L’Algérie acquise aux islamistes

...par William Kergroach - le 17/07/2017.

 

L'Algérie n'a pratiquement jamais connu l'indépendance. Après l'occupation carthaginoise, la féconde période romaine et chrétienne (sujet tabou), l'intérim byzantin et les invasions vandales, l'Algérie est conquise par les Arabes dès le 7e siècle. Sous la férule des Ottomans en 1515, puis des Français en 1830, elle obtient l'indépendance, le 3 juillet 1962... Sous le patronage des Américains et avec les instructeurs soviétiques dans les casernes. Aujourd'hui, après 55 ans de mensonges du FLN, la rue algérienne se tourne vers les islamistes, persuadée que « eux, au moins, ne voleront pas »... 

 

L'Algérie est indépendante de la France depuis 1962. Le pays est riche. 18e producteur de pétrole mondial, 10e producteur de gaz naturel, 98 % de ses revenus en devise viennent du gaz et du pétrole. Mais la baisse mondiale des cours du prix du pétrole, depuis 2014, et la diminution des exportations de pétrole vers les États-Unis, qui exploitent maintenant leurs gaz de schiste, obligent aujourd'hui l'État algérien à faire des économies impopulaires en arrêtant ses multiples subventions à la consommation. Exit la paix sociale, les prix des produits de première nécessité, du gaz, de l’électricité et des carburants grimpent en flèche, la colère gronde et les barbes s'allongent dans la rue. C'est que l'armée et les politiciens du Front de Libération Nationale (FLN), au pouvoir depuis l'indépendance, sont discrédités par leurs fraudes et leur corruption depuis 55 ans. La république islamique est devenue le seul horizon politique qu'envisage le peuple algérien. Washington surveille et organise tout cela, gardant un œil sur le pétrole algérien. 

 

L'Algérie a été autorisée à donner des leçons pendant des années, au nom de la décolonisation, du socialisme rayonnant et du plaisir de Washington à humilier les anciennes puissances coloniales.

 

 Ahmed Ben Bella, à peine désigné président de l'Algérie indépendante en 1962, sur les cadavres des harkis et des pieds-noirs oranais du 5 juillet 1962, après avoir imposé le FLN comme parti unique, visite Washington, en octobre 1962. Il est fort bien reçu, remercie poliment ces gentils Américains de l'avoir aidé à se débarrasser des Français. 

 

 Mais sa visite à la Maison-Blanche est aussitôt suivie, au grand désarroi des Américains, d'une visite à la Havane. Alger a choisi, en effet, le camp de Moscou, sous couvert de non-alignement. Houari Boumediene s'empare du pouvoir en 1965, nationalise le gaz et le pétrole (compagnie Sonatrach), inspire Muammar Kadhafi et Saddam Hussein, qui nationalisent à leur tour et provoquent le premier choc pétrolier de 1973. C'est l'Algérie, toujours, qui prétend négocier avec le Viêtnam pour libérer les derniers otages américains en 1973, envoie des troupes en Égypte lors de la guerre du Kippour de 1973, soutient Yasser Arafat en 1965, l'impose aux Nations unies en 1974. C'est encore l'Algérie qui entend imposer la paix entre l'Iran et l'Irak, prétend régler la crise du Liban, gigote au sein de l'Union africaine, dénonce l'apartheid en Afrique du Sud, tout en livrant le pays aux imams égyptiens et pakistanais, pour mieux couper les ponts avec Paris. Les cadres du FLN ont eu des instituteurs français : ils ne font que singer les idéaux révolutionnaire de 1793, avec un zeste d'Islam en plus.

 

À la mort de Houari Boumediene, en 1978, Chadli Bendjedid devient président, poursuit activement la politique d'arabisation du pays, invite, en 1988, le Conseil national palestinien à proclamer l'indépendance de la Palestine, prétend convaincre le président Saddam Hussein de sortir du Koweït...  

Sur le plan intérieur, le président Bendjedid doit mettre fin à la dictature du FLN, il ouvre la porte à la démocratie. Aussitôt, fallait-il être surpris, les islamistes du Front islamique du salut (FIS) remportent les élections municipales algériennes, le 21 juin 1990, puis les élections législatives du 26 décembre 1991. L'armée sonne la fin de la récréation, suspend les élections au début de l’année 1992 et renvoie Chadli Bendjedid à l'écriture de ses mémoires. L'Algérie plonge dans la guerre civile. 200 000 personnes sont tuées. L'Algérie récolte les fruits de décennies d'arabisation. Pendant que les dirigeants du FLN parlaient de socialisme, les enfants algériens récitaient les sourates du Coran dans les madrassas.

 

On rappelle Mohamed Boudiaf, un des chefs historiques du FLN exilé pendant 28 ans. Il veut s'attaquer à la corruption qui gangrène l'appareil d'État, et finit donc assassiné, en plein discours le 29 juin 1992. En 1994, le FLN place Liamine Zeroual à la présidence. Il remporte les élections présidentielles en 1995, mais doit remettre sa démission, car son rapprochement avec le Front islamique du salut (FIS), qui a conduit à une trêve avec l'Armée islamique du salut (AIS), déplaît à certains militaires qui, dans la "Revue de politique internationale", sous la signature du "général X", déclarent que l'armée ne permet pas aux islamistes « de reprendre par les urnes ce qu'ils ont perdu par les armes ». 

 

Abdelaziz Bouteflika, l'actuel président (officiel), a remporté quatre élections, depuis 1999, record de longévité politique en Algérie. On dit qu'il a permis à son pays de sortir de la guerre civile en proposant l'amnistie aux combattants islamistes dès 1999. Mais, a-t-il eu seulement le choix ? Aujourd'hui, l'Algérie, vit au rythme d'un Code de la famille directement inspiré de la chariâa, le Coran est enseigné à l'école, et tout a été fait pour que le pays oublie la période coloniale française par l'arabisation systématique de la société. Le pays est mûr pour une république islamiste, ce n'est qu'une question de temps pour que le fruit tombe.

 

L'insurrection islamiste continue. Les groupes armés islamistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) sont actifs surtout dans la région du Sahara, où ils passent impunément les frontières du Mali et de la Libye pour destabiliser la région. 

Le journal El Watan peut bien déplorer, en 2015, la banalisation de l'extrémisme musulman. À peine, une semaine après les législatives du 4 mai, 2017, le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal a appelé Abderrazak Makri, président du Mouvement pour la société de la paix (MSP, tendance Frères musulmans), pour lui demander de participer au prochain gouvernement. C'est que, devant la poussée populaire, les cadres du FLN anticipent l'avenir. Ils font de plus en plus la courbette devant les religieux. 

 

 L'écrivain Anouar Rahmani risque une peine d’emprisonnement de 5 ans pour blasphème, à cause d'un article du code pénal, le code 144 bis 2, datant de décembre 2006, qui stipule qu'est « puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de cinquante mille à cent mille dinars (de 421 à 842 euros), quiconque offense le prophète (paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen. » Anouar Rahmani défend les communautés homosexuelles, les minorités religieuses en Algérie, le droit à l’incroyance et toutes les formes de liberté. Avec l’enquête du Parquet algérien, le gouvernement s'engage, prêt à plier devant les exigences de futures alliances politiques avec les Frères Musulmans. Les années progressistes, l'émancipation des femmes, le socialisme ne sont plus à l'ordre du jour, la rue n'en veut pas. 

 

La pauvreté reste élevée, le chômage endémique. La corruption du gouvernement et des militaires et de l'administration achèvent d'alimenter l'insatisfaction populaire. Certes, les caciques du FLN et de l'armée resteront au pouvoir autant qu'ils pourront après la mort d'Abdelaziz Bouteflika, qui est déjà depuis longtemps inconscient dans sa résidence de Zeralda et dont nous n'apprendrons la mort clinique que bien après qu'il ait été enterré. Les barbus attendent leur heure. Elle arrivera, brutale, sauvage, nourrie de décennies d'injustice, de promesses non tenues et de crimes d'état impunis.

 

De leur côté, les Américains continuent d'observer les groupes djihadistes d'Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), dans la bande sahélienne au sud du pays, depuis leur base construite et modernisée par BRC Halliburton à côté de l’oasis d’Ihérir, à 110 km nord-ouest de Djanet, et à 220 km de la frontière libyenne dans le Tassili des Adjer, depuis 2004. Les manœuvres militaires sont déjà communes entre les forces spéciales américaines, les forces spéciales algériennes et les mercenaires sud-africains émargeant auparavant chez Executive Outcomes (cf. Robert Kaplan « Hog Pilots, Blue Water grunts »), Le P3 Orion et les 6 avions Beech-1900 Hisar tournent déjà en permanence dans le ciel algérien. 

 

Qu'importe si les groupes salafistes préparent leur entrée sur la scène politique algérienne par la violence, s'il y a moyen de s'arranger pour le pétrole et l'uranium de l'Algérie, on trouvera bien le moyen de les accueillir à Washington, comme on avait accueilli M. Ben Bella et ses amis en 1962.

 

Source : http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/l-algerie-acquise-aux-islamistes-195156

 

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