Crash des Boeing737MAX : Que s’est-il passé dans le cockpit ? MCAS et correctif Boeing

Boeing a-t-il fait preuve de négligence ?

Boeing 737 MAX : Négligence fatale

...par Moon of Alabama - Le 29/09/2019.

Les enquêteurs américains des incidents du 737 MAX ont publié leurs premières recommandations concernant les modifications requises sur l’avion le plus vendu de Boeing. Leur analyse des causes de l’accident confirme notre analyse antérieure.

 

Un récent article du New York Times Magazine, écrit par William Langewiesche, blâmait les pilotes pour le crash de deux avions 737 MAX. Nous avions vivement critiqué cette propagande amicale pour Boeing :

L’attitude de l’auteur consistant à "blâmer les pilotes" est bien exprimée dans ce paragraphe :

"Depuis lors, les critiques ont vivement blâmé la difficulté de contrer le MCAS lorsque le système reçoit de fausses indications de blocage. Mais la vérité est qu’il est facile de contrer le MCAS - il suffit d’appuyer sur les fameux commutateurs pour le désactiver. De plus, lorsque vous avez un journal de maintenance qui indique le remplacement d’un capteur d’angle d’attaque deux jours auparavant, puis vous avez un vibreur associé qui s’agite tandis que l’autre vibreur reste silencieux, vous n’avez pas besoin d’un voyant lumineux idiot pour savoir ce qui se passe. En tout état de cause, la reconnaissance d’un désaccord en matière d’angle d’attaque - quel que soit le choix des pilotes - n’a aucune incidence sur cet accident, nous allons donc poursuivre."
 
Une défaillance du capteur AoA et sa conséquence sur le MCAS entraînent les effets suivants : déconnexion imprévue du pilote automatique, avertissement sur la vitesse, alerte de désaccord d'altitude, de décrochage et, après l'intervention du MCAS, d'avertissement de vitesse excessive. Le manche à balai vacille, un claquement fort se fait entendre, plusieurs voyants clignotent ou deviennent rouges, plusieurs instruments de vol affichent des valeurs folles. Tout cela dans une phase de vol critique immédiatement après le décollage lorsque la charge de travail est déjà élevée.

C’est cette multitude d’avertissements, dont chacun peut avoir plusieurs causes, qui surprend le pilote et rend impossible le diagnostic et la correction dans les 10 secondes de fonctionnement du MCAS. Affirmer que le "MCAS est facile à contrer" est une erreur flagrante quant à la charge de travail d'un pilote dans une situation aussi critique.

Après la publication de cet article, Langewiesche est passé sur CNBC où il a répété ses accusations diffamatoires :

"Cela équivaut seulement à un compensateur qui s'emballe".

"Il n'y a jamais eu de raison de bloquer [le MAX] au sol".

"La plus grande erreur de [Boeing] a été de surestimer la qualité des pilotes auxquels il vendait son avion".

La semaine dernière, le Bureau national de la sécurité des transports (NTSB) a publié une recommandation de 13 pages résultant de son enquête sur les incidents du 737 MAX. Il soutient fermement notre point de vue et contredit les affirmations de Langewiesche :

Le MCAS devient actif lorsque l’AoA [l'angle d'attaque] de l’avion dépasse un certain seuil. Ainsi, ces entrées erronées de capteur AoA ont entraîné l’activation du MCAS, lors des vols de l’accident, en fournissant des données au  compensateur automatique. La donnée erronée élevée du capteur AoA, qui a entraîné l'activation du MCAS, a également provoqué plusieurs autres alertes et indications pour les équipages. Le vibreur du manche à balai s'est activé au cours des deux vols accidentés. De plus, des alertes de désaccord sur la VITESSE et l'ALTITUDE sont survenues sur les deux vols. L’équipage d’Ethiopian Airlines a également reçu l’alerte Master Caution. En outre, une fois les volets complètement rentrés, les données inattendues du stabilisateur ont obligé les pilotes à appliquer une force supplémentaire sur les manches à balai pour maintenir l’attitude de montée de l’avion.
 
Plusieurs alertes et indications peuvent augmenter la charge de travail des pilotes, et la combinaison de ces alertes et indications n’a pas incité les pilotes de l’accident à exécuter immédiatement la procédure d'emballement du stabilisateur au décollage, lors de la première activation automatique du compensateur de stabilisation.

Les pilotes n’ont pas fait de faute. Plusieurs alarmes ont occupé leur attention. Les hypothèses de Boeing selon lesquelles les pilotes reconnaîtraient immédiatement un stabilisateur qui s’emballe et réagiraient de manière appropriée se sont révélées fausses :

Bien que les travaux du NTSB dans ce domaine soient en cours, sur la base d'informations préliminaires, nous craignons que les réponses du pilote accidenté à l'intervention non intentionnelle du MCAS ne soient pas compatibles avec les hypothèses sous-jacentes relatives à la reconnaissance du problème par le pilote [qui ignorait la présence du MCAS, NdT] et à la réponse utilisée par Boeing, en fonction des directives de la FAA, au sujet de l'évaluation des risques fonctionnels des systèmes de commandes de vol, y compris pour le MCAS, dans le cadre de la conception du 737 MAX.

Ce ne sont pas les pilotes qui ont échoué. Le système a été conçu de manière à rendre extrêmement difficile, voire impossible, le pilotage dans les délais impartis.

Boeing n’a jamais analysé ni testé l’intégralité de la chaîne d’événements qui résulterait d’une défaillance d’un capteur d’angle d’attaque. Boeing a testé une défaillance du MCAS, mais uniquement en tant qu’incident isolé, et non comme cela se produirait dans la vie réelle :

Pour effectuer ces tests sur simulateur, Boeing a provoqué une donnée de compensation qui simulerait le déplacement du stabilisateur à une vitesse et une durée compatibles avec la fonction MCAS. L'utilisation de cette méthode pour créer un danger a eu les conséquences suivantes : rotation de la molette du stabilisateur, augmentation des forces agissant sur le manche à balai et indication que l'avion était en piqué. Boeing a indiqué au NTSB que cette évaluation était axée sur la réponse du pilote aux opérations MCAS non commandées, quelle que soit la cause sous-jacente. 

Ainsi, les modes de défaillance spécifiques pouvant conduire à une activation du MCAS non commandée (telle qu'une entrée AoA élevée erronée dans le MCAS) n'ont pas été simulés dans le cadre de ces tests de validation de l'évaluation du risque fonctionnel. Par conséquent, des effets supplémentaires sur le poste de pilotage (tels que les alertes  désaccord de vitesse et d'altitude et l’activation du vibreur) résultant de la même défaillance sous-jacente (par exemple, un AoA erroné) n’ont pas été simulés et ne figuraient pas dans le rapport d’évaluation de la sécurité du stabilisateur examinée par le NTSB.

Une défaillance de l’AoA déclenche un certain nombre d’alertes et les pilotes ont besoin de temps pour les résoudre. Une défaillance du système MCAS ne laisse pas le temps de régler quoi que ce soit. Les pilotes doivent réagir immédiatement. Mais ils ne peuvent pas le faire lorsque plusieurs autres alarmes causées par la défaillance de l’AoA exigent également leur attention.

Boeing a construit le MAX comme la quatrième génération d’un avion conçu dans les années 1960. À chaque génération, de nouveaux systèmes d’alarmes ont été ajoutés et certifiés. Mais chaque système ajouté n’a été testé que de manière isolée. Une nouvelle analyse de l’arbre de pannes pour l’ensemble de l’avion n’était pas nécessaire car la certification initiale du premier 737 était toujours acceptée comme base. Aucun test sur simulateur n’a été effectué pour vérifier la capacité des pilotes à faire face à plusieurs alarmes qui se produisent lorsqu’un défaut provoque la défaillance de plusieurs systèmes ou instruments interdépendants. Si Boeing avait formulé des hypothèses réalistes sur le temps de réaction du pilote à plusieurs alarmes, le MCAS aurait dû être mis en œuvre différemment.

Le NTSB recommande à Boeing et aux autres fabricants de procéder à de nouvelles évaluations de la sécurité des systèmes en tenant compte des effets de toutes les alarmes et indications du poste de pilotage sur le temps de réaction des pilotes lorsqu’ils réagissent à une défaillance des systèmes de contrôle de vol. Il demande des modifications de conception des systèmes d’alarme et une formation supplémentaire. Le NTSB recommande à la Federal Aviation Administration et aux autres régulateurs d’inclure ces exigences dans leurs règles générales en matière de certification des aéronefs.

Les recommandations du NTSB inciteront probablement la FAA à exiger des modifications supplémentaires sur le 737 MAX actuellement cloué au sol. Ils semblent également pousser la FAA à exiger une formation supplémentaire des pilotes.

Le rapport du NTSB est une mauvaise nouvelle pour Boeing. La plupart des avions concurrents sont beaucoup plus récents que le 737 et possèdent plusieurs capteurs électroniques qui peuvent être facilement combinés pour trier et hiérarchiser les alarmes. Le 737 MAX est encore largement basé sur les anciens systèmes mécaniques et électriques de ses prédécesseurs. Cela rend difficile l’ajout d’un système qui coordonne et hiérarchise la cascade d’alarmes pouvant survenir lors de certains événements. Les changements nécessaires viendront s’ajouter aux autres changements réclamés avec force par les régulateurs internationaux.

Il faudra probablement plusieurs mois avant que le 737 MAX soit à nouveau certifié et puisse retourner dans les airs. Boeing produit toujours 42 MAX par mois. Il faudra probablement arrêter la chaîne de production jusqu’à ce que des solutions valables pour toutes les questions en suspens soient prêtes à être mises en œuvre.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

Source : https://lesakerfrancophone.fr/boeing-737-max-negligence-fatale


Les nouveaux problèmes de Boeing vont au-delà du 737 MAX

...par Moon of Alabama – Le 12 octobre 2019

Source : https://lesakerfrancophone.fr/les-nouveaux-problemes-de-boeing-vont-au-dela-du-737-max

Il y a deux semaines, le Conseil national de la sécurité des transports (NTSB) a publié une longue recommandation de 13 pages résultant de son enquête sur les incidents du 737 MAX. Depuis que nous avons discuté de ce rapport accablant, plus de mauvaises nouvelles pour Boeing nous sont parvenues.

 

  • Les affaires générales de Boeing ne vont pas bien.
  • Un défaut de structure récemment détecté sur le 737 NG, le prédécesseur du 737 MAX, clouera au sol un nombre important de ces avions.
  • De nouvelles révélations accablantes concernant le processus de développement du 737 MAX ont entraîné deux accidents mortels. La Southwest Airlines Pilots Association poursuit Boeing pour avoir fait de fausses déclarations. Un lanceur d’alerte a affirmé que Boeing a laissé de côté des dispositifs de sécurité en raison de leurs coûts. Un rapport technique des Joint Authorities rendra plus difficile pour Boeing la « mise à niveau » des types d’avions plus anciens.
  • Il y a de nouveaux délais pour le retour du MAX dans les airs.

Comme le résume Ernest Arvai, analyste chez AirInsight :

Le MAX est au sol, le 787 fait l’objet d’une enquête pour des problèmes de qualité et présente de graves problèmes de moteur. Le 777-X est encore retardé en raison de problèmes de moteur et le KC-46 ne répond pas aux besoins et n’est actuellement pas autorisé à transporter des passagers et du fret. La génération précédente, le 737NG, connaît actuellement une défaillance prématurée grave de composants structurels qui devaient durer pendant toute la vie utile de l'aéronef et pourrait résulter en une hémorragie financière supplémentaire. Nous avons recherché de bonnes nouvelles à propos de Boeing, mais nous n'en avons tout simplement pas trouvé.

Une commande de vingt-deux 787 Dreamliner de Boeing a été annulée. Sans nouvelles commandes, les deux lignes de production du 787 n’auront besoin que de 40 mois pour épuiser les commandes en cours. Il s’agit d’un carnet de production relativement court pour une grande chaîne de production d’avions. Boeing a besoin d’un nouveau produit de milieu de gamme mais dispose de peu de temps pour travailler dessus.

Le carnet de commandes global de Boeing se rétrécit :

Le nombre total net de commandes de Boeing, y compris les annulations, a été négatif de 84 unités pour les neuf premiers mois de 2019, les commandes ont également été affectées par la faillite de la compagnie indienne Jet Airways, qui a eu pour effet de supprimer 210 avions de son carnet de commandes.

Au cours de la conversion d’un 737 NG du rôle de transporteur de passagers  à celui d’avion cargo, Boeing a constaté de graves défauts sur un composant de structure censé avoir une durée de vie supérieure à celle de l’avion. Boeing a informé la FAA :

La FAA a publié une directive relative à la navigabilité aérienne des Boeing 737 NG, exigeant l'inspection immédiate des fissures dans les fixations des ailes, appelées «fourchettes à cornichons».

Les fissures ont été découvertes sur des avions ayant beaucoup volé qui ont été modifiés pour être convertis en cargos. Les 737 affectés sont uniquement du type NG; les MAX et Classic ont une conception différente de la fixation des ailes. ...
 
La directive émise concerne les Boeing 737 NG avec plus de 22 600 cycles de vol. Ceux-ci doivent être inspectés dans un délai d'un an. Pour les aéronefs comptant plus de 30 000 cycles de vol, l'inspection doit être achevée dans un délai d'une semaine à compter de la date d'entrée en vigueur de la directive.

La wingbox est la structure où les ailes sont fixées au corps de l’avion.

wingbox-s
Agrandir

Deux cadres (STA 540) à l’avant et à l’arrière de la wingbox transmettent la charge vers  la structure supérieure de la caisse.

pickle1-s
Agrandir

À l’extrémité inférieure de ces cadres se trouvent les «fourchettes à cornichons» forgées qui sont rivées à la winbox.

pickle2-s
Agrandir

Voici à quoi ressemble la construction dans la vie réelle.

wingboxsegment-s
Agrandir

Les avions avec ces défauts (pdf) ont été cloués au sol car de telles fissures ont tendance à se multiplier et une défaillance de la structure finirait probablement par devenir catastrophique.

pickle3-s
Agrandir

Les avions sont supposés effectuer jusqu’à 90 000 vols tout au long de leur vie sans subir de tels dommages structurels. Le premier cycle d’inspection a montré que le problème est systématique et grave :

Les résultats de la première semaine d'inspections montrent que 5% des aéronefs inspectés présentent des fissures, l'avion à cycle de vol le plus faible affichant 23 600 vols.

Il faudra trois semaines par avion pour réparer. Toutefois, le nombre de pièces de rechange pour le composant fissuré est limité et la production de nouvelles pièces peut prendre plus de temps.

On ne sait pas encore ce qui cause les fissures dans la pièce en aluminium forgé. Beaucoup de NG plus âgés ont été équipés de winglets au bout de leurs ailes. Celles-ci peuvent avoir entraîné des charges ou des vibrations imprévues. Il est possible que certains des plus jeunes avions 737 NG aient un problème similaire.

C’est une mauvaise nouvelle pour les compagnies aériennes qui utilisent exclusivement des Boeing 737. Non seulement leurs nouveaux avions 737 MAX sont au sol, mais une part importante de leurs flottes plus anciennes de 737 NG sera également retirée de l’exploitation et nécessitera de longues réparations.

La Southwest Airlines Pilots Association (SWAPA) poursuit Boeing en justice pour son modèle 737 MAX :

"Boeing a pris la décision calculée de lancer précipitamment sur le marché un avion réaménagé, pour sécuriser sa part de marché dans les mono-couloirs en donnant la priorité à sa rentabilité", a déclaré l'introduction à la poursuite. "Ce faisant, Boeing a abandonné les pratiques saines de conception et d'ingénierie, dissimulé auprès des régulateurs les informations critiques pour la sécurité  et induit délibérément en erreur ses clients, ses pilotes et le public. Les fausses déclarations de Boeing on amené la SWAPA à croire que l’avion 737 MAX était sûr", continue la plainte, qui ajoute : "Ces déclarations se sont révélées fausses".

La poursuite contient (pdf) quelques faits remarquables :

120. Le profil de risque et l'évaluation de risque requise pour la deuxième itération du MCAS étaient complètement différents de la première, et pourtant, Boeing n'a pas évalué l'augmentation de ce risque ni même tenté de l'atténuer. Au lieu de cela, Boeing a utilisé son autorité ODA [autorisation déléguée au constructeur] pour masquer ces informations.

Il y a un point que nous avons souligné à plusieurs reprises dans nos écrits sur le MAX. Boeing a affirmé que la faille du MCAS était un incident dû à « l’emballement du stabilisateur » pour lequel aucune formation supplémentaire n’était nécessaire. Les pilotes de Southwest ne sont pas d’accord :

229. La défaillance du système MCAS ne ressemble pas à un stabilisateur emballé. Un stabilisateur emballé a un mouvement continu non commandé des ailerons, alors que l'action du MCAS n'est pas continue, et que les pilotes peuvent (en théorie) contrer le mouvement en piqué, mais alors le MCAS réagit à nouveau sur les ailerons de l'avion, ce qui contre l'action du pilote.

SWAPA poursuit Boeing en justice parce que ses affirmations concernant le 737 MAX avaient directement influencé les négociations du syndicat avec Southwest :

7. Les fausses déclarations de Boeing, faites directement à la SWAPA, ont amené la SWAPA à accepter, malgré ses réticences initiales, d’inclure le 737 MAX dans sa convention collective («ACB») avec Southwest. L’échec de l’avion fait maintenant perdre aux pilotes de la SWAPA des millions de dollars chaque mois, car le 737 MAX a été retiré du programme de vol de Southwest, ainsi que de la feuille de paie des pilotes de la SWAPA.

Il faudra environ 100 millions de dollars à Boeing pour régler la plainte. Ce ne sera qu’une petite partie des dégâts totaux causés par les problèmes du 737 MAX à la société. Mais les dommages supplémentaires liés aux relations publiques seront importants.

Un ingénieur de Boeing a déclaré que Boeing avait rejeté les améliorations de sécurité en raison de leurs coûts :

La plainte en matière d'éthique, déposée par l'ingénieur Curtis Ewbank, âgé de 33 ans, dont le travail consistait à étudier les accidents antérieurs et à utiliser ces informations pour rendre les nouveaux avions plus sûrs, décrit comment son groupe a présenté aux managers et à la direction exécutive, aux environs de 2014 une proposition visant à améliorer diverses mesures de sécurité au 737 MAX.
 
La plainte, dont un exemplaire a été examiné par le Seattle Times, suggère que l’un des systèmes proposés aurait pu empêcher les accidents en Indonésie et en Éthiopie, qui ont coûté la vie à 346 personnes. Trois des anciens collègues d’Ewbank interrogés pour cette histoire sont du même avis.

Les modifications proposées mais rejetées auraient empêché les fausses alarmes dans le poste de pilotage. Ce point est crucial car les défaillances du capteur d’angle d’attaque qui ont causé les deux accidents du 737 MAX ont entraîné un certain nombre d’alarmes déroutantes, ce qui a rendu difficile pour les pilotes le diagnostic du problème. Depuis lors, il a été révélé que Boeing avait reçu des exceptions aux règles en vigueur qui exigent un meilleur système d’alarme :

En 2014, Boeing a convaincu la Federal Aviation Administration (FAA) d'assouplir les normes de sécurité pour le nouveau 737 MAX, liées aux alertes du poste de pilotage, qui avertiraient les pilotes en cas de problème lors du vol, selon des documents examinés par le Seattle Times.
 
À la recherche d’une exception, Boeing s’est fondé sur une règle spéciale de la FAA pour affirmer, avec succès, qu’une conformité totale aux dernières exigences fédérales serait «irréalisable» pour le MAX et coûterait trop cher. ...
 
Le Seattle Times a examiné les parties pertinentes du document que Boeing a soumis à la FAA pour obtenir son exception. Ils montrent que le régulateur fédéral a supprimé quatre clauses distinctes qui imposeraient des exigences à tout nouvel avion produit aujourd'hui. Cela a permis à Boeing d’éviter de concevoir une mise à niveau complète du système vieillissant d’alerte des équipages du 737. ...
 
Sur le vol d’Ethiopian Airlines qui s’est écrasé en mars, les pilotes ont dû faire face à une série d’alertes tout au long du vol de six minutes. Outre le vibreur, ils ont entendu à plusieurs reprises le message suivant : «ne pas descendre», indiquant que l'avion était trop près du sol; un «claquement» très fort pour signaler que l'appareil allait trop vite; et plusieurs voyants d'avertissement indiquant à l'équipage que la vitesse, l'altitude et d'autres indications de leurs instruments n'étaient pas fiables.

L’utilisation d’anciennes normes de certification lors de la mise à jour d’un avion est un point de critique majeur soulevé par un nouveau rapport :

La Federal Aviation Administration, qui a approuvé la conception de l'avion en 2017, a fermé les yeux sur de nombreux points, a révélé l'examen technique conjoint des autorités. Un résumé de 69 pages des conclusions indique également que le comité a constaté que Boeing exerçait des "pressions indues" sur certains de ses propres employés, qui disposaient de l'autorité de la FAA pour approuver les modifications de conception.

Le rapport précédent est accablant pour Boeing et la FAA. Il décrit toutes les défaillances connues et formule douze recommandations qui changeront la manière dont les anciens types d’avions peuvent être «mis à niveau» dans une nouvelle version. Les exceptions de la FAA telles que celles mentionnées ci-dessus ne seront plus possibles :

Les règles sur les produit modifiés (..) et les directives associées (..) doivent être révisées pour imposer une approche de haut en bas, dans laquelle chaque modification est évaluée dans la perspective d'un système d'aéronef intégré complet.

Ces révisions devraient inclure des critères permettant de déterminer quand les caractéristiques essentielles de la conception d’une catégorie d'aéronefs de transport existante l’empêchent de prendre en charge les avancées en matière de sécurité introduites par les réglementations les plus récentes et devraient entraîner une modification de la conception ou la nécessité d’un nouveau certificat de type. Le système de l’aéronef comprend l’aéronef lui-même avec tous ses sous-systèmes, l’équipage qui pilote et l’équipe de maintenance.

Si cette recommandation est appliquée, construire un autre 737 MAX sera impossible. Une mise à niveau d’un ancien type d’avion devra se conformer à la réglementation en vigueur dans une plus large mesure et ne pourra plus s’appuyer sur les anciennes règles qu’il devait respecter à l’origine. Si cela est appliqué au 737 MAX actuellement bloqué au sol, ce qui n’est pas impossible, l’avion ne volera plus jamais. Boeing, qui a des plans pour moderniser son 777 avec de nouvelles ailes et de nouveaux moteurs, pourrait également être en difficulté. Les réflexions sur la modernisation du 767 devront être écartées.

D’autres recommandations, après l’examen technique conjoint des autorités, critiquent le système de délégation de la FAA qui permettait aux ingénieurs de Boeing d’auto-certifier certaines modifications de conception. Un autre point est le manque général d’analyse des facteurs humains et des problèmes d’évaluation des besoins en formation des pilotes.

Quelques observations dans le rapport conjoint des autorités pousseront certains ingénieurs à se gratter la tête. Ce manque de fonctionnalité dans le simulateur d’ingénierie de Boeing est, par exemple, inexcusable :

Observation O3.13-A: Lors de l'évaluation dans le simulateur d'ingénierie de Boeing (E-Cab), l'équipe d'examinateurs a constaté que l'appareil ne comportait pas de mesure de contrôle de la force nécessaire qui doit être exercée pour mouvoir la roue de compensation du stabilisateur manuel. En conséquence, les forces à exercer sur la roue de compensation manuelle du stabilisateur ne sont pas représentatives de l'aéronef.

La compensation manuelle est nécessaire pour ramener l’avion en vol normal après la défaillance de la compensation électrique ou du MCAS. Ce n’est actuellement pas toujours possible car les forces aérodynamiques dans certaines situations sont trop importantes pour être surmontées avec la roue manuelle. L’organisme de réglementation européen a souligné qu’il s’agissait d’un problème majeur à résoudre par Boeing. Que Boeing n’ait même pas été capable de simuler cela est ahurissant.

Il est également condamnable pour Boeing et la FAA que les auteurs du rapport aient dû inclure cette vérité éternelle d’ingénierie :

Dans la hiérarchie des solutions de sécurité, l'intervention sur la conception devrait être prioritaire par rapport à la mise en place d'alertes et à aux procédures de formation.

Ce commentaire d’un forum de pilotes est également très pertinent:

Dans la constatation F3.5-C l'équipe d'examinateurs considère que les fonctions STS / MCAS et EFS pourraient être considérées comme des systèmes d'identification de décrochage ou des systèmes de protection contre le décrochage, en fonction des caractéristiques de décrochage naturelles (non assistées) de l'aéronef. Lors de son examen des données, l’équipe n’a pas été en mesure d’exclure complètement la possibilité que ces systèmes d'assistance ne fonctionnent pas comme protection contre le décrochage.

À mon avis, il ne semble pas clair à ce jour que le MAX est suffisamment stable du point de vue aérodynamique. Que le MAX exige ou non une protection complète de l’enveloppe de décrochage, y compris toute la redondance obligatoire, peut décider du sort de sa certification.

Le Seattle Times en dit plus sur le rapport de l’autorité jointe.

En conséquence de tout ce qui précède, certains analystes du secteur ont appelé à la destitution du PDG et des membres chenus du conseil d’administration de Boeing.

Hier, le conseil d’administration de Boeing a franchi la première étape en rétrogradant son président et directeur général :

Alors que la pression montait sur le conseil d’administration de Boeing et que le public était de plus en plus préoccupé par la nécessité de réorganiser la culture de sécurité de la société, le conseil d’administration a retiré vendredi le rôle de président de la société à Dennis Muilenburg, le privant de son rôle de directeur général.
 
Muilenburg restera PDG, et membre du conseil d'administration, tandis que l'administrateur principal, David Calhoun, a été élu pour le remplacer à titre de président.

Il est généralement admis que Muilenburg sera licencié en tant que PDG dès la fin de la catastrophe.

Cela prendra encore plusieurs mois.

Alors que le nouveau logiciel MCAS est supposé être prêt pour la certification, les autorités internationales de certification ont demandé à Boeing de régler de nombreux points. Le régulateur européen souhaite que davantage de tests soient effectués sur les modifications apportées aux ordinateurs de contrôle de vol :

L’Agence de la sécurité aérienne de l’Union européenne a récemment déclaré à de hauts responsables de la réglementation américaine qu’elle n’était pas convaincue que les responsables de la FAA et de Boeing avaient prouvé de manière adéquate la sûreté des ordinateurs de commande de vol du MAX reconfiguré, d’après les personnes informées des discussions. L’objectif est d’ajouter de la redondance en faisant en sorte que les deux ordinateurs travaillent simultanément pour éliminer les risques liés aux dysfonctionnements des puces identifiés plusieurs mois auparavant; au cours des décennies et des versions précédentes du 737, un seul ordinateur à la fois a alimenté en  données les systèmes automatisés, en alternance durant les vols. Le chef de l'AESA, Patrick Ky, a transmis ces préoccupations à Ali Bahrami, le plus haut responsable de la sécurité de la FAA, a déclaré une des personnes. ...
 
Boeing et la FAA finissent de tester le système à deux ordinateurs et les résultats finaux n’ont pas encore été présentés à l’AESA ni à d’autres régulateurs. L’AESA a toutefois signalé qu’elle souhaitait ajouter des scénarios de risques au-delà de ceux du plan de test actuel, a déclaré cette personne. ...
 
Les ingénieurs de Boeing sont frustrés car l’EASA n’a pas précisé quelles mesures supplémentaires pourraient dissiper ses objections, selon des personnes proches des discussions.

Le dernier paragraphe est étonnant. Un organisme de réglementation n’a pas pour tâche de dire aux ingénieurs de Boeing comment résoudre leurs problèmes. Les régulateurs définissent les règles et vérifient si les solutions techniques d’un fabricant sont conformes à celles-ci.

Le fait que Boeing n’ait toujours pas compris cela et cherche des solutions faciles à ses problèmes montre que la société n’a pas encore appris sa leçon.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone


Le Boeing 737 MAX est de retour dans les airs

...par Moon of Alabama - Le 08/12/2020.

Mais une mesure prise contre la Chine par la Maison Blanche pourrait encore mettre la compagnie en danger

 

Source : Le Saker francophone



Le Boeing 737 MAX, immobilisé au sol en mars 2019 après deux accidents qui ont causé 346 morts, reprendra bientôt ses vols commerciaux :

 

Gol Airlines, une compagnie aérienne brésilienne, a déclaré qu'elle prévoyait de reprendre ses vols de Boeing 737 Max mercredi, ce qui fait d’elle la première compagnie aérienne à accueillir des passagers à bord de l'avion depuis son interdiction de vol dans le monde entier, il y a près de deux ans.  Les premiers vols seront des vols intérieurs à destination et en provenance du hub de Gol à São Paulo, la compagnie s'attendant à ce que les sept avions Max de sa flotte soient mis à jour et autorisés à voler d'ici la fin du mois. Une porte-parole de Gol a refusé de donner plus de détails. ... Aux États-Unis, l'administration fédérale de l'aviation est devenue le mois dernier le premier régulateur à autoriser la remise en service de l'avion, après que les modifications nécessaires ont été apportées.   L'agence a récemment été rejointe par les régulateurs brésiliens, tandis que l'autorité européenne de l'aviation a suggéré qu'elle prévoyait de lever son interdiction dans les semaines à venir. Les parents des personnes tuées dans les accidents ont critiqué la décision d'autoriser l'avion à voler à nouveau, arguant qu'il reste dangereux.

La sécurité des vols est toujours relative. Moins d’un accident potentiel en un milliard d’heures de vol est le critère de conception habituel pour les systèmes critiques dans l’aviation. Le système de compensation MCAS original qui a causé les deux accidents a été conçu à un niveau de sécurité beaucoup plus bas, même s’il s’agissait d’un système critique.

Comme l’avion a maintenant été examiné par plusieurs agences internationales de sécurité et a reçu des mises à jour importantes, je ne vois pas pourquoi le 737 MAX devrait encore être considéré comme moins sûr que n’importe quel autre avion. Mais c’est l’approche rationnelle. Pour beaucoup de gens, voler est une affaire émotionnelle et ceux qui pourront éviter de voler à bord d’un MAX le feront probablement.

La société Boeing, autrefois glorieuse, créatrice du majestueux 747, a été ruinée par une direction qui a négligé la sécurité et la qualité pour maximiser la valeur actionnariale.

Boeing a perdu de manière décisive son rang de premier constructeur mondial d’avions. Suite à l’immobilisation au sol du MAX et à la faillite de nombreuses compagnies aériennes en raison de la pandémie, les commandes et les livraisons de nouveaux avions Boeing sont tombées verticalement :

Boeing n'a livré que sept avions commerciaux en novembre, dont un seul avion de passagers. Les données publiées mardi montrent que les livraisons ne comprenaient pas de 737 MAX ni de 787 Dreamliners. ... Fin novembre, le total des commandes de Boeing pour 2020, tous modèles d'avions commerciaux confondus, s'élevait à un très faible 1 048 commandes.   Cela inclut une nouvelle commande le mois dernier pour deux ravitailleurs aériens basés sur le modèle 767, pour l'armée japonaise. ... Fin novembre, le carnet de commandes d'Airbus pour les avions encore à livrer s'élevait à 7 302 avions. Sa famille A320 neo, concurrente directe de la famille Boeing 737 MAX, avait un carnet de commandes de 5 904 avions.  En comparaison, le carnet de commandes total de Boeing s'élevait à 4 240 avions. Et celui de la famille MAX s'élevait à 3 290.

Même si le MAX est autorisé à reprendre l’air, du moins dans certains pays, les problèmes de Boeing sont loin d’être terminés :

Boeing et ses compagnies aériennes clientes ont 837 avions MAX qui vont reprendre l'air. Une fois que la FAA et l'ANAC, l'autorité de régulation brésilienne, auront fixé les conditions, le travail pourra commencer.   L'AESA et Transports Canada suivront avec d'éventuelles modifications sur ce qui doit être fait. ... La révision du câblage d'un 737 MAX pour les systèmes de compensation prend environ 400 heures de travail. Des équipes spéciales sont mises en place dans le monde entier pour effectuer ce travail. ... On peut s'attendre à ce que la flotte complète de 737 MAX mis au sol ne reprenne ses vols qu'en début d'année 2023.

Les travaux de modification et les retards de livraison coûteront à Boeing quelques milliards de dollars supplémentaires. 62 des Boeing MAX construits alors que l’avion était au sol n’ont maintenant plus de client. Les observateurs de l’industrie disent que Boeing les propose avec une remise de plus de 70 %. Cela signifie probablement que ces ventes vont créer des pertes supplémentaires.

Le coût total de la catastrophe MAX pour Boeing atteindra environ 25 milliards de dollars. C’est assez d’argent pour concevoir deux types d’avions complètement nouveaux. De l’argent qui manque aujourd’hui à Boeing pour rattraper sa concurrence :

Boeing envisage la vente d'actions et d'autres moyens pour alléger le fardeau de sa dette qui a grimpé à 61 milliards de dollars cette année, dans le contexte de la pire récession de l'histoire de l'aviation. ... "Si on parle de lever des capitaux, ils seront utilisés pour rembourser cette dette", a déclaré Greg Smith, directeur financier, lors d'une conférence du Crédit Suisse Group AG. "Nous continuerons à investir dans l'entreprise, mais nous devons réduire le solde de la dette. Et nous examinerons toutes les possibilités de le faire de la manière la plus efficace possible, y compris par le biais de fonds propres".

Une situation financière instable et le 737 MAX ne sont pas les seuls problèmes de Boeing.

Agrandir Cet avion a été mis au point par des clowns qui sont supervisés par des singes. Un employé de Boeing, le 26 avril 2017. A Boeing, notre priorité est… La sécurité. En fait ce sont les profits, mais après c’est… La sécurité. En fait c’est de construire vite pour battre Airbus, mais après c’est… La sécurité. En fait c’est de faire plaisir à nos actionnaires, mais après c’est… Garder nos emplois ?

Pour réduire les coûts, Boeing a déplacé une chaîne de montage final pour le 787 Dreamliner des usines syndiquées de l’État de Washington vers la Caroline du Sud, non syndiquée. Auparavant, le 787 était assemblé dans les deux États. Le problème est que la main-d’œuvre non syndiquée de Caroline du Sud a la mauvaise réputation de fournir une qualité médiocre :

Alors que la baisse des voyages aériens pour cause de COVID déprime toutes les ventes d'avions, en particulier les gros-porteurs longs courriers, les problèmes de qualité de fabrication dans ses usines de Caroline du Sud et de l'Utah ont aggravé les problèmes de Boeing pour les livraisons du 787.  À North Charleston, en Caroline du Sud, deux défauts de fabrication découverts au niveau de la jonction du fuselage arrière sont susceptibles de compromettre l'intégrité structurelle de l'avion et nécessitent donc des inspections et des réparations intensives.  À Salt Lake City, un autre problème de qualité de fabrication concernant l'assemblage de la queue horizontale de l'avion a entraîné la nécessité d'inspecter des centaines de 787 déjà en service ainsi que ceux en production.  S'exprimant lors de la conférence des industriels du Crédit Suisse vendredi, Greg Smith, vice-président exécutif et directeur financier de Boeing, a déclaré qu'il avait fallu "plus de temps que prévu" pour inspecter tous les avions afin de détecter ces défauts potentiels.  En raison de la lenteur du processus d'inspection et des restrictions de voyage liées à la COVID qui affectent les voyages aériens internationaux, M. Smith a déclaré : "Nous avons en stock un grand nombre de 787 non livrés".  Plus de 70 avions de type 787 achevés attendent maintenant d'être livrés, selon un décompte complet en ligne mis à jour mensuellement par Uresh Sheth. Smith a déclaré vendredi qu'il pourrait falloir "jusqu'en 2021" pour rattraper le retard de livraison des 787 en stationnement.

D’autres programmes de Boeing, le ravitailleur en vol basé sur le 767, pour l’armée de l’air américaine, et sa capsule de vol spatial pour la NASA, sont également en difficulté. Bien que la société soit maintenant susceptible de survivre, il faudra peut-être une décennie ou plus avant que Boeing ne redevienne rentable.

À court terme, le plus grand danger imminent pour Boeing vient de la Maison Blanche.

L’administration Trump a sanctionné les entreprises technologiques chinoises qui ont des relations avec l’armée chinoise. Les sanctions pourraient bientôt atteindre un point où elles porteraient préjudice à Boeing :

Le premier vol commercial du C919, le biréacteur chinois politiquement significatif, pourrait être retardé indéfiniment en raison de la guerre technologique entre les États-Unis et la Chine.  Pékin a cherché à briser le duopole Boeing-Airbus sur les avions de ligne en remplissant son ciel intérieur d'avions produits localement par la société d'État Commercial Aircraft Corporation of China (Comac).  Le C919 à couloir unique est la réponse de la Comac à la série des Boeing 737 qui constituent actuellement la majeure partie de la flotte en expansion des compagnies d'État comme Air China, China Eastern et China Southern.  Aujourd'hui, l'administration du président Donald Trump envisagerait d'ajouter la Comac aux 89 avionneurs et compagnies aériennes figurant sur une liste d'entités chinoises qui ne peuvent pas traiter avec des entreprises américaines pour des technologies, solutions ou produits à double usage fabriqués avec le savoir-faire américain, en raison de leurs liens supposés avec l'armée chinoise. ... China News Service a cité un cadre de la Comac qui déclarait que la société évaluait les conséquences probables si Trump plaçait sa société sur la liste dite "entity list", mais affirmait aussi que les accords d'approvisionnement actuels avec General Electric (GE), Honeywell et d'autres continueraient normalement.

Sanctionner la Comac serait à court terme préjudiciable à cette entreprise. Mais la Chine a l’ambition nationale de devenir un pays fabricant d’avions de lignes et ne sera pas arrêtée par un refus de composants américains. Les sanctions ne feraient que retarder l’inévitable.

On estime que la Chine aura besoin de 8 000 nouveaux avions de ligne d’ici 2040. C’est un marché suffisamment important pour soutenir trois fabricants mondiaux.

Mais en représailles aux sanctions, la Chine pourrait faire beaucoup de mal à Boeing. Le régulateur chinois n’a pas encore re-certifié le 737 MAX. Il y a de nombreux problèmes avec le MAX dont on pourrait dire qu’ils sont toujours préoccupants. Les compagnies aériennes chinoises sont parmi les plus gros clients du Boeing 737.

Si le régulateur chinois trouve des raisons de ne pas certifier le 737 MAX ou d’exiger des travaux supplémentaires importants sur les avions, Boeing aura de nouveaux problèmes. Un retard de certification dont on ignore l’issue concernerait non seulement ses ventes aux clients en Chine, mais aussi aux clients asiatiques qui veulent utiliser les avions pour voler vers et depuis la Chine.

Le MAX est en train de reprendre l’air et Boeing pourrait bien survivre. Mais un coup de poignard dans le dos par une Maison Blanche anti chinoise pourrait encore mettre la compagnie en danger.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone


Est-ce que Boeing fabrique encore des avions fiables ?

...par Philippe Rosenthal Le 13/01/2020.

Les experts se posent des questions après le dramatique crash du Boeing 737-500 près de Jakarta en Indonésie après ses années de bons et loyaux services d’autant plus que cet avion n’avait pas à son bord la nouvelle technologie qui a affecté le 737 MAX de crashs successifs.

Ce nouvel accident tragique d’un Boeing en Indonésie avec plus de 60 personnes à son bord intervient à un moment difficile pour le géant américain de l’aviation, écrit le New York Times en rappelant que la compagnie américaine a vu sa réputation entamée par des années d’enquêtes sur des accidents mortels. Le journal indique que l’avion possédait un bon dossier de service contrairement à l’avion du même fabricant, qui était au centre de la crise récente de Boeing, le 737 MAX avec un logiciel anti-blocage défectueux qui a conduit à deux accidents mortels, une version ultérieure à celui qui vient de plonger dans la mer.

Quelles sont les causes ? Les experts de Boeing mais aussi la presse américaine s’interrogent sur la raison pour laquelle le Boeing a pu tomber aussi violemment dans la mer car, étant à la fois un accident absolument triste pour les voyageurs et l’équipage, c’est la réputation d’un des fleurons de l’aviation américaine qui est lourdement remise en question.

Il faut savoir certaines choses concernant ce crash en Indonésie. Le premier fait est, justement, « qu’on ne sait pas ce qui a causé l’accident » même si on sait que « le vol 182 de la compagnie Sriwijaya Air, qui se rendait dans la ville de Pontianak sur l’île de Bornéo, a décollé au milieu d’une forte pluie de mousson, à la suite d’un retard à cause du mauvais temps et qu’il a plongé de plus de 10 000 pieds en moins d’une minute, selon le site de suivi Flightradar24. L’Indonésie, qui forme un archipel de milliers d’îles, est fortement tributaire des voyages aériens. Bien que le pays ait une longue histoire d’accidents d’aviation, la compagnie Sriwijaya Air n’avait pas eu un seul accident mortel depuis le début de ses opérations en 2003.

L’avion impliqué dans l’accident, qui a perdu le contact peu après le décollage de Jakarta samedi, était un Boeing 737-500, un modèle éprouvé et développé dans les années 1980, et non l’avion de ligne 737 MAX qui est déjà synonyme de malheur à un tel niveau qu’il a été immobilisé après des accidents mortels en 2018 et 2019.

En quoi le 737-500 est différent du 737 MAX ? L’avion impliqué dans l’accident de samedi est un modèle antérieur du 737 et qu’il, selon la base de données en ligne Airfleets, était en service depuis 26 ans, qu’il volait avant pour Continental Airlines et United Airlines avant d’avoir été livré à Sriwijaya Air en 2012.

Le 737-500 ne partage pas le même système anti-blocage que le 737 MAX, qui a été déclenché lors du crash d’un autre vol indonésien en 2018, le vol Lion Air 610, tuant les 189 personnes à son bord. Le même système a été mis en cause dans le crash d’un 737 MAX en Éthiopie en mars 2019, qui a fait 157 morts. Ces accidents ont forcé la mise au repos de la flotte des engins de cette catégorie dans le monde entier et cela a provoqué une crise pour Boeing. La société a limogé son directeur général et a déclaré l’année dernière que la mise au parking de ses avions MAX lui coûterait plus de 18 milliards de dollars, un coup dur avant même que la pandémie de coronavirus ne frappe l’industrie aéronautique.

La semaine dernière, la société a déclaré qu’elle avait accepté de payer 2,5 milliards de dollars, dont 500 millions de dollars pour un fonds à destination des victimes pour résoudre une accusation de complot criminel visant à frauder l’administration de l’aviation fédérale nord-américaine (FFA) sur l’évaluation du 737 MAX. Le 737 MAX a repris son vol le mois dernier avec le vol 718 d’American Airlines qui a effectué le premier vol commercial après que la FAA ait levé son ordre d’interdiction de vol en novembre. Avant de pouvoir voler à nouveau, chaque avion 737 MAX doit avoir son câblage et son logiciel modifiés.

Historiquement, le 737-500 a été un avion fiable dans le ciel. La série à laquelle il appartient, qui comprend les 737-300 et 737-400, a eu 19 accidents mortels en plus de trois décennies de fonctionnement, soit environ un accident mortel pour quatre millions de départs, selon un rapport de Boeing en 2019. Quatre accidents mortels antérieurs ont été, selon l’Aviation Safety Network, enregistrés avec les 737-500, dont des accidents en Corée du Sud en 1993, en Tunisie en 2002 et en Russie en 2008 et 2013.

Boeing a fabriqué 389 des 737-500 avant que le modèle ne soit arrêté. Selon le site Web de suivi Planespotters.net, jusqu’à 100 appareils de ce type sont encore utilisés par les petites compagnies aériennes du monde entier dans des pays comme l’Afghanistan, l’Iran, le Nigeria, la Russie et l’Ukraine.

source : http://www.observateurcontinental.fr/ 

Pour Boeing, l’incident du 737-MAX 9 n’est que le dernier d’une longue série

Source : RzO International - Le 08/01/2024.

par Maxime Birken 

Depuis son apparition sur le marché en 2017, le modèle 737-MAX de Boeing a déjà connu de nombreux pépins. Sans compter les deux crashs mortels de 2018 et 2019.

L’horizon s’assombrit une fois encore pour l’avionneur américain. L’incident survenu vendredi lors du vol d’un 737-MAX 9 près de Portland, aux États-Unis, complique le retour sur le devant de la scène du constructeur Boeing, paralysé ces dernières années par une série de problèmes sur ses appareils, en plus de deux crashs mortels.

Si la section du fuselage qui s’est soudainement détachée de cet avion de la compagnie Alaska Airlines n’a pas provoqué de victime, la situation s’annonce critique pour Boeing, dont les appareils du modèle 737-MAX 9 sont désormais cloués au sol dans de nombreux pays en attendant des expertises du modèle problématique.

Une galère de plus pour Boeing qui commençait doucement à remonter la pente après une longue période d’instabilité provoquée par les nombreux problèmes techniques de cet avion qui devait initialement concurrencer l’A320 d’Airbus.

Inspections à la chaîne

Depuis vendredi, la compagnie américaine Alaska Airlines a ordonné le maintien au sol de tous les modèles 737-MAX 9. Depuis les annonces se suivent et se ressemblent au sein de l’aviation américaine et même mondiale. Ainsi, United Airlines, l’une des premières compagnies mondiales, Turkish Airlines, Aeromexico ou la compagnie panaméenne Copa Airlines ont décidé de clouer au sol leurs appareils de ce type pour les inspecter.

Une décision qui fait suite à une directive de l’agence fédérale américaine de l’aviation civile (Federal Aviation Administration, FAA).

Depuis sa mise en circulation sur le marché, Boeing affirme avoir livré 218 exemplaires du 737-MAX 9. À titre d’exemple, United Airlines détient la plus grande flotte au monde de ce modèle Boeing et la compagnie a cloué au sol 46 de ses appareils, alors que 33 ont déjà été examinés depuis vendredi.

De son côté, la FAA évoque le chiffre de 171 appareils concernés à travers le monde. Et pour chaque appareil, les inspections d’usage nécessitent entre quatre et huit heures de travail. Un travail qui risque de provoquer une paralysie de la flotte Boeing, un cas de figure que l’avionneur connaît bien désormais.

Deux crashs successifs

Ces dernières années, le modèle 737-MAX n’est plus vraiment en odeur de sainteté. Il faut dire qu’avec deux accidents mortels survenus un an et deux ans après la mise en service de cet appareil, les conditions ne sont pas vraiment idéales.

Le premier avait eu lieu le 28 octobre 2018 et avait provoqué la mort de 189 personnes au large de l’Indonésie. Cet avion de la compagnie Lion Air avait été ciblé par les enquêteurs de l’époque pour ses défauts de conception et son système de commande à bord de l’engin. Le Figaro évoque également la «formation inadaptée des pilotes et des performances médiocres de l’équipage» qui avaient conduit au crash du Boeing.

Cinq mois après, c’est un 737-800-MAX appartenant cette fois à Ethiopian Airlines qui s’écrase peu de temps après son décollage le 10 mars 2019 et dans des conditions relativement similaires au vol de Lion Air. Cette fois encore, un défaut de conception lié au logiciel MCAS est pointé du doigt. Un système qui permet d’éviter le décrochage de l’appareil.

Flotte paralysée 20 mois

Dans la foulée de ce second accident, Boeing avait été contraint de maintenir ses appareils au sol, alors que plusieurs pays dont les États-Unis, la Chine ou l’Inde avaient interdit le modèle dans leur espace aérien. Une période d’immobilisation qui aura duré vingt longs mois, période durant laquelle des changements dans le système de contrôle en vol avaient été imposés.

Et ces derniers mois, les soucis se sont une nouvelle fois enchaînés. En fin d’année 2023 notamment, lorsque Boeing a informé les compagnies aériennes détentrice de modèles 737 qu’ils devaient être inspectés pour vérifier des pièces desserrées dans le système de contrôle du gouvernail. Quelques mois plus tôt, Boeing avait également été contraint de ralentir ses livraisons à cause de problèmes sur le fuselage, en particulier sur la cloison étanche arrière de l’appareil.

La perte de confiance dans le 737-MAX risque donc de coûter cher à Boeing après ce nouvel incident particulièrement impressionnant visuellement. Et la Chine qui avait déjà été refroidie par les crashes de 2018 et 2019 ne risque pas de reprendre tout de suite les livraisons de 737-MAX pour les compagnies chinoises.

source : Huffpost

envoyé par Thémistocles

 

Le 737 MAX de Boeing n’est toujours pas au point

 


Par Moon of Alabama – Le 6 janvier 2024

Je n’avais pas écrit sur le gâchis technique et commercial de Boeing depuis un certain temps.

Après les défaillances du 737 Max en 2019, qui ont fait que deux avions se sont écrasés, tuant tous leurs occupants, l’entreprise avait promis d’améliorer ses méthodes de travail. Depuis, elle a connu plusieurs arrêts de production pour des problèmes de qualité et de sécurité des vols sur plusieurs de ses lignes de fabrication. Il y a encore des avions 737 MAX et 787 non livrés qui sont mis en sommeil dans divers aéroports autour de Seattle.

Et maintenant, un nouvel incident :

 

Pete Muntean @petemuntean – 4:20 UTC – 6 jan. 2024

NOUVELLE IMAGE prise à bord de l’avion d’Alaska Airlines 1282 après que ***une partie du fuselage*** ait explosé en plein vol. Retour d’urgence réussi à Portland après 20 minutes dans les airs. Boeing 737 Max 9 âgé de 10 semaines (!). Enquête du NTSB.

Il y a une vidéo prise de l’intérieur de l’avion au moment de l’atterrissage. Les masques à oxygène ont été déployés lorsque l’avion s’est dépressurisé. La femme qui filme dit qu’il n’y avait heureusement personne assis à côté de l’endroit où la coque a été percée. Si cela avait été le cas, cette personne serait probablement morte.

R A W S A L E R T S @rawsalerts – 3:35 UTC – 6  Jan. 2024

🚨#ALERTE : Alaska Airlines contraint d’effectuer un atterrissage d’urgence après l’explosion d’une grande fenêtre en plein vol

Le vol 1282 d’Alaska Airlines a fait l’objet d’un atterrissage d’urgence forcé à l’aéroport international de Portland dans la nuit de vendredi à samedi. Le vol, qui reliait Portland à Ontario (Californie), a subi une forte dépressurisation qui a provoqué l’éjection d’une grande fenêtre et d’un siège inoccupé. La chemise d’un enfant a été arrachée lors de cet incident. Le Boeing 737-900/-9MAX a atteint une altitude maximale de 16 300 pieds avant de retourner en toute sécurité à l’aéroport international de Portland. Pour l’instant, on ne sait pas si quelqu’un a été blessé à bord de l’avion, car l’affaire n’est pas encore terminée.

J’ai appris depuis qu’il s’agissait en fait de l’emplacement d’une sortie de secours spéciale qui, lorsqu’elle est installée, s’ouvre vers l’extérieur. Elle est “fixée” sur les avions de faible densité qui n’en ont pas besoin.

Cela indique un grave problème de fabrication chez le constructeur de la coque qui n’a pas été détecté par le contrôle de qualité.

Tous les passagers et l’équipage ont survécu et l’avion a atterri en toute sécurité. Alaska Air a immobilisé sa flotte de 65 737 MAX 9. D’autres compagnies aériennes devraient suivre.

Le Seattle Times donne les détails :

Le trou rectangulaire net qui est apparu dans le fuselage est situé à l’endroit où Boeing installe un bouchon pour sceller l’ouverture d’une porte qui n’est pas utilisée comme porte par la plupart des compagnies aériennes et par aucun transporteur américain.

Une porte de sortie de secours n’est installée à cet endroit que pour les avions destinés aux compagnies à bas prix comme Ryanair qui, installant des sièges supplémentaires nécessite une sortie de secours supplémentaire. Sinon, le trou est scellé par un bouchon et, de l’intérieur, il est recouvert par une paroi latérale, de sorte que, pour un passager, il ressemble à une fenêtre normale, et non à une porte de secours.

Ce bouchon, situé à mi-chemin entre la sortie d’aile et la porte située à l’arrière de l’avion, n’est présent que sur les plus grandes versions du 737.

Il équipe la génération précédente du 737-900ER et le même design est présent sur le 737 MAX 8-200, la version haute densité pour les compagnies à bas prix, ainsi que sur les MAX 9 et MAX 10.

Il n’est pas présent sur les MAX 7 ou les MAX 8.

Eh bien, la fixation a été arrachée …

La semaine dernière, nous avons également trouvé ceci :

Boeing a demandé aux compagnies aériennes clientes d’inspecter leurs avions 737 Max pour vérifier si des boulons étaient desserrés, a annoncé jeudi l’Administration fédérale de l’aviation (FAA).

Cette demande intervient après que le constructeur a découvert que deux avions avaient des boulons manquants dans le système de commande du gouvernail, ce qui a soulevé des inquiétudes quant à l’existence de défauts sur l’ensemble des avions.

Le problème identifié sur l’avion en question a été résolu“, a déclaré Boeing à CNN dans un communiqué. “Par prudence, nous recommandons aux opérateurs d’inspecter leurs avions 737 Max et de nous informer de toute anomalie.”

Hier, le Seattle Times a également publié un article à ce sujet :

Boeing demande à la FAA d’exempter le MAX 7 des règles de sécurité pour qu’il puisse prendre l’air

Peu remarquée, l’Administration fédérale de l’aviation a publié en décembre une demande de Boeing visant à obtenir une dérogation à des normes de sécurité essentielles pour le 737 MAX 7, le plus petit membre de la nouvelle famille de jets de Boeing, qui n’a toujours pas été certifié.

Depuis le mois d’août, les modèles antérieurs du MAX qui transportent actuellement des passagers aux États-Unis ont dû limiter l’utilisation du système d’antigivrage du moteur après que Boeing a découvert un défaut dans le système qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques.

Ce défaut pourrait entraîner la rupture et la chute de l’entrée d’air située à l’extrémité avant de la nacelle entourant le moteur.

Dans une consigne de navigabilité publiée en août, la FAA a déclaré que les débris d’une telle rupture pourraient pénétrer dans le fuselage, mettant en danger les passagers assis aux fenêtres situées derrière les ailes, et pourraient endommager l’aile ou la queue de l’avion, “ce qui pourrait entraîner une perte de contrôle de l’avion“.

On espère que la FAA et le Congrès vont enfin s’attaquer sérieusement à Boeing. Ils doivent cesser de lui accorder toutes ces exceptions paresseuses pour des problèmes qu’une meilleure ingénierie (mais plus coûteuse) peut facilement résoudre.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

Commentaires: 0