“L’impérialisme américain : Leur Europe” (1re partie)

...par Charles Sannat - le 05/02/2018.

 

Entrepreneur et analyste économique français. Il est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur (1993-1997) et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques (1998-1999)


 

Les gens, les citoyens, ont peu conscience des enjeux cachés, des manœuvres discrètes géopolitiques qui n’ont qu’un seul objectif : s’assurer puissance et pouvoir.

Mais qui s’assure puissance et pouvoir ?

L’empire dominant.

Qui est l’empire dominant actuel ?

Les États-Unis d’Amérique, et cela ne doit strictement rien au hasard, c’est l’aboutissement d’un processus volontaire, conscient et ambitieux pour dominer le monde. Dominer le monde ne se réalise pas comme dans les contes de fées uniquement avec une immense bonté… C’est un ensemble d’éléments qui ont été utilisés et agrégés dans l’une des stratégies de domination les plus fascinantes et aussi les plus efficaces de l’histoire du monde.

Charles SANNAT

Introduction

 

Je vous offre l’ensemble de mes billets, pour élargir l’étendue de vos réflexions et ainsi augmenter le « champ des possibles », notamment sur le plan de votre patrimoine. Le fait de citer divers auteurs, parfois (souvent) politiquement incorrects, et généralement peu ou pas cités par les « grands médias », ne signifie pas pour autant que j’approuve la vision qu’ils développent.

Étant parfaitement conscient que les avis et positions que j’exprime dans mes billets sont l’expression de ma vérité, je vous donne l’accès à mes diverses sources d’informations, afin que vous soyez en mesure d’avoir une appréciation éventuellement différente de la mienne et ainsi construire VOTRE vérité. La seule qui vaille à mes yeux.

 

DES FAITS

Mon propos n’est pas de vous faire peur, mais de vous préparer, car c’est en sachant les choses qu’on peut mieux les gérer.

Maintenant que nous avons vu, avec l’exemple du Canada, comment les États-Unis d’Amérique conçoivent leur domination sur le monde, disséquons comment ils ont façonné « notre Europe ». Autant vous prévenir, la « version offfficielle » va être quelque peu mise à mal. Personnes sensibles, s’abstenir… Mais il serait dommage de se priver d’entendre d’autres explications et points de vue que ceux qui sont proclamés comme « la vérité ». La pluralité de version de mêmes faits nous permet de continuer à réfléchir et construire un raisonnement plus « solide ».

À cette question d’un journaliste, lors du 60e anniversaire du sommet de l’OTAN le 4 avril 2009 à Strasbourg :

« Puis-je vous demander si vous souscrivez, ainsi que beaucoup de vos prédécesseurs l’ont fait, à l’école de l’exceptionnalisme américain qui voit l’Amérique comme spécialement qualifiée pour diriger le monde, ou avez-vous une philosophie légèrement différente ? Auquel cas, pourriez-vous entrer dans les détails à ce sujet ? »

Le président OBAMA répond :

« Je crois à l’exceptionnalisme américain, comme je soupçonne les Britanniques de croire en l’exceptionnalisme britannique et les Grecs en l’exceptionnalisme grec. Je suis extrêmement fier de mon pays et de son rôle et son histoire dans le monde. Si vous songez à cet endroit où a lieu ce sommet et ce qu’il signifie, je ne pense pas que l’Amérique devrait être embarrassée de voir les preuves des sacrifices de nos troupes, la quantité immense de ressources qui furent engagées en Europe après la guerre, et notre leadership dans la construction d’une alliance qui a finalement mené à l’unification de l’Europe. Nous devrions être fiers de tout cela. »

Encore le président OBAMA, lors d’une conférence de presse le 22 avril 2016 à Londres, dans le cadre de la campagne relative à la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (Brexit) et des négociations sur le traité de libre-échange USA/UE, (TTIP) :

« Certains pensent peut-être qu’il y aura un accord de libre-échange USA/Royaume-Uni, mais cela n’arrivera pas de sitôt […] Le Royaume-Uni sera en queue de peloton […] Nous sommes concentrés sur les négociations avec le grand bloc, c’est-à-dire l’UE. Les États-Unis veulent un Royaume-Uni fort comme partenaire. Et le Royaume-Uni excelle lorsqu’il contribue à diriger une Europe forte. »

Mais pourquoi donc le président des États-Unis d’Amérique s’intéresse-t-il donc tellement à ce qui se passe en Europe ? Comme à l’habitude, un retour en arrière permettra de mettre en perspective de nombreux faits et nous apportera beaucoup de réponses, dont certaines, inattendues. Honneur à la « référence Wikipédia » qui nous indique à sa page « Histoire de l’Union européenne » :

“L’histoire de l’Union européenne remonte à la période d’après-guerre et à la volonté des dirigeants politiques de l’époque de créer un «espace de paix et de stabilité». L’idée d’une unification politique des pays du continent européen, en germe depuis le XVIII siècle et les courants de pensée des Lumières et du Printemps des peuples, apparaît plus que jamais indispensable dans une Europe dévastée par des années d’affrontement entre les totalitaristes et le «Monde libre». De cette volonté émerge le rêve des grands dirigeants de fonder les «États-Unis d’Europe». Le processus d’unification économique et politique s’est concrétisé par les élargissements successifs de la Communauté européenne puis de l’Union européenne et par l’approfondissement continu de son rôle dans les États membres et à l’international.”

Voilà défini le cadre général de l’UE. Je suis toujours TRÈS étonné de constater que mes étudiants se contentent de citer « la bible Wiki » et ne vont que très rarement chercher d’autres sources d’informations pour la rédaction des devoirs de réflexion géopolitiques que je leur donne. Hélas, cette paresse intellectuelle est aussi répandue dans le monde des grands médias qui se contentent de reprendre les dépêches de l’Agence France Presse (AFP) comme des moutons qu’ils sont.

Je relève, à ce point de mes investigations, que le Wiki cite la notion de « monde libre » pour laquelle je vous ai indiqué les racines profondes dans mon billet de la semaine dernière et qui se retrouvent bien exprimées dans les déclarations citées en début de ce billet.

Une autre phrase attire mon attention : « la volonté des dirigeants politiques de l’époque de créer un «espace de paix et de stabilité». Partageant totalement l’affirmation de Winston CHURCHILL selon laquelle « un homme politique considère la prochaine élection. Un homme d’État considère la prochaine génération », je poursuis mes recherches.

Mais avant de vous faire part des résultats de mes investigations « webesques », c’est avec une réelle jubilation que je partage avec vous quelques-unes des citations de ce grand homme d’État qu’était Winston Leonard SPENCER-CHURCHILL :

  • Il n’y a rien de négatif dans le changement, si c’est dans la bonne direction ;
  • On considère le chef d’entreprise comme un homme à abattre, ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char ;
  • Le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ;
  • Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ;
  • Le pouvoir de l’homme s’est accru dans tous les domaines, excepté sur lui-même ;
  • Les économies, c’est très bien, surtout si vos parents les ont faites pour vous ;
  • Les hommes trébuchent parfois sur la vérité, mais la plupart se redressent et passent vite leur chemin comme si rien ne leur était arrivé ;
  • Le vrai génie réside dans l’aptitude à évaluer l’incertain, le hasardeux, les informations conflictuelles.

Et pour finir, ma préférée : « Les empires du futur seront spirituels ». Cela n’est pas très loin de ce qu’aurait dit notre André MALRAUX national : « Le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas ».

Le vingtième siècle aura eu sans conteste au moins DEUX hommes d’État : le Français Charles de GAULLE et le Britannique Winston CHURCHILL.

Je poursuis donc mes recherches sur Internet avec un site « sérieux », celui de la direction de l’information légale et administrative (DILA), qui me résume qui sont « les dirigeants politiques de l’époque » ainsi que les principales étapes de la construction de l’Union européenne. Je vous propose de nous baser sur cette « colonne vertébrale » historique pour explorer quelques autres sources issues des « profondeurs du Web » :

9 mai 1950 : déclaration de Robert Schuman

  • Le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, prononce, lors d’une conférence de presse au Quai d’Orsay, une déclaration historique. Il appelle à la mise en commun des productions de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne, au sein d’une organisation ouverte aux autres pays d’Europe.
  • Son but est d’assurer une paix durable en Europe, grâce au développement d’une solidarité de production entre la France et l’Allemagne, rendant impossible tout affrontement entre ces deux pays. Cette organisation constituerait la première étape vers une fédération européenne.
  • Le plan proposé dans cette déclaration a été élaboré par Jean Monnet, alors commissaire général au Plan.

Nous voilà déjà avec deux noms parmi les « pères fondateurs de l’Europe » : Robert SCHUMAN et Jean MONNET. Qui étaient-ils et quelles étaient leurs véritables motivations ?

Une première piste est le travail d’investigation, particulièrement documenté, de François ASSELINEAU, homme politique français, fondateur du parti politique Union Populaire Républicaine (UPR), un des candidats à la dernière élection présidentielle de mai 2017. Il nous rapporte l’article que le journaliste Ambrose EVAN-PRITCHARD écrit dans le Daily Telegraph du 19 septembre 2000 :

“Des documents déclassifiés du gouvernement américain montrent que la communauté du renseignement des États-Unis a mené une campagne dans les années 1950 et 1960 pour favoriser l’unification de l’Europe. Celle-ci finança et dirigea le Mouvement fédéraliste européen.

Les documents confirment des soupçons émis à l’époque : en coulisse, l’Amérique travaillait avec acharnement à pousser la Grande-Bretagne à s’intégrer à un État européen. Un mémorandum, daté du 26 juillet 1950, donne des instructions pour une campagne visant à promouvoir un véritable parlement européen. Il est signé par le Général William J. Donovan, chef du Bureau américain des services stratégiques en temps de guerre (OSS), l’ancêtre de la CIA.

Certains de ces documents, découverts par Joshua Paul, chercheur à l’Université de Georgetown à Washington, avaient été mis à disposition par les Archives nationales américaines. Le principal levier de Washington sur l’ordre du jour européen était le Comité Américain pour une Europe Unie (ACUE : American Committee on United Europe), créé en 1948. Donovan, qui se présentait alors comme un avocat en droit privé, en était le président.

Le vice-président, Allen Dulles, était le directeur de la CIA pendant les années 1950. Le comité comptait parmi ses membres Walter Bedell Smith, le premier directeur de la CIA, ainsi que d’anciennes personnalités et des responsables de l’OSS qui travaillaient par intermittence pour la CIA. Les documents montrent que l’ACUE a financé le Mouvement européen, l’organisation fédéraliste la plus importante d’après-guerre. En 1958, par exemple, l’ACUE a assuré 53,5 % du financement du mouvement.

L’European Youth Campaign, une branche du Mouvement européen, était entièrement financée et contrôlée par Washington. Son directeur belge, le Baron Boel, recevait des versements mensuels sur un compte spécial. Lorsqu’il était à la tête du Mouvement européen, Joseph Retinger, d’origine polonaise, avait essayé de mettre un frein à une telle mainmise et de lever des fonds en Europe ; il fut rapidement réprimandé.

Les dirigeants du Mouvement européen – Retinger, le visionnaire Robert Schuman et l’ancien premier ministre belge, Paul-Henri Spaak – étaient tous traités comme des employés par leurs parrains américains. Le rôle des États-Unis fut tenu secret. L’argent de l’ACUE provenait des fondations Ford et Rockefeller, ainsi que de milieux d’affaires ayant des liens étroits avec le gouvernement américain.

Paul Hoffman, directeur de la Fondation Ford et ex-officier de l’OSS, fut également à la tête de l’ACUE à la fin des années 1950. Le Département d’État y jouait aussi un rôle. Une note émanant de la Direction Europe, datée du 11 juin 1965, conseille au vice-président de la Communauté économique européenne, Robert Marjolin, de poursuivre de façon subreptice l’objectif d’une union monétaire.

Elle recommande d’empêcher tout débat jusqu’au moment où «l’adoption de telles propositions serait devenue pratiquement inévitable».”

(Traduit de l’anglais par Laurent Dauré)

Ces accusations mettant en cause l’honnêteté intellectuelle de certains des pères fondateurs de l’Europe méritent d’être corroborées par d’autres sources. La revue Historia, dont le sérieux est reconnu, publie dans son numéro 675 de mars 2003 un long article au titre évocateur « La CIA finance la construction européenne. Enquête exclusive ».

Lors de la dernière campagne présidentielle, la chaîne TF1 invite au journal de 20h le 13 mars 2017 un des candidats, François ASSELINEAU. Celui-ci, pour étayer son argumentation anti-européenne, montre en direct le fameux numéro de la revue Historia. La réaction de l’éditeur de la revue Sophia Publications est immédiate : demande par voie d’avocat de la suppression de cet article du site du parti de monsieur ASSELINEAU et disparition dudit article du site d’Historia !!! Une explication « plausible » est donnée par le site Agoravox, qui relève que le propriétaire de la société Sophia Publications et donc d’Historia est, depuis juin 2016, l’industriel et homme de presse Claude PERDRIELsoutien officiel de la candidature d’Emmanuel Macron.

Comme à son habitude, Olivier BERRUYER dissèque clairement, sur son site les crises.fr, cette histoire « abracadabrantesque » où vous pourrez lire l’article d’Historia et ainsi vous faire votre propre opinion.

Un autre ouvrage Circus Politicus co-écrit par Christophe DELOIRE, directeur du centre de formation des journalistes, et Christophe DUBOID, grand reporter à TF1, confirme que messieurs MONNET et SCHUMAN avaient des liens très étroits et secrets avec la CIA, pour mettre en place le marché commun voulu par le pouvoir états-unien.

Beaucoup plus intéressant et surtout actuel, on apprend, entre autres choses, qu’une structure dépendant de l’ambassade US à Paris, l’International Visitor Leadership Program (IVLP) « repère des personnes à très haut potentiel ». Le gouvernement américain les invite pour un périple aux États-Unis afin de les sensibiliser à la cause du pays, sous couvert d’un séjour d’études. Je cite :

« L’objectif, en faisant rencontrer aux invités les plus hautes personnalités et en leur faisant visiter les lieux de pouvoir, est de donner à entendre la – douce – voix de l’Amérique et d’imprimer des souvenirs puissants dans le cerveau des visiteurs, afin que, des années plus tard, une fois parvenus au sommet du pouvoir, ils s’en souviennent […] Les Américains ont l’intelligence de ne pas transformer ces échanges en lavages de cerveau évidents : «Il ne s’agit pas de propagande, raconte un autre participant, qui a sillonné la côte est et la côte ouest au cours de l’été 2011. Chacun est libre de se faire une opinion, mais on revient en général conquis […] Être un IV (International Visitor) c’est apprendre que la plus grande puissance du monde vous promet un bel avenir».”

Parmi les « gens connus », ont participé à ce programme : Nicolas SARKOZY, François FILLON, Yves LEFERME (ancien premier ministre belge), Lars RASMUNSSEN (président du Danemark), Enda KENNY (Premier ministre irlandais), Petr NECAS (chef du gouvernement tchèque), Brice HORTEFEUX, Valéry GISCARD d’ESTAING, Lionel JOSPIN, Alain JUPPÉ… Le programme IVLP revendique la bagatelle de 326 chefs d’État et de gouvernement, ainsi que des milliers de ministres.

La preuve que les méthodes décrites dans mon billet de la semaine dernière sont encore actuellement et efficacement mises en œuvre. Demandez donc ce qu’en pense Romain BAIL, maire de Ouistreham, cette charmante commune de Normandie.

En continuant à chercher sur la piste du financement américain, le Wiki  – le revoili  – nous apprend que le Comité américain pour une Europe unie (American Committee on United Europe, dit ACUE), cité dans l’article du Daily Telegraph du 19 septembre 2000 que j’ai cité au début de ce billet, était “un organisme américain privé, financé notamment par la fondation Ford, qui soutenait un idéal d’unité européenne. Le Comité a également servi comme outil permettant au gouvernement américain de faire transiter des fonds vers l’Europe. L’objectif concret du Comité américain était de soutenir financièrement des organisations promouvant l’unité européenne, et l’objectif politique était notamment de contrer l’influence communiste. L’une des actions principales du Comité fut le financement de la European Youth Campaign par le biais du Mouvement européen international. Le Comité américain pour une Europe unie fut dirigé par des membres de la communauté du renseignement américain, notamment William J. Donovan, ancien directeur de l’OSS, et Allen Dulles, directeur de la CIA entre 1953 et 1961″.

Par ailleurs, l’historienne, Annie LACROIX-RIZ, professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris VII – Denis Diderot, également connue pour son engagement communiste, explique très clairement comment, dès la Première Guerre mondiale, les puissants groupes financiers et industriels des États-Unis et d’Allemagne ont œuvré dans la construction de l’Europe pour mieux asseoir leur puissance financière grâce à la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).

Après la lecture de toutes ces sources concordantes, on peut raisonnablement penser que les États-Unis d’Amérique, utilisant les mêmes méthodes que pour « assimiler » le Canada, ont consacré des moyens humains et financiers importants, dans la plus grande discrétion, pour créer les « États-Unis d’Europe ». Cela, sans jamais en informer les peuples, mais en finançant « les hommes politiques clés », pour que ceux-ci « fassent le travail » selon les modèles et les règles fixées, afin d’étendre leur puissance commerciale et financière sur l’Europe.

Chers lecteurs, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de nos explorations. D’ici là, portez-vous bien. Je vous aime et vous salue.

 

Source : https://insolentiae.com/limperialisme-americain-leur-europe-1ere-partie/

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