direction et la majorité du groupe Daech) qui cherchaient à destituer un gouvernement en place, à la suite des demandes officielles adressées par le gouvernement syrien à l’Iran pour le soutien et l’aide des conseillers militaires iraniens, L’Iran a commencé à apporter son aide. De même le gouvernement syrien a également réclamé l’aide du gouvernement russe. Les autres pays entrés sur le sol syrien sans l’autorisation et la demande du gouvernement syrien, ont ignoré toutes les règles et tous les principes internationaux. L’Iran a ainsi débuté une lutte acharnée contre les terroristes dans l’ensemble de la région, que ce soit en Irak, en Syrie, au Kurdistan ou dans les zones frontalières de l’Iran, et dans une action coordonnée avec les gouvernements syrien et russe. Ceci a réussi à porter des coups fatals aux terroristes qui en dehors de la Syrie et de l’Irak, allaient également entreprendre des actions irréparables sur le sol européen et dans d’autres pays. Heureusement, une grande partie des terroristes a été chassée de ces régions et la majeure partie du territoire syrien a été libérée grâce à la résistance du peuple syrien et des forces de défense de ce pays.

 Nous estimons que l’avenir de la Syrie doit être déterminé par le peuple syrien et il s’agit là d’un principe important et à part le peuple syrien, aucun autre pays ou groupe ne dispose du droit de s’ingérer dans les affaires syriennes. La guerre et la violence ne sont pas les solutions finales en Syrie et la solution finale sera obtenue sur la base du choix du peuple syrien et via les urnes.

 Dans ce cadre, trois pays – l’Iran, la Turquie et la Russie – ont mis en place une coopération et coordination sans précédent intitulées « le processus d’Astana » et par le biais de réunions multiples au niveau des ministres et des chefs d’Etat des trois pays, ces derniers ont réussi à accomplir des actions importantes en vue d’assurer la paix et la sécurité, tout en empêchant le développement de Daech. Jusqu’à maintenant le seul processus réussi de paix est celui d’Astana et nous espérons qu’après le recul relatif de la question du Coronavirus, le sommet des trois chefs d’Etat puisse être organisé.

 Dans un cadre équitable, je ne nie pas que tous les pays et que tous les peuples ont leur propre place, ainsi que leurs demandes spécifiques. Il est possible de les observer en tant que « défense des intérêts nationaux » et « défense des principes et cadres connus au niveau international ». Aussi, dans le cadre du processus d’Astana, l’Iran, la Turquie et la Russie, en dépit des points communs, pourraient également avoir des différences de point vue dans différents domaines. Il s’agit là d’un sujet parfaitement normal et réaliste. Prétendre le contraire ne serait qu’un slogan et il serait loin de la vérité. Dans la Syrie indépendante de demain, qui sera en reconstruction et dans la phase de passage à travers les destructions d‘aujourd’hui, nous pourrons tous, de façon démocratique et dans le cadre d’une concurrence économique et commerciale, voire dans le cadre d’une coopération bilatérale ou trilatérale, avoir des coopérations économiques en Syrie. La coopération et la patience représentent des conditions essentielles, et l’on peut les qualifier de « concurrence » ou de « coopération ». Mais ce qui compte est la reconstruction de la Syrie afin que le peuple déshérité de ce pays, ayant souffert, en reprenne le chemin du développement et du confort.

 Geopragma : Quels sont vos principaux enjeux énergétiques, économiques, environnementaux et numériques à court et moyen termes ?

 Ambassade de la République islamique d’Iran : L’histoire et le monde ont connu des crises, des fléaux et des épidémies diverses dans des dimensions inimaginables, avec des millions de morts en absence des sciences médicales, et de tout système de gestion de santé moderne et centralisé. Le tout dans une situation de pauvreté et en l’absence de moyens de communication, etc. À première vue, le Coronavirus peut être similaire à ces précédentes épidémies. Or, cela n’est pas le cas et ne le sera pas. Le Coronavirus est bien différent et il faut l’analyser et l’évaluer avec un regard plein de curiosité, dans le cadre des évolutions du monde d’aujourd’hui et de ses spécificités, et non pas au regard du monde d’hier.      

 Le Coronavirus n’était pas un rêve et un chapitre des Mille et Une Nuits. Il ne s’agissait pas non plus d’une imagination. Il s’agit d’une réalité difficile et grave à laquelle tous les pays devaient, qu’ils le veuillent ou non, s’adapter. Ce fléau s’est ainsi imposé, un par un, et de manière inimaginable, à tous les pays et à la communauté mondiale. Et pour la première fois dans un monde où la plupart des secteurs sociaux, politiques, économiques, commerciaux, ou de transport, ainsi que le cycle de production n’avaient jamais été interrompus, le moteur de l’économie s’est arrêté.

 Pour la toute première fois, les mosquées, les temples, les églises, les synagogues, les lieux de cultes, le Vatican, la Kaaba, les prières collectives, les restaurants, les cafés, les cinémas, les théâtres, les centres culturels… ont été fermés pour une longue période. Les lieux qui étaient restés ouverts même pendant les Grandes Guerres, ont été fermés et en parallèle, une période longue de confinement à domicile dans de nombreux pays et dans de multiples secteurs d’activité a été mise en place.

 Étudier et analyser les effets politiques, économiques et sociaux du Coronavirus sur la scène nationale et internationale dépend de la manière dont nous imaginons la fin de cette affaire et surtout quand nous prévoyons cette fin. En effet, aucun politicien ou médecin, ou même organisation internationale n’a encore pronostiqué que l’on se trouvait à la fin de cette épidémie. Aussi, si nous voulons avoir un regard global sur les effets du Coronavirus à travers le monde, il est primordial de connaître précisément le point final et la date de la libération de l’être humain de cette pandémie. Or cette question n’est connue de personne et toutes les possibilités et probabilités demeurent. Ce qui est certain est que le monde se trouve au début d’une route inconnue.

 Avec le Coronavirus, la question de la mondialisation et la situation actuelle du monde dans le domaine des relations et des échanges, quelle que soit sa forme, fait face à une révision et un véritable test. En Europe, jusqu’à maintenant, parler d’un effondrement de l’Union européenne serait complètement erroné et exagéré. Or il se pourrait que le résultat d’une tempête de réflexion aboutisse finalement à la nécessité d’une réattribution des compétences et capacités aux souverainetés nationales et aux pays membres, tout en préservant l’Union européenne. Sans aucun doute, l’UE pense à une relecture et révision de grande ampleur. L’UE, connaissant ce qu’est le coronavirus, comment il est arrivé et pourquoi il est arrivé, est probablement consciente d’une réalité : il existe des insuffisances dans le type et la gestion de la démocratie et du libéralisme économique dominant en Europe et, pour emprunter un chemin plus adéquat, il n’est pas possible de tout lier aux quatre coins de la planète. Autrement dit, ce que le Président américain, sur la base de ses habitudes inchangeables, a accompli en vue de faire peser ses propres difficultés sur d’autres. L’Europe a toujours souhaité représenter une voix différente. Savoir si l’Europe a réussi ou pas, est une autre question. Dans de nombreux secteurs, l’ensemble européen a réussi des acquis extraordinaires aux côtés des défis gigantesques. Depuis le tout début jusqu’à maintenant, pas après pas, des acquis ont été obtenus tels que la concrétisation de l’euro, les accords de Schengen, etc… Or, dans le domaine de la lutte contre les fléaux et contre des ennemis tels que le Coronavirus de manière collective, l’Europe n’a jamais entrepris d’action d’envergure qui soit digne de l’étendue de l’UE et d’ailleurs, l’Europe n’avait pas non plus imaginé que ce type de fléau pourrait apparaître à l’époque moderne. Certainement, la mise en place de réseaux intégrés sur des sujets tels que la sécurité ou la prévention, devrait, parallèlement à la question d’une armée européenne, être évoquée.

 Les USA, après les négations de départ et le refus de prendre au sérieux le danger, occupent aujourd’hui la première place par le nombre de victimes et de malades de Coronavirus et le peuple innocent de ce pays est devenu victime des erreurs du Président Trump. Les USA qui prétendent représenter le pouvoir au niveau international, et assurer la sécurité du monde, se trouvent dans une position extrêmement délicate du point de vue du prestige et du nombre de victimes, alors qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec le plan Marshall, ce pays était devenu le soutien de la plupart des pays européens. 

 Quant à la Chine, cette dernière avait réussi au cours des dernières décennies, avec sagesse et grâce aux structures nouvelles du monde, à la mondialisation et au principe des avantages compétitifs, à provoquer les délocalisations d’une partie importante de la production mondiale vers elle. Après une gestion relative du Covid-19, la Chine, dans le cadre d’une politique définie et spécifique, a réussi à devenir un sauveur sur la scène internationale, à prendre un élan face aux autres pays, et à amener tous les pays à faire la queue pour obtenir des produits devenus rares sur le marché, que ce soit des kits de laboratoire ou des masques de protection. Au cours de cette période, la Chine n’a jamais arrêté ses achats de pétrole et il semble que ce pays procède aux planifications nécessaires en vue d’assurer ses intérêts nationaux et de rehausser le niveau de son économie. Pour cela, elle remet en activité ses usines et lance les allers et venues au niveau de ses villes qui étaient en crise hier, ce qui fait en sorte que le nom de Chine soit toujours en tête de l’actualité. Avec le Coronavirus, la Chine a réussi d’une manière incroyable à arriver au cœur des questions importantes au niveau international, en particulier au niveau des relations économiques, même politiques et au niveau de l’équilibre des forces. Néanmoins la Chine sera soumise à de sérieuses crises économiques car une partie de l’économie de ce pays est liée aux circonstances mondiales, en Europe, aux USA, ainsi que dans les pays du tiers monde. Il semble que dans un futur plus ou moins proche, la compétition ainsi que des tensions sévères feront rage entre la Chine et les USA, et peut-être même dans certaines circonstances entre la Chine et l’Europe, et ceci largement plus que dans le passé.

 Le monde entre dans une période d’instabilité, de stagnation, et de tension. La part de chaque continent et de région sera probablement différente en fonction de ses bénéfices et degré d’imbrication dans l’économie mondiale. Les pays producteurs et exportateurs du pétrole feront face à des déficits budgétaires et la faiblesse chronique de leur économie pour de nombreuses années. Sans aucun doute, si ces économies sont laissées à leur situation, il faudra que ces pays prennent une nouvelle décision stratégique. Quel niveau des ressources de pays tels que l’Arabie Saoudite ou autre, pourra être consacré à des achats d’armes ? Selon les experts, les USA auront besoin de cinq années pour revenir à la situation économique d’avant le Coronavirus. En revanche, un pays tel que l’Iran, qui depuis de nombreuses années est soumis aux pires sanctions des USA et de l’Europe, a été moins impacté par une économie internationale si perturbée et pourra, grâce à une planification et gestion adéquate, transformer en acquis une grande partie de ses potentiels importants. 

  Ainsi que tous l’ont répété, le monde d’aujourd’hui et de demain n’aura rien de commun avec le monde d’hier, et il ne retournera pas aussi facilement à son état d’avant. Le monde empruntera probablement une voie et des étapes différentes. Mais vers où et dans quelle direction ? Le monde a dû apprendre – et le virus de Covid-19 a également dû apporter cet enseignement à toutes les sociétés humaines qui tirent un orgueil de leur avancement technologique – qu’aucun sujet n’est plus important que la paix, la stabilité, le confort et la capacité à assurer la santé du corps et de l’esprit des hommes. Le monde n’est pas celui que l’on dit, et celui que l’on vit au cours des jours heureux. Le monde est rempli de lignes de rupture dangereuses et destructrices.

 Ainsi que précisé dans les autres parties, en dépit de toutes les analyses optimistes ou pessimistes qui existent concernant la gestion mondiale et l’avenir des évolutions internationales, jusqu’à cet instant et peut être jusqu’à un avenir indéterminé, nous ne sommes toujours pas à même de proposer une analyse précise concernant un élément déterminant et imprévu tel que le Covid-19.

 Toutes les statistiques économiques proposés par le gouvernement jusqu’à maintenant, ainsi que les prévisions présentées par les directeurs des entreprises importantes et les PMI-PME demeurent invérifiables et ne peuvent être correctement analysées. Car elles ne sont pas fondées sur la réalité. Le principe de perte d’exploitation et de stagnation économiques et de l’arrêt des cycles de production et du commerce est certain. Or, il semble qu’en vue de recevoir des aides et d’autres avantages des Etats, ou des unions professionnelles, ou des banques ou caisses financières internationales, certains n’ont pas été en mesure, ou n’ont pas souhaité présenter une évaluation précise de leurs pertes financières. Sans aucun doute, les gouvernements dans certains pays ne seront pas en mesure de remplir les vides laissés par les pertes, ni en mesure de compenser les cassures sociales ainsi provoquées. Aussi, la crise économique existera, quelle que soit sa force. Et, à la suite de cela, certainement les mêmes effets secondaires de toutes les crises économiques qui se sont produites au cours des cent dernières années à travers le monde vont resurgir avec un format largement plus catastrophique :

 

 

  • Absence de confiance envers la capacité des gouvernements dans la gestion de la crise ;
  • Apparition d’insuffisances et d’incapacité du système gérant l’économie et la politique internationale, dans une situation non conventionnelle et imprévue ;
  • Protestations sociales et politiques provoquées par le mécontentement par rapport aux insuffisances des hommes politiques et l’absence de confiance envers leurs paroles et promesses ;
  • Mouvements de contestations et le sentiment de blessure ressenti par les couches fragiles ;
  • Besoin de créer des changements et modifications dans les processus et directions qui ont été choisies dans le cadre des aléas d’un monde qui se voulait totalement mondialisé : ce phénomène voit le jour de différentes manières et apparaîtra avec puissance.

 Dès lors, la situation calme et provisoire actuelle, quatre mois après l’apparition de la tragédie du Covid ne doit pas pousser les politiciens et les économistes ou les sociologues vers une direction irréaliste, et les éloigner de ce qui pourrait recommencer à nouveau après la tragédie.  

 Les différentes sociétés humaines sont encore effrayées d’avoir été témoins de la mort des milliers de personnes en dépit de leurs visions et croyances préalables, et aujourd’hui elles bénéficient des injections financières et des réserves des Etats et des entreprises. Elles sont toujours dans la crainte de la mort et d’un retour encore plus fulgurant du Covid-19. Au sein de la société, les hommes et les femmes goûtent à nouveau à une partie de cette vie dont ils avaient l’habitude avant la pandémie de Coronavirus et sont enchantés de pouvoir revenir se balader dans les rues et profiter du soleil estival dans les cafés et restaurants ou sur une partie des plages. Or, tôt ou tard, ce sommeil s’achèvera et la société devra faire face aux réalités pratiques : de ce que les gens n’avaient pas hier, ou les manques ressentis d’aujourd’hui avec une profonde crainte, ainsi que toutes les demandes et envies qui ont été insatisfaites.

 Le seul espoir des hommes et des femmes au sein de nos sociétés, est qu’à la 90ème minute de ce match, la fin du jeu sifflé par des instances telles que l’Organisation mondiale de la santé, même si un tel évènement serait très heureux. Néanmoins, il représentera le début de toute une série d’événements auxquels l’homme post-moderne doit s’adapter, en dépit des dégâts subis, de ses craintes et de son incrédulité.  Et si ce cycle et ce jeu continuent, en ce moment, leurs effets néfastes et destructeurs s’accroîtront de manière exponentielle et devant les yeux impuissants des habitants de notre planète, la mort débutera sa danse macabre. De plus, sous l’effet de la mondialisation et de l’interaction, ni personne ni aucun endroit sur terre ne pourra échapper aux effets de ce phénomène.

 D’autres caractéristiques de ce monde seront :

  

  • L’apparition d’une Chine puissante qui attire toutes les méfiances ; 
  • La Russie qui a traversé sa phase de transition après l’effondrement de l’Union soviétique apparaît comme une puissance efficace et régionale ; 
  • La Turquie qui, pour jouer un rôle régional plus marqué, se montre énergique ; 
  • L’Iran qui fait l’expérience des mesures de sanctions les plus dures connues par un pays au cours de l’Histoire et qui, en dépit de ces sanctions inédites, réussit à faire face en faisant preuve de résilience et se renforce ;
  • La situation en Syrie mais aussi en Libye et au niveau de la Cisjordanie ainsi que la question palestinienne et en parallèle l’existence de pays arabes qui n’ont pas été en mesure de prendre le train des évolutions sociales et civiles et démocratiques, qui dépendent entièrement des pétrodollars et de leurs achats d’armes. Ces derniers s’avèrent incapables d’acheter la démocratie et la modernité ;
  • Le rôle inédit de l’Inde et du Brésil ainsi que le rôle de nombreux pays asiatiques qui jusqu’à maintenant avaient réussi à sauver leur tête des éclats des balles tirées par différents camps ; 
  • L’Europe est déchirée entre différentes parties dont une partie regarde avec affection vers les USA et qui dans le cadre des décisions de l’Union européenne, dispose d’un droit de vote, aussi grand que les pays fondateurs de l’Union européenne à l’instar de la France et de l’Allemagne dans les décisions de l’Union européenne ;
  • Et enfin les USA qui font face à un phénomène inédit dans leur histoire, qui a des effets très destructeurs, et qui ainsi, dans un monde où les opinions publiques sont reliées et grâce aux communications et leur vitesse sans précédents, ont bradé à bas prix leurs avoirs et acquis dans les enchères du jugement des opinions publiques. Et l’Europe, en dépit de ces évolutions et événements, et en dépit de sa monnaie unique et du miracle accompli dans la mise en œuvre d’une convergence européenne, demeure prisonnière du dollar et des investissements américains et ne peut avoir aucune action économique indépendante à l’encontre des objectifs et volontés américaines. 

 

 Par ailleurs, le monde actuel agité est en transition. Il fait face à des conditions nouvelles qui pourraient, en cas d’une simple erreur de calcul pour obtenir un profit rapide, ou d’une mauvaise interprétation qui changent les équilibres, provoquer une confrontation et un conflit généralisé. Au cours des dernières années et après la période de la Seconde Guerre mondiale, à aucun moment il n’y a eu autant de causes possibles à travers le monde pour provoquer des tensions et allumer les flammes de la confrontation.

 Les USA ressentent la honte et l’humiliation sur de nombreux dossiers et événements internationaux, que ce soit l’affaire Georges Floyd ou les incidents dans le Golfe persique, ou les évolutions en Syrie et en Palestine, ou la situation économique actuelle, ou tout ce qui au nom de « Covid » a offert au monde l’image d’une Amérique inefficace. Sans aucun doute, à travers l’histoire, jamais l’humiliation des peuples et des pays n’a été remédiée rapidement ou sans coût.

 Une grande partie de la planète a eu l’opportunité de profiter de ces défis pour montrer l’image réelle de ce qui doit être, alors que dans les circonstances actuelles, il n’y a plus de gestionnaire efficace et de bonne renommée.

 Geopragma : Peut-on encore parler de « choc des civilisations » ou la mondialisation a-t-elle rendu ce concept obsolète ?

 Ambassade de la République islamique d’Iran : La mondialisation a bénéficié d’un démarrage positif, offrant une image agréable et séduisante. Nombreux ont été ceux qui se sont laissé séduire par cette mondialisation et le monde post-mondialisation. Or apparemment ce premier amour n’était pas facilement accessible, et ne le sera pas. Les évolutions des dernières années, l’absence de fondements de base dans tous les pays et régions du monde, l’existence d’inégalités industrielles, bancaires et commerciales, etc. rendent la vie avec cette belle mariée très difficile.

 Des pays tels que la Chine, en comprenant la situation et en tirant profit de leurs infrastructures et puissances, et avec la planification et une vision prospective adéquates, ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Or, les évolutions récentes et l’apparition du Président Trump et le slogan « Amérique d’abord », le retrait des USA de toutes les conventions collectives internationales, où le mouvement des USA dans cette direction, le regard tourné vers l’intérieur des USA, et en même temps le rêve d’une domination mondiale, dans un monde totalement perturbé et explosé, ainsi que l’apparition de phénomènes inédits, tels que la pandémie de coronavirus et ses effets profonds sur les structures de tous les pays, allant de la Chine à la Vieille Europe, en passant par l’Amérique du Nord et les autres pays, ont des effets psychologiques, politiques et économiques cruciaux à travers le monde. Tout ça sans oublier ni l’absence des besoins primaires des sociétés et le monopole qu’un certain nombre de pays spécifiques exercent à l’égard de ces besoins, ni les insuffisances et les négligences qui ont provoqué de désagréables surprises. Tous ces éléments amènent le monde à se poser des questions essentielles auxquelles il n’y a aucune réponse, ou du moins pas de réponses définitives.   

 Sans aucun doute, la mondialisation, avec la définition que l’on en connaît, n’existera plus, en tout cas pas dans ses dimensions précédentes. Et l’on fera face à un nouveau monde dont la nature dépendra de quand et comment cette pandémie s’achèvera, si une telle fin sera réelle et durable ou si un autre virus avec des dimensions et étendues semblables, parcourra les pays. 

 Les cultures, à condition qu’elles soient de véritables cultures authentiques et qu’elles aient leurs racines dans les profondeurs de la terre et de l’histoire des nations, seront sans aucun doute les points de connexion, d’empathie et d’accompagnement. Ce qui provoque la confrontation, et entraîne la guerre, la violence et l’intolérance, n’est pas la « culture » ou la « civilisation », mais la version que les grandes puissances en ont donné pour dominer et contrôler autrui, par le biais des théoriciens instrumentalisés. De même que les religions abrahamiques ont toutes cherché, en cascade, à œuvrer pour le respect mutuel et l’unité dans la concorde. La guerre des religions n’a pas d’existence réelle et ce qui, au cours de l’histoire, a mis les religions et les croyants les uns face aux autres, ce sont des prétextes mensongers avec des objectifs de monopole pour exploiter le nom “sacré” des religions. Il en va de même pour les cultures et les civilisations.  

 En Iran, nous pensons qu’avec la pandémie de coronavirus, en dépit des sanctions américaines et du non-accès aux médicaments nécessaires et au matériel médical, grâce à la volonté et au désir du peuple iranien, nous avons été en mesure de produire et même d’exporter un certain nombre de produits. Mises à part les premières semaines où nous avons dû faire face à un manque de masques, nous avons réussi par la suite à devenir producteurs de tous les articles et en particulier des articles hospitaliers et des ventilateurs. Nous avons appris à gérer les situations difficiles. Nous espérons que la justice régnera dans le monde et que les compétitions, les sanctions et les confrontations se transformeront en coopération et en échange. Nous espérons aussi que le monde sera plus beau pour chacun de nous.

 Geopragma : Quel(s) rôle(s) souhaitez-vous que la France joue au niveau mondial et estimez-vous qu’elle joue ce rôle actuellement ? Sinon à quelles conditions ?

 Ambassade de la République islamique d’Iran : La France pourra en tant que membre du Conseil de Sécurité, puissance nucléaire, économique de premier plan en comparaison avec les autres pays européens membres du G7, pays ayant joué un rôle déterminant dans de nombreuses parties de la planète dont l’Afrique du Nord, l’Afrique sub-saharienne, le Moyen Orient, et des pays tels que la Syrie, l’Irak ou le Liban, est un pays qui a des relations culturelles et historiques avec l’Iran. De plus les peuples iraniens et français sont connus pour être des peuples intellectuels et indépendantistes, et les deux pays peuvent coopérer et œuvrer ensemble pour la paix, la stabilité et la sécurité internationale. Il est important que les pays déterminent leur place dans le monde. Pour nous, il est très déplaisant que les USA sanctionnent le peuple iranien et que certains grands pays européens, en dépit de leur désir et volonté, soient contraints de sanctionner l’Iran et de se priver des bénéfices importants qu’une coopération économique équitable et réciproque pourrait apporter.

 La France a été l’un des partenaires importants de l’Iran dans le cadre des négociations nucléaires, or avec la remise en place des sanctions par Mr Trump et le retrait illégal des USA de l’accord nucléaire (JCPOA), la France a été contrainte d‘interrompre sa coopération économique avec l’Iran en raison des pressions de Trump et du gouvernement américain. Malheureusement, maintenant, les sanctions américaines englobent également les produits alimentaires et les médicaments, même si les USA, eux-mêmes, ne considèrent pas ces articles comme faisant partie des sanctions et tentent via le canal financier créé par la Suisse de procéder à une forme de coopération réglementée par le biais de ce pays. 

 Nous accordons un immense respect envers le gouvernement et le peuple français en tant que peuple et pays historique, indépendant et ayant toujours recherché l’indépendance et ayant accepté de payer le prix fort pour conserver cette indépendance. Or, les relations doivent être sur la base du respect mutuel et sur un chemin à double sens, conformément à la volonté des deux parties.

 La France et les autres grands pays européens peuvent, sur le chemin de la convergence et d’une Europe unie, porter clairement leur voix sur la scène internationale et œuvrer pour que notre monde si perturbé ne se dirige pas vers l’unilatéralisme et la domination totale d’une seule puissance. L’Europe a toujours eu cette capacité intrinsèque, et aujourd’hui elle a encore cette capacité. Au cours des dernières décennies, l’Europe s’est illustrée par des acquis multiples, tels que la création de la monnaie unique, les accords Schengen, etc. Certes, nombreux sont ceux qui ne souhaitent pas voir cette unité, convergence et puissance européenne. Or, l’intérêt du monde et de la paix mondiale impose l’existence de voix multiples et la France peut jouer le rôle du moteur de cette capacité dans le cadre de l’unité, tout en préservant son indépendance et tout en protégeant sa culture nationale.  

 Geopragma : Verriez-vous votre pays s’associer à la France sur une initiative ou un dossier international d’envergure ? Lequel ? Quel rôle jouerait la France aux côtés de votre pays pour régler ce dossier ou mettre en œuvre cette initiative ?

 Ambassade de la République islamique d’Iran : Malheureusement à cause de beaucoup de négligence, jusqu’à maintenant Monsieur Trump a réussi dans une large mesure à agir contrairement aux règles et principes internationaux, en vue de provoquer l’effondrement des conditions mondiales. Savoir ce qui se passera lors des prochaines élections présidentielles américaines, en particulier à la suite des conséquences de la pandémie de coronavirus et de l’affaire Georges Floyd, je l’ignore et j’estime qu’il n’est pas logique de vouloir prévoir ce qui se passe dans le domaine politique. Tout ce qui se passera est l’affaire du peuple américain et il est de leur droit de choisir ce qu’il souhaite et lui plaît. Néanmoins, l’Iran ne s’attendait à aucun moment à ce que, suite au retrait des USA de l’accord nucléaire, et ceci contrairement à tous les principes du droit international puisqu’il s’agit d’une violation de la résolution 2231 du Conseil de Sécurité de l’ONU et contrairement à la décision des autres partenaires de l’accord (la France, l’Allemagne, la Grande Bretagne, la Russie et la Chine) qu’en plus de  la remise en place des sanctions unilatérales américaines, le Trésor américain aille jusqu’à sanctionner les entreprises allemandes ou françaises, y compris les PMI-PME, en cas de la moindre infraction par rapport aux lois extraterritoriales américaines et que les pays signataires de l’accord nucléaire (JCPOA), à l’exception de la Russie et de la Chine, refusent de continuer à coopérer avec l’Iran.

 Jamais l’Iran ne s’attendait à ce que les trois pays européens, partenaires de confiance de l’Iran, lors d’un petit différend entre l’Iran et l’AIEA qui pouvait être résolu, aillent dans le sens d’une voie inexistante et d’un labyrinthe sans fin, via une résolution contre l’Iran plutôt que d’opter pour une solution intermédiaire et tenter de résoudre le problème ou le malentendu, à la suite de la présentation de documents mensongers et sans fondement par les services d’espionnage. Il est vrai que les Iraniens sentent que l’accord nucléaire (JCPOA) ne leur a rien apporté et que leur vie est devenue largement plus difficile que par le passé. On attend de l’Europe signataire de l’accord nucléaire qu’elle remplisse le rôle d’intermédiaire et qu’elle aide à la mise en place de procédures de négociations pour résoudre les ambiguïtés, et non qu’elle recoure à des résolutions et à des procédures que les USA vont finalement instrumentaliser contre l’Iran, dans le sens de leur désir de domination planétaire.

 L’Iran ne souhaite jamais des confrontations et désaccords entre l’Europe et les USA, et par principe les politiques européennes doivent être décidées par les Européens eux-mêmes. Mais il faut se rappeler le passé et le considérer comme une lumière qui éclaire le chemin de l’avenir. Il ne faut pas expérimenter à nouveau les erreurs du passé qui représentent des expériences amères, sans résultats et contraires à la paix, à la sécurité et au développement économique.

 Geopragma : Quel(s) rôle(s) souhaitez-vous que l’Union européenne joue au niveau mondial et estimez-vous qu’elle joue ce rôle actuellement ?

 Ambassade de la République islamique d’Iran :(Réponses apportées dans le cadre des questions précédentes)

 

Geopragma : Pensez-vous que la souveraineté soit une notion dépassée ou moderne ? Et celle de peuple ? Quels sont pour vous les conditions de la cohésion nationale et ses facteurs de dilution ?

 Ambassade de la République islamique d’Iran : Avant la période de Covid-19 ou du moins jusqu’à mi-chemin, les efforts des pays de l’OPEP et de l’OPEP+, ainsi que d’autres pays pour gérer le marché de l’énergie ont apporté des opportunités relatives et minimales à l’économie mondiale. Or dans un avenir pas si lointain, considérant la situation de crise du monde économique et l’explosion du chômage et de l’inflation, l’équilibre précédent du marché de l’énergie et les voies de transport de l’énergie, ainsi que la sécurité de l’approvisionnement énergétique pourraient être soumis à des événements nouveaux et subir des fluctuations diverses et variées. Et en fonction des paramètres agissant sur le marché de l’énergie dans les domaines politique, économique, militaire et sécuritaire, chaque réaction pourrait être déterminée en fonction de chaque action. Or en tout état de cause, le retour vers une discipline relative telle que dans le passé ne sera pas facile.

 Une concurrence acharnée et des politiques égoïstes et monopolistiques aggravent la crise de l’énergie et peuvent avoir de nouveaux effets néfastes sur le plan sécuritaire, militaire et économique. Dans la situation délicate post-crise, considérant le rôle et l’importance de l’énergie dans la vie de la communauté mondiale, ce n’est que grâce à une coopération et à une action commune entre tous les producteurs que l’on pourrait peut-être éviter l’accroissement des tensions et des défis importants et probables. L’Iran en raison des sanctions unilatérales et contraires aux règles internationales, mises en place par la seule volonté du Président Trump, et en opposition avec la résolution 2231 du Conseil de Sécurité et le souhait des partenaires de l’Iran dans le cadre de l’accord nucléaire de 2015, a été grandement privé de ses capacités d’exportation de pétrole vers les marchés officiels. Soumis à ces pressions et vue la dépendance passée de son économie envers l’économie des hydrocarbures, et compte tenu du refus de tous les pays européens d’acheter du pétrole iranien en suivant la politique américaine, l’Iran a dirigé son économie vers une économie non pétrolière, ce qui, à court terme a créé de nombreuses difficultés pour l’économie et la vie quotidienne des Iraniens. Le gouvernement iranien doit utiliser cette période et cette opportunité pour procéder à une planification centralisée, intelligente, logique et non émotive pour réduire la dépendance iranienne envers les hydrocarbures, et créer les fondements nécessaires dans le domaine de la loi, de la sécurité des investissements et de l’utilisation des potentiels nationaux, développer une économie productrice et traverser avec succès la crise actuelle.

 Après les sanctions et une fois la période actuelle passée, l’Iran doit sans aucun doute œuvrer pour investir massivement dans le domaine de la production et de l’exportation et doit tenter de reconquérir les marchés perdus lors de la période des sanctions. Dans le domaine de la pétrochimie et des produits parapétroliers, l’Iran a eu des réussites spectaculaires qui sont devenues aujourd’hui les cibles d’attaques américaines. Mais l’Iran a appris qu’il fallait éviter de vendre des produits bruts et œuvrer activement dans le sens de la création de la valeur ajoutée à partir de l’exploitation et de la production du pétrole brut. Après la fin des sanctions et le retour à une situation normale, vendre des produits bruts et dépendre des revenus pétroliers serait certainement une erreur irréparable pour l’économie iranienne. L’Iran doit pouvoir éliminer les revenus pétroliers dans le budget courant du pays afin de les consacrer uniquement aux investissements et aux secteurs énergétiques ainsi qu’aux infrastructures essentielles de l’économie du pays, concrétisant ainsi un rêve ancien de tous les Iraniens. 

 L’Iran en tant que réalité concrète, issue d’une civilisation ancrée dans l’histoire, avec une culture ancienne et riche de ressources naturelles, avec une population en adéquation avec son territoire, avec une jeune génération hautement éduquée, a fait face à toutes les pressions étrangères, que ce soit les huit années de guerre imposées par Saddam Hussein avec le soutien de l’Ouest et de l’Est, ou les sanctions économiques. Il s’agit d’œuvrer pour la paix, la stabilité et la sécurité en vue d’atteindre son développement et de rehausser son niveau. De plus, l’Iran se veut être aujourd’hui une puissance d’équilibre et une ancre de stabilité et de sécurité dans une région sensible de la planète.  

 Geopragma : Selon vous, quels sont les fondements de l’influence internationale de demain ?

 Ambassade de la République islamique d’Iran : Sur le court terme, la solidarité et la coopération peuvent être, non pas des titres et des mots de belle apparence, mais des principes et nécessités pour le lendemain du coronavirus. Beaucoup ont rappelé à juste titre les points négatifs du coronavirus, mais en même temps ce virus renfermait pour nous et pour les générations futures des enseignements multiples : le confinement des membres de la famille qui a amené les enfants, le mari et la femme à rester à la maison et être contraints de « se reparler ». La génération précédente et la génération actuelle, autrement dit les parents et les enfants, qui se sont retrouvés, apprendre à abandonner les mauvaises habitudes, voire mêmes les bonnes habitudes, apprendre à acheter moins ou acheter moins par rapport aux besoins fondamentaux, l’absence d’école et le rôle des parents dans l’enseignement aux enfants, s’adonner à des activités profitables (ou pas), renforcer sa créativité, supporter le temps qui passe et accepter de se retrouver « en prison pour quelques mois », ressentir la peur de la mort, se préoccuper de sa propre santé et surtout de celle de ses proches, admettre que sa propre santé est celle des autres et vice versa, faire face à l’absence des moyens vitaux tels que les masques de protection ou les produits désinfectants, reconnaître la valeur des cadres de santé, accepter l’impossibilité de voyager et de se déplacer et même de revoir ses amis et de se réunir avec eux, vivre sans les cinémas, les parcs et les musées et en un mot, vivre sans les moyens de distraction, ne plus pouvoir se rendre dans des clubs sportifs, et finalement supporter d’être privé de tout ce qu’on aimait et auxquels on était attachés. Sans aucun doute, après avoir vécu une telle période, l’être humain est amené à mieux apprécier la valeur de la santé, de la tranquillité, de l’empathie, de la solidarité et de l’échange avec la famille.

 Certes, les difficultés économiques, le chômage, le stress, la dépression, les conflits familiaux, les violences familiales, etc. font partie des dizaines d’autres méfaits dans le domaine de l’économie globale ainsi qu’au niveau national. Finalement, les Etats développés et leurs peuples, ont pris conscience que ce qu’ils voyaient et entendaient, pourrait facilement cesser d’exister.

 L’impossibilité de trouver un masque de protection ou un petit flacon de gel hydro-alcoolique dans un monde industrialisé, a d’abord fait effondrer la confiance des peuples. Cette question essentielle, représentait aux yeux des peuples et des Etats, un chemin qu’il fallait parcourir. Procéder à une véritable introspection dans différents domaines, et ne plus tout confier aux autres pays dans le cadre d’un processus de mondialisation pour faire des économies d’argent, voilà des défis importants et le point tournant dans la détermination du chemin futur des peuples et des gouvernements.

 Quand une pénurie des masques de protection menaçait de nombreux pays, certains spécialistes ont déclaré qu’il ne servait à rien de porter un masque. Or, plus tard l’on apprend que le masque demeure l’élément de protection le plus important. De même, concernant le type de médicaments à utiliser, et la communication des entreprises pharmaceutiques, les citoyens du monde se demanderont comment reconstituer la confiance perdue. Je n’accuse aucun gouvernement, et ne considère aucun gouvernement comme coupable ; tout demeure le résultat des évolutions des dernières décennies et de l’interprétation des citoyens du monde d’une vie meilleure avec plus de confort tout en rendant les produits plus économiques et faire des économies financières. La mission du coronavirus était de nous rappeler, à nous et à tous ceux de notre génération, l’existence des impasses historiques afin que nous soyons amenés à réfléchir vers quoi nous nous dirigeons et comment.

 À la lumière de la mondialisation, de la division internationale du travail et de la recherche du profit, de nombreux pays et entreprises sur la scène mondiale, vu le degré de confiance erroné qu’ils pensaient avoir atteint, avaient délocalisé de nombreux produits stratégiques dans de multiples secteurs, y compris des produits médicaux, vers de nouveaux marchés et vers d’autres pays. Avec cette crise sanitaire, les pays ont ressenti durement cette solitude et cette absence de moyens et l’ont également payé très cher.

 En Europe, depuis la mise en œuvre des accords de Schengen, jamais les frontières n’étaient restées aussi longtemps fermées de manière aussi sérieuse, la séparation entre les pays et la remise en place des postes de contrôle frontaliers a été expérimentée à nouveau.  

 Peut-être le regard ou la vision des partis politiques intermédiaires en Europe convergent vers des positions communes sur un certain nombre de questions et de prises de position brûlantes et sensibles. Ceux qui avec le processus de la mondialisation se rendent compte de ce qui se passe aujourd’hui, observent que des politiciens, ne partageant pas leurs points de vue, parlent également désormais de l’indépendance de production nationale et de la nécessité de relocaliser, du moins en ce qui concerne un certain nombre de produits spécifiques et stratégiques. 

 Geopragma : Que pensez-vous de l’invocation de valeurs et de principes moraux en matière internationale ?

 Ambassade de la République islamique d’Iran : Le monde d’aujourd’hui ressemble moins au monde d’hier, et à la suite de toutes ces évolutions spectaculaires, le monde de demain sera certainement bien différent. De même, l’homme de demain ne ressemblera pas à l’homme d’hier avec tous ses sentiments et toutes ses anciennes émotions. Les évolutions, la technologie, les maux, les crises, les guerres et les injustices dans un monde bruyant qui se caractérise par la vitesse des évolutions modifient lourdement nos émotions et tendances intérieures ainsi que notre humanité. Les dirigeants du monde, à l’instar de tous les hommes, voient leurs regards et idéaux changer d’autant plus. Dans un passé pas si lointain, un roi ou un Premier Ministre qui partaient à la chasse ou en promenade aux environs de sa ville ou dans une région de son pays, était rarement au courant de ce qui se passait dans la capitale de manière immédiate et il se pouvait qu’à son retour à la tombée de la nuit, il ait perdu sa couronne et son pouvoir ou que des nouvelles bonnes ou mauvaises l’attendent. Tout dépendait de son destin et de sa chance.

 Aujourd’hui avant même qu’une assistante ou un directeur du cabinet transmette une information sensible, un dirigeant animé par la curiosité, aurait déjà reçu l’information par d’autres biais. Il n’y a plus rien à cacher et si les actions adéquates ne sont pas menées en fonction des événements, cela dépend des scénarios et des visions du dirigeant en question.  

 Dès lors, pas seulement pour cette raison mais pour des dizaines de raisons, les dirigeants dans le monde actuel sont bien différents de leurs prédécesseurs, que ce soit par leur expérience, par leur action ou par la vitesse de leur prise de décision et action. 

 Nos prédécesseurs devaient rechercher l’information parmi un ensemble limité et devaient arriver à une décision à force d’analyse et d’interprétation, et devaient de même accepter la responsabilité des conséquences de leurs décisions. Or, il semble que le monde perturbé et rapide d’aujourd’hui n’admette plus ce type de dirigeants, et la multiplication des domaines de compétences et la spécialisation qui y est liée, distinguent notre époque et nous distinguent. Le rôle de la diplomatie et des médias etc. ne ressemble plus à leur rôle d’hier et le monde va dans le sens de faire l’apprentissage d’un nouveau regard et d’une nouvelle vision. Probablement dans notre monde social et civil, la pandémie de coronavirus fut la blessure grave qui modifiera profondément les structures du monde telles qu’elles existaient. 

 Geopragma : Vous pouvez désormais aborder un sujet libre.

 Ambassade de la République islamique d’Iran : Nombreux sont les habitants de notre planète qui, quelles que soient leurs couches sociales, qu’ils soient issus des couches populaires ou de l’élite, compte tenu de leur connaissance de l’histoire du monde, n’ont jamais eu de visions positives à l’égard de la politique et des politiciens. Que cette interprétation et vision soient ou pas en correspondance avec les vérités et les événements inscrits avant d’avoir été transmis à la nouvelle génération, cela n’a que peu d’importance sur les conclusions. L’histoire demeure l’évocation des injustices, des oppressions, des doubles standards, des guerres et des massacres sans raison. Et elle est longue sur la base des décisions erronées, des désirs et des envies de certains dirigeants, qui ont privé les hommes de la liberté, du confort, de la paix et de la sécurité. Une telle interprétation n’est nullement sans fondement ou imaginaire. À travers les écrits des historiens, on observe la répétition du passé. L’histoire est remplie de tragédies horribles dont les fondements sont l’absence d’éthique, l’absence de justice, l’absence d’humanité et l’absence de pensée. En dépit de toutes les évolutions fondamentales dans le domaine des sciences, des technologies et des communications et l’apparition de toutes les formes d’écoles de pensée philosophique, éthique, et la présentation de beaux idéaux et visions humaines, au nom de ces mêmes écoles de pensée et de penseurs et philosophes, des rivières de sang ont été versées à travers le monde. La politique n’est toujours pas en correspondance avec l’éthique. Certes la démocratie, la transparence, la présence renforcée des médias et des moyens de communication dans l’époque actuelle pourraient représenter un instrument de contrôle face aux contrastes politiques et éthiques, en vue de contrôler les politiques. Néanmoins de manière intrinsèque, la politique dans son sens commun sera en opposition avec l’éthique, dans son sens ultime. Dès lors, la démocratie, et le contrôle puissant des médias et surtout le regard des sociétés et de l’opinion publique pourraient peut-être dans la limite du possible rendre la « politique » plus « humaine ».

 

Source : Geopragma

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