Naissance d’un nouveau paradigme géopolitique

...par Pepe Escobar - Le 30/03/2021.

L’accord de partenariat stratégique Chine-Iran récemment annoncé fait voler en éclats les sanctions américaines tout en pavant la Ceinture et la Route d’Est en Ouest.

Au terme de deux semaines extraordinaires qui ont bouleversé la géopolitique du XXIe siècle, l’Iran et la Chine ont finalement signé leur accord stratégique de 25 ans samedi dernier à Téhéran.

Le timing n’aurait pas pu être plus spectaculaire, après ce que nous avons examiné dans trois articles précédents : la Quad virtuelle et le sommet 2+2 entre les États-Unis et la Chine en Alaska, la réunion de partenariat stratégique Lavrov-Wang Yi à Guilin et le sommet des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN à Bruxelles – des étapes clés qui ont dévoilé la naissance d’un nouveau paradigme dans les relations internationales.

L’officiellement nommé Partenariat Stratégique global sino-iranien a été annoncé pour la première fois il y a plus de cinq ans, lors de la visite du président Xi Jinping à Téhéran. Fruit de nombreuses discussions à huis clos depuis 2016, Téhéran décrit désormais l’accord comme « une feuille de route complète avec des clauses politiques et économiques stratégiques couvrant la coopération en matière de commerce, d’économie et de transport ».

Une fois de plus, c’est le « gagnant-gagnant » en action : L’Iran, en partenariat étroit avec la Chine, brise le verre des sanctions américaines et stimule les investissements nationaux dans les infrastructures, tandis que la Chine s’assure des importations énergétiques clés à long terme qu’elle considère comme une question de sécurité nationale.

S’il fallait identifier un perdant dans ce processus, ce serait certainement la campagne de « pression maximale » de l’administration Trump contre tout ce qui concerne l’Iran.

Comme me l’a décrit le professeur Mohammad Marandi de l’Université de Téhéran, « il s’agit essentiellement d’une feuille de route. C’est particulièrement important à un moment où l’hostilité des États-Unis envers la Chine augmente. Le fait que ce voyage en Iran [du ministre des Affaires étrangères Wang Yi] et la signature de l’accord aient eu lieu littéralement quelques jours après les événements en Alaska le rend encore plus significatif, symboliquement parlant ».

Le porte-parole du Ministère iranien des Affaires étrangères, Saeed Khatibzadeh, a confirmé que l’accord était bien une « feuille de route » pour la coopération en matière de commerce, d’économie et de transport, avec un « accent particulier sur les secteurs privés des deux parties ».

Marandi note également qu’il s’agit d’une « compréhension globale de ce qui peut se passer entre l’Iran et la Chine – l’Iran étant riche en pétrole et en gaz et le seul pays producteur d’énergie capable de dire « non » aux Américains et d’adopter une position indépendante sur ses partenariats avec d’autres pays, notamment la Chine ».

La Chine est le plus grand importateur de pétrole de l’Iran. Et, point crucial, les règlements de factures contournent le dollar américain.

Marandi touche le cœur du problème lorsqu’il confirme comment l’accord stratégique garantit, pour de bon, le rôle très important de l’Iran dans l’Initiative Ceinture et Route (BRI) :

« Les Chinois se méfient de plus en plus du commerce maritime. Même l’incident du canal de Suez ne fait que renforcer ce constat, il accroît l’importance de l’Iran pour la Chine. L’Iran aimerait utiliser le même réseau Ceinture et Route que celui que les Chinois veulent développer. Pour l’Iran, les progrès économiques de la Chine sont assez importants, en particulier dans les domaines de la haute technologie et de l’IA, que les Iraniens poursuivent également et qui sont en avance sur la région, et de loin. En matière de technologie des données, l’Iran est troisième au monde. C’est un moment très opportun pour que l’Asie occidentale et l’Asie orientale se rapprochent l’une de l’autre – et comme les Iraniens ont une grande influence parmi ses alliés en Méditerranée, dans la mer Rouge, dans l’Hindu Kush, en Asie centrale et dans le golfe Persique, l’Iran est le partenaire idéal pour la Chine ».

En bref, du point de vue de Pékin, l’étonnante saga de l’Evergreen dans le canal de Suez réaffirme plus que jamais l’importance cruciale des corridors terrestres, commerciaux et de connectivité de la BRI à travers l’Eurasie.

LE JCPOA ? Quel JCPOA ?

Il est fascinant de voir comment Wang Yi, alors qu’il rencontrait Ali Larijani, conseiller spécial de l’ayatollah Khamenei, a tout formulé en une seule phrase :

« L’Iran décide de manière indépendante de ses relations avec les autres pays et n’est pas comme certains pays qui changent de position en un coup de fil ».

On ne soulignera jamais assez que le scellement du partenariat a été l’aboutissement d’un processus de cinq ans, comprenant de fréquents voyages diplomatiques et présidentiels, qui a commencé avant même l’interrègne de la « pression maximale » de Trump.

Wang Yi, qui entretient des relations très étroites avec le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, a une nouvelle fois souligné que « les relations entre les deux pays ont désormais atteint le niveau du partenariat stratégique » et « ne seront pas affectées par la situation actuelle, mais seront permanentes ».

Pour sa part, Zarif a souligné que Washington devrait prendre au sérieux son retour à l’accord sur le nucléaire iranien, lever toutes les sanctions unilatérales et revenir au JCPOA tel qu’il a été conclu à Vienne en 2015. En termes de realpolitik, Zarif sait que cela ne se produira pas, compte tenu de l’ambiance qui prévaut dans le Beltway. Il lui reste donc à faire l’éloge de la Chine en tant que « partenaire fiable » dans le dossier – au même titre que la Russie.

Pékin mène une offensive de charme très subtile en Asie du Sud-Ouest. Avant de se rendre à Téhéran, Wang Yi s’est rendu en Arabie Saoudite et a rencontré le prince héritier Mohammed Bin Salman. La version officielle est que la Chine, en tant que « partenaire pragmatique », soutient les mesures prises par Riyad pour diversifier son économie et « trouver une voie de développement adaptée à ses propres conditions ».

Ce que Wang Yi a voulu dire, c’est que le Comité mixte de haut Niveau Chine-Arabie Saoudite devrait travailler sans relâche. Pourtant, il n’y a eu aucune fuite sur la question absolument cruciale : le rôle du pétrole dans la relation Pékin-Riyad, et le jour fatidique où la Chine décidera d’acheter du pétrole saoudien dont le prix sera exclusivement fixé en yuan.

De nouveau sur la route (de la soie)

Il est absolument essentiel de replacer l’importance de l’accord Iran-Chine dans un contexte historique.

L’accord contribue largement à renouveler l’esprit de l’Eurasie en tant qu’entité géo-historique, ou, comme le dit le géopoliticien français Christian Grataloup, « un système d’interrelations d’un bout à l’autre de l’Eurasie » qui se déroule sur le nœud dur de l’histoire mondiale.

Grâce au concept de la BRI, la Chine renoue avec la vaste région intermédiaire entre l’Asie et l’Europe, à travers laquelle les relations entre les continents ont été tissées par des empires plus ou moins durables aux dimensions eurasiennes diverses : les Perses, les Gréco-Romains et les Arabes.

Les Perses, de manière cruciale, ont été les premiers à développer un rôle créatif en Eurasie.

Les Iraniens du Nord, au cours du premier millénaire avant J.-C., experts en nomadisme à cheval, étaient la première puissance du noyau steppique de l’Eurasie centrale.

Historiquement, il est bien établi que les Scythes ont constitué la première nation nomade pastorale. Ils se sont emparés de la steppe occidentale – en tant que puissance majeure – tandis que d’autres iraniens de la steppe se déplaçaient vers l’Est, jusqu’en Chine. Les Scythes n’étaient pas seulement de fabuleux guerriers – comme le veut le mythe – mais surtout des commerçants très avisés reliant la Grèce, la Perse et l’est de l’Asie : ce que décrit, entre autres, Hérodote.

Ainsi, un réseau commercial international terrestre ultra-dynamique à travers l’Eurasie centrale s’est développé, conséquence directe de la poussée, entre autres, des Scythes, des Sogdiens et des Hsiung-Nu (qui n’ont cessé de harceler les Chinois à leur frontière nord). Les différentes puissances d’Eurasie centrale, à différentes époques, ont toujours commercé avec tous ceux qui se trouvaient sur leurs frontières – où qu’ils soient, de l’Europe à l’Asie orientale.

La domination iranienne sur l’Eurasie centrale a peut-être commencé dès 1 600 avant J.-C., lorsque les Indo-Européens sont apparus en haute Mésopotamie et en Grèce, dans la mer Égée, tandis que d’autres sont allés jusqu’en Inde et en Chine.

C’est pleinement établi, entre autres par une source savante irréprochable, Nicola di Cosmo, dans son ouvrage « La Chine ancienne et ses ennemis : La montée du pouvoir nomade dans l’histoire de l’Asie de l’Est » (Cambridge University Press) : le mode de vie nomade pastoral à cheval a été développé par les Iraniens de la steppe au début du premier millénaire avant Jésus-Christ.

Sautons à la fin du premier siècle avant J.-C., lorsque Rome commence à collecter sa précieuse soie en Asie orientale via de multiples intermédiaires, dans ce qui est décrit par les historiens comme la première Route de la Soie.

Une histoire fascinante met en scène un Macédonien, Maes Titianos, qui vivait à Antioche, dans la Syrie romaine, et qui a organisé une caravane pour que ses agents puissent aller au-delà de l’Asie centrale, jusqu’à Seres (Chine) et sa capitale impériale Chang’an. Le voyage a duré plus d’un an et a été le précurseur des voyages de Marco Polo au XIIIe siècle. Marco Polo a en effet suivi des routes et des pistes très connues depuis des siècles, empruntées par de nombreuses caravanes de marchands eurasiens.

Jusqu’à la caravane organisée par Titianos, la Bactriane – dans l’actuel Afghanistan – était le limes du monde connu pour la Rome impériale, et la porte tournante, en termes de connectivité, entre la Chine, l’Inde et la Perse sous les Parthes.

Et pour illustrer les « contacts de peuple à peuple » très chers au concept de la BRI du XXIe siècle, après le IIIe siècle, le manichéisme – persécuté par l’empire romain – s’est pleinement développé en Perse le long de la Route de la Soie grâce aux marchands sogdiens. Du VIIIe au IXe siècle, il devient même la religion officielle chez les Ouïgours et atteint même la Chine. Marco Polo a rencontré des Manichéens à la cour des Yuan au XIIIe siècle.

Régner sur le Heartland

Les Routes de la Soie étaient un fabuleux vortex de peuples, de religions et de cultures – ce dont témoigne l’exceptionnelle collection de manuscrits manichéens, zoroastriens, bouddhistes et chrétiens, écrits en chinois, tibétain, sanskrit, syriaque, sogdien, persan et ouïgour, découverts au début du XXe siècle dans les grottes bouddhiques de Dunhuang par les orientalistes européens Aurel Stein et Paul Pelliot, sur les traces du pèlerin chinois Xuanzang. Dans l’inconscient chinois, ce dernier est encore bien vivant.

Il est désormais bien établi que les Routes de la Soie ont peut-être commencé à disparaître lentement de l’histoire avec la poussée maritime occidentale vers l’Est depuis la fin du XVe siècle. Mais le coup de grâce a été porté à la fin du XVIIe siècle, lorsque les Russes et les Mandchous de Chine ont divisé l’Asie centrale. La dynastie Qing a détruit le dernier empire pastoral nomade, les Junghars, tandis que les Russes ont colonisé la majeure partie de l’Eurasie centrale. L’économie de la Route de la Soie – en fait l’économie basée sur le commerce du cœur de l’Eurasie – s’est effondrée.

Aujourd’hui, le très ambitieux projet chinois de la BRI inverse l’expansion et la construction d’un espace eurasien d’Est en Ouest. Depuis le XVe siècle – avec la fin de l’Empire des Steppes mongol – le processus a toujours été d’Ouest en Est, et maritime, sous l’impulsion du colonialisme occidental.

Le partenariat entre la Chine et l’Iran pourrait devenir l’emblème d’un phénomène mondial aussi vaste que les entreprises coloniales occidentales du XVe au XXe siècle. Sur le plan géo-économique, la Chine est en train de franchir une première étape pour consolider son rôle de bâtisseur et de rénovateur d’infrastructures. L’étape suivante consiste à construire son rôle dans la gestion.

Mackinder, Mahan, Spykman – tout le dispositif conceptuel de « domination des vagues » est en train d’être dépassé. Jusqu’au milieu du XXe siècle, la Chine était peut-être une puissance du Rimland – épuisée. Aujourd’hui, elle est clairement positionnée comme une puissance du Heartland.

Côte à côte avec son « partenaire stratégique », la Russie.

Et côte à côte avec un autre « partenaire stratégique » qui s’est avéré être la première puissance eurasienne historique : l’Iran.

Pepe Escobar

source : https://asiatimes.com

traduit par Réseau International


Le pacte Chine-Iran change la donne

Partie 1 : la Chine neutralise la campagne américaine sur la question des Ouïgours musulmans

..par  M.K. Bhadrakumar - Le 04/04/2021.

Lorsque la Chine et l’Iran, deux des principaux adversaires des États-Unis dans la situation mondiale actuelle, concluent un pacte stratégique de 25 ans, il est inutile de tergiverser et de se demander si cette évolution affecte les stratégies américaines. Bien sûr que oui. Tout est question de géopolitique dans la région de l’Asie occidentale – depuis le pétrole et le djihad jusqu’au pétrodollar.

La région a servi de carrefour d’empires pendant des siècles entre l’Europe et l’Asie. Et dans l’histoire moderne, les intrus étrangers ont confondu de nouvelles réalités poignantes – États en faillite, peuples humiliés, économies paralysées, inégalités et pauvreté extrêmes, environnements dévastés, ressources pillées, géographies conflictuelles et radicalisme violent.

L’accord historique Chine-Iran signé le 27 mars à Téhéran lors de la visite du conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi est en cours de négociation depuis la visite en 2016 du président chinois Xi Jinping à Téhéran. Les nombreuses visites du ministre iranien des Affaires étrangères Javed Zarif en Chine ces dernières années ont témoigné de la grande importance que Téhéran accordait aux négociations qui ont culminé avec la cérémonie officielle de signature à Téhéran samedi, qui marquait également le 50ème anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre ces deux « États-civilisation » du XXIe siècle qui ont bénéficié d’une vaste continuité historique et d’une unité culturelle à travers une large région géographique à travers les millénaires.

Le texte du document convenu n’a pas encore été mis dans le domaine public mais, d’une manière générale, nous pouvons déduire de la déclaration conjointe publiée le 27 mars que l’accord conclu lors de la visite de Xi pour porter le commerce bilatéral à 600 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie a été mis en œuvre. En fait, la déclaration conjointe commence par invoquer la visite de Xi. Deux documents supplémentaires signés par les deux pays concernent le « protocole d’accord sur la promotion conjointe de la ceinture économique de la Route de la Soie et de la Route de la Soie maritime du XXIe siècle » et le « protocole d’accord sur le renforcement des capacités industrielles et minérales et des investissements », en vertu duquel les deux parties « développeront la coopération et les investissements mutuels dans divers domaines, notamment les transports, les chemins de fer, les ports, l’énergie, l’industrie, le commerce et les services ».

La déclaration conjointe indique qu’étant donné leurs avantages économiques relatifs, les deux parties renforceront leur coopération dans le domaine de l’énergie. L’Iran fournira du pétrole et du gaz à la Chine tandis que la partie chinoise « envisagera de financer et d’investir dans des projets en amont et en aval des industries énergétiques » en Iran. Là encore, une coopération économique de grande envergure est envisagée, couvrant les investissements et les échanges commerciaux, les banques, le financement, l’exploitation minière, les transports, les communications, l’espace, les industries manufacturières, le développement des ports, la modernisation et l’expansion des réseaux ferroviaires iraniens, l’introduction de systèmes ferroviaires express en Iran, l’agriculture, les ressources en eau, la protection de l’environnement, la sécurité alimentaire, la lutte contre la désertification, le dessalement de l’eau, l’utilisation de l’énergie nucléaire, etc. Un « Mémorandum d’Entente pour le Renforcement de la Coopération en matière d’Investissement » bilatéral est consacré à cet aspect et à l’échange de savoir-faire et de technologies.

Pourtant, la portée du pacte dépasse de loin le commerce et l’investissement. Un commentateur des médias d’État chinois a noté : « En l’état actuel des choses, cet accord va totalement bouleverser le paysage géopolitique dominant dans la région de l’Asie occidentale qui a si longtemps été soumise à l’hégémonie des États-Unis ». La déclaration conjointe indique que le partenariat stratégique global représente « un accord majeur dans tous les domaines des relations bilatérales et des questions régionales et internationales ». Elle ajoute : « La situation régionale et internationale connaît actuellement une évolution profonde et complexe. Dans ces circonstances, les deux parties soulignent l’importance de la coopération entre les pays en développement dans les affaires internationales et s’engagent à déployer des efforts conjoints en vue de la réalisation de la paix, de la stabilité et du développement dans la région et dans le monde entier ».

Il est intéressant de noter que la déclaration conjointe souligne que « la Chine attache de l’importance au rôle effectif de l’Iran en tant que puissance régionale et évalue positivement le rôle de l’Iran dans les activités menées dans le cadre de l’Organisation de Coopération de Shanghai et soutient la demande de l’Iran de devenir membre à part entière de l’Organisation ». Bien sûr, c’est une façon de dire au monde que la Chine n’accepte pas l’isolement de l’Iran de la communauté mondiale. Il est concevable que la Chine et la Russie soient sur la même longueur d’onde.

Les États-Unis ont largement contribué à donner une raison d’être à un tel pacte. Ni la Chine ni l’Iran n’attendent de bonne volonté de la part des États-Unis. Ils ont l’impression que l’esprit de confrontation des États-Unis ne fait que se durcir sous la direction du président Joe Biden. Quant à Téhéran, il n’a plus l’espoir que Biden relance le JCPOA ou lève les sanctions de sitôt. Ainsi, il ne fait aucun doute que la riposte à l’unilatéralisme et aux sanctions des États-Unis est un leitmotiv du partenariat stratégique Chine-Iran.

L’intérêt de la Chine consiste à « élargir » ce leitmotiv pour englober ses relations avec les États régionaux dans leur ensemble. La tournée régionale de Wang a couvert l’Arabie Saoudite, la Turquie, l’Iran, les Émirats Arabes Unis et Oman. Le fait qu’il se soit rendu en Iran via l’Arabie Saoudite est à la fois symbolique et important. Lors de sa rencontre à Riyad le 24 mars avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman, Wang a déclaré que la Chine soutenait l’Arabie Saoudite dans la sauvegarde de sa souveraineté, de sa dignité nationale, de sa sécurité et de sa stabilité, et qu’elle s’opposait à toute ingérence dans les affaires intérieures de l’Arabie Saoudite, sous quelque prétexte que ce soit. Le prince Mohammed a affirmé en réponse que l’essor de la Chine est propice à la paix, la stabilité et la prospérité mondiales, ainsi qu’à un développement mondial plus équilibré.

Le prince héritier a exprimé l’espoir que les deux pays renforceront la coopération en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme afin d’élever les liens bilatéraux à un niveau supérieur. Le prince héritier a déclaré que l’Arabie Saoudite « soutient fermement la position légitime de la Chine sur les questions liées au Xinjiang et à Hong Kong, s’oppose à toute ingérence dans les affaires intérieures de la Chine, sous quelque prétexte que ce soit, et rejette la tentative de certaines parties de semer la discorde entre la Chine et le monde islamique ».

En clair, l’Arabie Saoudite a sapé la campagne américaine actuelle contre la Chine concernant le Xinjiang. C’est un camouflet pour l’administration Biden. En fait, la tournée régionale de Wang témoigne de la réalité du terrain, à savoir que les diatribes des États-Unis contre la Chine ne trouvent pas preneur. Les États de la région sentent que les États-Unis sont animés par une vive rivalité à l’égard d’une Chine en plein essor, prête à les dépasser dans un avenir proche en tant que première superpuissance mondiale. Ils refusent de prendre parti dans cette rivalité.

L’essentiel est là : La Chine a introduit, après une évaluation minutieuse de la dynamique du pouvoir en Asie de l’Ouest, certains principes communs qui sont également applicables dans toute la région pour servir de base à ses relations avec les pays de la région. L’objectif non avoué est d’encourager les États de la région à adopter des politiques étrangères indépendantes, en secouant le joug occidental, en particulier l’hégémonie des États-Unis. Mais la méthode employée par la Chine pour y parvenir est radicalement différente des tactiques coercitives et souvent violentes que les puissances occidentales ont traditionnellement adoptées dans la région.

La Chine n’a absolument aucun intérêt à utiliser la coercition comme instrument de « persuasion », même avec la Turquie qui possède une diaspora ouïghoure très active (qui a organisé une manifestation pendant la visite de Wang). Lors de la réunion avec Wang, le président Recep Erdogan a souligné le profond intérêt de la Turquie pour « le renforcement de la confiance mutuelle, la promotion de la synergie entre l’Initiative Ceinture et Route chinoise et le plan turc du « Corridor du Milieu », l’amélioration de la coopération dans des domaines tels que l’interconnexion et l’intercommunication, la construction d’infrastructures et l’investissement, la recherche d’un développement plus équilibré du commerce bilatéral et l’encouragement du règlement en monnaie locale – la Chine propose plutôt des relations égales ».

Erdogan a également fait part de l’appréciation de la Turquie pour l’initiative chinoise en cinq points visant à assurer la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient et de sa volonté d’approfondir la communication et la coordination avec la Chine sur les affaires régionales. Fondamentalement, la projection par la Chine d’un programme constructif visant à développer un engagement « gagnant-gagnant » avec les États de la région gagne du terrain.

M.K. Bhadrakumar

source : https://www.indianpunchline.com

traduit par Réseau International


Partie 2

La Chine se positionne du bon côté de l’histoire

...par M.K. Bhadrakumar - Le 05/04/2021.

Dans une interview exclusive accordée à Al-Arabiya la semaine dernière, Wang Yi, conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères de la Chine, a exposé l’approche de Pékin vis-à-vis de la région de l’Asie occidentale, en particulier en ce qui concerne les tensions dans le golfe Persique.

Wang a déploré « qu’en raison de conflits et de troubles prolongés dans l’histoire récente, la région a sombré dans une dépression sécuritaire… Pour que la région émerge du chaos et jouisse de la stabilité, elle doit se libérer de l’ombre de la rivalité géopolitique des grandes puissances et explorer de manière indépendante des voies de développement adaptées à ses réalités régionales. Elle doit rester imperméable aux pressions et aux interférences extérieures et suivre une approche inclusive et réconciliatrice pour construire une architecture de sécurité qui tienne compte des préoccupations légitimes de toutes les parties ».

Wang a réitéré une troisième voie. La Chine a épousé dernièrement une « initiative en cinq points » qui repose sur l’adhésion au respect mutuel (non-ingérence dans les affaires intérieures), l’équité et la justice (lire la question palestinienne), la non-prolifération (zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient), la sécurité collective (proposition d’organiser en Chine une conférence de dialogue multilatérale pour la sécurité régionale dans le Golfe) et la coopération au développement (Initiative Ceinture et Route, accords de libre-échange). Il ne sera pas facile pour les États-Unis d’égaler ce paquet chinois de « multilatéralisme authentique ». La Chine encourage les États de la région à adopter une politique d’équité et de justice, et de « résistance » à l’intimidation des États-Unis (que nous associons normalement à l’Iran) pour créer une autonomie stratégique.

La Chine espère ancrer ses relations bilatérales sur ce nouveau mode de pensée qui offre des possibilités illimitées d’ajouter un contenu solide et très bénéfique pour les deux parties. Ainsi, lors de la halte de Wang à Abu Dhabi (sa destination après Téhéran), une annonce a été faite selon laquelle les Émirats Arabes Unis commenceront à produire le vaccin chinois Sinopharm le mois prochain. Il s’agit du premier État du Golfe à mettre en place une installation de production de vaccins contre le coronavirus, avec une capacité initiale de 200 millions de doses par an, renforçant ainsi ses efforts pour devenir une plaque tournante de l’approvisionnement en Asie occidentale et en Afrique.

D’autre part, juste avant l’arrivée de Wang Yi à Riyad, le PDG d’Aramco Amin Nasser a annoncé : « Assurer la sécurité continue des besoins énergétiques de la Chine reste notre plus grande priorité – pas seulement pour les cinq prochaines années, mais pour les 50 prochaines et au-delà ». Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman a déclaré à Wang au même moment que Riyad souhaitait « approfondir continuellement » la coopération bilatérale » dans les domaines du pétrole brut, de la pétrochimie, de l’énergie nucléaire et d’autres domaines énergétiques, « tout en l’étendant à de nouveaux domaines » tels que la 5G, les télécommunications et les technologies numériques.

À propos, la 155ème session du Conseil de la Ligue des États arabes au niveau des ministres des Affaires étrangères a adopté le 3 mars une résolution liée à la Chine, qui réitère l’importance de renforcer les liens sino-arabes, et annonce que l’Arabie Saoudite accueillera cette année le premier sommet arabo-chinois. Wang a qualifié cette initiative de marqueur impressionnant et espère faire de ce sommet « un événement mémorable dans l’histoire des relations sino-arabes ».

Jamais auparavant les États-Unis n’ont été confrontés, de la part de l’Union soviétique ou de leurs concurrents occidentaux, à ce genre de défi que la Chine pose aujourd’hui en offrant aux États régionaux une toute nouvelle voie de développement et de gouvernance qui donne la primauté à leur identité nationale en tant qu’États souverains, désireux de diversifier leurs économies et de ne pas continuer à servir de stations-service pour Big Oil. L’offre de la Chine est séduisante : elle ne prend pas parti dans les dissensions et les schismes intra-régionaux et souhaite au contraire que les acteurs régionaux suivent une approche inclusive et réconciliatrice pour construire leur propre architecture de sécurité qui tienne compte des préoccupations légitimes de toutes les parties.

Et pourtant, la Chine calcule que le résultat sera que la région finira par sortir de l’ombre de la domination occidentale pour poursuivre indépendamment ses politiques et résister à la pression et à l’ingérence des États-Unis. En bref, la Chine cherche à établir des règles du jeu équitables à court terme.

Ainsi, tout en demandant que l’Iran reprenne ses engagements sur la question nucléaire, Wang a suggéré que la communauté internationale soutienne également les efforts des pays de la région pour faire du Moyen-Orient une zone exempte d’armes nucléaires, et que, pour une approche consensuelle, toutes les parties discutent et formulent un itinéraire et un calendrier pour la mise en œuvre du JCPOA. On peut imaginer que cela place la Chine dans un rôle central de médiateur entre l’Iran et ses voisins arabes.

En effet, le facteur « X » concerne la coopération sécuritaire et militaire dans le cadre du pacte Chine-Iran. Quelle que soit l’ambivalence stratégique des deux parties sur la question, si les tensions entre les États-Unis et l’Iran s’aggravent, Téhéran commencera à voir un avantage mutuel à autoriser la Chine (et la Russie) à accéder occasionnellement à ses bases pour faire contrepoids à la présence américaine dans le golfe Persique. Il ne fait aucun doute que l’Iran cherchera à obtenir de la Chine (et de la Russie) le transfert de technologies militaires avancées, une fois que l’embargo des Nations unies sur ce type de transactions prendra fin sous peu dans le cadre du JCPOA.

Les gros volumes d’exportations de pétrole et de gaz vers la Chine renforceront le pouvoir d’achat de l’Iran. (La Chine aurait déjà augmenté ses importations de pétrole iranien ; les importations devraient atteindre des niveaux de 856 000 bpj en mars, soit un bond de 129% par rapport à février). En d’autres termes, la Chine générera des revenus qui permettront à l’Iran de réaliser pleinement son potentiel en tant que puissance régionale qui ne peut être intimidée. Dans le même temps, l’Arabie Saoudite considère elle aussi la Chine (et la Russie) comme son partenaire pour développer une industrie de défense indigène qui réduise sa dépendance à l’égard des achats coûteux d’armements auprès des pays occidentaux.

L’Iran a le sentiment que le durcissement de l’attitude des États-Unis à l’égard de la Chine, comme l’ont montré les récents pourparlers d’Anchorage, a incité Pékin à se défaire de ses réticences antérieures et à s’ouvrir ouvertement à la politique régionale. Wang Yi a souligné dans ses remarques à Téhéran que la Chine est prête à s’opposer à l’hégémonie et à l’intimidation, à sauvegarder la justice et l’équité internationales ainsi qu’à faire respecter les normes internationales avec les peuples d’Iran et d’autres pays. « Nos relations avec l’Iran ne seront pas affectées par la situation actuelle, mais seront permanentes et stratégiques », a déclaré Wang. Sa chute, bien sûr, était : « L’Iran décide de manière indépendante de ses relations avec les autres pays et n’est pas comme certains pays qui changent de position en un coup de fil ».

Ailleurs, Wang a souligné que la Chine est cohérente dans son opposition aux sanctions unilatérales déraisonnables imposées à l’Iran par d’autres pays, car elles violent le droit international, en particulier celles basées sur des mensonges et de fausses informations, qui sont immorales et impopulaires et constituent un affront à la conscience humaine. Il a ajouté que la Chine est prête à travailler avec l’Iran et d’autres pays pour s’opposer conjointement aux actes d’intimidation des puissances, pour faire respecter l’équité et la justice internationales et pour défendre les normes fondamentales des relations internationales.

Il va sans dire que l’Iran se félicite de ce changement marqué de la position diplomatique de la Chine et y voit de nets avantages. Le secrétaire du Conseil suprême de Sécurité nationale de l’Iran, Ali Shamkhani, une personnalité très influente dans les hautes sphères du pays, a décrit le pacte avec la Chine comme « faisant partie de la politique de résistance active ».

Wang a souligné qu’il est temps de réfléchir sérieusement aux mauvaises conséquences infligées à la région par les interférences extérieures, et de travailler ensemble pour explorer des moyens efficaces de maintenir la sécurité et la stabilité régionales à long terme. Bien sûr, la Chine est bien consciente que les divisions régionales (qui sont en grande partie la création des puissances occidentales) ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Néanmoins, le message constant de Wang tout au long de sa tournée régionale était que les pays de la région devaient conserver leur sentiment d’appartenance, perpétuer l’esprit d’indépendance, se débarrasser des interférences de la concurrence géopolitique, rechercher des voies de développement adaptées aux conditions nationales et établir un cadre de sécurité conforme à leurs intérêts.

La Chine joue le jeu à long terme. La tournée régionale de Wang en Asie occidentale témoigne de la conviction et de la confiance de la Chine dans le fait qu’elle se trouve du bon côté de l’histoire.

Partie 3 : Il n’y a pas de calendrier pour un lancement officiel

M.K. Bhadrakumar

source : https://www.indianpunchline.com

traduit par Réseau International


Partie 3

Il n’y a pas de calendrier pour un lancement officiel

...par M.K. Bhadrakumar Le 06/04/2021.

La déclaration conjointe Chine-Iran de samedi dernier a fait des vagues dans les médias internationaux et parmi les analystes régionaux, d’Israël à l’Inde. Israël s’inquiète de la coopération en matière de sécurité qui va s’instaurer entre la Chine et l’Iran. Les Indiens s’inquiètent du sort de leur projet de port de Chabahar dans l’est de l’Iran, qui fait partie intégrante de leur « connectivité régionale ».

Le diable se cache dans les détails. Et le fait est que le document final négocié par Pékin et Téhéran reste toujours sous le manteau. Les deux parties sont visiblement timides. Il est certain que toute l’attention à Téhéran est encore tournée vers la lecture des lèvres du président Joe Biden – comment il présente le JCPOA dans les quelques semaines cruciales qui restent avant que les inspecteurs de l’AIEA ne soient expulsés d’Iran le mois prochain.

La déclaration aux médias de Wang Yi, conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères, mardi, faisant le bilan de sa tournée régionale, ne mentionne même pas le pacte avec l’Iran. Wang a déclaré que « les objectifs escomptés ont été atteints » et a souligné que le gain le plus important, du point de vue de Pékin, est la projection de l’initiative chinoise en cinq points sur la réalisation de la paix et de la sécurité en Asie occidentale en renforçant la capacité des États de la région « à rester imperméables à la pression et à l’ingérence extérieures, à développer de manière indépendante des voies adaptées aux réalités régionales » et, surtout, « à se libérer de l’ombre de la rivalité entre grandes puissances et à résoudre les conflits et les différends régionaux en tant que maîtres de la région ».

Wang a exhorté les pays qu’il a visités – l’Arabie Saoudite, la Turquie, l’Iran, les Émirats Arabes Unis et Bahreïn (plus une « visite de travail à Oman ») – à tenir compte des intérêts fondamentaux de chacun. Pour l’avenir, Wang a énuméré les domaines suivants de « coopération pratique » :

  • l’alignement de l’Initiative Ceinture et Route sur les plans de développement nationaux des États de la région ;
  • l’exportation et la distribution des vaccins chinois anti-covid au niveau régional et la création d’un mécanisme international de « reconnaissance mutuelle des codes de santé » ;
  • la recherche d’une solution à deux États pour la question palestinienne ;
  • le règlement politique des différends régionaux ;
  • la création d’une « feuille de route et d’un calendrier » pour la reprise du JCPOA et la résolution de la question nucléaire iranienne ;
  • la promotion du Forum sino-arabe sur la Réforme et le Développement ainsi que du Forum sur la Sécurité au Moyen-Orient ;
  • la coopération en matière de hautes et nouvelles technologies, telles que la 5G, le big data et l’intelligence artificielle ; et,
  • le développement d’une « communauté avec un avenir commun dans la nouvelle ère » entre la Chine et les États arabes, qui s’oppose à la politisation des questions relatives aux droits de l’homme.

Il est certain que Pékin se positionne en tant que solutionneur de problèmes pour sortir de l’impasse du JCPOA. La veille de l’arrivée de Wang à Téhéran, l’envoyé spécial américain Robert Malley a eu un entretien téléphonique avec le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Ma Zhaoxu, au cours duquel ce dernier a affirmé que Pékin « continuera à jouer un rôle constructif » pour remettre le JCPOA sur les rails.

Le pacte Chine-Iran s’inscrit profondément dans une nouvelle matrice que Pékin espère créer avec les États arabes du golfe Persique et l’Iran. Le pacte fait partie d’un nouveau récit sur la sécurité et la stabilité régionales.

On ne sait rien de la nature du mécanisme de paiement de ces transactions économiques massives se chiffrant en centaines de milliards de dollars que le pacte Chine-Iran envisage. La Chine ne peut être à l’aise avec le risque que représente l’utilisation du dollar américain comme monnaie pour de telles transactions.

En effet, les experts chinois ont noté ces derniers temps que Pékin se rend compte du risque énorme d’une dépendance excessive à l’égard du dollar américain et du système de paiement contrôlé par l’Occident depuis la crise financière de 2008, et que les dernières mesures d’assouplissement quantitatif massif prises par les États-Unis pour relancer leur propre économie renforcent également cette préoccupation.

Par ailleurs, un expert chinois de premier plan, Dong Dengxin, directeur de l’Institut des Finances et des Valeurs mobilières de l’Université des Sciences et Technologies de Wuhan, a récemment déclaré au journal Global Times : « Washington a abusé de SWIFT pour sanctionner arbitrairement n’importe quel pays à sa guise, ce qui a suscité le mécontentement du monde entier. Si la Chine et la Russie pouvaient travailler ensemble pour contester l’hégémonie du dollar, une longue liste de pays répondrait à l’appel et rejoindrait le nouveau système ».

Le système de paiement étant lié au système commercial, Dong suggère que le nouveau système de paiement utilise le yuan comme monnaie de compensation. « Dans un premier temps, le système pourrait pousser un essai dans les pays d’Asie centrale et les pays et régions situés le long des routes de l’Initiative Ceinture et Route. À mesure que son influence grandit, le système est prêt à attirer d’autres pays d’Europe et de l’ANASE », a déclaré Dong.

D’autres rapports publiés ces derniers mois font également état de discussions sur un mécanisme de paiement en devises étrangères entre la Chine et l’Iran. Il reste à voir jusqu’où les États-Unis peuvent supporter un tel affront. La Chine ne cherche pas la confrontation avec les États-Unis – du moins, pas encore. Pour l’Iran aussi, l’exportation de pétrole et de gaz, un atout stratégique, avec un paiement en monnaie locale nécessite un acte de foi. Ces dernières années, la Chine a également exhorté l’Arabie Saoudite à sortir de l’orbite du dollar pour le commerce du pétrole.

Cela dit, la Chine teste les eaux en Asie occidentale. En janvier dernier, selon certains rapports, l’Institut de la Monnaie numérique de la Banque populaire de Chine et la Banque centrale des Émirats Arabes Unis ont rejoint le pont dit « Multiple CBDC » (m-CBDC), un projet de paiements transfrontaliers visant à faciliter les transferts de fonds, le règlement du commerce international et les transactions sur les marchés de capitaux dans leurs propres juridictions.

Il ne fait aucun doute que le yuan numérique, baptisé en Chine « Monnaie numérique/Paiement électronique », pourrait également remettre en question la suprématie du dollar américain. À l’heure actuelle, le système chinois de paiement transfrontalier CIPS est à la fois partenaire et concurrent de SWIFT, dans un contexte de tensions sino-américaines croissantes. Une plus grande utilisation du CIPS au lieu du système SWIFT, basé en Belgique, réduirait l’exposition des données de paiements mondiaux de la Chine aux États-Unis. Certains analystes américains ont critiqué cette mesure, estimant qu’elle faisait « progresser l’autoritarisme numérique de la Chine à l’échelle nationale et mondiale ».

Avec l’ascension fulgurante de la Chine sur la scène mondiale, Pékin espère depuis longtemps que sa monnaie physique, le renminbi (yuan), profitera de son succès économique pour s’éloigner du système financier dominé par le dollar. La Chine évolue progressivement vers une position à la fois difficile et opportuniste.

L’Initiative Ceinture et Route de la Chine est un point d’entrée idéal pour l’internationalisation du yuan numérique. La Chine pourrait demander aux pays participant à la BRI de commencer à accepter le yuan numérique, d’effectuer des paiements de prêts et de payer pour installer des infrastructures telles que des terminaux de point de vente et de réduire les frais de transaction. Selon l’Administration nationale chinoise des Changes, il a été décidé de « coopérer activement avec la stratégie nationale de développement de l’Initiative Ceinture et Route ».

Outre le fait qu’il s’agit d’un système de paiement moins cher et plus rapide, il crée également un pare-feu contre les sanctions américaines. Dans un scénario hypothétique, l’Iran peut construire un système de monnaie numérique compatible de sorte que le commerce et les investissements, les transferts transfrontaliers, le règlement du commerce international et les opérations de change entre les deux pays ne puissent plus être suivis par les États-Unis.

Ce système peut effectivement neutraliser les sanctions américaines en contournant le tout-puissant billet vert. Selon un rapport du New York Times, « s’il est mis en œuvre comme prévu, le partenariat (Chine-Iran) créerait de nouveaux points chauds potentiellement dangereux dans la détérioration des relations entre la Chine et les États-Unis… Les sanctions américaines renouvelées, notamment la menace de couper l’accès au système bancaire international à toute entreprise faisant des affaires en Iran, ont réussi à étouffer l’économie iranienne en faisant fuir le commerce et les investissements étrangers dont elle a tant besoin ».

Comment Washington pourrait-il accepter une telle défiance stratégique à l’heure où « les États-Unis sont de retour », selon l’administration de Joe Biden ? Le Département d’État américain a promis « d’imposer des coûts aux entreprises chinoises qui aident l’Iran ». Dans ces conditions, il est tout à fait concevable qu’il n’y ait pas de calendrier pour un lancement officiel du pacte Chine-Iran. Étant des « États-civilisation », la Chine et l’Iran auraient leurs propres concepts du temps et de l’espace.

M.K. Bhadrakumar

source : https://www.indianpunchline.com

traduit par Réseau International


Déclaration conjointe sur le Partenariat stratégique global entre la République islamique d’Iran et la République populaire de Chine

Le 06/04/2021.

Source : RzO International

À l’issue du voyage du président chinois Xi Jinping à Téhéran, la République islamique d’Iran et la République populaire de Chine ont annoncé qu’en parvenant à un accord majeur dans tous les domaines des relations bilatérales et des questions régionales et internationales, elles ont établi des liens fondés sur un « partenariat stratégique global ».

La « Déclaration conjointe sur le Partenariat stratégique global entre la République islamique d’Iran et la République populaire de Chine » comprend 20 articles, qui précisent la feuille de route pour le développement et l’approfondissement des liens entre Téhéran et Pékin dans les domaines « politique », « coopération exécutive », « humain et culturel », « judiciaire, sécurité et défense », et « régional et international ».

La déclaration a été publiée simultanément dans les deux pays samedi, à l’issue du voyage du président chinois Xi Jinping à Téhéran.

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Au nom de Dieu

Déclaration conjointe sur le partenariat stratégique global entre la République islamique d’Iran et la République populaire de Chine

À l’invitation de Son Excellence M. Hassan Rouhani le président de la République islamique d’Iran, Son Excellence M. Xi Jinping, le président de la République populaire de Chine, a effectué une visite officielle en République islamique d’Iran les 22 et 23 janvier 2016. Les deux chefs d’État ont profondément échangé leurs points de vue sur la coopération dans tous les domaines des relations bilatérales ainsi que sur les questions régionales et internationales d’intérêt mutuel, dans une atmosphère amicale et cordiale, et sont ainsi parvenus à des accords étendus.

Au cours de leurs relations bilatérales vieilles de plus de deux mille ans, l’Iran et la Chine ont tous deux joué un rôle important dans la diffusion de la coopération amicale le long de la Route de la Soie ainsi que dans la facilitation et l’expansion du commerce mondial. Au cours des 45 années qui se sont écoulées depuis l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays le 16 août 1971, les liens bilatéraux ont connu des réalisations exceptionnelles dans divers domaines politiques, économiques, culturels et de défense. Actuellement, la situation régionale et internationale connaît des développements profonds et complexes. Dans ces circonstances, les deux parties soulignent l’importance de la coopération entre les pays en développement dans les affaires internationales et s’engagent à déployer des efforts conjoints en faveur de la paix, de la stabilité et du développement dans la région et dans le monde entier. Compte tenu des besoins réels d’élever le niveau des relations bilatérales dans les nouvelles conditions, les deux parties conviennent donc d’établir des relations fondées sur un « partenariat stratégique global » dans le cadre duquel elles développeront davantage la coopération bilatérale dans les domaines suivants :

A- Domaine politique

1- Les deux parties estiment que dans les conditions actuelles d’approfondissement de la multilatéralisation de l’ordre international et de la mondialisation de l’économie, les liens bilatéraux entre l’Iran et la Chine ont acquis une importance stratégique et les deux parties se considèrent mutuellement comme des partenaires stratégiques importants et désignent donc l’expansion des relations bilatérales comme une priorité de leurs politiques étrangères respectives. L’expansion appropriée et constante des liens bilatéraux est conforme aux intérêts communs des deux pays et contribue à sauvegarder la paix, la stabilité et le développement au niveau régional et mondial.

2- Afin de renforcer les consultations politiques entre les hauts fonctionnaires sur les questions d’intérêt mutuel et d’améliorer la confiance stratégique mutuelle, les deux parties sont parvenues à un consensus sur l’établissement d’un mécanisme de réunions annuelles entre leurs ministres des Affaires étrangères ainsi que de réunions de consultation périodiques entre leurs vice-ministres des Affaires étrangères régionaux concernés.

3- Les deux parties soulignent la nécessité de développer les relations entre les gouvernements centraux, la coopération entre les provinces (gouvernements locaux) ainsi qu’entre leurs groupes et partis politiques afin d’échanger des expériences et de renforcer les interactions dans tous les domaines.

4- Soulignant le rôle efficace des organes législatifs des deux pays dans l’expansion et le développement des liens, les deux parties mettent l’accent sur le renforcement des échanges et de la coopération entre les organes législatifs et les parlements des deux pays dans divers domaines et à divers niveaux, ainsi que sur la délibération et la consultation au sein des organisations régionales et internationales pertinentes telles que l’Assemblée parlementaire asiatique et l’Union interparlementaire.

5- Les deux parties se soutiennent mutuellement sur les questions relatives à leurs intérêts fondamentaux tels que l’indépendance, la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale. La partie iranienne maintient son engagement ferme envers la politique d’une seule Chine. La partie chinoise soutient le « Plan de développement » de la partie iranienne ainsi que le renforcement du rôle de l’Iran dans les affaires régionales et internationales.

6- En raison de la détermination des deux parties à développer les relations entre les deux pays et de la complémentarité de leurs potentiels économiques ainsi que de l’existence de nombreux domaines de coopération conjointe tels que l’énergie, les infrastructures, l’industrie et la technologie, les deux parties conviennent de mettre à leur ordre du jour des consultations et des discussions visant à conclure un accord de coopération global bilatéral de 25 ans.

B- Domaine de la coopération exécutive

7- La partie iranienne accueille favorablement l’initiative de la Chine concernant la Ceinture économique de la Route de la Soie et la Route de la Soie maritime du XXIe siècle. En s’appuyant sur leurs forces et avantages respectifs ainsi que sur les opportunités offertes par la signature de documents tels que le « Mémorandum d’Accord sur la Promotion conjointe de la Ceinture économique de la Route de la Soie et de la Route de la Soie maritime du XXIe siècle » et le « Mémorandum d’Accord sur le Renforcement des Capacités industrielles et minérales et des Investissements », les deux parties vont développer la coopération et les investissements mutuels dans divers domaines, notamment les transports, les chemins de fer, les ports, l’énergie, l’industrie, le commerce et les services.

8- Compte tenu de leurs avantages économiques relatifs, les deux parties renforceront leur coopération bilatérale et multilatérale dans des domaines tels que les combustibles fossiles ainsi que les énergies nouvelles et renouvelables, la sécurité de la demande et de l’offre ainsi que le transfert et le transport des combustibles fossiles. La partie chinoise envisagera de financer et d’investir dans les projets en amont et en aval des industries énergétiques en Iran et la partie iranienne fournira les facilités et le soutien nécessaires à cet égard.

9- Les deux parties expriment leur volonté de renforcer les échanges commerciaux et d’investissement et de promouvoir une coopération concrète dans les domaines de l’économie, de la banque, des investissements mutuels, du financement, de l’exploitation minière, des transports, des communications, de l’espace, des industries manufacturières, du développement des ports, de la modernisation et de l’expansion des réseaux ferroviaires, des systèmes ferroviaires express, de l’agriculture, des ressources en eau, de la protection de l’environnement, de la sécurité alimentaire, de la lutte contre la désertification, du dessalement de l’eau, de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et des énergies renouvelables, sur la base du « protocole d’accord sur le renforcement de la coopération en matière d’investissement » bilatéral, et de la coopération en matière d’échange de savoir-faire et de technologie ainsi que de formation des ressources humaines.

10- La partie chinoise apprécie la participation de l’Iran en tant que « membre fondateur » de la Banque asiatique d’Investissement dans les Infrastructures. Les deux parties sont prêtes à renforcer leur coopération dans les domaines concernés et à unir leurs efforts pour le progrès et la prospérité de l’Asie.

C- Domaine humain et culturel

11- Compte tenu de leurs points communs historiques et de l’existence de nombreuses capacités dans les domaines humains, les deux parties conviennent de confier un rôle de premier plan à leur comité culturel conjoint bilatéral et d’élever le niveau de leur coopération culturelle. À cet égard, elles encourageront leurs citoyens à visiter leurs pays respectifs et renforceront la coopération dans les domaines du tourisme, de la santé, de la jeunesse et des sports. Elles renforceront également leurs échanges en matière de presse et de diplomatie publique et augmenteront la coopération entre leurs médias ainsi que les visites mutuelles de leurs délégations de médias. En outre, en renforçant le dialogue et les échanges humains et en développant les communications entre leurs organisations non gouvernementales sous diverses formes, elles ouvriront la voie à la compréhension mutuelle et à l’amitié entre les deux nations. Les deux parties étudieront la possibilité de se désigner mutuellement des années culturelles et poursuivront leurs consultations concernant l’établissement de leurs centres culturels et la fourniture des facilités nécessaires à cet égard. En outre, en renforçant leurs mécanismes et leur coopération consulaires, les deux parties mettent l’accent sur la fourniture du soutien et des facilités nécessaires aux citoyens de l’autre partie dans leur pays.

12- Les deux parties renforceront leur coopération dans les domaines de l’enseignement universitaire et supérieur, de l’échange de professeurs et d’étudiants, de la coopération scientifique, du transfert de nouvelles technologies et de l’exécution de projets communs.

D- Domaine judiciaire, sécurité et défense

13- Les deux parties renforceront leur coopération judiciaire dans tous les domaines et, par l’échange de délégations de haut rang et la coopération spécialisée, ainsi que par le Traité d’Extradition et les Accords d’Entraide judiciaire en matière pénale et d’Entraide judiciaire en matière civile et commerciale, elles renforceront leurs consultations et leur coopération.

14- Les deux parties reconnaissent que le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme sont des menaces contre l’humanité tout entière et contre la paix et la stabilité mondiales. Soulignant la nécessité d’une détermination ferme et intégrée de la communauté internationale dans la lutte contre ces trois forces du mal, elles se disent prêtes à discuter d’une coopération et de politiques pragmatiques à cet égard. Elles reconnaissent la résolution de l’ONU « Monde contre la Violence et l’Extrémisme » (WAVE) proposée par le président iranien, S.E. M. Hassan Rouhani, comme un cadre approprié pour atteindre ces objectifs.

15- Grâce à l’amélioration des contacts et de la coopération bilatérale, les deux parties renforceront leur lutte contre le franchissement illégal des frontières, la contrebande et le trafic de marchandises, de drogues et de substances illicites et de leurs précurseurs chimiques, la cybercriminalité, la criminalité transnationale et organisée et, tout en soutenant les mécanismes existants, elles envisageront de créer de nouveaux mécanismes nécessaires à cet égard. Elles renforceront également la coopération entre leurs institutions chargées de l’application de la loi dans divers domaines, notamment la formation du personnel chargé de l’application de la loi.

16- Les deux parties considèrent que l’amélioration des communications et des échanges entre leurs forces armées et leurs ministères de la Défense contribue à la stabilité et à la sécurité et augmenteront les échanges de délégations, les consultations et la coordination à différents niveaux et amélioreront le niveau de coopération des forces armées des deux pays par le biais de mécanismes de coopération dans les domaines de la formation des ressources humaines, de la lutte contre le terrorisme et de l’échange d’informations, ainsi que des équipements et des technologies.

E- Domaine régional et international

17- Les deux parties réaffirment leur soutien au processus de multipolarisation du système international et expriment leur volonté de relever les défis mondiaux et de créer un monde où règnent la paix et la stabilité. Les deux parties réitèrent leur engagement envers les principes inscrits dans la Charte des Nations unies, en particulier ceux qui concernent le respect de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale ainsi que la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays. Ils s’opposent à toute forme de recours à la force ou de menace de recours à la force ou à l’imposition de sanctions injustes contre d’autres pays, ainsi qu’à toutes les formes et manifestations de terrorisme, et estiment que les questions internationales controversées ou aiguës doivent être résolues par la négociation et le dialogue politique.

18- La partie chinoise apprécie le rôle constructif de l’Iran dans la lutte contre le terrorisme et l’établissement de la paix et de la stabilité régionales. Les deux parties sont d’avis que la paix et la stabilité dans cette région sont conformes aux intérêts communs de la communauté internationale et expriment leur volonté de renforcer les consultations bilatérales sur les principales questions régionales, notamment l’évolution de la situation en Syrie et la crise au Yémen, ainsi que la création d’une zone exempte d’armes de destruction massive et la résolution des problèmes aigus par le dialogue politique. Elles soutiennent la volonté des pays et des peuples de la région de rechercher des systèmes politiques et des voies de développement conformes à leurs conditions nationales, en vue de réaliser leur stabilité durable et leur développement économique et social. Les deux parties soutiennent les efforts déployés par les pays de la région ainsi que par le peuple palestinien pour réaliser également leurs droits.

19- Les deux parties renforceront leurs consultations dans le cadre des organisations régionales et internationales. La Chine attache de l’importance au rôle effectif de l’Iran en tant que puissance régionale et évalue positivement le rôle de l’Iran dans les activités menées dans le cadre de l’Organisation de Coopération de Shanghai et soutient la demande de l’Iran de devenir membre à part entière de l’Organisation.

20- Les deux parties se félicitent de l’accord conclu entre la République islamique d’Iran et les pays du P5+1 sur le Plan d’Action global conjoint (JCPOA) et estiment que cet accord contribue à garantir le caractère pacifique des activités nucléaires de l’Iran et aboutit à la pleine réalisation des droits légitimes de l’Iran à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire conformément au Traité de Non-Prolifération (TNP). Les deux parties soulignent que toutes les parties concernées devraient mettre en œuvre le JCPOA et la résolution n°2231 du Conseil de Sécurité des Nations unies de bonne foi et de manière inclusive et équilibrée et réaffirment qu’elles s’efforceront de faire avancer le processus de modernisation du réacteur à eau lourde d’Arak.

source : http://www.president.ir

traduit par Réseau International

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