TERRITOIRES PERDUS DE LA RÉPUBLIQUE

«La France approche dangereusement d’un point de bascule»

Source : Figaro Vox - par Thierry de Montbrial - Le 03/08/2023.

ANALYSE - L’avocat au barreau de Paris et président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure livre son analyse sur l’origine et la problématique complexe des émeutes qui ont secoué le pays au début de l’été. 

 

Cet article est issu du Figaro Magazine

 

«Qui aurait pu prévoir ce qui vient de se passer ?», a questionné à plusieurs reprises le président de la République Emmanuel Macron dans les jours qui ont suivi les émeutes de ce début d’été. Posée sous forme rhétorique par l’homme le mieux informé de France, cette question est vertigineuse. En effet, policiers et gendarmes, procureurs et préfets, hauts fonctionnaires chargés de près ou de loin des questions régaliennes, élus de tous bords dès lors qu’ils sont lucides et de bonne foi, tous avaient anticipé depuis plusieurs années ce scénario tant redouté d’un embrasement généralisé de nos banlieues.

 

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Depuis longtemps, seules demeuraient deux incertitudes: le facteur déclenchant et l’intensité du phénomène. L’embrasement eut pour origine le coup de feu tiré après plusieurs minutes de course-poursuite en pleine ville de Nanterre par un policier sur le fils d’un ancien délinquant parmi les plus chevronnés des Hauts-de-Seine, «petit ange» déjà engagé à 17 ans dans un parcours en marge de la légalité.

Quant à l’intensité de ces émeutes, elle fut, à la fois statistiquement (nombre de communes concernées, dégâts observés) et de l’avis unanime des policiers et gendarmes, bien supérieure à celle de novembre 2005. Seul Emmanuel Macron a estimé l’inverse en évacuant le sujet dans son entretien accordé à TF1 et France 2, depuis la Nouvelle-Calédonie, la semaine passée.

 

Pays fracturé

 

De son côté, la première ministre, ex-socialiste, Élisabeth Borne a appelé à «prendre le temps du diagnostic», comme si elle aussi avait été surprise par cette irruption de violence et avait besoin de temps (des semaines? des mois?) pour prendre la mesure d’un pays fracturé comme jamais et miné par un ensauvagement désormais endémique.

Même le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin y est allé, certes sans enthousiasme, de sa déclaration décalée. La capacité du «premier flic de France» à prendre la mesure de l’inflammation et à mobiliser ses troupes a sans doute contribué à mettre un terme plutôt rapide à la crise et à éviter une catastrophe. Mais, contre l’évidence, il a ensuite cru devoir écarter le lien entre cet embrasement et l’immigration.

La raison? «Seuls 10 % des auteurs sont étrangers.» Et d’évoquer devant le Sénat les «Kevin et Matteo», auteurs majoritaires supposés des exactions. Compte tenu des informations auxquelles il a accès, l’embarras manifeste de l’intéressé lors de cette audition est compréhensible. Difficile de tout dire, même depuis Beauvau, au temps du «en même temps».

 

Point de bascule

 

Car, enfin, que s’est-il passé en ce début d’été ?

Les événements qui ont suivi l’affaire de Nanterre résultent de façon éminemment prévisible de l’affaissement de l’État et de la crise d’autorité qui minent le pays depuis des décennies, ainsi que d’une immigration non maîtrisée, génératrice de multiples déséquilibres. Ses effets délétères culturels, sociaux et sécuritaires ne peuvent plus être dissimulés sous des slogans désormais vides de sens («chance pour la France», «enrichissement», «vivre-ensemble») et narratif («la France a toujours été une terre d’immigration»). Ces antiennes sont historiquement fausses (peu d’immigration avant 1850) et fallacieuses (jusque dans les années 1960, l’immigration était très majoritairement de culture chrétienne et non musulmane. La distinction est fondamentale).

La vérité, c’est que la France approche dangereusement d’un point de bascule.

À supposer même que «10 %» seulement des émeutiers aient été des étrangers, cela signifie-t-il qu’il n’y a «aucun lien avec l’immigration»? Bien sûr que non, et le communiqué lunaire du gouvernement algérien publié en pleine séquence n’en est pas le seul indice flagrant.

 

Bonne politique migratoire

 

Les multiples attaques contre les symboles matériels (mairies, écoles, services publics) et humains (forces de sécurité intérieure, mais aussi élus) signent une haine de la France désormais ouvertement omniprésente dans une partie de notre société. C’est, par exemple, le cas sur les réseaux sociaux ou lors des centaines d’agressions qui se déroulent au quotidien sur notre territoire.

 

Limiter l’analyse à la question administrative de la nationalité, c’est occulter la principale exigence attendue d’une bonne politique migratoire: la capacité à assimiler les nouveaux arrivants. Nombreux sont ceux qui le souhaitent mais ne le peuvent, premières victimes des conséquences d’arrivées massives qui plombent les politiques de la ville malgré les dizaines de milliards dépensés.

 

Échouer dans cette assimilation, c’est faire de centaines de milliers, voire de millions de binationaux ou de Français de fraîche date, les acteurs potentiels d’un affrontement dont même un président (François Hollande) et un ministre de l’intérieur (Gérard Collomb), socialistes de surcroît, ont ouvertement évoqué l’hypothèse depuis des années.

 

Courage politique

 

Alors que l’Insee établit que près de 30 % de personnes vivant en France sont immigrées ou descendantes d’immigrés à une ou deux générations, il est vital de reprendre en main de façon drastique notre politique migratoire, que ce soit en termes de contrôle des frontières, d’octroi de visa, d’asile, de reconduite à la frontière ou d’accès à la nationalité.

 

Casser l’attractivité sociale et durcir l’accès à la nationalité sont des impératifs. Des solutions existent, compatibles avec un droit européen, pourtant, hélas, devenu un obstacle en la matière. Confrontés à un danger comparable, le Danemark, la Suède ou le Royaume-Uni ont commencé à agir. Il y a urgence. Aujourd’hui, même les petites villes (Montargis, Laval et tant d’autres) ont été la proie de bandes ultraviolentes. La politique dite de peuplement (sic), décidée en 2022 (mais après sa réélection) par le chef de l’État, et qui consiste à répartir les migrants sur le territoire est une folie dont les premiers effets sont visibles notamment en termes de délinquance, et qui accélère la marche vers une libanisation de notre pays.

 

Nier la dimension migratoire et ses conséquences culturelles, ethniques et religieuses sous-jacentes aux émeutes de 2023, et plus largement à la violence qui s’est installée en France, c’est s’interdire de réfléchir à la façon dont nous pouvons encore changer de trajectoire. Croire que la prospérité prévaudra toujours sur l’identité est un leurre tragique, comme l’histoire l’a démontré.

 

Au début des années 1970, le Liban était surnommé «la Suisse du Proche-Orient».

 

L’immigration comme « politique de peuplement » : Macron dit enfin les choses !

Source : Bd. Voltaire - par Aranud Florac - Le 03/08/2023.

En marge de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron a accordé un entretien au Figaro. Il a évidemment été question des sujets qui n'en sont pas : le sentiment d'insécurité, couplé au sentiment d'invasions barbares. Emmanuel Macron, pas abîmé par le décalage horaire pour deux sous, est resté droit dans ses bottes. Même si chacun de ses pieds part « en même temps » d'un côté différent de l'autre, comme d'habitude. Le président de la République veut plus de fermeté et a constaté (on aimerait bien savoir comment) que la réponse judiciaire aux émeutes urbaines avait été « implacable »... mais il balaie d'un revers de main l'idée de supprimer les allocations familiales pour les familles de racailles. De même, sans désavouer Gérald Darmanin - le sociologue myope qui voit des Anglais, des Kevin et des Matteo partout -, Emmanuel Macron reconnaît qu'il y a un problème d'immigration. Jamais en retard d'une impuissance, le Président constate qu'il n'y a « pas de statistiques ethniques » en France - comme s'il n'était pas en mesure de les exiger - puis reconnaît la présence d'émeutiers issus de l'immigration, avant de conclure que 90 % d'entre eux sont français.

De la soupe. Un gloubi-boulga centriste qui résume bien l'incompréhension (volontaire ou due à l'idéologie) du phénomène d'invasion migratoire par les élites françaises autoproclamées. On y ajoute quelques approximations géographiques « croquignolesques », comme dirait Macron lui-même. Ainsi, le Président déclare notamment que la France ne peut pas sous-traiter ses migrants au Rwanda, comme le font le Danemark et le Royaume-Uni, parce qu'elle n'est « pas une île ». On croit savoir que le Danemark non plus - mais bon, avec la montée des eaux, on n'est plus sûr de rien.

La France terre d'immigration, vraiment ?

Deux phrases font froid dans le dos et montrent que Macron ne craint ni le mensonge ni la dictature (pour ceux qui en doutaient). Le mensonge, d'abord : « Nous avons toujours été un pays d'immigration. » Les premières migrations (si on exclut l'installation des Vikings en Normandie) datent de la fin du XIXe siècle et la plupart des travailleurs dont la France avait alors besoin sont ensuite retournés chez eux (deux tiers des Italiens, par exemple). Ce sont les années 1950 et 1960 qui ont changé la donne en faisant venir sur notre sol, pour la première fois (si l'on excepte deux ou trois occurrences comme la bataille de Poitiers ou l'hivernage des Turcs à Toulon), des musulmans et surtout des extra-Européens. On peut lire Jérôme Fourquet à ce sujet, notamment sur la courbe des prénoms musulmans. Et, surtout, on peut sortir de chez soi et marcher quelques mètres pour constater la présence croissante d'extra-Européens.

La dictature, ensuite : Macron veut une « politique de peuplement » pour que les gens ne vivent pas « dos à dos »« Beaucoup de gens disent "Non, nous, on ne veut pas voir de nouveaux arrivants chez nous". Moi, je pense qu’on intègre d’autant mieux qu’on le fait de manière diffuse. Si vous mettez toutes les familles ukrainiennes qui arrivent dans les mêmes endroits, vous ne les intégrez pas. » En appeler aux Ukrainiens dans ce domaine, c'est un peu comme accuser les Anglais d'avoir commis des délits au Stade de France : c'est de la mauvaise foi. Quant à une politique de « peuplement », on est, là, dans le pire de ce que les dictatures communistes (mais pas seulement) peuvent offrir : mélanger les peuples pour qu'ils n'aient plus d'identité, se soumettre aux diktats économiques qui réclament de la main-d'œuvre et abandonner les autochtones à leur sort en donnant systématiquement raison aux arrivants.

« Une politique de peuplement de manière diffuse », c'est la manière optimiste de dire que l'on va, comme Macron l'a annoncé après les émeutes, « répartir les difficultés ».

En bref : Vous ne serez plus en sécurité nulle part. Vos filles et vos fils non plus : Les unes sifflées comme des prostituées, les autres saignés pour un regard ou une clope. Vos voitures non plus : Les belles bagnoles victimes de car-jacking, les autres cramées deux fois par an (31 décembre et 14 juillet, fêtes d'obligation de la diversité). Vos maisons non plus : cambriolages avec violence ou squat pendant votre absence. C'est la France que les électeurs ont voulue : une France dans laquelle Axelle ou Lola sont tuées par des enfants d'immigrés (que nous ne sommes pas tous, malgré les slogans) dans une totale indifférence, mais où la mort du « petit ange » Nahel fait brûler le pays. Une France qui dégringole au classement PISA mais règne sur le football. Voilà le résultat de ce peuplement dont les conséquences ne sont pas dues à des facteurs socio-économiques - il faudra bien qu'on en parle un jour.

Ruben Rabinovitch, le guetteur privilégié

Source : Causeur - par Alain Neurohr - Le 01/08/2023.

Ruben Rabinovitch, le guetteur privilégié

Ce psy connaît de très près les jeunes délinquants des “quartiers” qui le consultent dans un contexte juridique. Ses interventions médiatiques lèvent le voile sur la culture qui domine dans ce milieu social, une culture de clan résolument incompatible avec la culture européenne, fondée comme elle l’est sur une notion de vengeance encore plus radicale que la loi du Talion.


Sa carrière a placé Ruben Rabinovitch dans une position privilégiée : psychologue et psychanalyste, il reçoit dans son cabinet beaucoup de délinquants issus de l’immigration maghrébine. Ceux-ci ne viennent pas le consulter pour mieux comprendre leur psyché mais pour avoir une lettre prouvant au magistrat qui les jugera qu’ils font les efforts de réinsertion qui attireront sa clémence. Il lui arrive aussi d’aller dans les tribunaux voir ses visiteurs passer devant les juges. Il se trouve ainsi comme placé sur un belvédère, avec vue imprenable sur le confluent de ces deux torrents calamiteux qui menacent de noyer la France : l’immigration incontrôlée et une justice qui, depuis Michel Foucault et la naissance du Syndicat de la Magistrature, a honte de punir et souhaite éperdument n’être qu’une ONG vouée à l’amicale compréhension des délinquants et à la clémence envers eux quoi qu’il en coûte. Et il en coûte beaucoup à la France.

Cette position de guetteur mélancolique est nécessaire mais pas suffisante. Ruben Rabinovitch a en outre un sens fracassant de la formule, un style digne d’un écrivain de haut vol, et une immense culture centrée sur la littérature, les religions et la philosophie. Sans parler du zeste d’humour grinçant qui signe les grands esprits. A preuve de la première de ces qualités, le titre d’un article paru dans un célèbre hebdomadaire :  « Une justice faible avec les barbares est une justice barbare avec les faibles ». Pour sa vaste culture, j’avancerai ses réflexions sur la loi du Talion. En brave petit étudiant en lettres classiques, je tenais « œil pour œil, dent pour dent » pour le comble de la barbarie, auquel était venu mettre un terme la naissance de la Justice splendidement racontée par Eschyle dans L’Orestie. La cascade de meurtres qui a ravagé la famille d’Agamemnon (je tue ma mère parce qu’elle a tué mon père, ma mère a tué mon père parce qu’il avait tué ma sœur) s’arrête le jour où les Dieux décident d’infliger à Oreste une peine inférieure à son crime. Il ne sera pas tué pour avoir tué, il sera poursuivi toute sa vie par les Érinyes, ces cruelles déesses de la punition divine.

Or Ruben Rabinovitch, à la suite de l’anthropologie du clan développée par le docteur Maurice Berger, nous explique qu’il y a bien pire que le Talion, c’est la loi encore plus archaïque du clan qu’il résume pittoresquement ainsi : « Pour un œil, les deux yeux, et pour une dent toute la mâchoire ». Beaucoup d’originaires d’Afrique du Nord et d’Afrique noire se vivent encore comme membres d’un clan et non comme  individus responsables. Toute blessure que je reçois est infligée à tout cet organisme vivant dont je ne suis qu’une cellule, toute blessure que j’inflige n’est pas de ma responsabilité, je ne peux en ressentir de culpabilité, pas plus qu’une main ne s’offusque d’un crime conçu ailleurs par le cerveau. Est-ce la raison pour laquelle l’idée de duel, de combat entre deux forces équilibrées, n’existe pas dans certaines cultures ? La Bible nous raconte le duel entre David et Goliath, l’histoire romaine nous parle du combat des trois Horaces et des trois Curiaces, et les duels et tournois du Moyen Age ont fini d’implanter très profondément le combat loyal dans la psyché occidentale. Pourquoi certaines cultures ne prohibent-elles pas la pratique abominable du lynchage ? Peut-être à cause de la psychologie du clan.

Redescendons de ces hauteurs théoriques au récit tristement réaliste que Ruben Rabinovitch fait d’une séance de tribunal. Deux jeunes hommes mineurs ont massacré une jeune femme près d’une caisse de supermarché. Elle leur avait demandé de faire la queue comme tout le monde, en réponse elle a été sauvagement frappée et défigurée, elle en gardera des séquelles à vie ainsi que la peur panique de sortir de chez elle. En plein prétoire, quand l’avocat évoque cette défiguration, les accusés lancent : « T’avais déjà une sale gueule, de toute façon ! » Arrive la conclusion, glaçante : « Chacun ressortit du tribunal comme il y était entré. Sans odorat, sans goût, le visage déformé et incapable de sortir de chez elle, pour la plaignante. Libres, pour les deux adolescents ».

Un cas isolé ? Non, un cas quotidien. Rédigeant cet article, j’ouvre le site du Figaro en date du 29 juillet 2023. « Trois hommes condamnés après le lynchage d’un policier sous les yeux de sa fille. Trois hommes ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Meaux à des peines allant de dix-huit mois avec sursis probatoire à 3 ans de prison, dont 1 ferme après la violente agression au début du mois de juillet d’un policier hors service à Mitry-Mory ». Gageons que le juge d’application des peines, dont je rappelle qu’il n’existe qu’en France, réduira à six mois l’année de ferme. Et qu’un ministre soucieux de l’encombrement des prisons épargnera tout passage derrière les barreaux à ce brave garçon. Justice vraiment barbare, qui pousse les condamnés à récidiver et les victimes à subir une perpétuité de souffrances physiques et morales. Le policier de Mitry-Mory n’est pas mort, mais rappelons que le relatif tassement des meurtres en France n’est dû qu’à la grande rapidité des secours et à l’efficacité des chirurgiens.

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Comment ralentir ces deux torrents ravageurs qui font tous les jours leur jonction dans nos tribunaux ? Le docteur Maurice Berger, spécialiste de la violence des ados, et le psychologue et psychanalyste Ruben Rabinovitch montrent que tout se joue dans les premières années, quand le petit garçon s’habitue à être adulé par les femmes de la famille et à voir celles-ci battues sans ménagement par les hommes. « L’absence des pères dans les « quartiers » est souvent moins délétère que leur présence », remarque cruellement Rabinovitch dans Le Point. Le fonctionnement moral et mental des individus soumis à la loi du clan n’est pas le même que celui des personnes façonnées par une culture où le père est censé poser des interdits à l’enfant et lui faire intérioriser la culpabilité devant le mal. Ce problème posé par des garçons sans limites ni culpabilité se reproduit à chaque génération, ce que je lis sous la plume de Rabinovitch ressemble à ce que j’ai découvert dans les années 1990, professeur dans le quartier sensible de Chatenay-Malabry. Par bonheur, l’imprégnation par la culture européenne fait échapper un certain nombre de ces jeunes à l’infernale mécanique, et j’ai été ravi de découvrir pendant la pandémie que bon nombre de sommités médicales se prénommaient Karim ou Mohamed. Le substitut du procureur de Meaux, qui avait requis quatre ans de prison dont trois fermes contre deux des lyncheurs de flic de Mitry-Mory et deux ans dont un ferme pour le troisième (donc bien plus que la condamnation effective), se nomme Yacine Benmohammed. « L’espoir luit comme un grain de paille » dit Verlaine dans Sagesse.

Quel Hercule nettoiera les écuries de la justice française ? La plus épaisse des couches de crasse est constituée par une bonne conscience phénoménale, une certitude généralisée chez tous les juges, même le raisonnable Georges Fenech, qu’ils ont raison de défendre ce monument d’immobilisme dangereux qu’ils appellent l’État de Droit. État de droit qui sert en premier lieu leurs intérêts corporatistes, faut-il le dire ? Quand comprendront-ils que l’anthropologie chrétienne qui conçoit l’homme pétri de mal a vaincu depuis longtemps l’anthropologie rousseauiste pour qui l’homme est bon par nature mais corrompu par la société ?

 

 

Nahel a été tué par l’impunité systémique des cités

Source : Theatrum Belli - Le 30/06/2023.

par Raphaël CHAUVANCY est officier supérieur des Troupes de marine. Il est en charge du module "stratégies de puissance" de l'École de Guerre Économique (EGE) à Paris. Il concentre ses recherches sur les problématiques stratégiques et les nouvelles conflictualités. Il est notamment l'auteur de "Former des cadres pour la guerre économique", "Quand la France était la première puissance du monde" et, dernièrement, "Les nouveaux visages de la guerre - Comment la France doit se préparer aux conflits de demain". 

Quand une jeune femme se fait assassiner sans raison à l’aube de sa vie, les Français déposent des fleurs, des nounours et des bougies. Leurs proches brisés ravalent leur souffrance et demandent que justice soit faite et l’opinion publique passe à autre chose.

 

Il est donc troublant que la mort d’un mineur de cité connu des services de police déclenche des émeutes sanglantes — plusieurs centaines de policiers et gendarmes ont été blessés — et destructrices.

 

« Ça aurait pu être mon petit frère ! » s’est exclamé un joueur de football indigné. Ça n’aurait pas pu être le mien. Ni un de mes fils. Pourquoi ? Parce que ni mon frère, ni mon fils ne se seraient retrouvés illégalement au volant d’une voiture de luxe, ni n’auraient refusé d’obtempérer lors d’un contrôle. La situation dans laquelle s’est trouvée Nahel n’est pas normale. Prétendre le contraire revient à entretenir une culture de la transgression impunie, toujours plus loin, jusqu’à l’irréparable : la mort d’un passant lors d’un rodéo, d’un policier lors d’un barrage forcé ou du délinquant lui-même. Nahel n’est pas mort d’une balle tirée par un policier. Il est mort parce que toutes les conditions structurelles ont été réunies pour préparer cette fin tragique. Si ce n’avait été lui, cela aurait été un autre.

 

Renoncement éducatif, culture de l’excuse, victimisation, communautarisme ethnoculturel, assistanat, délinquance, frustrations, ressentiment et révoltes ont été cultivés et entretenus depuis plusieurs décennies, par facilité dans le cas des autorités, par intérêt dans celui d’association ou de groupes plus ou moins subversifs. L’état actuel des banlieues résulte de l’ingénierie sociale de la révolte et de la sécession mise en place.

 

Les forces de l’ordre ont avant tout un rôle de régulation qui repose sur la peur statutaire du gendarme et sur l’acceptation de son autorité. Les réfractaires forment une minorité rejetée par le corps social et réprimée par les agents dont c’est la fonction.

 

Les choses se compliquent lorsque, forts d’une impunité structurelle et systémique, des pans entiers du territoire rejettent la loi et ceux chargés de la faire respecter. La régulation devient l’exception et la répression la norme. L’environnement devient conflictuel, dangereux. C’est le cas des quartiers qui s’enflamment depuis trois jours.

 

Multirécidiste, Nahel s’est placé une fois de trop dans une situation à risque. Sa mère, n’a pas su l’éduquer et lui apprendre à peser le poids de ses actes. L’enquête dira si le policier qui a tiré, était dans son droit ou pas. En tout état de cause, une vie a été prise, deux autres au moins ont été brisées. Il faudrait une singulière bassesse d’âme et un manque total d’esprit critique pour n’incriminer qu’un des protagonistes ou pour prendre un parti sans réserve ni compassion. Ils ont été pris dans une situation à risque devenue malheureusement tellement commune qu’elle ne pouvait statistiquement que déraper.

 

Une partie de la population qui vit en France se place dans désormais une optique de confrontation. Pour y répondre, on confie aux forces de l’ordre une mission de coercition avec les moyens et l’approche d’une simple régulation. La contradiction béante ne peut qu’engendrer mécaniquement des drames. Ces évènements ne sont pas des accidents, redisons-le, mais l’expression inévitable d’une situation de crise.

 

Le plus inquiétant est qu’elle se dégrade. Laisser la boule dévaler la pente et rouler en prenant de la vitesse, c’est accélérer la fragmentation de notre société et multiplier les drames à venir. Autant commander à l’avance des cercueils et des fleurs.

 

Malheureusement, vouloir la retenir impliquerait de changer de direction et d’admettre que les mots, les idées, les valeurs, les politiques et les comportements promus dans les banlieues depuis plusieurs décennies y ont accouché d’un désastre. Des susceptibilités seraient froissées, des habitudes perturbées, des intérêts atteints. Il faudrait s’attendre à des résistances fortes, y compris armées. Plus on est permissif, plus la reprise en main est dure. Les renoncements successifs nous ont ainsi enfermés dans un dilemme : le seul moyen d’éviter le chaos qui se profile est d’accepter une confrontation paroxysmique avec les individus, les groupes et les réseaux qui tirent profit de la situation actuelle.

 

Le sujet appelle a minima une réflexion collective au-delà de l’émotion du moment. En avons-nous encore les capacités ? Paul Valéry disait des Français qu’ils étaient le peuple le plus spirituel du monde, le seul chez lequel le ridicule ne pardonnait pas et avait joué un rôle politique. Il semble que ce jugement appartienne désormais à l’histoire. Lorsque M’Bappé, personnage sympathique au demeurant, a publiquement qualifié Nahel de « petit ange parti trop tôt », les Français n’ont pas ri.  Cela est presque aussi inquiétant que la situation des territoires perdus de la République. Alors que leur société se disloque, ils ont déjà perdu leur âme.

 

La géopolitique des armements en Ukraine crée-t-elle une menace pour la sécurité intérieure en France ?

Source : Stratpol - par Olivier Chambrin - Le 13/07/2023.

L’expression de « géopolitique des armements » s’applique généralement à des choix d’équipement étatiques, susceptibles de générer des modifications politiques en termes de puissance et de souveraineté, via des transferts et des marchés, en agissant sur l’économie.[1] On ne retient qu’un exemple d’arme légère ayant une telle empreinte sociale qu’elle a permis une action sur le fonctionnement des Etats, via révolutions, terrorismes et criminalité interétatique, c’est la large généralisation bon marché de l’automatisme individualisé,  par la diffusion de la famille Kalashnikov.

Le conflit en Ukraine a-t-il le potentiel de générer une menace de cet ordre pour l’Europe occidentale ? C’est une question soulevée par experts et médias, à la suite du « coulage » observé sur de nombreux armements transférés à l’Ukraine par l’Occident collectif pour prolonger le conflit contre la Russie, et permettre des profits économiques plus ou moins dissimulés.

Le sujet prend son sens dans le cadre d’une Union européenne qui connait des difficultés, notamment la France, car la simple présence d’armes ne peut à elle seule créer de situation de crise, comme en témoignent les années 1880 à 1939 dans notre pays[2]. En revanche, il est démontré que l’injection massive d’armes dans une société fragilisée est susceptible d’amplifier et de lourdement aggraver des situations déjà mal maitrisées[3].

L’afflux d’armes issues de l’Ukraine peut-il amplifier la menace terroriste ?

Le terrorisme est un moyen, un mode opératoire au service d’un objectif, et non une fin en soi.

Il s’emploie généralement dans le cadre des guerres révolutionnaires et/ou de la subversion (or, la subversion peut ne pas avoir une dimension politique, v.infra). Des Etats peuvent donc naître du terrorisme, comme La Révolution Française, la Révolution Russe, l’Ukraine, l’ont démontré[4].

Les facteurs de succès de la subversion armée et leur analyse pour la France de 2023

L’étude historique distingue des facteurs nécessaires pour le succès d’une stratégie révolutionnaire terroriste :

  • Une volonté politique définissant un but
  • Une masse de manœuvre minimale
  • Une adhésion au moins partielle d’un segment de la population (cause, credo, foi…)
  • L’existence d’un sanctuaire
  • Une assistance extérieure
  • Une organisation efficace au service de la stratégie
  • L’action directe doit donc être accompagnée de la construction d’une OPA (organisation politico- administrative), démontrant la possibilité de fonctionner socialement en parallèle du système en place, dont la destruction est l’objectif.

Sur ces bases, dans la France de 2023, l’afflux d’armes militaires peut-il réellement modifier le risque terroriste existant ?

  • On peut anticiper un emploi mesuré par le terrorisme islamique[5] au travers d’actions ponctuelles, contre des avions, des lieux symboliques ou les populations[6] ; mais il semble qu’il serait contre-productif dans le moyen long terme de multiplier ces actions. La « gestion de la barbarie » théorisée depuis deux décennies s’inscrit dans une vision historique bien plus enracinée, de conquête islamique. Dans ce schéma, les actions extrêmes sont des leviers déclencheurs ou démultiplicateurs, qui ne sont efficaces que lorsque certaines conditions sont réunies dans l’Etat-cible ; cela ne semble pas le cas en France actuellement. Les parties les plus extrémistes des islamistes procéderont sûrement à des frappes terroristes, aux effets majorés par les armements venus d’Ukraine. Mais une tendance générale reste improbable, dans le cadre de la stratégie de submersion de l’Europe. Outre les rivalités internes et la recherche d’un leadership sur tous les groupes islamistes, L’EI avait besoin de la terreur comme élément de bascule et de contrôle des populations, et devait démontrer l’impuissance de l’Etat. Le temps n’en est pas encore venu en France. En revanche, la constitution de stocks permettant de nourrir une guerre civile est envisageable, car les structures existent dans les cités et les réseaux criminels disposent de points de connexion avec les terroristes.
  • L’extrémisme de droite est par essence peu favorable aux actions contre l’Etat, du moins pour les partisans de la Tradition. Les tenants d’options plus révolutionnaires issus de philosophie des années 1930 sont néanmoins davantage disposés à la révolte, notamment parmi les couches plus jeunes. D’autant que dans la France contemporaine, sur fond de pessimisme teinté de nihilisme, elles ne sont plus bridées par la diabolisation. Les jeunes ne subissent pas non plus l’effet lénifiant du conformisme et de la recherche du confort propres aux vieilles générations. Et justement, depuis les deux mandats Macron, et par suite d’un sentiment croissant de dépossession de l’appareil d’Etat et du corps social en France, il y a un rejet d’un système perçu comme un outil de répression et de soumission de la population, de ce fait délégitimé[7]. On ne peut donc exclure un emploi des armements devenus disponibles dans des opérations anti-forces ou anti-pouvoir. Le stockage en vue de préparer la guerre civile est également crédible, mais sans influence directe à court-terme. La sociologie et la démographie françaises laissent toutefois penser que ce niveau capacitaire sera vraisemblablement inférieur, ou au pire égal, à celui de l’OAS dans les années 60. Il est donc assez peu probable que l’emploi des armes puisse devenir général et dépasser le cadre de barouds ponctuels, à l’instar des actions islamistes, mais pour des causes symétriquement opposées.
  • L’extrême gauche a une violence historiquement plus ancrée et idéologiquement mieux établie. Elle dispose également d’atouts, un capital de sympathie dans une partie de la population, se traduisant par une façade politique assez largement reconnue, une complaisance médiatique et culturelle encore très bien établie, et la tolérance politique correspondant, qui inhibe l’action policière. Les tenants de l’action directe sont assez nombreux et se recrutent à la fois dans les élites et les classes défavorisées de la population. Il paraît vraisemblable que des armements seront collectés et plutôt stockés, dans la perspective d’un emploi lorsque la situation sociale aura suffisamment mûri.  On ne peut exclure des hits ponctuels à l’aide de ces moyens, à l’image de ceux des Brigade Rouges, de la Fraction Armée Rouge, voire d’action Directe, mais un emploi massif parait subordonné à la perspective d’un « grand soir ». Dans ce cadre, encore hypothétique, des lance-missiles portatifs capables de détruire un char de bataille de 50 tonnes ne feraient qu’une bouchée des moyens des Forces de l’ordre (FDO). Ni les anciens fourgons de la BRINKS recyclés par la BRI, ni les PVP de la FIPN et des BRI, ni le Titus prêté au RAID, même pas les blindés Centaures qui vont remplacer les vénérables VBRG, n’auraient une chance. Il en irait de même des hélicoptères face à des MANPADS. L’injection de ces armements militaires aurait pour effet le plus nocif de réduire, voire neutraliser, le différentiel technologique existant en faveur des forces officielles. L’emploi des armes s’inscrit cependant dans un cadre global mature, et ne serait qu’un instrument d’une stratégie politique. Leur efficacité finale serait déterminée par la capacité d’organiser la sécession et de disposer d’une base numériquement suffisante. En l’état, on peut estimer le potentiel subversif de l’extrême gauche comme étant comparable à ce qu’il était dans les années 70[8] (l’opposition n’est pas plus forte au XXIème siècle, c’est la société qui est plus faible) grâce aux nouvelles générations contestataires.
  •  Le National-socialisme est une idéologie[9] des années Trente du siècle précédent, avec des racines au XIXème siècle, qui avait développé un important corpus moral, culturel, politique, juridique et économique. Condamné éthiquement et politiquement par l’assassinat de millions d’êtres humains et un système interne oppressif, ses bases historiques, scientifiques et sociales sont obsolètes et appartiennent au passé. Le Néo-nazisme[10] en Europe occidentale est une construction hétérogène bâtie sur des frustrations sociales plus ou moins justifiées, le culte de la force brute, un certain romantisme, notamment de forme, qui n’en font pas une idéologie mais plutôt un ensemble comportemental. En Ukraine en revanche, il s’agit d’un mouvement apparenté à une idéologie inégalitaire et antidémocratique appuyée par des lois raciales et reposant sur un ultranationalisme violent nourri par la nostalgie du Reich et la haine de la Russie. En ce sens, bien que les volontaires étrangers n’aient pas brillé par leur valeur militaire, et même si les enseignements d’une guerre de haute intensité sont peu transposables dans la subversion, on ne peut pas exclure que les retours d’Ukraine de certains volontaires posent les mêmes problèmes que celui des returnees revenant du Jihad.

Sous réserve, évidemment, il semble que l’arrivée d’armes en provenance d’Ukraine ne devrait pas immédiatement et radicalement modifier les comportements des acteurs identifiés dans le cadre du terrorisme en France. En revanche, des actions terroristes amplifiées sont prévisibles aux marges.

Les critères de réussite de la lutte anti-subversive

S’il existe des facteurs nécessaires au succès de la révolution, il y a aussi des conditions nécessaires à la victoire de la réaction antisubversive :

  • La volonté politique ; elle est indispensable pour fixer un but de guerre et déterminer les actions technico-opératives requises. Elle permet aussi de faire face aux pressions diplomatiques et médiatiques extérieures.[11]
  • Une masse critique démographique. Sans cela, même les appareils répressifs les plus efficients ne peuvent réussir.[12]
  • Une capacité économico-financière. Une souveraineté économique minimale est nécessaire pour soutenir l’effort de lutte et assurer le fonctionnement de la société, malgré les attaques.[13]
  • Une résilience de la population. Celle-ci peut notamment découler d’un fond historico-culturel partagé, d’une homogénéité ethnique, d’une adhésion majoritaire à une religion ou à une forme politique et institutionnelle.[14]

Ces critères impératifs peuvent s’accompagner de facteurs additionnels :

  • Soutien(s) extérieur(s) par un ou des Etats, directs dans le cadre d’alliances, ou indirects lorsque l’opposition fait l’objet d’une hostilité idéologique, ethnique ou politique, de la part d’Etats tiers.
  • Oppositions internes aux forces de subversion, spontanées ou provoquées.
  • Actions technico-opérationnelles efficaces. Législation d’exception, choix d’options extra-judiciaires, implication et coordination de tout l’appareil d’Etat incluant les moyens militaires et spéciaux, action de mobilisation/information/conditionnement et de contrôle du corps social, politique de séduction/contrainte et infiltration de l’OPA subversive.

Toutes ces décisions technico-opérationnelles sont comparables à des décisions tactiques, elles peuvent être extrêmement efficaces mais déboucher sur un échec.[15] S’il est une erreur commune de considérer le terrorisme en soi et non comme un outil, il est tout aussi fréquent et fautif de se concentrer sur les actions de répression. Un focus technique et juridique ne permet pas de répondre aux leviers actionnés en profondeur de la société par la subversion.

Le surarmement de la criminalité peut -il devenir une menace pour la société française ?

La subversion et l’outil du terrorisme peuvent ne pas répondre à un motif idéologique ou politique, mais tout simplement s’inscrire dans une stratégie criminelle, à finalité de profits.

Dans ce cadre, les éléments énumérés supra restent d’application et pertinents.

Dans une perspective large, on constate que des Etats prédateurs existent, et qu’ils ont utilisé la guerre comme moyen de réaliser des profits ; c’est le cas des USA[16]. Le cas de la République populaire de Chine se discute, mais l’entrisme pratiqué[17] s’apparente davantage au régime des traités inégaux que la Chine elle-même subi de la part des Etats européens, entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle. Le recours massif à la guerre, à la révolution et à la déstabilisation des Etats reste une spécialité nord-américaine à l’échelle mondiale.[18]

A une échelle plus réduite, les entreprises criminelles peuvent également recourir à des moyens de guerre et de subversion pour asseoir leur emprise économique sur des territoires.

Bien souvent[19], il y a porosité et alliances plus ou moins durables entre les forces criminelles et les agents révolutionnaires (pour financer, pour bénéficier de réseaux clandestins…). De plus, les troubles politiques sont favorables au développement de la criminalité. Parfois se met en place un système du type « seigneurs de la guerre » qui fusionne ces deux dimensions criminelles et politiques pour s’opposer à l’Etat.[20]

En Europe, le crime organisé, même puissant, agit davantage comme un parasite que comme un rival des Etats. Mais lorsque l’Etat apparaît affaibli ou défaillant, la situation peut évoluer. On peut l’observer en Afrique et en Amérique latine. Cela a été le cas après l’effondrement de l’URSS en 1991 et les efforts vigoureux du Président Poutine ont consisté à reprendre la main pour le contrôle de l’Etat russe, face aux mafias et aux oligarques sur fond d’ingérence occidentale[21]. Il n’a pu y parvenir que grâce au concours des structures de force, en particulier du Renseignement et en application des principes énoncés supra. Les connexions du crime organisé avec l’establishment politique de Washington sont bien documentées, mais prennent d’autres formes, comme au Japon.

Apparition de nouveaux facteurs de subversion criminelle

L’Europe, et la France en particulier, pourraient-elles être menacées par un essor criminel gonflé par des armes militaires venant d’Ukraine ?

En France, jusqu’en 1939[22], il n’y avait aucune prohibition et les particuliers pouvaient acquérir n’importe quelle arme. Il reste un fond dormant, vieillissant, de ce parc ancien, qui consistait surtout en armes individuelles d’auto-défense[23] sans capacité géostratégique.

La France a été relativement peu touchée par les deux grandes « braderies » qu’ont été la chute de la DDR allemande en 1989 et le pillage des arsenaux albanais en 1994. De même, la revente des armes détenues par la République fédérative soviétique d’Ukraine en 1991[24] a alimenté des guerres, sans réellement impacter les rues françaises. Les forces de sécurité publique de notre pays ont eu à gérer plusieurs vagues d’armements. Le parc de la défunte Wehrmacht, les armes issues des parachutages du SOE et celles laissées par les GI ont alimenté la criminalité de l’après-guerre, qui n’avait toutefois aucune vocation à déstabiliser l’Etat.[25] La guerre d’Algérie a naturellement nourri le trafic d’armes pour le FLN, et les détournements des stocks militaires pour l’OAS. Au final, l’effet sur la société est demeuré faible. Les guerres du Liban et de L’Ex-Yougoslavie ont permis au grand banditisme de s’équiper d’armes militaires (armes automatiques, lance-roquettes, explosifs) dont l’emploi est resté ponctuel et rationnel. Mais, de concert avec les conséquences de l’immigration et des troubles naissant dans les banlieues françaises, les armes en provenance des Balkans ont commencé à devenir disponibles. Elles se sont diffusées chez les délinquants non chevronnés, sur fond de règlement de compte et de litiges de deal et ont servi à des attentats terroristes menés par des agents souvent issus de cette même population. Actuellement, les USA ont laissé un formidable arsenal en Afghanistan, mais il n’est pas certain que le nouvel Etat islamique de Kaboul décidera des exportations criminelles massives, d’autant qu’il doit équiper son armée pour faire face à des impératifs locaux.[26] L’Ukraine reste donc le fournisseur le plus probable, d’autant que les routes nécessaires existent déjà et sont placées sous le contrôle d’Etats qui ne témoignent pas forcément de la meilleure fiabilité ; le trafic bénéficie en outre de la complicité des hautes autorités de l’Etat ukrainien et de passe-droits otano-européens.

Le recours aux armes dans une perspective territoriale constitue un enjeu sécuritaire important dans notre pays (v.infra). L’Europe est en effet sillonnée de mafias diverses, qui exercent leur prédation sur les fonds privés et publics. Une menace nouvelle est caractérisée par la conjonction d’une forte immigration, conjointement à la banalisation des armements militaires. Les organisations criminelles transfrontières exploitent ces flux, de même que le trafic de drogue et celui des êtres humains. La nouveauté tient à la possible importation de « cultures professionnelles » allogènes. L’imprégnation profonde et durable d’un fonds européen en crise (sociale, démographique, économique, morale et donc politique) par ces modèles extérieurs permet de craindre un transfert sur notre sol de paradigmes criminels élaborés dans des Etats faillis et jusque lors intransposables. Généralement mal estimée, voire négligée, l’Afrique est un géant du crime international, ce qui pose évidemment problème pour les Etats ouverts aux flux migratoires qui en sont issus. Dans le rapport (2021) de la Global Initiative Against Transnational Organized Crime sur l’état du crime organisé dans le monde, sur un score de 1 (meilleure situation) à 10 (pire situation), l’Afrique affiche 5,17, derrière l’Asie (5,30, mais devant les Amériques (5,06), l’Europe (4,48) et l’Océanie (3,07)[27]. En termes de résilience, c’est le continent le plus vulnérable (3,80 pour une moyenne mondiale de 4,82), à cause de mécanismes et cadres institutionnels défaillants. Selon l’ONUDC[28], depuis 2006, le marché mondial de la cocaïne a été bouleversé. La consommation de cocaïne des Etats-Unis d’Amérique a chuté très brutalement alors que celle de l’Europe a doublé. Pour contrer les efforts des services européens, les trafiquants latino-américains ont créé une zone de transit en Afrique de l’Ouest[29]. Alors que le profit de la cocaïne commence à fléchir, l’Afrique est capable de fournir de la méthamphétamine.

Les entreprises criminelles africaines sont présentes à Atlanta, Baltimore, Chicago, Dallas, Houston, Milwaukee, Newark, New York et Washington, D.C. Les « cultes » nigérians disposent d’un réseau de 80 pays[30] et sont très actifs en Italie et en France (trafic d’êtres humains, prostitution, drogue, cybercriminalité, délinquance financière).

Mais l’Afrique n’est pas la seule source criminelle. Plus de 5 000 “groupes criminels organisés” quadrillent l’Europe selon Europol. Mafias italiennes, russes ou chinoises côtoient bikers scandinaves[31], trafiquants de drogue espagnols, blanchisseurs allemands et mafias balkaniques.

C’est du côté des Balkans qu’un modèle criminel inquiétant a été élaboré, profitant de la guerre, puis de la faiblesse des nouveaux Etats. L’Albanie est une plaque tournante du trafic d’héroïne et un lieu de production de cannabis et de drogues de synthèse. Les réseaux albanais dans toute l’Europe gèrent aussi d’autres activités criminelles (70% de l’industrie du sexe au Royaume-Uni). Les organisations criminelles transcendent les clivages politiques, ethniques et historiques, et on peut voir des groupes Serbes et Monténégrins collaborer avec des Albanais ou des Bulgares. Et même des Ukrainiens avec des Russes. La corruption permet au crime organisé de gangréner les Etats. La collusion permet de confondre autorités politiques et criminelles et de subordonner l’appareil d’Etat[32] en obérant les efforts de lutte contre le crime. Cette mafia albanaise est associée à la Ndrangheta, la Camorra, la Mafia turque et la mafia corse. Elle s’oppose à la Cosa Nostra, aux Jamaïcains, à la Mara Salvatrucha (MS13), aux mafieux mexicains du Cartel de Juárez.

La question est donc de savoir si les associations transnationales criminelles qui prolifèrent en Europe ont désormais les moyens d’imposer le modèle développé au sein d’Etats faillis ou affaiblis, comme en Afrique, en Amérique latine et Centrale, et dans les Balkans, notamment en instaurant une subversion armée.

Evaluation du niveau de résilience et de la capacité de résistance étatique en France

La conjonction d’une tradition étatique forte et ancienne et d’une grande capacité d’amortissement social, ont longtemps exclu l’évolution évoquée