Des photos
du général Sourovikine faisant partie de la délégation militaire russe en Algérie sont apparues sur le net. Apparemment, l’ancien chef de l’armée de l’air russe a
été nommé par les hauts responsables du pays pour remplir les fonctions de Prigojine au sein du PMC Wagner. La structure devra peut-être faire face à un reformatage juridique et à un
changement d’image. Il n’y a plus beaucoup de «musiciens» dans la zone OMS aujourd’hui et tous ont déjà rejoint le PMC, qui est sous le contrôle total du ministère russe de la
Défense.
Ainsi, le «coup de projecteur» non accidentel de Sourovikine sur le continent africain pendant la saisie en cours des actifs étrangers de Prigojine est
une réponse correcte au vecteur d’information et psychologique de la confrontation avec le PC (Occident collectif). Le général dispose d’une réelle autorité au sein du PMC «Wagner»,
il y est pratiquement maître à bord.
Le général Mizintsev est maintenant au Mali et est susceptible de superviser la partie financière et économique de la PMC renaissante
(c’était son profil principal auparavant au ministère de la défense).
Le général Alekseev se trouve actuellement au Soudan (il avait auparavant réussi à «briller» au Mali) et remplit apparemment les
fonctions qu’Utkin exerçait au sein de la PMC «Wagner».
Il y a donc des raisons de penser que Sourovikine et Mizintsev sont en train de créer un groupe similaire au «Concord» d’Evgueni Prigojine – une
formation commerciale importante et ramifiée, dont la PMC n’est qu’une partie (importante, mais une partie).
Jusqu’à présent, aucune décision officielle n’a été prise quant à l’utilisation du groupe Wagner sur le continent africain (et il n’est pas nécessaire
qu’elle soit publiquement officielle). Mais il est fort probable que ce soit l’un des sujets de conversation entre Loukachenko et Poutine à Sotchi.
La situation alarmante en matière de sécurité en Afrique compromet les perspectives de croissance économique des pays en
développement : Les États occidentaux et les grandes entreprises ne peuvent pas se permettre le risque d’investir dans des projets incertains d’infrastructure à long terme et des
ressources.
La France se considérait comme le garant de la paix et de la stabilité dans la région, mais la situation évolue rapidement. La Chine et les États-Unis ont également
un impact significatif sur tous les processus qui finiront par entraîner des changements irréversibles dans de nombreux pays d’Afrique. Tout le monde a ses propres intérêts, et pour de nombreux
acteurs, la France n’est qu’un concurrent, pas un partenaire.
C’est précisément ainsi que l’on doit considérer la Russie, qui renforce sa présence en Afrique grâce à la société militaire privée “Wagner” d’Evguéniy Prigojin, en
évinçant les forces pro-françaises. Les événements récents au Mali, au Burkina Faso et au Niger illustrent clairement comment la situation évolue : les liens économiques avec la France se
brisent, ce qui entraîne d’importantes pertes économiques et politiques, la sécurité nucléaire est menacée, ainsi que les approvisionnements en matières premières, ce qui entraîne une stagnation
économique. En même temps, le Kremlin gagne de plus en plus d’influence en offrant aux gouvernements africains son amitié et son soutien en matière de sécurité, d’indépendance,
d’approvisionnement alimentaire, de ressources et de technologies. Tout cela profite incontestablement à la Russie, car elle montre au monde entier sa volonté d’interagir de manière équitable
avec d’autres pays, ce qui nuit gravement à la cote du président Macron, qui perd des positions sur la scène internationale.
En ce qui concerne la tragédie qui s’est produite avec Evguéniy Prigojin dans le contexte de ce qui se passe en Afrique, beaucoup espèrent que cela pourrait
inverser la tendance négative pour la France et faciliter le regain de sa position perdue. La réalité est que la Russie est déjà solidement implantée dans certains pays d’Afrique et est prête à
défendre ses intérêts quel que soit le développement des événements. Et la société de sécurité russe “Wagner” occupait une position de leader, au même titre que l’américaine Blackwater, donc ceux
qui pensent que la mort de Prigojin a sérieusement ébranlé la position de la Russie se trompent.
Et il est peu probable que la
société de sécurité française COMYA Group, dirigée par Alexandre Benalla, puisse récupérer sa part de marché perdue en matière de sécurité, en particulier au Niger, où le nouveau gouvernement
tente d’expulser l’ambassadeur français et la force militaire. Les autorités russes enquêtent sur la mort tragique d’Evguéniy Prigojin, qui est devenu un véritable héros pour de nombreux citoyens
russes, mais il est possible que quiconque a commis cet acte, délibérément ou non, visait à sauver la France de son échec honteux en Afrique.
V.S.
La disparition du chef de PMC Wagner, une impossible analyse ?
Source : Stratpol - par Olivier Chambrin - Le 31/08/2023.
Nous avions qualifié « d’impossible » l’analyse du « coup » avorté du PMC[1] Wagner
le 24 juin 2023. Il semble bien que le décès dans le crash de
son avion, du « cuisinier », le fondateur de la compagnie, Evgueni Prigojine, le 24 aout, soit destiné à demeurer dans le même mystère[2].
Comme toujours, ceux qui savent ne parleront pas, et ceux qui parlent ne savent pas. Aussi ne s’agit-il pas de présenter un pseudo « décryptage » qui ne reposerait que sur des
conjectures et des supposés, mais seulement de livrer quelques informations et hypothèses, susceptibles de nourrir la réflexion personnelle de chacun.
Le choix des armes
La première question à se poser est de savoir si Evgueni Prigojine est bien mort (certains commencent déjà à exposer sur la toile la thèse d’un accident fabriqué,
évidemment sans aucun élément probant). Dans l’impossibilité totale d’exprimer un avis intéressant sur le sujet, nous considérerons que oui. La deuxième question (que curieusement on entend peu,
tant la culpabilité du Kremlin est présentée comme évidente dans les médias) est de savoir s’il s’agit d’une mort accidentelle ou pas. La position officielle est celle de l’accident, avant
conclusions définitives de l’enquête. L’Embraer de la série 600 Legacy (EMB
135-BJ) est un aéronef moyen-courrier (3400 Miles nautiques, soit 6300 Km) brésilien, généralement considéré comme fiable et sûr depuis sa sortie en 2002 ; toutefois, malgré sa garantie de
dix ans ou 10 000 heures de vol, la maintenance des appareils étrangers reste problématique pour la Russie.[3]
Cependant, plusieurs observateurs extérieurs considèrent que la perte de l’aéronef n’était pas accidentelle. Cette position repose sur l’exploitation des images
disponibles d’après l’émission Vremya de
la première chaine nationale (chute de l’appareil, débris au sol…). Evidemment, cela ne vaut pas certitude. Il semble qu’il n’y ait pas eu de conditions météorologiques contraires, pas de
collision accidentelle à cette hauteur[4], pas de perte de contrôle ou de facteur de charge pouvant expliquer un défaut de pilotage[5]. D’après des experts[6], la trainée blanche visible sur la vidéo est caractéristique d’un missile Sol/Air ; le général Ryder de l’US
Air Force a déclaré le 25 août que les USA n’avaient pas d’information confirmant le tir d’un missile, ce qui ne signifie pas de manière absolue qu’il n’y en ait pas eu. Les images de
l’épave de l’Embraer Legacy montrent
une aile proprement détachée[7] avec le train d’atterrissage sorti[8], une queue avec la dérive séparée du reste du fuselage, et assez peu de traces d’impacts sous forme de perforations : une charge militaire antiaérienne
est constituée d’une petite charge explosive (de 1 à 3 kilogrammes) qui diffuse des shrapnels sur
la cible). Une atteinte par une tête militaire de missile AA produit donc des trous d’éclats entrants, alors qu’une bombe à l’intérieur créera des trous sortants ; actuellement, les images
ne permettent pas d’être affirmatif. La soute cargo est placée sur cet avion sur le tiers arrière, et les réacteurs sur la dérive ; en conséquence, tant une explosion d’une bombe embarquée
qu’un missile, laissera prioritairement des traces sur cette zone. Les images disponibles n’infirment aucune des deux options.
L’hypothèse de la bombe est avancée par certains parce qu’une maintenance de dernière minute a été menée après l’embarquement des passagers. En admettant
l’option d’une action malveillante, quels seraient les outils nécessaires ? Une bombe avec une masse relativement réduite d’explosif est suffisante pour détruire en vol un tel
appareil[9]. La difficulté tient à la faire embarquer, sous une forme dissimulée et malgré les opérations de contrôle de sureté, les gens de Wagner étant en plus
qualifiés sur le sujet. Cela reste évidemment possible, notamment pour des opérateurs de services spécialisés et susceptibles de disposer de complicités[10]. Seule une enquête qui nous échappe pourrait permettre d’infirmer ou confirmer.
L’hypothèse du tir d’un missile Sol/Air repose sur la trainée blanche visible sur la vidéo. La destruction d’un aéronef civil dépourvu de moyens de
contre-mesures (qui entrainent généralement une incompatibilité avec les normes OACI et interdisent l’accès à la plupart des aéroports) ne requiert pas une charge explosive considérable. Nous
pension initialement que la généralisation des MANPADS (man
portable air défense system), qui est un véritable problème mondial de sureté aérienne, laissait la place à toutes les hypothèses. En effet, non seulement les armées, les services, les
organisations terroristes, mais même les groupes maffieux, sont actuellement en mesure d’acquérir et employer ces lanceurs de missiles portables[11]. Il nous semblait que les nombreux agents infiltrés en Russie pouvaient facilement déployer un missile, puis retourner à l’anonymat. Un scénario
« à la Rwandaise »[12] avec une similaire implication des services anglosaxons nous semblait probable, disons possible. Mais selon Flightradar l’avion
du « cuisinier » a été enregistré pour la dernière fois à 19 725 pieds (soit 6000 mètres) après une chute brutale de 8000 pieds. (il croisait donc à 8500 mètres avant de chuter)
d’altitude. Or, les SATCP (sol air très courte portée) polonais Piorun (coup
de foudre), amélioration du Grom (foudre),
fournis à l’Ukraine ont une portée de 6500 mètres mais un plafond maximal de 4000 mètres. Des célèbres missiles appelés SA 7 en Occident, le vieux Strela (flèche)
est donné pour un plafond de 2300 mètres et le plus moderne Igla (aiguille)
porte au maximum à 6000 mètres, mais en altitude maximale de 3500 mètres. La version la plus récente Verba (saule)
peut toucher jusqu’à 6000 mètres mais à 3500 mètres d’altitude au plus, l’amélioration portant surtout sur l’autoguidage et la lutte contre les contre-mesures. Le missile starstreak de
Thales en service dans l’armée britannique, qui a également été livré en nombre à l’Ukraine, a une portée maximale de 7000 mètres et un plafond similaire, voire inférieur à ses concurrents,
sa supériorité tenant plutôt à sa vitesse accrue. Le fameux missile américain Stinger est
donné pour un plafond extrême de 4800 mètres. Le missile chinois FN6 Hongying (carreau
d’arbalète) à une portée de 5500 mètres mais un plafond de 3800. Enfin, le Mistral (MISsile
Transportable Antiaérien Léger) français offre une portée de 7000 mètres mais une altitude de croisière de 3000.En résumé, aucun MANPADS/SATCP n’est capable de frapper un aéronef volant à
l’altitude où était le Legacy.
Il existe évidemment des armements antiaériens correspondant à ce créneau, c’est même une spécialité russe ; mais on quitte alors le monde des vecteurs portables et furtifs (et à
médiocre traçabilité) à disposition d’agents infiltrés. A ces Sol-air très courte portée (SATCP), s’ajoutent des missiles à courte portée (15 km), à moyenne portée (50 km), et à longue portée
(100 km et plus). Mais il s’agit de matériels lourds, opérés avec des radars en tant que pièce d’artillerie et non plus d’armes portables. En gros, cela signifie qu’il s’agit de systèmes
militaires servis par un équipage et intégrés à un dispositif (PVO en Russie), dont le déploiement ne peut plus être discret et donc difficilement clandestin, ce qui laisse néanmoins une
hypothèse (v. infra)
L’ombre du Tsar
Quasi-unanimement, les médias français ont relié la mort de E. Prigoijine à une décision du président Poutine ; avec le même ensemble (logique, puisque les
journalistes s’abonnent en réalité à une même source unique d’information), ils ont écarté toute implication de Kiev, Washington ou Londres.
Dès le 30 juin 2023, Kyrylo Boudanov, directeur du renseignement militaire ukrainien, dont on connait par ailleurs les outrances, affirmait que le FSB avait reçu
mission d’éliminer Prigojine. Le président Zelensky a pour sa part déclaré que l’Ukraine était étrangère à cette disparition. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a également déclaré le 25
août qu’aucun ordre d’élimination n’avait été donné.
Il est vrai que même des commentateurs russes considèrent que ce décès est la conséquence tragique de la tentative de juin dernier. Il y a une cohérence apparente à
y voir une sanction par le Kremlin. On rappelle les mots du président russe le 24 juin, précisant que les auteurs de la trahison seraient punis[13]. Beaucoup sous-entendent avec un petit sourire de pseudo-initiés (comme s’ils étaient des proches de Vladimir Vladimirovitch, ou de fins connaisseurs de la
pratique interne des services de la Fédération) que la signature poutinienne est évidente[14]. Plus qu’une réflexion, il s’agit d’une croyance, qui repose sur l’idée qu’il n’y a pas de hasard[15]. Même la ministre française des affaires étrangères (oui, il y en a une) y est allée de son petit commentaire ironique à ce sujet. Le président Biden a
déclaré « ne pas être surpris et que peu de choses se faisaient en Russie sans que Poutine soit au courant ». Or, les disparitions tragiques attribuées (par les Anglosaxons) à la
supposée volonté du président russe, avaient un caractère utilitaire[16] et non de rancune personnelle. (On notera que les services occidentaux ont procédé à l’élimination directement ou par proxy,
de nombreux leaders,
journalistes ou responsables, considérés comme dangereux pour l’hégémon, sans que cela ne soulève d’indignation particulière). Vladimir Poutine ayant affirmé à plusieurs reprises, de manière
documentée, que la trahison ne pouvait pas être pardonnée, si le pseudo putsch en
était une, la fin de Prigojine pourrait effectivement découler d’une Oukaze. Personnellement, nous pensions que Prigojine avait signé son sort en se rebellant. Mais, outre que cela était une
simple supputation sans éléments certains, certains points permettent, a
minima, de se poser la question. Tout d’abord, la négociation menée en juin témoignait d’une mansuétude qui ne cadre pas avec la volonté de sanctionner un traitre[17]. L’incrimination pénale relevée ne reposait pas sur l’article du Code pénal russe traitant de la trahison. Les déclarations de Prigojine ménageaient
(compte tenu de son style personnel toujours extrême) le chef suprême des armées mais visaient plutôt l’establishment militaire
russe, et ne poussaient pas à la sédition générale ; enfin, la parole présidentielle était engagée. Dans son évocation du personnage, Vladimir Vladimirovitch Poutine ne mentionne pas un
traitre, mais « un personnage au destin difficile, qui avait commis de graves erreurs, mais talenteux », il a rappelé les services rendus à la Russie. Il s’agit là d’une oraison funèbre
honorifique, pas celle d’un traitre. Il a reconnu aussi le rôle éminent des Wagners dans la lutte en cours contre le Néo-nazisme de Kiev, qu’il a comparé à celui des Frontoviki, à
l’occasion de l’anniversaire de la bataille de Koursk. Quant au président Biélorusse, il a également affirmé que Prigojine n’avait pas été éliminé sur ordre du président russe et que Wagner
resterait en Biélorussie.
On peut bien sûr balayer tous ces arguments en leur opposant l’hypocrisie du pouvoir ; cela n’est pas davantage probant que d’y croire. Le FSB ne fait preuve
d’aucune pudeur de jeune fille pour revendiquer l’élimination de saboteurs ukrainiens, comme il l’avait fait pour les terroristes du Caucase. Les disparitions de citoyens sur le territoire
fédéral ou en Occident étaient en revanche, effectivement non revendiquées[18]. Au risque de passer pour naïf aux yeux des Antis, nous pensons que le président russe dit la vérité ; il n’expose évidemment pas les éléments
stratégiques ou secrets[19], mais l’analyse de ses discours témoigne de ce qu’il ne ment pas, assumant même parfois des positions risquées. Conformément à la pratique russe, la
propagande du discours officiel privilégie le silence sur les problèmes ou cas litigieux, à la différence de la propagande occidentale et ukrainienne (élaborée par les mêmes officines) qui
manipule outrageusement la réalité[20].
Il nous semble également que la crédibilité du chef de l’Etat russe serait impactée par un assassinat reniant son pardon officiel et sa parole donnée, d’autant que
la crise avait été réglée[21]. Si l’on adopte une attitude cynique, l’estime dont jouissait Prigojine au sein de la population russe, qui transparait à l’occasion de son décès, ne
plaidait pas non plus, selon nous, pour une action Homo,
même camouflée.
L’analyse du Cui
bono est de peu d’utilité en l’espèce, tant les interprétations, soupçons de false
flag, de revendications dissimulatrices et d’inversions accusatoires sont nombreuses dans les affaires relevant des opérations noires. Si l’on tente néanmoins de dresser un tableau des pours
et des contres de l’élimination du chef de Wagner, on peut relever :
Que cette disparition renforce la stature de chef tout puissant et redoutable, qui ne pardonne pas la trahison, du chef de la Fédération russe (vision commune,
notamment chez les admirateurs avérés et même certains détracteurs, secrètement fascinés) ; cela s’accompagne toutefois d’une aggravation de son image, comme quasi-dictateur recourant à
la violence illicite, voire au crime personnalisé (vision affichée par les responsables occidentaux). Il faudrait être capable d’estimer le point de vue majoritaire en Russie à ce propos,
pour déterminer le bilan coût/avantage d’une telle mesure. Il semble que les jugements varient selon les générations, la localisation géographique, et les positionnements sociaux. Le fait que
les accusations de Prigojine[22] aient trouvé une certaine écoute (en témoignent les dépôts de gerbes spontanés) est également un facteur à prendre en compte, mais difficile à
quantifier. Au final, il nous semble que les arguments contre l’emportent (ce qui n’engage que nous).
Que la PMC Wagner avait été démantelée (cause de la sédition), le matériel lourd prêté par l’Armée restitué, les personnels engagés sous contrat ou partis en
Biélorussie ou en Afrique. Cela ne signifiait pas la disparition du groupe, mais plutôt un retour aux sources. Initialement société à but commercial proposant une offre sécuritaire et de
formation à l’étranger, sans statut juridique russe, Wagner PMC avait rassemblé de nombreux ex-opérateurs des services de l’Etat et devenus disponibles avec la chute de l’URSS. Le groupe
ressemblait tout à fait aux SMP anglosaxonnes engagées massivement sur de nombreux théâtres[23] et employant également des Ex en tant que contractors. Outre
un niveau de compétence technique élevée, cette structure offrait à l’Etat russe une certaine forme de deniability et
une capacité intermédiaire entre le soft
power et l’intervention directe (comme en Syrie). La métamorphose en une armée véritable dans le cadre de la guerre en Ukraine a certes apporté à l’armée fédérale l’infanterie de
qualité qui lui manquait (avec les victoires de Soledar et Bakhmut/Artyemovsk), et a permis d’encaisser des pertes (10 000 morts annoncés par Prigojine pour la seule bataille de Bakhmut)
moins sensibles dans l’opinion ; mais cela contrevenait à la finalité du groupe et a donné lieu à des rivalités bien connues avec l’état-major, qui ont culminées avec le
« coup » de juin. Alors que l’armée régulière est largement montée en compétences, que la situation géopolitique requiert une forte aptitude à la projection (Afrique, notamment), la
compagnie est-elle vouée à se réorganiser une nouvelle fois pour correspondre à un nouveau type d’engagement hors des frontières nationales ? cela était-il possible sous l’égide de son
chef fondateur ? la disparition de ce dernier est-elle un obstacle à cette évolution ou était-il au contraire prêt à relancer cette dynamique ? Une autre figure peut-elle
« hériter » du groupe, en étant un homme de confiance pour le pouvoir, comme pour les membres et ses financiers ? Il est vain de tenter de répondre sans plus d’information. On
remarquera simplement que Prigojine était un homme d’affaires sans formation militaire ; son talent résidait dans sa capacités d’organisation et (un peu trop) de com’. Son adjoint
militaire Dmitri Utkine était un Lieutenant-Colonel du GRU jusqu’en 2013, et a péri dans l’avion avec Evgueni Makaryan, Alexander Totmin et Serguei Propustin, également des commandants
militaires du groupe[24]. Enfin, il n’est pas sans intérêt que l’avion qui les transportait avait décollé de Moscou, pour se rendre à St Petersburg (siège de Wagner), au retour
du Mali (en préparation d’un déploiement au Niger ?).
Unanimement, la responsabilité de Kiev, des USA et des Britanniques a été exclue. Cela ne coule cependant pas de source.
Les services ukrainiens ont managé de nombreux assassinats sur le sol russe (Daria Duguina, « Vladen Tatarian », tentative sur Zakar
Prilépine…). Le pilotage de drones à court rayon d’action pour attaquer des bâtiments à Moscou et dans d‘autres centres urbains, les arrestations régulières par le FSB, démontrent
qu’il y a un vivier d’agents sur le territoire russe. Quel serait l’intérêt de frapper sans revendiquer ? Nous n’en savons pas assez. Liquider Prigojine soulageait la pression au
Nord face à Minsk, et pourrait être un signal adressé au pouvoir de Moscou, par des canaux non publics. En fonction des suites, la disparition du leader pourra
impacter l’efficacité du groupe, ou pas (v. Infra)
Les Britanniques sont acharnés dans la lutte contre la Russie et leurs services sont compétents et rompus aux assassinats ciblés et aux actions
clandestines. MI6 et SAS et SBS sont déployés en appui des kiéviens et disposent de la capacité requise pour opérer cette frappe. Si la non-revendication publique est
habituelle[25] concernant un Etat non belligérant, on peut s’interroger sur l’intérêt de l’action et sur la date. Faute d’information en interne, on
ignore quels échanges peuvent exister entre les Etats qui s’affrontent. Le moment est peut-être une question d’opportunité, ou en rapport avec la situation sur le front. L’objectif
peut aussi bien être de soulager Kiev, que de contrecarrer l’intervention russe en Afrique.
Les mêmes éléments s’appliquent à Washington. Les Anglosaxons étant maitres de la manipulation tordue, pourquoi ne pas imaginer que l’assassinat serait
destiné à entacher l’image de V.V. Poutine, non pas en Russie, auprès de leurs propres populations ?[26]
On n’ose espérer que la France serait encore capable de mener des opérations à haut profil de ce type, par exemple en réponse à l’éjection du Niger,
mais qui sait ?
Le champ intellectuel est donc très ouvert, mais aussi très incertain, et les hypothèses demeurent fragiles par manque d’éléments pour les étayer ou les
réfuter.
Les outsiders
Le conflit entre le chef de Wagner et l’état-major russe, le ministre Shoigu et le CEM Guerassimov était une réalité bien connue, notamment par les
déclarations enflammées de Prigojine. (Certains internautes ont même ironisé avec humour noir que Prigojine avait enfin reçu les missiles qu’il demandait à Shoigu…). La position des deux
responsables militaires a été confirmée par le président, mais les critiques sur leur conduite de la guerre ne sont pas apaisées. Face à un Vladimir Poutine extrêmement rationnel, calme
et prudent (notamment par rapport au risque de dérive entre Etats nucléaires), il existe un « parti extrémiste », qui souhaite une action plus drastique contre Kiev et
l’OTAN, en même temps qu’une remise au pas plus forte de la société civile russe. A la différence des USA, ils ne représentent pas le complexe militaro-industriel et le président russe
dispose d’une marge de manœuvre plus forte que son homologue étatsunien. Néanmoins, il ne peut négliger une partie de son socle de soutien. Le général Surovikine, en résidence surveillée
depuis le putsch,
malgré sa prise de position de l’époque, est désormais libre, mais démis de ses fonctions de chef des forces aériennes. Il était proche de Prigojine et sa stratégie efficace (on lui doit
la ligne de défense actuelle qui bloque les assauts de Kiev, ainsi que la politique de bombardement en amont sur les centres ukrainiens) créait une rivalité de fait avec le commandement
supérieur (il avait d’ailleurs été réassigné sous l’autorité de Guerassimov lors de la réorganisation des forces fin 2022). D’autres figures, comme le fameux « Igor Strelkov »
ont été mis en détention, essentiellement pour avoir trop critiqué le président et la politique russe dans le Donbass et face à l’OTAN. Là encore, il faut limiter les hypothèses faute de
moyen de les confirmer. On peut néanmoins noter qu’il s’agit peut-être là de l’opposition typique qui se crée entre responsables du terrain, focalisés sur leurs objectifs immédiats, et
décideurs politiques qui doivent composer avec d’autres impératifs qu’opérationnels, notamment dans le cas d’une nation nucléaire. L’Histoire propose plusieurs exemples comparables. Il ne
faut pas oublier que V. Poutine, dès 2001, avait une vision sur le long terme, qui prévoyait le développement intérieur de la Russie, la stabilisation démographique, le repositionnement
géopolitique, la souveraineté économique. Avec l’exploitation du Nord que va permettre le changement de climat, l’alliance avec la Chine dans le cadre de l’OCS, l’affermissement des
BRICS, la Fédération de Russie doit mener des chantiers, qui font de la guerre en Ukraine quasiment un épiphénomène[27]. Cela posé, il paraît très hautement improbable que les hauts chefs militaires aient décidé de liquider Prigojine sans l’aval présidentiel.
Les inattendus
L’implication des têtes militaires au plus haut niveau semble plus qu’improbable. Cela n’interdit pas de s’interroger sur une action décidée à un niveau de
commandement inférieur[28]. La perte de plusieurs hélicoptères et d’un avion de guerre électronique IL 22 avec son équipage complet, lors de la sécession a laissé un goût
amer à certains. Pragmatique, le président avait accordé une immunité afin de limiter le risque d’aggravation, de la même manière qu’il avait géré par l’apaisement la destruction d’un SU
22 russe par deux F 16 turcs en 2015, pour ne pas remettre en cause sa grande stratégie dans la région et la relation avec Erdogan. L’exercice du pouvoir impose parfois des sacrifices,
voire des reniements, l’histoire de France au XXème siècle
en fournit des exemples. Peut-on imaginer qu’un officier supérieur ait pris sur lui de venger la mort de camarades ? La concordance des dates est frappante[29], les aéronefs militaires ont été descendus le 24 juin, et le jet du
« cuisiner » le 24 août. Les Wagnerites avaient employé des missiles Strela 10
et justement l’Embraer de Prigojine était à portée de ces mêmes lanceurs (altitude maximale de 10 000 mètres). Pour rappel, le point de départ de la sédition en juin était les
accusations de Prigojine contre les forces armées, qui auraient sciemment bombardé ses troupes. Ces allégations s’étaient multipliées, et un officier supérieur régulier avait même été
arrêté et passé à tabac par les « Musiciens ». Un site Instagram de Wagner affirme d’ailleurs le 25 août que l’avion a été abattu par la DCA russe.
Les dispositifs capables d’atteindre un aéronef en croisière haute sont les Strela 10,
les Osa (guêpe)
de la version la plus moderne, les Buk (hêtre), les Pantsir (carapace,
dernière version également) et Tor.
Ils peuvent être sur châssis motorisés, mais nécessitent tous d’être servis par un équipage et il semble très hautement improbable de pouvoir leur faire quitter leur aire d’implantation
et de les employer, sans être repéré. Notons toutefois que l’avion a été détruit à proximité de la base aérienne de Migalovo (Tver), laquelle comprend évidemment des armements de défense
de site. Le trajet de l’avion passait dans le rayon de la base aérienne de Klin, et ceux des régiments antiaériens 93, 584 et 549, mais leur proximité avec Moscou et leur éloignement du
site du crash (à
347 km) permettent d’écarter leur implication. Cependant, imaginer qu’une autorité militaire, même subalterne, puisse décider d’initiative de déclencher ces moyens et de penser échapper
aux conséquences semble irréaliste, sinon extrêmement inquiétant sur le niveau de discipline et de contrôle au sein de l’armée fédérale. Evidemment, l’étude du Réel démontre qu’il existe
des aberrations et des anomalies statistiques (« cygnes noirs »), parfois incroyables.[30]
Certains analystes évoquent la possibilité d’une action par des groupes clandestins au sein de l’appareil étatique russe. En effet, le lobby des liberalni n’a
pas été éradiqué en Russie par la SVO ; il comprend des membres dans les services de l’Etat, y compris les ministères de force, les élus et les chefs d’entreprise, y compris les plus
riches. La thèse[31] est celle d’une opposition sourde et clandestine au sein de la société russe, pour s’opposer à la politique présidentielle, et en particulier
à la SVO en Ukraine et la lutte avec l’OTAN, pour des raisons idéologiques et/ou économiques. Cette vision peut être croisée avec l’hypothèse d’un tir non autorisé par des militaires,
illustrant une sorte de perte de contrôle de l’Etat avec un risque de résurgence du chaos des années 1990. Cela nous paraît toutefois a
minima incertain, même si l’absence d’informations ne permet de récuser ou valider aucune hypothèse.[32]
Pour tenter d’être le plus exhaustif possible dans ce tour d’horizon, il faut rappeler que Evgueni Prigojine était d’abord un homme d’affaires qui
fréquentait des milieux interlopes et dangereux, incluant des personnes disposant de ressources criminelles, financières et techniques, considérables. Un règlement de compte de type
maffieux ne devrait donc pas être écarté d’un simple revers de main.
Enfin, compte tenu du profil des passagers, il n’est pas exclu que les bagages transportés aient pu contenir des armes, munitions et matériels militaires
divers, dont, éventuellement des explosifs. Une manipulation accidentelle aux conséquences dramatiques ne peut être écartée de manière rédhibitoire du fait de l’expérience des personnels
concernés. On est souvent stupéfait de erreurs de sécurité commises par des professionnels pourtant très qualifiés, souvent par routine.[33]
Conclusion
Faute de disposer d’éléments solides et recoupés, notre seule ambition était d’ouvrir les pistes de réflexion en laissant chacun libre d’interpréter les
informations recueillies. La conclusion reste donc totalement ouverte.
[1] Private military Compagny, traduit en français par société militaire privée, SMP pour le russe Частная Военная Компания (ЧВК)
[2] Il y a déjà des témoins qui affirment avoir vu Prigojine en Afrique…
[3] Voir le bulletin STRATPOL N° 148. Certains sites évoquent quatre pannes ayant affecté cet appareil acquis en troisième main par Wagner en 2018
[5] L’aéronef a effectué un changement de cap sur demande de la tour de contrôle
[6] Des vrais, notamment l’ancien pilote de rafale de l’aéronavale Pierre-Henri CHUET sur son site ATE CHUET topgun2SPEAKER, toujours très
professionnel, technique et ne polluant pas ses études par des polémiques inutiles
[7] Arrachage possible par l’action des forces aérodynamiques lors du début de vrille à plat
[8] Ce qui peut s’expliquer par la rupture du circuit hydraulique
[9] On a vu des appareils pressurisés détruits par le volume d’explosif contenu dans une simple cannette
[10] Le nombre de destruction d’aéronefs par suite d’actes de malveillance atteste de l’impossibilité de prévenir totalement ce risque, les modes
opératoires et les technologies changeant souvent et rapidement.
[11] Le « coulage » des armements livrés à l’Ukraine présente d’ailleurs un risque considérable, supérieur à celui des FIM Stinger fournis
par la CIA aux Moudjahidines afghans contre les Soviétiques et péniblement récupérés par la suite. En effet, ces systèmes connaissant une péremption programmée (notamment de la BCU), mais
elle ne concernera les équipements les plus modernes livrés à Kiev que dans plusieurs années
[12] Assassinat le 6 avril 1994 à Kigali du président rwandais Juvénal Habyarimana et du président Burundais Cyprien Ntaryamira lorsque leur avion
Falcon 50 a été abattu par un missile SA 16 tiré par la partie Tutsie, dans des conditions précisées par P. Barril, mais écartées par la Cour pénale internationale sur le Rwanda, et peu
exploitées par la justice française, dans un contexte politique post-génocide très complexe pour Paris.
[13] Il a été évoqué dans certains cercles que Nikolai Platonovitch Patrushev, ancien directeur du FSB après VV Poutine, resté un proche et connu pour
sa ligne dure, aurait été mandaté pour liquider la sédition
[14] Avouons que nous avions nous-mêmes penché vers cette hypothèse, que l’analyse nous rend beaucoup moins évidente.
[15] Une invention des Arabes reprise par les communistes pour nier la Providence, comme l’on sait…
[16] Officiers des services spéciaux ayant trahis, journalistes, responsables politiques et militaires, oligarques, tous en mesure d’exercer une
action significative et capables d’altérer la volonté de l’Etat
[17] Sans revenir sur l’analyse, la destruction d’un convoi motorisé s’étendant sur des centaines de Km d’autoroute n’était pas techniquement d’une
difficulté suffisante pour inhiber une réaction militaire et la négociation semblait donc ressortir d’une volonté initiale et d’un refus de verser le sang russe
[18] Cela dit, les relations des dirigeants politiques avec les groupes criminels et les manipulations des services spéciaux occidentaux brouillent
les cartes ; on songe par exemple à l’empoisonnement de l’ancien président ukrainien et à la curieuse affaire Skripal (présentée dans un thriller écrit
par un ancien des services, avant les faits)
[19] Par exemple, à l’occasion de la destruction du sous-marin russe Koursk et du refus de recourir à l’aide internationale
[20] Avec l’exception curieuse du général ukrainien chef des forces aériennes, ou bien lorsque l’aveu sert les demandes d’appui
[21] L’interprétation occidentale qui fait du Kremlin l’antre d’un nouveau Gengis Khan ou Ivan Grozny et phantasme sur une forme d’exotisme barbare,
fascinant et repoussant à la fois, en évoquant l’habitus
criminel supposé du dirigeant russe, semble un biais cognitif affectant l’analyse : c’est un fait, dans le cadre de la politique de puissance, les Etats, dont la Russie, pratiquent
l’élimination lorsque cela est jugé nécessaire. Le prix Nobel de la paix Barak Obama a certainement fait liquider plus de personnes que Vladimir Poutine n’a dû sanctionner d’éliminations
cibles.
[22] Non pas les revendications quasiment catégorielles d’un PDG perdant la main sur sa société, mais les accusations sur la gestion de la guerre par
l’Etat-major et le malaise social en Russie
[23] Outre les pionniers en la matière de Executive Outcome en Afrique, Dyncorps, Blackwater,Vinnel, L3-MPRI, Aegis, etc… ont déployés leurs troupes
en Afghanistan, en Irak, en Amérique latine, en Asie centrale, dans les Balkans et en Afrique.
[24] On peut d’ailleurs s’étonner de ce Wagner ait mis « tous les oeufs dans le même panier » lors de ce vol
[25] On peut penser que les quasi-aveux du président US et de l’éphémère première ministre britannique concernant Nord Stream étaient des gaffes
imputables à la sénilité de l’un et à la bêtise, ou disons l’inexpérience, de l’autre. Même le SBU nie sa responsabilité dans les actions homo le plus souvent
[26] Le président Biden a déjà qualifié son homologue russe de criminel, de boucher, a souhaité sa mort ; les narratives qui
ont conditionné l’opinion reposent sur la définition d’un ennemi monstrueux et sans scrupules,par une reductio
ad hitlerum classique.
[27] On peut penser que l’insistance de Washington à prolonger le conflit n’est pas étrangère à la volonté de semer autant d’obstacles que possible à
ces grands projets
[28] Questionnement partagé par Xavier Moreau dans son bulletin hebdomadaire
[29] Les coïncidences sont toujours suspectes. Néanmoins il faut éviter d’attribuer une logique a
posteriori en reconstruisant des événements
[30] Dans un contexte certes différent, des aéronefs commerciaux ont été détruits par suite d’erreurs humaines, soviétiques, nordaméricaines,
iraniennes, françaises…
[32] Quant à l’idée d’une manipulation du pouvoir pour réveiller le spectre de la guerre civile – certes évoqué par le président russe lors de son
discours de juin sur la sédition – afin d’affermir son contrôle social, cela nous paraît hautement improbable, car l’opération spéciale fournit déjà ce moyen et la popularité du président
est considérable
[33] Même si l’âme slave et la Vodka multiplient parfois cette tendance, elle est loin d’être réservée aux Russes et, d’expérience, elle s’observe
étonnement souvent chez des professionnels occidentaux.
Mort d’Evgueni Prigojine : Où et quand l’avion aurait pu être saboté
Connaîtrons-nous un jour les circonstances exactes du sabotage de l’avion de Prighozin, les protagonistes, le mobile ? Difficile à dire. L’enquête débute et nul ne peut savoir comment elle
va se dérouler, ni si elle ira au bout de la vérité. Mais jusqu’à présent, que n’avons-nous entendu ou lu dans les médias occidentaux, prompts à incriminer sans réserve le Kremlin, afin de
noircir un peu plus l’image d’un Poutine sanguinaire dans l’opinion publique. Une aubaine ! Le journalisme mainstream s’est muté en outil de propagande atlantiste, avec une totale absence de
discernement, d’objectivité, et donc de déontologie. La presse écrite et audiovisuelle de l’UE est devenue, sans complexe, partie prenante du narratif belliciste engagé par la CIA. Alors que les
responsables politiques européens ne cessent de fustiger Moscou pour ses soi-disant entraves à la liberté de la presse, c’est dans cette même presse, en Russie, que l’on commence à avoir des
informations un tant soit peu sérieuses sur les circonstances de l’accident. Entre visiteurs inattendus accueillis dans l’avion et changement
d’un turborefroidisseur « arrivé » comme par hasard des États-Unis, les journalistes de MK.ru ont rassemblé des informations intéressantes.
Voici à quoi ressemblait l’intérieur de l’avion. Photo : T.ME / vchkogpu
Cet article initialement publié sur le site mk.ru n’engage pas la
ligne éditoriale du Courrier
Cinq jours après la crash de l’avion Embraer
135BJ Legacy 600 avec à son bord le fondateur de la compagnie militaire privé Wagner, Yevgeny Prigozhin, l’enquête a officiellement confirmé sa mort et celle de ses associés. Mais
aucune version officielle n’a été publiée. L’affaire pénale a été ouverte en vertu de l’article 263 du Code pénal : « Violation
des règles de sécurité routière et d’exploitation du transport aérien, entraînant la mort de deux personnes ou plus ». Bien que la grande majorité des experts soient enclins à la
version consistant à mettre de côté une bombe à bord, nous avons mené nos propres recherches et fait quelques découvertes.
Nous nous sommes posé trois questions dans notre enquête : Où et comment une bombe pourrait-elle être posée à bord d’un avion ? Qui étaient les étrangers
qui sont entrés dans la cabine peu avant le départ ? Quel genre de passager était Eugène Prigojine ?
Deux avions et une réparation express
Evgeny Prigozhin utilisait deux avions : Un Embraer
135BJ Legacy 600 – immatriculé 02795 et un Hawker
800 (anciennement appelé BAe
125-800) – immatriculé 02878. Jusqu’à récemment, le Hawker a été le plus souvent affecté aux vols de Prigojine. Ce dernier l’a notamment piloté pendant presque tout le mois de
juin.
A cette même époque, l’Embraer (Legacy)
faisait l’objet d’une maintenance annuelle programmée dans l’un des hangars de l’aéroport de Cheremetyevo, près de Moscou, réalisée par Jet Flight Service. Le 25 juin, L’Embraer 02795
était à nouveau prêt à voler. Et c’est dans cet avion que le fondateur de Wagner a effectué sa fuite historique de Rostov vers Minsk, au lendemain de la mémorable rébellion du 24
juin.
Le 18 juillet, un évènement inattendu s’est produit : Le turboréfrigérateur, ou, plus simplement, le climatiseur, est tombé en panne. L’Embraer a
donc de nouveau été mis en attente à Cheremetyevo. Artur Minchenkov – directeur technique de la société exploitante MNT-aero – a commencé à rechercher un turboréfrigérateur de
remplacement. Avec les sanctions occidentales, ce n’est pas facile, et les recherches s’éternisent. Au début, il était prévu de recevoir l’équipement dans les 10 jours. Mais l’attente a
duré près d’un mois. La pièce nécessaire a été achetée pour 7 millions de roubles (à peu près 68.000 euros).
Fait intéressant : Lors du dédouanement du turborefroidisseur à l’entrepôt de l’aéroport, l’équipement neuf est tombé et a été endommagé. C’est du moins cette
version qui a été présentée par le fournisseur. Or, par une étonnante coïncidence, l’entreprise avait commandé non pas un, mais deux climatiseurs et, pour ne pas provoquer de scandale, elle
a décidé d’installer un deuxième appareil à bord. Les opérateurs eux-mêmes ne croient pas vraiment à cette histoire, et il est plus probable que le délai de livraison n’ayant pas été
respecté, l’entreprise, voulant éviter toute perte de réputation, a simplement fourni le turborefroidisseur qui était en stock « au cas où ».
Pendant tout ce temps, l’avion se trouvait sur une zone dégagée de l’aéroport de Cheremetyevo. Trois personnes ont eu accès à l’Embraer pendant
la réparation : Deux ingénieurs, Sergueï Kitrish et Alexey Anshukov, ainsi que le directeur technique, Minchenkov. L’installation du turborefroidisseur a commencé le matin du 19
août et s’est terminée dans la soirée du 20 août.
Quelques avis d’experts
Rappelons tout d’abord qu’un turborefroidisseur d’avion a pour fonction de maintenir une atmosphère viable à l’intérieur de l’habitacle. Car pendant le vol, la
température extérieure atteint les – 60 degrés. Ce turborefroidisseur est situé dans le système de climatisation. L’air pénètre dans celui-ci par les moteurs et atteint des milliers de
degrés, résultat de la combustion du kérosène. Par conséquent, afin de continuer à laisser entrer un air qui pourra être respiré, un turborefroidisseur est utilisé.
Le pilote militaire, ancien vice-ministre de l’aviation civile de l’URSS, Oleg Smirnov, s’est montré sceptique quant à la version d’une bombe dans le
turborefroidisseur, bien qu’il ait admis que les engins explosifs modernes, en raison de leur petite taille, peuvent être installés partout : « Les
bombes modernes, bien que de la taille d’une boîte d’allumettes, portent une charge très puissante. Donc peu importe où ils l’auraient implantée ».
Un autre expert en aviation, Roman Gusarov, précise que le turborefroidisseur est installé dans le fuselage, dans le système de conduits d’air : «
Entre
la coque extérieure du fuselage de l’avion et le revêtement ». Bien que tous les avions aient une disposition différente des moteurs, le turborefroidisseur était très probablement
situé plus près de l’aile. L’expert ajoute que, théoriquement et sous certaines conditions, un explosif pourrait être placé dans un turborefroidisseur lors de la livraison.
Date de décollage décalée et visiteurs soudains
On sait déjà comment Eugène Prighozin a passé les derniers jours avant sa mort. Peu de temps avant la tragédie, il s’est envolé pour Moscou depuis
l’Afrique. Bien qu’après la « mutinerie », il soit devenu un invité assez rare dans la capitale russe, il se rendait souvent à Minsk et à Saint-Pétersbourg. Une précision intéressante
: A Saint-Pétersbourg, Prigojine était toujours récupéré par un hélicoptère après l’atterrissage. Et à Moscou, il arrivait souvent à l’aéroport non pas par voie terrestre, mais par
avion.
Les plans de Prigojine pour le 20 août changeaient périodiquement. Initialement, le vol de Moscou à Saint-Pétersbourg avec l’Embraer était
prévu le 22 août à 21 heures. Mais les passagers ne se sont jamais présentés à Cheremetyevo. Et à 23h00, des informations ont été reçues selon lesquelles le vol était reporté à 17h30 le
23 août.
Le nombre de passagers a également changé de manière inattendue. Si à 23h11 des informations mentionnaient que trois personnes participeraient au vol, le 23
août à 14h25, le nombre de passagers est passé à sept. Cependant, cette information n’a pas beaucoup perturbé l’équipage, car l’Embraer dispose
de 13 sièges passagers (contrairement au Hawker qui
n’a que 9 places).
Dans la matinée du crash, des visiteurs imprévus sont montés à bord de l’Embraer. Et,
bien sûr, l’enquête leur porte une attention particulière. Il s’est avéré que l’avion Embraer avait
été mis en vente et, le jour de l’accident, il avait été visité par des amateurs qui avaient répondu à la proposition de vente.
Initialement, les acheteurs potentiels souhaitaient inspecter l’avion le samedi 19 août. Mais on leur a répondu que c’était impossible : L’installation d’un
nouveau turboréfrigérateur était en cours. La visite a donc été reportée au 23 août. Et c’est là que réside un petit mystère. Les négociations ont été menées par la gérante qui
s’occupait de l’avion, Natalia Minibayeva. Le vol étant initialement prévu pour le 22, elle devait savoir que le 23 août, l’avion pourrait ne plus être à Cheremetyevo… Cependant, il se
peut qu’elle ait tout simplement oublié de modifier l’horaire. Bien que cela soit peu probable : Minibayeva travaille avec Prigojine depuis plus de 8 ans. Très probablement, la gérante
savait que l’avion décollerait de Moscou non pas le 22, mais le 23, mais pour des raisons de confidentialité, elle n’en a pas fait mention.
Les visiteurs pour l’achat étaient Alexandra Yulina et Sergey Klokotov. Le 22, ils ont envoyé des scans de leurs passeports : C’est une condition
préalable à l’embarquement. Toutefois, Yulina n’a pas fourni un passeport civil général, mais un passeport étranger pour accéder à la zone de l’aéroport. Les deux acheteurs potentiels
étaient accompagnés du copilote Rustam Karimov, lequel est décédé ce soir-là avec Prigojine, et Minibayeva. Il s’avère que l’homme et la femme ont été observés tout le temps, c’est-à-dire
qu’ils n’avaient même pas la possibilité de laisser un objet étranger à bord de l’avion. Ils sont restés à bord pendant environ une heure, de 9h30 à 10h30.
Un certain nombre de chaînes de télégrammes ont rapporté que Yulina et Klokotov occupent des postes de direction au sein de la compagnie aérienne RusJet, laquelle
souhaitait acquérir l’Embraer. Selon
nos informations, Alexandra Yulina a dirigé un cabinet de conseil : « Zet Consult ». Elle vient de la région de Saratov, y est immatriculée encore à ce jour et possède une
voiture Mercedes-Benz GLC-KLASSE. Nous
avons appelé RusJet, et ces derniers nous ont dit qu’ils connaissaient effectivement Yulina, mais ils n’ont pas souhaité poursuivre la conversation. Quant à Sergei Klokotov, originaire de
Yegoryevsk, près de Moscou, il était répertorié en tant qu’employé de la société Bykovo-Service et avait de petites dettes liées aux amendes pour infractions au code de la route. A notre
question concernant sa visite à bord de l’Embraer,
il nous a répondu : « Je
ne comprends pas de quoi vous parlez » et a interrompu la conversation.
A 16h23, le pilote de l’avion a informé que les passagers étaient en route et qu’ils seraient arrivés d’ici 1h – 1h20. Par conséquent, l’Embraer a
décollé dix minutes plus tard que prévu.
La dernière information sur le déroulement du vol est un message de l’hôtesse de l’air Kristina Raspopova à 17h40 : « roulage ». Puis plus tard,
l’équipage a cessé de communiquer.
Explosion sous le siège et endroit marque-page
Il est déjà clair que les événements à bord de l’Embraer se
sont déroulés rapidement. A un moment donné, la trajectoire de vol de l’avion a changé : Il a pris soudainement de l’altitude – près de 1 000 mètres – puis il tombe dans une vrille plate et
chute tout simplement, sans l’aile droite et le stabilisateur : Les deux ont été arrachés lors de l’explosion.
Qu’a-t-il pu se passer ? Très probablement, après avoir entendu une explosion à l’arrière, le pilote a instinctivement tiré le volant vers lui. L’avion
est donc monté brusquement. Presque aussitôt, son aile droite est tombée. Dans le même temps, le stabilisateur s’est arraché, des parties de l’avion ont volé dans des directions
différentes de la trajectoire de vol : L’aile à droite, le stabilisateur à gauche. La distance qui les séparait au sol après la chute était d’environ 7kms. Les passagers et l’équipage
ont presque immédiatement perdu connaissance : Soit à cause du barotraumatisme qui en a résulté, soit à cause des chutes de pression et de température résultant de la
dépressurisation. Cependant, même conscients, ils n’auraient pu en aucune façon influencer le cours des événements.
Les sources de MK au sein de la communauté d’experts ont étudié le schéma du crash de l’Embraer,
et partant de l’examen de l’accident, ils ont suggéré que l’engin explosif se trouvait certainement dans la cabine, plus précisément dans la zone de fixation de l’aile : « La
nature des destructions et l’évolution des événements suggèrent que l’explosion s’est produite à l’intérieur de la cabine », a expliqué l’un de nos interlocuteurs, ajoutant :
« Peut-être
que l’appareil était placé sous le siège du côté droit de la cabine. Mais certainement pas dans le châssis ».
Toutefois, une autre question se pose : Comment cet explosif a-t-il été déclenché ? Supposons qu’une bombe soit placée dans le turborefroidisseur qui a été
changé avant le décollage. Le système de climatisation commence à fonctionner à l’aéroport avant même le décollage : Lorsque les portes se ferment, une pression particulière est créée, et le vol
commence donc réellement. Or, il est impossible de démarrer une minuterie, car personne au sol ne sait combien de temps ce système de climatisation sera «piloté ». Il s’avère qu’en plus de
l’engin explosif lui-même, il devait exister un système d’activation à distance… Sinon, cela ne pouvait pas fonctionner.
Note expert a également rejeté la version selon laquelle un capteur de pression aurait pu déclencher le fonctionnement d’un engin explosif dans les airs. La
pression dans la cabine de l’avion est réglée au sol selon certains paramètres et ne change pas durant tout le vol.
Roman Gusarov, déjà cité, a admis que la présence d’un engin explosif dans le turboréfrigérateur pourrait passer inaperçue : En effet, le système peut gérer
l’alimentation en air même avec un corps étranger à l’intérieur : « Oui,
le système fonctionnera plutôt bien. Même si vous n’y mettez pas une boîte d’allumettes, mais une brique. En général, avec une compétence particulière, vous pouvez insérer quelque chose
dans n’importe quel système, dans n’importe quelle pièce de rechange installée ».
Une recherche rapide et un nettoyeur étrange
Si nous supposons que l’engin explosif a été placé dans l’avion au cours des derniers jours (ou heures) avant le vol, le nombre de suspects est de fait limité. Les
enquêteurs devront examiner les caméras de sécurité de l’aéroport de Cheremetyevo à partir du 19 juillet. C’était depuis cette date que l’Embraer était
immobilisé en raison de la panne du turborefroidisseur.
Comme MK l’a appris, selon la pratique généralement acceptée, un avion resté longtemps sur l’aérodrome est périodiquement ouvert pendant la saison chaude. Ceci
est nécessaire pour éviter la formation de champignons dans l’habitacle, y compris sur les dossiers des sièges. Reste à savoir si l’Embraer a
été ouvert pendant qu’il était cloué au sol. D’une manière ou d’une autre, des manipulations réelles dans l’avion n’ont pu être effectuées qu’à partir du 19 août, lorsque l’installation du
nouveau turborefroidisseur a commencé.
En outre, de nombreuses questions ont été soulevées par le fait que l’Embraer était
stationné à l’extérieur. Il est essentiel de savoir que du 1er au 25 juin, lors de la maintenance annuelle programmée, l’avion avait été conduit dans un hangar. Les techniciens
eux-mêmes reconnaissent qu’il est plus pratique d’effectuer n’importe quel travail à l’intérieur. Une des sociétés louant un hangar pour le stockage des avions à Cheremetyevo, nous a
expliqué que garer un avion privé peut coûter entre 100 et 500 euros par jour. C’est peut-être le désir d’économiser de l’argent qui a poussé le propriétaire de l’Embraer à
délaisser la solution du hangar.
Autre point : De façon surprenante, la présence à bord l’avion de Prigojine d’étrangers s’est déjà produite par le passé. Il est vrai qu’à l’époque des
faits, c’était une fausse alerte. L’incident avait eu lieu sur le deuxième avion au service de Prigojine, le Hawker
800, mentionné plus haut. Au printemps, un incident « amusant » s’était produit pendant la maintenance, dans l’un des aéroports. Le nettoyage de l’avion avait été ordonné,
mais le technicien n’avait pas été prévenu. Il avait aperçu un inconnu avec un aspirateur dans la cabine et avait déclaré au service de sécurité que « quelqu’un fouillait à
bord ». Les circonstances de l’apparition d’un inconnu dans l’avion ont immédiatement été examinées. Mais il est vite devenu évident que l’homme de ménage était un employé à temps
plein et sa visite avait été validée.
Pour terminer, ainsi que l’assurent les employés de la société d’exploitation chargés de la sécurité, aucune personne ne pouvait accéder à l’avion de Prigojine sans
passeport.
Source : Agora
Vox - par JM Berniolles - le 26/08/2023.
L’avion transportant Evegueny Prigojine et l’état major de la compagnie Wagner s’était à peine écrasé que les médias et dirigeants occidentaux connaissaient
tout de cette catastrophe aérienne : ‘Poutin did it’ et l’avion avait été abattu par un missile sol/air.
Cette précipitation à imposer une version de cette tragique affaire est naturellement suspecte mais elle a fait l’objet d’une diffusion massive dans les médias
occidentaux afin de l’imposer. Cela impresionnera la conscience collective et l’empêchera de vraiment questionner ces affirmations péremptoires.
Pourtant des problèmes viennent d’entrée gréver cette interprétation officielle des dirigeants occidentaux. Il semble notamment que l’emploi d’un missile
sol/air vienne d’être écarté par le Pentagone qui avance plutôt l’emploi d’une bombe placée dans les bagages ou le train atterrissage. Ce qui élargit le groupe des acteurs potentiels.
Il est donc nécessaire d’examiner toutes les possibilités liées à cet attentat meurtrier qui sont nombreuses et d’une probabilité notable.
Une partie importante de la mystification développée sur cette affaire criminelle, réside dans la focalisation sur la personne d’E Prigojine alors que c’est tout l’état major de la force Wagner qui était
visé et a été éliminé.
Putin did it
De nombreux éléments montrent que V Poutine n’avait aucun besoin ni intérêts à commettre un tel meurtre de manière aussi
spectaculaire et odieuse puisque d’autres personnes sont mortes dans cet attentat.
Evegueny Prigojine par son action armée avait largement démontré les limites de son pouvoir politique et militaire
en Russie. Et s’il avait évité l’emprisonnement c’est qu’il présentait encore quelques intérêts pour le pouvoir russe, non pas en Ukraine mais très certainement en Afrique. Prigojine était aussi notoirement impliqué dans des trafics douteux, de diamants, d’or et autres minerais précieux en Afrique. Le faire tomber sur ce
volet africain était facile. E Prigojine ne représentait donc aucune menace pour le pouvoir
du Kremlin.
Le projet du ministère de la défense russe n’était pas d’éradiquer l’état major de Wagner mais d’intégrer ces forces au sein de l’armée régulière. Du moins pour l’Ukraine. Et il y a sûrement de sa part
l’intention d’utiliser la force Wagner en Afrique.
Dans l’optique des futurs événements en gestation en Afrique à propos du Niger et des menaces armées qui pèsent sur ce pays, l’expérience de la compagnie Wagner qui est indissociable de
son état major est indispensable.
La force Wagner au Mali
La compagnie Wagner est présente au Mali où elle a été appelée par
la junte militaire qui y a pris le pouvoir et chassé la France. Elle y combat réellement avec un certain succès
les djihadistes qui rappelons le sont soutenus et entretenus en sous main par les services secrets US. Au
passage on soulignera aussi que nos « amis » américains ont pour but de bouter la France hors d’Afrique. Ce qui n’est d’ailleurs pas le seul mauvais coup qu’ils nous infligent.
Le Burkina Faso a également manifesté son intérêt pour la force Wagner.
Dans le cadre d’une éventuelle probable action militaire à l’encontre du Niger engagée essentiellement par le Nigeria et peut-être la Côte d’Ivoire,
le Mali et le Burkina Faso se sont engagés à soutenir militairement le Niger. Ce qui implique donc les forces Wagner et modifie ainsi le rapport de forces militaire.
Who did it ?
Les possibilités d’un accident ou d’une action interne à la
compagnie Wagner ne sont pas à rejeter mais peu probables.
Finalement la clé de cette affaire se concentre essentiellement sur la question africaine. Dans l’optique d’une action armée contre le Niger il est absolument nécessaire de mettre hors d’état de nuire les
forces de la compagnie Wagner.
L’élaboration et la participation active de la CIA, assistée des services secrets ukrainiens à cette action criminelle se dessinent ainsi inexorablement.
Est-ce que ces services secrets ont les moyens de perpétrer ce genre d’attentat en Russie ? L’assassinat
de D. Dugina, les attaques aux drones des terrains d’aviation russes et des avions qui y sont stationnés
depuis le territoire russe... même démontrent largement cette possibilité.
Mais cette hypothèse à forte probabilité a peu de chance d’être évoquée dans nos médias et encore
moins de s’imposer bien entendu.
Le décès de Prigojine confirmé par l’expertise génétique, selon le Comité d’enquête russe
Evgueni Prigojine était bien à
bord de l’avion qui s’est écrasé le 23 août, a confirmé le Comité d’enquête russe.
«Des examens de
génétique moléculaire ont été effectués. Sur la base de leurs résultats, l’identité des dix morts a été établie, ils correspondent à la liste indiquée sur la feuille de vol» a
confirmé le 27 août le Comité
d’enquête russe, chargé d’approfondir les circonstances du crash de l’avion de Tver, le 23 août.
Parmi les dix passagers, dont trois membres d’équipage, se trouvaient le dirigeant de la SMP Wagner et son bras droit, Dmitri Outkine.
Le crash de l’appareil, un avion d’affaires Embraer, reliant Moscou à Saint-Pétersbourg, est survenu dans la soirée du 23 août au nord-ouest de la
capitale. L’Agence fédérale du transport aérien de Russie, citant la compagnie aérienne, avait rapporté que l’ancien chef de la société militaire privée Wagner figurait sur la liste
des passagers.
Examinez attentivement cette image. Vous pouvez voir que le train d’atterrissage de l’Embraer se trouve sur les ailes. Les premiers éléments de preuve
indiquent qu’une sorte d’engin explosif a été placé dans l’un des passages de roue ou dans les deux. Sous les ailes, ce qui explique pourquoi l’avion, lorsqu’il a plongé vers la
terre, était intact mais sans ailes.
Je suis persuadé qu’il ne s’agit pas d’un assassinat commandité par Vladimir Poutine. Le timing et le spectacle (c’est-à-dire un crash d’avion sur le
territoire russe) sont défavorables à Poutine. Le sommet des BRICS était en cours et la Russie y jouait un rôle de premier plan. Poutine commémorait également le 80ème anniversaire de
la victoire soviétique à Koursk. Poutine et son équipe connaissent une chose ou deux sur la gestion des relations publiques. Ils ne sont pas dupes. Tuer Prigojine de cette manière n’a
tout simplement pas de sens.
Qu’en est-il du GRU ? L’ont-ils fait ? Je ne le pense pas. Wagner est une création du GRU et Prigojine n’était rien de plus qu’une figure de proue. Si
le GRU décidait que Prigojine n’était pas indispensable, je pense qu’il s’en débarrasserait d’une manière qui lui permette de nier la réalité. L’épave de l’avion au sol en Russie
permettra de récupérer la boîte noire et d’examiner ce qui reste de l’avion. Cependant, mon ami Stephen Bryen avance un argument
intéressant (vous pouvez lire l’intégralité de l’article sur le site de Steve’s
substack) :
«Stephen Bryen
pense qu’Evgueni Prigojine, chef de l’armée mercenaire russe du groupe Wagner, est mort dans l’épave de l’un de ses avions privés le 23 août. Les premières informations font état de
spéculations sur le fait que Prigojine n’était peut-être pas à bord de l’avion.
Bryen est
également convaincu que l’avion a été abattu, et non par une bombe introduite clandestinement à bord ou par un accident mécanique. Mais il n’est pas certain que le président russe
Vladimir Poutine ait ordonné l’assassinat spectaculaire de son allié devenu challenger.
Ancien haut
fonctionnaire de la Défense et cadre de l’industrie de la défense, Bryen pense que l’agence de renseignement militaire russe, le GRU, avait les moyens et le motif d’agir, avec ou sans
l’aval préalable de Poutine».
Steve a écrit ces lignes avant que l’United States Air Force Europe n’annonce que rien ne prouve que la défense aérienne russe ait été impliquée dans
l’abattage de l’avion. D’après mon expérience, cette conclusion s’appuie sur des éléments recueillis auprès d’un large éventail de services de renseignement.
Je pense qu’il est très peu probable que cet accident ait été causé par un défaut structurel ou une mauvaise maintenance. L’hypothèse d’une bombe placée
dans un ou plusieurs passages de roue de l’aile semble la plus plausible. Ce qui soulève la question logique suivante : Qui a pu faire ça
?
Mon premier candidat à la culpabilité (et je répète ce que j’ai dit dans mon dernier message) sont les officiers de l’armée de l’air russe, qui ont
perdu des amis lorsque les forces Wagner ont abattu des avions russes le 23 juin, et qui ont décidé de mener une attaque de vengeance sans se soucier des répercussions politiques. Ils
voulaient que Prigojine et ses acolytes paient pour la mort de leurs amis . Mission accomplie ?
L’attentat pourrait également avoir été perpétré par des membres mécontents de Wagner, dégoûtés par le fait que Prigojine profite de leur sacrifice
physique. Wagner compte un grand nombre d’ex-détenus, mais cela ne signifie pas qu’ils n’ont aucun sentiment de loyauté ou d’amour pour les autres membres de Wagner. Je pense qu’une
autre possibilité sérieuse est que quelques Wagnériens qui en avaient assez des frasques publiques de Prigojine aient décidé de prendre les choses en main.
Troisièmement, un coup des oligarques désireux de créer des problèmes à Poutine. Il y a encore des Russes très riches qui s’irritent de ce que Prigojine
n’ait pas été inquiété pour sa mutinerie du 24 juin et qui reprochent à Poutine d’avoir été trop mou. Ces oligarques ont l’argent et l’accès nécessaires pour saboter l’avion de
Prigojine. Les Beatles avaient tort – l’argent peut acheter l’amour et bien d’autres choses, notamment des types capables de poser une bombe dans un avion.
À ce stade, nous nous livrons à des spéculations éclairées. Une enquête est en cours et je pense qu’il ne s’agit pas d’un écran de fumée destiné à
dissimuler les méfaits du gouvernement russe. J’attends la publication de plus amples informations.
Dans les minutes ou les heures qui ont suivi la mort, mercredi, du chef de l’organisation Wagner Evgueni Prigojine, qui regroupe des entrepreneurs
militaires russes, les médias occidentaux ont publié une avalanche d’articles accusant le président Vladimir Poutine d’être l’auteur de ce crime.
C’est presque comme si on avait appuyé sur un bouton dans un centre de commandement inconnu pour lancer un nouveau récit visant à diaboliser Poutine
pour avoir servi le plat froid de la vengeance à Prigojine, pour reprendre les mots récents du directeur de la CIA William Burns, pour avoir organisé un coup d’État raté en Russie.
Personne ne s’est soucié de produire des preuves empiriques.
«Répétez un
mensonge assez souvent et il deviendra la vérité». La loi de la propagande est souvent attribuée au dirigeant nazi Joseph Goebbels, qui avait compris le pouvoir de la répétition
des mensonges. C’est désormais la boussole de l’Occident pour «effacer» la Russie.
Certes, Poutine avait toutes les raisons d’être agacé par Prigojine – un «coup de poignard
dans le dos», comme il l’a dit – alors que le pays mène une guerre existentielle contre des ennemis jurés qui cherchent à démembrer la Russie. Mais trois considérations
discréditent l’hypothèse de l’implication de Poutine.
Premièrement, pourquoi une méthode aussi grossière qui rappelle l’assassinat du charismatique général iranien Qassem Soleimani, fer de lance de «l’axe
de résistance» de Téhéran contre les États-Unis, par l’ancien président américain Donald Trump ?
Dans son célèbre essai de 1827 intitulé «Le meurtre
considéré comme l’un des beaux-arts», Thomas De Quincey écrivait : «Tout dans ce
monde a deux poignées. Le meurtre, par exemple, peut être saisi par sa poignée morale… et c’est, je l’avoue, son côté faible ; ou il peut aussi être traité esthétiquement, comme
l’appellent les Allemands, c’est-à-dire en relation avec le bon goût». L’esthétique du meurtre de Prigojine est, pour faire simple, la moins séduisante du meurtre si la
motivation était la vengeance.
Deuxièmement, Prigojine était un homme mort en sursis pour avoir mis en scène un acte aussi idiot, après que sa couverture de sécurité lui a été retirée
par l’État. Imaginez l’ex-président Barack Obama sans protection des services secrets après le meurtre d’Oussama ben Laden, ou Mike Pompeo et Trump se promenant sans sécurité après le
meurtre de Soleimani.
Mais Poutine a clairement indiqué que Wagner aurait encore un avenir et que le pays se souviendrait de son rôle dans la guerre en Ukraine. Poutine a
même invité Prigojine à une réunion au Kremlin. On peut dire que les premières remarques de Poutine sur la mort de Prigojine trahissent une trace de pitié. (ici et ici)
Poutine a déclaré : «Je connais
Prigojine depuis très longtemps, depuis le début des années 1990. C’était un homme dont le destin n’était pas facile. Il a commis de graves erreurs dans sa vie, mais il a aussi obtenu
les résultats nécessaires – à la fois pour lui-même et, lorsque je le lui demandais, pour la cause commune. C’est ce qui s’est passé ces derniers mois».
«Pour autant que
je sache, il n’est rentré d’Afrique qu’hier. Il a rencontré des responsables ici. Il a travaillé non seulement dans notre pays – et avec succès – mais aussi à l’étranger, en
particulier en Afrique. Là-bas, il s’est occupé de pétrole, de gaz, de métaux précieux et de pierres», a ajouté Poutine.
Dans l’empressement excessif à se concentrer sur le meurtre de Prigojine pour diaboliser Poutine, on oublie que celui qui a chorégraphié le crime s’est
également assuré que toute la structure de commandement de Wagner a été éliminée. Bye, bye, l’Afrique !
Dans un avenir proche, personne ne pourra contester l’hégémonie de la Légion française au Sahel ou rivaliser avec le vaste
réseau de 29 bases du Commandement Afrique du Pentagone réparties sur le continent, de Djibouti au nord au Botswana au sud. En d’autres termes, le bras long du «smart power»
russe a été coupé d’un seul coup de lame. Qui en profitera ?
Troisièmement, le meurtre de Prigojine a été mis en scène un jour spécial qui, dans une perspective historique, doit être considéré comme l’heure de
gloire de la diplomatie russe depuis la désintégration de l’ancienne Union soviétique. La réalité d’un «nouveau point de
départ pour les BRICS» – comme l’a déclaré le président chinois Xi Jinping – doit encore être pleinement assimilée, mais ce qui ne fait aucun doute, c’est que la Russie en sort
gagnante.
L’expansion des BRICS signifie que la question d’une monnaie unique de règlement est sur la table et que le système financier international ne sera plus
jamais le même ; la dédollarisation frappe aux portes ; un nouveau système commercial mondial prend forme et rend obsolète le régime d’exploitation occidental vieux de quatre siècles,
conçu pour transférer les richesses aux pays riches ; les BRICS sont enfin passés d’un club informel à une institution qui éclipsera le G7.
Le pays hôte, l’Afrique du Sud, a largement contribué à l’agenda russe et chinois de la multipolarité. La déclaration
commune de l’Afrique du Sud et de la Chine et l’admission de l’Éthiopie (où l’Occident a tenté d’organiser un changement de régime) en tant que membre des BRICS
soulignent l’émergence
d’un alignement en Afrique. Tout cela n’a-t-il pas un sens ?
Et surtout, le grand message qui ressort de Johannesburg est qu’avec tous les chevaux et tous les hommes du roi, l’administration Biden a lamentablement
échoué à «isoler» la Russie – c’est écrit en toutes lettres dans l’éclat resplendissant du sourire effervescent du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. La Russie couronne
ses gains sur les champs de bataille de l’Ukraine par une victoire diplomatique exceptionnelle en se plaçant du bon côté de l’histoire aux côtés de la Majorité mondiale.
Aurait-il été logique que, de tous les jours, Poutine ait choisi mercredi pour jouer les trouble-fêtes alors que le prestige de la Russie était au plus
haut au sein de la communauté internationale ? Une fois de plus, la question se pose : Qui a à y gagner ?
La vérité, c’est qu’il peut y avoir n’importe qui pour éliminer physiquement Prigojine. En Russie même, Prigojine avait recruté des criminels endurcis
qui purgeaient une peine de prison pour qu’ils combattent en Ukraine et obtiennent ainsi une remise de peine. Il les a déployés sans formation militaire adéquate et plus de 10 000
d’entre eux auraient été tués. Cette affaire suscite un profond sentiment de répulsion au sein de la Russie.
Il y a aussi les ennemis extérieurs, à commencer par la France, qui a été pratiquement évincée de la région du Sahel, son terrain de jeu où elle
s’amusait comme ancienne puissance coloniale jusqu’à ce que Prigojine vienne gâcher la fête. Depuis, la France a du mal à cacher sa rancœur à l’égard de la Russie.
Entre-temps, la crise qui se préparait au Niger a alerté les États-Unis sur le fait que Prigojine était à l’affût. La redoutable secrétaire d’État par
intérim Victoria Nuland, qui a orchestré le coup d’État de 2014 en Ukraine, s’est rendue à Niamey pour implorer les putschistes de ne pas collaborer avec Wagner.
Cependant, Prigojine se serait faufilée dans le pays voisin, le Mali, où Wagner est bien établi, dans le but d’établir un contact avec les nouveaux
dirigeants du Niger et de proposer les services de Wagner. En d’autres termes, Prigojine menaçait de faire au Pentagone ce qu’il avait déjà fait à la Légion française au Sahel.
Il est tout à fait concevable que l’administration Biden ait décidé que trop c’était trop et que Wagner devait être décapité. Bien entendu, le départ de
Prigojine et de son noyau de commandants supérieurs affaiblira Wagner de manière incalculable.
Pendant ce temps, en Russie, les impitoyables services secrets ukrainiens opèrent à différents niveaux. Les attaques de drones contre Moscou sont
organisées par des saboteurs à l’intérieur de la Russie. Et l’Ukraine a elle aussi un compte à régler avec Wagner, qui s’implante en Biélorussie.
Il ne fait aucun doute que les services de renseignement ukrainiens et leurs mentors occidentaux ont des intérêts convergents pour détruire
Wagner et l’éliminer complètement de l’échiquier géopolitique.
Source : Riposte Laïque - par Valérie Berenger - Le 24/08/2023.
Wagner orphelin certes, mais bien vivant contrairement à ce que l’ensemble des médias « officiels » fanfaronnaient déjà le soir du 23 août à l’annonce du décès
d’Evgeni Prigozhin. L’organisation Wagner, considérée par la France aux ordres de Washington comme « terroriste », poursuivra sa mission tant en Afrique qu’en Biélorussie. Le conseil des
commandants du PMC Wagner fera un communiqué vidéo en temps et en heure.
Prévoyant, il y avait déjà longtemps que son « patron » avait prévu sa succession et si un léger flottement va se faire sentir durant quelques jours au plus haut
niveau, les décisions quant à la mise en place de la nouvelle direction opérationnelle seront prises soyons en certains dans les heures qui viennent. Quand aux équipes sur le terrain, pour elles
rien n’est changé. Les missions décidées se poursuivront quoi qu’il arrive. Alors si certains espéraient ainsi « enterrer » Wagner, c’est raté ! La seule question qui reste en suspens est
: qu’est-il
réellement arrivé à l’avion d’affaires numéro RA-02795 de la société MNT-Aero qui se dirigeait vers Saint-Pétersbourg et qui s’est écrasé dans la région de Tver, en Russie ?
Sans vouloir entrer dans des conjectures délirantes tout peut être imaginé, depuis la banale panne technique jusqu’au missile, en passant par l’attentat terroriste
lié à une bombe à bord. Sergueï Markov, ancien conseiller de Poutine, a affirmé que “le
meurtre de Prigozhin est la principale réussite de l’Ukraine, et tous les ennemis de la Russie se réjouiront.” Quant à papy Jo Biden, lors d’une phase de lucidité bien rare, il a suggéré que
Poutine soit derrière la mort du patron de Wagner : “il
n’y a pas grand-chose qui se passe en Russie sans que Poutine ne soit derrière”. Ce qui n’est pas faux même si le président russe a souvent bon dos !
Un fait laisse néanmoins dubitatif… Chekalov, qui était l’adjoint de Prigozhin pour un certain nombre de questions importantes et notamment l’un des responsables de
la fourniture de munitions, se trouvait également dans l’avion alors qu’en règle générale les deux hommes voyageaient sur des vols différents. Valery Chekalov était le seul à savoir exactement où
se trouvait l’homme d’affaires et à quelle heure puisqu’il était en charge de tous les mouvements et de la logistique du transport.
Alors, hasard bienheureux ou règlement de compte interne donnant raison à Biden dans ses réflexions ? Si l’on en croit l’article de Ivan Mikhalovitch Frakov, de
Rusreinfo publié sur le blog de notre ami Boris Karpov « La
réalité est simple, très simple : Prigozhin a pris la grosse tête et a défié l’autorité suprême du pays, il en a payé le prix ».
Il est vrai qu’Evgeni Prigozhin avait fait récemment couler beaucoup d’encre en tentant de mener un pusch contre Vladimir Poutine qui s’était finalement terminé
sans réel carnage. Installé depuis lors en Biélorussie avec son groupe, il instillait la terreur parmi les forces polonaises qui se massaient à la frontière, persuadées que Wagner allait à elle
seule envahir toute la Pologne.
Lorsque la nouvelle est tombée hier en fin de journée « l’avion
qui transportait Prigozhin s’est écrasé », les secours arrivés sur place n’ont pu que constater que plus rien ne pouvait être entrepris pour les malheureux occupants de l’avion. Au sol,
les débris et les restes des corps sont éparpillés, intimement mêlés en un tableau macabre. L’avion transportait sept passagers et trois membres d’équipage. A priori, il s’agissait d’Evgeni
Prigozhin, de Dmitri Outkine, lieutenant-colonel de réserve et Commandant du groupe Wagner, Valery Chekalov associé aux structures commerciales et adjoint de Prigozhin au Wagner PMC, a priori
responsable du service de sécurité de ce dernier, ainsi que les combattants du PMC Yevgeny Makaryan, Alexander Totmin et Sergey Propustin ; et Nikolai Matuseev, dont on suppose qu’il se trouvait
dans l’avion. Du fait de l’état des corps, seules des analyses ADN pourront confirmer cet état de fait.
Connaissant les méthodes des services russes, il est tout à fait envisageable qu’Evgeni Prigozhin ait en effet « payé
le prix » de ses égarements. Il était par ailleurs étonnant à l’époque que Poutine ait aussi facilement « passé l’éponge » sur les événements. Ce ne serait pas la première fois ni sans
doute la dernière que les Russes « régleraient leurs
comptes en famille » et ce, que Prigozhin ait rendu d’inestimables services à la Russie en Ukraine tout comme en Afrique, n’entrant plus en ligne de compte face à sa trahison du 24 juin
dernier. Mais en temps de guerre on ne peut pas se permettre de laisser la bride sur le cou à quelqu’un qui risque de « péter les plombs » à tout moment. Quand aux “dommages collatéraux”, ce type
de “service” n’en est pas à ça près. Comme nous le disons souvent en France : “on
ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs“.
Depuis hier soir, selon des sources du comité d’enquête RF, les premiers éléments d’investigation laisseraient supposer que des explosifs aient été placés dans la
soute du train d’atterrissage. L’explosion en plein ciel aurait ainsi provoqué l’arrachement de l’aile qui a heurté le stabilisateur. L’avion d’affaires a commencé à chuter rapidement,
passant brutalement d’une altitude de 8500 m à 6000 m jusqu’à partir en vrille. La dépressurisation explosive supposée a dû faire perdre connaissance aux passagers et à l’équipage ce qui explique
qu’aucun message n’ait été envoyé par le commandant de bord. Sans aile et sans stabilisateur, l’avion était perdu. La queue de l’avion est tombée à cinq kilomètres du
fuselage.
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Quelle que soit la véritable raison de la disparition d’Evgeny Prigozhin, c’est néanmoins une mort atroce que de finir éparpillé ‘’façon
puzzle’’ après une chute de 8500 mètres. Quant à la vérité sur ce qui est réellement arrivé au vol RA-02795, nous ne la connaîtrons sans doute jamais !
Il n’en demeure pas moins que Evgeni Prigozhin restera pour beaucoup un grand combattant et un véritable patriote. Paix à son âme.
Valérie Bérenger
Pourquoi Prigozhin devait disparaître
Source : Riposte
Laïque - par Boris Karpov - Le 24/08/2023.
La mort d’Evegeny Prigozhin ouvre la porte aux affirmations les plus diverses, des plus logiques aux plus stupides. La réalité est simple, très simple: Prigozhin a
pris la grosse tête et a défié l’autorité suprême du pays, il en a payé le prix.
Qu’importe que Prigozhin ait rendu d’inestimables services à la Russie en Ukraine mais aussi en Afrique. Avoir, en situation de guerre, organisé une révolte
militaire n’est pas acceptable, d’autant plus quand elle vient d’un homme qui doit tout au président Russe. Vladimir Poutine pour éviter un bain de sang le 24 juin dernier a sagement décidé de
jeter l’éponge, permettant ainsi aux ennemis de la Russie de ricaner sur “l’affront à Poutine” et sur sa “perte de pouvoir”.
Mais la décision était déjà prise: Ni la Russie ni Poutine ne pardonnent aux traîtres et le sort de Prigozhin était scellé.
Il aurait été facile de le faire liquider en Afrique. Mais ceci aurait permis aux “personnes bien informées” en tous genres de prétendre qu’il avait été éliminé par
les Américains, voire par les Français (à supposer que ceux-ci soient capables aujourd’hui d’éliminer quiconque à part quelques Noirs armés de machettes…), ou pourquoi pas par les
Ukrainiens.
Prigozhine est mort en Russie dans des conditions telles qu’il est parfaitement clair que ni les Américains, ni les Français (!) ni les Ukrainiens ni aucun autre
étranger n’en est responsable. Personne n’avouera bien sûr, on n’avoue jamais dans ce genre de choses. Mais pour quiconque a quelques connaissances de la manière dont les choses fonctionnent en
Russie, le donneur d’ordre est parfaitement identifiable.
Ainsi, le message envoyé prend toute sa force: quiconque défie l’autorité de l’État sera liquidé.
Ceci est d’ailleurs parfaitement compris par l’aile la plus dure des Patriotes. On note par exemple que même Igor “Strelkov” que l’on ne peut pas soupçonner de
complaisance envers Vladimir Poutine, avait fortement condamné les actions de Wagner le 24 juin. Ça n’a pas empêché qu’il soit emprisonné pour quelques mois pour avoir défié, verbalement en ce
qui le concerne, le Président Poutine.
Evgeny Prigozhin restera dans les mémoires comme un Patriote ayant de grandes réalisations positives pour la Russie mais ayant eu la folie des grandeurs. La Russie
est en guerre contre l’Occident et l’union derrière le Commandant en Chef doit être totale, les trublions doivent être liquidés.
Prigogine : Fin tragique pour le seigneur de guerre
Source : Riposte Laïque - par Jacques Guillemain - Le 24/08/2023.
La mort de Prigogine, dans un crash d’avion privé avec 9 autres personnes, soulève davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses, ouvrant la porte aux hypothèses les plus farfelues.
On peut penser, comme Boris Karpov, que la vengeance est un plat qui se mange froid et que Poutine a finalement réglé ses comptes avec le traître qui a osé le défier fin juin, en envoyant un
convoi militaire de Wagner sur Moscou.
J’avoue que je n’ai pas compris l’apparente réhabilitation dont a bénéficié Prigogine après sa rébellion contre le Kremlin, alors que Poutine avait déclaré que les traîtres seraient
irrémédiablement punis.
“Tous ceux qui se sont délibérément engagés sur la voie de la trahison subiront une punition inévitable”
Pour moi, ou bien Prigogine était un traître et il devait payer sans attendre
Ou bien Poutine souhaitait le blanchir, mais dans ce cas, cela méritait quelques explications
Or, des d’explications, il n’y en eut point.
Vous me direz que le Tsar n’a de comptes à rendre à personne, mais tout cela reste donc très flou. Prigogine a-t-il été épargné en juin pour mieux le liquider en août ? C’est l’hypothèse la plus
probable. Plutôt que la prison, qui risquait de faire de Prigogine un martyr aux yeux de ses nombreux fans dans le milieu militaire, Poutine a pu faire le choix de l’exécution extra-judiciaire
pour clôturer définitivement le dossier.
L’avion dans lequel se trouvaient Prigogine et le second de Wagner, s’est donc crashé au cours d’un vol entre Moscou et Saint-Pétersbourg.
Ensuite, chacun laissera libre cours à son imagination et les hypothèses vont bon train.
– Prigogine était-il réellement à bord de l’avion, ou bien est-ce une exfiltration déguisée en accident ?
– Un crash avion sans survivant permet aisément de maquiller l’identification des victimes.
– Quelle est la cause du crash ? Accident ? Attentat ? Tir hostile ?
– Au delà d’un règlement de comptes initié par le Kremlin, Prigogine n’avait pas que des amis et pouvait être liquidé aussi bien par les Ukrainiens, les Polonais affolés par la présence de Wagner
en Biélorussie, ou plus simplement pour des intérêts financiers occultes.
À chacun d’imaginer son scénario, mais à mon humble avis, l’explication la plus logique est que le
Kremlin a décidé de présenter l’addition à ce grand patriote, enivré par le succès de Bakhmut, et qui a fini par perdre la raison en défiant le pouvoir. Quel chef d’État
pourrait accepter la trahison en temps de guerre ? En Russie, les traîtres sont liquidés.
Prigogine aura eu une destinée peu commune.
Délinquant sans le sou, il est passé de la prison aux affaires, finissant grâce à Poutine dans la restauration industrielle qui a fait sa fortune. C’est en 2014 qu’il crée le groupe Wagner, qui
va s’illustrer en Syrie, en Libye, au Soudan, en Centrafrique, au Mali. Mais c’est en Ukraine, avec la difficile prise de Bakhmut, cette forteresse que Zelensky ne voulait pas lâcher, que l’aura
de Wagner et de son chef va atteindre des sommets. Pendant des mois, on n’entend plus que Prigogine sur les défaillances du commandement russe. Un discours lassant, je dois le dire.
Une gloire qui aura été bien éphémère et qui lui sera montée à la tête. Après avoir critiqué ouvertement le haut commandement militaire, et surtout après s’être lancé dans une folle équipée
contre Moscou, ce grand patriote ultra-nationaliste, longtemps proche de Poutine, meurt brutalement dans la peau d’un traître à 62 ans. Pourquoi un tel suicide ? Mystère.
Triste fin pour le vainqueur de Bakhmut, ville symbole de la résistance ukrainienne.
De son côté, Wagner a posté sur Telegram un communiqué laconique :
“Evgueni Prigojine, est décédé des suites des actions de traîtres à la Russie”
Curieux message, après la rébellion de Wagner contre le Kremlin…
À chacun de se forger sa propre opinion. Mais je pense que Boris Karpov est dans le vrai.
Jacques Guillemain
Crash de l’avion de Prigojine : Abattu par un missile ?
Crash de l’avion de Prigojine : « C’est caractéristique d’un missile sol-air »
Pour l’ancien aviateur et consultant aéronautique Xavier Tytelman, il n’y a que peu de doutes : L’avion où se trouvait Evgueni Prigojine, le patron de Wagner, a été abattu par un missile.
Mercredi 23 août, un Embraer Legacy 600, petit avion d’affaires biréacteur, décolle de l’aéroport de Moscou, direction Saint-Pétersbourg. À son bord, trois membres d’équipage et sept passagers,
dont, semble-t-il, Evgueni Prigojine, le patron de Wagner, et Dimitri Outkine, chef militaire de la milice qui porte son nom de guerre.
Le signal de l’avion est perdu à 18 h 11. Quelques instants plus tard, une première vidéo est partagée, où l’on voit l’avion descendre en vrille jusqu’au sol avant de s’écraser dans la région de
Tver, à environ 200 kilomètres au nord-ouest de la capitale russe. Il n’y aurait aucun survivant, selon l’agence de presse russe Tass, qui a confirmé la mort de celui qu’on surnommait le «
cuisinier de Poutine », deux mois après sa révolte avortée.
Une enquête a été ouverte pour « violation des règles de sécurité du transport aérien ». Pour Xavier Tytelman, peu de doutes subsistent quant aux raisons du crash. L’ancien aviateur de
l’aéronavale français et consultant en aéronautique juge que seul un tir de missile sol-air a pu abattre l’appareil.
Le Point : Vous avez vu les vidéos de l’avion qui tombe en vrille et celles de la carcasse de l’appareil, quelques instants après le crash. Qu’est-ce qui vous
permet de dire qu’il a été touché par un missile sol-air ?
Xavier Tytelman : Ce qui est intéressant à observer, c’est le tout début de la vidéo quand l’avion commence à tomber. On peut voir un panache de fumée blanche qui s’échappe de l’appareil mais
surtout une espèce de nuage gris, qui a la forme d’un triangle. C’est caractéristique d’un missile sol-air quand il explose. Ensuite, on voit que l’avion a perdu son aile droite. Hormis lors
d’une collision, un avion ne perd pas une aile comme ça.
Sur les vidéos de l’appareil au sol, on remarque de nombreux petits trous dans les débris de la carlingue. Là encore, quand un missile sol-air explose, il peut le faire directement sur la cible
ou à proximité et envoyer des milliers de shrapnels et de débris. Plusieurs témoins affirment qu’ils ont entendu le bruit d’un missile puis deux explosions, c’est pour cela qu’ils ont levé les
yeux au ciel et ont filmé la descente de l’avion. Ces éléments tendent à dire que ce sont sans doute deux missiles sol-air qui ont été tirés.
Il semblerait aussi que le contrôle aérien ait demandé à l’Embraer de modifier sa trajectoire. Cela aurait pu permettre de mieux l’identifier en vol et de ne pas se tromper de cible.
La Russie était connue et réputée avant la guerre pour produire de nombreux systèmes sol-air permettant de défendre différentes zones du ciel face à plusieurs
types d’aéronefs. D’après vous, qu’elle pourrait être l’arme utilisée ? Est-ce que cela permet d’identifier l’auteur du tir ?
Par rapport à la couleur du nuage triangulaire, il s’agirait plutôt d’un Pantsir [système antiaérien sur camion, NDLR] ou d’un Tunguska [système antiaérien sur châssis de char, NDLR]. Ce sont des
systèmes de théâtre d’opérations plutôt petits et suffisants pour abattre un avion comme celui-là, avec des missiles pesant moins de 100 kilos. J’écarte les missiles comme les S300 et S400, de
plus de 1 tonne chacun. Idem pour un système portatif tiré depuis l’épaule, qui n’a qu’une altitude maximale de 4 000 mètres, trop peu pour espérer atteindre l’avion qui volait plus haut.
Il y a plusieurs forces armées en Russie réparties entre l’armée de terre, celle du ministère de l’Intérieur ou la garde nationale, qui sont toutes plus ou moins équipées des mêmes armes.
D’autres hypothèses que celle d’un missile sol-air ont émergé. On parle d’une bombe dans l’appareil, d’un défaut d’entretien en raison des sanctions contre la Russie qui touchent le secteur
aéronautique ou encore de partisans pro-ukrainiens ou de commandos ukrainiens…
S’il y avait eu une bombe, l’avion aurait explosé de l’intérieur. Un avion ne perd pas son aile en cours de vol par manque de pièces détachées, même après un ou deux ans de sanctions. J’ai enfin
du mal à voir comment des commandos ukrainiens auraient pu s’infiltrer à 200 kilomètres de Moscou. Un Pantsir, ce n’est pas une Twingo !
Les médias occidentaux se sont rués sur l’annonce de la mort de Prigogine pour crier au sabotage de l’avion par le pouvoir russe. Pourquoi pas? Mais au Courrier des Stratèges nous considérons que
faire du journalisme ne consiste pas à se précipiter sur la première théorie conspirationniste venue. Nous avions fait preuve de la même retenue lors du coup d’Etat manqué par le même Prigogine,
fin juin 2023, nous avions refusé de nous joindre, par facilité,au chœur de ceux qui criaient à la “maskirovka”, au coup en fait monté entre Poutine et le PDG de l’entreprise Wagner. Nous avons
trop de respect pour nos abonnés pour leur servir le dernier emballement médiatique….
Personne ne sait ce qui est à l’origine de l’accident d’avion qui a coûté la vie à Evgueni Prigogine. Mais cela n’empêche pas les médias
occidentaux, depuis hier, d’assommer leurs consommateurs de certitudes. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas pu alimenter l’image de Poutine en dictateur-assassin de ses
opposants.
La thèse de l’attentat (d’Etat): Une facilité ?
Evidemment, il y a une certaine logique à imaginer que Vladimir Poutine ait laissé la poussière du putsch manqué de juin retomber; et fait frapper à froid. Certes
le président russe avait magistralement mis fin à la tentative de coup d’Etat. Mais il peut être utile d’inspirer la terreur à ses ennemis politiques. D’autant plus qu’Evgueni Prigogine n’avait
pas respecté le cadre de son exil biélorusse. Il était retourné en Russie. Il avait refait parler de lui par une vidéo. Il entendait se refaire une réputation au service de l’indépendance des
nations africaines.
Ajoutons qu’avant-hier 22 août, la rumeur d’un limogeage du Général Sourovikine a couru. Commandant en second de la guerre en Ukraine, on lui avait déjà reproché
d’être trop proche de Prigogine, fin juin.
Le problème c’est que tout cela ce sont des spéculations. Je pourrais tout autant vous expliquer en quelques paragraphes que c’est un attentat, en fait, des
Américains, qui ne supportaient pas l’engagement de Wagner en Afrique. Le FSB savait mais a laissé faire….Si je construis bien mon récit, vous allez me croire.
Tragédie grecque ?
Comme nous le rappelle l’un des plus modestes mais plus profonds historiens français du XXè siècle, Raoul Girardet, dans Mythes et mythologies politiques, les
théories du complot sont une invention de la modernité. Plus précisément, ce sont Voltaire et les “philosophes” qui ont inventé la première théorie moderne du complot: le très imaginaire “complot
jésuite” (qui a conduit à l’expulsion de la Compagnie de Jésus du royaume en 1764). Toutes les autres théories du complot, visant les Juifs, les franc-maçons etc….sont filles de la fascination
moderne pour le “pouvoir caché”.
Au XVIIè siècle, nos pères auraient eu une autre tendance. Nourris de tragédie grecque, ils auraient invoqué la mort accidentelle d’un homme atteint de démesure
(Hubris) et puni, donc, par la Justice(Nemesis) ou le Destin (Les Parques ont coupé soudain le fil desa vie). On imagine comment Shakespeare (lui qui a démoli à l’avance toutes les lubies de
notre modernité) aurait joué avec le récit d’un prétendu complot, voile qui se serait déchiré, lors du dénouement, pour montrer Prigogine victime d’une vengeance d’un proche ou bien de sa propre
colère et impatience qui lui avait fait demander qu’on ne révise l’avion que sommairement pour ce vol.
Tenez, je viens d’inventer deux théories qui pourraient être développées…
Ne soyons pas prisonniers de la culture moderne – en tout cas de ce qu’elle a de plus médiocre.
Le défi du journalisme
Il est très difficile pour un journaliste ou un expert (un “sachant”) de dire “Je ne sais pas”.
Au mois de juin, nous avons refusé la thèse de la “maskirovka” – ah ces mots russes que l’on utilise avec le même snobisme que les mots anglais! Rien ne nous
semblait corroborer la thèse selon laquelle le putsch n’était qu’une mise en scène, convenue, entre Poutine et Prigogine. Nous avons, en plusieurs articles, accumulé un certain nombre d’indices
montrant (1) que le pouvoir russe suivait la trahison croissante de Prigogine depuis au moins six mois et le laissait s’avancer. (2) Que de nombreuses traces existaient de contacts entre
Prigogine et les Occidentaux.
Pourquoi n’adhérez-vous pas à 100%, du coup, à la thèse du meurtre poutinien pour expliquer le crash d’hier, nous demanderez-vous? Parce que pour l’instant, nous ne
savons pas!
Nous savons en revanche ce que nous devons aux abonnés du Courrier du Stratèges. Vous êtes la condition de notre indépendance. Vous avez fait le choix, qui ne va
pas de soi pour tous ceux qui croient que l’information est gratuite, au contraire, de vous abonner à un média. Cela nous oblige. Mais, du coup, nous construisons un pacte de confiance avec
vous.
Vous vous abonnez au Courrier parce que vous pensez utile de lire que, non, quels que soient les soupçons de corruption qui pèsent sur Madame von der Leyen, ses
négociations avec Pfizer n’ont pas influé sur le recrutement de son mari comme consultant d’un laboratoire pharmaceutique. Nous aurions bien aimé alourdir le dossier de la scandaleuse Ursula;
mais rien ne corrobore la thèse d’un conflit d’intérêt dans le cas dont nous parlons. Ou bien vous nous soutenez parce que vous acceptez qu’on vous dise, dans le cas de Prigogine, “pour
l’instant on ne sait rien !”
Je pense que la plupart d’entre vous ont vu un ou plusieurs des nombreux articles relatant la mort d’Evgueni Prigojine dans un «accident d’avion»
aujourd’hui. L’avion, qui se rendait de Moscou à Saint-Pétersbourg, s’est écrasé à mi-parcours dans la République de Tver.
Nous savons avec certitude que l’avion n’a pas explosé en plein vol. Regardez ces deux vidéos.
Dans la vidéo Twitter prise par une femme qui vit dans une ferme en Russie, on peut voir une traînée sur la gauche, puis l’avion apparaît comme s’il
tombait dans une légère vrille. Cela signifie qu’il a perdu presque toutes ses capacités de portance aérodynamique. Les moteurs de l’Embraer 600 (photo ci-dessus) sont fixés près de
la queue de l’avion. Lorsque l’avion tombe, il effectue une légère rotation, ce qui signifie qu’il reste une partie d’une aile encore attachée. Cependant, la plupart des ailes ne sont
pas visibles. La traînée de vapeur qui suit le jet dans sa chute vers le sol est probablement du carburant plutôt que de la fumée.
Qu’est-ce qui a provoqué la séparation des ailes ? Il pourrait s’agir d’un éclat d’obus provenant d’un missile sol-air. J’ai entendu dire que, selon les
services de renseignement occidentaux, plusieurs batteries de SA-20 se trouvaient suffisamment près pour procéder à l’engagement et que ces systèmes étaient actifs (ce qui est plutôt
inhabituel dans cette région) au moment où l’avion de Prigojine les survolait. L’hypothèse d’un abattage est donc envisageable.
Une défaillance structurelle, due à une mauvaise maintenance ou à un sabotage, est une autre possibilité pour la perte catastrophique des ailes.
En raison des liens de Prigojine avec le GRU, je suis toujours sceptique quant à l’histoire présentée initialement. Il est à noter que cela coïncide
avec des messages sur Telegram (non confirmés) selon lesquels Sourovikine est puni/poursuivi et avec les récentes déclarations publiques de Prigojine concernant un rôle militaire plus
important du côté du Niger. Il s’agit là d’une autre liste possible de suspects.
Autre scénario à envisager : Des amis ou des parents (ou les deux) des aviateurs russes tués par Wagner lors de la mutinerie de juin pourraient avoir
pris les choses en main pour se venger.
Je suis sceptique quant à l’affirmation selon laquelle Poutine aurait ordonné cette action. Tout d’abord, Poutine officiait lors de la commémoration du
80ème anniversaire de la bataille de Koursk. J’ai du mal à croire que Poutine ait voulu détourner l’attention de cet événement en donnant le feu vert à l’exécution de Prigojine de
cette manière. Cela ne sert pas les intérêts de Poutine, car la chute de l’avion a également tué des pilotes et d’autres passagers qui n’étaient pas impliqués dans la mutinerie de
Prigojine. Si Poutine avait voulu tuer Prigojine, il l’aurait ordonné plus tôt et l’aurait fait d’une manière beaucoup moins désordonnée. Par exemple, lorsque vous abattez un avion,
vous n’avez aucun moyen de prédire où les débris de l’appareil pourraient atterrir. Bien sûr, l’identification des restes sera un défi. L’avion brûlait au sol et a certainement
consumé au moins une partie des corps.
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un acte de Maskirovka parce qu’il a entraîné la mort d’au moins huit autres personnes dont le profil public n’est pas
lié à celui de Wagner.
Pourquoi ne pas envisager la possibilité d’une mise en scène ? En d’autres termes, aucun passager ou membre d’équipage n’était réellement à bord.
L’Embraer a donc été piloté à distance et abattu afin de plonger les services de renseignements occidentaux dans la frénésie (car c’est exactement ce qui se passe en ce moment) en
essayant de comprendre ce qui se passe ?
Une chose est sûre : Cela alimente le mème selon lequel si l’on croise Poutine, on est un homme mort en sursis. Que cette idée soit vraie ou non n’a pas
d’importance. Si c’est ce que les étrangers croient, alors c’est vrai par définition.
Les autorités russes ont révélé un nouveau rebondissement, ajoutant encore plus de mystère au soulèvement déjà étrange du groupe Wagner et au sort de son
fondateur et leader Evgueni Prigojine.
Les nouvelles soulignent également que les choses vont probablement se poursuivre normalement, les dirigeants de Wagner ne recevant guère plus qu’une tape
sur les doigts.
Le Kremlin a déclaré lundi
10 juillet que le président Vladimir Poutine a effectivement rencontré Prigojine quelques jours après l’éphémère mutinerie qui a
donné lieu à plus d’une douzaine de morts parmi les troupes russes.
Après la «marche sur
Moscou» des convois armés des forces Wagner, qui ont dénoncé avec colère la corruption endémique au sein du commandement de l’armée le 24 juin, la Russie a rapidement
annoncé qu’un accord de cessez-le-feu avait été conclu avec la médiation du président biélorusse Alexandre Loukachenko.
Selon les termes de l’accord,
Prigojine devait quitter la Russie et s’exiler de facto dans la Biélorussie voisine.
Mais il semble qu’avant ou pendant (ou même après) ce processus de transfert du chef de Wagner à Minsk (via son jet privé), lui et Poutine aient eu une
réunion de près de trois heures au Kremlin.
Selon la nouvelle déclaration du
Kremlin, les commandants du PMC Wagner y ont participé.
TASS présente
les détails en se basant sur la description du porte-parole présidentiel Dmitry Peskov comme
suit :
«Il a invité 35
personnes – tous les commandants d’escadrons et les dirigeants de la société [militaire privée], y compris Prigojine. La réunion a eu lieu au Kremlin le 29 juin et a duré près de trois
heures».
«Nous ne connaissons
pas les détails, mais ce que nous pouvons dire, c’est que le président a fait part de son évaluation des actions de la société [militaire privée] sur la ligne de front pendant l’opération
militaire spéciale et les événements du 24 juin», a indiqué
Peskov.
«Poutine a écouté les
explications des commandants [Wagner] et leur a proposé d’autres options d’emploi et d’utilisation au combat».
Il semble qu’il s’agisse d’une réunion «sympathique» de type «clarification», montrant clairement que Poutine n’a pas fini d’utiliser le groupe Wagner
comme une force militaire efficace.
«Les commandants
eux-mêmes ont donné leur version de ce qui s’est passé [le 24 juin], ils ont souligné qu’ils étaient de fervents partisans et soldats du chef de l’État et du commandant en chef suprême,
et ils ont également déclaré qu’ils étaient prêts à continuer à se battre pour la patrie».
«C’est tout ce que
nous pouvons dire sur cette réunion», a-t-il ajouté.
Cette réunion a eu lieu moins d’une semaine après les événements chaotiques du week-end, et quelques jours après que Poutine ait accusé de trahison les
dirigeants du groupe de mercenaires qui ont organisé et préparé la rébellion armée et les ait accusés d’avoir trahi la Russie.
Tout ceci suggère fortement que le
groupe Wagner sera bientôt de retour sur le champ de bataille ukrainien.
Il est probable que le plus gros des unités de Wagner n’ait jamais quitté les régions de la ligne de front en Ukraine, à l’exception des milliers d’unités
qui contrôlaient des sites à Rostov pendant le bref soulèvement.
C’est ce détail clé que les services
de renseignement américains et l’OTAN surveilleront de près, à savoir que Poutine «leur a offert d’autres options pour
l’emploi et l’utilisation ultérieure au combat», selon les termes de Peskov au
média TASS.
Depuis la semaine dernière, le président Loukachenko a déclaré que Prigojine était de retour en Russie.
La révélation faite lundi 10 juillet par le Kremlin en apporte une certaine confirmation. Depuis le début de la mutinerie, Prigojine a affirmé qu’il
n’essayait pas de renverser Poutine ou le gouvernement russe, mais qu’il voulait plutôt se débarrasser de la direction militaire, citant la corruption et l’inaptitude (notamment celle de
Sergueï Choïgou), parmi d’autres plaintes de longue date.
L’accord de paix conclu sous l’égide
de la Biélorussie pour mettre fin au soulèvement prévoyait d’offrir aux combattants de Wagner des contrats avec les forces armées nationales ou de les réinstaller en
Biélorussie.
L’éventualité de vastes campements de Wagner en Biélorussie a rendu les pays voisins comme la Pologne très nerveux, et Varsovie a pris des mesures pour
renforcer sa frontière.
Ces derniers jours, on a beaucoup parlé de la révélation selon laquelle, le 29 juin, moins d’une semaine après la mutinerie armée du groupe Wagner, Vladimir
Poutine a reçu au Kremlin Evgueni Prigojine et 35 de ses hauts commandants militaires pour trois heures d’entretien.
Comment cela est-il possible ? Quel en est le sens ? Pourquoi Poutine s’entretient-il avec celui qu’il dénonçait quelques jours auparavant comme un
traître ?
Tous ceux qui posent ces questions n’ont pas prêté attention au bilan de Vladimir Poutine en matière de «gestion du personnel» au cours des vingt-trois
dernières années. Tout cela suit le principe que l’on retrouve dans de nombreuses grandes institutions, tant privées que publiques : Travailler avec les moyens du bord, en considérant que
la plupart de ceux qui sont sous vos ordres sont bons à quelque chose. C’est le principe de fonctionnement que j’ai vu autour de moi pendant les quatre années où j’ai travaillé pour
United Parcel Service. C’est certainement le principe qui prévaut dans les forces armées des États-Unis.
Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2000, Poutine a eu affaire à un important contingent d’oligarques rapaces qu’il a apprivoisés, notamment en brisant les
ambitions politiques présomptueuses de Mikhaïl Khodorkovski et en envoyant le trublion faire un long séjour derrière les barreaux. Une fois domptés, les barons voleurs se sont tenus à
l’écart de la politique et ont consacré leur temps à développer les vastes pans de l’économie qu’ils avaient fini par contrôler, tout en s’octroyant des profits indécents.
En 2000, Poutine a également hérité de fonctionnaires libéraux dont la loyauté envers lui-même et envers le pays était douteuse. Génies de l’organisation ou
de la gestion financière, ils avaient souvent des penchants pour le vol. On pense notamment à Anatoly Chubais. Il avait dirigé la campagne de réélection de Boris Eltsine en 1996, qui
l’avait emporté en recourant à tous les moyens possibles et imaginables. Il a ensuite dirigé plusieurs entreprises d’État, notamment dans le domaine des nanotechnologies, qu’il a volées à
pleines mains. Mais on pourrait dire la même chose d’Alexeï Koudrine, qui a longtemps occupé le poste de ministre des finances de la Russie et a été nommé meilleur ministre des finances
pendant plusieurs années par ses pairs d’Europe de l’Ouest. Koudrine est également le dirigeant politique le plus visible à avoir pris la parole lors des manifestations de rue Bolotnoïe
contre le Kremlin en 2011, qui ont permis à Alexeï Navalny, qui déteste Poutine, de se faire connaître.
Chubais et Koudrine sont aujourd’hui en exil à l’étranger, tout comme de nombreux libéraux de moindre importance qui ont servi le gouvernement russe ou les
entreprises d’État jusqu’au début de l’opération militaire spéciale. Et une accusation de loyauté douteuse pourrait même être portée contre German Gref, qui a supervisé ces
dernières années la transformation totale de la plus grande banque russe, Sber, en une institution orientée vers le client, hautement efficace et technologiquement avancée. Gref reste à
son poste, même s’il a perdu quelques plumes en termes de temps d’antenne à la télévision d’État. Dans sa décision de poursuivre son mandat, il pourrait être associé au gouverneur de la
Banque centrale, Elvira Nabioullina, qui est également une fervente défenderesse de l’économie libérale axée sur le marché, à un moment où la Russie a dû renforcer le contrôle central
pour mettre le pays sur le pied de guerre.
Aucun de ces acteurs politiques et économiques très compétents, bien qu’équivoques, n’a été mis à l’écart pendant les années Poutine. Ils ont été autorisés
à semer la discorde et/ou à voler à petites doses tout en apportant beaucoup de «jus» au cocktail de la réussite économique de la Russie pendant les années Poutine.
Il y a aussi de nombreux membres éminents de l’establishment politique russe qui étaient profondément défaillants d’une manière ou d’une autre, mais qui ont
été maintenus et, si cela se justifie, promus à des responsabilités de plus en plus importantes. Valentina Matvienko, présidente du Conseil de la Fédération, la chambre haute de la
législature bicamérale russe, en est un excellent exemple. On la voit souvent à la télévision russe dans l’exercice de ses fonctions publiques de toutes sortes. Hier, elle était à Pékin
où elle a été reçue par le président chinois Xi Jinping. Selon le classement officiel, Matvienko est la deuxième personnalité politique la plus importante dans la hiérarchie de l’État
russe, après Poutine.
Mais d’où provient Matvienko ?
Lorsque je vivais et travaillais à Saint-Pétersbourg en 1994 et plus tard, nous avons beaucoup vu Matvienko. Elle était connue pour être une ivrogne qui
apparaissait parfois en public «sous influence» et son fils était largement connu pour ses pratiques corrompues, faisant fortune dans des opérations immobilières spéculatives rendues
possibles par la position de sa mère. Je me souviens avoir vu des dénonciations de la mère et du fils sur des bancs publics à Pétersbourg.
Après le retrait de sa candidature à la réélection au poste de maire de la ville et son remplacement par un candidat relativement inconnu et favorisé par le
Kremlin, un certain Yakovlev, elle est retournée à Moscou. Là, elle s’est assagie et on lui a donné une nouvelle chance de réussir, ce qu’elle a fait avec panache.
***
Il y a quelques semaines, dans mon premier commentaire sur la rébellion du groupe Wagner, je faisais remarquer qu’au cours des siècles, l’histoire russe a
connu un certain nombre de rébellions qui ressemblaient davantage à l’affaire Wagner que la «révolution» de février 1917 évoquée par Vladimir Poutine lorsqu’il s’est exprimé pour la
première fois à la télévision suite au rétablissement de l’ordre. Parmi ces épisodes antérieurs figure la trahison commise en 1708-09 par l’hetman des cosaques de Zaporijia, Ivan Mazepa,
qui avait été l’homme de terrain de Pierre le Grand dans ce qui est aujourd’hui une partie de l’Ukraine, mais qui s’est retourné contre le tsar et a rejoint les forces du roi suédois
Charles XII qui était alors engagé dans une lutte à mort avec la Russie. Comme Prigojine, Mazepa était l’une des personnes les plus riches du pays, avec de vastes propriétés foncières, et
comme Prigojine, il s’est rebellé lorsqu’il a compris que les nouvelles réformes militaires introduites par Pierre le priveraient d’une grande partie de son pouvoir en tant que
flibustier. Mazepa est un rare exemple où la confiance de Pierre le Grand envers ses subordonnés était mal placée. Par ailleurs, tout au long de son règne, Pierre a élevé à des postes de
responsabilité de nombreux hommes ambitieux d’origine très modeste. Certains étaient des canailles qui abusaient de leur pouvoir, d’autres moins, mais presque tous ont mis leur
intelligence et leurs talents supérieurs au service de la grandeur de la Russie.
***
Nous avons très peu entendu parler de ce que Vladimir Poutine a pu discuter avec les chefs du groupe Wagner lors de leur réunion au Kremlin. Selon son
secrétaire de presse, Peskov, ces commandants ont tous prêté serment d’allégeance à l’État et à Poutine, et ce dernier a fixé les règles de base de leur retour au combat actif dans le
cadre de l’opération militaire spéciale.
Nous devrions en savoir plus dans les semaines à venir.
Au cours de son histoire millénaire, la Russie a connu de nombreuses révoltes et quelques révolutions. Il y a eu la guerre des paysans menée par Stepan
Razin, qui a duré de 1667 à 1671. La rébellion a été réprimée par les troupes gouvernementales et Razin a finalement été capturé et exécuté sur le lieu d’exécution de la Place Rouge à
Moscou, appelé «lobnoe mesto», qui existe toujours. Pendant son exécution, le rebelle a gardé son sang-froid jusqu’au bout et n’a montré aucun signe de douleur. Le bourreau lui a d’abord
coupé les membres, un par un, puis la tête, a ensuite découpé son corps en morceaux et les a mis sur des piques, tandis que ses entrailles ont été données aux chiens. Il y eut ensuite la
guerre des paysans menée par Yemelyan Pugachev, qui dura de 1773 à 1775. Elle s’est terminée par un véritable procès qui, après avoir interrogé Pougatchev, a rendu un verdict officiel
libellé comme suit : «Yemel’ka Pougatchev
doit être écartelé, sa tête plantée sur un pieu, les parties de son corps transportées aux quatre portes de Moscou et placées sur des roues, puis brûlées». La sentence a été exécutée
le 21 janvier 1775 sur la place Bolotnaïa.
Il s’agit là de deux rébellions en bonne et due forme, vouées à l’échec dès le départ, certes, mais pas vraiment stupides. Il y a eu d’autres rébellions,
mais jusqu’au week-end dernier, le titre de la révolte russe la plus stupide de tous les temps revenait aux Décembristes. Le 26 décembre 1825, une manifestation politique armée a eu lieu
sur la place du Sénat à Saint-Pétersbourg. Il s’agit du plus grand soulèvement politique de membres de la noblesse russe dans l’histoire de la Russie. Ses principaux objectifs étaient le
renversement de l’autocratie, l’abolition du servage, l’adoption d’une constitution et l’introduction d’un gouvernement représentatif. Les chefs de la rébellion – des membres de la
noblesse et des membres libres-penseurs de sociétés secrètes – ont menti aux soldats sur la nature de leur rébellion, les ont fait sortir et les ont fait poireauter dans le froid. Les
soldats ont eu vent de ce qui se passait, la réunion s’est interrompue et les chefs ont été arrêtés, interrogés et finalement condamnés à l’exil intérieur. Au cours de l’interrogatoire,
on leur a posé des questions difficiles, telles que : «Qui diable vous a rempli la tête de ces idées stupides ?» Ironiquement, leurs demandes ont fini par être satisfaites : le servage a
été aboli en 1861 ; le premier parlement russe – la Douma – a été créé sur ordre du tsar Nicolas II en 1905 ; et la première constitution russe a été élaborée par le gouvernement
révolutionnaire soviétique en 1918.
Bien plus tard, grâce aux efforts de Lénine et de ses partisans, qui cherchaient des antécédents historiques honorables à leur grand exploit consistant à
abandonner honteusement à l’ennemi les grandes victoires de la Russie lors de la Première Guerre mondiale, à déclencher une véritable guerre civile qui a duré jusqu’en 1923 et à laver le
cerveau de toute une cohorte de fanatiques marxistes qu’il incombait ensuite à Staline de réprimer par des mesures horriblement répressives, la rébellion des Décembristes a été saluée
comme un précurseur de la grande révolution d’octobre de 1917. En conséquence, de nombreuses rues et places de Saint-Pétersbourg et d’ailleurs portent le nom des décembristes en général
et de leurs chefs en particulier, faisant une montagne de ce qui n’était, en réalité, qu’une taupinière d’un monument à la stupidité humaine qui n’avait pas été remis en question jusqu’au
week-end dernier.
C’est alors qu’arrive Evgueni Prigojine et sa PMC Wagner, alias «les musiciens». Les sociétés militaires privées ont joué un rôle important et nécessaire
dans l’histoire récente de la Russie. Pendant un certain temps, il était politiquement important de minimiser l’état de préparation militaire de la Russie afin d’inciter à l’inaction les
ennemis de la Russie au sein de l’OTAN, alors même que le complexe militaro-industriel russe travaillait assidûment en secret à la création d’une nouvelle génération d’armes tactiques et
stratégiques qui assureraient la suprématie militaire permanente de la Russie sur l’OTAN. Une partie de la feinte a consisté à nommer un certain Anatoly Serdyukov au poste de ministre de
la Défense de la Russie. Il a servi de 2007 à 2012, son mandat se terminant par un scandale de corruption ridicule. Et puis en 2014, juste deux ans plus tard et presque immédiatement
après le putsch de Kiev, les «petits hommes verts» de la Russie, très disciplinés, bien entraînés et équipés à la mode, sont apparus en Crimée et ont tranquillement pris le contrôle sans
tirer un seul coup de feu, sous le regard étonné et baveux de l’ensemble de l’OTAN. C’était la première fois qu’une société militaire privée russe faisait véritablement la une de
l’actualité internationale, ayant été capable de se constituer, de s’entraîner et de remplir sa mission sans attirer l’attention sur elle.
Par la suite, les «petits hommes verts» russes ont rendu la vie infernale à divers néocolonialistes américains et européens en Afrique et en Amérique
latine, à tel point que les néocolonialistes ont aujourd’hui pratiquement perdu leur emprise sur ces deux grands et importants continents. Alors que la [prise de contrôle de la, NdT]
Crimée n’était qu’une opération chirurgicale et qu’elle tenait autant des relations publiques que de la démonstration de prouesses militaires, les opérations menées dans ces autres
régions, comme en République centrafricaine où les Français avaient habilement transformé la situation en une guerre civile permanente, étaient un peu plus rudes et nécessitaient un état
d’esprit tout aussi rude.
Puis vint Artyomovsk (anciennement connue sous le nom de Bakhmout). L’opération visant à forcer les troupes du régime de Kiev à en sortir est devenue le
«hachoir à viande de Bakhmout». Elle a été choisie spécifiquement parce qu’il ne faisait aucun doute que le régime de Kiev ferait tout son possible pour s’y accrocher, étant donné qu’il
s’agit d’un centre régional important et que sa perte affaiblirait gravement la capacité du régime à réapprovisionner ses troupes et à manœuvrer dans l’ensemble de la région. La tâche
extrêmement salissante de «hacher la viande» a été confiée au PMC Wagner et à son chef Evgueni Prigojine, qui a recruté des détenus pour ce travail, promettant l’amnistie à ces bandits et
à ces égorgeurs après leur courte période de service dans l’enfer absolu – s’ils survivaient. En effet, ceux qui avaient survécu – environ la moitié d’entre eux, selon Prigojine – ont été
relâchés dans la nature comme promis, certains d’entre eux faisant une bêtise presque immédiatement et se retrouvant à leur point de départ en prison.
L’objectif de l’exercice n’était pas seulement de capturer Artyomovsk (ce qui était quand même une bonne chose pour la Russie), mais d’épuiser le potentiel
de mobilisation du régime de Kiev. À cette fin, Prigojine a ordonné que ne soit fait aucun prisonnier. En tant qu’agent libre non lié par les conventions de Genève, Prigojine était libre
d’agir ainsi sans encourir les foudres du ministère russe de la défense, mais les responsables de la défense l’ont certainement détesté pour cela et ces sentiments étaient, j’en suis sûr,
réciproques.
Ainsi, les infortunées recrues ukrainiennes – celles qui n’avaient pas eu l’intelligence de fuir le pays à temps et qui n’avaient pas l’argent pour payer
les recruteurs de l’armée – ont été forcées de marcher en avant et de mourir aux mains de certains des mécréants les plus répréhensibles de Russie, ou bien elles pouvaient tenter de
battre en retraite et se faire faucher par les détachements anti-retraite du régime de Kiev qui étaient retranchés juste derrière eux et remplis de nazis ukrainiens vicieux, tatoués de
croix gammées et armés de Mein Kampf. Drogués à mort par des préparations spéciales fournies par les Américains, les pauvres Ukies marchèrent vers leur mort, comme des zombies, ne
ressentant ni peur ni douleur, avançant en rampant même lorsqu’ils ne pouvaient plus marcher. Leur nombre aurait démoralisé n’importe quelle armée dans le monde, mais pas les «musiciens»
de Prigojine !
Prigojine était l’homme idéal pour diriger un tel «orchestre». En 1981, un tribunal de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) l’a condamné à 13 ans de
prison pour plusieurs chefs d’accusation : vol, fraude, participation d’un mineur à une activité criminelle et vol à main armée. En 1988, il a été amnistié, s’est amendé et est devenu un
homme d’affaires prospère. Il a fini par établir de bonnes relations politiques qui lui ont permis de prendre la tête d’une société militaire privée. Aujourd’hui encore, il est respecté
pour le travail qu’il a accompli avec sa société lors de la libération d’Artyomovsk. Mais sa prestation du week-end dernier a établi un nouveau record dans les annales de la stupidité
humaine.
Tout d’abord, il faut savoir que Prigojine a été licencié. Conformément à un ordre du ministre de la défense Sergei Choïgou, tous les membres des sociétés
militaires privées, appelées par euphémisme «volontaires», doivent signer des contrats avec le ministère de la défense d’ici le 1er juillet ; soit ils le font, soit ils deviennent des
civils. Apparemment, la Russie n’a plus d’emplois super sales comme le hachoir à viande Bakhmout et l’armée russe n’a plus de raison de se cacher de ses ennemis ; par conséquent, les
sociétés militaires privées doivent être démantelées. Quoi, vos services de renseignement occidentaux, vos experts militaires et vos journalistes ont manqué ce fait incroyablement
pertinent ? Peut-être devriez-vous les licencier, comme Choïgou a licencié Prigojine.
Prigojine a certainement reçu le mémo, mais il n’a pas voulu s’en aller tranquillement dans la nuit. Au lieu de cela, il a eu recours à une tactique
traditionnelle des bandits russes des années 1990, appelée «nayezd» : vous vous présentez au quartier général de votre ennemi en force et lourdement armé et vous présentez vos exigences
comme un moyen spectaculaire d’entamer la négociation. Refuser de négocier avec des terroristes et d’autres rhétoriques de pacotille ne sert alors à rien : soit vous négociez, soit vous
mourez sous une rafale de balles. Une mort inutile est une mort stupide, et personne ne veut rester dans les mémoires comme un imbécile, il vaut donc mieux ravaler sa fierté et négocier
même avec les bandits les plus méprisables.
Mais nous ne sommes plus dans les années 1990 et Poutine n’est pas un Boris Eltsine, toujours ivre. Poutine a traité Prigojine de traître à la télévision
nationale, suivi par un certain nombre de gouverneurs régionaux, suivi par à peu près tout le monde en public. Nombreux sont ceux qui se sont souvenus de ce que l’on fait
traditionnellement aux traîtres en Russie : ils ne sont pas fusillés (une telle mort est en soi une sorte d’honneur militaire), mais pendus par le cou jusqu’à ce que mort s’ensuive. Mais
un moratoire sur les exécutions est en vigueur en Russie, et de nombreux Russes ont profité de l’occasion pour réfléchir à cette politique, la jugeant trop végétarienne compte tenu de
l’époque.
Bien que, selon l’un de mes lecteurs, un imbécile américain dont le nom m’échappe (quelque chose comme le général McChicken) ait proclamé que Prigojine est
sauvagement populaire dans toute la Russie, cela ne fait qu’indiquer le peu de crédit qu’il convient d’accorder aux fanfarons militaires américains. Prigojine est un traître. C’est ce
qu’a dit Poutine (en prenant soin de ne pas le nommer). Roma traditoribus non premia (Rome ne paie pas les traîtres) – et Moscou non plus. La grande majorité des Russes ont suivi
l’exemple de Poutine.
Prigojine a choisi comme cible de son «nayezd» le bureau régional du quartier général du ministère de la défense à Rostov-sur-le-Don, entrant dans la ville
avec des chars et des véhicules blindés de transport de troupes. Ils ont trouvé le bâtiment désert et se sont contentés de rester sur place, s’enlisant parfois comme sur la photo
ci-dessus. Pendant ce temps, un autre détachement a été envoyé sur l’autoroute nord en direction de Moscou, gênant considérablement tous les Russes qui se rendaient sur leur lieu de
vacances en Crimée. Le convoi rebelle s’est retrouvé bloqué lorsqu’il est tombé en panne de carburant, car le dépôt de carburant des rebelles, situé près de Rostov, avait été incendié de
manière très réfléchie au préalable. Il s’en est suivi un face-à-face inconfortable qui a duré quelques heures, certains habitants de Rostov, intrépides, lorgnant les coins de rue tandis
que d’autres (des vétérans de l’armée, pour la plupart) s’approchaient des musiciens et les décrivaient, en face d’eux, dans un langage si grossier qu’il pouvait faire cailler le lait.
Quelques personnes se sont aventurées à prendre des photos, comme celle ci-dessus, d’un char rebelle coincé dans les portes du cirque de la ville de Rostov.