Les combattants Houthis d’Ansarallah ont littéralement humilié « l’invincible armada » de Washington en Mer Rouge. A vrai dire, cela fait plus d’un an que les combattants yéménites
tiennent en échec la flotte américaine en Mer Rouge. Mais peu de monde y prêtait attention aux Etats-Unis. Donald Trump est venu et il a annoncé une offensive massive pour vaincre Ansarallah. Or,
au bout d’un mois, le même Trump a crié victoire et arrêté l’offensive en reconnaissant le courage des combattants adverses. Les observateurs avisés ne sont pas dupes : Le président américain a
immédiatement arrêté une opération qui tournait au fiasco. La nature de la guerre est en train de changer et les armées occidentales ont un conflit de retard….
Etonnant retournement : Trente jours après avoir menacé les Houthis du feu du ciel, Donald Trump criait victoire mais annonçait l’arrêt de la campagne de
bombardement – sans avoir prévenu sont ennemi israélien.
En réalité, un article du New York Times et des publications
militaires américaines révèlent l’envers du décor.
Comment les Houthis ont gagné la guerre
Maintenant que les Démocrates sont dans l’opposition, le New York Times est pris d’accès de vérité. Il y a quelques jours nous évoquions la lettre ouverte
de Thomas Friedman à Trump concernant
le soutien à Israël. A présent, c’est la défaite de l’armée américaine au Yémen que le journal bien-pensant de la côte Est n’hésite pas à mettre sous les projecteurs.
Lorsqu’il a approuvé une campagne visant à rouvrir la navigation dans la mer Rouge en bombardant le groupe militant houthi jusqu’à ce qu’il se soumette, le président Trump voulait voir
des résultats dans les 30 jours suivant les premières frappes, il y a deux mois.
Au 31e jour, M. Trump, toujours méfiant à l’égard des engagements militaires prolongés au Moyen-Orient, a exigé un rapport d’étape, selon des responsables de l’administration.
Mais les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Les États-Unis n’avaient même pas établi leur supériorité aérienne sur les Houthis. Au lieu de cela, après 30 jours d’une campagne
intensifiée contre le groupe yéménite, ce qui émergeait était un autre engagement militaire américain coûteux mais peu concluant dans la région.
Les Houthis ont abattu plusieurs drones américains MQ-9 Reaper et ont continué à tirer sur des navires de guerre dans la mer Rouge, notamment un porte-avions américain. Et les
frappes américaines ont épuisé les stocks d’armes et de munitions à un rythme d’environ 1 milliard de dollars au cours du seul premier mois.
Le fait que deux F/A-18 Super Hornets de 67 millions de dollars appartenant au porte-avions amiral américain chargé de mener les frappes contre les Houthis soient tombés accidentellement
en mer n’a pas aidé.
À ce moment-là, M. Trump en avait assez.
Steve Witkoff, son envoyé au Moyen-Orient, qui participait déjà à des négociations nucléaires avec l’Iran sous l’égide d’Oman, a rapporté que les responsables omanais avaient suggéré ce
qui pourrait être une issue parfaite pour M. Trump sur la question distincte des Houthis, selon des responsables américains et arabes. Les États-Unis mettraient fin à leur campagne de
bombardements et la milice ne prendrait plus pour cible les navires américains dans la mer Rouge, mais sans s’engager à cesser de perturber le trafic maritime que le groupe jugeait utile
à Israël.
Les responsables du Commandement central américain ont reçu un ordre soudain de la Maison Blanche le 5 mai de « suspendre » les opérations offensives.
En annonçant la cessation des hostilités, le président semblait presque admiratif à l’égard du groupe islamiste militant, alors qu’il avait précédemment promis qu’il serait « complètement
anéanti ».
« Nous les avons frappés très durement et ils ont fait preuve d’une grande capacité à résister », a déclaré M. Trump. « On peut dire qu’ils ont fait preuve d’un grand courage. » Il a
ajouté : « Ils nous ont donné leur parole qu’ils ne tireraient plus sur les navires, et nous honorons cet engagement. »
Les combattants Houthis ont manqué de peu un F35
Toujours selon le New York Times :
Au cours de ces 30 premiers jours, les Houthis ont abattu sept drones américains MQ-9 (d’une valeur d’environ 30 millions de dollars chacun), entravant ainsi la capacité du Commandement
central à suivre et à frapper le groupe militant. Plusieurs F-16 américains et un avion de combat F-35 ont failli être touchés par les défenses aériennes houthies, rendant réelle la
possibilité de pertes américaines, ont déclaré plusieurs responsables américains.
La fin chaotique de la campagne militaire
C’est sans doute ce passage de l’article du New York Times qui est le plus significatif :
Le 28 avril, le Truman a été contraint d’effectuer un virage serré en mer pour éviter les tirs des Houthis, ont déclaré plusieurs responsables américains. Cette manœuvre a contribué à la
perte d’un des Super Hornets, qui était en train d’être remorqué et est tombé à la mer. Le même jour, des dizaines de personnes ont été tuées lors d’une attaque américaine qui a frappé un
centre pour migrants contrôlé par les Houthis, selon le groupe et des responsables humanitaires.
Puis, le 4 mai, un missile balistique houthi a contourné les défenses aériennes israéliennes et a frappé près de
l’aéroport international Ben Gourion, à l’extérieur de Tel-Aviv.
Mardi, deux pilotes à bord d’un autre Super Hornet, toujours sur le Truman, ont été contraints de s’éjecter après que leur avion de chasse n’ait pas réussi à attraper le câble d’acier sur
le pont du porte-avions, précipitant l’appareil dans la mer Rouge.
À ce moment-là, M. Trump avait déjà décidé de déclarer l’opération un succès.
S’il ne s’agissait pas d’une guerre et des souffrances du peuple yéménite, on trouverait un indéniable effet comique au récit du New York Times.
Et puis se rend-on compte ? Ce n’est pas la première fois que nous entendons un tel récit mais il y a en l’occurrence une confirmation officielle : Le porte-avions
Truman a manœuvré pour se trouver hors de portée des tirs d’Ansarallah. C’est peut-être à cause de cela que deux avions américains n’ont pas réussi à se poser sur le porte-avions…..
A vrai dire, on a toutes les raisons de se demander si les deux avions en question n’ont pas été tout simplement abattus par des missiles yéménites; tandis que des
F16 et un F35 en réchappaient de justesse.
Une défaite humiliante provisoirement camouflée
Voici ce que dit Simplicius, après avoir examiné l’article du New York times :
Les États-Unis sont incapables de mener des opérations en toute sécurité à proximité de l’espace aérien yéménite, malgré ses défenses aériennes dites «rudimentaires». Les F-35, présentés
comme « les avions de combat les plus avancés jamais construits », sont incapables d’opérer en toute sécurité sans être détectés. À votre avis, qu’est-ce qui permet aux Houthis de
détecter des F-35 «invisibles» au point de tirer sur eux et de les contraindre à effectuer des manœuvres d’évitement ? S’agit-il de radars iraniens d’occasion, eux-mêmes probablement
d’occasion russes ? Comment les F-35 et les B-2 tant vantés pourraient-ils faire face au réseau national iranien de défense aérienne, bien plus vaste et supérieur, s’ils ne peuvent même
pas faire face à celui des Houthis ?
On comprend désormais mieux pourquoi Israël n’a pas osé s’approcher de la frontière iranienne avec ses propres F-35 I : L’Occident sait que ses avions sont en
fait détectables par les radars de la résistance, et le dernier épisode ne fait que le confirmer. La seule raison pour laquelle les Houthis n’ont pas réussi à abattre les avions est
probablement qu’il est plus facile de fabriquer un radar, une technologie beaucoup plus ancienne, que de fabriquer un missile doté des propriétés cinématiques nécessaires pour poursuivre
un avion de chasse maniable ; le radar a probablement fait son travail, mais le missile n’a pas pu aller jusqu’au bout.
Le fait est que l’Occident a passé des décennies à élaborer toute une doctrine de guerre qui devient peu à peu obsolète, une doctrine qui repose sur des armes de haute technologie et très
coûteuses qui ne peuvent être reproduites à grande échelle. Cela s’explique en partie par le fait qu’avec la complexité croissante des armes « high-tech » modernes, les chaînes
d’approvisionnement deviennent problématiques, en particulier lorsque la Chine contrôle la plupart des terres rares dans le monde.
Il suffit d’écouter cette nouvelle déclaration stupéfiante de Macron, dans laquelle il admet que la France n’a plus rien à donner à l’Ukraine parce que son modèle de guerre n’a jamais été
conçu pour des combats d’une telle intensité :
« Vous devez comprendre que nous avions un modèle d’armée qui n’était pas conçu pour des conflits terrestres de haute intensité. Nous avons donc donné tout ce que nous avions, nous
avons même produit de plus en plus vite… mais nous ne pouvons pas donner ce que nous n’avons pas. »
C’est un thème qui revient de plus en plus souvent dans les conflits mondiaux ces derniers temps : La vague d’innovations provenant des pays du Sud dépasse les modèles militaires
occidentaux dépassés et axés sur le profit.
Le récent conflit entre le Pakistan et l’Inde semble en être un autre exemple, car les armes chinoises entre les mains des Pakistanais auraient été bien plus efficaces que leur poids ne
le laissait supposer et, si les informations sont exactes, auraient été plus que de taille face à des armes occidentales équivalentes, en particulier dans le cas des avions de combat.
Notre chroniqueur militaire préféré crédite même Emmanuel Macron d’un accès de lucidité ! C’est dire comme les esprits sont sens dessus dessous au royaume
d’Occident !
Triomphe d’Ansarullah : Les États-Unis à nouveau défaits en mer Rouge
Les récents échecs de la marine
américaine, notamment la perte d’un avion à réaction de 60 millions de dollars, révèlent l’effondrement de la guerre menée par Washington contre le Yémen, alors que la résistance
d’Ansarullah surpasse les efforts militaires américains qui se chiffrent en milliards de dollars.
Le 28 avril, les médias occidentaux ont été en effervescence après l’annonce de la perte d’un avion de combat F/A-18E et d’un remorqueur de l’USS
Harry S. Truman, à la tête des opérations de l’administration Trump contre le blocus anti-génocide d’Ansarullah en mer Rouge. Le porte avion déplore en effet la perte de l’avion de combat
alors qu’il effectuait un virage serré pour échapper aux tirs du groupe de la Résistance. Alors qu’un communiqué de
presse de la marine américaine sur l’incident ne fait aucune référence à l’attaque d’Ansarullah, des responsables américains anonymes ont
informé plusieurs journalistes grand
public que ces pertes sont le fait du Yémen.
Le mégaphone de propagande fiable et
servile de la CIA et du Pentagone, CNN, a rendu
compte de la catastrophe avec une franchise extraordinaire.
«La marine
américaine perd un avion de combat de 60 millions de dollars en mer après une chute d’un porte-avions», titrait-elle. Le média a explicitement reconnu que cet incident résulte d’une
«attaque de
drones et de missiles» d’Ansarullah contre l’USS Harry S. Truman. CNN a
ensuite souligné que le porte-avions a «été la cible
d’attaques répétées» du Yémen, tout en commettant une série de bourdes embarrassantes depuis son déploiement en mer Rouge en septembre 2024.
En décembre de la même année, un avion de chasse américain affecté à l’USS Harry S. Truman a été abattu alors
qu’il effectuait une mission de ravitaillement au-dessus de la mer Rouge dans un incident de tir ami. L’USS Gettysburg, qui escortait le porte-avions, a tiré un missile sur l’avion pour
des raisons qui restent obscures. Cette grave maladresse fait toujours l’objet d’une enquête officielle. Puis, le 12 février dernier, l’USS Harry S. Truman a été gravement endommagé après
être entré en
collision avec un navire commercial près de Port-Saïd, en Égypte, à l’extrémité nord du canal de Suez.
Le porte-avions a repris du service après une phase de
réparation dans la baie de Souda, en Grèce pour y être réparé. La marine américaine a refusé de divulguer le coût de ces réparations, ni le montant total des dommages subis par
l’USS Harry S. Truman lors de la collision. Aucune précision n’a non plus été donnée quant à la nécessité de réparations supplémentaires. Toutefois, l’accident a apparemment été considéré
comme si catastrophique au Pentagone que le commandant du porte-avions, Dave Snowden, a été démis de ses
fonctions le 20 février «faute de confiance en
sa capacité à commander».
Ces développements humiliants ont été complètement ignorés par les médias. Dans le même temps, cependant, les médias grand public se sont livrés à un effort
concerté pour réhabiliter l’opération Prosperity Guardian, la tentative embarrassante et
ratée de l’administration Biden de briser Ansarullah et de mettre fin au blocus légitime de la mer Rouge par le groupe de Résistance. Lancée à grand renfort
de battage médiatique après le déclenchement du génocide de Gaza, une importante flottille américaine menée par l’USS Eisenhower a passé neuf mois à se faire pilonner sans
relâche par les drones et les missiles d’Ansarullah, avant de rentrer précipitamment aux États-Unis.
«Les systèmes
défensifs»
Tout au long de l’opération Prosperity Guardian, des responsables militaires et des services du renseignement américains, actuels et anciens, ont exprimé
leur inquiétude face à l’énorme «coût supplémentaire» lié à la lutte contre Ansarullah. La marine américaine a gaspillé au quotidien d’innombrables missiles coûteux, difficiles à
remplacer qui ont coûté des centaines de milliers, voire des millions de dollars, pour abattre les drones à bas coût du groupe de la Résistance. Comme l’a déclaré avec amertume Mick
Mulroy, ancien responsable du département de la Défense et agent de la CIA, à Politico :
«[Cela] devient vite
un problème, car même s’il nous arrive d’abattre leurs missiles et leurs drones, c’est le Yémen qui domine… Nous, les États-Unis, devons nous mettre en quête de systèmes capables de les
neutraliser qui soient plus en adéquation avec les coûts engagés par le Yémen engage pour nous attaquer».
Rien n’indique que cette «compensation des coûts» ait été corrigée lorsque l’opération Prosperity Guardian a pris fin en juillet 2024. Les
chiffres officiels de
la marine américaine sur cette opération «sans précédent»
indiquent que le groupe aéronaval dirigé par l’USS Eisenhower a tiré au total 155 missiles standard et 135 missiles de croisière Tomahawk, tandis que les avions de chasse et les
hélicoptères d’escorte ont «utilisé près de 60
missiles air-air et largué 420 engins air-sol», soit 770
munitions au total, au cours de ce conflit qui a duré neuf mois.
Une analyse
indépendante suggère que ces chiffres sont probablement encore plus élevés. De plus, la marine américaine n’a pas fourni le détail des coûts liés à l’opération Prosperity
Guardian. Même en se fiant aux chiffres officiels, un seul Tomahawk coûte environ 1,89 million de dollars, soit un coût total de 255 150 000 dollars pour les 135 missiles tirés. On se
demande également en quoi cet arsenal incroyablement coûteux a protégé l’USS Eisenhower d’une attaque directe d’Ansarullah.
En février 2024, un
missile de croisière tiré depuis le Yémen est passé au travers de plusieurs niveaux de défense du porte-avions et a failli le toucher, obligeant l’USS Eisenhower à utiliser le système de
défense rapprochée Phalanx, sa «dernière ligne de défense». Il s’agissait de la toute première utilisation officielle de ce système au combat. Puis, en juin de la même année, l’USS
Eisenhower s’est
inexplicablement retiré de sa zone d’opération en mer Rouge à vive allure, immédiatement après qu’Ansarullah a annoncé avoir réussi à frapper le porte-avions.
Comme Al-Mayadeenl’a
rapporté à l’époque, plusieurs médias occidentaux ont dressé un tableau alarmant de l’opération Prosperity Guardian, au lendemain de l’attaque. Associated
Pressa
révélé que les marins et les pilotes participant à l’opération ont jugé l’expérience «traumatisante»,
car ils «n’étaient pas
habitués à être pris pour cible». Beaucoup ont frôlé la mort à plusieurs reprises, à quelques secondes seulement d’être touchés par des «missiles lancés par
les Houthis», avant d’être détruits «par les systèmes de
défense de leur navire». Le Pentagone a donc envisagé de fournir «des conseils et un
suivi psychologique» à des milliers d’employés de la marine américaine souffrant de «stress
post-traumatique», ainsi qu’à leurs familles.
«Fonds
supplémentaires»
Avance rapide jusqu’en février 2025, où Business
Insider publie un article
curieux affirmant, s’appuyant sur des documents obtenus en exclusivité, que la marine américaine aurait en fait réussi à «repousser» le
blitzkrieg d’Ansarullah en mer Rouge tout au long de l’opération Prosperity Guardian, «sans tirer un seul
coup de feu». Les méthodes et les armes «non définies» et
«non
spécifiées» d’un type «non cinétique»
auraient été «utilisées avec
succès» pour protéger «les navires de guerre
de la marine et de la coalition ainsi que les navires commerciaux». Ce qui contredit bien sûr tout ce que les médias grand public ont rapporté jusqu’alors sur cette débâcle.
Avec le recul, cependant, l’utilité propagandiste de cet article est évidente. Il a servi à blanchir les performances de la marine américaine dans sa guerre
contre le Yémen, à un moment où l’administration Trump s’apprête à relancer les hostilités contre Ansarullah. C’est ainsi que le 15 mars, les frappes aériennes américaines ont recommencé
à pleuvoir sur
Sanaa, tandis que la force aéronavale menée par l’USS Harry S. Truman faisait une entrée remarquée en mer Rouge. Les responsables américains ont beaucoup parlé des nouvelles attaques que
les États-Unis allaient mener «sine die», et
Trump s’est
vanté que le mouvement Ansarullah a été «anéanti» par les
frappes américaines.
La perte d’un avion de combat F/A-18E le 28 avril à la suite d’attaques yéménites démontre toutefois que ces vantardises sont totalement infondées.
Entre-temps, le 4 avril,
le New
York Times a rapporté que des responsables du Pentagone ont brièvement déclaré «en privé» que l’agressivité de Trump est inefficace contre Ansarullah, tout en coûtant plus d’un
milliard de dollars à ce jour. Cette déclaration implique non seulement que des «fonds supplémentaires» devront être obtenus du Congrès pour financer l’opération, mais aussi que de
sérieux doutes subsistent quant à la disponibilité à long terme du matériel militaire :
«La quantité de
munitions de précision utilisées, en particulier les munitions longue portée sophistiquées est telle que certains responsables de la planification d’urgence du Pentagone s’inquiètent de
l’état des stocks de la marine et des implications pour toute situation où les États-Unis devraient repousser une tentative d’invasion de Taïwan par la Chine».
Le New York
Times a également noté que l’administration Trump n’a fourni aucune explication sur «les raisons qui la
poussent à croire que sa campagne contre [Ansarullah] sera couronnée de succès». Près d’un mois plus tard, ce point capital demeure flou. On peut donc supposer que l’intérêt
médiatique suscité par les récents déboires de l’USS Harry S. Truman traduit la détermination du Pentagone à mettre fin aux nouvelles hostilités de Washington contre le Yémen avant
qu’Ansarullah n’inflige une nouvelle défaite historique à l’empire américain.
«Une lutte entre le bien et le mal» :
le porte-parole des Houthis répond aux questions de Max Blumenthal.
Max Blumenthal, de The Grayzone,
s’entretient avec Mohammed Al-Bukhaiti, haut responsable politique et porte-parole d’Ansarullah (le mouvement houthi), sur la confrontation directe du Yémen avec une machine militaire
américaine qui s’acharne à détruire sa capacité à résister à Israël. Dans cette troisième conversation entre The
Grayzone et Bukhaiti, le porte-parole d’Ansarullah explique pourquoi il pense que la guerre de son mouvement contre l’axe américano-israélien est différente de tous les conflits
qui l’ont précédée, et pourquoi il pense que le Yémen est engagé dans une bataille juste malgré le terrible tribut payé par ses civils.
Blumenthal : Mohammad
al-Bukhaiti, bienvenue dans The Grayzone, Et merci. (…) Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, déclare que l’armée américaine attaque le territoire yéménite contrôlé par
Ansarullah plus profondément et plus durement que jamais et que les attaques américaines ne s’arrêteront pas tant que vous n’aurez pas été vaincus. Quels dommages les attaques américaines
ont-elles réellement causés à l’infrastructure militaire d’Ansarullah et comment évaluez-vous l’efficacité de la campagne militaire américaine ?
Al-Bukhaiti : Au nom de
Dieu Tout-Puissant. Les États-Unis n’ont pas réussi à mettre fin à nos opérations militaires en faveur de Gaza. Notre blocus naval contre l’entité sioniste reste fermement en place. En
réponse, les États-Unis ont commencé à cibler les infrastructures civiles et à étendre leurs frappes aux zones déjà dévastées depuis la guerre de 2015, mais cela ne nous est pas étranger.
Les attaques américaines ne nous ont pas découragés. Nous avons maintenu le blocus de la mer Rouge et étendu notre portée militaire jusqu’à l’intérieur de l’entité sioniste. Pendant 10
ans, nous avons vécu sous les frappes américaines, nous avons enduré, nous nous sommes adaptés. Les bombes américaines, les jets américains et les armes américaines ne sont pas nouveaux
pour nous.
Blumenthal : Cette
semaine, l’armée américaine a attaqué le port d’Irasa, tuant de nombreux travailleurs portuaires et en blessant beaucoup d’autres. Comment l’attaque de ce port civil, un port de
ravitaillement, affecte-t-elle la vie des Yéménites ordinaires et … hum… que pensez-vous de ce que le fait de cibler le port révèle sur la stratégie américaine au Yémen ?
Al-Bukhaiti : Au début
de la campagne militaire américaine au Yémen, les responsables américains ont affirmé qu’ils ne visaient pas le peuple yéménite, mais plutôt le mouvement légal et ses capacités
militaires. Pourtant, il y a deux jours à peine, les États-Unis ont lancé une attaque sur le port civil d’Isa, le détruisant complètement et incinérant des dizaines de pétroliers
appartenant au peuple yéménite. Cette attaque irresponsable a tué plus de 100 travailleurs et membres d’équipage des pétroliers et en a blessé des centaines d’autres. Cet acte met à nu
les mensonges de l’administration américaine. Il est désormais indéniable qu’ils prennent délibérément pour cible les infrastructures civiles et les civils yéménites. Ces actions ont
révélé l’intention criminelle qui sous-tend les opérations américaines, non pas pour défendre la paix, mais pour protéger les auteurs du génocide et réduire au silence ceux qui, au Yémen,
osent s’y opposer.
Blumenthal : Cette
semaine, les dirigeants saoudiens [M.B.S., NdT] ont rencontré le général iranien Mohammed … euh… Mohammed Bagheri, pour discuter de la coopération et de la réduction des tensions entre
ces ennemis historiques…. Pensez-vous que les Saoudiens soutiendraient une invasion terrestre contre Ansarullah ?… Est-ce que les Émirats le feraient ? Et qui se battrait sur le terrain
contre vous, quelles forces les États-Unis enverraient-ils à leur place ?
Al-Bukhaiti : Les
Américains souhaitent que les mercenaires saoudiens, émiratis et yéménites soient lancés contre nous et, bien entendu, les Saoudiens et les Émirats arabes unis souhaitent se joindre aux
États-Unis dans l’invasion du Yémen. Mais il y a aussi beaucoup d’hésitations : les États-Unis hésitent parce qu’ils craignent de perdre certaines de leurs cartes dans la région au Yémen
; les Saoudiens et les Émiratis hésitent également parce qu’ils craignent que nous prenions pour cibles leurs champs pétroliers et gaziers, leurs aéroports et d’autres installations,
s’ils se joignent à l’invasion de notre pays ; même les mercenaires yéménites du sud du Yémen hésitent parce qu’ils savent que s’ils déclenchent une guerre, la population de tous les
coins du Yémen, au sud comme au nord, se mobilisera contre eux, car ils seront considérés comme jouant le rôle de défenseurs de l’entité sioniste et de mercenaires des États-Unis. On peut
donc constater que ces parties souhaitent clairement une guerre terrestre, mais qu’il existe également une certaine appréhension. Toutefois, si les échecs militaires américains au Yémen
se poursuivent, nous nous attendons à ce que les Saoudiens et les Émiratis se retournent contre nous et à ce que la guerre régionale ou nationale soit lancée de notre côté. Nous avons
envoyé un message clair aux dirigeants saoudiens et émiratis : tout déplacement de mercenaires yéménites au Yémen donnera lieu à une riposte militaire. En Arabie saoudite et aux Émirats
arabes unis, nous connaissons les mercenaires associés aux Saoudiens et aux Émiratis. Si ces mercenaires sont déplacés par leurs commanditaires dans le Golfe, la riposte se déroulera dans
les terres saoudiennes et émiraties et visera des infrastructures vitales, qu’il s’agisse de champs pétroliers et gaziers, de centrales électriques, de raffineries de pétrole ou même
d’aéroports et de ports.
Blumenthal : Le
secrétaire à la Défense Pete Hegseth a récemment déclaré sur Fox
News qu’à partir du moment où vous, les Houthis, cesseriez de tirer sur les navires américains, la campagne militaire américaine prendrait fin… Euh… Quelle est la vérité, là ?
Ansarullah a-t-il tiré sur des navires américains après que le cessez-le-feu ait été déclaré à Gaza en janvier dernier ?
Al-Bukhaiti : L’assaut
américain contre le Yémen se poursuit depuis 2004. Tout d’abord, par le biais de groupes de mercenaires internes au Yémen, au cours de six guerres, puis, à partir de 2015, en utilisant
leurs outils régionaux comme l’Arabie saoudite, les Émirats et quelques autres pays arabes. Toutes ces guerres et le blocus brutal ont été dirigés par les États-Unis et déclenchés pour
servir les intérêts israéliens et américains. Nous n’avons jamais engagé d’action directement contre les États-Unis, même si nous savions qu’ils étaient derrière toutes ces guerres et ces
horreurs. Nous n’avons jamais envisagé de prendre les États-Unis pour cible jusqu’à ce qu’ils commencent à prendre pour cible nos forces navales engagées dans le blocus contre l’entité
sioniste. Ce premier ciblage a entraîné le martyre de 22 de nos soldats. Ce n’est qu’après cet incident que nous avons commencé à viser les navires et les intérêts navals américains, et
nous avons bien sûr cessé toutes nos opérations contre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’entité sioniste lorsque l’accord de cessez-le-feu a été conclu à Gaza.
Cependant, l’entité sioniste a refusé de respecter les termes du cessez-le-feu. Ils ont continué à affamer la population de Gaza et ont poursuivi les
opérations militaires et les massacres de masse dans cette région. Lors de ce dernier round, nos opérations militaires n’ont visé que les navires israéliens et non les navires militaires
ou civils américains. Nous n’avons pas visé les États-Unis avant que Trump n’ait lancé des bombardements sur le Yémen. Par conséquent, toutes nos opérations militaires ont été défensives.
Le monde doit comprendre que nous ne considérons la guerre comme une réponse légitime que dans deux cas : en cas d’autodéfense et lorsque nous défendons les opprimés, quelles que soient
leur religion, leur nationalité ou leur race. Nous ne croyons peut-être même pas à la guerre préventive : n’importe qui peut vérifier nos antécédents et confirmer qu’il s’agit bien là de
nos principes. Par exemple, nous savons que les Saoudiens et les Émiratis préparent leurs mercenaires au Yémen pour faire exploser les fronts internes du pays. Pourtant, nous ne
recourrons pas à une action préventive, quels qu’en soient les avantages stratégiques éventuels. Le terroriste est celui qui commet des massacres et des génocides, celui qui bloque sous
embargo des millions de personnes et assassine des femmes et des enfants. Celui qui défend ces victimes n’est pas un terroriste, et toutes les accusations américaines prétendant que nous
avons déclenché une guerre ou frappé leurs navires en premier sont fausses. Dès que les États-Unis cesseront leur agression contre le Yémen, nous cesserons nos opérations contre eux et
nous contenterons de poursuivre nos opérations contre l’entité sioniste pour soutenir notre peuple en Palestine.
Blumenthal : Ansarullah
a abattu 20 drones américains MK9 Reaper depuis le début de la campagne militaire US, le 7 octobre 2023. Vous tirez aussi, régulièrement, des missiles balistiques sur Israël. Comment
votre armée peut-elle effectuer et poursuivre de telles opérations, alors que le Yémen est en état de siège et qu’il fait l’objet de bombardements continuels et d’une surveillance
permanente de la part des États-Unis ?
Al-Bukhaiti : Pendant
près de dix ans, le peuple yéménite a dû endurer des jets saoudiens Am I, des drones et des hélicoptères Apache. À l’époque, nous ne possédions aucune défense aérienne. C’est pourquoi ils
avaient fortement recours au soutien aérien. Pendant cette période, nous avons donc commencé à développer nos capacités de défense aérienne et à abattre des hélicoptères Apache, puis nous
avons progressé et commencé à abattre des drones et même, une fois, un avion à réaction saoudien F-15. Tout ce que nous avons utilisé était de fabrication nationale. Après tout, comme dit
le proverbe, nécessité est mère de l’inventivité. Le blocus et l’agression que nous avons subis pendant dix ans nous ont forcés à nous adapter et à devenir autonomes. Nous avons développé
massivement nos armes de défense aérienne. Même Trump a dû admettre, dans ses déclarations, que le Yémen était allé loin en termes de développement militaire interne. Il a fait cette
déclaration sur base de renseignements certifiés qui lui ont été fournis. Nous en sommes fiers. Nous ne nous préoccupons pas de savoir d’où les États-Unis, les Saoudiens, les Émiratis ou
les Yéménites mercenaires tirent leurs armes. Notre problème est de savoir où ces gens utilisent leurs armes et s’ils les utilisent pour commettre des actes immoraux de massacre, de
génocide, de meurtre de femmes et d’enfants. En revanche, ceux qui utilisent leurs armes pour protéger les victimes et les opprimés sont vraiment nobles.
Blumenthal : Les
États-Unis et leurs alliés dans le Golfe disent qu’Ansarullah est une organisation soutenue par l’Iran et que l’Iran est responsable de toutes vos actions… Quelle est l’importance du
soutien iranien à Ansarullah, en particulier dans cette guerre, et dans quelle mesure votre gouvernement est-il indépendant de l’influence ou du contrôle iranien ?
Al-Bukhaiti : Ce qui
nous lie à l’Iran est une cause juste pour la libération de la Palestine. À l’inverse, ce qui lie les États-Unis à leurs alliés régionaux est une cause injuste, qui consiste à maintenir
l’occupation, l’exil et le nettoyage ethnique des Palestiniens, une cause injuste qui a privé les Palestiniens de leur droit à vivre sur leurs propres terres. C’est pourquoi notre
alliance avec l’Iran est une alliance morale, éthique et humanitaire. L’objectif final de cette alliance est de soutenir notre peuple opprimé en Palestine. Quant à notre décision, elle
est totalement indépendante. Tout le monde l’a confirmé : lorsque nous avons pris l’initiative de soutenir Gaza par notre blocus militaire sans le soutien d’aucun autre pays de l’Axe de
la Résistance, nous avons pris la tête de l’action, quoi que nos capacités militaires et financières soient limitées, par rapport à celles de certains de ces autres pays, en particulier
l’Iran.
Blumenthal : Ces
derniers mois, nous avons assisté à la destruction de l’État syrien par le biais d’un changement de régime et nous assistons aujourd’hui à des discussions sur l’intégration du Hezbollah
dans les forces armées libanaises après qu’il ait subi de nombreuses pertes dans sa guerre contre Israël. L’Axe de la Résistance n’existe-t-il plus ou entre-t-il dans une nouvelle phase
…euh …Quelque chose de nouveau va-t-il prendre sa place ?
Al-Bukhaiti : Les
États-Unis ont réussi à neutraliser la Syrie, dans l’avenir immédiat, grâce au soutien de leurs alliés dans la région ; en particulier la Turquie. Ils ont capitalisé sur le fait que l’Axe
de la Résistance était surtout préoccupé par l’entité sioniste, et les États-Unis ont profité de l’occasion pour bouleverser dramatiquement la Syrie. Pour ce qui est de l’affaiblissement
du Hezbollah, il est temporaire. Tous les Libanais découvriront bientôt qu’il est la seule force capable de protéger la souveraineté du pays et, en fait, la seule force capable de libérer
les zones occupées par l’entité sioniste dans le sud. Le peuple libanais se souvient encore de la façon dont le Hezbollah a libéré le Liban et a conduit à un règlement politique en faveur
du Liban. Si le Hezbollah rend ses armes, le Liban perdra sa souveraineté et sera mis à sac par l’entité sioniste, exactement comme cela se passe actuellement en Syrie. Il est donc
hautement improbable, voire impossible, que le Hezbollah dépose les armes. (…)
Blumenthal : Ces
derniers jours, les médias américains ont beaucoup parlé d’une attaque israélienne contre l’Iran, soutenue par les États-Unis, et de nombreuses pressions sont exercées sur le président
pour qu’il autorise une telle attaque. Quelle serait la réponse d’Ansarullah à une attaque contre l’Iran, et comment envisagez-vous la réponse de l’Iran à une telle action ?
Al-Bukhaiti : Nous
sommes déjà en état de guerre directe avec les États-Unis et l’entité sioniste. S’ils décident d’attaquer l’Iran, cela signifie que le champ de bataille s’étendra à d’autres pays tels que
l’Irak et d’autres pays du Golfe. Cela allègera alors le fardeau du Yémen et lui permettra de porter un grand nombre de coups, à la fois contre les États-Unis et l’entité sioniste ou tout
autre pays qui les soutiendrait. Si le champ de bataille s’élargit, notre fardeau s’en trouvera indubitablement allégé. Cela renforcerait également notre collaboration avec l’Iran et tous
les autres pays de l’Axe de la Résistance qui pourraient se joindre plus largement à la lutte. Nous affirmons que nous soutiendrons tout pays, arabe ou islamique, visé par l’entité
sioniste ou l’agression américaine. La seule condition que nous y mettons est qu’ils s’engagent à se défendre avec ce qu’ils ont. Aujourd’hui, la Syrie, par exemple, est piétinée par
l’entité sioniste sans riposter d’aucune manière. Si le champ de bataille devait s’étendre, d’autres pays arabes pourraient être pris pour cible. S’ils ne rendent pas les coups, nous ne
les soutiendrons pas. Le Yémen ne soutiendra l’Égypte, la Jordanie, la Syrie ou le Liban que s’ils décident de riposter.
Blumenthal : Vos
adversaires dans la région du Golfe… en Arabie saoudite, dans les Émirats, disent que vous avez apporté la destruction, la pauvreté et la ruine au peuple yéménite au nom de l’aventurisme…
dans une tentative de sauver le peuple palestinien de l’une des armées les plus puissantes du monde, et qu’il vaudrait mieux que vous acceptiez la réalité et que vous travailliez à la
prospérité de votre propre peuple, au lieu de vous battre pour des gens ailleurs… Quelle est votre réponse à cela et… pour quoi Ansarullah continue-t-il à se battre ?
Al-Bukhaiti : Le Yémen
est victime de la politique américaine depuis 1978. À l’époque, les États-Unis, en collaboration avec la monarchie saoudienne, ont renversé le gouvernement d’Ibrahim Al Hamdi. Ils l’ont
assassiné, ainsi que son frère et de nombreux dirigeants de son gouvernement. Al Hamdi était le meilleur dirigeant de l’histoire du Yémen et ils l’ont remplacé par le pire dirigeant de
l’histoire du Yémen, Ali Abdallah Saleh. Cette intervention a entraîné la destruction de l’économie du Yémen. Ils ont suscité de nombreuses guerres civiles et répandu le chaos. Les
États-Unis nous ont encore une fois déclaré directement la guerre, à partir de 2004, par l’intermédiaire de leurs mandataires locaux et régionaux. Par conséquent, le Yémen a été victime
de l’impérialisme US, tout comme d’autres pays arabes, africains, sud-américains ou d’Asie de l’Est ont été eux aussi victimes de l’impérialisme américain.
La raison pour laquelle les États-Unis ont été capables de faire de tels ravages dans le monde est que, pendant longtemps, les nations du monde ont laissé
l’empire américain détruire unilatéralement ces pays un par un, sans juger bon d’intervenir. Aujourd’hui, en raison de notre expérience de l’impérialisme américain, nous ne permettons pas
aux États-Unis d’opprimer isolément n’importe quel pays du monde, en particulier les pays pauvres et faibles. D’autre part, étant donné que nous vivons à l’ère de l’information et des
réseaux sociaux, tout le monde peut comprendre que la cause palestinienne est juste. Il existe des lois claires qui sont censées protéger les droits de l’homme actuellement violés en
Palestine, alors comment le sionisme mondial peut-il, à notre époque, priver comme si de rien n’était le peuple palestinien de ses droits et de sa terre ? Ils escamotent le problème en
accusant d’antisémitisme tous les Occidentaux qui osent défendre les Palestiniens. De même, dans le monde musulman, toute voix ou action en faveur de la Palestine est immédiatement
stigmatisée et associée à l’Iran diabolisé. Et tout pays qui soutient la Palestine est pris pour cible et potentiellement détruit. Ils espèrent ainsi faire passer le message que s’opposer
à l’entité sioniste conduira immanquablement à la défaite et à misère.
Pour notre part, nous proclamons haut et fort que nous sommes fiers d’être des cibles des États-Unis et de l’entité sioniste. Il convient également de
préciser que les intérêts économiques des États-Unis sont étroitement liés à leur état de guerre perpétuel au Moyen-Orient. Chaque nouvelle guerre leur permet de vendre des armes et
d’extorquer aux monarchies arabes et pétrolières de l’argent pour leur protection. Cette politique étrangère mafieuse est immorale. Pourtant, cette politique hautement immorale a pu
contaminer tous les pays, car personne ne s’est opposé à l’empire américain jusqu’à présent. C’est pourquoi la décision du Yémen de résister est une décision vertueuse, qui n’aidera pas
seulement la Palestine mais tous les autres pays qui souffrent de la bête de l’impérialisme américain, une bête qui ne se soucie pas des souffrances qu’elle impose au monde, tant que ses
intérêts sont maintenus.
Blumenthal : Et pour
finir… Ansarullah a récemment accueilli un certain nombre d’invités internationaux à l’occasion de votre conférence sur la Palestine, notamment les Américains Jackson Hinkle et Chris
Halali, ainsi que plusieurs citoyens européens, dont les ex-parlementaires UE Claire Daly et Mick Wallace, le journaliste Pepe Escobar et le journaliste Steve Sweeney. Cela a suscité
beaucoup d’attention. Quel était le message que vous essayiez d’envoyer au monde en accueillant ces personnalités occidentales et, aujourd’hui, quel est votre message aux Américains,
tandis que leur gouvernement vous attaque au motif que vous êtes des terroristes ?
Al-Bukhaiti : La guerre
que mène le peuple yéménite est unique. Elle n’a pas de précédent historique. Il s’agit d’une bataille entre le bien et le mal, le noir et le blanc. Les crimes de masse et les génocides
se déroulent en direct pour que tout le monde puisse les voir, il est donc indéniable que la guerre que nous menons est une guerre morale que tous les peuples libres du monde doivent
soutenir et, tout comme il y a des mercenaires yéménites qui soutiennent les États-Unis et l’entité sioniste, il y a des Américains libres qui soutiennent à juste titre le peuple yéménite
dans sa résistance. Après tout, la guerre que mène le peuple yéménite a franchi toutes les frontières religieuses et raciales pour devenir une pure bataille entre le bien et le mal. Il
est donc naturel que de nombreux Occidentaux sympathisent avec notre position, et nous répétons que nous ne nous considérons pas en état de guerre contre le peuple américain, mais plutôt
contre l’élite sioniste au pouvoir à Washington, qui a provoqué des désastres et des misères dans de nombreuses nations, et des privations pour le peuple américain lui-même. C’est
particulièrement vrai pour les militaires américains qui sont morts dans l’exercice de leurs fonctions dans des guerres futiles et insensées comme l’invasion de l’Irak. C’est pourquoi le
Yémen accueille tous les peuples libres du monde, car notre combat est une question de moralité et, pour parvenir à la paix, à la justice et à la stabilité à l’échelle mondiale, nous
devons construire un nouvel ordre mondial fondé sur les principes de la justice. Ce noble objectif ne peut être réalisé sans sacrifices et surtout sans la solidarité entre les peuples
libres du monde et les victimes de la politique étrangère américaine dans des pays comme la Russie, la Chine, l’Iran et au-delà.
Blumenthal : Mohammed
al-Bukhaiti, haut responsable politique et porte-parole du mouvement Ansarullah, merci de nous avoir encore une fois rejoints sur The
Grayzone.
Un rapport publié par le site américain The
Intercept révèle que l’administration du président américain Donald Trump dissimule le nombre de victimes américaines dans la guerre au Yémen, qui s’est intensifiée ces
derniers mois avec l’opération militaire «Rough Rider», lancée en mars dernier.
Bien que l’administration américaine «se vante publiquement
des détails des frappes qu’elle mène», selon le rapport, «elle refuse de
divulguer le nombre de soldats américains tués ou blessés à la suite de ces opérations».
Le site ajoute que ce comportement «constitue une
dissimulation sans précédent dans l’histoire des opérations militaires américaines et a incité les membres du Congrès à exiger des comptes et de la transparence».
Dans ce contexte, le représentant démocrate Ro Khanna a déclaré à The
Intercept que «l’administration doit
faire preuve de transparence sur le nombre de victimes américaines résultant des attaques au Yémen».
Il a ajouté : «Je m’efforce
également de tenir l’administration responsable des frappes non autorisées au Yémen».
Malgré la gravité des opérations, «le nombre de victimes
américaines demeure secret, le Commandement central américain, le Pentagone et la Maison-Blanche ayant tous refusé de fournir des chiffres, se rejetant mutuellement la responsabilité et
esquivant les réponses».
Lors d’un incident très médiatisé cette semaine, un avion de chasse F/A-18 Super Hornet s’est écrasé du porte-avions américain USS Harry S. Truman dans la
mer Rouge lors d’une manœuvre brusque pour éviter une attaque yéménite, blessant un marin et perdant l’appareil, estimé à environ 60 millions de dollars.
La représentante démocrate Pramila Jayapal a qualifié l’incident de «tragique»,
déclarant : «Ni ce soldat ni aucun
autre n’aurait dû être en danger. Les frappes de Trump au Yémen sont inconstitutionnelles, et le Congrès devrait trancher».
Commentant l’ambiguïté entourant le bilan des victimes, Eric Sperling, de Just Foreign
Policy, a déclaré que le black-out médiatique «vise à occulter le
coût humain d’une guerre constitutionnellement interdite».
Sperling a ajouté : «Les responsables
espèrent que mener une guerre aérienne sans mandat constitutionnel du Congrès permettra au public de rester inconscient des conséquences dévastatrices de leur guerre».
Le Pentagone reconnaît que les forces américaines «font face à une
menace réelle liée aux attaques au Yémen». Son porte-parole en chef, Sean Parnell, a déclaré en mars : «Ils menacent nos
troupes à l’étranger», soulignant que le Yémen «tirait sur des
soldats américains dans la région et visait des navires américains, mettant en danger des vies américaines».
Cependant, le Pentagone n’a fourni aucune statistique sur le nombre de personnes exposées à ces menaces. «Il semble que le
département ignore même le nombre de soldats américains tués ou blessés lors d’attaques au Yémen», a déclaré un porte-parole, précisant que «ces chiffres ne sont
suivis qu’au niveau du commandement des combattants», selon le site web.
Les Yéménites ont bouleversé
l’échiquier occidentalo-sioniste en introduisant des propositions sensées et judicieuses de façon telle qu’ils ont obligé les Anglo-Saxons à répondre par l’incohérence et l’absurdité,
mettant ainsi à nu leur cynisme. Que peuvent-ils opposer comme contre-argument à ceux qui prônent la justice et l’arrêt d’un génocide ? Beaucoup d’analystes y voient les prémisses
d’une déchéance occidentale !
Le Yémen : Un petit pays, une
grande humanité
On s’étonne qu’un petit pays défie la puissance US en devenant un véritable casse-tête. Ce n’est pas nouveau au regard de leurs échecs passés
contre des pays dits «faibles». C’est devenu presque une règle : Plus on est fort technologiquement, militairement – mais atteint du syndrome d’Hubris – plus on perd le sens de
la mesure, plus on est vulnérable face à un adversaire, qui n’a pas ces atouts, mais répond par des tactiques décisives jusqu’à vous épuiser ! Quelques actions vigoureuses du faible
peuvent mettre le puissant dans une humeur d’échec affligeante. «Quand la force
occupe le chemin, le faible entre dans la brousse avec son bon droit» (proverbe africain). Pour Pierre Perret «on a souvent
besoin d’un plus petit que soi… pour lui casser la gueule».
Même «l’alliance» composée de supposés 10 membres (dont le Bahreïn) pilotée par les États-Unis ne sera pas d’un grand secours, car elle vise à impliquer
des pays dans un engrenage belliqueux, qui profite exclusivement à cette entité sioniste et aux USA. Cette «coalition» est clairement une tromperie et non une
coopération se limitant aux «patrouilles et
renseignements» pour «sauvegarder le
commerce maritime international» ; manœuvre parfaitement saisie par les sept autres pays occidentaux. Le monde sait parfaitement que la plupart des navires passent
librement, sauf ceux venant en aide aux sionistes ! Il sait aussi que les actions yéménites sont raisonnables puisqu’ils défendent le droit des opprimés !
Seuls les USA et le Royaume-Uni, en leur qualité de «représentants de
la communauté internationale» ont pris l’initiative d’attaquer le Yémen pour satisfaire le régime israélien, en plus du soutien militaire au milieu du génocide à Gaza,
sans avoir été provoqués, pour le contraindre d’arrêter ses actions en mer rouge contre les intérêts israéliens.
Les Houthis ont prévenu, maintes fois, qu’ils vont riposter à toute attaque sur leur territoire en visant tous les navires de guerre ennemis par
l’utilisation des missiles balistiques. Mais à qui parle-t-on ?
Ces attaques décidées unilatéralement pour venir en aide à une entité colonialiste, raciste et génocidaire, sont
une offense, un pied de nez, un doigt d’honneur à la morale, au droit et au reste des peuples !
Le Yémen fait partie de l’axe vers lequel convergence le commerce international venant de Chine, de l’Inde, de Russie, de l’Iran et autres. Même les
câbles Internet mondiaux qui traversent le détroit de Bab el-Mandeb sont à leur portée.
Réactions Houthis
Les conséquences sont annoncées, par le vice-ministre des Affaires étrangères, Hussein al-Ezzi, ainsi : «Washington et
Londres doivent se préparer à payer un lourd tribut. Notre pays a subi des frappes aériennes, navales et sous-marines sournoises et massives. Il ne fait aucun doute que ces attaques
leur coûteront cher», tout en insistant qu’il s’agit d’une «coalition
américano-britannique» strictement.
La riposte commence déjà si l’on se fie aux déclarations des responsables yéménites qui ne cessent pourtant de rappeler et de prouver que leurs actions
ne visent que les navires à destination de leurs ports afin de leur infliger des pertes suffisamment sérieuses pour les dissuader à poursuivre le génocide et le blocus en nourriture
et médicaments à Gaza.
Le numéro un d’Ansarullah a expliqué que la position yéménite consistant à empêcher le passage des navires se dirigeant vers la Palestine occupée est
«une
position efficace et a infligé de grandes pertes à l’économie de l’ennemi», rassurant toutefois les autres navires en disant : «Il n’y a aucun
problème pour ces navires, car ceux qui sont visés sont les navires exclusivement associés à Israël».
Mohammed Abdel-Salam, porte-parole des Houthis, a
réagi ainsi : «La coalition
formée par les États-Unis vise à protéger Israël et à militariser la mer sans aucune justification … Nos opérations visent à soutenir le peuple palestinien face à l’agression
israélienne … et ne constituent pas une démonstration de force … Comme l’Amérique s’est autorisée à soutenir Israël … nous avons également le droit de soutenir la Palestine. Quiconque
cherche à étendre le conflit doit assumer les conséquences de ses actes».
Mohammed al-Bakhiti, membre du Bureau politique du mouvement yéménite a déclaré que les États-Unis et la Grande-Bretagne «ont commis une
erreur en faisant la guerre au Yémen et n’ont pas profité de leurs expériences antérieures …ils se rendront
bientôt compte qu’une agression directe … est la plus grande folie de leur histoire».
Réactions arabes et
autres
Les réactions arabes et dans le monde sont unanimes pour condamner rigoureusement les bombardements illégaux
anglo-américains qui ne répondent à aucune légitimité : Sans être agressés, sans mandat de l’ONU, contre un Yémen qui défend un droit reconnu par les lois
internationales, en conformité avec la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide !
L’Arabie saoudite, pays pivot, n’est pas intéressée par cette «coalition» qui peut l’entraîner dans un conflit dont les intérêts ne sont pas les
siens ! Elle connaît bien les effets d’une guerre avec le Yémen pour l’avoir expérimentée. C’était cette ingérence qui était à l’origine de l’enfer yéménite et syrien ! Les
choses ont bien changé depuis en Arabie saoudite de façon d’ailleurs radicale et les manigances actuelles des américano-sionistes, pour en faire à nouveau un proxy, sont un échec. En
plus, ce royaume est en passe de devenir avec l’Iran (tous deux réconciliés par la Chine) une force qui compte dans le bloc BRICS+. Il reste ce chantage anglo-saxon, comme épée
Damoclès, que les monarchies du Golfe doivent surmonter pour ne pas voir leurs avoirs en dollars confisqués ; meilleur moyen d’accélérer la
dédollarisation.
Les autres États arabes n’ont pas rejoint cette coalition, car cela serait perçu par leur peuple comme un soutien au génocide qui peut être source de
déstabilisation ! Ils condamnent ce couple agresseur et Israël tout en observant leur entrée dans les engrenages en laissant les divers groupes de résistants insaisissables les
harceler. Pourquoi chercher à affronter inutilement un ennemi quand on le voit déjà s’enliser lui-même dans un conflit qu’il ne maîtrise pas. Si la situation perdure, il est fort
possible que les pays arabo-musulmans prennent les mesures dissuasives qui donnent matière à réfléchir. Il suffit d’une annonce d’embargo sur l’énergie pour voir les esprits moribonds
s’apaiser.
Le colonel
Corvez, un ancien conseiller du général commandant la Force des Nations unies au Liban (FINUL), ancien conseiller en relations internationales, actuellement conseiller en
stratégie internationale – voit dans ce qui se déroule en Palestine carrément«le
début de la fin d’Israël».
Les Russes perçoivent la déchéance des Atlantistes. Ils connaissent le jeu trouble des USA, du Royaume-Uni et
d’Israël. Ils ne semblent pas pressés de voir la guerre en Ukraine s’arrêter en observant une autre plus délicate au MO. Leurs deux guerres se font à crédit avec une dette brute,
américaine, de plus de 34 000 milliards de dollars et 2000 milliards qui s’ajoutent chaque année. L’estocade a été donnée par le représentant de la Russie auprès de l’ONU, V.
Nebenzia, qui a confirmé, le 1er novembre, qu’Israël n’a «aucun droit à
l’autodéfense en tant qu’État d’occupation… aujourd’hui, en
voyant la destruction horrifiante à Gaza, qui dépasse de loin tout ce qu’ils critiquent dans d’autres contextes régionaux – les frappes contre des installations civiles, la mort de
milliers d’enfants et la souffrance épouvantable des civils au milieu d’un blocus total – ils gardent le silence…»
Conteneurs plus importants que les
massacres
Alors qu’une douzaine de compagnies maritimes ont suspendu leurs opérations en mer Rouge, que les Américains et les Anglais considèrent la protection des conteneurs plus importante que les massacres des Palestiniens, avec cette agression, tous les
bateaux des deux agresseurs sont déclarés officiellement cibles des Houthis. Une agression annoncée, avec culot, comme n’étant pas une volonté d’étendre le conflit, alors qu’ils sont
partie prenante aux côtés d’Israël, sachant l’impossibilité d’une victoire d’Israël quels que soient les moyens et la durée ! Ils ne voient jamais leur chance de regagner la confiance
des États autrement que militairement. Au Moyen Orient, ils leurs faudra se battre «jusqu’au dernier Israélien» (9 millions) ou bien «jusqu’au dernier arabe du Moyen-Orient» (plus de
300 millions).
1% de la population de Gaza a été tuée par Israël ! N’est-ce pas un génocide si l’on applique ce pourcentage par exemple aux USA (plus de 3
millions) ; au Royaume-Uni (plus de 600 000) ; à la France (plus de 600 000) ? Qu’auraient-ils conclu si 100 000 civils israéliens avaient été tués en 3
mois ?
La capacité des Houthis à échapper aux coûteuses défenses aériennes a surpris les USA. Ils s’inquiètent
déjà des coûts élevés que leur causent les Houthis.
Un missile à 2 millions de dollars contre un drone à 2/3 000 dollars ? Même s’ils interceptent tous les missiles et drones, ils seront
perdants ! Exemple : 100 projectiles, coûtant 2/300 mille dollars, à détruire par 100 missiles coûtant 200 millions de dollars ? Sans compter la gestion des navires de
guerre, avec les risques d’en perdre ! «Cela devient
rapidement un problème, car le plus grand bénéfice, même si nous abattons leurs missiles et drones, est en leur faveur», a déclaré Mick Mulroy, ancien responsable et officier de
la CIA.
On dit que qu’Israël veut étendre les hostilités en entrainant les États-Unis. La hantise des USA est de voir une extension qui s’ajoute à celle de
l’Ukraine. Cette crainte s’observe par les déclarations réfutant une extension tout en engageant des provocations «limitées» pour faire croire qu’ils sont capables de le faire. À
notre sens, il s’agit d’un bluff visant à susciter la crainte pour mieux prévenir son extension qu’ils redoutent. Une extension qui sonnera la fin d’Israël. Les menaces officieuses et
théâtrales de l’utilisation de la «bombe», si nécessaire, vont dans le même sens. Il s’agit plus d’une frayeur de ce que les sionistes ne veulent pas voir leur arriver que d’une
volonté.
Terminons par cette curieuse
demande des USA : Washington aurait sollicité Pékin pour peser sur l’Iran afin de faire cesser les attaques Houthis ! Quel culot ! Quelle insolence ! Lambert Strether
répond avec cette ironie «avant de leur
faire la guerre, ou après ?».
Et si Pékin demande aux USA d’ôter la «carte blanche» à Israël pour commettre ses crimes, de ne pas l’aider militairement et de peser sur les
sionistes pour faire cesser le génocide des Gazaouis ?
Comment l’«asabiyya» du Yémen remodèle la géopolitique
Le mot arabe Asabiyya, ou
«solidarité sociale», est un simple slogan en Occident, mais il est pris très au sérieux par les nouveaux concurrents de la planète que sont la Chine, la Russie et l’Iran. C’est
toutefois le Yémen qui l’a généralisé, en sacrifiant tout à la morale collective mondiale pour tenter de mettre fin au génocide à Gaza.
«Lorsqu’il y a un
changement général des conditions,
c’est comme si toute la création avait changé
et que le monde entier était modifié,
comme s’il s’agissait d’une création nouvelle et répétée,
un monde qui naît à nouveau». (Ibn Khaldoun)
Les forces de résistance yéménites Ansarullah ont clairement indiqué, dès le départ, qu’elles avaient mis en place un blocus dans le détroit de Bab
el-Mandeb et dans le sud de la mer Rouge uniquement à l’encontre des navires appartenant à Israël ou destinés à ce pays. Leur seul objectif était et reste d’arrêter le génocide de
Gaza perpétré par la psychopathie
biblique israélienne.
En réponse à l’appel moral à mettre fin à un génocide humain, les États-Unis, maîtres de la guerre mondiale contre le terrorisme, ont, comme on pouvait
s’y attendre, redésigné les Houthis du Yémen comme «organisation terroriste», lancé un bombardement en série des installations militaires souterraines d’Ansarullah (en supposant que
les services de renseignement américains sachent où elles se trouvent) et constitué une mini-coalition de volontaires comprenant leurs vassaux britanniques, canadiens, australiens,
néerlandais et bahreïnis.
Sans perdre de temps, le Parlement du Yémen a déclaré les gouvernements américain et britannique «réseaux
terroristes mondiaux».
Parlons maintenant stratégie.
D’un seul coup, la résistance yéménite s’est emparée de l’avantage stratégique en contrôlant de facto un goulot d’étranglement géoéconomique clé : Bab
el-Mandeb. Elle peut ainsi causer de graves problèmes aux secteurs des chaînes d’approvisionnement, du commerce et de la finance à l’échelle mondiale.
Et Ansarullah a le potentiel de doubler la mise – si nécessaire. Des négociants du golfe Persique ont confirmé, officieusement, que le Yémen pourrait
envisager d’imposer un «triangle d’Al-Aqsa», du nom de l’opération de résistance palestinienne du 7 octobre qui visait à détruire la division militaire israélienne de Gaza et à
capturer des prisonniers dans le cadre d’un vaste accord d’échange de prisonniers.
Une telle mesure impliquerait de bloquer sélectivement non seulement le détroit de Bab el-Mandeb et la route de la mer Rouge vers le canal de Suez, mais
aussi le détroit d’Ormuz, coupant ainsi les livraisons de pétrole et de gaz à Israël en provenance du Qatar, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis – bien que les principaux
fournisseurs de pétrole d’Israël soient en fait l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan.
Ces Yéménites n’ont peur de rien. S’ils parvenaient à imposer le triangle – dans ce cas uniquement avec l’implication directe de l’Iran – cela
représenterait le Grand dessein sous stéroïdes cosmiques du général Qassem Soleimani de la Force Qods, assassiné par les États-Unis. Ce plan a le potentiel réaliste de faire
s’écrouler la pyramide de centaines de milliers de milliards de dollars de produits dérivés et, par conséquent, l’ensemble du système financier occidental.
Et pourtant, alors que le Yémen contrôle la mer Rouge et l’Iran le détroit d’Ormuz, le Triangle d’Al-Aqsa ne reste qu’une hypothèse de travail.
Bienvenue dans le blocus de
l’Hégémon
Avec une stratégie simple et claire, les Houthis ont parfaitement compris que plus ils attirent les Américains privés de stratégie dans le marécage
géopolitique de l’Asie occidentale, dans une sorte de mode de «guerre non déclarée», plus ils sont en mesure d’infliger de graves douleurs à l’économie mondiale, que le Sud mondial
mettra sur le dos de l’Hégémon.
Aujourd’hui, le trafic maritime de la mer Rouge a chuté de moitié par rapport à l’été 2023 ; les chaînes d’approvisionnement sont bancales ; les navires
transportant des denrées alimentaires sont contraints de contourner l’Afrique (et risquent de livrer la cargaison après sa date de péremption) ; comme on pouvait s’y attendre,
l’inflation dans la vaste sphère agricole de l’UE (d’une valeur de 70 milliards d’euros) est en hausse rapide.
Pourtant, il ne faut jamais sous-estimer un empire acculé.
Les géants occidentaux de l’assurance ont parfaitement compris les règles du blocus limité d’Ansarullah : Les navires russes et chinois, par exemple,
peuvent naviguer librement en mer Rouge. Les assureurs mondiaux ont uniquement refusé de couvrir les navires américains, britanniques et israéliens, exactement comme le voulaient les
Yéménites.
Les États-Unis ont donc, comme on pouvait s’y attendre, transformé le récit en un gros mensonge : «Ansarullah s’en
prend à l’ensemble de l’économie mondiale».
Washington a mis le turbo sur les sanctions (ce qui n’est pas grave puisque la résistance yéménite a recours au financement islamique), a intensifié les
bombardements et, au nom de la sacro-sainte «liberté de navigation» – toujours appliquée de manière sélective – a parié sur la «communauté internationale», notamment les dirigeants du
Sud mondial, qui l’implorent de faire preuve de clémence, c’est-à-dire de laisser les voies de navigation ouvertes, s’il vous plaît. L’objectif de la nouvelle tromperie américaine,
recadrée, est de pousser le Sud mondial à abandonner son soutien à la stratégie d’Ansarullah.
Prêtez attention à ce tour de passe-passe crucial des États-Unis : Car, à partir de maintenant, dans une nouvelle tournure perverse de l’Opération
Protection du Génocide, c’est
Washington qui bloquera la mer Rouge pour le monde entier. Washington elle-même sera épargnée : Le transport maritime américain dépend des routes commerciales du Pacifique,
pas de celles de l’Asie occidentale. Les clients asiatiques et surtout l’économie européenne, déjà durement touchée par les sanctions énergétiques russes liées à l’Ukraine, en
souffriront encore plus.
Selon l’interprétation
de Michael Hudson, il est fort possible que les néoconservateurs en charge de la politique étrangère américaine veuillent en fait (c’est moi qui souligne) que le Yémen et l’Iran
mettent en œuvre le Triangle d’Al-Aqsa : «Ce sont les
principaux acheteurs d’énergie en Asie, la Chine et d’autres pays qui seront touchés. Et cela (…) donnera aux États-Unis encore plus de pouvoir pour contrôler l’approvisionnement en
pétrole du monde comme monnaie d’échange pour essayer de renégocier ce nouvel ordre international».
Il n’existe aucune preuve solide que le Pentagone ait la moindre idée de ce que ses Tomahawks frappent au Yémen. Même plusieurs centaines de missiles
n’y changeront rien. Ansarullah, qui a déjà enduré huit ans de puissance de feu ininterrompue de la part des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes
unis – et qui a pratiquement gagné – ne se laissera pas abattre aujourd’hui par quelques frappes de missiles.
Même les proverbiaux «responsables anonymes» ont informé le New York
Times que «la localisation
des cibles houthies s’est avérée plus difficile que prévu», essentiellement en raison de la médiocrité des renseignements américains sur la «défense aérienne,
les centres de commandement, les dépôts de munitions et les installations de stockage et de production de drones et de missiles» du Yémen.
Il est très instructif d’écouter comment le Premier ministre yéménite Abdulaziz
bin Saleh Habtoor présente la décision d’Ansarullah concernant l’initiative de blocus d’Israël comme étant «basée sur des
aspects humanitaires, religieux et moraux». Il fait référence, de manière cruciale, à «notre peuple à
Gaza». Et la vision globale, nous rappelle-t-il, «découle de la
vision de l’Axe de la Résistance».
C’est une référence que les observateurs avisés reconnaîtront comme l’héritage permanent du général Soleimani.
Doté d’un sens historique aigu – de la création d’Israël à la crise de Suez en passant par la guerre du Vietnam – le Premier ministre yéménite rappelle
comment «Alexandre le
Grand a atteint les côtes d’Aden et de l’île de Socotra mais a été vaincu (…) Les envahisseurs ont tenté d’occuper la capitale de l’État historique de Shebah et ont échoué (…) Combien
de pays au cours de l’histoire ont tenté d’occuper la côte ouest du Yémen et ont échoué ? Notamment la Grande-Bretagne».
Il est absolument impossible pour l’Occident et même la Majorité mondiale de comprendre la mentalité yéménite sans apprendre quelques faits de l’Ange de
l’Histoire.
Revenons donc au maître de l’histoire universelle du XIVe siècle, Ibn Khaldoun, l’auteur de la Muqaddimah.
Ibn Khaldoun déchiffre le code
d’Ansarullah
La famille d’Ibn Khaldoun était contemporaine de l’essor de l’empire arabe, se déplaçant aux côtés des premières armées de l’islam au VIIe siècle, de
l’austère beauté des vallées de l’Hadramaout, dans l’actuel sud du Yémen, jusqu’à l’Euphrate.
Ibn Khaldoun était un précurseur de Kant, qui a eu la brillante idée que «la géographie est
à la base de l’histoire». Et il a lu le maître de la philosophie andalouse du XIIe siècle, Averroès – ainsi que d’autres écrivains révélés aux œuvres de Platon et a compris
comment ce dernier faisait référence à la force morale du «premier peuple» dans le Timée, en 360 av. J.-C..
Oui, il s’agit bien de «force morale» – pour l’Occident, un simple slogan ; pour l’Orient, une philosophie essentielle. Ibn Khaldoun a compris que la
civilisation est née et s’est constamment renouvelée grâce à des personnes dotées d’une bonté et d’une énergie naturelles ; des personnes qui comprenaient et respectaient le monde
naturel, qui vivaient dans la lumière, unies par le sang ou rassemblées par une idée révolutionnaire ou un élan religieux commun.
Ibn Khaldoun a défini l’asabiyya comme cette force qui unit les gens.
Comme beaucoup de mots en arabe, asabiyya présente un éventail de significations diverses, vaguement reliées entre elles. La plus pertinente est sans
doute l’esprit de corps, l’esprit d’équipe et la solidarité tribale, à l’instar d’Ansarullah.
Comme le démontre Ibn Khaldoun, lorsque le pouvoir de l’asabiyya est pleinement exploité, bien au-delà de la tribu, il devient plus puissant que la
somme de ses parties individuelles et peut devenir un catalyseur pour remodeler l’histoire, faire ou défaire les empires, encourager les civilisations ou les forcer à
s’effondrer.
Nous vivons sans aucun doute un moment d’asabiyya, grâce à la force morale de la résistance yéménite.
Solide comme un
roc
Ansarullah a compris de manière innée la menace du sionisme eschatologique – qui se trouve être le reflet des croisades chrétiennes d’il y a un
millénaire. Et ils sont pratiquement les seuls, en termes pratiques, à essayer de l’arrêter.
En prime, ils révèlent une fois de plus l’hégémonie ploutocratique en bombardant le Yémen, l’État-nation arabe le plus pauvre, dont la moitié de la
population au moins est en situation d’insécurité alimentaire.
Mais Ansarullah n’est pas dépourvu d’armes lourdes comme les moudjahidines pachtounes qui ont humilié l’OTAN en Afghanistan.
Ses missiles de croisière antinavires comprennent le Sayyad et le Quds Z-O (d’une portée allant jusqu’à 800 km) et le Al Mandab 2 (d’une portée allant
jusqu’à 300 km).
Leurs missiles balistiques anti-navires sont notamment le Tankil (portée jusqu’à 500 km), l’Asef (portée jusqu’à 450 km) et l’Al-Bahr Al-Ahmar (portée
jusqu’à 200 km). Cela couvre la partie sud de la mer Rouge et le golfe d’Aden, mais pas, par exemple, les îles de l’archipel de Socotra.
Représentant environ un tiers de la population du pays, les Houthis du Yémen, qui forment l’épine dorsale de la résistance Ansarullah, ont leur propre
agenda interne : Obtenir une représentation équitable dans la gouvernance (ils ont lancé le printemps arabe au Yémen), protéger leur foi zaydite (ni chiite ni sunnite), lutter pour
l’autonomie du gouvernorat de Saada et œuvrer à la renaissance de l’imamat zaydite, qui était en place avant la révolution de 1962.
Aujourd’hui, ils sont en train d’imprimer leur marque sur la «grande image». Il n’est pas étonnant qu’Ansarullah combatte férocement les Arabes vassaux
de l’Hégemon – en particulier ceux qui ont signé un accord de normalisation des relations avec Israël sous l’administration Trump.
La guerre saoudo-émiratie contre le Yémen, avec l’Hégémon «menant depuis les coulisses», a été un bourbier qui a coûté à Riyad au moins 6 milliards de
dollars par mois pendant sept ans. Elle s’est terminée par une trêve bancale de 2022 et une victoire de facto d’Ansarullah. Il convient de noter qu’un accord de paix signé a été
rejeté par les États-Unis, malgré les efforts déployés par l’Arabie saoudite pour conclure un accord.
Aujourd’hui, Ansarullah bouleverse la géopolitique et la géoéconomie avec non seulement quelques missiles et drones, mais aussi des océans de ruse et
d’acuité stratégique. Pour citer la sagesse chinoise, imaginez qu’un simple rocher modifie le cours d’un ruisseau, qui modifie ensuite le cours d’un fleuve puissant.
Les épigones de Diogène peuvent toujours faire remarquer, à moitié en plaisantant, que le partenariat stratégique Russie-Chine-Iran a peut-être
contribué, avec ses propres rochers bien placés, à l’avènement d’un ordre plus équitable. C’est là toute la beauté de la chose : il se peut que nous ne puissions pas voir ces rochers,
mais seulement les effets qu’ils provoquent. Ce que nous voyons, en revanche, c’est la résistance yéménite, solide comme un roc.
Le bilan montre que l’Hégémon, une fois de plus, se met en mode pilote automatique : Bombarder, bombarder, bombarder. Et dans ce cas précis, bombarder
revient à détourner le récit d’un génocide commis en temps réel par Israël, le porte-avions de l’Empire au Moyen-Orient.
Cependant, Ansarullah peut toujours augmenter la pression en s’en tenant fermement à son récit et, poussé par le pouvoir de l’asabiyya, livrer à
l’Hégémon un deuxième Afghanistan, en comparaison duquel l’Irak et la Syrie ressembleront à un week-end à Disneyland.
Il se dit beaucoup de choses sur les Houthis, mais là encore les Français asphyxiés par la propagande et une vision néo-colonialiste qui recycle
quelques traces de la guerre froide n’ont pas la moindre idée de ce qui se joue dans cette zone qui rassemble le plus grand nombre de «bases» tout en étant traditionnellement un des
lieux dans lesquels s’est toujours jouée l’indépendance de l’Afrique mais aussi celle du Moyen-Orient, tout en contrôlant une grande partie du trafic économique de la planète. Voici
donc grâce à Marianne Dunlop une information précieuse provenant de ce qui demeure en Russie un des meilleurs centres de connaissance du monde arabe et musulman.
Danielle
Bleitrach
*
par Youri Mavachev
Les Houthis du Yémen sont devenus
une nouvelle ligne de fracture entre l’Est et l’Ouest. Des dizaines, voire des centaines de milliers de volontaires arabes peuvent vouloir se venger de l’Occident pour les griefs du
passé récent à Gaza. Personne ne peut les retenir.
La malédiction générique de l’Occident est son manque de volonté de comprendre les nuances des problèmes du monde. Ainsi, des acteurs extrarégionaux,
les États-Unis et le Royaume-Uni, se sont une fois de plus immiscés au Moyen-Orient. Cette fois au Yémen, avec leur opération «Gardien de la prospérité» contre les Houthis du
mouvement Ansar Allah. Malgré les potentiels incomparables des deux camps, Washington et ses alliés ont peu de chances de réussir.
Et ce n’est pas tant les qualités ou les capacités de combat des rebelles qui sont en cause. Sans prendre la peine d’étudier le terrain, l’Occident
collectif est arrivé trop tard, dans une région complètement différente et éveillée. Pour comprendre la profondeur de l’erreur américaine, il faut revenir huit ans en arrière. C’est à
cette époque que les premières tentatives ont été faites pour mettre au pas les maîtres du détroit de Bab el-Mandeb. Et avec des données initiales beaucoup plus favorables à une
expédition punitive.
En 2015, la large coalition qui est intervenue dans la guerre civile au Yémen était composée d’États locaux – arabes – au fait de la situation sur le
terrain, et donc bien mieux informés que les Américains sur les faiblesses des Houthis. De plus, ils disposaient de budgets militaires gonflés par le pétrole.
D’une manière générale, vu de l’extérieur, le processus ressemblait à ceci : des habitants de la péninsule arabique traitaient avec d’autres. Le
processus était dirigé par l’Arabie saoudite, qui considérait comme une question de principe la répression de la résistance chiite aux autorités sunnites de son voisin.
La légitimité des actions de la coalition était renforcée par le fait que les Houthis s’étaient positionnés et étaient perçus par leurs adversaires
comme la principale force pro-iranienne, et donc chiite, de la péninsule arabique. C’est-à-dire sur ces terres où la religion abrahamique – l’islam – d’obédience sunnite a vu le jour.
En conséquence, pour Riyad, en tant que gardien du Hedjaz, le territoire de La Mecque et de Médine, sacré pour les musulmans, un tel voisinage avec les chiites «apostats» était
inacceptable.
Néanmoins, même à cette époque, ni la légitimité ni les frappes aériennes de la coalition arabe utilisant des armes de haute précision coûteuses, y
compris américaines, n’ont changé qualitativement la situation sur le théâtre de la guerre. Le blocus naval qui a affamé les Yéménites n’a pas non plus changé la donne. En réponse,
les Houthis ont en effet frappé très efficacement les infrastructures pétrolières de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Sans entrer dans les détails de cette guerre,
retenons l’essentiel : après huit années de combats sanglants et insensés, les représentants des pays les plus riches de la région ont préféré retirer leurs troupes, en entamant des
pourparlers de paix avec les Houthis. Les parties, non sans difficultés, se sont mises d’accord sur tout.
Oui, les rebelles d’Ansar Allah n’ont effectivement pas été épargnés par l’attention et l’assistance de l’Iran dans cette guerre. Les missiles
balistiques de moyenne portée Kheybar Shekan, ainsi que certains types de drones utilisés par les Houthis contre la coalition, ne peuvent être produits de manière artisanale. Les
Houthis possèdent également des missiles antinavires chinois de moyenne portée YJ-8. Ces arsenaux servent encore aujourd’hui aux Houthis. Cependant, toutes les forces politiques ne
sont pas en mesure de combiner les méthodes militaires et politiques.
Les Houthis sont un groupe militaro-politique et en même temps religieux de la minorité chiite, les Zeidites. Il est vrai que cette minorité représente
un tiers de la population du pays. Leur mouvement «Ansar Allah» («Adhérents d’Allah») est apparu au Yémen à la fin des années 1990. L’appellation «Houthis» vient du nom du fondateur
du mouvement, Hussein Badruddin al-Husi, homme politique, religieux et commandant de campagne. En 2004, il a été tué lors de combats avec l’armée yéménite. Son frère Abdel-Malik
al-Husi dirige aujourd’hui les rebelles. Les Houthis ont donc accumulé beaucoup d’expérience en près de 20 ans de combat.
Les succès qui les accompagnent le confirment. Depuis 2014, les Houthis ont réussi à prendre pied dans 14 des 22 régions du Yémen. La capitale Sanaa est
également contrôlée par les rebelles. L’autre partie du Yémen est contrôlée par le gouvernement internationalement reconnu, dont la capitale est Aden. D’ailleurs, en tant que «vrais
patriotes», ils ont soutenu les frappes de la coalition occidentale sur leur pays. Ils se sont toutefois plaints que les États-Unis agissaient sans l’aval des Nations unies et qu’ils
ne coordonnaient toujours pas leurs actions avec les autorités officielles du Yémen.
Entre-temps, pratiquement aucun des États qui ont précédemment combattu les Houthis ne se range cette fois-ci du côté de la coalition dirigée par les
États-Unis contre eux. Sauf, bien sûr, si l’on compte le Bahreïn, dont l’autonomie de décision est très discutable. La 5e flotte de l’US Navy est stationnée sur le territoire de
l’État depuis de nombreuses années.
L’explication du phénomène de «non-alignement» est la solidarité panislamique. Après que les Houthis ont déclaré la guerre à Israël à l’automne 2023, la
rue arabe a commencé à sympathiser avec les rebelles. Et les monarchies du Golfe la craignent comme le feu après les événements du printemps arabe. Cette crainte est fondée – les
actions anti-israéliennes d’Ansar Allah semblent importantes pour le monde arabe aussi parce que les monarchies du Golfe ont en fait préféré l’inaction au soutien des coreligionnaires
palestiniens. En tout cas, il n’a jamais été question d’un blocus commercial d’Israël de leur part. Il est donc extrêmement dangereux d’entrer en guerre du côté des «infidèles» de
l’Occident contre ceux qui sont en réalité en guerre contre Israël. Les Houthis ont attaqué par défi les navires naviguant vers les ports israéliens.
Le soutien sans équivoque de l’administration de Joe Biden à Israël contre le Hamas a joué un rôle presque décisif à cet égard. Tous les observateurs
savent que depuis octobre 2023, la couverture aérienne de l’État hébreu est assurée par plusieurs groupes de porte-avions de la marine américaine depuis plusieurs eaux. Sans parler
des deux mille marines de la 26e unité expéditionnaire. Inutile de préciser comment cette présence étrangère est perçue par les musulmans du monde entier, pour qui Jérusalem est une
ville sainte.
La position du dirigeant turc Recep Erdogan, qui suit de près le monde arabe, est également un marqueur du sentiment anti-occidental dans la région. Ce
n’est pas un hasard s’il a critiqué les États-Unis et la Grande-Bretagne pour les frappes non autorisées au Yémen. Bien qu’Ankara fasse officiellement partie du bloc de l’OTAN.
En outre, même un dirigeant clé d’Asie du Sud, qui a été littéralement cajolé par les États-Unis ces derniers temps, comme l’Inde, a préféré la
diplomatie à la force brute contre les Houthis. Lors de l’escalade, le ministre indien des Affaires étrangères Subramanyam Jaishankar n’a pas appelé Biden ou Sunak, mais s’est adressé
au mécène d’Ansar Allah, l’Iran, pour «atténuer ensemble
les problèmes mondiaux» dans la région.
Les Houthis sont donc devenus une nouvelle ligne de fracture entre l’Est et l’Ouest. Par conséquent, tôt ou tard, la coalition dirigée par les
États-Unis et la Grande-Bretagne devra faire face aux sentiments anti-occidentaux massifs dans les pays arabes. Surtout s’il s’agit d’une opération terrestre. Des dizaines, voire des
centaines de milliers de volontaires des pays arabes pourraient vouloir se venger de l’Occident pour les infractions commises récemment à Gaza. Qui empêchera ces volontaires de
s’opposer au monde islamique ? Les monarchies du Golfe ? Non, bien sûr.