Et si la (vraie) cible n’était pas la Russie, mais l’Europe ?

...par Ben Fofana - Le 27/01/2022.

Source : RzO International.

 

Depuis le mois de novembre 2021, les États-Unis ont fait monter la pression sur la Russie au travers du conflit gelé en Ukraine. Cette pression s’est accrue à la suite de l’ultimatum russe lancé pour obtenir des garanties écrites au sujet de sa sécurité. Certains observateurs sont alarmés par les risques d’une guerre avec la Russie. Il faut dire que les raisons ne manquent pas. Kiev a massé armes et soldats près de la ligne de front. Les Russes ont fait pareil non loin de la frontière avec l’Ukraine. Les USA sont entrés dans la danse en envoyant des armes dans un premier temps puis en mettant des troupes en alerte, prêtes à intervenir en cas de guerre dans le Donbass. Si une guerre se produisait (ce qui à notre avis est improbable vu le coût élevé pour toutes les parties), elle serait davantage destinée à nuire aux Européens qu’aux Russes.

Incapacité des USA à vaincre la Russie

Les USA ont menacé la Russie de sanctions économiques, promettant l’enfer à celle-ci si elle envahissait l’Ukraine. Il est vrai qu’une telle guerre servirait les intérêts US. Car cela leur permettrait de détacher définitivement l’Europe de la Russie. Mais contrairement à ce qui est énoncé dans chaque déclaration d’un officiel US, les Etats-Unis n’ont plus les moyens de mettre à genoux la Russie.

Économiquement, celle-ci a initié un cycle de substitution des importations y compris dans les hautes technologies qui portent aujourd’hui ses fruits puisque la Russie est autonome dans de nombreux secteurs et est capable de produire 100% des composants. Une interdiction des exportations occidentales de technologies à destination du pays dans le pire des cas, ne ferait que retarder certains projets et inciterait celui-ci à s’en passer en développant une production locale. Des sanctions financières, comme une déconnexion du SWIFT ou une interdiction du dollar ne causeraient que peu d’effets. Les banques russes étant depuis plusieurs années préparées à ce scénario et le pays ayant développé son propre système de compensation (SPFS). De plus, les partenaires économiques de la Russie trouveraient un moyen fiable de continuer à commercer avec elle. Soit en se connectant au SPFS, soit en payant les transactions dans une devise autre que le dollar. Autant dire que cela constituerait un clou supplémentaire sur le cercueil du « pétrodollar ». En outre, la Russie possède près de 800 milliards de dollars de réserves (plus de 600 milliards de réserves de change et 180 milliards de fonds du bien-être) qui lui permettraient d’amortir les effets temporaires provoqués par les sanctions.

Militairement, l’avantage de la Russie est encore plus marqué. Elle possède les capacités de frapper tout point du territoire américain, et ce rapidement. Elle peut détruire tout ce que les USA pourraient lui envoyer. Aujourd’hui, elle domine tout le spectre de la guerre. Notamment grâce à sa domination du cyberespace. Autant dire qu’elle n’a rien à craindre de la part des États-Unis.

Diplomatiquement, le rayonnement russe à l’international est remarquable. Elle a montré qu’elle soutenait farouchement ses alliés. Elle se garde de donner des leçons et ne s’ingère en général pas dans les affaires des autres États. Cela fait d’elle un acteur qui peut parler à tout le monde et avec qui tout le monde aime parler, y compris les USA surtout ces derniers temps.

Donc non, les USA n’ont pas les moyens de mettre à genoux la Russie. Et ils le savent. Pourquoi les États-Unis s’engageraient dans une entreprise vouée à l’échec ? À moins que la principale cible ne soit pas la Russie, mais l’Europe. Alors la question qui vient immédiatement à l’esprit est de savoir pourquoi prendraient-ils délibérément des initiatives susceptibles de nuire à leurs alliés ?

Europe concurrent économique des États-Unis

La vérité est que l’Europe ou plutôt l’Union Européenne telle qu’elle existe aujourd’hui est un projet et une construction américaine. L’objectif étant de tenir d’une main ferme les États dans une même structure. Permettant d’avoir un seul interlocuteur et un unique organe de négociation. De plus, en ayant différents États aux intérêts divergents, voire opposés, Washington s’assure que la prise de décision soit compliquée sinon impossible quand cela va à l’encontre de ses intérêts puisque les décisions sont prises à l’unanimité.

Une autre vérité, dont la première est une conséquence, c’est que les économies européennes, les transnationales européennes constituent pour les États-Unis un rival, un concurrent économique. Il est vrai que les instances dirigeantes de l’UE voyaient leur espace comme la première puissance économique. Avant de réaliser que le poids réel de l’entité n’était pas forcément la somme de celui de ses membres.

Oui l’Europe est un adversaire économique pour les USA qui entendent dominer sans partage. Pour cela, ils mènent en sourdine une guerre économique féroce. Parfois, lorsqu’ils n’ont pas le choix, ils tordent le bras aux Européens au vu et au su de tout le monde. On se souvient des amendes contre BNP Paribas, Airbus, Volkswagen et de la Deutsche Bank. Ou encore du harcèlement d’Alstom jusqu’à son rachat par General Electric dont c’était l’objectif initial.

Détruire économiquement l’Europe

Lorsque l’on a compris que les États-Unis sont en difficulté (économique entre autres) et dans l’incapacité d’affronter la Chine et la Russie, on comprend tout de suite que la cible privilégiée est l’Europe. Elle doit dans un premier temps être éliminée des compétiteurs économiques. Les sanctions économiques évoquées plus haut ne sont qu’un des moyens utilisés pour ce faire. Il y a aussi la compétitivité industrielle européenne qui doit être détruite. D’où la nécessité de découpler l’Europe de la Russie, fournisseur d’énergie bon marché. Et quoi de mieux qu’une bonne petite guerre en plein cœur de l’Europe, dans une zone où se trouvent les pipelines transportant le gaz. Sans le gaz russe, l’économie européenne s’effondrerait et les pays européens seraient à la merci des USA qui contrôlent les voies d’approvisionnement depuis le Moyen-Orient. Dans un second temps, une fois l’industrie de l’Europe détruite, celle-ci deviendrait un marché naturel pour les produits américains. Le projet de relocalisation de la production initié par une partie de l’élite étatsunienne aura besoin d’un marché pour écouler les biens produits. Quoi de mieux qu’un marché de quatre cent cinquante millions de consommateurs avides de consommer ?

source : https://africapolitics.over-blog.com

 

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