Article de Anne Morelli refusé par Le Soir et La libre
Pas parce qu’il est un peu « intello » mais parce qu’il n’admet pas le récit officiel…
***
par Anne Morelli - Le
07/03/2023.
Si vous êtes familier de la lecture de la Bible, Nicodème vous est bien connu.
En effet, ce membre du Grand Sanhédrin de Jérusalem apparaît à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament.
C’est un pharisien, secrètement disciple de Jésus.
Il écoute son enseignement (Jean 3, 1-21), prend sa défense (Jean 7, 45-51) et assiste à la descente de croix (Jean 19, 39-42). Mais il rencontre le
Christ de nuit, et l’on
peut facilement comprendre que c’est par peur de se compromettre (il a des fonctions officielles), et pour ne pas être reconnu.
Le « nicodémisme », dans son sens élargi, recouvre aujourd’hui une attitude de dissimulation, une crainte d’affirmer ses opinions, pour ne
pas avoir de
problèmes.
La guerre actuelle entre l’OTAN et la Russie m’a donné l’occasion de découvrir beaucoup de « nicodémistes ». Ils sont en effet aussi nombreux que
discrets ceux qui n’adhèrent pas à la théorie officielle binaire. Deux mondes irréductiblement antithétiques s’affronteraient : d’un côté les démocraties ouvertes et vertueuses, de
l’autre un empire despotique peuplé de masses habituées à obéir à coups de « knout ». Nous contre eux. Les bons contre les méchants.
Dans ce climat, comment avoir le courage de dire que notre « communication » est aussi manipulatrice que leur « propagande ». Nous
savons peu de choses de celle-ci depuis que la censure
démocratique, a interdit pour nous
protéger, la chaîne en français Russia Today,
dont l’émission Interdit
d’interdire était pourtant un modèle journalistique, et fermé l’agence Sputnik.
Nous sommes donc condamnés à ignorer le point de vue de l’Autre et, de notre côté, toutes les plus vieilles ficelles sont utilisées pour créer l’émotion et
nous mobiliser en faveur de la guerre.
Toujours l’utilisation des mêmes
rengaines
À l’occasion de la quatrième édition en français de mon petit livre « Principes
élémentaires de propagande de guerre »1j’ai
passé en revue ces principes pour voir s’ils étaient mobilisés dans le conflit entre l’OTAN et la Russie et le résultat est très clair.
Les premiers principes (Nous ne voulons pas la guerre- c’est l’ennemi le seul responsable du conflit) sont indispensables à développer pour qu’une guerre
soit populaire.
Il faut persuader l’opinion publique que nous sommes en état de légitime défense et que c’est l’« autre » qui a commencé. Ce sont ses visées
expansionnistes qui lui ont dicté son attaque. C’est donc évidemment la Russie qui est présentée comme seule responsable de la guerre en Ukraine. Pourtant Machiavel2 (1469-1527)
avait déjà prévenu que celui qui dégaine le premier son épée ne doit pas forcément être considéré comme responsable du conflit. Il peut en effet avoir été mis dans une situation telle
qu’il n’y a plus pour lui d’autre possibilité que l’entrée en guerre ouverte. Les Occidentaux parlent ainsi de l’« attaque » de l’Ukraine par la Russie en février 2022, sans
prendre en compte le fait que l’avancée de l’OTAN vers l’Est est, du point de vue russe, une menace concrète contre son territoire à laquelle – acculée – elle doit bien finir
par « répondre ».
L’OTAN, assure que ses avancées vers l’Est sont destinées à « protéger » l’Europe. Il s’agit de prendre des mesures de rétorsion face
à l’attaque russe
et les USA se disent prêts à utiliser l’arme nucléaire en
riposte.
Un autre principe élémentaire de propagande veut qu’on présente le chef du camp adverse comme un fou diabolique.
Lors de la Première Guerre mondiale, c’est le « Kaiser » Guillaume II qui endosse ce rôle.
Puis, successivement, Saddam Hussein, Miloseviç, ou Kadhafi.
Le récit occidental actuel ne manque pas d’appliquer ce principe simple et efficace. Nous ne faisons pas la guerre aux Russes mais à Poutine atteint
de paranoïa. La Libre
Belgique a parlé du tsar
soviétique3. Le
Vif dans un article de 2014 intitulé « Comment arrêter
Poutine » dénonçait déjà sa « malignité »,
sa diplomatie belliqueuse et le traitait de « voyou »4.
Dans le système binaire de la propagande (« eux » et « nous »), ce sont toujours les dirigeants de l’autre camp qui sont des fous
dangereux. « Nos » leaders sont, eux, sains d’esprit et pétris d’humanité.
Pour mobiliser l’opinion publique en faveur de la guerre, il faut aussi la persuader que, contrairement à nos ennemis, nous menons cette guerre pour de
nobles causes.
On ne parlera donc pas de nos projets
expansionnistes ni des motifs économiques de nos entreprises guerrières. La pensée unique belliciste ne dira pas un mot du gaz de schiste états-unien qui peut remplacer – à prix plus
élevé – le gaz russe. On ne développera pas le projet européen qui voit dans l’Ukraine de demain, intégrée dans l’OTAN et l’Union européenne, une belle occasion de « délocalisation
de proximité » à bon marché.
Ce dont parleront par contre les médias occidentaux c’est de notre noble propension à courir à l’aide des ennemis de nos ennemis. Nous défendons le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes pour le Kosovo se détachant de la Yougoslavie mais pas pour la Crimée ou le Donetsk s’ils veulent se détacher de l’Ukraine.
La propagande ne doit relever que les atrocités commises par le camp ennemi et jamais les nôtres.
Ainsi, dans la guerre en Ukraine, seules les violences russes sont rapportées. Lorsque Human Right Watch puis Amnesty international s’inquiètent de tortures
et exécutions commises par des Ukrainiens sur des Russes, notamment des prisonniers, l’écho chez nous est faible et ne fait pas la Une de la presse. L’empathie est réservée aux seules
victimes de l’ennemi et pas aux victimes de l’Ukraine et de ses alliés. Les réfugiés ne sont émouvants et dignes de solidarité que lorsqu’ils sont présentés comme les témoins de la
barbarie ennemie. Pourtant depuis 2014 la guerre en Ukraine a aussi contraint des habitants du Donetsk à quitter leur ville ou village, mais qui s’en est soucié ?
Les mots utilisés dans ce domaine sont lourds de sens. Les charniers et
les mercenaires sont
le fait de l’« Autre », les cimetières
improvisés et les volontaires
étrangers sont de notre côté.
Je ne passerai pas en revue tous les principes de la propagande de guerre, mais TOUS se retrouvent dans la communication pour vendre à l’opinion publique la
guerre entre l’OTAN et la Russie.
Je m’arrêterai cependant sur un point en lien direct avec le « nicodémisme ».
Les esprits critiques sont des agents
de l’ennemi
Le dixième et dernier principe de la propagande de guerre veut que ceux qui n’adhèrent pas totalement à la politique de leur camp, ceux qui doutent de ce
qu’avance la propagande sont immédiatement stigmatisés comme agents de l’ennemi.
Les conflits récents ne font pas exception à la règle. Le pape Bergoglio avance prudemment entre les deux camps en présence dans la guerre en Ukraine. Il a
donc été immédiatement taxé de « poutiniste ». Des concerts, des cours universitaires sont annulés, des artistes et sportifs boycottés car ils ne se sont pas clairement déclarés
en faveur de notre camp5.
Les pacifistes sont écartés des médias.
La pensée unique belliciste est tellement omniprésente qu’il est très difficile et risqué de la remettre en cause, même si on commence toute intervention
par « je ne suis pas pour Poutine ».
J’ai cependant pu vérifier à l’occasion de récentes interventions que j’ai faites à la radio6ou
à la télévision7qu’à
côté des thuriféraires de la guerre, il y a aussi des voix critiques, beaucoup plus nombreuses qu’on ne l’imagine, n’adhérant pas au récit médiatique officiel sur la guerre en Ukraine et
sur l’utilité des sanctions. Elles préconisent le dialogue, l’action diplomatique, suggèrent d’autres solutions que l’affrontement qui pourrait être fatal à notre planète. Mais ces voix,
que l’on a notamment entendues collectivement dans la manifestation du dimanche 26 février en faveur de la paix et contre la guerre, veulent pour la plupart rester discrètes car il leur
semble risqué de remettre en question un récit, soutenu par la totalité des milieux dirigeants et médiatiques.
Quand on leur demande individuellement leur opinion en public, beaucoup baissent la tête et s’empressent de changer de sujet.
Ils veulent éviter les insultes et attendent que la tempête passe.
Ils estiment prudent de dissimuler leur opinion, même si dans notre pays il est difficile mais pas mortel, comme dans d’autres, de défendre une conviction
« dissidente ».
Ils agissent comme Nicodème….
Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ?
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? » est une question que l’on me pose souvent avec
beaucoup d’indignation. Les gens ne peuvent pas comprendre pourquoi je passe tout mon temps à critiquer le bellicisme de la structure de pouvoir sous
laquelle je vis sans
prendre le temps de critiquer le gouvernement dont ils ont l’habitude d’entendre les critiques.
C’est une question née de l’illusion et du lavage de cerveau de la propagande, et elle a plusieurs bonnes réponses. Voici quelques-unes de mes
préférées.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Tout d’abord, il m’arrive de critiquer
le bellicisme de la Russie, dans la mesure où je crois que c’est nécessaire dans une civilisation qui est délibérément saturée de critiques à amplification maximale du bellicisme de
la Russie. Ces critiques vont généralement dans le sens suivant : Poutine est responsable des décisions de Poutine, et l’empire américain est responsable des décisions de l’empire
américain. Poutine est responsable de la décision d’envahir l’Ukraine, et l’empire américain est responsable de la provocation
de cette invasion.
Ce n’est pas vraiment compliqué. Si je provoque quelqu’un à faire une mauvaise chose, alors nous avons tous un certain degré de responsabilité morale pour
la mauvaise chose qui a été faite. Une grande partie de l’apologie moderne de l’empire consiste à prétendre que la provocation n’existe tout simplement pas, que ce concept très simple et
fondamental que nous avons appris dans notre enfance a été inventé l’année dernière par le gouvernement russe. C’est bizarre et indigne et les gens devraient se sentir gênés de le faire.
Vous savez ce qu’est la provocation. Arrêtez d’agir comme un idiot.
« Pourquoi vous ne critiquez jamais le bellicisme de la Russie ? »
Pourquoi ne passerais-je pas plutôt tout mon temps à critiquer le gouvernement le plus puissant et le plus destructeur de la planète, dont les crimes sont
toujours soit ignorés soit soutenus par les institutions politiques et médiatiques du monde anglophone ?
Concentrer ses critiques sur le gouvernement le plus puissant et le plus destructeur du monde est en fait la seule chose normale et saine à faire. Il n’est
pas étrange et suspect que je le fasse, il est étrange et suspect que plus de gens ne le fassent pas.
Les États-Unis sont le gouvernement
le plus tyrannique de la planète. Ils encerclent actuellement la planète avec des centaines
de bases militaires et mènent des guerres qui ont tué
des millions de personnes et déplacé des
dizaines de millions de personnes depuis le début du siècle. Ses sanctions et blocus visent continuellement les civils avec une force mortelle dans des pays comme le Venezuela, le Yémen
et la Syrie. Elle s’emploie à détruire toute nation qui désobéit à ses diktats en renversant leurs gouvernements par des coups d’État de la CIA, des armées par procuration, des invasions
partielles ou totales et le plus grand nombre d’interférences
électorales du monde entier.
Aucune de ces choses n’est vraie pour la Russie. Il est normal de se concentrer sur le pire contrevenant du monde, surtout dans un environnement médiatique
occidental où ce contrevenant ne reçoit pratiquement aucune critique significative de la part des grandes institutions. Cela ne signifie pas que je pense que le gouvernement russe est
merveilleux et parfait, mais seulement que le gouvernement qui a le plus besoin d’être critiqué dans notre société n’est pas celui de la Russie.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Pourquoi ne me montrez-vous pas une grande institution occidentale qui critique de manière appropriée l’empire belliciste que je passe mon temps à
critiquer, au lieu de passer 100% de son temps à critiquer des gouvernements étrangers ?
Quoi ? Vous ne pouvez pas ? Parce que l’ensemble de la classe politique/médiatique occidentale facilite de manière fiable les intérêts informationnels de
cet empire ?
Bon, alors d’accord. C’est le déséquilibre que j’essaie de corriger. Vous n’aidez pas à rétablir l’équilibre dans un environnement d’information sauvagement
déséquilibré en passant la moitié de votre temps à critiquer les gouvernements qui sont toujours critiqués dans cet environnement et l’autre moitié à critiquer le bien pire contrevenant
qui n’est jamais critiqué, vous aidez à rétablir l’équilibre en concentrant vos critiques sur le bien pire contrevenant qui ne reçoit pas un niveau de critique approprié. Le temps que
vous consacrez à l’un est du temps que vous ne pouvez pas consacrer à l’autre.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Cela va vous étonner, mais je n’ai pas vraiment de public russe. J’ai un public anglophone qui vit principalement sous la coupe de l’empire occidental.
C’est là que ma voix est entendue, et c’est là que ma voix peut faire la différence.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
La seule raison pour laquelle il vous vient à l’esprit de poser cette question est que vous êtes entouré toute la journée de voix qui passent tout leur
temps à critiquer le bellicisme de la Russie et aucun temps à critiquer le bellicisme des États-Unis. C’est ce à quoi vous êtes habitué et ce que vous avez été conditionné à attendre.
Quelqu’un qui concentre ses critiques sur le gouvernement le plus puissant et le plus destructeur du monde ne vous semble bizarre que parce que vous avez été conditionné par la propagande
à considérer la critique de la Russie comme normale et la critique de l’empire américain comme une aberration bizarre, et parce que les responsables de la narration impériale ont créé une
atmosphère néo-mcarthyenne qui fait de toutes les critiques de la politique étrangère américaine des traîtres loyalistes du Kremlin.
Ce n’est que dans les esprits les plus drogués par la propagande que le fait de concentrer ses critiques sur le gouvernement le plus puissant et le plus
destructeur du monde semble étrange et suspect. Ce n’est que dans le cerveau le plus lavé que le fait de concentrer ses critiques sur l’empire le plus puissant qui ait jamais existé
ressemble à un signe d’immoralité, de dysfonctionnement, de trahison ou de soutien au Kremlin.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Pourquoi n’allez-vous pas regarder la télévision ? Si vous avez un besoin désespéré d’entendre un Occidental de plus critiquer le bellicisme de la Russie,
allumez simplement la télévision la plus proche et attendez quelques minutes.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Personne n’a jamais été capable une seule fois de me fournir une réponse logiquement cohérente expliquant pourquoi je devrais passer le moindre temps à
critiquer un gouvernement que toutes les institutions occidentales critiquent 24/7/365 alors que ces institutions ignorent totalement la criminalité impériale américaine. Je reçois
souvent des quasi-gauchistes beaucoup plus proches de la vision du monde dominante que moi qui soutiennent que je devrais critiquer à la fois la Russie et l’empire américain, mais pas un
seul d’entre eux n’a jamais été capable de me fournir un argument lucide pour cette position qui tienne la route. Il s’agit toujours d’une hypothèse non vérifiée qu’ils considèrent comme
une croyance parce qu’ils n’y ont pas réfléchi sérieusement.
Personne ne peut jamais m’expliquer de manière intelligible quel bien réel et concret est fait au monde par un occidental de plus prêtant sa voix à un
message qui est déjà amplifié autant qu’un message peut l’être dans le monde anglophone. Ils finissent toujours par dire des choses comme « Eh bien, cela vous donne une mauvaise
image si vous ne critiquez pas les deux » – comme s’ils se transformaient en mes agents de relations publiques bénévoles qui prétendent soudain se soucier profondément de la
protection de mon image publique. En réalité, ils veulent juste que je me taise et que j’arrête de critiquer l’empire.
« Pourquoi ne critiquez-vous jamais le bellicisme de la Russie ? »
Parce que je ne veux pas être un foutu propagandiste du Pentagone. Dans un environnement médiatique inondé de messages de propagande conçus pour obtenir le
consentement à davantage de guerre par procuration, de militarisme et de politique nucléaire, nous devons tous faire très attention à ce que nous mettons en œuvre. Dans un tel
environnement, jeter son dévolu sur le message « La Russie est mauvaise » est une utilisation irresponsable de sa voix, en particulier lorsque l’on peut utiliser sa voix pour
appeler à la désescalade, à la diplomatie et à la détente et aider les gens à comprendre qu’ils sont trompés.
Avant de lâcher des bombes, ils lâchent des récits. Avant de lancer des missiles, ils lancent des campagnes de propagande. Si vous choisissez de prêter
votre énergie aux opérations de contrôle narratif conçues pour ouvrir la voie à la mort et à la destruction, alors vous êtes tout aussi responsable de cette mort et de cette destruction
lorsqu’elles se produisent que la personne qui appuie sur le bouton de lancement.
Vous êtes responsable de ce que vous envoyez dans le monde, et vous êtes responsable de ses conséquences. Arrêtez de fonctionner comme un propagandiste
d’empire non rémunéré juste parce que c’est parfois gênant de ne pas le faire.
Ce fut d'abord la centrale électrique de Kharkiv, touchée le 11 septembre par
plusieurs missiles, privant d'électricité des centaines de milliers d'habitants. Puis des frappes sur le barrage de Kryviy Rih et, dans le sud-est de Zaporijia, sur des réseaux électriques. En pleine déroute dans l'est de
l'Ukraine, les Russes s'enfoncent dans le cynisme, en pilonnant systématiquement les infrastructures critiques - installations électriques, centres de chauffage urbains... L'objectif est clair :
"laisser les gens sans lumière, sans chauffage, sans eau et sans nourriture", a dénoncé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Désireux de reprendre la main, Vladimir Poutine vient d'annoncer dans un discours télévisé ce mercredi 21 septembre des référendums d'annexion dans quatre régions
de l'Est de l'Ukraine, du 23 au 27 septembre - tout en brandissant à nouveau la menace nucléaire si ces territoires devaient être repris par les Ukrainiens - , ainsi qu'une mobilisation
"partielle" de la population. " Rien de tout cela - les simulacres de référendums, la mobilisation potentielle de forces supplémentaires - n'est un signe de force. Au contraire, c'est un signe de
faiblesse. C'est le signe de l'échec russe", a réagi Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine.
Stratégie de la terreur et fuite en avant en forme d'aveu d'impuissance de Moscou, qui est en train de subir une nouvelle défaite militaire, après son échec à
conquérir Kiev. Préparée minutieusement, annoncée depuis des semaines dans le Sud, la contre-offensive ukrainienne a, en, réalité, percé les lignes
ennemies au Nord et à l'Est, contraignant les soldats russes à une retraite précipitée. Simple "regroupement de forces", comme le prétend Moscou ? Une vraie Bérézina, plutôt, qui laisse entrevoir
une nouvelle issue à cette terrible guerre : et si Poutine la perdait ?
...la suite de cet article est réservé aux abonnés....
L’auteure, animée d’un anti-américanisme qu’elle ne cache pas,
s’indigne de la tournure des évènements en Ukraine. Elle secoue ici le cocotier, elle le secoue très fort, avec la puissance d’un cyclone. Notre conception de l’information et du débat veut
que toutes les opinions puissent s’exprimer, pour peu qu’elles soient étayées et raisonnées. Et comme notre ambition est de vous offrir ce qu’on ne trouve pas ailleurs, c’est bien volontiers
que nous publions cet article, dont les libres propos n’engagent pas notre rédaction.
Voici plus de 7 mois que l’attaque de la Russie contre l’Ukraine a débuté. De provocations en rebondissements, la réalité, militaire et politique, de l’évolution de l’affrontement entre les
troupes envoyées par Moscou et l’armée ukrainienne, entraînée, abondamment armée et assistée des forces anglo-saxonnes mais aussi européennes et notablement françaises, est devenue
difficilement lisible pour le citoyen européen.
La propagande occidentale a littéralement fait disparaître la moitié au moins des informations de toute nature, celle de la partie russe. Sans parler de la quasi-disparition de tout débat
médiatique sérieux qui a escamoté l’autre face du réel. En France, seuls quelques courageux analystes, auxquels on permet de s’exprimer au compte-gouttes, parviennent encore à prendre un peu
de hauteur par rapport au sensationnalisme tout puissant des images soigneusement triées.
On ne peut plus, on ne doit plus réfléchir. Le niveau d’indigence dans le raisonnement est du jamais vu. Tout ce que peut dire, penser, souhaiter, expliquer la Russie et ceux que l’on
caricature immédiatement comme ses « agents étrangers » est illégitime, inaudible, scandaleux, taxé de fascisme et considéré comme a priori faux. L’hystérie informationnelle a atteint des
sommets qui font paraître les opérations de désinformation déjà mises en œuvre dans les Balkans, en Irak, en Afghanistan, en Libye et même en Syrie comme l’œuvre d’amateurs
débutants. ;
CHASSE AUX SORCIÈRES
Le problème est que cette atmosphère de chasse aux sorcières primitive et d’anti-russisme pavlovien, qui vise l’effondrement économique et social du peuple russe lui-même au prétexte de faire
reculer ou même tomber le pouvoir de Moscou, ne fait que nourrir l’illusion d’une victoire militaire ukrainienne et entretient la fureur des jusqu’au-boutistes sur place comme dans les
cercles otaniens, américains et européens. Tous sont peuplés de mondialistes néoconservateurs qui ont pris le mors aux dents et entendent faire enfin rendre gorge à cet immense pays, «
puissance pauvre » richissime, qui ose défier l’hégémonisme américain, proposer un modèle alternatif de puissance économique souveraine et de sauvegarde de la nation, dont la démocratie à
l’occidentale n’est plus la condition nécessaire. Un modèle qui, en plus, fait école dans le monde entier.
Murés dans leur incapacité à comprendre que l’Europe ne peut être sauvée de l’aventurisme américain, qui ne vise désormais rien moins que la Chine, qu’en rejetant enfin une tutelle de plus en
plus dangereuse, les dirigeants européens collent aux basques de Washington, où un président diminué est aux mains de l’irréductible clique néoconservatrice qui irrigue les réseaux de pouvoir
bien au-delà des clivages partisans. Pour tous ceux-là, la perpétuation de l’hégémonie américaine requiert, en Europe comme partout ailleurs, l’expansion du mondialisme, la disparition des
pouvoirs et des États forts et la fragmentation du monde au service exclusif du complexe militaro-industriel « maison » et du dollar. Voilà leur mantra.
Il est donc impératif pour cette clique de tenir rênes courtes les Européens faibles et aveugles, et de les pousser à nourrir, à coup de déclarations délirantes et de décisions autistes, le
conflit sur le terrain. Le plus fou est que cela marche ! Nous courons même, à l’affût d’une petite tape gratifiante sur la tête de la part de ce grand frère qui tient, croit-on, notre
survie économique et géopolitique entre ses mains.
UNE GUERRE À L’ISSUE INCERTAINE
.
Pourtant, chacun sait bien que la partie est militairement très tendue pour Kiev depuis déjà quelques mois, que la raison et surtout la sauvegarde des malheureuses populations ukrainiennes
prisonnières d’un pouvoir corrompu voudrait que l’on calme très vite le jeu, que l’on parle avec le président russe et que l’on trouve au plus tôt un accord global, l’OTAN reculant pour
toujours aux frontières d’une Ukraine redevenue neutre, à l’instar de Moscou qui pourrait se retirer militairement du Donbass contre l’assurance que les populations russophones de cette
région ne seront plus bombardées et que leurs droits civiques et culturels seront enfin respectés par Kiev. Pour cela, il faudrait évidemment remettre au plus tôt le président Zelenski dans
sa boite de marionnette américaine au lieu de céder à son chantage permanent à la culpabilisation de l’Europe.
Au lieu de cela, nous faisons pleuvoir les milliards d’aide et d’armements dans le tonneau des danaïdes ukrainien d’où cette manne s’évapore pour alimenter trafics d’armes, comptes en banque
off-shore et terrorisme international. Nous entretenons le feu de la guerre avec jubilation pour que le point de non-retour soit au plus tôt atteint s’il ne l’a pas déjà été, pour ne pas
désobéir à Washington, et surtout pour ne pas devoir reconnaître l’insigne erreur de sa manœuvre consistant, depuis presque 20 ans (la première « révolution » ukrainienne, « l’orange », date
de 2004 !), à pousser Moscou dans ses retranchements ultimes afin de provoquer l’affrontement tant espéré et l’annihilation de ce grand pays dont nous ne supportons pas la superbe ni la
résistance à nos prédations.
Les Lettons envisagent désormais, avec les Finlandais désormais aux portes de l’OTAN, de déployer des armements pour faire de la Baltique une « mer intérieure de l’Alliance » et cantonner la
Russie au golfe de Finlande ; on retrouve des mines françaises et allemandes interdites par les conventions de Genève sur des positions ukrainiennes, etc.
Ces soldats
finlandais, sans armes (en signe de neutralité ?), sur le point de rejoindre l’Otan
Photo
Gifyy.com
L’Europe s’enfonce, comme enivrée de sa propre stupidité, dans une crise énergétique sans précédent, impatiente de tomber sous le joug définitif du gaz de schiste américain. Elle appelle cela
son indépendance énergétique.
Bref, nous nageons en plein délire et à contre-courant de nos intérêts comme de nos sacrosaintes valeurs, défigurées par le soutien à un pouvoir compromis avec le pire d’un nationalisme aux
relents sinistres de suprémacisme et de racisme anti-slave ultraviolent. L’implication de nos soldats au profit de la clique au pouvoir à Kiev, quel que soit le « narratif » médiatique,
fourvoie nos armées.
LE GRAND JEU .
Pendant que nous nous complaisons dans cette réalité parallèle, le nouveau «Grand jeu» se poursuit partout à nos dépens. En Eurasie, où l’attitude européenne envers Moscou nous coupe
durablement les voies de projection d’influence et le potentiel de développement économique qu’une coopération intelligente avec le formidable projet chinois des Routes de la Soie permettait
d’envisager. Au Sahel, où le retrait humiliant des troupes françaises du Mali après 8 ans de présence et 59 morts, et leur redéploiement partiel au Niger s’annonce mal quand on entend le
président nigérien donner au nôtre un cours de géopolitique pragmatique sur l’évidente importance de la Russie sur le continent noir, ou lorsque la ministre sud-africaine de la Défense
explique que Moscou n’a jamais été une puissance colonisatrice de l’Afrique… Tandis que, pour enfoncer un coin dans son alliance avec Moscou et Téhéran, l’on pousse la Turquie à renouer avec
Israël, ce qu’elle fait de bon gré avec son opportunisme habituel et pour défier son véritable rival sunnite l’Arabie saoudite, cette dernière est en train de remettre en cause son alliance
exclusive avec Washington et Tel Aviv au profit de Moscou.
La Chine et la Russie, qui entendent créer leur propre station spatiale et relancer l’aventure lunaire, ont procédé, fin août, à une seconde salve de manœuvres militaires conjointes pour
manifester leur convergence anti-occidentale de plus en plus marquée. L’Iran se braque face aux atermoiements américains dans les négociations pour la remise en place de l’accord nucléaire de
2015 ; les sanctions unilatérales sans mandat onusien pleuvent sur Moscou et Téhéran, creusant plus encore la polarisation et l’hostilité, tandis qu’une grande partie de l’Amérique latine, de
Cuba à l’Argentine en passant par le Venezuela et jusqu’au Brésil, se rapproche elle aussi de la Russie.
Le front indopacifique se tend autour de Taïwan où affluent inconsciemment les politiques américains pour masquer leur impuissance face à Pékin et à sa détermination de reprendre tôt ou tard
l’île définitivement sous sa tutelle. Au-delà de la question militaire de la sanctuarisation de la mer de Chine par Pékin, c’est d’ailleurs tout autant l’enjeu industriel du contrôle de la
production mondiale de semi-conducteurs qui fait rage entre Pékin et Washington d’un côté, et de l’autre Moscou, à la traine mais déterminé, et l’Europe dans les limbes.
Mais tous ces signaux, faibles ou forts, ne nous font nullement réfléchir. « Tout va très bien madame la Marquise ! » : l’Occident va l’emporter, l’Amérique demeurera le phare du monde et son
gendarme honni. Elle apportera la lumière de la démocratie à une planète qui n’en veut plus et consolide autour de Moscou, Pékin et New Delhi un bloc alternatif politico-financier, économique
et bien sûr militaire gigantesque. Si l’attaque russe a resserré les rangs de l’Otan, elle a surtout donné un coup d’accélérateur formidable à la bascule du monde.
La spirale des évaluations délibérément fausses des buts de guerre de l’adversaire prend des proportions dramatiques désormais. Le président Zelenski, encouragé en permanence à la surenchère,
semble pris de folie erratique et prêt à tout pour que l’OTAN vienne officiellement à son secours.
LE POIDS DU NUCLÉAIRE .
Dans ce contexte, on est frappé par l’immaturité des dirigeants tant américains qu’européens et malheureusement français. Le sidérant documentaire « Un Président, l’Europe et la guerre » l’a
tristement démontré en révélant l’étendue de l’impuissance mais surtout de l’ignorance de la dimension nucléaire qui a largement motivé, au moins autant que la situation du Donbass,
l’opération russe. Celle-ci remonte en fait au mémorandum de Budapest de 1994 qui assurait la dénucléarisation de l’Ukraine contre son indépendance.
Compte tenu des infrastructures nucléaires encore présentes en Ukraine, les déclarations du président ukrainien proposant de révoquer le mémorandum lors de la Conférence de Munich, quelques
jours seulement avant le déclenchement de l’attaque russe et alors que le Donbass était de nouveau massivement ciblé par les bombardements ukrainiens contre leur minorité russophone, auront
sonné comme la provocation de trop.
Au-delà de ce déficit de compréhension, l’ignorance de la guerre, de ses souffrances tangibles, l’habitude de la porter et de la mener au loin, notamment au Moyen-Orient sans grandes
conséquences domestiques, la vanité insigne des dirigeants européens et américains, la fureur de voir qu’une fois encore leurs calculs se révèlent faux, que la propagande n’a pas fait se
matérialiser la victoire occidentale sur le terrain, que les objectifs russes s’élargissent chaque jour, que la situation leur échappe et ligue désormais contre eux la majeure partie du
monde, tout les pousse à une fuite en avant irresponsable.
UNE VOIE POSSIBLE .
Comment stopper l’engrenage ? Que peut et doit faire la France ? Si elle reste sourde à la brochette de généraux, agents de renseignements et géopoliticiens américains qui s’expriment
clairement dans les médias mondiaux depuis des mois, elle peut au moins accorder quelque crédit à l’illustre Henry Kissinger qui redoute de plus en plus les effets ravageurs d’un «
déséquilibre » trop grand entre les blocs de force à l’échelle mondiale.
Elle doit ouvrir un espace d’appréciation autonome de l’attitude russe (ce qui suppose sans doute quelques changements à l’intérieur de la cellule diplomatique de l’Élysée…). Paris doit
proposer au Conseil de Sécurité la réunion urgente d’une conférence sur la refondation de la sécurité et de la coopération en Europe. Washington s’y opposera ? Fort bien. Alors elle
l’organisera à Paris.
Ceux de nos alliés européens qui ont compris que c’était une guerre russo-américaine sur le dos de l’UE et de l’Ukraine elle-même, verront l’intérêt de ce « pas de côté » salutaire. Paris
redeviendra enfin utile à quelque chose. Une telle approche doit évidemment aller de pair avec la cessation immédiate de toute livraison d’armements et de tout soutien militaire à Kiev. Cela
ne sauve pas le peuple ukrainien, cela le condamne.
Nous sommes cobelligérants de fait depuis trop longtemps, ce qui neutralise toute marge de manœuvre diplomatique et toute légitimité pour endosser l’habit de médiateur. On me rétorquera que
c’est donner raison au bourreau contre la victime, au Diable contre l’Ange, que c’est le retour de Munich. Non. C’est juste revenir à l’intelligence basique d’une situation qui est en train
de nous échapper et dont nous ferons les frais bien plus que Washington. C’est redonner la parole à un peu d’éthique du conflit au lieu de se planquer derrière des postures prétendument
morales, dont les Ukrainiens sont la chair à canon, comme avant eux les Irakiens, les Libyens, les Syriens… C’est admettre que nous sommes allés bien trop loin, que la Russie n’est pas en
Ukraine uniquement pour défendre le Donbass ni pour conquérir le pays, encore moins pour le détruire mais avant tout pour rétablir, à ses frontières face à l’OTAN, une zone neutre de
protection vitale.
Si l’on ne veut pas l’éclatement ultime du pays et son dépècement entre Russie, Pologne et Hongrie, c’est maintenant qu’il faut agir sans plus tergiverser. Il faut sortir de ce guêpier et
vite… sans perdre la face. C’est là que le bât blesse car c’est impossible si l’on croit la sauver en incarnant le camp du Bien contre celui du Mal. Il faut changer les marqueurs de la «
victoire », et considérer que l’Europe, et la France, font une faute cardinale en appuyant les États-Unis dans cette entreprise déstabilisatrice et contreproductive à l’échelle mondiale.
Légende photo en bandeau : Photo Ukrinform ;
(*) Caroline Galactéros, Docteur en science politique, auditeur de l’Institut des hautes études de la Défense nationale
(AA59) et spécialiste des questions balkaniques. Elle a longtemps travaillé dans l’évaluation et la prospective stratégiques pour les services de l’État. Aujourd’hui
directeur de séminaire à l’École de guerre, colonel dans la réserve opérationnelle des armées, elle dirige le cabinet de conseil privé et de formation en intelligence
stratégique Planeting. Elle est l’auteure du blog « Bouger les lignes ».
Elle est la créatrice et directrice du think tank GéoPragma consacré à la géopolitique réaliste.
Colonel de la réserve opérationnelle, Administratrice de l’ASAF
POURQUOI IL FAUT BOUTER POUTINE DEHORS ET PRÉSERVER LES RUSSES
Certains s’inquiètent encore que l’Occident pousse Poutine à bout. Henri Guaino réitère (l’Express du 7 septembre) ses craintes d’un
« jusqu’au-boutisme » ukrainien et européen. Certes, humilié, Poutine pourrait être tenté d’utiliser l’arme nucléaire avec toutes les conséquences insondables susceptibles d’en
découler. Il est la réplique sismique du stalinisme qu’il admire. Dès 2005, il avait déclaré que la chute de l’URSS avait été « la plus grande catastrophe géopolitique » du XXe siècle. Les tyrans
perdent facilement la raison. Quand ils sont empreints d’une idéologie dominatrice, ils sont prêts à tout y sacrifier, y compris la vie des peuples.
Il est donc raisonnable en l’état d’éviter d’entrer officiellement dans cette guerre que la Russie n’a jamais déclarée. A cet égard, et pour le moment, l’effort du
président français et du chancelier allemand pour garder un brin de conversation avec Poutine n’est pas critiquable. Pas plus que le refus des Etats-Unis de livrer à l’Ukraine des missiles à
longue portée. Du moins, il n’est pas encore temps. C’est aussi une tentative de conserver un espoir de renouer un jour avec le peuple russe qui est encore marqué par des décennies de
totalitarisme rouge. C’est peut-être aussi le moyen d’éviter que Poutine soit renversé par de pires extrémistes plutôt que par les libéraux.
Mais les tyrans sont toujours des géants aux pieds d’argile, entourés de gens serviles, repus et corrompus de leurs propres mensonges. Il ne faut pas en avoir
peur : ils trompent le monde en se trompant eux-mêmes. Déjà les alliés supposés de Poutine l’abandonnent, la Chine ne veut pas s’en mêler et au sommet de l’Organisation de Coopération de
Shanghai ces 15 et 16 septembre, Modi a fait savoir au président russe que l’heure n’était « pas à la guerre ».
Le temps de la détermination
Il est donc heureux que le temps ne soit plus aux hésitations, s’il l’a jamais été. Après beaucoup d’atermoiements, le Chancelier Scholz a demandé le 13 septembre
au président russe le retrait de tous les territoires occupés. Après avoir espéré la négociation, quitte à demander à l’Ukraine d’abandonner des territoires, Emmanuel Macron exhorte désormais la
communauté internationale à ne faire montre d’« aucune faiblesse, aucun esprit de compromission » (mardi 23 août) face à la Russie. Les Etats-Unis ont consacré les plus gros efforts
financiers et militaires dans le soutien à l’Ukraine, mais l’Europe n’a pas été de reste avec 19 Md€ débloqués à ce jour pour l’Ukraine en guerre hors aides militaires. Dans son discours à
Strasbourg du 14 septembre Madame von der Leyen a appelé les Européens à « faire preuve de détermination et pas d’apaisement ». Il faut continuer à soutenir l’Ukraine.
La Russie est l’envahisseur. Et les armées russes se comportent comme des barbares ainsi que le prouvent les charniers et les salles de torture découverts lors de
la reprise des territoires ukrainiens qu’ils ont occupés, et encore ces derniers jours à Kharkiv. Il ne faut jamais accepter une telle vilenie, une telle inhumanité. Et s’y opposer mollement
serait plus qu’une acceptation, un encouragement tacite, comme Daladier et Chamberlain face à Hitler.
Bien sûr, l’Europe souffrira de l’embargo imposé à la Russie. Mais celui-ci fait déjà ses preuves. La Russie manque de pièces détachées et de composants
électroniques pour réparer et construire ses matériels militaires, pour faire voler ses avions, pour faire tourner ses usines. Ses finances sont sous assistance respiratoire. Elle est en défaut
sur le paiement de ses obligations souveraines. La chute des recettes de l’Etat russe s’accélère avec la baisse des exportations d’hydrocarbures. Ses réserves d’armement semblent s’épuiser. La
Russie est, plus profondément, faible de son assujettissement qui ignore la morale, détruit l’esprit d’initiative et anémie les peuples.
Préserver la population russe
La population russe semble elle-même commencer à exposer ses réticences face à la guerre. Les échecs successifs de l’armée russe devant Kiev puis maintenant dans le
Donbass ont dévoilé le mensonge que couvrait la désignation d’ « opération spéciale » dont Poutine affublait son invasion. Malgré la répression, la terreur et la censure totale,
des voix russes courageuses s’élèvent contre cette guerre jusque parmi des élus de Saint Petersbourg. Il ne faut pas les abandonner.
Les Ukrainiens eux-mêmes ont fait preuve d’une grande capacité à s’amender dans l’adversité. Ils étaient, tout autant que les Russes, minés par des pouvoirs
pervertis à la botte d’oligarques prédateurs. Volodymyr Zelensky, qui avait lui-même succombé aux pratiques occultes de l’économie ukrainienne, s’est ressaisi et désormais sa politique vise à
rétablir la transparence et la probité à tous les niveaux de la société. En témoigne l’entrée en vigueur en juin 2022 de sa « loi sur la déoligarchisation » de septembre 2021, sa nomination
d’un nouveau procureur anti-corruption, et les sanctions engagées contre son parrain en politique, Ihor Kolomoïsky, le propriétaire de la chaîne qui a lancé sa série Le Serviteur du peuple.
Ce que les Ukrainiens sont en train de faire dans la guerre, les Russes doivent pouvoir le faire dans la libération de leur pays.
Les dirigeants russes se conduisent en barbares, mais la Russie n’est pas barbare. Les hordes asiatiques qui l’ont envahie il y a de nombreux siècles y sont
arrivées plus tard qu’en Europe de l’Ouest, mais l’Orthodoxie y a fait prospérer une culture différente et complémentaire qui n’a rien à envier à celle du vieil Occident romain. L’esprit slave,
cette « énigmatique âme russe », est sans doute plus mystique que celui des Latins et des Anglo-Saxons. Mais leurs racines chrétiennes les réunissent. L’Europe s’enrichirait de
retrouver ses anciennes alliances avec la Russie : celle-ci tempèrerait le matérialisme européen aux sources de la transcendance orthodoxe tandis que l’Europe pourrait réduire la tentation
impériale de confusion des pouvoirs civils et spirituels qu’ont conservé les successeurs de Byzance. Ne faut-il pas réfléchir dès à présent aux moyens de renouer le fil entre les héritiers de
Jérusalem, Athènes, Rome et Constantinople ? Ce qui suppose aussi tout à la fois que Poutine ne soit plus là et que le peuple russe comprenne que nous voulons le libérer plutôt que le
soumettre.
Les Etats-Unis et l’OTAN commettent l’erreur capitale dans une guerre : Sous-estimer leur ennemi
Les référendums organisés cette fin de semaine dans le Donbass sont un véritable tournant dans la guerre dite « guerre d’Ukraine ». Nul ne doute des
résultats. Comment une population russophone à qui Kiev a interdit l’usage de sa langue maternelle, y compris dans l’éducation de ses enfants, mais surtout qui est soumise aux exactions
des bataillons de représailles néo-nazis et à des bombardements quotidiens depuis huit ans, comment donc cette population pourrait ne pas se prononcer pour le rattachement à la Russie. Ce
que certains appellent « retourner à la maison ».
Comme la Douma d’Éat a déjà annoncé qu’elle demanderait au président Vladimir Poutine d’entériner les résultats, le Donbass va devenir territoire
russe.
D’autre part, la Russie a annoncé une mobilisation limitée en vue de renforcer son armée sur le front Ouest. Notons au passage, que cette mobilisation a
pour objectif de recruter 300 000 hommes, soit 1,2% de la capacité maximum de mobilisation du pays qui est de 25 millions d’hommes. Tout est donc en place pour un affrontement entre la
Russie et l’OTAN soutenu par les États-Unis. Il n’est un secret pour personne que la guerre ne se poursuit actuellement que grâce au soutien de « l’Occident collectif ». En effet,
l’Ukraine avait déjà perdu, fin juillet, la totalité de son armement d’origine soviétique et la moitié de ses soldats. Quel pays pourrait continuer le combat seul dans ces conditions ? La
situation sur le terrain, Donbass toujours ukrainien ou indépendant, suivant le point de vue, permettait de maintenir l’illusion d’une agression russe sur l’Ukraine.
Dans quelques jours, les États-Unis et leurs vassaux de l’Union européenne vont se trouver devant le dilemme suivant :
• poursuivre les opérations visant à écraser les forces russes se projetant sur le territoire de l’Ukraine, ce qui correspondrait, comme l’explique Scott
Ritter dans son dernier article, à reconnaître, sinon la légitimité, au moins la réalité de l’incorporation du Donbass et des territoires ukrainiens du Sud dans la Fédération de Russie.
Ou,
• continuer à soutenir la politique actuelle du gouvernement ukrainien et de ses alliés occidentaux qui vise à expulser la Russie du Donbass et de la
Crimée, ce qui signifierait maintenant attaquer la Russie. Ce serait donc la guerre avec la Russie.
De son côté, la Russie se considère déjà en guerre contre « l’Occident collectif » comme l’a déclaré le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou dans
le discours qu’il a prononcé suite à l’annonce de la mobilisation partielle par Vladimir Poutine. « Nous ne parlons pas seulement des armes, livrées en énorme quantité mais aussi des
systèmes de communication, des systèmes de traitement de l’information, des systèmes de reconnaissance et des systèmes de renseignement par satellite ».
Tout ceci montre clairement que la Russie ne se considère plus en guerre contre l’Ukraine, mais contre l’OTAN et « l’Occident collectif » qui utilise
l’Ukraine. Le président russe a non moins clairement expliqué que si l’adversaire s’en prenait à l’intégrité de la Fédération de Russie (dont le Donbass fera maintenant partie), « si
l’intégrité territoriale de notre pays est menacée, nous utiliserons tous les moyens à notre disposition pour défendre la Russie et notre peuple ». Une référence évidente à l’arsenal
nucléaire russe et à la doctrine d’usage de cette force. Et Vladimir Poutine d’ajouter, « Ce n’est pas du bluff ». Mais chacun sait que Vladimir Poutine n’a jamais bluffé.
Nous nous trouvons donc, grâce à l’obstination désespérée des États-Unis à conserver leur hégémonie sur le monde et à la sottise (ou veulerie, ou
incompétence, ou aveuglement, ou corruption, choisissez) des « dirigeants » européens, à une seconde de minuit sur « l’Horloge de l’Apocalypse ».
Quel que soit le vainqueur de la guerre en Ukraine, les États-Unis en seront les perdants stratégiques. La Russie nouera des relations plus étroites avec la Chine
et d’autres pays du continent eurasien, notamment l’Inde, l’Iran, l’Arabie saoudite et les États du Golfe. Elle se détournera irrévocablement des démocraties européennes et de Washington. Tout
comme le président Richard Nixon et Henry Kissinger ont joué la « carte de la Chine » pour isoler l’Union soviétique pendant la Guerre froide, les présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping
joueront leurs cartes pour tenter de contester le leadership mondial des États-Unis.
Sachant bien que l’Europe ne peut plus rester son premier client énergétique, Moscou a logiquement décidé de développer ses ventes de combustibles fossiles avec
l’Asie, notamment la Chine et l’Inde. Depuis l’invasion de l’Ukraine, la Russie est devenue le premier fournisseur de pétrole de la Chine, remplaçant l’Arabie saoudite. Il est vrai qu’à court ou
moyen terme, la capacité de transfert limitera la quantité de combustibles fossiles que la Russie pourra vendre à la Chine. Elle ne dispose actuellement que d’une seule voie d’acheminement
terrestre du pétrole vers la Chine, l’oléoduc ESPO. Le seul gazoduc actuellement en service est Power of Siberia. Les ventes de pétrole et de gaz par gazoduc sont complétées par des voies
maritimes vers la Chine continentale. Dans les années à venir, la Chine et la Russie réaliseront sans aucun doute d’importants investissements pour développer le transport de pétrole et de gaz
entre les deux pays, ce qui permettra à la Russie d’être le principal fournisseur de combustibles fossiles de la Chine. Les Chinois seront probablement en mesure de réduire leur dépendance en ce
qui concerne les expéditions de combustibles fossiles en provenance du Moyen-Orient, qui doivent passer par des points d’étranglement navals particulièrement exposés tels que le détroit de
Malacca.
Des relations énergétiques plus étroites entre la Chine et la Russie contribueront à les rapprocher en tant qu’alliés stratégiques « sans limites » sur le continent
eurasien. En ayant un fournisseur d’énergie russe dévoué à ses côtés, la Chine obtiendra inévitablement une plus grande flexibilité stratégique pour traiter avec les États-Unis et ses alliés de
la région indo-pacifique, le tout au détriment des démocraties occidentales.
Depuis l’invasion de l’Ukraine, la Russie a également fortement augmenté son commerce énergétique avec l’Inde. Selon le Centre de recherche sur l’énergie et l’air
pur, « l’Inde a été le principal acheteur des cargaisons Atlantique dont l’Europe ne veut plus. » Avant l’invasion de l’Ukraine, l’Inde n’achetait presque pas de pétrole à la Russie. Aujourd’hui,
elle en importe plus de 760 000 barils par jour. L’augmentation des ventes de combustibles fossiles russes vers l’Inde sera préjudiciable aux efforts déployés par les États-Unis, l’Australie et
le Japon pour continuer à mettre Delhi sur une orbite plus proche des pays démocratiques de la région indo-pacifique.
En fait, l’Inde – la plus grande démocratie du mond – a adopté une position neutre quant à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Aux Nations unies, l’Inde s’est
abstenue lors des votes qui ont condamné l’invasion de l’Ukraine. Elle a refusé de blâmer la Russie pour cette attaque. Outre une relation nouvelle et croissante en matière d’approvisionnement
énergétique, la Russie est également depuis longtemps le principal fournisseur d’armes des forces armées indiennes. Il est important de noter que Delhi continue d’apprécier le soutien de longue
date de la Russie au Cachemire. La réponse indienne à la guerre russo-ukrainienne souligne le fait que l’Inde ne devrait pas se retrouver totalement intégrée dans une alliance du Pacifique
occidental telle que la Quadrilatérale. Si la Chine est suffisamment intelligente pour éviter d’autres combats frontaliers avec l’Inde, l’impulsion donnée à l’Inde pour s’impliquer davantage dans
la Quadrilatérale pourrait bien diminuer.
Autre mauvaise nouvelle pour l’Occident, l’Inde n’a pas été la seule à s’abstenir de voter la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies censurant la
Russie pour son invasion de l’Ukraine. Trente-quatre autres pays ont refusé de prendre le parti de l’Occident. Les deux tiers de la population mondiale vivent dans des pays qui se sont abstenus
de dénoncer la Russie. Même le Mexique voisin a refusé de condamner la Russie ou de se joindre aux sanctions économiques.
Ce sont des réalités stratégiques difficiles à intégrer pour les États-Unis. Après l’invasion russe, les démocraties occidentales se sont rapidement unies et ont
adopté un large éventail de sanctions contre Moscou, y compris des dates limites pour mettre fin aux achats de combustibles fossiles auprès de la Russie. Les sanctions énergétiques de l’Occident
se sont, dans une certaine mesure, retournées contre ce dernier, provoquant une inflation et des perturbations de l’approvisionnement si graves que Bruxelles a désormais du mal à faire face aux
conséquences économiques. L’UE a même annoncé discrètement des mesures visant à assouplir les sanctions énergétiques russes afin de contribuer à la stabilisation des marchés de l’énergie. Alors
que l’Occident se plaint que la Russie a militarisé ses exportations de pétrole et de gaz, la réalité est que ce sont Bruxelles et Washington qui ont les premiers brandi l’épée énergétique
lorsqu’ils ont annoncé leur intention de réduire les achats de combustibles fossiles russes immédiatement après l’invasion de l’Ukraine.
L’une des retombées positives de la guerre russo-ukrainienne a été la cure de jouvence de l’OTAN, qui s’est mobilisée pour soutenir l’Ukraine. L’alliance deviendra
encore plus forte lorsque la Finlande et la Suède la rejoindront. Du côté négatif, proportionnellement, les États-Unis assument plus que leur part du fardeau du soutien à l’Ukraine par rapport
aux autres partenaires de l’alliance, à l’exception des États baltes et de la Pologne. Jusqu’au 20 mai 2022, les États-Unis ont fourni ou engagé 54 milliards de dollars d’aide militaire au
bénéfice de Kiev. Le Royaume-Uni arrive loin derrière avec 2,50 milliards de dollars, suivi de la Pologne avec 1,62 milliard de dollars et de l’Allemagne avec 1,49 milliard de dollars. Au 20 mai,
les États-Unis avaient engagé plus de trois fois plus d’aide au bénéfice de Kiev que tous les autres pays de l’Union européenne réunis. Les États-Unis sont le plus grand fournisseur d’aide
militaire, bien que l’invasion de la Russie constitue une menace bien plus immédiate pour les alliés européens que pour les États-Unis, qui se trouvent à plus de 9000 km de la guerre, de l’autre
côté de l’océan Atlantique. La situation en Ukraine montre à nouveau à quel point l’Europe occidentale est dangereusement dépendante du leadership américain et de son armée. Cela ne changera pas
tant que l’establishment de la politique étrangère américaine ne se débarrassera pas de la conviction, solidement ancrée depuis sept décennies, que seuls les États-Unis peuvent diriger l’OTAN, en
fournissant l’ossature militaire de l’alliance.
Les États-Unis doivent s’adapter, d’autant plus qu’au titre de l’article V, les engagements de l’OTAN sont limités à la région Atlantique, ce qui constitue une
vérité dérangeante et lamentable. Si Pearl Harbor, Hawaï ou Guam étaient attaqués par la Chine, la Corée du Nord ou la Russie, les engagements de défense collective de l’OTAN ne s’appliqueraient
pas. Néanmoins, même s’il n’y a aucune chance que le traité de l’OTAN soit un jour modifié pour aider les États-Unis dans le Pacifique, Washington ne doit et ne peut pas abandonner l’OTAN. Au
contraire, les responsables de la politique étrangère américaine doivent faire en sorte de permettre aux alliés européens de prendre plus de responsabilités et d’assumer une plus large part du
fardeau de leur côté du continent eurasien, même si ce n’est pas la part du lion. Si les États-Unis continuent à garder la tête enfouie dans les hypothèses historiques qui ont conduit à la
création de l’OTAN en 1949, les choses ne vont cesser d’empirer pour les ressources et les capacités militaires américaines qui sont surchargées. Les États-Unis ne sont plus la seule puissance
dominante du monde. Un plus grand partage du fardeau dans le système d’alliance américain devra intervenir tôt ou tard pour faire face à la réalité d’un monde de plus en plus multipolaire.
Ramon Marks est un avocat international new-yorkais à la retraite.
Vladimir Poutine, les représentants des régions occupées d'Ukraine et les dirigeants des républiques séparatistes locales ratifieront vendredi le
rattachement de ces territoires à la Russie vendredi au Kremlin. Le président russe prononcera un discours à l'issue de la cérémonie.
Vendredi, il sera 14h à Paris, 15h à Moscou, lorsque Vladimir Poutine et les représentants des Républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk ainsi que ceux des
zones ukrainiennes occupées de Kherson et Zaporijia ratifieront au Kremlin les traités d'annexion de ces territoires à la Russie. Cette cérémonie succède aux
pseudos-référendums joués d'avance dont les résultats proclamés mardi ont permis aux leaders fantoches de ces régions de demander leur rattachement à la Russie.
Si la communauté internationale ne reconnaîtra aucun de ces rattachements, Vladimir Poutine en profitera tout de même pour prononcer un discours à l'issue de
l'échange des signatures.
Célébration d'une prétendue victoire sur le front ukrainien, éloge de la "Grande Russie", chantage nucléaire... Qu'attendre de la prise de parole du président russe ?
Un discours de victoire ?
C'est le porte-parole du Kremlin qui a officialisé la nouvelle ce jeudi. "Vladimir Poutine prononcera un grand discours" lors de la cérémonie de ratification des
annexions, a déclaré Dmitri Peskov.
D'après nos informations, le président de la fédération russe s'adressera à la nation au milieu des 1250m² de la salle Saint-Georges, sous les ors du Kremlin et
sous des lustres de 1300 kilos.
En-dehors de cette solennité, Vladimir Poutine poursuivra un objectif aussi concret que cynique: transformer un désastre en succès, et ne pas perdre la face alors
que son armée est en plein marasme.
"Il y a des aspects politiques, comme utiliser cette cérémonie et ce discours pour prononcer un discours de victoire, disant: 'Voilà, nous avons sauvé ces
régions, nous les protégeons et donc cette opération est d'ores et déjà un succès et se justifie pleinement'", a exposé le colonel Michel Goya, consultant Défense de BFMTV.
"C'est une manière pour la Russie de changer la nature du conflit: on oublie l'opération spéciale qui était une opération extérieure, là, on passe à la défense de la patrie. (...) On repousse les
frontières de la patrie donc maintenant tout ce qu'il se passe dans ces zones ukrainiennes occupées devient l'affaire de la nation russe et justifie de mobiliser toutes les forces de la nation
russe", a encore analysé l'officier.
Sortir le "parapluie nucléaire"
Justifier le bienfondé de la guerre en soi, et justifier une "mobilisation partielle" qui patine sérieusement depuis qu'elle a été décrétée mercredi
dernier, entre exodes massifs, manifestations hostiles et ratés dans le recrutement. Un double bénéfice pour Vladimir Poutine qui devrait tenter de pousser son avantage plus loin.
Patrick Sauce, éditorialiste de BFMTV sur les questions internationales, souligne que le président russe avait déjà livré une bande-annonce de son discours à venir:
"On a eu une petite idée de ce qu'il allait dire quand il a parlé, mardi, de 'sauvetage des populations'. Et il s'agit de les sauver avec le parapluie nucléaire. Il n'y a rien d'autre. Il va
sans doute être menaçant par rapport à ceux et celles - enfin, grosso modo, l'armée ukrainienne, qui voudraient s'en prendre à ces territoires".
Vladimir Poutine a de surcroît prévenu qu'il se réservait le droit d'employer "toutes les armes" à sa disposition - n'excluant donc pas une frappe nucléaire - si
les "intérêts vitaux" et le territoire russe étaient en péril. Autant dire qu'une tentative de l'Ukraine de regagner ses terres, à Lougansk, Donetsk, Kherson ou Zaporijia entrerait pleinement
dans cette définition fallacieuse.
"Si ces quatre régions deviennent russes, elles entreront dans la couverture de la protection des armements russes, nucléaires mais bien d'autres, des
bombes thermobariques etc", a étayé le colonel Peer de Jong, vice-président de l'Institut THEMIIS, et ancien colonel des troupes de marine.
Ces annexions prennent même des airs de triomphe personnel pour le président russe dont elles tendent à couronner le parcours politique. "Vladimir Poutine a
toujours voulu la 'Grande Russie'. Il se trouve qu'elle sera agrandie demain, de plusieurs milliers de kilomètres carrés", a ainsi remarqué Patrick Sauce.
Passer pour un homme de paix
Enfin, l'opération lui ménage un dernier espace pour essayer de redorer son blason et donner l'impression qu'il sort par le haut d'une partie qui semble perdue sur
le terrain, ou du moins mal engagée.
"Quelque part il va demander l'arrêt de la guerre, l'arrêt des combats", a estimé Peer de Jong.
Il faut dire qu'avec ces rattachements Vladimir Poutine pourrait faire valoir que son armée a rempli au moins en partie la mission qui lui a été assignée. "Mais
les Ukrainiens ne les laisseront pas faire", a repris le vice-président de l'Institut THEMIIS.
Après la conclusion de ces référendums voulus par le pouvoir russe dans les zones occupées, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a d'ailleurs écarté
toute cessation des hostilités en l'état. S'adressant à ses concitoyens sur Telegram mardi soir, il a averti: "Nous agirons pour protéger notre peuple: à la fois dans la région de Kherson,
dans celle de Zaporijjia, dans le Donbass (et aussi) dans les zones actuellement occupées de la région de Kharkiv et en Crimée".
Quel intérêt, alors, pour Vladimir Poutine de formuler une offre dont il sait qu'elle sera rejetée par son adversaire? C'est que, d'après Peer de Jong, l'enjeu est
désormais attirer l'attention d'un tout autre interlocuteur: "Le message est aussi adressé à l'OTAN et aux Etats-Unis, pour dire: 'On a atteint nos objectifs, arrêtons cette guerre'. L'objectif
c'est que les Etats-Unis cessent d'aider les Ukrainiens qui ne pourraient pas continuer sans cette aide".
Pour le moment, le désir du dictateur semble cependant relever du fantasme tant la communauté internationale est vent debout contre l'agression perpétrée à l'égard
de son allié ukrainien.
"Le destin nous appelle à un champ de bataille" Poutine - Le 30/09/2022.
"Le destin nous appelle à un champ de bataille" Poutine
Poutine et les gouverneurs des Oblasts ukrainiens annexés à la Russie
Ainsi l'annexion officielle du 30 septembre de quatre régions d'Ukraine est scellée par la volonté du peuple. « Les gens ont fait leur choix, un choix qui ne laisse aucun doute
quant à leur volonté » (1), mais un peuple réduit et contraint, un peuple sous les bombes et l’occupation illégale russe. C’est donc un Poutine forcé par la défaite
de son armée sur le terrain, acculé comme un cheval au recul qui baisse l’arrière-main en se bloquant, (les cavaliers comprendront), qui faute de victoire, tente de retourner la situation en
faisant en sorte qu’en étant agresseur il devienne agressé.
La ficelle est un peu grosse, mais il table sur la lassitude des Européens, le froid de l’hiver, un retournement de situation, qui contraindraient les dirigeants
européens de céder face aux protestations des peuples, le coup à payer serait bien trop cher pour une population peu encline à la résistance, à la privation,
au déclin économique et les relais de la désinformation ne manqueront pas pour agiter les menaces, à la fois militaires sociales et sociétales. La
lutte d’influence a pris tout son sens ce 30 septembre.
Un Poutine qui a annexé un morceau de territoire ukrainien, en rejouant le scénario de 2014 en Crimée, et en désignant à la fois les Ukrainiens, l’Europe, les Etats-Unis et l’Otan comme
étant les seuls responsables.
Poutine, le chevalier blanc, sauveur des valeurs occidentales, en lutte contre la décadence illustrée par le wokisme, défenseur des Etats
qui, à peine sortis du joug des colonisations actives, seraient toujours sous la coupe des Etats-Unis, de la France
et de l’Europe, pilleurs de richesse.
Car son discours de la Place Rouge devant une foule fortement influencée par des années de propagande, pire que ce qu’elle avait
connue lors de l’Union Soviétique, tant elle touche tous les leviers des influences, ne voit pas le danger qui les menace. Ce danger est le
retour à un système autoritaire et sanguinaire.
Le sang versé en Ukraine par les soldats russes issus des basses couches de la société ne scellera pas le renouveau slave, bien au contraire. Par la mobilisation en
cours, dont on voit les effets et les limites, la société russe va versune sorte
de déliquescence, alors que par effet inverse, les sociétés occidentales progressivement pourraient se réveiller, en
constatant l’urgente nécessité de résister et de recréer des moyens de résilience.
Tout le danger de cette guerre est celui de l’impasse stratégique dans laquelle Poutine s’enferme, sur le terrain, il ne peut
gagner cette guerre, et l’Ukraine ne peut le contraindre à reculer. L’Occident doit remettre en cause un certain nombre de ses certitudes et la Russie devra-t-elle en faire
autant ?
Cette voie de la sagesse est la seule possible. Mais je crains qu’il ne faille passer par un conflit généralisé, le processus est en cours, il sera difficile de l’arrêter.
Selon l’ancien ministre de l’Europe et président de l’Assemblée de l’OTAN, la guerre en Ukraine est jusqu’à présent un échec total pour la Russie. S’il
faut prendre au sérieux les menaces nucléaires du Kremlin, il faut aussi reconnaître l’affaiblissement de la France et le renforcement de la domination américaine en Europe.
CAUSEUR. Plus de sept mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine, comment évaluez-vous la dimension militaire de ce conflit ?
PIERRE LELLOUCHE : Au-delà des incertitudes inhérentes à ce genre de situations, il est évident que début mars l’opération militaire de Poutine avait échoué dans son plan A qui
consistait à prendre le contrôle de Kiev et à procéder rapidement à un changement de gouvernement en Ukraine. Cependant il avait des objectifs stratégiques : régler les questions du Donbass
et surtout, s’assurer que l’Ukraine reste à l’extérieur de l’OTAN et ne se rapproche jamais de l’Occident.
Et pour les atteindre, quel est son plan B ?
Le plan B était de prendre la totalité du Donbass. Cependant, les Russes ont du mal à occuper et conserver complètement ces territoires. Et, à partir de la mi-avril, les Américains se sont
fortement engagés dans cette guerre, ce qu’ils n’avaient pas fait précédemment, en livrant des armes de frappe de très haute précision, en intensifiant la formation des soldats ukrainiens, avec
les Anglais et d’autres membres de l’OTAN. En conséquence, on a assisté au blocage de l’offensive russe et donc à un semi-échec du plan B, aggravé début septembre par la contre-offensive
ukrainienne dans la région de Kharkiv, où l’initiative est passée dans le camp ukrainien.
Comment en est-on arrivé là du point de vue militaire ?
Poutine a commis une série d’erreurs de calcul gigantesques, de proportions historiques. Il a surestimé sa force militaire, sous-estimé la capacité de résistance des Ukrainiens et s’est
complètement trompé sur l’engagement des États-Unis, sans doute à cause de leur recul en Syrie en 2013 et de leur sortie calamiteuse d’Afghanistan en août 2021, six mois avant l’offensive russe.
En conséquence, l’objectif stratégique majeur de la guerre – tenir l’Ukraine en dehors de l’orbite occidentale – est définitivement raté. L’Ukraine est inondée de matériel occidental, elle est
désormais officiellement candidate à l’Union européenne. Et le comble, du point de vue de Moscou : une nation ukrainienne divisée qui avait du mal à trouver son unité est aujourd’hui soudée
contre la Russie – même la partie russophone ! C’est difficile d’expliquer aux gens que vous allez les sauver du nazisme quand vous les bombardez chez eux et quand l’armée commet, en plus,
des atrocités sur le terrain. Échec sur toute la ligne.
On peut aussi penser qu’il a renforcé l’OTAN…
En effet, pour ne rien arranger, l’OTAN voit arriver deux nouveaux membres, et on assiste au retour du leadership américain en Europe, ainsi que de 100 000 soldats américains sur notre
continent. On peut rajouter à la liste de dommages l’isolement relatif, mais important, de la Russie et le sacré coup qu’a pris sa réputation de puissance militaire. Enfin, les sanctions
occidentales, d’une violence inouïe, vont avoir un impact certain sur la Russie, notamment dans le secteur des hautes technologies. Le bilan est donc très mauvais.
Poutine a-t-il un plan C ?
Oui : de réussir au moins son plan B… C’est ce qu’il a annoncé la semaine dernière en s’adressant au peuple russe. Si vous lisez sa déclaration, il veut conserver ces territoires-là, et
uniquement ceux-là. Il attend que les Ukrainiens et les Occidentaux ratifient le fait accompli. Mais il sait que ce n’est pas facile à faire, compte tenu de l’engagement américain et de
l’insuffisance de ses effectifs – d’où sa décision de mobiliser, qui prendra du temps avant de produire éventuellement des résultats sur le terrain.
Justement, qui est en guerre contre la Russie ?
Le discours politique, aussi bien à Washington qu’à Paris, c’est : « Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie. » Mais on a bel et bien affaire à une guerre non déclarée, par
procuration, entre les États-Unis (et derrière, l’OTAN) et la Russie. Une situation d’une gravité considérable, sans précédent depuis 1945. La dispute vieille de trente ans sur le statut de
l’Ukraine s’est transformée en un affrontement direct avec une dimension mondiale, car cela impacte l’économie mondiale, l’énergie, l’alimentaire.
L’offensive de Kharkiv est à mes yeux la preuve la plus spectaculaire de cet engagement direct des États-Unis. Le président Zelensky a reconnu qu’elle n’aurait jamais été possible sans l’aide des
États-Unis et de très hauts responsables du Pentagone ont confirmé qu’elle avait été préparée directement entre le Pentagone et l’état-major ukrainien.
Comment jugez-vous cet engagement américain croissant depuis avril ? Était-ce une erreur ? Fallait-il laisser l’Ukraine épuiser ses stocks de
munitions et capituler ?
Je connais la situation en Ukraine depuis presque vingt ans, depuis les révolutions orange. Je me suis beaucoup occupé de l’Ukraine à la fois quand j’étais président de l’Assemblée de l’OTAN et
également quand j’étais ministre de l’Europe. Ce qui est frappant, c’est qu’après 2014, l’affaire de Crimée et les accords de Minsk, les Américains ne s’en sont plus vraiment souciés ! Sous
Trump, la question ukrainienne a été soulevée uniquement pour avoir la peau du fils de Joe Biden, alors candidat contre lui à la présidentielle ! Trump appelle Zelensky pour lui demander de
déclencher des poursuites contre Hunter Biden en échange des missiles Javelin ! C’est dire le sérieux avec lequel les États-Unis considéraient cette question.
Pendant toute cette période, la balle était dans le camp des Français et des Allemands, mais ceux-ci n’ont pas pu obtenir le respect des accords de Minsk qui accordaient aux territoires à l’Est
une autonomie très large. À Moscou, cela a renforcé l’idée que rien ne pourrait être obtenu par le processus de Minsk. C’est pour cela qu’à la mi-décembre, juste avant de déclencher les
opérations, Poutine a posé un double ultimatum : il exigeait des Américains la confirmation écrite du statut de neutralité de l’Ukraine ainsi que le retrait de certains systèmes d’armes
offensifs occidentaux déployés aux frontières de la Russie. Ces demandes de négociation ont été rejetées.
Dans la foulée, les renseignements américains ont conclu que Poutine allait attaquer, mais l’administration Biden, très prudente, a fait savoir qu’elle ne participerait pas à une guerre en Europe
et les conseillers militaires américains ont été retirés de Kiev. Juste avant le début de la guerre, la Conférence sur la sécurité a eu lieu à Munich, en présence de Kamala Harris,
vice-présidente des États-Unis. Zelensky, venu tout spécialement de Kiev, a reçu une standing ovation, mais pas le moindre engagement de l’OTAN. Pour vous dire à quel point on a assisté en avril
à un véritable revirement de la position américaine !
Comment expliquer ce changement si radical ?
Ils ont vu les faiblesses de l’armée russe ! Ils ont dû penser que l’occasion était bonne pour leur infliger une défaite lourde. C’est d’ailleurs ce qu’a dit Lloyd Austin, le ministre
américain de la Défense : il faut faire en sorte que la Russie ne puisse plus recommencer. À partir de là, on a vu arriver des flots de dollars, les Américains en sont à 45 milliards
aujourd’hui, dont 15 milliards d’aide militaire, et 15 milliards supplémentaires viennent d’être annoncés. Mais Poutine n’a pas l’intention de céder, d’où la mobilisation. Et si le peuple russe
tient, à la longue, le rapport de forces pourrait de nouveau basculer en faveur des Russes. Ils sont très résilients, ils l’ont montré pendant la Seconde Guerre mondiale. Ceux qui annoncent leur
défaite immédiate se trompent. On est loin d’avoir résolu cette affaire à l’heure actuelle, d’autant que l’hiver arrive, que les deux parties vont essayer de se renforcer. Beaucoup dépendra des
choix que feront les Américains et donc de leurs buts de guerre. Que veut-on ? C’est la grande question.
Joe Biden lors de la conférence de presse du dernier jour du sommet de l’OTAN à Madrid, le 30 juin 2022. (Photo de Jakub Porzycki/NurPhoto)
(Photo by Jakub Porzycki / NurPhoto / NurPhoto via AFP)
Quelle devrait être la boussole stratégique de la France dans cette guerre ?
Maintenir le contact avec la Russie et penser à l’après ! Tout faire pour arriver à un cessez-le-feu le plus rapidement possible et obtenir un accord de paix. Toute guerre, un jour, s’arrête
et il y a un compromis, plus ou moins stable, suivi par un traité de paix. La question est de savoir : quelles seront nos relations ensuite avec la Russie ? Pour l’instant, nous sommes
dans une situation inquiétante, car il y a une escalade dans les imprécations des deux côtés, y compris du côté occidental. On est passé d’une discussion sur le statut de l’Ukraine et celui du
Donbass à une guerre de civilisations. Poutine présente la situation de la Russie comme étant agressée par la totalité de l’Occident ; tandis que du côté occidental, même si les
chancelleries répètent que « nous ne sommes pas en guerre contre la Russie », beaucoup de gens parlent d’en finir avec l’ADN impérialiste de la Russie. Poutine est présenté et dénoncé
publiquement par le président américain comme « un tueur », des intellectuels français considèrent soit qu’il est « fou », soit qu’il est un « terroriste »… On prétend que l’intégralité du peuple russe est
complice, et qu’à ce titre, il faut lui interdire de voyager chez nous ; les Baltes et les Finlandais vont même jusqu’à fermer leurs frontières y compris aux déserteurs russes, ce qui est
assez curieux… Il va bientôt être interdit de lire Dostoïevski ou d’écouter Tchaïkovski. La Russie est dit-on malade, et il faut la débarrasser de force de cette « maladie impériale ».
On entend ce discours aussi dans les États baltes, en Pologne où l’ancien président Walesa propose de découper la Russie. Et chez nous, certains disent ouvertement que le but de cette guerre
n’est pas seulement de libérer l’Ukraine mais de créer, par la défaite de l’armée russe, une situation politique qui oblige Poutine à quitter le pouvoir. Tout cela permet à Poutine de dire que,
trente ans après avoir démantelé l’URSS (ce qui est naturellement faux car la désintégration de l’URSS est due à ses faiblesses internes), l’Occident cherche aujourd’hui à détruire la Russie.
Reste que, depuis quelques jours, il brandit la menace de l’utilisation de l’arme nucléaire, même si concrètement des intérêts vitaux russes ne sont pas
menacés…
Tout l’objet de ses référendums, c’est de faire en sorte que les quatre oblasts ukrainiens deviennent partie intégrante de la Russie. À partir de ce moment-là, toute attaque contre la Crimée ou
contre les territoires annexés sera une attaque contre la Russie. D’après la doctrine militaire russe actuelle, qui est ironiquement la même que celle de l’OTAN dans les années 1960, si des
forces conventionnelles ne parviennent pas à empêcher une percée contre le territoire de la Russie, alors les Russes se réservent le droit d’utiliser des armes nucléaires. Il ne faut pas prendre
ces paroles à la légère. Si Poutine devait être confronté au risque d’effondrement de son armée ou de défaite imminente, la question de l’utilisation de l’arme nucléaire se poserait, tout comme
se poserait celle de la réponse occidentale. Même si cela paraît impensable aujourd’hui.
Je ne prends pas ces choses à la légère, les Américains non plus. À l’approche de l’hiver où les opérations militaires seront figées, faut-il intensifier
la pression militaire et pousser jusqu’au bout la bête blessée, ou bien se contenter d’une pause ?
Au fond, chacun attend de voir qui va s’effondrer le premier. Poutine attend de voir si l’Europe va supporter la punition de cet hiver, et si les Américains intensifient ou pas les livraisons
d’armes.
Comment jugez-vous le rôle d’Emmanuel Macron ?
Malheureusement, alors qu’il voulait, selon ses propres mots, jouer le rôle d’une « puissance stabilisatrice » et devenir un faiseur
de paix, la pression du reste de l’Europe, le poids de la Pologne, des États baltes et derrière eux des États-Unis et de l’Angleterre, qui désormais pilotent cette guerre, ont été trop forts.
Le rôle de l’Allemagne et de la France devient donc très inconfortable, car elles sont ouvertement critiquées dans les États baltes et par le Premier ministre polonais. Certains en France s’en
réjouissent en soulignant que le centre de gravité est passé à l’Est de l’UE. Pas moi ! En effet, derrière la Pologne et les États baltes, tout se passe comme si les Américains étaient un
membre invisible mais omniprésent de l’Union européenne, et seuls décideurs de l’avenir de la sécurité en Europe.
Quant à l’Allemagne, qui avec un budget militaire de 100 milliards d’euros revendique déjà le statut de première puissance militaire en Europe, son réarmement se fera aux États-Unis, pas avec la
France. La totalité des programmes militaires bilatéraux (franco-allemands) sont gelés par Berlin. Ce qui en dit long sur le fameux couple franco-allemand… et sur la défense européenne chère à la
France.
Finalement, les Américains s’en tirent bien !
Pour eux, c’est la guerre parfaite : zéro mort, aucun body bag, beaucoup d’argent parce que les prix des hydrocarbures augmentent, que le GNL
américain va remplacer le gaz russe et que des dizaines de milliards d’armements vont être livrés aux Européens. Tout cela en plus d’un leadership sur l’OTAN et donc sur l’UE. Le paradoxe étant
que l’opinion publique américaine est quasi indifférente à cette guerre : son vrai sujet, c’est la situation économique et l’avortement. Quant aux décideurs, leur vraie priorité est bien sûr
la Chine. Si les États-Unis réussissent à contrer la Russie en Europe, ce sera un signal très fort envoyé aux Chinois au sujet de Taïwan.
La guerre a été principalement terne, avec peu de mouvement. Une guerre de tranchées comme lors de la Première Guerre mondiale. La grande erreur a été
commise au début, lorsque la Russie a essayé de s’emparer d’un pays de 40 millions d’habitants avec quelques soldats à peine. Le chef des services de renseignement russes, M. Naryshkin, a
récemment admis que
la Russie ne disposait d’aucun renseignement fiable sur l’Ukraine. Pendant de nombreuses années, depuis 1991, les services de renseignement russes n’avaient pas suivi l’évolution de la
situation en Ukraine. La Russie est donc entrée en guerre, en espérant que les Ukrainiens accueilleraient leurs soldats avec des fleurs. Cela s’est terminé par une grande retraite des
troupes russes. Poutine pensait pouvoir passer un accord avec Kiev, mais il s’avère que l’Ukraine signe des accords un jour et les renie le lendemain. Les choses ont donc continué ainsi,
jusqu’à ce que, six mois plus tard, l’armée russe commence à mobiliser ses réserves.
Il n’y a pas eu que du ratage : La Russie a connu de bons et de mauvais moments dans son combat contre l’Ukraine. La prise de Marioupol, sur la côte de la
mer d’Azov, a été un bon moment. Un mauvais moment, en revanche, a été la retraite de Kharkov. L’accord sur les céréales et le retrait de l’île des Serpents ont été des moments de
stupidité. Les moments de trouble grave ont été l’explosion des gazoducs réalisé par les marines américains et britanniques et l’assassinat de Daria Douguine. Nous vivons un moment de
vérité, avec la critique des chefs militaires, qui comporte des appels au suicide du ministre de la Défense. Les gens sont mécontents de la façon dont l’armée russe agit. L’explosion sur
le pont de Crimée a exacerbé ce sentiment.
Et c’est à ce moment-là que Poutine a appelé le général Sourovikien à prendre en charge la guerre en Ukraine. Sourovikine est un général populaire qui a
commandé l’opération syrienne et il a été surnommé « Général Armageddon » pour des raisons évidentes. Et le général Armageddon a fait ce que le peuple voulait : il a lancé des
dizaines de missiles de croisière sur les villes ukrainiennes. Kiev a été attaquée pour la première fois ; l’électricité a été coupée dans de nombreux endroits, y compris à Kharkov.
Jusqu’à présent, Poutine prenait soin de l’infrastructure ukrainienne comme si c’était son bien. Aujourd’hui, cela a changé. Une chose se maintient : les Russes essaient de préserver les
civils, par opposition aux militaires ukrainiens qui ne se gênent pas pour les massacrer.
La guerre a commencé parce que depuis le coup d’État de 2014, les Ukrainiens bombardaient régulièrement le Donbass, une région à majorité russe située au
sud-est du pays. Poutine a tenté de résoudre le conflit par l’accord de Minsk, qui promettait un Donbass autonome au sein de l’Ukraine fédérale. Les Ukrainiens ont signé l’accord de Minsk
mais n’avaient aucune intention d’en respecter les articles. Ils ont tué des milliers d’habitants du Donbass, principalement en bombardant leurs magasins, leurs écoles et même leurs rues.
Les nationalistes du bataillon Azov étaient particulièrement féroces envers les habitants du Donbass. Lorsque les troupes russes sont venues aider le Donbass en février de cette année,
les combattants d’Azov se sont retirés dans les vastes galeries souterraines de l’aciérie de Marioupol.
Ils se sont toutefois rendus assez rapidement : être enfermé dans des cavernes n’est pas très réjouissant, même s’ils avaient de la nourriture et de l’eau.
Quelque deux mille combattants sont partis en captivité. Les habitants du Donbass voulaient les envoyer devant un tribunal avec des mercenaires étrangers. Mais Moscou a passé outre et ils
ont été échangés contre des prisonniers de guerre russes et, chose bien ennuyeuse, contre un politicien de l’opposition. Certains prisonniers de guerre d’Azov ont été tués par le
bombardement du camp de prisonniers par Kiev : ils avaient apparemment commencé à révéler des vérités dérangeantes sur leurs actions. Les combattants d’Azov échangés ont été transportés
par un oligarque, le juif russe Roman Abramovitch, dans son jet privé vers les Émirats arabes unis. Cela a également contrarié la population, qui aurait largement préféré qu’ils soient
jugés.
Les Russes patriotes étaient assez mécontents de la façon dont la guerre était menée. Ils estimaient que les commandants russes étaient trop tendres avec
l’Ukraine alors que les Ukrainiens continuaient à bombarder le Donbass. Les écrivains et les artistes russes ont souvent soutenu l’Ukraine. À Moscou, on collectait de l’argent pour
l’Ukraine, pas pour l’armée russe. Aujourd’hui, le blitz du général Armageddon a changé ce sentiment, mais l’Ukraine a toujours de nombreux partisans en Russie dans les milieux
pro-occidentaux. Cela ne devrait pas changer de sitôt : 30 ans de politique pro-occidentale ne peuvent être défaits en un instant. La frustration est grande, car le Donbass toujours
bombardé tandis que Kiev restait intacte.
Il semble que Poutine mette la pédale douce dans sa campagne : il espère encore des changements positifs après les élections américaines de mi-mandat, et
garder le tiers-monde de son côté. Le temps nous dira si cet espoir est raisonnable. Les grands médias occidentaux battent le rappel pour l’Ukraine. Les Russes tués sont présentés comme
des victimes du nettoyage ethnique russe, comme à Boucha et Izium. L’accord sur les céréales avait été conclu uniquement parce que les médias vociféraient sur la famine en Afrique. Ce fut
un flop : seuls 2% du blé sont allés aux pays pauvres, le reste allant à l’UE. Les Russes ont également cédé l’île des Serpents, qui aurait été une base parfaite pour lancer une opération
de débarquement à Odessa.
L’élite ukrainienne reçoit beaucoup d’argent, ainsi que des contacts de haut niveau et des encouragements. Mme Zelensky a été invitée à boire et à manger
par SAR la Princesse de Galles. Ces gens-là ne vont pas aimer la paix et se voir relégués dans l’obscurité. Les désirs de Poutine n’ont plus rien à voir avec la situation actuelle, car le
gros client de l’Ukraine, ce sont les États-Unis et le Royaume-Uni, et la guerre leur profite. La guerre est payée par l’Europe, et ce sont les États-Unis qui en tirent des bénéfices.
Aujourd’hui, les États-Unis vendent du gaz liquéfié quatre fois plus cher que le prix russe, et ce sont les Européens qui paient.
Bien sûr, le peuple ukrainien en fait les frais ; ils souffrent sous les missiles russes. Mais les États-Unis s’en moquent. Pour eux, c’est rentable. Les
industries allemandes vont probablement disparaître : c’est encore mieux pour les États-Unis. Ils espèrent qu’elles se délocaliseront aux États-Unis.
Il ne fait aucun doute que les gazoducs russes ont été sectionnés par un sabotage américano-britannique. Des sources russes désignent même le responsable (le lieutenant Chris Bianchi). Nous apprenons maintenant que l’OTAN avait essayé de
bombarder les gazoducs en 2015 une première fois, mais ils avaient été appréhendés. Ce n’est que maintenant que cela se sait. Hélas, la Suède ne veut pas permettre à la Russie d’accéder
au site de l’explosion ; elle ne veut pas non plus partager les résultats de son enquête. Les terroristes ont salopé le boulot : ils ont laissé un pipeline intact, de sorte que les Russes
et les Allemands peuvent recommencer à pomper du gaz immédiatement, à condition qu’il y ait une volonté politique en ce sens. Mais il n’est pas certain que les Allemands aient une volonté
politique autre que celle de se conformer aux souhaits des États-Unis.
Le parti de la guerre des États-Unis est très fort et les Russes n’ont aucune chance de le vaincre. Mais cela ne signifie pas qu’une guerre nucléaire soit
inévitable. Ni le président américain ni celui de la Fédération de Russie ne la souhaitent. Il est probable que la guerre conventionnelle se poursuivra sans franchir le seuil nucléaire.
L’accord de paix ne répondra probablement pas aux attentes des deux parties, mais les Russes ne sont pas disposés à conclure un autre accord de Minsk juste pour se faire rouler dans la
farine par Kiev.
La Russie et les
sanctions
Les principales armes des États-Unis et de l’Union européenne contre la Russie sont les sanctions et le rideau de fer. Si les sanctions n’ont que peu entamé
le tissu de la société russe, ce n’est pas le cas du rideau de fer. C’est douloureux et pesant. Au cours des 30 dernières années, les Russes se sont habitués à voyager en Europe.
Maintenant, ils doivent changer leurs habitudes. Certes, les Russes peuvent aller en Turquie et en Israël, en Inde et en Amérique latine, mais l’Europe était toute proche et amicale.
Aujourd’hui, il est difficile de s’y rendre : en général, ils peuvent le faire en prenant un vol pour Istanbul, mais pour un prix beaucoup plus élevé. C’est particulièrement pénible pour
les Russes aisés : ils avaient l’habitude d’aller passer leurs week-ends à Paris et à Londres ; c’est bien fini…
Les sanctions sont probablement dérangeantes pour les hommes d’affaires, mais les gens ordinaires en pâtissent moins en Russie qu’en Europe. La viande est
bonne et abondante ; le gaz est bon marché ; le théâtre est bon et peu coûteux. On peut écouter l’intégralité de l’Anneau des Nibelungen (quatre opéras extra-longs) pour cent
dollars.
L’inflation existe en Russie, comme partout ailleurs. Mais il n’y a pas de folie verte, ni de délire du genre. Il n’y a pas d’enseignement ou de chants
patriotiques. La Russie est assez progressiste, mais pas trop. Les églises sont ouvertes et pleines de fidèles. En fait, la vie est normale. Peut-être trop normale pour un pays dont la
ligne de front vient de s’effondrer par manque de soldats.
La mobilisation est venue corriger cette carence. Pour la première fois en 80 ans, les Russes se mobilisent, et cela ne s’est pas bien passé. Les
volontaires sont refusés, tandis que des malades et des personnes âgées sont enrôlés. Beaucoup de pro-occidentaux relativement jeunes se sont enfuis en Géorgie et en Israël, où il n’y a
pas besoin de visas. Mais malgré tout, le nombre nécessaire de personnes a été enrôlé. Dans deux mois, l’armée russe aura assez de soldats pour tenir la ligne de front.
En attendant, elle doit faire face au terrorisme. L’explosion du pont de Crimée a fait l’objet d’une enquête. Il s’est avéré que les explosifs ont été
envoyés hors d’Ukraine par un bateau ostensiblement chargé de blé, conformément à l’accord sur le blé. La cargaison mortelle est passée par la Bulgarie et la Géorgie pour rejoindre la
Russie. Les services de sécurité russes viennent d’arrêter les Ukrainiens qui avaient fait passer en fraude deux missiles anti-aériens Igla avec leurs lanceurs via l’Estonie. Ils
prévoyaient d’abattre des avions civils en Russie. L’Estonie a été impliquée dans le meurtre de Daria, la jeune russe fille du philosophe Alexander Douguine, dans les environs de Moscou.
Le ministre estonien a félicité l’Ukraine pour l’attentat terroriste sur le pont de Crimée. La Lituanie a tenté d’empêcher l’accès des Russes à son enclave en Prusse orientale. Bref,
l’Ukraine n’est pas seule, et la Russie a beaucoup de sympathisants neutres, mais peu d’alliés.
Ils n’étaient pas nombreux ceux qui croyaient dans les chances de l’Ukraine, le 24 février dernier, lorsque le pays a été envahi par l’armée de Poutine.
Pourtant, quand le président Zelenski a répondu qu’il voulait des armes, pas un taxi –« I need ammunition, not a ride »– à ceux qui voulaient l’exfiltrer, on avait compris que
les Ukrainiens voulaient se battre. Galvanisés par leur président, ils ont fait mieux que résister. Fin février, Kiev devait tomber en trois jours. Aujourd’hui, presque neuf mois plus
tard, ce sont les troupes russes qui se défendent dans l’est et le sud du pays. Avec le risque d’un effondrement militaire, malgré la mobilisation partielle, décrétée par le Kremlin.
Héroïques, les Ukrainiens défendent leurs villes et leurs villages que les Russes bombardent sans cesse.
La « libération » de l’Ukraine par la Russie est en fait une entreprise de destruction massive du pays, de ses infrastructures, comme savaient
très bien le faire les Soviétiques dont s’inspire un Poutine de plus en plus isolé (lors du vote à l’ONU sur l’annexion des régions ukrainiennes, seulement 4 pays ont voté en faveur de la
Russie : la Biélorussie, la Syrie, le Nicaragua et la Corée du Nord !). Son règne est maintenant lié à l’issue de cette guerre. Déjà humiliée sur le front, son armée ne tient plus
qu’à un fil et la libération de Kherson serait une défaite lourde de conséquences pour les Russes. On comprend de plus en plus, pour que tout cela s’arrête, qu’il faut en finir avec
l’autocrate de Moscou qui a entraîné son pays dans une invasion suicidaire. Le Wall Street
Journal se demande s’il connaîtra la fin de Khrouchtchev ou celle de Gorbatchev. Peut-être aucune des deux. Il ne faut pas le sous-estimer, mais il ne faut pas non plus
oublier que Poutine est un mélange de mafia et de KGB. Sa chute risque d’être plus violente que celle de ses prédécesseurs.
Pendant que Poutine s’adressait à une salle remplie de militaires qui semblaient en poste depuis l’époque soviétique et sentaient la naphtaline, le président Zelensky
arrivait à Washington,
son premier déplacement à l’étranger depuis le début de la guerre. Un jour avant son départ, il était sur le front à Bakhmout où les combats font rage. Il aurait pu déserter dès les
premières semaines, en février, et se réfugier à Varsovie ou à Londres. D’ailleurs, certains ne se sont pas privés de le traiter de « comédien » (de rigolo, pensaient-ils même
en leur for intérieur) dont les interventions étaient montées de toutes pièces. Ils en sont pour leur ironie mal placée : Zelensky est bien resté dans son pays, il défend son peuple
avec une énergie farouche, ses interventions n’étaient pas des hologrammes. En se rendant aux Etats-Unis, comme l’avait fait Churchill en décembre 1941, il montre sa gratitude envers ceux
qui lui apportent la plus grande aide dans sa lutte contre l’envahisseur russe.
Cette visite, la rencontre avec le président américain et le discours devant le Congrès où il a été acclamé pendant de longues minutes, ont une portée qui ne se limite pas à une seule
nation. C’est tout l’Occident qui soutient Zelensky qui a rappelé que « l’Ukraine ne se rendra jamais » ! Sa force, sa détermination, l’héroïsme de ses soldats, la
résilience de son peuple, ont fait de ce politique une star. Il est probable que cette étoile va longtemps briller, car les enjeux sont immenses sur le plan international. Volodymyr
Zelensky a montré au monde entier que l’on peut résister à un pays largement plus fort militairement. C’est déjà énorme. L’éditorialiste du Wall
Street Journal déroule en outre une chaîne de conséquences qui donne le vertige : si Kiev était tombée en février, l’Ukraine serait totalement occupée aujourd’hui. La
Moldavie aurait subi le même sort ainsi que, très probablement, l’un des pays Baltes. L’OTAN et les Occidentaux auraient été totalement décrédibilisés. La Chine y aurait vu un feu vert
pour envahir Taïwan. Poutine aurait exulté et trouvé mille manières de faire chanter nos démocraties. Aujourd’hui, la stratégie du dictateur russe se résume à bombarder les
infrastructures ukrainiennes afin de plonger dans le noir et le froid le peuple qu’il voulait « libérer ». Oui, espérons que Zelensky puisse gagner rapidement cette guerre.
C’est une nécessité morale, mais ne perdons pas de vue que nous y avons aussi, tous, puissamment intérêt.
Guerre en Ukraine (vidéo n°12)
Sylvain Ferreira & Régis de Castelnau - Le 15/10/2022.
La semaine dernière, on nous annonçait l’effondrement de l’armée russe et la reconquête de la Crimée par les Ukrainiens. A priori cela n’en prend pas le
chemin pour l’immédiat. Aujourd’hui nous allons parler de l’attitude des experts de plateaux chargés de la désinformation, brièvement de la question du droit international et de
l’offensive aérienne russe avec ses conséquences. Au passage on recommande à nouveau la lecture du premier (et seul pour l’instant) livre sur l’aspect militaire de la guerre en Ukraine,
écrit par notre ami Sylvain Ferreira : « La
bataille de Marioupol ».
Sommaire :
Les propagandistes de plateaux : Munichois ou collabos ?
Rapides observations sur le droit international.
Analyse des opérations aériennes russes : Nature, objectifs et conséquences.
Prospective : Est-il possible de prévoir la suite sur le terrain ukrainien ?
Une capitulation de Poutine ? Impensable. Il vaudrait mieux négocier aux conditions du tsar avant que l’escalade devienne incontrôlable.
N’écoutez pas les délires des médias qui vous disent que Poutine est aux abois et que son armée est désespérée. Tout cela n’est que boniment pour entretenir une guerre qui sert les seuls intérêts
américains. L’Europe détruit son industrie et va payer son énergie au prix fort pour le plus grand bonheur des industriels d’outre-Atlantique. Que le peuple ukrainien soit sacrifié dans cette
guerre OTAN/Russie ne fera pleurer aucun Américain de New York à Los Angeles. Cela dit, l’OTAN va perdre cette guerre, une fois de plus.
Car au bout de sept mois de conflit, qu’observe-t-on ?
Les sanctions appauvrissent l’Europe bien davantage que la Russie. Les Occidentaux arment, forment et encadrent les Ukrainiens, ils les renseignent et planifient leurs opérations. Et pourtant les
Russes occupent toujours leurs positions depuis sept mois, preuve que l’armée russe constituée de bons à rien selon les « experts », est bien plus coriace que prévu ! La désinformation
a ses limites.
Les bombardements russes vont s’intensifier. Les pays proches de la Russie, donc bien renseignés, Chine, Inde, Serbie, Egypte et Kazakhstan, demandent à leurs ressortissants d’évacuer l’Ukraine.
Ceux qui annoncent un recul de l’armée russe sont des irresponsables, qui refusent de voir la situation réelle.
Poutine n’a pas annexé quatre régions pour les abandonner aux représailles des ultranationalistes ukrainiens. Question de temps pour renforcer la ligne de front et reprendre l’offensive.
La Russie occupe toujours 120 000 km2 du territoire ukrainien malgré quelques reculs tactiques russes qui se sont soldés par une hécatombe côté ukrainien. Son armée est quasi intacte, avec 150
000 soldats engagés, alors que l’Ukraine a mobilisé toutes ses forces de 18 à 70 ans. Poutine peut maintenant tripler ses forces sur le terrain sans même faire appel à son armée d’active.
C’est dire combien une défaite russe est une douce illusion. Biden saigne l’Ukraine sans verser une seule goutte de sang américain. Pour l’Amérique, cette guerre peut bien durer 100 ans, le
peuple américain n’en souffre pas. Il n’a d’ailleurs jamais souffert puisque ce pays en guerre permanente mène toutes ses croisades à l’extérieur de ses frontières.
C’est bien pour cela qu’on n’entend personne en Europe évoquer des négociations de paix. C’est au contraire la surenchère. On n’entend que les mots sanctions, Himars, canons Caesar et missiles
sol-air pour aider l’Ukraine. Et qui paie le prix du sang ? Principalement l’Ukraine qui voit son armée pulvérisée par l’inépuisable artillerie russe, qui n’a encore rien donné de sa puissance
phénoménale.
On évoque maintenant le chiffre de 200 000 soldats ukrainiens mis hors de combat, entre les tués, les blessés, les prisonniers et les déserteurs. Une boucherie inutile puisque Poutine ne peut pas
reculer et que Kiev devra céder tôt ou tard. Côté occidental, quelques « conseillers » y ont laissé la vie, mais aucune guerre menée par l’OTAN n’aura fait aussi peu de victimes dans
les rangs occidentaux. Rappelons que les Américains ont perdu 50 000 soldats au Vietnam en huit ans de guerre, sans parler des innombrables blessés. En sept mois les Ukrainiens en ont perdu
autant. Jusqu’à quand allons nous saigner l’Ukraine en armant Zelensky ?
Et côté russe, si les pertes furent conséquentes les premiers jours de la guerre, elles ont considérablement baissé dès que Poutine a décidé de se retrancher dans le Donbass. Tous les replis
tactiques se sont déroulés avec le minimum de pertes pour les Russes. Mais toutes les contre-attaques sans intérêt stratégique majeur se sont soldées par un bain de sang pour les Ukrainiens. Une
étude anglaise fondée sur les avis de décès des communes russes, faisait état en juillet de 7 000 tués côté russe, ce qui correspond aux chiffres annoncés par le ministère russe de la Défense. Ce
qui est certain, c’est que lorsque les Ukrainiens tirent 5 000 obus dans la journée, les Russes en tirent dix fois plus. Ceci explique cela.
Mais revenons à la fable d’une défaite de Poutine.
Comme le dit François Martin dans l’article ci-dessous, la Russie ne peut accepter de perdre cette guerre.
Si la Russie est défaite, les Occidentaux et Zelensky exigeront un retour aux frontières d’avant 2014, avec abandon du Donbass et restitution de la Crimée historiquement russe. On imagine le sort
réservé aux populations russophones, alors que dans les zones récemment « libérées » par les Ukrainiens, des vidéos de massacres de pro-russes circulent sur les réseaux. Et bien
entendu, les ignobles médias occidentaux se taisent.
Les vainqueurs exigeront une dérussification totale de l’Ukraine, intégreront ce pays dans l’OTAN et l’UE, installeront des bases OTAN à la frontière russe avec des armes nucléaires braquées sur
Moscou. Qui peut encore croire que Poutine acceptera cette perspective sans combattre jusqu’au dernier Russe ? Le chef du Kremlin, mais pas seulement lui, préférera engager son pays dans
une guerre totale contre l’Amérique et l’Occident. Pour un Russe, mieux vaut l’Apocalypse que se soumettre à l’OTAN.
D’autant plus que la Russie de 2022 possède des armes dissuasives qu’elle n’avait pas en 1962 lors de la crise de Cuba.
La seule solution pour l’Occident est donc de négocier puisque chaque jour qui passe saigne un peu plus l’Ukraine et ruine un peu plus l’Europe, sans la moindre chance d’éviter la partition de
l’Ukraine.
Mais une négociation, cela commence d’abord par un arrêt des livraisons d’armes à Zelensky.
Il faudra ensuite accepter une partition de l’Ukraine, donc l’intégration du Donbass et de la Crimée à la Russie. Car il ne s’agit plus d’un Donbass autonome mais qui resterait ukrainien, ce que
prévoyaient les accords de Minsk, il s’agit maintenant d’un Donbass russe.
Poutine exigera la neutralité de l’Ukraine, donc pas question d’intégrer l’OTAN ou même l’UE, entité soumise à 100 % aux Etats-Unis.
Bref, ce sera une négociation aux conditions de la Russie ou bien une guerre totale Russie/OTAN. Je n’imagine pas d’autre solution.
Si Macron avait fait respecter les accords de Minsk, il n’y aurait jamais eu de guerre. Mais la France étant soumise totalement aux Etats-Unis, qui veulent anéantir la Russie, Macron avale toutes
les couleuvres et se plie à tous les diktats. N’est pas de Gaulle qui veut. Nous sommes de misérables vassaux sans aucun pouvoir, menacés de représailles économiques par notre propre allié et
peut-être même soumis à un chantage insoupçonné.
Car voir l’Europe accepter d’être ruinée pour le seul bénéfice des Etats-Unis a de quoi laisser perplexe. L’OTAN est notre perte.
Suivrons-nous aussi les Etats-Unis dans leur croisade contre la Chine pour sauver Taïwan ? Washington en rêve.
Au lieu de livrer à Kiev canons Caesar et missiles en pure perte, au lieu de former 2000 soldats ukrainiens en France, Macron serait mieux inspiré en parlant de paix. L’engrenage, ce sont les
seuls Ukrainiens et Européens qui en paient le prix fort, pour que Biden exerce encore davantage sa domination sur ses vassaux.
Si un courageux patriote prenait le pouvoir, en quittant aussitôt l’OTAN et l’UE, la France aurait une petite chance d’être sauvée. En attendant, entre la guerre contre la Russie et le
mondialisme débridé qui nous ruinent, entre l’immigration de masse et l’islam conquérant qui disloquent la société, notre pays roule vers l’abîme et tout s’accélère.
Concernant notre rendez-vous hebdomadaire, nous avons changé notre fusil d’épaule. Sylvain Ferreira étant l’invité de TVL qui a réalisé une longue interview sur
la guerre en Ukraine, nous n’avons pas souhaité faire un doublon.
Par conséquent nous avons publié hier notre vidéo N° 13 pour annoncer la diffusion de celle-ci. Il est intervenu à propos de son livre « La bataille de
Marioupol », mais a également été interrogé sur l’ensemble des opérations militaires et sur les perspectives pour les semaines et les mois qui viennent.
Nous relayons évidemment cet entretien sur Vu Du Droit.
Cela étant la vidéo N° 13, contient quelques informations et la diffusion d’une vidéo enregistrée par l’expert américain Scott Ritter.
Et bien sûr le rappel concernant la cagnotte TIPEEE destinée à l’amélioration technique de notre web TV.
Confrontation Russie-Occident : Des lance-roquettes HIMARS contre des porte-monnaie vides ?
Source :
Bd.Voltaire - par Frédéric Lassez - Le 26/10/2022.
Les analystes, les yeux fixés sur la ligne de front, guettent la moindre avancée des troupes de Kiev. Alors que des missiles et des drones kamikazes tombent
quotidiennement sur l’Ukraine, un nouveau village tombera-t-il, qui permettra de relancer l’espoir d’une reconquête des territoires contrôlés par la Russie ? Une grande offensive est annoncée du
côté de Kherson et les Russes évacuent les populations ; bientôt une percée décisive ? Les médias occidentaux veulent se rassurer. Après avoir déclaré, pendant des semaines, que la Russie était
arrivée au bout de ses capacités logistiques et que son armée était en déroute, les frappes massives déclenchées à la suite de l’explosion du pont de Crimée ont quelque peu remis en cause cette
affirmation.
Peu importe, la guerre de l’information se poursuit au même rythme et le ministère de la Défense britannique annonce désormais que «
huit mois après [le début de] l’invasion,
les principaux éléments de la direction militaire russe sont de plus en plus dysfonctionnels ». Les Russes n’en ont donc plus pour longtemps, gardez confiance bonnes gens et acceptez, comme
votre président vous l’a demandé, de «
payer le prix » en attendant des jours meilleurs.
Et s’il venait à l’idée d’un Vladimir Poutine, désespéré et acculé, d’utiliser l’arme nucléaire, Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, l’a affirmé le
13 octobre dernier, il y aura « une
réponse militaire si puissante que l'armée russe sera anéantie ». On ne sait pas comment, puisque la Commission européenne ne dispose d’aucun moyen militaire, mais peu importe, là
encore, nous le croirons sur parole. Vladimir Poutine et son état-major doivent trembler.
À moins que notre perception du conflit ne soit pas vraiment la bonne et que la bataille décisive se joue bien loin de la ligne de front, dans les pompes à essence,
les compteurs électriques et le porte-monnaie des Occidentaux, par exemple.
« Crise énergétique
: les Européens au bord de la panique », titraitLe
Monde, le 7 octobre dernier, à l’occasion d’une réunion des vingt-sept à Prague. Les nouvelles n’étaient pas bonnes : flambée des prix de l’énergie, inflation galopante et surtout
l’échappée de l’Allemagne qui, avec l’annonce de ses 200 milliards d’euros de bouclier tarifaire, semblait vouloir abandonner le reste du peloton européen pour sauver son économie.
Nous oublions que la partie se joue sur plusieurs échiquiers à la fois. Or, le temps joue pour la Russie sur le front énergétique. Deux jours avant la réunion du
Conseil européen à Prague, un événement majeur avait lieu. L’OPEP+
prenait la décision de réduire sa production de pétrole malgré les demandes réitérées de États-Unis et de la France qui voulaient de toute urgence faire baisser les prix. Une vraie
claque de la part du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Le sort politique de Joe
Biden s’est peut-être joué à ce moment-là. En 2019, après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, il déclarait : «
Nous allons leur faire payer le prix et nous ferons de cet État les parias qu’ils sont. » Le prince saoudien, à quelques semaines des midterms,
lui a rendu la monnaie de sa pièce. Loin d’être isolée, la Russie peut compter sur de solides alliances qui témoignent du déclin de l’influence et du pouvoir de contrainte des Occidentaux.
Joe Biden, de plus en plus critiqué en interne pour sa politique économique et son soutien inconditionnel à Kiev, se voit désormais contraint de libérer
rapidement 15 millions de barils de carburant supplémentaires de la réserve stratégique de pétrole américaine afin de réduire les prix de l'essence et de rassurer les électeurs inquiets
de la hausse des coûts.
L’opinion publique en Europe commence, elle aussi, à alarmer nos chers médias. Le 13 octobre dernier, Challenges constatait
un revirement dans les sondages nationaux : «
À l’approche de l’hiver et alors que l’inflation explose, les opinions publiques, inquiètes des effets sur leur porte-monnaie, sont de plus en plus hostiles aux sanctions contre Moscou.
» Les yeux fixés sur la ligne de front, peut-être découvrirons-nous bientôt que ce ne sont ni les HIMARS ni les canons CAESAr qui finiront par déterminer le sort du
conflit mais des pompes à essence et des porte-monnaie vides.
Après plus de huit mois d’Opération
Militaire Spéciale (OMS), tout le monde évoque une guerre existentielle, pour les uns et les autres. Enfin ! La stratégie de Vladimir Poutine est donc payante. Et les résultats d’une
stratégie se jugent à l’aune de ses objectifs.
Les objectifs
Il suffisait d’écouter les discours successifs de Vladimir Poutine depuis le début, ainsi que les interventions de Sergueï Lavrov et de Dmitri Medvedev,
pour savoir que l’OMS n’avait pas pour objectif de simplement ramener les territoires du Donbass au sein de la Fédération de Russie, mais bien de promouvoir un nouveau paradigme
géopolitique, un Nouvel Ordre Mondial si vous voulez.
Aujourd’hui, tout le monde finit par s’y accorder et surtout par le dire ouvertement, tel, récemment, le général Mark A. Milley, chef d’état-major des
armées US. Il n’y a plus d’ambiguïté pour personne. Cette guerre est bel et bien une guerre existentielle.
La stratégie
Si la Russie avait opéré une guerre éclair, et elle en a les moyens, cela n’aurait rien changé fondamentalement aux règles du jeu des relations
internationales, de la même façon qu’après le retour de la Crimée dans la Fédération de Russie. La classe médiatico-politicienne occidentale aurait poussé des hurlements d’orfraie pour
dénoncer une vile agression du méchant ours russe contre un gentil pays souverain. On en serait resté là, pour un certain temps encore.
En choisissant une guerre d’usure, la Russie a décidé d’user les pays du Bloc Altantico-Occidental (BAO), sur les plans militaire, économique, et
bientôt culturel.
Sur le plan militaire, à force de livrer des armes au régime de Zelensky, dont une bonne partie s’en vont directement dans des réseaux
mafieux, les pays du BAO se sont épuisés. Ils n’ont plus suffisamment de ressources. Le virage vers une stratégie du faible au fort centrée sur des opérations de terrorisme, que j’évoque
dans mon précédent article, en est un indicateur consistant. Aujourd’hui, l’évocation répétée d’une possible montée au nucléaire par les dirigeants et les médias occidentaux en dit long.
Ils ne leur reste plus que cela, le nucléaire ; ils arrivent au bout du bout. Mais sur cette question, les classes dirigeantes occidentales n’ont pas encore saisi que la
Russie dispose d’une forme de dissuasion intermédiaire, non nucléaire, contre laquelle ils ne peuvent rien : Les missiles hypersoniques. Il suffirait d’une bordée de missiles
hypersoniques pour pulvériser le pentagone et le centre de commandement de l’OTAN, même sans charge militaire, c’est-à-dire sans explosif à l’intérieur. La simple énergie cinétique de ces
missiles serait suffisante [l’énergie cinétique est proportionnelle à la masse et au carré de la vitesse. Ainsi un missile Kinzhal qui est trois fois plus lourd et douze fois plus rapide
qu’un Tomawak possède une énergie cinétique 432 fois supérieure]. Espérons toutefois que les militaires du pentagone, qui eux, savent de quoi il s’agit, tempéreront les ardeurs
bellicistes et suicidaires des fous-furieux de Washington.
Sur le plan économique, l’effet boomerang des sanctions étasuniennes et européennes se met à produire des résultats au détriment des populations
occidentales. Cette fois-ci, on ne peut pas dire que c’est la faute du méchant Poutine, mais plutôt à cause de la sublime intelligence autoproclamée et dévastatrice de nos propres
dirigeants et experts en tout genre. Et cela ne fait que commencer. L’hiver sera rude !
Sur le plan culturel, il va s’agir du retour à la réalité pour nos propagandistes de plateau qui vivent dans un monde virtuel et idéologique fait de
fantasmes et d’injonctions et qui formatent l’opinion, quoique de moins en moins. Avec la fin de cette Sainte Inquisition médiatico-politicienne qui a tenté d’imposer son nouvel ordre
moral appelé « politiquement correct » en vouant aux gémonies tous les sceptiques, tous les curieux [Les mêmes ont jadis brûlé les sorcières], le nouvel obscurantisme qui s’est
mis en place depuis trois décennies au moins va laisser la place à un nouveau réalisme en attendant le moment du GRAND DEBRIEFING. Je n’entrerai pas dans le détail de tout ce que contient
le « politiquement correct », chacun y trouvera ce qu’il cherche.
Dernier acte, dernière
scène
Le général Hiver arrive, et ce général
est russe. Napoléon et Hitler l’on appris à leurs dépends, mais un peu tard. Ainsi, pour mettre l’OTAN à genoux et reconquérir la Novorussia, la Russie s’apprête à lancer
l’offensive décisive, avec le soutien du général Hiver. Rappelons que la Novorussia inclut toute la côte de la mer noire et qu’elle va jusqu’à la frontière de la Transnistrie. Elle avait
été conquise sous Catherine-II au cours des guerres contre l’empire ottoman, entre 1768 et 1774. Elle fut donnée à l’Ukraine par Lénine en 1920, mais restait au sein de l’URSS… jusqu’à
l’éclatement de celle-ci.
Les manœuvres préparatoires à l’offensive décisive ont lieu : Mobilisation, entraînement et déploiement de 300 000 réservistes, bombardements stratégiques
sur les arrières (système électrique, centres opérationnels et logistiques militaires, nœuds de communication…), nomination d’un nouveau commandant de théâtre, le général Sergueï
Sourovikine qui a fait ses preuves en Syrie.
On peut même inclure dans ces manœuvres préparatoires la destruction du meilleur de l’armée de Kiev au cours des huit mois de guerre, mais il est vrai que
cela a été grandement facilité par la stupidité et le cynisme des chefs militaires de l’OTAN à la manœuvre et de Zelensky lui-même.
Cette offensive aura lieu sur tous les fronts, avec probablement une manœuvre de déception et un emploi ad’hoc de la guerre électronique. Dans ce domaine on
en sait peu, sinon que la Russie a atteint un très haut niveau en la matière, probablement le plus haut. Mais en matière de guerre électronique, il faut être prudent. Quand on a utilisé
une certaine forme de brouillage, si l’adversaire en a les moyens, et l’OTAN les a, il peut écouter, enregistrer et analyser les signaux afin de développer des contre-mesures. Ainsi,
l’usage de la guerre électronique doit être adapté (ce qui est nécessaire mais pas plus), ciblé et intelligent. Il est fort probable que pour l’offensive décisive, la Russie va employer
des moyens qu’elle n’a pas encore utilisé.
Un monde s’effondre, un autre
naît
Nous assistons peut-être à la fin d’un cycle de quatre siècles. Dans son ouvrage « Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine »
Carroll Quigley, s’appuyant sur d’importantes archives et grâce à un travail de bénédictin, explique comment les élites anglo-saxonnes ont élaboré, dans la deuxième moitié du XIXe siècle,
un plan de bataille afin de permettre à l’Empire britannique associé aux États-Unis d’asseoir une hégémonie complète sur le monde. Cette volonté de puissance et de domination a été
l’œuvre d’une poignée d’hommes liés intimement à la haute finance de la City et de Wall Street. Elle a émergé dans un monde déjà préparé par un système financier et bancaire qui s’était
développé depuis la fin du XIVe siècle afin, au départ, de financer les expéditions vers les Amériques. Ce long processus est très bien expliqué par Paul Grignon dans un film d’animation
de 52 minutes « L’argent
dette». C’est ce monde là qui est en train de disparaître, et avec lui la toute puissance du dollar et la fin de la domination anglo-américaine sur le monde, en particulier dans le
domaine monétaire. La mission des portes-avions américains était d’imposer le dollar au reste du monde. C’est fini !
On peut même se poser des questions sur l’avenir de la monarchie britannique.
En parallèle, depuis 2017 véritablement, se construit à l’Est une volonté de développer de nouvelles relations internationales fondées sur la souveraineté
des nations, et donc sur la garantie de sécurité pour toutes les nations.
Les chemins que prennent l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et les BRICS illustrent l’attrait de plus en plus grand des pays autres que ceux du
BAO, c’est-à-dire plus de 80% de l’humanité, pour ces organisations et ce qu’elles proposent. La dernière réunion de Samarcande en est une illustration magistrale. Les exemples de cet
attrait sont nombreux et plus ou moins furtifs. Du reste, moins ils deviennent furtifs, mieux ils illustrent la bascule en train de se produire. Pour ne citer qu’un exemple, l’attitude du
roi d’Arabie saoudite envers le président des États-Unis en dit long ; cela n’aurait jamais pu avoir lieu il y a dix ans. En Afrique, en Amérique latine, au proche et moyen Orient, en
Asie du sud-est, tous les peuples attendent leur libération. Il y a moult signaux faibles partout dans le monde, et depuis longtemps déjà. Si on les perçoit, on n’est alors pas surpris
quand ils deviennent des signaux fort puis des actes. La fin est inéluctable, quelque soit le chemin suivi.
L’hiver sera rude pour nous, mais possiblement, l’été prochain sera lumineux.
Régis Chamagne
NB : j’écris peu sur mon blog. Certains me le reprochent. Mais j’ai choisi d’écrire sous l’angle du changement de paradigme géopolitique. Cela demande
du temps de réflexion afin de présenter mes analyses de la façon la plus intelligible possible, et surtout, j’écris quand c’est utile, pour ne pas trop me répéter. Ainsi je ne commente
pas les opérations militaires au niveau tactique ni même opératif ; certains le font excellemment bien et c’est tant mieux.
Lors d’une récente émission sur LCI ce WE, le général Michel
Yakloveff a affirmé que la libération de Kherson était un nouveau clou dans le cercueil de Poutine. Il n’a pas tort. Après l’échec de ce qui devait être une « opération
spéciale » à Kiev et la contre-offensive éclair des Ukrainiens à Kharkiv, voici une nouvelle humiliation pour l’armée russe obligée d’abandonner la seule capitale de région conquise depuis
février par Poutine. Il s’agit d’une ville stratégique du côté ouest du fleuve Dniepr, considérée comme la porte d’entrée vers Mykolaïv et Odessa. A partir de là, la Russie aurait pu contrôler
tous les ports ukrainiens de la mer Noire et on aurait même pu craindre une invasion de la Moldavie. Les soldats russes se sont retirés précipitamment de Kherson en laissant derrière eux
d’énormes quantités de matériel militaire. La joie des habitants lors de la libération confirme – s’il l’avait fallu – que le référendum de septembre, lors duquel plus de 90 % de la population se
serait prononcée pour l’annexion à la Russie, n’était qu’une vaste tromperie à la soviétique.
On voit très bien que les Ukrainiens héroïques, galvanisés par leur président et avec les armes occidentales qui leur sont fournies, peuvent gagner contre
l’envahisseur. Plus que l’hiver qui approche, ce qui est à craindre c’est la négociation.
Des bruits courent sur le fait que le président Biden exercerait des pressions sur le président Zelenski afin de négocier avec Poutine. Actuellement, une négociation donnerait aux Russes du
temps, la possibilité de se regrouper, de renforcer leurs positions défensives et de se préparer à une nouvelle attaque. De plus, il faut avoir la mémoire courte pour oublier que Poutine ne
respecte ni les traités,
ni ses engagements, ni sa parole. Plus la victoire des Ukrainiens est rapide, plus la fin de Poutine le sera aussi. D’ailleurs, les succès remportés par l’armée de Kiev justifient le fait de
l’aider encore plus et non pas de chercher une issue diplomatique. L’heure de la diplomatie viendra quand l’Ukraine sera libérée. Maintenant, il faut continuer à enfoncer des clous dans le
cercueil de Poutine.
Retour sur l’événement que constitue l’évacuation de la ville de Kherson par l’armée russe. Regard sur les élections américaines et la confusion qui en
résulte.
SOMMAIRE
• Comment expliquer le retrait des troupes russes de la ville de Kherson.
• Est-il possible de faire des prévisions sur la suite des opérations militaires ?
• Observations sur les élections américaines.
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