La guerre exige un effort budgétaire pour la Défense

Par Michel Cabirol - le 06/04/2016.


Michel Cabirol

 

Rédacteur en chef Industrie et Services

Observateur attentif depuis quinze ans à La Tribune du monde de la défense, du spatial et de l’aéronautique, Michel scrute, analyse, commente et décrypte l’actualité dans ces trois secteurs de souveraineté nationale. Des secteurs au cœur de la stratégie des Etats. Rédacteur en chef de la rubrique Industrie & Services, il se passionne aussi pour la stratégie des entreprises et les ruptures du monde industriel.


Terrorisme : la guerre menée par la France
exige un effort budgétaire supplémentaire

 

 

 

Dépense de défense : la France va-t-elle décrocher par rapport à la Grande-Bretagne et à l'Allemagne ?
Au moment où la Grande-Bretagne et l'Allemagne se réarment très fortement, la France va décider des prochains budgets de 2017, 2018 et 2019. Les armées demandent un effort supplémentaire, compris entre 3 et 4,5 milliards d'euros sur la période 2017-2019.

 

 

Le gouvernement est à l'orée des premiers arbitrages sur le réajustement du budget du ministère de la Défense pour les années 2017, 2018 et 2019. Un réajustement que l'armée veut évidemment à la hausse au regard des nouveaux engagements opérationnels définis par le chef de l'État, François Hollande, au Congrès le 16 novembre, trois jours seulement après les attaques terroristes du funeste 13 novembre 2015.

Lancés en janvier, les travaux menés par l'Hôtel de Brienne ont déjà fait l'objet de plusieurs réunions interministérielles. Les premiers arbitrages pourraient intervenir lors d'un conseil de Défense prévu ce mercredi 6 avril, selon des sources concordantes. Pour l'heure, les armées ont fait leur calcul. Elles demandent une rallonge budgétaire de 3 à 4,5 milliards au total sur la période 2017-2019. Soit entre 1 et 1,5 milliard de plus par an par rapport à l'actuelle loi de programmation militaire réactualisée au printemps 2015. Ce qui apparaît très raisonnable au regard des nouveaux enjeux opérationnels. Mais cette demande fait bien sûr grincer les dents de Bercy.

Interrogé sur ces montants, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, - qui ne les a pas confirmés -, a expliqué qu'il était le seul à savoir ce que son ministère demandait. Au moment où la France est en guerre contre Daech et le terrorisme international, une chose est sûre il lui faut absolument les moyens de la faire.

 

 

De l'intensification des frappes à l'arrêt des suppressions de postes

 

 

Le 16 novembre, François Hollande avait annoncé "qu'il n'y aurait plus aucune diminution d'effectifs dans la défense jusqu'en 2019". Soit 10.317 postes sauvegardés pour la défense. Un chiffre contesté par Bercy, qui estime que la création des 1.090 postes au bénéfice de la cybersécurité et du renseignement doit être déduite des 10.317 revendiqués par la défense. En tout état de cause, l'arrêt des suppressions de postes a un coût (soldes, hébergement, équipement) que les armées estiment entre 2 et 3 milliards d'euros. Ce montant inclut également des mesures de revalorisation de la condition militaire, notamment pour compenser la suractivité des soldats en opération extérieure (OPEX) et pour augmenter les très bas salaires. Certains soldats ne toucheraient même pas le SMIC. Les familles doivent être aidées lorsque les militaires sont déployés en OPEX. Environ 100 000 militaires ont passé en 2015 plus de 200 jours en OPEX ou en OPINT (opération intérieure). En outre, les militaires seront alignés sur les rémunérations et les carrières des fonctionnaires civils dans les mêmes termes et les mêmes échéances. Un réajustement des soldes est donc attendu par les militaires. François Hollande a demandé à Saint-Cyr Coëtquidan lors des vœux aux armées à Jean-Yves Le Drian "d'étudier les compensations à apporter pour mieux reconnaître les fortes obligations" qui pèsent sur les militaires. "Je veillerai personnellement à ce que la condition militaire soit améliorée car elle est un élément fondamental de l'efficacité opérationnelle", a-t-il ajouté. 

 

Besoin de crédits pour l'entretien, l'équipement, le renseignement...

Enfin, la lutte contre Daech a mobilisé beaucoup plus les équipements de l'armée tricolore, notamment les avions de combat Mirage 2000, qui volent cinq fois plus que prévu, et Rafale dans le cadre de l'intensification des frappes exigées par François Hollande. "Il faut plus de frappes", avait-il annoncé en novembre 2015. Ce qui implique aujourd'hui une reconstitution des stocks de munitions ainsi que des crédits supplémentaires pour assurer le maintien en condition opérationnelle des appareils.

Par ailleurs, l'armée ne désespère pas de "mieux équiper" les forces engagées dans l'opération Sentinelle. Notamment, de rouler en véhicule militaire et non plus en Kangoo, qui ne sont pas adaptées aux militaires...

Enfin, les armées doivent poursuivre leur montée en puissance dans le domaine de la cybersécurité et du renseignement. Cet effort (Sentinelle, intensification des frappes et cybersécurité-renseignement) est estimé à un montant "supérieur à 1 milliard d'euros" sur la période 2017-2019. Entre 1 et 1,5 milliard d'euros. 

 

Réarmement massif de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne

 

 

"Si on obtient cette rallonge, on stabilise l'effort de défense à 1,80% du PIB, explique-t-on à La Tribune. Sinon, il déclinera à hauteur de 1,70% en 2019". Loin, encore très loin des 2% du PIB demandés par l'OTAN aux pays membres de l'organisation. D'ailleurs, selon les dernières statistiques publiées par l'OTAN fin janvier, seuls trois pays consacrent à leur effort de défense plus de 2% de leur PIB : les États-Unis bien sûr, mais aussi la Grande-Bretagne et la Pologne. Pour être vertueux selon le référentiel de l'OTAN, ces trois pays dépensent également au moins 20% de leur dépense de défense à l'achat de nouveaux matériels.

 

Ces discussions sur des rallonges budgétaires interviennent en France au moment où deux grands pays européens sont en train de faire un important effort de défense. C'est le cas de l'Allemagne, où la chancelière Angela Merkel a décidé d'augmenter le budget de la défense sur la période 2017-2020 de 10 milliards d'euros pour faire face aux nouvelles missions de la Bundeswehr et la rééquiper. Pour autant, Berlin restera bien en dessous de la barre des 2% du PIB souhaitée par l'OTAN. En 2016, le ministère de la Défense allemand avait été déjà choyé, son budget passant de 32 milliards à 40 milliards d'euros.
Non seulement la Bundeswehr intervient beaucoup moins que l'armée française en OPEX, mais elle n'a pas non plus à entretenir une force de dissuasion nucléaire. Au contraire de la France qui y a consacré 3,2 milliards d'euros en 2013.

 

L'autre grand pays européen engagé dans un important effort de défense, c'est la Grande-Bretagne. Le gouvernement britannique s'est engagé l'été dernier à augmenter le budget du ministère de la Défense (MoD) de 0,5% au-dessus de l'inflation chaque année jusqu'en 2021. Ce qui permettra à Londres de continuer à atteindre l'objectif de l'OTAN de consacrer 2% du PIB à sa défense. Le 1er avril a marqué la première année de cet engagement avec un budget, qui a augmenté de 800 millions de livres (1 milliard d'euros) passant de 34,3 milliards de livres (43,06 milliards d'euros) à 35,1 milliards de livres (44,1 milliards d'euros). En outre, le MoD recevra 2,1 milliards de livres du Fonds commun de sécurité à la fin de la présente législature. Au total, le budget de la Défense augmentera de près de 5 milliards de livres à 39,7 milliards de livres en 2020/2021 (soit 49,8 milliards d'euros). Si l'Allemagne et la Grande-Bretagne l'ont fait, pourquoi pas la France?

 

 

Michel CABIROL

 

 

 

Source : http://www.asafrance.fr/item/la-guerre-exige-un-effort-budgetaire-pour-la-defense-libre-opinion-de-michel-cabirol.html

 


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