15 août : Débarquement de Provence

L’Armée d’Afrique a libéré la France

Par Eric De Verdelhan - Le 10 /08/2022.

Source : Ripôste Laïque.

 

« La rapidité avec laquelle les divisions s’emparent, non sans de durs combats, de Toulon et de Marseille assure aux forces alliées un avantage excellent immédiat…Après ces opérations, la 1ère   Armée pousse vers le nord au cours de l’automne et de l’hiver et se trouve engagée dans des combats difficiles et continus dans les Vosges; les formations nord-africaines, particulièrement les Tirailleurs et les Goumiers, jouent à nouveau un rôle essentiel dans la montagne, au prix de lourdes pertes… »

(Anthony Clayton(1)).

 

Depuis deux ou trois ans, Macron, profite de ses vacances à Brégançon pour redorer son blason en se rendant aux cérémonies du débarquement en Provence du 15 août 1944.

Le fera-t-il cette année ? Sans doute, car ce sera l’occasion pour lui de prononcer un discours fleuve – il adore ça ! – et de regagner quelques points dans les sondages : sa cote de popularité remontera auprès des militaires, qui aiment qu’on honore leurs combats (et leurs rares victoires) ; auprès des Franco-maghrébins (d’Algérie, de Tunisie et du Maroc) qui essaient, depuis des années (2), de nous faire croire qu’on les a utilisés comme « chair à canon » pour libérer la métropole ; auprès de « pieds noirs » qui sont contents qu’on reconnaisse enfin leur participation à la libération de la Patrie. Pour lui, c’est du pain béni, il aurait tort de s’en priver !

Chaque année, la presse aux ordres nous explique que, par cette commémoration, Macron est dans la suite logique de son « Itinérance mémorielle » à l’égard des poilus de 14-18, et qu’il prend ainsi une dimension de chef d’Etat « disparue depuis le général De Gaulle ».

Or, il nous a surtout démontré sa capacité à dire tout et son contraire pour glaner quelques suffrages : il honore l’Armée d’Afrique « et en même temps » il fustige le colonialisme et les « crimes contre l’humanité » commis en Algérie. En clair, il racole chez les musulmans !

C’est une bonne chose que de saluer la libération de notre sol national, mais encore faut-il le faire avec un minimum d’honnêteté intellectuelle. Nous avons un « devoir de mémoire ».

Je voudrais, par exemple, qu’on arrête d’entretenir le mythe, aussi stupide que mensonger, de « la France libérée par elle-même » et du « premier résistant de France » boutant le teuton hors de France à coups de croix de Lorraine, aidé par les FTP communistes (3).

La « barbarie nazie » a été mise à bas par …360 divisions soviétiques, et sur notre sol, par 90 divisions américaines, 20 divisions britanniques et… l’Armée d’Afrique.

Il n’est donc pas exagéré de dire que l’Armée d’Afrique a libéré la France.

Rappelons, pour mémoire, que lors du débarquement en Provence d’août 1944, le général Giraud mobilisa 27 classes de Français d’AlgérieDu jamais vu, même pendant la Grande Guerre!

176 500 furent réellement incorporés. Ils se sont remarquablement battus et leur taux de pertes au feu fut deux fois supérieur à celui des autres unités alliées ayant participé, de près ou de loin, à la libération du sol national. Et tant pis s’il faut, ici, contredire les auteurs du film « Indigènes » mais l’effort demandé aux musulmans fut moindre: sur 14 730 000 habitants de l’Algérie, 233 000 furent mobilisés soit 1,58% de la population. La majorité était constituée d’engagés volontaires.

L’effort consenti librement par les musulmans d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie ET Maroc) fut 10 fois moins important que celui demandé aux « pieds noirs ».

A partir du 15 août 1944, ce sont environ 260 000 combattants de « l’Armée B » du général de Lattre de Tassigny, qui ont débarqué dans le sud de la France. 10 % étaient originaires de la métropole (les « Français Libres » de De Gaulle), 90 % venaient d’Afrique du Nord dont une écrasante majorité pour les départements d’Algérie. (48 % étaient des «pieds noirs»).

Sur les 400 000 soldats « alliés » du débarquement de Provence, 260 000 étaient des soldats (ou des supplétifs) français. Il est bon de le rappeler aux gens qui se chargent de réécrire l’histoire.

Pour relativiser les choses, il faut se souvenir que le 6 juin 1944, les « Français Libres » qui débarquèrent ce jour-là étaient…177 : les « bérets verts » du commando Kieffer.

La 2ème DB du général Leclerc – celle qui est entrée dans l’histoire – n’a débarqué qu’en août 1944 sur le sol de France.  Et, aussi  glorieuse soit-elle, ce n’était jamais qu’UNE division.

À l’origine appelée « Anvil » (enclume en anglais), le nom a été changé en « Dragoon » par un caprice de Winston Churchill qui était opposé à ce débarquement. Il déclara y avoir été « contraint » (dragooned en anglais). Il souhaitait, lui, une percée des troupes déployées sur le front d’Italie vers les Balkans pour prendre en tenaille l’armée allemande en Europe centrale et surtout, arriver à Berlin avant les troupes soviétiques.

L’opération « Dragoon » incluait un atterrissage de planeurs (opération « Dove ») et un faux débarquement dans le Nord de l’Italie (opération « Span »).

Le 15 août 1944, l’occupant fait sauter les installations portuaires : plus de 200 navires sont coulés et le célèbre pont transbordeur de Marseille est détruit.

Le 19 août 1944, le général de Lattre de Tassigny reçoit l’ordre du général Patch, qui commande la VII° Armée américaine, de prendre Toulon et Marseille.

Deux groupements sont constitués pour attaquer simultanément les deux ports:

Le premier aux ordres du général de Larminat, est chargé d’attaquer Toulon : il compte 52 000 hommes, principalement de la 1ère Division des Français Libres (1ère DFL) du général Diégo Brosset, et de la 9ème  Division d’Infanterie Coloniale (9ème  DIC) du général Magnan.

Après des combats aussi rudes qu’héroïques, le nettoyage de la ville est confié à la 9ème  DIC.

La reddition de Toulon a lieu le 26 août 1944. Le bilan est lourd : Selon le général de Lattre, les pertes françaises sont de 2 700 tués ou blessés. Les pertes du seul 6ème  Régiment de Tirailleurs Sénégalais (6ème RTS) commandé par le colonel Raoul Salan sont, pour la période du 18 au 25 août 1944, de 107 tués, 19 disparus et 461 blessés.

Les Allemands comptent environ 1 000 tués et 17 000 prisonniers.

Le second groupement est chargé d’attaquer Marseille : 12 000 hommes, essentiellement de la 3ème  Division d’Infanterie Algérienne (3ème DIA) aux ordres du général de Goislard de Monsabert, des Groupements de Tabors Marocains (GTM) et de la 1ère Division Blindée (1ère  DB).

Le lundi 21 août, les FFI de Marseille, commandés par Henri Simon, lancent l’insurrection accompagnée d’un mot d’ordre de grève générale. Ils occupent rapidement quelques bâtiments et carrefours mais, mal armés et peu nombreux, leur position est critique jusqu’à l’arrivée des Tirailleurs Algériens de la 3ème DIA  du général de Monsabert et des Goumiers Marocains du général Guillaume, appuyés par la 1ère DB, qui pénètrent dans Marseille le mercredi 23. Les combats seront d’une rare violence jusqu’à la capitulation du général Schaeffer le 28 août.

La encore, le bilan est lourd : 1800 tués ou blessés du côté français. Du côté allemand, on dénombre plus de 2 000 tués et 11 000 prisonniers.

Le Général de Montsabert écrira dans son rapport sur la bataille: « Onze mille prisonniers, un grand nombre de pièces d’artillerie intactes, des stocks de munitions et de vivres, les installations portuaires sauvées de la destruction totale sont le bilan de cette libération victorieuse… »

On me dit souvent que j’oublie « le poids considérable de la Résistance ».

Non, je n’oublie rien et j’ai un profond respect pour les vrais résistants. Ceux qui n’ont pas attendu les deux débarquements pour voler au secours de la victoire (4). Mais la Résistance, d’après l’historien Basil H. Liddell Hart, a représenté l’équivalent de deux divisions ; deux… sur les 500 venues à bout du Nazisme.

Il faut se souvenir aussi que, lors de la Libération, l’armée a réussi à incorporer – péniblement – moins de 100 000 résistants alors que, sur les trois départements d’Algérie, le général Giraud était arrivé à  mobiliser 300 000 hommes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !

Pourquoi nos manuels d’histoire ont-ils oublié l’Armée d’Afrique ?

D’abord parce que ces troupes magnifiques ont été appelées « l’Armée du Maréchal » :

En effet, beaucoup de commandants d’unités étaient des hommes de Vichy qui vouaient un profond respect à la personne du Maréchal Pétain, ce qui entache le mythe gaulliste.

Sans doute, aussi, pour faire oublier qu’après une guerre gagnée militairement, le 19 mars 1962, la France a lâchement, tragiquement, honteusement, abandonné les «pieds noirs» et les musulmans  venus la libérer en 1944… Ces derniers ont espéré, en vain, un renvoi d’ascenseur.

Si Emmanuel Macron était honnête – ce dont je doute -, il rendrait hommage aux « pieds noirs » pour l’effort consenti pour libérer la métropole.

Il oublierait l’influence néfaste des Stora et consorts, reconnaîtrait les bienfaits de l’œuvre française en Algérie et demanderait  pardon de l’avoir qualifiée de « crime contre l’humanité ».

Mais, s’il était honnête, il ne serait pas président de la « Ripoux-blique » !

Eric de Verdelhan

 

1)- « Histoire de l’Armée française en Afrique » d’Anthony Clayton, (Albin Michel, 1994).

2)- En particulier depuis la sortie du film de propagande « Indigènes » réalisé par Rachid Bouchareb, en 2006. Avec ce film, Jacques Chirac découvrait, parait-il, le rôle des musulmans dans la libération de la France. En réalité ce film était encore un prétexte pour une séance de « lèche-babouches ».

3)- J’ai traité ce sujet dans mon livre « Mythes et Légendes du Maquis » (Editions Muller, 2018).

4)- Pas les salopards-revanchards qui punissaient la «collaboration horizontale» à coup de tondeuse !

 

[HISTOIRE] 15 août 1944 : L’armée française débarque en Provence !

 

Source : Bd. Voltaire - par le Col. Georges Michel - Le 14/08/2024.

Le général de Lattre de Tassigny

Le Gal. J. de Lattre de Tassigny.

 

« Il faut pourtant patienter encore durant tout un jour. Mais le 16*, à 17 heures, la minute attendue fiévreusement arrive enfin. Dans le lointain, on aperçoit la forêt des Maures qui brûle. D’un seul élan, sur tous les navires, tandis que montent les couleurs, la Marseillaise éclate, la plus poignante qu’on ait jamais entendue. Les torpilleurs de notre escorte et les croiseurs de l’amiral Jaujard, qui depuis vingt-quatre heures soutiennent de tous leurs feux les premiers assauts de nos alliés, défilent, les équipages rangés à la bande, à contre-bord de mon bâtiment. Dans la splendeur lumineuse de cette soirée d’été provençale, avides, les yeux embués, le cœur étreint, tous regardent la terre qui leur apporte le premier sourire de la France retrouvée. » 

Ces lignes magnifiques, presque cinématographiques, sont signées du général de Lattre de Tassigny dans son Histoire de la Première armée française, publiée en 1949. La veille, le 15 août, l’opération Dragoon, sous le commandement du général américain Patch, jetait ses forces sur nos belles côtes de Provence : 350.000 hommes, dont 250.000 Français aux ordres de De Lattre. Le débarquement de Provence – celui que l’on appelle, un peu péjorativement, « l’autre débarquement » - commençait. Face aux Alliés, 250.000 Allemands déployés dans le grand sud de la France.

Un débarquement qui faillit ne pas avoir lieu en Provence mais du côté de Trieste, en Italie, afin de « porter la guerre vers l’Europe centrale » alors que la progression des forces alliées en Italie allait à grands pas (les troupes du général Juin, venues d’Afrique, avaient défilé dans Rome le 15 juin après de terribles combats dans le sud de l’Italie). Le général Juin, vainqueur du Garigliano, défendait du reste cette option orientale, comme le raconte le « roi Jean » dans son Histoire : « Du succès lui-même allait naître une menace », écrit-il. Heureusement, le général Eisenhower, commandant suprême des forces alliées, jugeait vitale l’ouverture d’« une seconde grande porte d’accès en France » et eut le dernier mot.

L’armée française invitée à se tailler la part du lion ! 

Les Américains furent les premiers à débarquer, précédés, dans la nuit du 14 au 15, par des troupes des forces spéciales, notamment françaises, et après un matraquage aérien redoutable. « Faut-il dire avec quelle passion les Français, toujours en mer, durant cette radieuse journée de l’Assomption, recevaient les nouvelles des succès remportés par leurs alliés du 6e corps [américain] », raconte de Lattre. Mais les Français n’allaient pas rester longtemps spectateurs. Après le débarquement entre Cavalaire et Saint-Tropez, c’est la réarticulation, la mise en ordre de marche et le combat. L’objectif, pour l’armée française qui s’appelle encore l’Armée B avant de devenir la 1re armée française en septembre ? Il n’est pas des moindres : attaque du camp retranché de Toulon puis Marseille. Deux môles de résistance allemande mais aussi des ports en eau profonde d'un intérêt stratégique évident pour la suite des opérations. « Toulon, Marseille… L’armée française était invitée à se tailler la part du lion ! », écrit le général vendéen. Un général vendéen qui sera fait citoyen d’honneur de Cogolin, le 17 août. Le second citoyen d’honneur de ce village, proche de Saint-Tropez, puisque le premier avait été Georges Clemenceau, natif, comme de Lattre, de Mouilleron-en-Pareds !

Quant aux Américains du 6e corps, ils reçurent pour mission de progresser directement vers le nord et le nord-ouest en remontant par la vallée du Rhône et la Haute-Provence : le 25 août, les troupes de la 3e division d’infanterie - la fameuse Rock of the Marne, en souvenir de son action héroïque durant la seconde bataille de la Marne en 1918, et qui totalisera plus de 530 jours de combats continus, depuis l’Afrique du Nord, la Sicile, la Provence, la vallée du Rhône, la poche de Colmar, l’Allemagne jusqu’à Berchtesgaden - libéraient Avignon. Toulon et Marseille, malgré de durs combats, seront libérées un mois plus tôt que l’avait prévu la planification minutieuse des Alliés. Quand la gloire s'impatiente et prend le galop ! Le 29 août, les troupes de la 3e division d’infanterie algérienne, commandée par le général de Montsabert, avec notamment les tirailleurs algériens et les chasseurs d’Afrique, mais aussi les Forces françaises de l’intérieur (FFI), défilent sur le Vieux-Port. La veille, de bon matin, une messe solennelle avait été célébrée à Notre-Dame de la Garde en présence des porte-drapeau et étendards de la 3e DIA. Une autre époque...

Nord-Africains et pieds-noirs sous les armes

Faut-il rappeler, ici, que la majorité des troupes françaises qui participèrent au débarquement de Provence, à l’exception de la 1re division française libre (DFL) du général Brosset, provenait de l’Armée d’Afrique ? Cette fameuse « petite Armée d’Afrique de transition que le général Weygand avait reformée et retrempée après l’Armistice, dans une intention qu’il n’avait dissimulée à personne », comme le rappelait le maréchal Juin, dans son discours de réception à l’Académie française, le 25 juin 1953. La moitié de ces troupes étaient d’origine nord-africaine, l’autre moitié d’origine européenne, notamment pieds-noirs. Oui, il fallait le rappeler, quand on se souvient du message du ministre des Armées Sébastien Lecornu, à l'occasion du 8 mai dernier...

Mais laissons au maréchal de Lattre de Tassigny, évoquant la « Victoire de Provence », le soin de conclure. « En imposant à la lutte un rythme extraordinaire de rapidité, en empêchant l'ennemi de jamais se ressaisir et de jouer de ses réserves, nos soldats n'ont pas seulement affirmé leur supériorité et remporté des succès locaux considérables : ils ont littéralement hâté l'heure de la victoire finale. »

* NDLR : 16 août 1944

Le général de Lattre de Tassigny, aquarelle de Siss

 

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