C’est ce que vient de déclarer notre philosophe national dans une longue interview accordée au Figaro et dans laquelle il n’a pas mâché ses mots. Mezri Haddad,
le seul et le premier penseur à avoir compris, dès janvier 2011, la finalité « islamo-atlantiste » du « printemps arabe » et qui a tout fait pour alerter ses compatriotes, est revenu sur les
causes objectives et occultées de la vague terroriste qui frappe la France. Celui qui a eu la clairvoyance de déclarer aux Français, le 13 janvier 2011, sur BFM-TV et au micro de Jean-Jacques
Bourdin, que « Si vous continuez à galvaniser la jeunesse tunisienne contre son propre pays, c’est chez vous que vous finirez par avoir le printemps arabe » ! Tunisiens comme Français
l’avaient pris à l’époque pour un fou. Ils rient beaucoup moins aujourd’hui.
Mezri Haddad fustigeant le "printemps arabe" chez Jean-Jacques Bourdin, le 13 janvier 2011. L'Histoire lui a donné raison.
FIGAROVOX. - En tant que philosophe de culture musulmane, que vous inspire ce dernier acte terroriste qui a visé une Eglise et lors duquel le père Jacques
Hamel a été atrocement assassiné ?
Mezri HADDAD. - Cela m'inspire de la compassion pour les victimes, du dégout à l'égard d'une religion sclérosée et souillée et un profond sentiment
de haine - comme disent les enfants chéris de la diversité - vis-à-vis des auteurs de cet acte barbare et de leurs nombreux semblables qui peuvent à tout moment basculer dans le terrorisme
islamiste parce qu'ils y sont psychologiquement et idéologiquement prédisposés. Cela me renvoie aussi à tous les crimes commis au nom d'Allah et pour la gloire affligeante de son prophète, des
moines de Tibhirine aux victimes de Nice, en passant par les nombreux prêtres et pasteurs en Syrie et en Irak dont nul n'évoque le supplice. L'assassinat d'un prêtre chrétien dans son Eglise
ajoute à cette barbarie humaine une réalité irréductible que certains anesthésiés par l'islamophilie, ou dissuadés par l'islamophobie, refusent de voir: le choc des civilisations est bien là et
il est loin d'avoir atteint son stade paroxystique.
Comment expliquez-vous un tel enchainement d'événements terroristes, les uns aussi violents que les autres ?
Un tel emballement ne s'explique pas, mais il se décline et se raconte! En France et dans le monde occidental en général, on est incapable de rationaliser un
phénomène qui échappe par définition même à la rationalité cartésienne, d'où les concepts ineptes qu'on invente tous les jours sur les plateaux de télévisions comme pour conjurer un mal faute de
le supprimer: radicalisation, auto-radicalisation, déradicalisation, loup solitaire… Si certains candides ou cyniques n'osent plus justifier l'abomination terroriste par l'injustice sociale et la
ghettoïsation, il y a aujourd'hui des «spécialistes» qui convoquent la psychanalyse pour expliquer l'attitude de l'homo islamicus. Ainsi, le criminel de Nice serait en instance de divorce et
c'est pour cette raison qu'il a pris la vie à 84 innocents ; idem pour les quatre auteurs d'attaques terroristes en une semaine en Allemagne qui souffriraient de troubles mentaux.
Et votre explication de ces événements ?
Cette accélération d'actes islamo-terroristes a une histoire dont certaines élites intellectuelles, politiques et médiatiques devraient avoir honte. C'est
l'histoire, au nom de la sacro-sainte laïcité, de la déchristianisation du pays qui fut jadis et naguère la fille aînée de l'Eglise. L'histoire des belles églises qu'on a remplacées par des
mosquées sous le prétexte fallacieux qu'elles n'avaient plus de fidèles, alors qu'on n'a pas cessé, depuis trois siècles, de culpabiliser les catholiques et d'enseigner aux chrétiens que leur foi
était strictement intérieure et qu'elle n'avait pas besoin de temples ni d'églises pour être vécue et partagée. C'est ainsi qu'est née chez certains intégristes musulmans le phantasme de la
conversion de la France à la religion de Saïd Qutb, d'Abdelwahab, de Qaradaoui et de Ben Laden. C'est l'histoire de la sempiternelle idéologie des droits de l'homme qui a ouvert la voix au
fondamentalisme et qui tétanise encore aujourd'hui les rares responsables politiques qui voudraient extirper par ses racines l'islamo-fascisme. L'histoire de l'école dite laïque qu'on croit
sauver par des réformettes cosmétiques. L'histoire de l'université aujourd'hui envahie par les voilées et les enturbannés. L'histoire des territoires perdus de la République et conquis par les
délinquants et les trafiquants de drogue recyclés dans le djihadisme et rédempteur pour certains et expiatoire pour d'autres. L'histoire des relations avec certaines monarchies du Golfe qu'on a
autorisé à subvertir l'islam en France avant de lui réexpédier ses hordes fanatisées. L'histoire de l'antisémitisme qu'on a laissé couver jusque dans les écoles, les universités et les mosquées
pour sauvegarder un semblant de paix sociale… Ajoutez à toutes ces causes endogènes les méfaits du «printemps arabe» que le monde occidental a soutenu et exalté, et vous aurez l'histoire
exhaustive de l'islamo-terrorisme en France.
En quoi le printemps arabe serait-il responsable de ce qui se passe aujourd'hui en France et en Europe ?
En janvier 2011, j'avais déclaré sur une grande chaîne de télévision française que si vous continuez à applaudir le printemps arabe, vous finirez par l'avoir chez
vous. Il existe sans l'ombre d'un doute un lien de causalité entre ce printemps dit arabe et la prolifération du terrorisme islamiste partout dans le monde et notamment en France. Sous les
régimes de Saddam Hussein, de Kadhafi, de Bachar Al-Assad et de Ben Ali, il n'y avait sans doute pas de démocratie mais il n'y avait pas non plus ce type de terrorisme systématique, global et
aveugle. Al-Qaïda existait mais elle était beaucoup plus un ramassis de wahhabites et de Frères musulmans qu'une organisation planétaire et à plus forte raison un «Etat islamique», avec un
territoire, une armée active sur le terrain conquis, une autre, celle de l'ombre et qui est délocalisée eu Europe, une bannière, une idéologie théocratique et totalitaire, des gisements de
pétrole sous son contrôle et une stratégie de guerre pour soumettre le monde civilisé à ses exigences obscurantistes. Les liens de causes à effets entre «printemps arabe», islamisme et terrorisme
sont multiples. Je n'en prendrais ici qu'un seul exemple, celui de la Tunisie dont certains continuent à louer l'exemplarité par cécité ou par cynisme. De pays fournisseurs jusqu'en 2011 de
cadres scientifiques et de mains d'œuvre qualifiés, elle est devenue le premier pays exportateur de terroristes, avec près de 13000 djihadistes éparpillés entre la Syrie, l'Irak, la Libye et
certaines capitales européennes.
Que faire devant une telle situation où la France, la Belgique, l'Allemagne et également la Tunisie, indistinctement, subissent les assauts du terrorisme
?
Pour le leur avoir dit et réitéré, les gouvernants de Nidaa Ennahda en Tunisie savent ce qu'ils ont à faire pour éradiquer un mal à l'implantation duquel ils
avaient largement contribué. Quant à la France, il va falloir que l'on prenne les choses bien au sérieux, en commençant par réaliser que le terrorisme islamiste n'est pas un épiphénomène
conjoncturel qui finira par se résorber, mais un fléau qui s'inscrit dans la durée, qui est appelé à s'amplifier et qui va frapper encore plus cruellement pour faire imploser la société française
et provoquer une guerre civile consubstantiellement liée au conflit des religions. L'heure n'est plus à l'allumage de bougies, aux oraisons funèbres et aux discours martiaux. Il ne suffit pas de
répéter ce que les Français savent et subissent dans leur chaire et dans leur esprit, à savoir que la France est en guerre. Il s'agit désormais d'agir et d'appliquer les impératifs catégoriques
en temps de guerre.
Comment, puisque cette guerre est non-conventionnelle et que l'ennemi est insaisissable, qu'il peut surgir de partout et frapper où il veut
?
D'abord par la prévention et l'anticipation en mettant hors d'état de nuire toute personne susceptible de basculer dans le terrorisme. Ces personnes, et a
fortioriles djihadistes de retour de Syrie et d'Irak, doivent être isolés de la société quitte à leur construire un Guantanamo après leur avoir retiré la nationalité française. Les milliers
d'immigrants qui ont afflué ces cinq dernières années doivent bénéficier d'un billet sans retour chez eux, lorsque certains gouvernants occidentaux qui ont contribué à la destruction de leurs
pays y auraient réinstauré la paix civile et la sécurité. Les frontières nationales doivent redevenir hermétiques en dépit des dogmes suicidaires des européistes. Les réseaux sociaux doivent être
strictement surveillés et leurs fournisseurs poursuivis en justice pour apologie du terrorisme. Les relations diplomatiques avec les pays musulmans complices idéologique ou financier ou
logistique de l'islamisme daéchien doivent être rompues. Ne s'est-ont pas interrogé comment la Turquie à qui on a confié la sécurité des frontières de l'Europe est-elle devenue exportatrice de
pétrole?
Ensuite par les mesures stratégiques à tous les niveaux, à commencer par une révision globale de la politique pénale, par une véritable réforme scolaire
intransigeante sur les valeurs républicaines, ainsi que par la réorganisation totale de l'islam en France en revoyant à la baisse ses revendication communautaristes, prosélytes et intrinsèquement
islamistes. L'islam de France doit ressembler à la France et il doit être parfaitement compatible avec les idéaux éthiques et philosophiques de ce pays. L'islam wahhabite, l'islam des Frères
musulmans, l'islam des talibans ne doivent plus se sentir chez eux en France. Il faut libérer l'islam du carcan islamiste.
Cela nécessite aussi un effort de la part des musulmans qui vivent paisiblement en France et qui ne se reconnaissent point en cet islam des burkas et des
attentats !
C'est d'autant plus exact qu'une lourde responsabilité pèse sur la majorité des musulmans quiétistes en France et qui aspirent à vivre en paix avec leurs
compatriotes catholiques, protestants, juifs, bouddhistes ou athées. Amalgame ou pas, les criminels qui massacrent au nom d'Allah n'ont pas émergé du néant mais ils viennent des entrailles mêmes
de l'islam coranique. C'est à eux et à eux seuls que revient la tâche historique d'expurger l'islam de ses scories et de ses nécroses.
Un aggiornamento n'est plus souhaitable mais il est urgent, vital et décisif. Nonobstant la sacralité pathologique du corpus coranique, la sécularisation
de l'islam est tout à fait possible à condition de se libérer des dogmes éculés, de se libérer de la «tradition déviante» et de renouer avec ce qu'Olivier Carré appelait la «Grande tradition»,
c'est-à-dire l'islam d'Averroès, celui d'Ibn Arabi, de Tawhidi et de Miskawayh qui ont opéré voilà des siècles la disjonction du temporel et du spirituel dont la confusion constituait et
constitue toujours l'un des dogmes fondateurs de l'islam.
En attendant l'émergence de ce que certains appellent l'islam des Lumières, les mesures «préventives» et «stratégiques» que vous préconisez ne
risquent-elles pas d'indigner les militants des droits de l'homme et, plus grave encore, d'accréditer la thèse selon laquelle si nous reculons en termes de liberté, c'est que les terroristes ont
déjà vaincus ?
Au diable les droits de l'homme si le droit à la vie n'est plus assuré. Primo, la sécurité est également un droit de
l'homme des plus précieux, que tous les philosophes contractualistes comme Hobbes, Locke, Kant ou même Rousseau mettent au cœur du contrat social et au-dessus même de la liberté. C'est que la
liberté n'a aucun sens dans l'insécurité. Secundo, le premier devoir de l'Etat, c'est d'assurer la liberté de chacun dans la sécurité de tous. Un Etat qui n'est plus en mesure d'assurer la
sécurité à ses citoyens perd ipso facto sa légitimité. La violence légitime chère à Max Weber est le monopole exclusif de l'Etat. Il doit en faire usage sans tergiversation et sans état
d'âme. C'est le prix à payer si l'on veut éviter ce qui peut arriver de pire dans une société, la guerre civile.
Les musulmans doivent comprendre qu'il y va aujourd'hui et dans les années à venir de la survie de l'islam en tant que religion, et les dirigeants français doivent réaliser qu'il y va de la pérennité de la France en tant qu'Etat, en tant que civilisation, en tant que modèle de société basé sur la tolérance,
sur l'humanisme des Lumières, sur l'altérité et sur le vivre ensemble.
Interview réalisée par Alexandre Devecchio et publiée dans Le Figaro du 27 juillet 2016.
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