Note d'actualité N°550 - Juillet 2019.

DAECH étend ses réseaux

...par Alain Rodier

Daech, annoncé vaincu militairement sur le front syro-irakien en 2018, semble néanmoins étendre ses opérations de harcèlement sur ce théâtre de guerre. Certes, l’« État Islamique » dans sa forme purement « administrative » n’existe plus, mais l’insurrection couve et maintient un climat d’insécurité dans les régions majoritairement sunnites. Plus inquiétant encore, Daech accroît progressivement son influence dans les provinces (wilayas) extérieures, situées hors de son berceau syro-irakien. Seules exceptions, bien que présente ponctuellement, l’organisation terroriste ne paraît pas progresser significativement en Arabie saoudite, au Yémen et en Iran.

Sur le plan stratégique, les mouvements salafistes-djihadistes ont renoncé à s’attaquer directement aux pays occidentaux car l’expérience leur a montré que c’était contre-productif. Toutefois les sympathisants à la cause sont invités par les différents organes de propagande toujours aussi actifs à passer à l’action là où ils se trouvent, avec les moyens dont ils peuvent disposer. L’objectif est de maintenir un sentiment d’insécurité au sein des populations de manière à tenter de brider les décisions de leurs gouvernants quant aux éventuelles interventions extérieures. Les attentats de Madrid du 11 mars 2004 (191 morts) qui avaient entraîné le retrait espagnol de la coalition internationale combattant en Irak sont dans toutes les mémoires. Les mouvements salafistes-djihadistes, dont Daech, reviennent à leurs fondamentaux : reprendre la lutte dans les pays musulmans en profitant des faiblesses étatiques, en particulier en les privant, autant que faire se peut, de soutiens extérieurs occidentaux.

 

LE FRONT SYRO-IRAKIEN

 

Ainsi, dans le cadre de ce que la choura(l’organe de commandement central de Daech) a désigné comme la « bataille de l’épuisement[1] », Daech multiplie depuis juillet 2018 les opérations asymétriques en Syrie et en Irak. Ses adversaires sont non seulement les forces gouvernementales, mais aussi les Forces démocratiques syriennes (FDS) et les autres mouvements rebelles dont ceux dépendant plus ou moins directement d’Al-Qaida « canal historique ». L’inimitié personnelle qui existe entre Ayman al-Zawahiri, l’émir d’Al-Qaida, et Abou Bakr al-Baghdadi (de son vrai nom Ibrahim Awwad Ibrahim al-Badri), le « calife » de Daech, perdure plus que jamais. L’objectif est de démontrer aux populations civiles que le mouvement salafiste-djihadiste est toujours présent et actif. Les zones d’opérations principales se situent le long de l’Euphrate, particulièrement dans les environs de Deir ez-Zor, de Badiya et de Raqqa en Syrie, de la province d’Al Anbar, de Fallouja et de Bagdad en Irak.

De juin 2017 à juillet 2018, Daech a pris soin de s’installer avec armes et bagages dans des zones reculées comme le désert oriental syrien couvrant Abou Kamal, l’est de Damas, Palmyre plus au nord, les approches de la province d’Idlib, le sud-ouest d’Alep, le sud de Kirkouk et de Mossoul, la vallée du Tigre, le désert de Jazeera et celui d’Al-Anbar, la vallée de la rivière Diyala, etc. Cela explique que les combattants djihadistes semblent bien pourvus en véhicules, vivres, armements et munitions. On voit aussi réapparaître les véhicules piégés (VBIED), ce qui laisse à penser que des ateliers de construction sont de nouveau opérationnels ; et il n’est pas exclu que des drones soient bientôt employés, comme cela a été le cas dans les années 2014-2017.

Agissant souvent de nuit, des djihadistes de Daech, largement dotés d’optiques de vision nocturne, attaquent les postes isolés des forces de sécurité, mais aussi les populations civiles (dont des sunnites) accusées de collaborer avec les « apostats ». Le mot d’ordre largement diffusé est « repentez-vous avant que nous arrivions ». Dans les faits, les populations sunnites doivent choisir entre, d’un côté, Daech – qui assure les défendre de l’humiliation dont elles seraient victimes de la part des autorités – ; et de l’autre, les chiites et des traîtres. En effet, Daech veut éviter que le phénomène des milices sunnites irakiennes « Sahwa » (le réveil), qui avaient lutté avec succès en 2006 contre les rebelles islamistes, ne se renouvelle.

Fait intéressant, un discours revient fréquemment appelant à purger les rangs des moudjahiddines des « hypocrites », des « apostats » et des « peureux ». Ce n’est qu’après que la « promesse d’Allah (la victoire) sera exaucée ». Ces slogans traduisent des frictions internes, les échecs rencontrés sur le théâtre syro-irakien étant attribués à ces « éléments qui ont failli à leur devoir » plutôt qu’à la direction du mouvement. C’est indéniablement un signe de faiblesse. Toutefois, il convient de relativiser car al-Baghdadi laisse beaucoup d’autonomie et d’initiative aux chefs locaux, ne faisant qu’apposer son sceau, ce qui leur permet de se légitimer auprès des populations.

Enfin, les immenses camps de prisonniers accueillant les familles de djihadistes en Irak et surtout en Syrie, en zone contrôlée par les FDS, sont des foyers d’endoctrinement qui les font surnommer « camp Bucca, puissance dix ». Bucca était le camp irakien qui a accueilli jusqu’à 26 000 prisonniers et où al-Baghdadi a séjourné en 2004. C’est là que se serait créé le noyau de l’État islamique. Une vidéo montre comment le drapeau de Daech a été déployé au début juin 2019 par un enfant en haut d’un mat du camp al-Hol sous les acclamations des femmes présentes. Cela montre que les femmes jouent un rôle primordial dans la transmission de l’idéologie salafiste-djihadiste dans leur entourage direct.

Selon la Defense Intelligence Agency(DIA), si la situation continue à se dégrader et si la reconstruction de la région traîne en longueur – notamment en raison de la corruption endémique des administrations et, pour la Syrie, de la mauvaise volonté des acteurs extérieurs qui ne veulent pas être accusés de la moindre collusion avec le régime de Bachar el-Assad -, une insurrection généralisée pourrait reprendre en Irak et en Syrie. Dans ce dernier pays, les zones situées à l’est de l’Euphrate, tenues par les FDS[2], sont particulièrement visées. Daech profite des dissensions qui se font de plus en plus sentir entre les Kurdes – qui sont maintenant installés en région sunnite, en dehors de leur zone d’influence située le long de la frontière turque – et les populations arabes pour s’infiltrer entre les deux. La situation devrait devenir de plus délicate dans les mois à venir, en particulier pour les membres des forces spéciales françaises et britanniques présents sur zone. Leurs effectifs auraient été renforcés à la demande de Washington qui retire progressivement ses hommes.

Les forces gouvernementales syriennes de leur côté sont de plus en plus confrontées à des raids sanglants de Daech dans le désert de la Badiya situé à l’ouest de l’Euphrate. Ayant bien anticipé leur « retour au désert », les salafistes-djihadistes ne paraissent ne pas avoir de problèmes particuliers pour vivre au sein des populations locales qu’ils avaient un temps dominé, ce qui laisse à penser que la terreur n’est pas la seule motivation de ces dernières.

 

LES THÉÂTRES DE GUERRE EXTÉRIEURS

 

Les wilayas extérieures jouent désormais un rôle vital dans la stratégie de Daech car elles élargissent son influence au détriment d’Al-Qaida « canal historique » dont elles récupèrent une partie des effectifs. Cela est essentiellement du à l’« odeur de révolution » qui accompagne la bannière de Daech, plus que celle d’Al-Qaida. La défaite territoriale en terres syro-irakiennes n’a rien changé à ce phénomène puisque, si l’on constate toujours des transferts d’activistes d’Al-Qaida vers Daech, l’inverse n’est pas vrai.

Depuis le début 2019, les wilayas renouvellent une à une leur allégeance à al-Baghdadi dans le cadre de la campagne « Wal-Aqibatu lil-Muttaqin » (la victoire sur les traîtres).

Des vidéos des wilayas d’Afrique de l’Ouest, du Sinaï, d’Asie de l’Est (Philippines), du Caucase, du Khorasan (Afpak, Iran, Cachemire), de Libye, de Turquie (une wilaya y a été proclamée lors de l’intervention audiovisuelle du 29 avril 2019 d’al-Baghdadi), mais aussi, pour la première fois, d’Azerbaïdjan (pour l’instant non qualifié de wilaya) puis de Tunisie (où il est demandé aux « frères et les sœurs dans les prisons » d’être patients et à « ceux qui ne peuvent pas rejoindre les moudjahidines » d’attaquer « les adeptes de la Croix») ont ainsi été diffusées. Toutes appellent au combat internationaliste et à sanctionner les apostats parmi lesquels sont désignés – entre autres – les taliban. À la différence d’Al-Qaida « canal historique », les taliban ne sont pas considérés par al-Baghdadi comme la référence religieuse. Non seulement cela constitue une différence fondamentale avec Al-Qaida « canal historique » qui se tient aux côtés de ces derniers, mais cela provoque aussi quelques dissensions internes. Toutefois, comme pour la querelle qui a opposé Abou Yaqoub al-Maqdisi – le responsable du comité religieux de la choura de Daech – au Cheikh saoudien emprisonné Ahmad al-Hāzimi sur le « pardon de l’ignorance[3] », ces divergences concernent surtout les « intellectuels » sur les réseaux sociaux ; à de rares exceptions près, elles ont peu de prise sur la base. Cela dit, Abou Yaqoub al-Maqdisi l’a payé de sa vie en juillet 2018 car al-Baghdadi lui a donné tort, restant dans le camp des intransigeants.

Dernière remarque concernant ces publications, il convient de rester très prudent sur le contenu même de ces morceaux de propagande destinés à galvaniser les fidèles, à impressionner l’adversaire et à tromper les services de renseignement par de fausses informations. Si on croyait les dires de Daech, il y a longtemps que la tour Eiffel et celle de Londres – sans compter le Vatican et le Capitole – auraient été détruits.

 

LE CONTINENT AFRICAIN

 

La progression la plus marquée se situe sur le continent africain où Daech affirme sa présence dans la wilaya d’Afrique de l’Ouest. L’Émirat islamique du Grand Sahara (EIGS), qui couvre le Sahel, le Niger, le Tchad et le Burkina Faso, semble avoir été absorbé par cette dernière à moins qu’il s’agisse là d’une querelle de chefs. En effet, on attend maintenant les prochaines déclarations de l’émir de l’EIGS, Adane Abou Walid al-Sahraoui (Lehbib Ould Ali Ould Saïd Ould Joumani) et de celui de la wilaya de l’Afrique de l’Ouest, Abou Mosab al-Barnaoui (Habib Yousouf). Peut-être cela éclairera cette nouvelle hiérarchisation.

Pour rappel, Boko Haram qui a été la matrice fondatrice de la wilaya de l’Afrique de l’Ouest, s’est scindé en deux en 2016, Aboubakar Shekau étant destitué par Daech. Il n’empêche que ce chef cruel et fantasque continue le combat depuis son repaire de la forêt de Sambisa, située au nord-est du Nigeria, en se revendiquant toujours de al-Baghdadi.

Une nouvelle wilaya dite d’Afrique centrale est apparue. Elle couvrirait les opérations en République démocratique du Congo, au Mozambique et vraisemblablement en Tanzanie. Techniquement, comme ailleurs, Daech semble avoir récupéré des groupes islamistes déjà existant[4]qui lui ont fait allégeance. Toujours est-il que les relations entretenues entre ces deux wilayas sont actuellement peu claires.

Deux spécificités caractérisent ces régions :

– d’une part, Daech et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans(au minimum « associé » à Al-Qaida au Maghreb Islamique) ne sont pas en lutte ouverte, bien que ces deux entités se livrent à une sorte de « course à la mer » pour atteindre les régions côtières du Golfe de Guinée ;

– d’autre part, afin de recruter de nouveaux adeptes, les djihadistes instrumentalisent l’ethnicité et les conflits intercommunautaires sous couvert d’islamisme, tout en multipliant les zones d’instabilité, ce qui complique considérablement la tâche des forces de sécurité.

Au Kenya, Ahmad Iman Ali – alias Abou Zinira -, l’émir des shebabs pour ce pays, a prêté allégeance en juillet 2016 à al-Baghdadi. Issu du « Centre kenyan de la jeunesse musulmane », un mouvement islamiste radical, Ahmad Iman a combattu à la tête de plusieurs centaines de djihadistes kenyans en Somalie au sein des shebabs. En 2012, il at été renvoyé au Kenya pour les représenter. Il y a dirigé de nombreuses opérations terroristes dont les deux plus marquantes ont été la prise d’otages du Westgate Mallà Nairobi en 2013 (72 tués) et la tuerie de l’université de Garissa en 2015 (152 morts). Il aurait été tué en Somalie en mars 2019, mais Daech maintient une insécurité latente dans le sud de ce pays.

Daech est aussi présent au nord plus particulièrement dans l’État du Puntland. Toutefois, les shebabs restent globalement fidèles à Al-Qaida et mènent conjointement une guerre contre le gouvernement somalien soutenu par la mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et contre Daech. La nébuleuse reste très active comme le montrent les derniers attentats de Kismayo le 13 juillet 2019 (une trentaine de morts).

 

ASIE CENTRALE ET ASIE DU SUD

 

En zone Afpak Daech est en guerre ouverte avec les taliban afghans, Al-Qaida « canal historique » et le réseau Haqqani qui lui reprochent son « internationalisme » alors qu’eux mènent un combat « nationaliste ». Leur objectif consiste pour l’instant à prendre le pouvoir à Kaboul. Selon les autorités militaires américaines, les effectifs de la coalition taliban/Al-Qaida/réseau Haqqani sur zone seraient d’au moins 60 000 combattants, alors que Daech ne compteraient que de 3 000 activistes.

Pour Daech, le « Khorasan » est composé de six « régions », chacune dirigée par un émir : l’Afghanistan-Ouest, l’Afghanistan-Est, l’Iran, le Cachemire, la wilaya-e-Hind chargée du Continent Indien dans son ensemble et la wilaya-e-Pakistan.

Toutefois, Daech connaîtrait de graves problèmes internes ; l’émir de ce qui peut être considéré comme l’ancienne « wilaya Khorasan » (Islamic State Khorasan-Pakistan/ISK-P), située sur la frontière afghano-pakistanaise, le cheikh Aslam Farooqi, un ancien membre du Lashkar-e-Taiba (LeT), ayant accepté d’interrompre les combats contre les taliban afghans. Le dissident Moavia Uzbeki, sans doute inspiré par al-Baghdadi, refuse de son côté toute trêve. C’est d’ailleurs en raison de ces dissensions intérieures que Daech est aujourd’hui relativement contenu dans cette partie du monde.

Apparue en janvier 2015, l’ISK-P était la franchise la plus importante de Daech à l’extérieur. Son influence s’étendait bien au-delà de son commandement situé dans la province afghane du Nangarhar qui borde les régions tribales pakistanaises. Elle avait d’abord été fondée en cooptant des groupes locaux venant du Tehrik-e Taliban (TTP) ou du mouvement taleb afghan comme le groupe Mollah Rassoul. La position du Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO), qui avait fait auparavant allégeance à Daech, n’est pas connue.

 

L’EXTRÊME-ORIENT

 

La Chine se sent de plus menacée par les salafistes-djihadistes. L’attitude répressive adoptée depuis des années vis-à-vis des populations ouighours et musulmanes qui vivent dans la région autonome du Xinjiang au nord-ouest du pays est ouvertement reprise par la propagande de Daech (et d’Al-Qaida) pour attirer la vindicte sur Pékin[5]. Il est vrai que, depuis la création de cette région autonome en 1955, des séparatistes ouighours – au départ, il n’était pas question de religion – ont mené de nombreuses attaques contre le régime : émeutes, assassinats, sabotages à l’explosif, etc. Le Mouvement islamique du Turkestan oriental, aujourd’hui renommé Parti islamique du Turkestan (PIT), est pointé du doigt par Pékin. Cette organisation reconnue comme terroriste par la communauté internationale appelle à la création d’un Turkestan oriental qui regrouperait une partie de la Turquie, le Kazakhstan, la Kirghizie, l’Ouzbékistan, l’Afghanistan et le Xinjiang. Toutefois, la plupart des activistes ont rejoint d’autres groupes islamistes radicaux comme les taliban en Afghanistan, le Hayat Tahrir al-Cham (HTC) en Syrie et le Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO), inféodé à Daech -.

Al-Baghdadi s’est intéressé à cette cause dès 2014 dans le but de recruter des combattants ouighours, ce qu’il a réussi à faire puisqu’en 2017, une vidéo montrait des combattants chinois dans l’ouest de l’Irak. Ils souhaitaient rentrer au pays pour « répandre des rivières de sang et venger les opprimés ». En février 2019, Daech demandait aux djihadistes de par le monde de « tuer ou capturer des Chinois » afin de provoquer la terreur au sein des expatriés[6]. Les activistes étaient aussi invités à « préparer une longue guerre contre la Chine ».

Les autres principales implantations de Daech en Extrême-Orient sont situées aux Philippines et en Indonésie. Dans ce pays, de nombreux membres de la Jemaah Islamiyah (JI), notamment ses deux leaders actuellement incarcérés, Abou Bakar Bashir et Aman Abdurrahman– aliasOman Rochman -, ont fait allégeance à al-Baghdadi. Fondée en 1993, la JI est responsable de nombreux attentats – dont ceux dirigés contre une église en 2000 (19 tués), ceux de Bali en 2002 (202 morts) et contre des ambassades et des hôtels de luxe en 2003, 2004, 2005 et 2009.

En Indonésie toujours, une coalition est née en 2015 : le Jamaah Ansharut Daulah (JAD). Elle se compose d’une douzaine de groupuscules islamistes ayant fait allégeance à al-Baghdadi. La particularité de cette coalition est qu’elle a essaimé sur l’ensemble de l’Extrême-Orient et représente une menace terroriste importante pour les prochains temps.

Aux Philippines,le Front moro de libération islamique (FMLI), fondé en 1978, a accepté de signer un accord de paix en 2014 avec les autorités de Manille. Mais cet accord a été rejeté par le parlement philippin en 2016. Mécontents, de nombreux activistes ont fait sécession pour rejoindre le groupe Abou Sayyaf, lui-même divisé entre la faction « Basilan » d’Isnilon Totoni Hapilon[7]et celle de Jolo. Hapilon serait aujourd’hui remplacé par un certain Abou Dhar.

D’autres formations sont également apparues :

– l’Ansaru Khilafah Philippines (AKP), groupe des frères Omar et Abdullah Maute, rebaptisé l’« État islamique à Ranao »[8] ;

– le Bangsamoro Islamic Freedom Fightersde Ismael Abubakar – alias commandant Bungos -,dissident direct du FMLI devenu l’« État islamique à Maguindanao » ;

– la katiba Ansar el-Charia d’Abou Anas Al-Muhajir ;

– la katiba Ma’rakah al-Ansar d’Abou Harith Al-Filipini.

Ces deux dernières entités ont rejoint le groupe d’Hapilon avant sa mort.

EnMalaisieàl’image de la Jemaah Islamiyah (JI) indonésienne, le Kumpulan Mujahidin Malaysia (KMM) a rejoint Daech.Depuis 2016, des dizaines de complots ont été découverts et plus de 300 sympathisants ont été arrêtés.

En Birmanie(Myanmar), les persécutions dont sont victimes les membres de l’ethnie musulmane Rohingya de la part de la majorité bouddhiste les ont obligé à fuir vers le Bangladesh voisin – 500 000 d’entre eux y seraient réfugiés -, comme vers la Malaisie, la Thaïlande, les Philippines et l’Indonésie. En réaction, un groupe armé appelé le Harakat al-Yakin (HaY) a vu le jour en 2016. Il s’en est pris à des postes militaires en octobre 2016.

Même le très vigilant État de Singapourn’est pas à l’abri. Des complots ont été déjoués en avril et mai 2015 et deux cellules dépendant de l’« État islamique au Bangladesh », composées d’une trentaine de travailleurs bengalis immigrés, ont été découvertes en janvier et mai 2016. Des activistes bengalis, emmenés par le cheikh Abou Wardah Santoso, le leader du Mujahisine Indonesia Timur (MIT) – tué en juillet 2016 – avaient déjà été neutralisés entre 2014 (à Poso) et août 2016 (à Sulawesi). En août 2016, la police indonésienne a arrêté six activistes sur l’île de Batam située à 30 kilomètres de Singapour. Ils se préparaient à commettre une action terroriste dans ce micro-État.

 

CAUCASE

 

La lutte d’influence qui existe entre Daech et Al-Qaida « canal historique » s’étend également au Caucase, où les deux entités sont représentées.

Celle liée à Al-Qaida a été fondée en 2007 – donc bien avant la création de Daech – et porte le nom qui peut tromper d’« Émirat Islamique du Caucase » (EIC).

Comme sur les autres théâtres d’opérations extérieurs, Daech n’a fait qu’accueillir les allégeances de chefs et d’activistes qui servaient auparavant sous les couleurs d’Al-Qaida. La faction qui lui a prêté allégeance à al-Bagdadi était dirigée par Roustan Asilderov, l’ancien émir de l’EIC pour le Daghestan, jusqu’à sa mort en 2016. Il aurait été rejoint par une figure de la rébellion caucasienne, Aslan Avgazarovich Byutukayev- alias l’émir Khamzat -, commandant la région de Tchétchénie pour l’EIC, et surtout, responsable de nombreux attentats suicide, dont ceux de Moscou en 2010 et 2011 et de Grozny en 2014. La situation de cet individu est aujourd’hui inconnue.

 

*

 

Pour l’instant, il n’a pas été noté de départ importants d’activistes depuis la zone syro-irakienne. T outefois, des signaux faibles parlent de « missionnaires » dépêchés sur le continent américain et en Grande-Bretagne. Il pourrait s’agir de membres dle l’appareil sécuritaire extérieur de Daech (leAmn Khariji) en mission de reconnaissance et de recrutement d’activistes.

Daech semble toujours attirer de nouvelles recrues, ce qui tend à prouver que son idéologie salafiste-djihadiste révolutionnaire continue à séduire. Du temps du marxisme-léninisme, le terme porteur était l’union des « damnés de la Terre » ; cette appellation pourrait très bien être reprise par Daech.

Toutefois, l’Etat islamique a un problème majeur. Tous les cadres du mouvement entourant Al-Baghdadi ont été neutralisés. Quant à lui, en dehors de son apparition médiatique d’avril 2019, personne ne l’a revu. Le nouvel organigramme de Daech – vraisemblablement volontairement par mesure de sécurité – demeure mystérieux. L’entrée dans la clandestinité de l’organisation salafiste-djihadiste a été un succès car les renseignements la concernant se font beaucoup plus rares que par le passé. Cela ne veut pas dire que le danger n’est plus là ; bien au contraire, il n’a jamais été aussi présent.

 

 

 

[1] L’intitulé indique clairement que la guerre s’inscrit dans la durée la stratégie consistant à user l’adversaire dans le temps. Les actions entreprises doivent aussi attaquer l’économie des États pour diminuer progressivement ses moyens alloués à la lutte.

[2] Soutenues par la coalition internationale mais composées majoritairement de Kurdes du Parti de l’union démocratique (PYD), proches cousins du PKK turc.

[3] Le premier admet que ceux qui ignorent des préceptes de l’islam peuvent être pardonnés et remis dans le droit chemin. Le second critique ceux qui pardonnent, les classant d’emblée dans la catégorie des renégats à l’islam.

[4] En RDC l’Allied Democratic Forces – Madinat Tawhid wa Muwahidin(ADF-MTM) venant de l’Ouganda voisin

[5] Qui trouve le soutien de l’Arabie saoudite et de la plupart des pays arabes qui apprécient le non-interventionnisme politique de Pékin dans leurs affaires intérieures.

[6] Ce qui explique que des sociétés (relativement) privées de sécurité chinoises sont de plus en plus présentes là où des expatriés sont en nombre. Dans les pays jugés les plus à risques, ce sont des membres des forces spéciales chinoises qui remplissent cette mission de protection.

[7] Il a été tué durant la bataille de Marawi qui a duré de mai à octobre 2017.

[8] Tous deux ont également été tués lors de la bataille de Marawi.

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